Language of document : ECLI:EU:C:2024:308

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. ANTHONY M. COLLINS

présentées le 11 avril 2024 (1)

Affaires jointes C647/21 et C648/21

D. K. (C647/21)

M.C.,

M. F. (C648/21)

en présence de

Prokuratura Rejonowa w Bytowie,

Prokuratura Okręgowa w Łomży

[demandes de décision préjudicielle formées par le Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Słupsk, Pologne)]

« Renvoi préjudiciel – État de droit – Article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE – Principes d’inamovibilité et d’indépendance des juges – Principe d’indépendance “interne” des juges – Résolution du collège d’une juridiction nationale dessaisissant un juge de plusieurs affaires sans son consentement – Mutation non consentie d’un juge d’une section d’appel d’une juridiction nationale à une section de première instance de celle-ci – Absence de garanties procédurales et de contrôle juridictionnel en droit national – Application illégale de règles nationales – Primauté du droit de l’Union »






 Introduction

1.        Les présents renvois préjudiciels déférés à la Cour par la juge A. N.-B. du Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Słupsk, Pologne), le 20 octobre 2021, concernent principalement la portée et l’application pratique de la notion d’« indépendance “interne” des juges » telle que reconnue à l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, notamment la liberté d’appréciation des juges exempte de toute influence injustifiée de la part du pouvoir judiciaire ou de toute pression exercée par celui-ci.

2.        Au mois d’octobre 2021, le président du Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Słupsk) a muté la juge A. N.-B. de la sixième section pénale de cette juridiction, qui constitue une section d’appel, à la deuxième section pénale de ladite juridiction, qui connaît des affaires en première instance. Soixante-dix (2) affaires dont elle était saisie, parmi lesquelles celles donnant lieu aux présents renvois préjudiciels, lui ont été retirées et ont été réattribuées (3) à d’autres juges (4). Ces mesures ont été adoptées sans son consentement. Étant donné qu’elles visaient à l’empêcher de vérifier, dans l’exercice de sa fonction de juge d’appel, s’il avait été satisfait à l’exigence d’un « tribunal préalablement établi par la loi » dans les affaires dont elle avait été saisie, la juge A. N.-B. a considéré que lesdites mesures violaient les principes d’inamovibilité et d’indépendance des juges. Elle souhaite donc savoir si, dans le cadre de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et du principe de primauté du droit de l’Union, la manière dont les membres du collège ont été nommés, le dessaisissement sans son consentement des affaires qui lui avaient été attribuées et l’absence de tout critère pour ce dessaisissement l’autorisent à siéger dans les affaires qui sont à l’origine des présentes demandes de décisions préjudicielles.

 Le cadre juridique : le droit polonais

 La loi sur les juridictions de droit commun

3.        En vertu de l’article 21, paragraphe 1, de l’ustawa Prawo o ustroju sądów powszechnych (loi sur l’organisation des juridictions de droit commun) du 27 juillet 2001 (Dz. U. no 98, position 1070) dans sa version applicable aux litiges au principal (ci-après la « loi sur les juridictions de droit commun »), les organes du sąd okręgow (tribunal régional) sont le président du tribunal, le collège du tribunal et le directeur du tribunal.

4.        Aux termes de l’article 22a de la loi sur les juridictions de droit commun :

« 1.      [...] le président du sąd okręgowy  [(tribunal régional)] près le tribunal régional, après avis du collège du tribunal régional, fixe la répartition des tâches, qui détermine :

1)      l’affectation des juges [...] aux sections de la juridiction ;

2)      l’étendue des responsabilités des juges [...] ainsi que les modalités de leur participation à l’attribution des affaires ;

3)      le tableau d’astreinte et des remplacements des juges, [...]

–        en tenant compte de la spécialisation des juges [...] pour connaître des différents types d’affaires, de la nécessité d’assurer une répartition adéquate des juges [...] dans les sections de la juridiction et d’une répartition équitable de leurs responsabilités ainsi que de la nécessité de garantir le bon déroulement de la procédure juridictionnelle.

[...]

4.      Le président de la juridiction peut, à tout moment, décider d’une nouvelle répartition, totale ou partielle, des tâches, lorsque les raisons visées au paragraphe 1 le justifient. [...]

4a.      La mutation d’un juge dans une autre section est subordonnée à son consentement.

4b.      La mutation d’un juge dans une autre section n’est pas subordonnée à son consentement :

1)      en cas de mutation dans une autre section connaissant d’affaires qui relèvent du même domaine ;

[...]

5.      Le juge ou le juge assesseur dont la répartition des tâches a été modifiée de telle sorte que l’étendue de ses responsabilités a été modifié, en particulier en raison d’une mutation dans une autre section de la juridiction, peut former un recours auprès de la Krajowa Rada Sądownictwa [(Conseil national de la magistrature, Pologne, ci-après la “KRS”)] dans un délai de sept jours à compter de la notification de ses nouvelles responsabilités. Aucun recours n’est ouvert en cas :

1)      de mutation dans une section chargée de statuer sur des affaires qui relèvent du même domaine ;

[...]

6.      Le recours visé au paragraphe 5 est introduit par l’intermédiaire du président de la juridiction qui a procédé à la répartition des tâches faisant l’objet dudit recours. Le président de la juridiction communique le recours à la [KRS] dans un délai de 14 jours à compter de sa réception, accompagné de sa position dans l’affaire. La [KRS] adopte une résolution accueillant ou rejetant le recours formé par le juge, en tenant compte des éléments visés au paragraphe 1. La décision de la [KRS] adoptée sur le recours visé au paragraphe 5 ne doit pas être motivée. La décision de la [KRS] n’est pas susceptible de recours. Jusqu’au moment de l’adoption de la décision, le juge ou le juge assesseur s’acquitte de ses responsabilités existantes. »

5.        L’article 30, paragraphe 1, de la loi sur les juridictions de droit commun dispose :

« Le collège du sąd okręgowy (tribunal régional) est composé :

1)      du président du sąd okręgowy (tribunal régional) ;

2)      des présidents des sądy rejonowe (tribunaux d’arrondissement) relevant du ressort du sąd okręgowy (tribunal régional). »

6.        L’article 47a de la loi sur les juridictions de droit commun dispose :

« 1.      Les affaires sont attribuées aux juges et aux juges assesseurs de manière aléatoire selon des catégories spécifiques d’affaires, à moins que l’affaire ne soit attribuée au juge qui est d’astreinte.

2.      Les affaires sont réparties entre les différentes catégories à parts égales, à moins que la part ne soit réduite du fait de la fonction occupée, de la participation à l’attribution des affaires d’une autre catégorie ou pour d’autres raisons prévues par la loi. »

7.        Aux termes de l’article 47b de la loi sur les juridictions de droit commun :

« 1.      Une modification de la composition d’une juridiction ne peut avoir lieu qu’en cas d’impossibilité pour celle-ci de traiter l’affaire dans sa composition actuelle ou s’il existe un obstacle durable à l’examen de l’affaire dans sa composition actuelle. Les dispositions de l’article 47a s’appliquent mutatis mutandis.

[...]

3.      Les décisions mentionnées [au paragraphe 1] [...] sont prises par le président de la juridiction ou par un juge désigné par celui-ci.

4.      Le changement du lieu d’affectation d’un juge ou son détachement dans une autre juridiction ainsi que la fin d’un détachement ne font pas obstacle à l’adoption d’actes [de procédure] dans les affaires attribuées au lieu d’affectation ou au lieu d’exercice actuel jusqu’à la clôture de ces affaires.

5.      Le collège de la juridiction dont relève le nouveau lieu d’affectation ou de détachement du juge peut, à la demande de celui-ci ou d’office, le dessaisir de tout ou partie des affaires, notamment en raison de la distance considérable entre cette juridiction et le nouveau lieu d’affectation ou de détachement du juge et en fonction de l’état d’avancement des affaires en cours. Avant d’adopter une résolution, le collège de la juridiction consulte les présidents des tribunaux compétents.

6.      Les dispositions des paragraphes 4 et 5 s’appliquent mutatis mutandis en cas de mutation dans une autre section de la même juridiction. »

 Le litige dans les procédures au principal et les questions préjudicielles

8.        Dans l’affaire C‑647/21, le Sąd Rejonowy w B. (tribunal d’arrondissement de B., Pologne) avait condamné D.K., le 11 décembre 2020, à une peine privative de liberté pour l’infraction visée à l’article 190, paragraphe 1, de l’ustawa z dnia 6 czerwca 1997 r. – Kodeks karny (loi du 6 juin 1997 portant code pénal) (5). L’avocat de D.K a interjeté appel de la sévérité de la peine prononcée, en février 2021, devant la juridiction de renvoi. L’affaire faisant l’objet de cet appel a été attribuée à la juge A. N.-B. en tant que juge rapporteure et présidente d’une formation de jugement à juge unique.

