Language of document : ECLI:EU:T:1997:113

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

11 juillet 1997(1)

«Modification du régime de l'huile d'olive — Absence de période transitoire —Recours en indemnité»

Dans l'affaire T-267/94,

Oleifici Italiani SpA, société de droit italien, établie à Ostuni (Italie), représentéepar Mes Piero A. M. Ferrari et Massimo Merola, avocats au barreau de Rome, etAntonio Tizzano, avocat au barreau de Naples, ayant élu domicile à Luxembourgen l'étude de Me Alain Lorang, 51, rue Albert 1er,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. Eugenio deMarch, conseiller juridique, en qualité d'agent, assisté de Me Alberto Dal Ferro,avocat au barreau de Vicence, ayant élu domicile à Luxembourg auprès deM. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner,Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de réparation du préjudice prétendument subi parla requérante du fait de l'absence de mesure transitoire dans le règlement (CEE)n° 1429/92 de la Commission, du 26 mai 1992, modifiant le règlement (CEE)n° 2568/91 relatif aux caractéristiques des huiles d'olive et de grignons d'olive ainsiqu'aux méthodes d'analyse y afférentes (JO L 150, p. 17),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),



composé de MM. R. García-Valdecasas, président, J. Azizi et M. Jaeger, juges,

greffier: M. A. Mair, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 4 février 1997,

rend le présent

Arrêt

Cadre réglementaire

  1. Par le règlement n° 136/66/CEE, du 22 septembre 1966, modifié à plusieursreprises, le Conseil a établi une organisation commune des marchés dans le secteurdes matières grasses (JO 1966, 172, p. 3025, ci-après «règlement n° 136/66»). Sonarticle 35 bis, introduit par le règlement (CEE) n° 1915/87 du Conseil, du 2 juillet1987 (JO L 183, p. 7, ci-après «règlement n° 1915/87»), prévoit que les produitsvisés à l'article 1er, parmi lesquels figurent les huiles, ne peuvent êtrecommercialisés dans la Communauté qu'à certaines conditions.

  2. Le règlement (CEE) n° 2568/91 de la Commission, du 11 juillet 1991, relatif auxcaractéristiques des huiles d'olive et des huiles de grignons d'olive ainsi qu'auxméthodes d'analyse y afférentes (JO L 248, p. 1, ci-après «règlement n° 2568/91»),définit, à l'article 1er, paragraphe 2, les caractéristiques que doit présenter l'huiled'olive vierge lampante. Ce règlement exclut expressément de son champd'application les huiles d'olive conditionnées avant la date de son entrée en vigueur,soit le 6 septembre 1991, et commercialisées jusqu'au 31 octobre 1992.

  3. Le règlement litigieux est le règlement (CEE) n° 1429/92 de la Commission, du 26mai 1992, modifiant le règlement (CEE) n° 2568/91 relatif aux caractéristiques deshuiles d'olive et de grignons d'olive ainsi qu'aux méthodes d'analyse y afférentes(JO L 150, p. 17, ci-après «règlement n° 1429/92»), entré en vigueur le 5 juin 1992.Par cet acte, la Commission a modifié les annexes du règlement n° 2568/91définissant les caractéristiques que doivent présenter les diverses catégories d'huilesd'olive, en particulier la teneur maximale en isomères «trans». Dès l'entrée envigueur du règlement n° 1429/92, les huiles dont la teneur en isomères «trans»excédaient ce plafond n'ont plus pu être commercialisées dans la Communauté.Toutefois, «pour ne pas causer un préjudice au commerce», la Commission a prévula possibilité d'écouler pendant une période limitée de l'huile conditionnée avantl'entrée en vigueur de ce règlement (deuxième considérant du règlementn° 1429/92). C'est pourquoi elle a exclu du champ d'application dudit règlement leshuiles d'olive conditionnées avant son entrée en vigueur, soit le 5 juin 1992, etcommercialisées jusqu'au 31 octobre 1992 (article 2, deuxième alinéa, du règlementn° 1429/92).

    Faits à l'origine du litige et procédure


  4. En juillet 1991, la requérante a importé 6 500 tonnes d'huile d'olive viergelampante de Tunisie. Afin de bénéficier du régime de perfectionnement actif, ellea, à partir du 29 octobre 1991, mis cette huile en importation temporaire enplusieurs tranches, en vue de la raffiner. Étant dans l'impossibilité de vendre leproduit à bref délai, elle a placé un certain tonnage d'huile d'olive en vrac raffinéeen entrepôt douanier à partir du 1er avril 1992. 920 tonnes ont ensuite étéréexportées dans des pays tiers.

  5. A partir de l'entrée en vigueur du règlement n° 1429/92, l'huile restant en entrepôtdouanier n'a plus pu — en tant que telle — être commercialisée sur le marchécommunautaire, car elle ne satisfaisait plus aux nouveaux critères introduits par lerèglement n° 1429/92.