9.        Dans l’affaire C‑648/21, M.C. et M.F. étaient accusés d’avoir commis l’infraction d’« abus de pouvoir par un fonctionnaire public », visée à l’article 231, paragraphe 1, de l’ustawa z dnia 6 czerwca 1997 r. – Kodeks karny (loi du 6 juin 1997 portant code pénal) (6). En mars 2016, la juridiction de première instance a condamné M.F. et lui a imposé une peine privative de liberté (7), tandis qu’elle a acquitté M.C. En novembre 2016, la juridiction de deuxième instance a annulé le jugement et a renvoyé l’affaire pour réexamen à la juridiction de première instance. En décembre 2017, cette dernière juridiction a condamné M.C. et M.F pour les faits en cause. À la suite d’un nouvel appel, la juridiction de deuxième instance a acquitté M.C. et a confirmé la condamnation de M.F., en avril 2019. Le Prokurator Generalny (procureur général, Pologne) a formé un pourvoi contre ce jugement devant le Sąd Najwyższy (Cour suprême, Pologne). En avril 2020, le Sąd Najwyższy (Cour suprême) a annulé le jugement de la juridiction de deuxième instance et renvoyé l’affaire devant cette juridiction aux fins d’un nouvel examen en appel. Cette affaire est pendante devant le Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Słupsk) et la section d’appel de cette juridiction devait l’examiner dans une formation de jugement composée du président du Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Słupsk), de la juge rapporteure et présidente de la formation de jugement – la juge A. N.-B. – ainsi que d’un troisième juge.

10.      En septembre 2021, dans une procédure sans lien avec les présentes affaires au principal (8), la juge A. N.-B. avait rendu une ordonnance fondée sur l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, demandant au président de la section d’appel du Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Słupsk) de procéder au remplacement, dans la formation de jugement dans cette procédure, du président du Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Słupsk). Cette ordonnance exposait que le fait que le président du Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Słupsk) – qui avait été nommé auprès de cette juridiction sur la base d’une résolution de la KRS dans sa nouvelle composition (9) – avait été désigné comme membre de cette formation de jugement violait le droit à un tribunal préalablement établi par la loi au sens de l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, de l’article 47 de la Charte, de l’article 45 de la Constitution de la République de Pologne, ainsi que de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la « Cour EDH ») dans l’affaire Reczkowicz c. Pologne (10).

11.      Le vice-président du Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Słupsk) a annulé ladite ordonnance au titre de l’article 42a, paragraphe 2, de la loi sur les juridictions de droit commun. Selon la juridiction de renvoi, le vice-président avait été nommé juge sur la base d’une résolution de la KRS (11). Il a ensuite été nommé vice-président du Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Słupsk) par le ministre de la Justice polonais, qui était également le Prokurator Generalny (procureur général). La juridiction de renvoi nourrit des doutes quant à savoir si le vice-président du Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Słupsk) pouvait annuler son ordonnance dans le cadre d’une procédure de réexamen administratif, dès lors que la composition de cette juridiction constitue une question de nature judiciaire dans laquelle le vice-président n’avait pas à intervenir. En tout état de cause, l’ordonnance du 14 juillet 2021 qui a été rendue par la vice-présidente de la Cour dans l’affaire Commission/Pologne (12) et qui a ordonné que soit suspendue l’application de certaines dispositions de la législation polonaise, y compris celle de l’article 42a, paragraphe 2, de la loi relative aux juridictions de droit commun, a privé le vice-président du Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Słupsk) de tout pouvoir d’adopter une mesure au titre de cette disposition.

12.      Au début du mois d’octobre 2021, dans une autre affaire, la juge A. N.-B. avait annulé un jugement d’une juridiction de rang inférieur, rendu par un juge nommé sur la base d’une résolution (13) de la KRS (14).

13.      Le 11 octobre 2021, le collège a adopté la résolution visant à dessaisir la juge A. N.-B. d’environ 70 affaires, y compris celles à l’origine des présents renvois préjudiciels. Ce dessaisissement a été opéré sans le consentement de cette dernière et « en l’absence d’une demande ad hoc requise par la loi ». La résolution du collège ne lui a pas été signifiée et le président du Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Słupsk) s’est contenté de l’informer que ces affaires lui avaient été retirées. La juge A. N.-B. n’a eu connaissance ni des motifs de cette résolution ni de son fondement juridique. Bien qu’elle en ait fait la demande à deux reprises, le président du Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Słupsk) lui a refusé l’accès au texte de la résolution.

14.      Le 13 octobre 2021, le président du Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Słupsk) a adopté une ordonnance (15) portant mutation de la juge A. N.-B. de la section d’appel (16) de cette juridiction (17) à la section de première instance de ladite juridiction (ci‑après l’« ordonnance du 13 octobre 2021 ») (18). Cette ordonnance fait « laconiquement » référence à la nécessité d’assurer le bon fonctionnement des sections d’appel et de première instance du Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Słupsk) ainsi qu’à une correspondance non spécifiée entre le président de cette juridiction et le président de l’une de ces sections. Le 18 octobre 2021, l’ordonnance du président du Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Słupsk) est entrée en vigueur et a été signifiée à la juge A. N.-B. L’ordonnance ne contient aucune information sur les voies de recours susceptibles de lui permettre de la contester.

15.      Dans ses observations, la Commission a indiqué qu’une procédure disciplinaire avait été intentée contre la juge A. N.-B. et que, à dater du 29 octobre 2021, elle avait été suspendue de ses fonctions pour tout au plus un mois. Lors de l’audience qui s’est tenue le 24 janvier 2024, le gouvernement polonais a confirmé l’existence de cette procédure disciplinaire mais sans pouvoir fournir davantage de précisions quant à son issue.

16.      La juridiction de renvoi souhaite savoir si, eu égard aux circonstances susmentionnées et à l’enseignement de l’arrêt Réexamen Simpson/Conseil et HG/Commission (19), le dessaisissement de la juge A. N.-B. des affaires à l’origine des présents renvois préjudiciels méconnaît l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE et l’article 47 de la Charte. Si ces dispositions ont été méconnues, la juridiction de renvoi demande si elle doit ne pas tenir compte de la résolution du collège, ce qui aurait pour conséquence que la juge A. N.-B. continue à siéger en tant que présidente de la formation à juge unique dans la procédure au principal de l’affaire C‑647/21 et en tant que juge rapporteure et présidente de la formation à trois juges dans la procédure au principal de l’affaire C‑648/21. Le Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Słupsk) a donc décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, lu en combinaison avec l’article 47 de la [Charte], doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale telle que l’article 47b, paragraphes 5 et 6, lu en combinaison avec l’article 30, paragraphe 1, et l’article 24, paragraphe 1, de [la loi relative à l’organisation des juridictions de droit commun], en vertu de laquelle un organe d’une juridiction nationale, tel que le collège d’une juridiction, est compétent pour dessaisir un juge de cette juridiction d’une partie ou de la totalité des affaires qui lui sont attribuées, lorsque :

a)      siègent de plein droit au collège de la juridiction les présidents de juridictions nommés à ces postes par une autorité exécutive, telle que le ministre de la Justice, qui est également procureur général ;

b)      le juge est dessaisi des affaires qui lui sont attribuées sans son consentement ;

c)      le droit national ne prévoit ni les critères qui doivent guider le collège de la juridiction lorsqu’il dessaisit un juge des affaires qui lui sont attribuées, ni l’obligation de motivation et de contrôle judiciaire d’un tel dessaisissement ;

d)      certains des membres du collège de la juridiction ont été nommés à des postes de juges dans des circonstances analogues à celles visées par l’arrêt de la Cour du 15 juillet 2021, Commission/Pologne (Régime disciplinaire des juges) (C‑791/19, EU:C:2021:596) ?

2)      Les dispositions visées par la première question ainsi que le principe de primauté doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils habilitent (ou obligent) une juridiction nationale, saisie d’une affaire dans le cadre d’une procédure pénale relevant du champ d’application de la directive 2016/343[ (20)], dont un juge a été dessaisi de la manière décrite dans la première question, et toute autorité de l’État à laisser inappliqué l’acte du collège de la juridiction et d’autres actes subséquents, tels que les ordonnances de réaffectation des affaires, y compris de l’affaire au principal, qui omettent le juge dessaisi – afin que ce dernier puisse continuer à siéger dans la formation de jugement saisie de cette affaire ?

3)      Les dispositions visées par la première question ainsi que le principe de primauté doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils exigent que l’ordre juridique national prévoie, dans le cadre des procédures pénales relevant du champ d’application de la directive 2016/343, des mesures de nature à garantir que les parties à la procédure, tels que les inculpés dans l’affaire au principal, puissent contrôler et contester les décisions mentionnées [à la première question], qui visent à entraîner une modification de la composition de la juridiction saisie de l’affaire et, par conséquent, à dessaisir, de la manière décrite dans la première question, le juge jusqu’alors désigné pour connaître de l’affaire ? »

 La procédure devant la Cour

17.      Par décision du 29 novembre 2021, le président de la Cour a joint les affaires C‑647/21 et C‑648/21 aux fins des procédures écrite et orale ainsi que de l’arrêt.