  6. Par lettre du 21 décembre 1993, la requérante a demandé à la défenderesse deprendre à son égard une décision portant réparation du préjudice que le règlementn° 1429/92 lui aurait causé. Elle lui a également annoncé son intention d'introduireun recours en carence au cas où aucune solution ne pourrait être trouvée.

  7. La défenderesse a ensuite élaboré et communiqué à la requérante un projet derèglement ayant pour objet de modifier, avec effet rétroactif, le règlementn° 1429/92 en ce sens qu'il ne serait pas applicable aux quantités d'huile d'olive quise trouvaient sous un régime douanier suspensif, à la condition que ce régime soit«apuré» avant la date du 31 décembre 1994.

  8. Par lettre du 20 janvier 1994, la requérante a informé la défenderesse qu'ellen'intenterait pas de recours au cas où les mesures envisagées entreraient en vigueurdans un délai raisonnable.

  9. Le 29 avril 1994, le projet de règlement n'avait toujours pas été mis à l'ordre dujour du comité de gestion. Par lettre datée du même jour, la requérante a, en vertude l'article 175 du traité CE, formellement invité la défenderesse à prendre lesmesures destinées à réparer le préjudice qu'elle aurait subi à la suite de l'adoptiondu règlement n° 1429/92.

  10. Par lettre du 5 mai 1994, la défenderesse a fait savoir à la requérante qu'elle«n'accept[ait] aucune responsabilité pour les pertes alléguées» et que«l'écoulement de l'huile en question d[evait] être effectué en conformité avec laréglementation existante».

  11. La requérante a déposé la requête introductive du présent recours le 18 juillet1994.

  12. Par lettre du 13 février 1995, la défenderesse a informé le ministère des Financesitalien qu'une autorisation éventuelle de la vente de l'huile d'olive en cause relevaitde la compétence des autorités nationales.

  13. Après que les autorités italiennes eurent délivré une telle autorisation, larequérante a exporté, au cours des années 1995 et 1996, la plus grande part del'huile d'olive en entrepôt douanier dans des pays tiers.

  14. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d'ouvrirla procédure orale et d'adopter des mesures d'organisation de la procédure, au titrede l'article 64 du règlement de procédure, consistant à demander aux parties derépondre par écrit, avant la date de l'audience, à certaines questions.

  15. Les représentants des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et en leursréponses aux questions orales posées par le Tribunal à l'audience, qui s'estdéroulée le 4 février 1997.

    Conclusions des parties

  16. Dans sa requête, la requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

    • constater, au titre de l'article 175 du traité, la carence de la défenderesse,en ce qu'elle a omis d'adopter les mesures spécifiques destinées à réparerle préjudice prétendument subi par la requérante par suite du règlementn° 1429/92;

    • condamner la défenderesse, au titre des articles 178 et 215 du traité, àréparer le préjudice subi par la requérante du fait que le règlementn° 1429/92 ne prévoit pas de régime transitoire pour l'huile d'olive en vracplacée en entrepôt douanier, le préjudice étant estimé à 18 473 millions deLIT, équivalant au prix d'achat de l'huile d'olive litigieuse, majoré desintérêts et des frais de stockage, d'assurance et de raffinage (16 083 millionsde LIT), augmenté du manque à gagner résultant de l'impossibilité de larevendre (2 359 millions de LIT);

    • condamner la défenderesse aux dépens.



  17. Par lettre du 16 septembre 1996, la requérante a réduit sa demande d'indemnitéà 7 345 millions de LIT, correspondant aux frais de stockage, aux intérêts sur cesfrais et aux frais de caution qu'elle aurait encourus.

  18. A l'audience, la requérante s'est désistée de ses conclusions en carence.

  19. La défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

    • rejeter le recours formé au titre des articles 178 et 215 du traité;

    • condamner la requérante aux dépens.

    Sur le recours en indemnité

  20. A titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence établie,l'engagement de la responsabilité de la Communauté suppose que la requéranteprouve l'illégalité du comportement reproché à l'institution concernée, la réalité dudommage et l'existence d'un lien de causalité entre ce comportement et lepréjudice invoqué (arrêts de la Cour du 29 septembre 1982, OleificiMediterranei/CEE, 26/81, Rec. p. 3057, point 16, et du Tribunal du 13 décembre1995, Exporteurs in Levende Varkens e.a./Commission, T-481/93 et T-484/93, Rec.p. II-2941, point 80, du 11 juillet 1996, International ProcurementServices/Commission, T-175/94, non encore publié au Recueil, point 44, et du 16octobre 1996, Efisol/Commission, T-336/94, non encore publié au Recueil,point 30).

  21. Si le comportement reproché consiste en une omission d'une institutioncommunautaire, il n'est susceptible d'engager la responsabilité de la Communautéque dans la mesure où l'institution concernée a violé une obligation légale d'agirrésultant d'une disposition communautaire (voir, par exemple, l'arrêt de la Cour du15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C-146/91, Rec. p. I-4199,point 58).

  22. Si l'illégalité reprochée concerne un acte normatif, la responsabilité de laCommunauté est subordonnée à la constatation de la violation d'une règlesupérieure de droit protégeant les particuliers. Enfin, si l'institution a adopté l'actenormatif dans l'exercice d'un large pouvoir d'appréciation, la responsabilité de laCommunauté ne saurait être engagée que si la violation est caractérisée, c'est-à-dire si elle revêt un caractère manifeste et grave (voir arrêts de la Cour du 2décembre 1971, Schöppenstedt/Conseil, 5/71, Rec. p. 975, point 11, du 25 mai 1978,HNL e.a./Conseil et Commission, 83/76 et 94/76, 4/77, 15/77 et 40/77, Rec. p. 1209,point 6, du 19 mai 1992, Mulder e.a./Conseil et Commission, C-104/89 et C-37/90,Rec. p. I-3061, point 12, et du Tribunal du 6 juillet 1995, Odigitria/Conseil etCommission, T-572/93, Rec. p. II-2025, point 34, et Exporteurs in Levende Varkense.a./Commission, précité, point 81).

  23. Le Tribunal examinera d'abord si la requérante a prouvé l'existence d'uncomportement illégal de la défenderesse.

    Sur le prétendu comportement illégal

  24. D'abord, la requérante doute que le règlement n° 1429/92 puisse être qualifiéd'acte normatif impliquant un choix de politique économique, mais soutient que,en toute hypothèse, il est satisfait, en l'espèce, aux critères dégagés par le jugecommunautaire dans sa jurisprudence relative à la responsabilité de laCommunauté pour l'adoption d'un acte normatif (voir ci-dessus point 22).

  25. En n'ayant pas prévu, dans le règlement litigieux, de période transitoire pour l'huiled'olive en vrac placée en entrepôt douanier, la défenderesse aurait violé lesprincipes de non-discrimination, de proportionnalité, de protection de la confiancelégitime et du respect des droits acquis.

    1. Violation du principe de la confiance légitime

    Arguments des parties

  26. La requérante reproche à la défenderesse d'avoir violé le principe de la confiancelégitime pour les deux raisons suivantes. Premièrement, le règlement n° 1429/92,qui ne prévoit pas de période transitoire, se fonde sur l'article 35 bis du règlementn° 136/66 du Conseil, introduit par le règlement n° 1915/87 du Conseil (voir point1). Or, le règlement n° 1915/87 est entré en vigueur quatre mois après sonadoption. De même, les autres règlements de la Commission faisant expressémentréférence à l'article 35 bis précité contenaient également des dispositionstransitoires pour les diverses catégories d'huile d'olive, sur le modèle du règlementn° 1915/87, à l'exception de ceux portant sur des mesures concernant le commercede détail, tel le règlement (CEE) n° 1860/88 de la Commission, du 30 juin 1988,établissant des normes particulières de commercialisation dans le secteur de l'huiled'olive et modifiant le règlement (CEE) n° 938/88, portant dispositions particulièresrelatives à la commercialisation d'huile d'olive contenant des substances indésirables(JO L 166, p. 16). En tant qu'il ne prévoit pas de régime transitoire pour l'huile envrac, le règlement n° 1429/92 se distinguerait donc des autres règlements cités etviolerait en conséquence le principe de la confiance légitime.

  27. Deuxièmement, selon la jurisprudence communautaire, le principe de la confiancelégitime imposerait d'éviter que des opérateurs ayant effectué d'importantsinvestissements et s'étant définitivement engagés, à l'égard de l'autorité publique,à accomplir des opérations déterminées puissent voir leurs intérêts économiqueslésés par l'entrée en vigueur de réglementations dont l'adoption n'était pasprévisible. Il s'ensuivrait que, dans ces cas, les institutions concernées auraientl'obligation d'adopter un régime transitoire pour protéger les intérêts de cesopérateurs, à moins qu'un intérêt péremptoire fasse obstacle à l'adoption d'un telrégime (arrêts de la Cour du 27 avril 1978, Stimming/Commission, 90/77, Rec.p. 995, point 6, du 16 mai 1979, Tomadini, 84/78, Rec. p. 1801, point 20, et du 11juillet 1991, Crispoltoni, C-368/89, Rec. p. I-3695, point 21). En l'espèce, nonseulement la requérante aurait investi pour acheter l'huile et la raffiner, mais ellese serait aussi engagée irrévocablement à l'égard de l'autorité publique en sesoumettant à des obligations douanières. Or, la défenderesse n'aurait invoquéaucun intérêt public supérieur l'empêchant de prévoir un régime transitoire. Enréalité, elle ne serait pas fondée à alléguer qu'un régime transitoire était exclu pourdes raisons de prévention des fraudes. En effet, la présence d'isomères «trans» nerévélerait pas nécessairement des opérations frauduleuses, mais pourrait aussirésulter d'opérations licites de raffinage. En outre, l'huile litigieuse aurait étéconstamment contrôlée par les autorités douanières dès son importation.