18.      Dans les deux affaires préjudicielles, la juridiction de renvoi avait demandé l’application de la procédure accélérée en vertu de l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour. Par décision du 29 novembre 2021, le président de la Cour a rejeté ces demandes. Il a considéré que la juridiction de renvoi avait présenté des arguments d’ordre général (21), sans préciser les raisons concrètes justifiant le traitement de ces affaires dans de brefs délais. Le fait qu’il s’agisse, dans les deux affaires au principal, de procédures pénales ne constitue pas une telle justification.

19.      Le 18 octobre 2022, la Cour a suspendu les affaires jointes C‑647/21 et C‑648/21 jusqu’à ce qu’elle se prononce dans les affaires jointes C‑615/20 et C‑671/20. Le 20 juillet 2023, la Cour a notifié à la juridiction de renvoi l’arrêt YP e.a. (Levée d’immunité et suspension d’un juge) (22), qu’elle a rendu dans ces dernières affaires jointes, et elle lui a demandé d’indiquer si elle souhaitait maintenir ses demandes de décision préjudicielle. Sur instructions du président du Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Słupsk), la juge A. N.-B. a répondu le 25 septembre 2023 (23) en informant la Cour que la juridiction de renvoi souhaitait maintenir les demandes de décision préjudicielle dans les affaires jointes C‑647/21 et C‑648/21.

20.      Eu égard à certaines ambiguïtés que la réponse de la juge A. N.‑B. laissait percevoir, la Cour lui a envoyé une demande d’éclaircissement (24) au titre de l’article 101, paragraphe 1, de son règlement de procédure. Elle a demandé, entre autres, si la juge A. N.‑B. siégeait toujours dans les formations de jugement saisies des procédures ayant donné lieu aux affaires jointes C‑647/21 et C‑648/21 et, dans l’affirmative, en quelle qualité. La juge A. N.-B. a répondu à cette demande le 17 octobre 2023 (25). Elle a confirmé qu’elle était la juge rapporteure et la présidente de la formation de jugement dans les deux procédures devant le Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Słupsk) au moment où les renvois préjudiciels ont été présentés le 20 octobre 2021. Par ordonnance datée du 21 octobre 2021, la procédure à l’origine du renvoi préjudiciel dans l’affaire C‑648/21 a été réattribuée à un autre juge rapporteur, qui siégeait antérieurement dans une formation à trois juges (26). Le même jour, la composition de la formation à juge unique dans la procédure à l’origine du renvoi préjudiciel dans l’affaire C‑647/21 a également été modifiée. La juge A. N.-B. a confirmé que les procédures devant le Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Słupsk) dans les affaires au principal des présentes demandes de décision préjudicielle ont été suspendues par l’effet de ces demandes et sont restées suspendues. La juge A. N.-B. a également informé la Cour que, lorsqu’il statue sur le fond d’une affaire (rozprawa), le Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Słupsk) siège en formation plénière (27). Lors des autres audiences (posiedzenie) – telles que celles afférentes aux procédures à l’origine des affaires jointes C‑647/21 et C‑648/21 – le Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Słupsk) siège en formation à juge unique, le juge rapporteur présidant l’audience.

21.      La Prokuratura Rejonowa w Bytowie (parquet d’arrondissement de Bytów), la Prokuratura Okręgowa w Łomży (parquet régional de Łomża), les gouvernements danois, néerlandais, polonais et suédois ainsi que la Commission européenne ont présenté des observations écrites. À l’exception de la Prokuratura Rejonowa w Bytowie (parquet d’arrondissement de Bytów), de la Prokuratura Okręgowa w Łomży (parquet régional de Łomża) et du gouvernement néerlandais, les parties susmentionnées ont présenté des observations orales et ont été entendues en leurs réponses aux questions posées par la Cour lors de l’audience, qui s’est tenue le 24 janvier 2024.

 Sur la compétence de la Cour

 Argumentations

22.      Les gouvernements danois et polonais ainsi que la Commission considèrent que l’article 47 de la Charte ne s’applique pas aux affaires pendantes devant le Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Słupsk) qui ont donné lieu aux présents renvois préjudiciels. La Commission observe que les questions font certes référence à la directive 2016/343, mais sans demander une interprétation des dispositions de cette directive.

23.      La Prokuratura Rejonowa w Bytowie (parquet d’arrondissement de Bytów) et la Prokuratura Okręgowa w Łomży (parquet régional de Łomża) observent que les questions préjudicielles concernent le dessaisissement d’un juge des affaires qui lui ont été attribuées. Il s’agit d’une question d’organisation de la justice au sein d’un État membre, qui, en ce qu’elle relève exclusivement de la compétence nationale, n’est pas régie par le droit de l’Union. La Prokuratura Okręgowa w Łomży (parquet régional de Łomża) observe, en outre, que les questions déférées par la juge A. N.-B. se rapportent à sa situation individuelle et qu’elles sont dès lors d’ordre personnel, et non pas de nature judiciaire.

 Appréciation

24.      L’article 51, paragraphe 1, de la Charte prévoit que les dispositions de celle-ci s’adressent aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. Les procédures à l’origine des affaires jointes C‑647/21 et C‑648/21 sont de nature pénale et la deuxième question se réfère à la directive 2016/343. La juridiction de renvoi ne fournit aucune raison exposant en quoi une interprétation de cette directive pourrait présenter la moindre pertinence pour pouvoir statuer dans les affaires au principal. Les décisions de renvoi n’indiquent pas davantage qu’elles soulèvent une quelconque question relative à l’interprétation ou l’application d’une règle du droit de l’Union. Rien dans les demandes de décision préjudicielle ne laisse apparaître qu’une personne se prévaudrait du droit à un recours effectif consacré à l’article 47 de la Charte ou qu’une personne invoquant ce droit à un recours effectif se prévaudrait d’un droit ou d’une liberté que le droit de l’Union garantit (28).

25.      Selon une jurisprudence constante, si l’organisation de la justice dans les États membres, y compris le dessaisissement d’affaires et leur réattribution, relève de leur compétence, celle-ci doit s’exercer dans le respect du droit de l’Union et, en particulier, de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE (29). Cette disposition fait obligation aux États membres de veiller à ce que les juridictions qui sont susceptibles de statuer sur l’interprétation ou l’application du droit de l’Union (30) satisfassent aux exigences d’une protection juridictionnelle effective (31). Ladite disposition s’oppose à des dispositions nationales relatives à l’organisation de la justice qui réduisent la protection des valeurs de l’État de droit (32). Les États membres doivent donc concevoir l’organisation de la justice de manière à assurer qu’elle se conforme aux exigences du droit de l’Union. Ces exigences comprennent, notamment, l’indépendance des juridictions appelées à statuer sur les questions liées à l’application ou à l’interprétation de ce droit, afin de garantir la protection juridictionnelle effective des droits qu’en tirent les justiciables (33). Il s’ensuit que la Cour est compétente pour interpréter le droit de l’Union dans des affaires qui se rapportent à l’organisation du système judiciaire d’un État membre.

26.      En ce qui concerne les observations de la Prokuratura Okręgowa w Łomży (parquet régional de Łomża) sur la nature personnelle des questions préjudicielles, il suffit d’observer que, dans les affaires ayant donné lieu à l’arrêt YP, il s’agissait également de la compétence des juges individuels qui avaient présenté des renvois préjudiciels. Dans cet arrêt, la Cour s’est prononcée sur le point de savoir si de tels juges pouvaient, conformément à l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, poursuivre l’examen des affaires pénales pendantes devant eux et statuer sur celles-ci. La Cour a répondu aux questions préjudicielles de manière à permettre à la juridiction de renvoi de trancher, in limine litis, les questions d’ordre procédural afférentes à la compétence de ces juges individuels pour connaître des affaires pendantes devant eux (34).

27.      Pour toutes ces raisons, je propose à la Cour de considérer qu’elle est compétente pour statuer sur les présents renvois préjudiciels, sauf en ce qui concerne l’interprétation de l’article 47 de la Charte.

 Sur la recevabilité des questions préjudicielles

28.      La Prokuratura Rejonowa w Bytowie (parquet d’arrondissement de Bytów) et la Prokuratura Okręgowa w Łomży (parquet régional de Łomża) contestent la recevabilité des présents renvois préjudiciels. La juge A. N.-B. avait été dessaisie des affaires au principal le 18 octobre 2021 et celles-ci ont été réattribuées ensuite à un autre juge ou à des autres juges. Le 20 octobre 2021, la juge A. N.-B. n’avait aucune compétence pour présenter une demande de décision préjudicielle, puis que, à cette date, elle n’était ni saisie des procédures nationales à l’origine des renvois préjudiciels ni ne siégeait dans les formations concernées du Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Słupsk). En conséquence, les questions préjudicielles sont hypothétiques, puisqu’aucune réponse à celles-ci n’est nécessaire pour statuer sur les affaires pénales pendantes devant cette juridiction. L’indépendance et l’impartialité du juge ou des juges auxquels ces affaires ont été réattribuées n’est pas en cause. La Prokuratura Rejonowa w Bytowie (parquet d’arrondissement de Bytów) et la Prokuratura Okręgowa w Łomży (parquet régional de Łomża) font également valoir que les présents renvois préjudiciels ne satisfont pas aux exigences de l’article 94, sous a) et b), du règlement de procédure de la Cour.