  28. La défenderesse souligne la différence fondamentale existant entre le règlementn° 1915/87 et le règlement n° 1429/92. En effet, le premier a modifié le règlementde base n° 136/66, notamment en introduisant l'article 35 bis. En revanche, lerèglement n° 1429/92 contiendrait seulement des mesures d'application durèglement de base. A l'instar du règlement n° 1429/92, le règlement d'applicationn° 2568/91, qui était en vigueur au moment de l'importation de l'huile par larequérante, n'aurait pas non plus été assorti d'un régime transitoire en ce quiconcerne les huiles non conditionnées.

  29. En outre, elle allègue que la requérante savait depuis juillet 1991 que laCommission avait l'intention d'adopter le règlement n° 1429/92, qui n'est entré envigueur que le 5 juin 1992.

  30. De plus, l'instauration d'une période transitoire pour l'huile en vrac auraitcompromis l'objectif principal du règlement n° 1429/92, à savoir la protection dela pureté de l'huile. La possibilité de commercialiser, pendant une certaine périodeaprès l'entrée en vigueur du règlement n° 1429/92, une huile en vrac non conformeaux caractéristiques de pureté fixées dans le règlement aurait accru les risques defrelatage que le règlement avait précisément pour but d'empêcher.

  31. Par ailleurs, la nomenclature tarifaire adaptée au règlement n° 1429/92 n'étantentrée en vigueur que le 19 février 1993 pour les huiles en transit vers les paystiers, le règlement n° 1429/92 n'aurait été applicable qu'à partir de cette date,laissant ainsi toute liberté à la requérante de réexporter l'huile litigieuse sous ladénomination d'huile d'olive raffinée jusqu'à cette date.

    Appréciation du Tribunal

  32. Si le principe de la protection de la confiance légitime s'inscrit parmi les principesfondamentaux de la Communauté, les opérateurs économiques ne sont toutefoispas justifiés à placer leur confiance légitime dans le maintien d'une situationexistante qui peut être modifiée dans le cadre du pouvoir d'appréciation desinstitutions communautaires et cela spécialement dans un domaine comme celui desorganisations communes des marchés, dont l'objet comporte une constanteadaptation en fonction des variations de la situation économique (voir notammentarrêts de la Cour du 21 mai 1987, Rau e.a., 133/85 à 136/85, Rec. p. 2289, point 18,et du 5 octobre 1994, Crispoltoni e.a., C-133/93, C-300/93 et C-362/93, Rec.p. I-4863, point 57). Un opérateur économique ne saurait davantage faire valoir undroit acquis ou même une confiance légitime dans le maintien d'une situationpréexistante qui peut être modifiée par des décisions prises par les institutionscommunautaires dans le cadre de leur pouvoir d'appréciation (arrêt de la Cour du5 octobre 1994, Allemagne/Conseil, C-280/93, Rec. p. I-4973, point 80).

  33. A la lumière des principes ainsi dégagés, il convient d'examiner si la requérantepouvait avoir, en l'espèce, une espérance fondée dans l'introduction d'une périodetransitoire pour l'huile d'olive en vrac.

  34. Premièrement, la requérante ne saurait fonder sa prétention sur l'existence, dansle règlement n° 1915/87, d'une disposition fixant l'entrée en vigueur de celui-ciapproximativement quatre mois après sa publication. En effet, alors que l'objet durèglement n° 1915/87 était d'adapter les dénominations et définitions des huilesd'olive en vue de faciliter leur commercialisation, celui du règlement n° 1429/92 estde modifier, à titre de mesures d'application du règlement de base, lescaractéristiques des huiles d'olive dans le but de mieux assurer leur pureté.

  35. Dans le cadre du large pouvoir d'appréciation dont il jouit en matière de politiqueagricole commune (voir ci-dessus point 32), le législateur communautaire est fondéà privilégier l'objectif de mieux assurer la pureté d'un produit déterminé, ainsi que,implicitement, celui de protéger les consommateurs, par rapport à celui, qu'il avaitéventuellement poursuivi dans un règlement antérieur, de faciliter lacommercialisation de ce produit.

  36. En ce qui concerne une éventuelle période transitoire, le règlement litigieux doitêtre apprécié par rapport au règlement n° 2568/91 qu'il modifie et qui participedonc de la même nature juridique que celui-ci. Or, ce dernier, comme le règlementn° 1429/92, ne prévoyait de période transitoire que pour de l'huile d'oliveconditionnée.

  37. En outre, la requérante, en tant que professionnelle du secteur, n'a pu ignorer,entre le jour de l'importation de l'huile litigieuse et l'entrée en vigueur durèglement n° 1429/92, l'adoption probable de celui-ci. Du reste, elle a reconnu lorsde l'audience avoir été au courant de ce que les normes techniques contenues dansle règlement n° 1429/92 avaient été antérieurement négociées et adoptées auniveau international par le Conseil oléicole international (COI) avant d'êtrereprises par la défenderesse.

  38. Deuxièmement, la jurisprudence invoquée par la requérante est dénuée depertinence en l'espèce. Elle invoque d'abord l'arrêt du 26 juin 1990,Sofrimport/Commission (C-152/88, Rec. p. I-2477), dans lequel la Cour a estiméque l'institution concernée avait violé le principe de la confiance légitime au motifqu'elle avait pris une mesure de sauvegarde en omettant complètement, sans faireétat d'un intérêt public péremptoire, de prendre en considération la situation desopérateurs économiques, tels que Sofrimport, qui avaient des marchandises encours d'acheminement, alors qu'une disposition spécifique l'y obligeait. A l'inverse,la réglementation pertinente en l'espèce ne contient aucune disposition spécifiquequi aurait obligé la défenderesse à tenir compte de la situation particulière desopérateurs détenant, au moment de l'adoption du règlement n° 1429/92, de l'huiled'olive en vrac en entrepôt douanier.

  39. La requérante invoque ensuite les arrêts de la Cour du 14 mai 1975,CNTA/Commission (74/74, Rec. p. 533, points 28 à 44), et Tomadini, précité(point 20). Dans l'arrêt CNTA/Commission, la Cour a considéré que le CNTA, quiavait obtenu des certificats d'exportation comportant préfixation du montant de larestitution à l'exportation, pouvait légitimement avoir confiance dans le fait que,pour des opérations irrévocablement engagées par lui, aucune modificationimprévisible n'interviendrait qui aurait pour effet de lui causer des pertesinévitables. Dans l'arrêt Tomadini, la Cour a explicité le principe du respect de laconfiance légitime dans l'hypothèse où il existe une réglementation spécifiquepermettant aux opérateurs économiques de se garantir, en ce qui concerne desopérations définitivement engagées, contre les effets des variations des modalitésd'application d'une organisation commune. Dans un tel cas, ce principe interdit auxinstitutions communautaires de modifier cette réglementation sans l'assortir demesures transitoires pour autant qu'un intérêt public péremptoire ne s'y opposepas.

  40. En l'espèce, la requérante ne peut pas faire état d'opérations irrévocablementengagées, le placement d'une marchandise en entrepôt douanier ne constituantqu'une étape préalable à sa commercialisation. Personne n'étant tenu de mainteniren entrepôt douanier une marchandise qu'il y a placée antérieurement, l'on nesaurait reconnaître à un tel placement le caractère d'un «engagement irrévocable»comme le prétend la requérante.

  41. La requérante n'ayant pas démontré l'existence de circonstances ayant puengendrer une confiance légitime, le grief tiré d'une violation de ce principe doitêtre rejeté.

    2. Violation du principe de non-discrimination

    Arguments des parties

  42. Selon la requérante, en prévoyant une période transitoire pour l'huile d'oliveconditionnée mais non pour l'huile d'olive en vrac, la défenderesse aurait, sansjustification objective, traité les détenteurs d'huile en vrac d'une façon moinsfavorable que ceux en possession d'huile conditionnée. En tout état de cause,l'objectif consistant à prévenir les fraudes ne justifierait pas cette différence detraitement.

  43. De surcroît, la défenderesse aurait exercé une discrimination injustifiée en traitantde façon identique les détenteurs d'huile d'olive en vrac se trouvant en librepratique et ceux ayant placé pareille huile en entrepôt douanier. En effet, selon larequérante, cette dernière ne pourrait pas faire l'objet de fraudes, en raison ducontrôle exercé par les autorités douanières.

  44. La défenderesse estime qu'un traitement différent de l'huile d'olive conditionnéeet de l'huile d'olive en vrac était objectivement justifié par la finalité du règlementn° 1429/92, qui est d'assurer la pureté de l'huile d'olive. En effet, une forteprésence d'isomères «trans» facilite la mixtion de l'huile avec des huiles de qualitéinférieure. En réponse à la question écrite posée par le Tribunal le 15 janvier 1997ainsi qu'au cours de l'audience, la défenderesse a justifié cette différence detraitement en alléguant que l'huile conditionnée présente moins de risques defrelatage que l'huile d'olive en vrac. Si la défenderesse avait prévu la facultéd'écouler l'huile en vrac pendant une période transitoire, cette huile aurait étéexposée plus longtemps au risque de falsification. Tel n'aurait pas été le cas del'huile conditionnée, le conditionnement empêchant toute altération frauduleuse.

    Appréciation du Tribunal

  45. Selon une jurisprudence constante, le principe de non-discrimination fait partie desprincipes fondamentaux du droit communautaire (arrêt Allemagne/Conseil, précité,point 67; arrêt du Tribunal du 11 décembre 1996, Atlanta e.a./CE, T-521/93, nonencore publié au Recueil, point 46). Ce principe exige que, sauf justificationobjective, des situations comparables soient traitées de manière identique.

  46. Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que le législateur communautaire dispose, enmatière de politique agricole commune, d'un large pouvoir d'appréciation quicorrespond aux responsabilités politiques que les articles 40 et 43 du traité luiconfèrent (arrêt du 5 octobre 1994, Crispoltoni e.a., précité, point 42; arrêt duTribunal du 13 juillet 1995, O'Dwyer e.a./Conseil, T-466/93, T-469/93, T-473/93,T-474/93 et T-477/93, Rec. p. II-2071, points 107 et 113). Par conséquent, seul lecaractère manifestement inapproprié d'une mesure arrêtée en ce domaine parrapport à l'objectif que l'institution compétente entend poursuivre peut affecter lalégalité d'une telle mesure (arrêt O'Dwyer e.a./Conseil, précité, point 107).