29.      La Commission considère que la troisième question, qui concerne les recours dont disposent les parties à la procédure devant la juridiction de renvoi, est irrecevable tant parce qu’elle est hypothétique que parce qu’elle ne soulève aucune problématique préalable devant être résolue in limine litis. Lors de l’audience, le gouvernement polonais a déclaré que les questions de la juridiction de renvoi étaient recevables (35).

30.      Il convient d’aborder en premier lieu la recevabilité de la troisième question préjudicielle, qui a été mise en cause par la Commission.

31.      Les renvois préjudiciels ne comportent pas la moindre indication qu’une des parties aux procédures à l’origine des affaires jointes C‑647/21 et C‑648/21 aurait contesté ou entendu voir contrôler la résolution du collège portant le dessaisissement de la juge A. N.-B. de ces procédures. Rien dans le dossier devant la Cour ne montre non plus que la possibilité d’une telle contestation ou d’un tel contrôle ait été rendue difficile, voire impossible, à ces parties dans une quelconque mesure. J’en conclus que la troisième question de la juridiction de renvoi est hypothétique et, partant, irrecevable.

32.      Quant à la recevabilité des première et deuxième questions préjudicielles, j’observe que les conditions de recevabilité d’un renvoi préjudiciel doivent être remplies tout au long de la procédure (36). Conformément à l’article 100, paragraphe 1, de son règlement de procédure, la Cour reste saisie d’une demande de décision préjudicielle tant que la juridiction qui a saisi la Cour de cette demande ne l’a pas retirée. Aux termes de l’article 100, paragraphe 2, de ce règlement de procédure, la Cour peut, à tout moment, constater que les conditions de sa compétence ne sont plus remplies.

33.      Selon une jurisprudence constante, les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union qui sont posées par une juridiction nationale au titre de l’article 267 TFUE bénéficient d’une présomption de pertinence. Dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales que cette disposition impose, il appartient au seul juge national qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. Néanmoins, il découle à la fois des termes et de l’économie de l’article 267 TFUE que la procédure préjudicielle présuppose qu’un litige soit effectivement pendant devant les juridictions nationales, dans le cadre duquel elles sont appelées à rendre une décision susceptible de prendre en considération l’arrêt de la Cour rendu à titre préjudiciel. La Cour ne formule pas d’opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques. Une demande de décision préjudicielle doit donc être nécessaire soit à la solution effective d’un contentieux dont la juridiction de renvoi se trouve saisie, soit pour résoudre in limine litis une question préalable de droit de l’Union ou de droit procédural national (37).

34.      Il ressort de la correspondance approfondie échangée entre la Cour et la juridiction de renvoi (38) que, en droit polonais, la juge A. N.‑B. était saisie des procédures devant le Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Słupsk) qui sont à l’origine des affaires jointes C‑647/21 et C‑648/21 au moment où elle a formé les présentes demandes de décision préjudicielle, le 20 octobre 2021, de sorte que ces procédures ont été suspendues (39). Cette juridiction n’a pas retiré ces demandes de décision préjudicielle, malgré la résolution du collège portant le dessaisissement de la juge A. N.-B. des affaires qui y ont donné lieu et la réattribution de ces affaires à d’autres juges. Je suggère donc à la Cour de déclarer qu’elle a été saisie des renvois préjudiciels du Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Słupsk) le 20 octobre 2021 et que, conformément à l’article 100, paragraphe 1, de son règlement de procédure, elle en reste saisie au moment de la rédaction des présentes conclusions.

35.      En ce qui concerne l’objection tirée de ce que la réponse de la Cour ne serait pas nécessaire pour résoudre les affaires pénales ayant donné lieu aux présentes demandes de décision préjudicielle, il n’apparaît pas que ces affaires pénales présentent un lien matériel avec le droit de l’Union qui imposerait à la juridiction de renvoi d’appliquer ce droit pour statuer au fond (40). L’absence apparente d’un facteur de rattachement entre ces affaires pénales et le droit de l’Union peut ne pas toujours résoudre cette question. La Cour a souligné qu’il peut être nécessaire qu’elle réponde à des questions préjudicielles afin de fournir aux juridictions de renvoi une interprétation du droit de l’Union qui leur permette de trancher des questions procédurales de droit interne, et, ainsi, de statuer sur le fond de litiges pendants (41). Je partage donc l’observation émise par le gouvernement polonais lors de l’audience selon laquelle une réponse de la Cour est objectivement nécessaire pour permettre à la juridiction de renvoi de statuer in limine litis sur une question de procédure avant de statuer sur le fond des affaires dont elle est saisie (42).

36.      Au point 69 de l’arrêt G, la Cour a jugé que la nécessité, aux fins de l’article 267 TFUE, de l’interprétation du droit de l’Union qui lui est demandée exige que la juridiction de renvoi « puisse, à [elle seule], tirer les conséquences de cette interprétation ». Dans la procédure à l’origine de la demande de décision préjudicielle faisant l’objet de l’affaire C‑269/21, le juge rapporteur, qui siégeait au sein d’une formation de jugement à trois juges, cherchait à savoir si un autre juge de cette formation satisfaisait aux exigences inhérentes à un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi, au sens du droit de l’Union. La Cour a jugé que l’interprétation du droit de l’Union que la juridiction de renvoi souhaitait recevoir n’était pas nécessaire pour lui permettre de statuer sur l’affaire au principal et que, en conséquence, la demande de décision préjudicielle était irrecevable, étant donné que le juge rapporteur d’une formation à trois juges ne pouvait pas, en siégeant seul, prendre en considération les réponses de la Cour. Elle a jugé, en effet, que le juge individuel qui avait présenté le renvoi préjudiciel dans l’affaire C‑269/21 n’était pas compétent pour récuser un autre juge siégeant dans la même formation (43).

37.      Les faits à l’origine de l’arrêt G se distinguent nettement de ceux qui ont donné lieu aux présents renvois préjudiciels. La juge A. N.-B. ne demande la récusation d’aucun des autres membres du Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Słupsk). Ainsi que le point 35 des présentes conclusions le précise, la juridiction de renvoi demande des indications pour résoudre, in limine litis, les difficultés procédurales que soulève la résolution du collège empêchant la juge A. N.-B. de connaître des affaires qui lui avaient été attribuées et qui étaient en réalité pendantes devant elle (44). Un tel contrôle constitue une formalité substantielle dont le respect doit être vérifié, d’office, par la juridiction de renvoi (45).

38.      J’observe, en outre, que la réponse de la Cour liera la juridiction de renvoi, y compris le ou les juges saisis des procédures à l’origine des présents renvois préjudiciels et les instances judiciaires de la juridiction de renvoi investies du pouvoir de déterminer et de modifier la composition de ses formations (46). En fonction de la réponse de la Cour aux première et deuxième questions, la juridiction de renvoi pourra être tenue, conformément à l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE et au principe de primauté du droit de l’Union, de laisser inappliquée la résolution du collège, assurant ainsi que la juge A. N.-B. siègera dans ces procédures pénales en cours (47). Dans le cas contraire, le ou les juges auxquels ces affaires ont été attribuées depuis lors pourront être compétents pour les examiner.

39.      Aucune des parties aux procédures devant la Cour ne conteste la recevabilité de la demande de décision préjudicielle dans l’affaire C‑648/21 (48) en faisant valoir que, en droit polonais, la compétence de former cette demande n’appartenait qu’à une formation à trois juges du Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Słupsk), et non à la juge A. N.-B. agissant seule (49). Par souci d’exhaustivité, j’observerais que, dans sa réponse du 17 octobre 2023 à la demande d’éclaircissement de la Cour, la juge A. N.-B. a confirmé que, en sa qualité de juge rapporteure et de présidente de la formation à trois juges, elle était compétente, en droit polonais, pour présenter la demande de décision préjudicielle faisant l’objet de l’affaire C‑648/21 (50).

40.      Je propose donc à la Cour d’écarter les différentes objections quant à la recevabilité des première et deuxième questions préjudicielles. Pour les raisons énoncées aux points 30 et 31 des présentes conclusions, j’estime que la troisième question préjudicielle est irrecevable.

 Sur le fond

41.      Par ses première et deuxième questions préjudicielles, qu’il convient d’examiner ensemble, le Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Słupsk) cherche à savoir si l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE et le principe de primauté du droit de l’Union empêche le collège de dessaisir la juge A. N.-B. des procédures à l’origine des affaires jointes C‑647/21 et C‑648/21 et de les réattribuer à un autre ou à d’autres juges. La première question fait état de la manière dont les membres du collège ont été nommés, de l’absence de consentement de la juge A. N.-B. quant à son dessaisissement des affaires et de l’absence de tout critère pour opérer un tel dessaisissement en droit polonais. Les questions n’abordent pas spécifiquement la mutation de la juge A. N.-B. de la sixième section (d’appel) à la deuxième section (de première instance) du Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Słupsk).

42.      Les faits et observations figurant dans les demandes de décision préjudicielle indiquent que la mutation de la juge A. N.-B. (51) et le dessaisissement subséquent des 70 affaires qui lui étaient jusqu’alors attribuées constituaient des mesures prises en réaction à ses tentatives de vérifier si la nomination de certains juges était conforme à l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE (52). Lors de l’audience, le gouvernement polonais a confirmé que c’était là la conclusion qu’il tirait de ces faits et observations. Il a également considéré que ces mesures n’avaient pas été prises dans l’intérêt de la bonne administration de la justice (53).

43.      De surcroît, presque simultanément, une procédure disciplinaire a été intentée contre la juge A. N.-B. Les informations dont la Cour dispose ne permettent pas de conclure que la mutation de la juge A. N.‑B. de la section d’appel à la section de première instance au sein de la même juridiction et son dessaisissement des affaires qui lui étaient attribuées se sont produits dans le cadre d’une procédure disciplinaire formelle. Il appartient donc à la juridiction de renvoi de déterminer si cette mutation et ce dessaisissement constituent en réalité une mesure disciplinaire déguisée et, en conséquence, illégale.

44.      Eu égard à leur caractère concomitant et à leur objectif commun apparent, je pense que, pour pouvoir donner une réponse utile à la juridiction de renvoi, il est nécessaire d’examiner conjointement la mutation de la juge A. N.-B. et son dessaisissement (54).

45.      L’exigence d’indépendance des juridictions, qui est inhérente à la mission de juger, est un élément constitutif du droit à une protection juridictionnelle effective et est d’une importance fondamentale pour l’ordre juridique de l’Union (55). Pour que cette exigence soit satisfaite, une juridiction doit exercer ses fonctions en toute autonomie, sans être soumise à aucun lien hiérarchique ou de subordination à l’égard de quiconque et sans recevoir d’ordres ou d’instructions de quelque origine que ce soit, étant ainsi protégée contre les interventions ou les pressions extérieures susceptibles de porter atteinte à l’indépendance de jugement de ses membres et d’influencer leurs décisions (56). Le principe d’indépendance des juges exige l’élaboration de règles permettant d’écarter tout doute légitime, dans l’esprit des justiciables, quant à l’imperméabilité des juges à l’égard d’éléments extérieurs, en particulier d’influences directes ou indirectes des pouvoirs législatif et exécutif susceptibles d’orienter leurs décisions (57). Le droit de l’Union accorde ainsi une importance considérable à la nécessité de préserver le pouvoir judiciaire de l’État des pressions exercées par le pouvoir exécutif ou législatif. Afin d’écarter tout doute raisonnable quant à l’imperméabilité des juges à toute influence directe ou indirecte susceptible d’affecter leurs décisions, une importance égale doit être accordée en ce qui concerne la protection des juges individuels contre les influences ou pressions indues provenant de l’intérieur du pouvoir judiciaire (58).

46.      Les différentes déclarations solennelles ou formules de serment que prononcent les juges pour rendre leur jugement en toute indépendance seraient vides de sens si, dans l’exercice de cette fonction, ils encourent le risque de subir des pressions de la part de leurs collègues, en particulier de la part de ceux qui sont chargés de présider les formations et/ou de réattribuer les affaires. Les pressions de ce genre peuvent aller de ce qui est informel, tel que la mutation de juges (comme en l’espèce), à l’attribution et la réattribution d’affaires (comme cela s’avère également s’être produit en l’espèce) et l’ouverture de procédures disciplinaires (comme cela peut avoir eu lieu en l’espèce). Un tel comportement de la part de collègues juges n’est pas simplement contraire à l’éthique ; faire pression sur des juges dans l’exercice de leurs fonctions est tout aussi illégal pour des collègues juges que pour des membres du pouvoir exécutif ou du pouvoir législatif. Ces observations s’appliquent avec autant de force dans des circonstances où des juges subissent des pressions de la part de leurs collègues pour avoir accompli leur devoir de s’exprimer publiquement sur des questions afférentes à l’organisation du système juridique et à l’exercice du pouvoir judiciaire (59).

47.      Tant la jurisprudence de la Cour EDH que celle de la Cour corroborent cette position. Dans l’arrêt rendu dans l’affaire Parlov‑Tkalčić c. Croatie, la Cour EDH a jugé que « l’indépendance des juges exige que les juges individuels soient exempts non seulement d’une influence indue extérieur au pouvoir judiciaire, mais également d’une influence indue interne. Cette indépendance interne des juges exige qu’ils ne doivent pas recevoir de directives ou subir de pressions ni de la part de [...] collègues ni de de la part de ceux qui ont des responsabilités administratives au sein de la juridiction tels que le président de celle-ci ou le président d’une section de cette juridiction […]. L’absence de garanties suffisantes pour assurer l’indépendance des juges au sein du pouvoir judiciaire et, en particulier, à l’égard de leurs supérieurs hiérarchiques, peut conduire la [Cour EDH] à conclure que les doutes qu’entretient un requérant en ce qui concerne (l’indépendance et) l’impartialité d’une juridiction peuvent être considérés comme ayant été justifiés objectivement […] » (60).

48.      Dans l’arrêt W.Ż. (61), la Cour a souligné la nécessité des garanties procédurales afin d’assurer l’indépendance interne des juges et le droit de contester des mesures susceptibles d’affecter cette indépendance (62). Elle a considéré que la mutation non consentie d’un juge vers une autre juridiction ou d’une section à une autre d’une même juridiction sont, tout comme un régime disciplinaire, potentiellement de nature à porter atteinte aux principes d’inamovibilité et d’indépendance des juges. De telles mutations peuvent également constituer un moyen d’exercer un contrôle sur le contenu des décisions judicaires. Elles sont susceptibles non seulement d’affecter l’étendue des attributions des magistrats concernés et le traitement des dossiers qui leur ont été confiés, mais également d’avoir des conséquences notables sur la vie et la carrière de ceux-ci et, ainsi, d’emporter des effets analogues à ceux de sanctions disciplinaires (63). La Cour a donc jugé que les règles et les principes qui régissent un régime disciplinaire applicable à des juges doivent également régir ces mutations (64).

49.      Il s’ensuit que les règles en matière de mutation non consentie des juges doivent être définies à l’avance d’une manière claire et transparente afin d’éviter l’arbitraire et/ou le risque de manipulation (65). De telles mutations ne peuvent être décidées que pour des motifs légitimes, y compris ceux tenant à une répartition des ressources disponibles contribuant à une bonne administration de la justice. Des décisions de cet ordre doivent comporter une motivation appropriée et pouvoir être contestées en justice, conformément à une procédure garantissant pleinement les droits consacrés aux articles 47 et 48 de la Charte, notamment les droits de la défense. Étant donné que des effets « paralysants » similaires peuvent résulter tant de la mutation des juges que du dessaisissement sans leur consentement d’affaires qui leur ont été attribuées, les règles et principes applicables à de telles mutations et à tout régime disciplinaire s’appliquent également (66) au dessaisissement non consenti des affaires d’un juge (67).

50.      Il ressort des renvois préjudiciels et des observations écrites des parties que le droit polonais concernant la mutation et le dessaisissement non consentis des juges n’est pas conforme aux règles et principes susmentionnés (68). La manière dont le collège et le président du Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Słupsk) ont appliqué les dispositions du droit polonais à la juge A. N.-B. a d’autant plus porté atteinte à ces règles et principes. Les défaillances identifiées paraissent donc présenter à la fois un caractère systémique et un caractère individuel.

51.      Lors de l’audience, en réponse aux questions posées par la Cour, le gouvernement polonais a confirmé que l’article 22a de la loi sur les juridictions de droit commun régissait les modifications apportées à l’exercice des fonctions d’un juge, y compris la mutation d’un juge dans une autre section d’une juridiction. Au titre de l’article 22a, paragraphes 1 et 4a, de cette loi, de telles modifications exigent le consentement du juge concerné pour prendre effet. Il existe également un droit de recours contre de telles décisions devant la KRS (69).

52.      L’article 22a, paragraphe 4b, point 1, de la loi sur les juridictions de droit commun exclut l’exigence du consentement en cas de « mutation dans une autre section connaissant d’affaires qui relèvent du même domaine ». L’article 22a, paragraphe 5, point 1, de cette loi exclut le droit de recours d’un juge en cas « de mutation dans une section chargée de statuer sur des affaires qui relèvent du même domaine » (70). Ces dispositions autorisent la mutation non consentie des juges dans certaines circonstances. Elles ne prévoient aucune procédure de recours ou de contrôle garantissant pleinement les droits consacrés aux articles 47 et 48 de la Charte, notamment les droits de la défense (71). À mon sens, des dispositions telles que l’article 22a, paragraphe 4b, point 1, et l’article 22a, paragraphe 5, point 1, de ladite loi portent atteinte à l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE et aux principes d’inamovibilité et d’indépendance des juges étant donné qu’elles sont susceptibles d’exposer les juges à des pressions indues émanant du pouvoir judiciaire.