  47. Or, le règlement litigieux relève de la politique agricole commune. Pour constaterl'existence d'une discrimination, il faut dès lors examiner s'il a traité différemmentdes situations comparables et, le cas échéant, si la différence de traitement estobjectivement justifiée, tout en tenant compte, à cet égard, du large pouvoird'appréciation de la défenderesse quant à la justification objective d'un éventueltraitement différent.

  48. L'article 2, paragraphe 2, du règlement litigieux distingue l'huile d'olive en vrac etl'huile d'olive conditionnée en prévoyant une période transitoire seulement pourla dernière. Le but principal du règlement litigieux, comme l'indiquent sesconsidérants, est de garantir la pureté de l'huile d'olive. Or, comme il ressort dudossier, si cette huile a été surchauffée, elle dispose d'un pourcentage élevéd'isomères «trans», ce qui permet de la mélanger avec d'autres huiles de moinsbonne qualité. Ce risque de falsification, qui, en principe, n'existe pas pour l'huiled'olive conditionnée du fait de son conditionnement, ne peut pas être exclu pourl'huile d'olive en vrac, même si elle se trouve en entrepôt douanier.

  49. La défenderesse n'aurait été tenue de prévoir une dérogation au règlement litigieuxque dans l'hypothèse où un placement dans les entrepôts douaniers nationauxconstitue une garantie de l'impossibilité de falsifier les produits en vrac qui y sontstockés. En effet, eu égard à son large pouvoir d'appréciation, la défenderesse neserait obligée de prévoir une telle dérogation que s'il était prouvé qu'il étaitimpossible de falsifier l'huile d'olive en vrac placée dans n'importe quel entrepôtdouanier de la Communauté. Or, au vu de leurs objectifs d'ordre principalementdouanier, les normes communautaires applicables aux entrepôts douaniers ne sontpas de nature à exclure toute possibilité de fraude ou de manipulation autre quede caractère douanier.

  50. Étant donné donc qu'il n'était pas exclu qu'un risque de falsification ait existé pourl'huile en vrac, nonobstant son éventuel placement en entrepôt douanier, leTribunal considère que, dans le cadre du large pouvoir d'appréciation dont ellejouit en matière de politique agricole, la défenderesse était habilitée à prendre desmesures appropriées pour mieux assurer la pureté de l'huile. A cette fin, elle étaitfondée à ne pas accorder aux détenteurs d'huile d'olive en vrac placée en entrepôtdouanier un délai supplémentaire pour la vendre.

  51. Il s'ensuit que le grief tiré de la violation du principe de non-discrimination doitêtre rejeté comme non fondé.

    3. Violation du principe de proportionnalité

    Arguments des parties

  52. Se référant à l'arrêt de la Cour du 11 juillet 1989, Schräder (265/87, Rec. p. 2237,point 21), la requérante estime que, en omettant de prévoir une période transitoirepour l'huile d'olive en vrac, la défenderesse a créé une entrave au commerce,disproportionnée par rapport à l'objectif d'assurer la pureté de l'huile en portantle moins possible préjudice au commerce. En toute hypothèse, l'huile se trouvantsous contrôle douanier n'aurait pu être falsifiée et les impératifs de prévention desfraudes ne sauraient, dès lors, justifier l'absence de régime transitoire en ce qui laconcerne.

  53. La défenderesse soutient que la nécessité de prévenir les fraudes excluait toutepossibilité de prévoir une mesure transitoire pour l'huile en vrac. A la différencedes faits en cause dans l'arrêt Schräder, précité, aucune charge financière n'auraitété imposée à la requérante en l'espèce.

    Appréciation du Tribunal

  54. Selon la jurisprudence de la Cour, afin d'établir si une disposition de droitcommunautaire est conforme au principe de proportionnalité, il importe de vérifiersi les moyens qu'elle met en oeuvre sont aptes à réaliser l'objectif visé et s'ils nevont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre (arrêts de la Cour du 11mars 1987, Rau e.a./Commission, 279/84, 280/84, 285/84 et 286/84, Rec. p. 1069,point 34, et du 9 novembre 1995, Allemagne/Conseil, C-426/93, Rec. p. I-3723,point 42).

  55. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus (point 46), dans le domaine de la politique agricolecommune, seul le caractère manifestement inapproprié d'une mesure par rapportà l'objectif que l'institution compétente lui assigne peut affecter la légalité de cettemesure.

  56. En l'espèce, le grief formulé par la requérante revient à critiquer la primautédonnée par la défenderesse à l'objectif d'assurer la pureté de l'huile, souligné audeuxième considérant du règlement litigieux, par rapport à celui de ne pas causerun préjudice au commerce, évoqué au troisième considérant du règlement litigieux.