53.      En ce qui concerne la mutation de la juge A. N.-B. de la section d’appel à la section de première instance du Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Słupsk), la référence qui est faite dans l’ordonnance du 13 octobre 2021 à la nécessité d’assurer le bon fonctionnement des sections d’appel et de première instance de cette juridiction ainsi qu’à une correspondance non spécifiée entre le président de ladite juridiction et le président de l’une de ses sections est sommaire et vague. Eu égard à l’incidence négative potentielle de cette mutation tant sur l’exercice des pouvoirs juridictionnels de la juge A. N.-B. d’une manière indépendante que sur sa carrière, une explication aussi succincte est loin de constituer un exposé des motifs valable (72). La nécessité de ladite mutation dans l’intérêt de la bonne administration de la justice impose de fournir des motifs objectifs et vérifiables, en particulier compte tenu de la mutation concomitante d’un autre juge de la section de première instance à la section d’appel du Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Słupsk).

54.      En ce qui concerne la résolution du collège et le dessaisissement non consenti de la juge A. N.-B., le gouvernement polonais a confirmé lors de l’audience que, conformément à l’article 47b de la loi relative à l’organisation des juridictions de droit commun, en principe, un juge reste saisi des affaires pendantes devant lui malgré sa mutation vers un autre lieu ou son détachement. Cette règle paraît respecter le principe d’inamovibilité des juges. Conformément à l’article 47b, paragraphes 5 et 6, de la loi relative à l’organisation des juridictions de droit commun, les affaires peuvent néanmoins être retirées à un juge en cas de mutation vers un autre lieu ou de détachement, aussi bien à la demande du juge que sur décision du collège de la juridiction concernée (73).

55.      À mon sens, l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE ainsi que les principes d’inamovibilité et d’indépendance des juges s’opposent à des dispositions telles que celles de l’article 47b, paragraphes 5 et 6, de la loi relative à l’organisation des juridictions de droit commun. Ces dispositions paraissent laisser la place à l’arbitraire et à un libre dessaisissement ex officio (74) d’un juge sans son consentement (75) et sans aucune procédure de recours ou de contrôle garantissant pleinement les droits consacrés aux articles 47 et 48 de la Charte (76). Outre le fait que lesdites dispositions s’appliquent d’une manière imprévisible et non transparente au détriment de l’indépendance et de l’inamovibilité des juges, le gouvernement polonais a confirmé, lors de l’audience, que le droit polonais n’impose aucune obligation de motiver le dessaisissement d’un juge auquel il est procédé au titre de l’article 47b, paragraphes 5 et 6, de la loi relative à l’organisation des juridictions de droit commun.

56.      Sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, il semble que la résolution du collège portant le dessaisissement de la juge A. N.‑B. a été adoptée avant sa mutation de la section d’appel à la section de première instance du Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Słupsk). Si tel s’avère être le cas, la résolution du collège peut avoir été adoptée en violation des dispositions de l’article 47b, paragraphes 5 et 6, de la loi relative à l’organisation des juridictions de droit commun, lesquelles permettent le dessaisissement d’un juge à la suite d’une mutation, mais non pas avant cette mutation. Les raisons pour lesquelles la résolution du collège a été adoptée ne sont pas non plus connues, du moins formellement (77). De surcroît, la juge A. N.-B. n’a pas été mutée vers un lieu d’affectation différent ni détachée du Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Słupsk), ce qui paraît également aller à l’encontre du droit polonais. Si elles sont établies à la satisfaction de la juridiction de renvoi, ces atteintes au droit polonais ont pour effet d’enfreindre l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, pour autant que cette juridiction estime que lesdites atteintes étaient d’une nature telle qu’elles ont exposé la juge A. N.-B. (78) à une influence indue ou à des pressions émanant du pouvoir judiciaire (79). Compte tenu des déficiences que les dispositions du droit polonais (80) présentent, comme il a été exposé aux points 50 à 56 des présentes conclusions, et de leur application arbitraire dans le contexte des faits ayant donné lieu aux présents renvois préjudiciels, je considère, tout comme la Commission dans ses observations écrites, qu’il n’est pas nécessaire que la Cour examine en l’espèce la manière dont les membres du collège ont été nommés.

57.      Eu égard à l’effet direct de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE (81) et afin d’assurer la primauté du droit de l’Union, je propose à la Cour de juger que les instances judiciaires compétentes doivent laisser inappliquée l’ordonnance du 13 octobre 2021 du président du Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Słupsk) portant mutation de la juge A. N.-B. de la section d’appel de cette juridiction à la section de première instance de ladite juridiction et que cette magistrate doit être réaffectée à la section d’appel (82). Le collège du Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Słupsk) et toutes les instances judiciaires ayant des pouvoirs à l’effet de former et de modifier la composition des formations de cette juridiction doivent écarter l’application de la résolution du collège dans les procédures à l’origine des affaires jointes C‑647/21 et C‑648/21 (83) et prendre les mesures nécessaires pour réattribuer ces procédures à la juge A. N.‑B. (84).

 Conclusion

58.      Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par le Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Słupsk, Pologne) de la manière suivante :

L’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE et les principes d’inamovibilité et d’indépendance des juges ainsi que de primauté du droit de l’Union doivent être interprétés en ce sens que :

–        premièrement, ils s’opposent à des dispositions de droit national qui permettent la mutation non consentie de juges sans prévoir, à l’égard d’une telle décision, aucune procédure de recours ou de contrôle qui garantisse pleinement les droits consacrés aux articles 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, en particulier les droits de la défense ;

–        deuxièmement, ils imposent, dans de telles circonstances, que les instances judiciaires compétentes d’une juridiction nationale laissent inappliquée une ordonnance du président de cette juridiction portant la mutation d’un juge d’une section d’appel de ladite juridiction à une section de première instance de la même juridiction et qu’elles réaffectent ce juge à la section d’appel ;

–        troisièmement, ils s’opposent à des dispositions de droit national qui laissent la place à l’arbitraire et à un libre dessaisissement d’un juge ex officio des affaires qui lui étaient attribuées, sans son consentement et sans prévoir, à l’égard de cette décision, aucune procédure de recours ou de contrôle qui garantisse pleinement les droits consacrés aux articles 47 et 48 de la Charte, en particulier les droits de la défense ;

–        quatrièmement, si un tel dessaisissement a eu lieu, ils imposent, aux formations de la juridiction nationale auxquelles les affaires ont été réattribuées, de laisser inappliquée cette réattribution et, aux instances judiciaires ayant des pouvoirs à l’effet de former et de modifier la composition des formations de cette juridiction, d’attribuer ces affaires à la formation qui en était initialement saisie.


1      Langue originale : l’anglais.


2      Ce chiffre est approximatif.


3      Le collège du Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Słupsk) (ci-après le « collège ») a dessaisi la juge A. N.-B. de quelque 70 affaires par une résolution du 11 octobre 2021 (ci-après la « résolution du collège »). Ce collège est composé du président du Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Słupsk) et des présidents des tribunaux d’arrondissement relevant du ressort géographique de ce tribunal régional.


4      Il ne ressort pas clairement des renvois préjudiciels à qui les 70 affaires ont été réattribuées, ni quels critères ont été appliqués à cette fin. Dans leurs observations écrites, la Prokuratura Rejonowa w Bytowie (parquet d’arrondissement de Bytów, Pologne) et la Prokuratura Okręgowa w Łomży (parquet régional de Łomża, Pologne) indiquent que les affaires ayant donné lieu aux présents renvois préjudiciels ont été réattribuées à d’autres juges sur une base aléatoire.


5      Ce jugement n’est pas définitif.


6      Les faits auraient été commis en juillet 2010.


7      La condamnation a été prononcée avec sursis.


8      Cette procédure a par hasard suscité une demande de décision préjudicielle, laquelle a donné lieu à l’ordonnance du 11 février 2021, Raiffeisen Bank International (C‑329/20, EU:C:2021:111).


9      Article 9a de l’ustawa o Krajowej Radzie Sądownictwa (loi sur le Conseil national de la magistrature) du 12 mai 2011 (Dz. U. de 2011, position 714).


10      Cour EDH, 22 juillet 2021, CE:ECHR:2021:0722JUD004344719.


11      Dans sa nouvelle composition.


12      C‑204/21 R, EU:C:2021:593.


13      La juge A. N.-B. s’était fondée, entre autres, sur l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE et sur l’article 47 de la Charte.


14      Dans sa nouvelle composition.


15      Le fondement juridique de cette ordonnance paraît être l’article 22a, paragraphe 4, de la loi sur les juridictions de droit commun.


16      La sixième section pénale.


17      Les affaires à l’origine des présents renvois préjudiciels sont pendantes devant la sixième section pénale du Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Słupsk).


18      La deuxième section pénale. Un autre juge, qui siégeait antérieurement tant dans la section d’appel que dans la section de première instance du Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Słupsk), a été muté à la section d’appel.