  57. A cet égard, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence de laCour, dans la poursuite des objectifs de la politique agricole commune, lesinstitutions communautaires doivent assurer la conciliation permanente que peuventexiger d'éventuelles contradictions entre ces objectifs considérés séparément et, lecas échéant, accorder à tel ou tel d'entre eux la prééminence temporairequ'imposent les faits ou circonstances économiques au vu desquels elles arrêtentleurs décisions (arrêts de la Cour du 20 septembre 1988, Espagne/Conseil, 203/86,Rec. p. 4563, point 10, et du 19 mars 1992, Hierl, C-311/90, Rec. p. I-2061,point 13).

  58. Il en découle que, en l'espèce, la défenderesse pouvait soupeser les intérêts enprésence pour donner la prééminence à l'objectif de la pureté, lequel tend surtoutà la protection du consommateur. A cet égard, la requérante n'a pas démontré quel'argumentation de la défenderesse était manifestement erronée ni que cettedernière aurait outrepassé les limites de son pouvoir discrétionnaire en la matière.Elle n'a pas non plus établi que les mesures prises par la défenderesse auraientconstitué une entrave au commerce ni, en tout état de cause, qu'elles auraient étédisproportionnées par rapport à l'objectif poursuivi.

  59. Il convient d'ajouter que, même si la Commission doit veiller, dans l'exercice de sespouvoirs, à ce que les charges imposées aux opérateurs économiques ne dépassentpas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs que l'autorité est tenue deréaliser, il ne s'ensuit cependant pas que cette obligation doive être mesurée parrapport à la situation particulière d'un opérateur ou groupe déterminé d'opérateurs(voir les arrêts de la Cour du 24 octobre 1973, Balkan, 5/73, Rec. p. 1091, point 22,et du Tribunal du 15 décembre 1994, Unifruit Hellas/Commission, T-489/93, Rec.p. II-1201, point 74).

  60. Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n'a pas démontré que ladéfenderesse aurait violé le principe de proportionnalité en adoptant le règlementn° 1429/92.

    4. Violation de droits acquis

    Arguments des parties

  61. La requérante estime que, en plaçant l'huile litigieuse en entrepôt douanier, elleavait demandé le passage du régime d'importation temporaire au régime demarchandise destinée à l'exportation. La marchandise aurait dès lors dû êtreconsidérée comme déjà formellement sortie du territoire communautaire. Larequérante aurait également acquis le droit d'exporter la marchandise vers des paystiers sans autorisation, selon les règles en vigueur au moment où elle a placé l'huilelitigieuse en entrepôt douanier. La défenderesse aurait violé ce droit en arrêtantle règlement n° 1429/92 sans l'assortir d'un régime transitoire adéquat.

  62. L'existence d'un droit acquis se déduirait également de l'article 121, paragraphe 1,du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le codedes douanes communautaire (JO L 302, p. 1, ci-après «règlement n° 2913/92»), quiprescrit de tenir compte des éléments de taxation applicables à la marchandiseconsidérée au moment de l'acceptation de la déclaration de placement de cettemarchandise sous le régime du perfectionnement actif, sans prendre enconsidération des modifications ultérieures. La requérante estime que, si ce critèrevaut pour la détermination de l'obligation douanière, il vaut également pourl'exercice du droit d'exporter la marchandise soumise à cette obligation.

  63. Selon la défenderesse, la requérante n'a pas acquis un droit au maintien illimité dela réglementation en vigueur au moment où elle a placé son huile en entrepôtdouanier. Elle aurait conservé son droit d'exporter celle-ci, moyennant le respectdes nouvelles prescriptions. Selon la jurisprudence communautaire (arrêts de laCour du 21 mai 1987, Rau e.a., précité, point 18, et du 7 mai 1991,Nakajima/Conseil, C-69/89, Rec. p. I-2069, point 119), nul ne jouirait d'un droitacquis au maintien d'un avantage dont il a bénéficié à un moment donné. Enfin,l'article 121, paragraphe 1, du règlement n° 2913/92 ne s'appliquerait pas au cas oùle produit destiné à être réexporté ne satisfait pas à la réglementation applicable.

    Appréciation du Tribunal

  64. Aucune disposition ne confère au détenteur de marchandises placées en entrepôtdouanier le droit subjectif d'écouler celles-ci suivant la législation en vigueur aumoment de leur placement en pareil entrepôt. En outre, en prévoyant la possibilitéde soumettre les marchandises d'importation à des manipulations destinées àassurer leur conservation, à améliorer leur présentation ou leur qualité ou àpréparer leur distribution ou leur revente, l'article 109 du règlement n° 2913/92permet aux détenteurs de ces marchandises d'adapter celles-ci pour se conformerà d'éventuelles nouvelles réglementations. En conséquence, les opérateurséconomiques concernés ne sauraient se prévaloir du maintien en vigueur de laréglementation applicable au moment du placement de la marchandise en entrepôtdouanier.

    65. La requérante ne saurait non plus déduire un droit acquis de l'article 121,paragraphe 1, du règlement n° 2913/92. Cet article dispose que, «sous réserve del'article 122, lorsqu'une dette douanière naît, le montant de cette dette estdéterminé sur la base des éléments de taxation propres aux marchandisesd'importation au moment de l'acceptation de la déclaration de placement de cesmarchandises sous le régime du perfectionnement actif».

  65. En premier lieu, le règlement n° 1429/92 ne modifie en rien le montant de la dettedouanière tel qu'il résulte de l'article 121, paragraphe 1, du règlement n° 2913/92.En deuxième lieu, on ne saurait déduire du droit de la requérante à voir lemontant de sa dette douanière fixé suivant la disposition de l'article 121 précité ledroit au maintien en vigueur de la réglementation déterminant les caractéristiquesque doit présenter l'huile d'olive commercialisée. En troisième lieu, l'article 121précité est totalement dénué de pertinence en l'espèce dans la mesure où larequérante avait déjà transformé la marchandise conformément au régime deperfectionnement actif avant son placement en entrepôt douanier.

  66. Il résulte de ce qui précède que le grief tiré d'une violation des droits acquis doitêtre rejeté.

    5. Conclusion relative à la condition de l'existence d'un comportement illégal

  67. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la requérante n'a pas démontré quela défenderesse avait commis un comportement illégal. Par conséquent, il n'y a paslieu d'examiner si l'acte litigieux est, ou n'est pas, normatif ni si les violationsalléguées sont caractérisées.

  68. Même si, ne fût-ce que pour cette raison, la demande en indemnité ne saurait êtreaccueillie, le Tribunal estime utile, compte tenu des circonstances particulières del'espèce, d'examiner la question du préjudice allégué.

    Sur le préjudice allégué

    Arguments des parties

  69. La requérante estime avoir subi un préjudice de 7 345 millions de LIT,correspondant aux frais de stockage, aux intérêts sur ces frais et aux frais decaution qu'elle aurait encourus. Initialement le préjudice aurait été de 18 473millions de LIT (voir ci-dessus points 16 et 17), mais il se serait réduit en raison dela vente de l'huile litigieuse au cours de la présente procédure, après que ladéfenderesse eut cessé de s'opposer à la délivrance par les autorités douanièresitaliennes d'une autorisation de vendre cette huile.

  70. Selon la défenderesse, comme la requérante a vendu l'huile litigieuse, en 1995 eten 1996, en profitant de l'augmentation des cours de l'huile d'olive sur le marchémondial, elle n'a subi aucun préjudice du fait de l'éventuel blocage de celle-ci enentrepôt douanier, mais a, au contraire, réalisé un bénéfice de 10 929 648 626 LIT.En toute hypothèse, le préjudice éventuellement causé par le règlement ne pourraitpas être supérieur à la différence entre le prix de la marchandise litigieuse sur lemarché des pays tiers immédiatement avant l'entrée en vigueur du règlementn° 1429/92 et le prix de cette marchandise immédiatement après l'entrée en vigueurdudit règlement. Or, la requérante n'aurait nullement démontré l'existence d'unetelle différence.

  71. A l'audience, la requérante a rétorqué que, si elle avait pu réinvestirantérieurement la totalité du produit de la vente des 4 788,809 tonnes d'huile, elleaurait réalisé un bénéfice bien supérieur à celui dont la défenderesse a fait état.

    Appréciation du Tribunal

  72. La requérante ne conteste pas avoir effectivement vendu l'huile d'olive litigieuseen 1995 et en 1996 ni que le cours de l'huile d'olive sur le marché mondial aaugmenté au cours de cette période, lui permettant de vendre l'huile litigieuse àun prix supérieur à celui qu'elle aurait obtenu si elle avait vendu cette huile en1992 et de réaliser ainsi un bénéfice supérieur à l'indemnité finalement demandée(voir ci-dessus, point 17). L'argument selon lequel la requérante aurait réalisé unbénéfice bien supérieur si elle avait pu réinvestir plus tôt la totalité du produit dela vente de l'huile litigieuse est inopérant, car, premièrement, elle n'a pas demandéla réparation du lucrum cessans et, deuxièmement, le préjudice résultant del'impossibilité de réinvestir antérieurement le produit de la vente est non seulementpurement hypothétique, mais également indéterminé.

  73. Il s'ensuit que le préjudice dont la réparation est demandée n'est pas réel.

  74. En conséquence, la requérante n'a pas prouvé avoir subi le préjudice allégué.

    Conclusion

  75. La requérante n'ayant pas prouvé l'existence d'une illégalité ni la réalité dupréjudice allégué, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

    Sur les dépens

  76. Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partiequi succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Ladéfenderesse ayant conclu en ce sens et la requérante ayant succombé en sesmoyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

    Par ces motifs,

    LE TRIBUNAL (cinquième chambre)



    déclare et arrête:

    1. Le recours est rejeté.

    2. La requérante est condamnée aux dépens.



García-ValdecasasAzizi
Jaeger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 juillet 1997.

Le greffier

Le président

H. Jung

R. García-Valdecasas


1: Langue de procédure: l'italien.