19      Arrêt du 26 mars 2020 (C‑542/18 RX‑II et C‑543/18 RX‑II, ci-après l’« arrêt Simpson », EU:C:2020:232, point 57). Cet arrêt exige de toute juridiction qu’elle vérifie si sa composition respecte le droit à un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Voir, également, arrêt du 6 octobre 2021, W.Ż. (Chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques de la Cour suprême – Nomination) (C‑487/19, ci-après l’« arrêt W.Ż. », EU:C:2021:798, points 114 et 115).


20      Directive (UE) du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 portant renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence et du droit d’assister à son procès dans le cadre des procédures pénales (JO 2016, L 65, p. 1).


21      Tels que le caractère fondamental du problème soulevé et l’importance du principe d’inamovibilité des juges.


22      Arrêt du 13 juillet 2023 (C‑615/20 et C‑671/20, ci-après l’« arrêt YP », EU:C:2023:562).


23      Sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, il apparaît que, le 20 septembre 2023, le président du Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Słupsk) a exigé que la juge A. N.-B. réponde à la demande de la Cour dans un délai de 14 jours.


24      La demande du 9 octobre 2023 a été envoyée par le compte d’accès e-Curia de la juge A. N-B.


25      Le 25 septembre 2023, à la suite de la transmission à la juge A. N.-B. des dossiers des affaires dans les procédures nationales à l’origine des affaires jointes C‑647/21 et C‑648/21, le président du Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Słupsk) lui a ordonné de répondre à la demande d’éclaircissement de la Cour.


26      La juge A. N.-B.a ajouté que cette ordonnance n’avait jamais été signée et que les autres membres de la formation à trois juges n’avaient jamais été désignés. De plus, l’ordonnance du 11 mars 2021 désignant la composition initiale de la formation n’a pas été révoquée.


27      Soit d’un juge, soit de trois juges.


28      Voir, par analogie, ordonnance du 2 juillet 2020, S.A.D. Maler und Anstreicher (C‑256/19, EU:C:2020:523, points 32 à 34), et arrêt du 20 avril 2021, Repubblika (C‑896/19, EU:C:2021:311, points 35 à 44). Voir, également, ordonnance du 3 octobre 2023, PROM-VIDIJA (C‑327/22, EU:C:2023:757, points 27 à 29).


29      Arrêts du 26 mars 2020, Miasto Łowicz et Prokurator Generalny (C‑558/18 et C‑563/18, EU:C:2020:234, point 36 et jurisprudence citée), et du 9 janvier 2024, G. e.a. (Nomination des juges de droit commun en Pologne) (C‑181/21 et C‑269/21, ci-après l’« arrêt G », EU:C:2024:1, point 57). Voir, également, ordonnance du 2 juillet 2020, S.A.D. Maler und Anstreicher (C‑256/19, EU:C:2020:523, points 35 à 40).


30      L’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TEU se réfère aux « domaines couverts par le droit de l’Union », sans avoir égard au fait que les États membre mettent ou non le droit de l’Union en œuvre au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte.


31      Arrêt du 2 mars 2021, A.B. e.a. (Nomination des juges à la Cour suprême – Recours) (C‑824/18, EU:C:2021:153, point 112 et jurisprudence citée).


32      Arrêt du 20 avril 2021, Repubblika (C‑896/19, EU:C:2021:311, points 63 à 65).


33      Voir, par analogie, arrêt du 18 mai 2021, Asociația « Forumul Judecătorilor din România » e.a. (C‑83/19, C‑127/19, C‑195/19, C‑291/19, C‑355/19 et C‑397/19, EU:C:2021:393, point 230). Les garanties d’indépendance et d’impartialité requises par le droit de l’Union postulent l’existence de règles, notamment en ce qui concerne la composition de l’instance, la nomination, la durée des fonctions ainsi que les causes d’abstention, de récusation et de révocation de ses membres, qui permettent d’écarter tout doute légitime, dans l’esprit des justiciables, quant à l’imperméabilité de cette instance à l’égard d’éléments extérieurs et à sa neutralité par rapport aux intérêts qui s’affrontent. Voir arrêt du 20 avril 2021, Repubblika (C‑896/19, EU:C:2021:311, point 53 et jurisprudence citée).


34      Voir arrêt YP, points 46 et 47 ainsi que jurisprudence citée.


35      Eu égard à l’arrêt YP, point 47 et à l’arrêt du 16 novembre 2021, Prokuratura Rejonowa w Mińsku Mazowieckim e.a. (C‑748/19 à C‑754/19, EU:C:2021:931, point 48).


36      Voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Emiliou dans l’affaire Cilevičs e.a. (C‑391/20, EU:C:2022:166, point 24).


37      Voir arrêts du 27 juin 2013, Di Donna (C‑492/11, EU:C:2013:428, points 24 à 26 et jurisprudence citée), du 27 février 2014, Pohotovosť (C‑470/12, EU:C:2014:101), points 27 à 29 et jurisprudence citée), du 26 mars 2020, Miasto Łowicz et Prokurator Generalny (C‑558/18 et C‑563/18, EU:C:2020:234, points 44 et 45 ainsi que jurisprudence citée), et du 24 novembre 2020, Openbaar Ministerie (Faux en écritures) (C‑510/19, EU:C:2020:953, point 27 et jurisprudence citée). La procédure préjudicielle est un instrument de coopération, entre la Cour et les juridictions nationales, consistant en un dialogue de juge à juge. Le déclenchement de ce dialogue dépend entièrement de l’appréciation que fait la juridiction nationale de la pertinence et de la nécessité du renvoi préjudiciel. Les juridictions nationales ont la faculté la plus étendue de saisir la Cour si elles considèrent qu’une affaire pendante devant elles soulève des questions comportant une interprétation ou une appréciation en validité des dispositions du droit de l’Union exigeant une décision de leur part. Voir, en ce sens, ordonnance du 12 février 2019, RH (C‑8/19 PPU, EU:C:2019:110, points 37 et 38).


38      Voir points 19 et 20 des présentes conclusions.


39      Dans sa réponse du 17 octobre 2023 à la demande d’éclaircissement de la Cour, la juge A. N.-B. a confirmé que, conformément au droit polonais, les procédures pénales devant le Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Słupsk) demeuraient suspendues.


40      Voir point 28 des présentes conclusions.


41      Arrêt du 26 mars 2020, Miasto Łowicz et Prokurator Generalny (C‑558/18 et C‑563/18, EU:C:2020:234, point 50).


42      Voir, par analogie, arrêt du 16 novembre 2021, Prokuratura Rejonowa w Mińsku Mazowieckim e.a. (C‑748/19 à C‑754/19, EU:C:2021:931, points 46 à 50).


43      Voir arrêt G, points 66 à 73. Voir, par analogie, arrêt du 21 mars 2023, MercedesBenz Group (Responsabilité des constructeurs de véhicules munis de dispositifs d’invalidation) (C‑100/21, EU:C:2023:229, point 54).


44      Voir, par analogie, arrêt YP, points 46 et 47 ainsi que jurisprudence citée, et arrêt du 26 mars 2020, Miasto Łowicz et Prokurator Generalny (C‑558/18 et C‑563/18, EU:C:2020:234, point 51 et jurisprudence citée).


45      Voir, en ce sens, arrêt Simpson, point 57.


46      Voir points 3 à 7 des présentes conclusions.


47      Voir, par analogie, arrêt YP, points 70 à 72 et 77 à 79.


48      Dans la procédure au principal de l’affaire C‑647/21, la juge A. N.-B. siège dans une formation à juge unique.


49      Voir, en revanche, point 60 de l’arrêt G, où la Cour a précisé que le gouvernement polonais contestait la recevabilité d’une demande de décision préjudicielle présentée par un seul juge siégeant dans une formation à trois juges.


50      Voir point 20 des présentes conclusions.


51      Selon la juge A. N-B., sa mutation de la section d’appel à la section de première instance présentait un caractère anormal. Au moment de cette mutation, un juge a simultanément été réaffecté de la section de première instance à la section d’appel.


52      Nomination faite par la KRS dans sa nouvelle composition. Le gouvernement suédois observe que le dessaisissement d’un juge des affaires qui lui ont été attribuées constitue une mesure draconienne équivalente, dans certains cas, à une destitution. Le risque existe que de tels mesures soient prises à des fins disciplinaires et pour empêcher abusivement un juge d’exercer ses fonctions juridictionnelles. Ce risque est particulièrement flagrant dans des affaires telles que les présents cas d’espèce où le dessaisissement a eu lieu conjointement avec des mesures de nature disciplinaire, telles qu’une réaffectation dans une autre section.


53      Voir arrêt W.Ż., point 118.


54      Lors de l’audience, tant le gouvernement polonais que la Commission ont présenté des observations en ce sens.


55      Arrêt du 20 avril 2021, Repubblika (C‑896/19, EU:C:2021:311, points 48 à 51 et jurisprudence citée).


56      Les juridictions doivent aussi maintenir l’égale distance par rapport aux parties au litige et à leurs intérêts respectifs. Cet aspect de l’indépendance exige que les juridictions soient objectives et n’aient aucun intérêt dans la solution du litige autre que la stricte application de la règle de droit. Arrêt du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, points 120 à 122 et jurisprudence citée).


57      Arrêt du 18 mai 2021, Asociația « Forumul Judecătorilor din România » e.a. (C‑83/19, C‑127/19, C‑195/19, C‑291/19, C‑355/19 et C‑397/19, EU:C:2021:393, point 212). Ce principe renvoie à la notion de « séparation des pouvoirs ». Arrêt du 20 avril 2021, Repubblika (C‑896/19, EU:C:2021:311, point 54 et jurisprudence citée). Voir, également Cour EDH, 8 novembre 2021, Dolińska-Ficek et Ozimek c. Pologne, CE:ECHR:2021:1108JUD004986819, § 274. La liberté des juges à l’égard de toutes interventions ou pressions extérieures exige certaines garanties propres à protéger la personne de ceux qui ont pour tâche de juger, telles que leur inamovibilité. Arrêt du 5 novembre 2019, Commission/Pologne (Indépendance des juridictions de droit commun) (C‑192/18, EU:C:2019:924, point 112 et jurisprudence citée).


58      Voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Pikamäe dans les affaires jointes Financijska agencija et UDRUGA KHL MEDVEŠČAK ZAGREB (C‑554/21, C‑622/21 et C‑727/21, EU:C:2023:816, points 63 et 64).


59      Cour EDH, 23 juin 2016, Baka c. Hongrie, CE:ECHR:2016:0623JUD002026112, § 168.


60      Cour EDH, 22 décembre 2009, CE:ECHR:2009:1222JUD002481006, § 86 (traduction par mes soins). La Cour EDH examine, entre autres, si les pouvoirs conférés aux présidents de formation de jugement et aux présidents de juridiction sont « susceptibles de limiter leur indépendance interne » ou « susceptibles de générer des pressions latentes conduisant à l’asservissement des juges à leurs supérieurs hiérarchiques ou, à tout le moins, à leur réticence à aller à l’encontre des souhaits de leur président, autrement dit à des effets “paralysants” sur l’indépendance interne des juges […] » (ibid., § 91) (traduction par mes soins]).


61      Voir points 113 à 118.


62      Cette affaire avait donné lieu au renvoi préjudiciel dans le cadre d’une procédure que le juge W.Ż. avait engagée pour contester une résolution de la KRS dans sa nouvelle composition. Cette résolution avait conclu au non‑lieu à statuer sur la contestation introduite par le juge W.Ż. contre la décision, prise par le président du Sąd Okręgowy w K. (tribunal régional de K., Pologne), le mutant d’une section à une autre de cette juridiction sans son consentement.


63      Voir arrêt W.Ż., point 113.


64      Voir arrêt W.Ż., point 115. Selon la Cour, l’indépendance des juges impose que les régimes disciplinaires nationaux des juges présentent les garanties nécessaires afin d’éviter tout risque d’utilisation de ces régimes pour exercer un contrôle sur le contenu des décisions judiciaires. Ces garanties comprennent des règles qui définissent les comportements constitutifs d’infractions disciplinaires ainsi que les sanctions applicables, qui prévoient l’intervention d’une instance indépendante conformément à une procédure garantissant pleinement les droits consacrés aux articles 47 et 48 de la Charte, notamment les droits de la défense, et qui consacrent la possibilité de contester en justice les décisions des organes disciplinaires : arrêt du 18 mai 2021, Asociația « Forumul Judecătorilor din România » e.a. (C‑83/19, C‑127/19, C‑195/19, C‑291/19, C‑355/19 et C‑397/19, EU:C:2021:393, point 198 et jurisprudence citée). Voir, également, arrêt du 11 mai 2023, Inspecția Judiciară (C‑817/21, EU:C:2023:391, points 55 à 73), en ce qui concerne la nécessité de garanties adéquates pour prévenir les abus de pouvoirs de la part du directeur d’un organe compétent pour conduire les enquêtes et exercer l’action disciplinaire à l’encontre de juges.


65      Voir, par analogie, arrêt du 16 novembre 2021, Prokuratura Rejonowa w Mińsku Mazowieckim e.a. (C‑748/19 à C‑754/19, EU:C:2021:931, point 79), rendu dans une affaire où il avait été mis fin à la délégation d’un juge au titre d’une décision du ministre de la Justice polonais et non par une décision adoptée par des membres du pouvoir judiciaire.


66      Voir point 13 des observations du gouvernement néerlandais.


67      Voir, également, article 3‑4 du statut universel du juge, adopté à Taiwan le 17 novembre 1999 par le Conseil central de l’Union internationale des magistrats et mis à jour à Santiago du Chili le 14 novembre 2017, intitulé « Modalités de répartition des affaires ». Cet article précise « [...] Le juge ne peut être dessaisi d’une affaire sans justes motifs. L’appréciation de ceux-ci doit être effectuée par une autorité judiciaire, en fonctions de critères objectifs préalablement déterminés par la Loi et au moyen d’une procédure transparente. » : https://www.unodc.org/res/ji/import/international_standards/the_universal_charter_of_the_judge/universal_charter_2017_french.pdf. Voir, également, par analogie, Cour EDH, 5 octobre 2010, DMD GROUP a.s. c. Slovaquie, CE:ECHR:2010:1005JUD001933403, § 62 à 72), en ce qui concerne la réattribution des affaires. La Cour EDH a jugé que, lorsque le président d’une juridiction se réattribue une affaire et agit en tant que juge dans cette affaire, l’importance capitale de l’indépendance des juges et de la sécurité juridique pour l’État de droit nécessite des garanties claires pour assurer l’objectivité et la transparence et, surtout, pour éviter toute apparence d’arbitraire dans l’attribution de certaines affaires spécifiques.


68      Sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi. Dans la procédure au titre de l’article 267 TFUE, la Cour ne se prononce ni sur l’interprétation et l’application de la législation nationale ni n’apprécie les faits. Elle peut, dans le cadre de la coopération judiciaire instaurée à l’article 267 TFUE, et à partir des éléments du dossier de l’affaire, fournir à la juridiction nationale les éléments d’interprétation du droit de l’Union susceptibles de lui être utiles dans son appréciation des effets de ses dispositions.


69      Dès lors que la juge A. N.-B. ne disposait pas d’un recours au titre de l’article 22a, paragraphe 5, point 1, de la loi relative à l’organisation des juridictions de droit commun, l’examen de l’efficacité de ce mécanisme de recours ne servirait aucune finalité pratique.


70      Les observations écrites de la Prokuratura Rejonowa w Bytowie (parquet d’arrondissement de Bytów) et celles de la Prokuratura Okręgowa w Łomży (parquet régional de Łomża) abordent également cette question.


71      Voir arrêt W.Ż., points 113 à 118.


72      Ainsi que la Commission l’a observé lors de l’audience, et sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, cette mutation pourrait constituer une rétrogradation.


73      Loi relative à l’organisation des juridictions de droit commun, article 47b, paragraphe 5.


74      Ainsi que le gouvernement suédois l’a observé, la réattribution des affaires doit se fonder sur des règles claires et transparentes, de manière à éviter l’impression que ces affaires ont été réattribuées de façon arbitraire.


75      Il est frappant que, en application de l’article 47b, paragraphe 5, de la loi relative à l’organisation des juridictions de droit commun, les présidents des juridictions compétentes sont consultés, mais que tel n’est pas le cas du juge concerné. Selon moi, le fait qu’il soit tenu compte de certains critères objectifs, tels que l’état d’avancement des affaires, est loin d’être suffisant pour remédier aux autres défaillances que j’ai constatées.


76      Voir arrêt W.Ż., points 113 à 118.


77      Lors de l’audience, le gouvernement polonais a déclaré que, en droit polonais, puisqu’elle n’a pas été signifiée à la juge A. N.-B., cette résolution ne comporte pas de motifs.


78      Ainsi que d’autres juges, indirectement, puisque les mesures prises à l’égard de la juge A. N.-B. pourraient les dissuader de chercher à vérifier si l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE et l’article 47 de la Charte ont été respectés.


79      Voir, par analogie, arrêt W.Ż., point 130 et jurisprudence citée.


80      Article 22a, paragraphe 4b, point 1, article 22a, paragraphe 5, point 1, et article 47b, paragraphes 5 et 6, de la loi relative à l’organisation des juridictions de droit commun.


81      Arrêt du 2 mars 2021, A.B. e.a. (Nomination des juges à la Cour suprême – Recours) (C‑824/18, EU:C:2021:153, points 145 et 146).


82      Lors de l’audience, les gouvernement danois, polonais et suédois ainsi que la Commission ont préconisé cette position.


83      Dès lors que ces affaires ont été suspendues devant le Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Słupsk) depuis la présentation des demandes de décision préjudicielle, il n’y a pas lieu d’examiner le principe de sécurité juridique. Voir arrêt YP, point 78.


84      Voir, par analogie, arrêt YP, points 76 et 77. Voir, également, arrêt du 24 juin 2019, Popławski (C‑573/17, EU:C:2019:530, points 52 et suiv.).