Language of document : ECLI:EU:T:2002:158

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

13 juin 2002 (1)

«Fonctionnaires - Article 19 du statut - Demande d'autorisation de production de documents devant une juridiction nationale»

Dans l'affaire T-74/01,

Albano Ferrer de Moncada, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Luxembourg (Luxembourg), représenté par Mes L. Misson et L. Wysen, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme C. Berardis-Kayser, en qualité d'agent, assistée de Me D. Waelbroeck, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d'une part, une demande d'annulation de la décision de la Commission du 19 janvier 2001 portant rejet implicite de la réclamation introduite par le requérant contre la décision de la Commission du 28 août 2000 lui refusant l'autorisation de produire certains documents devant une juridiction pénale luxembourgeoise et, d'autre part, une demande en réparation,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de MM. M. Jaeger, président, K. Lenaerts et J. Azizi, juges,

greffier: M. J. Plingers, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 28 février 2002,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

1.
    L'article 19, premier alinéa, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut») dispose:

«Le fonctionnaire ne peut faire état en justice, à quelque titre que ce soit, des constatations qu'il a faites en raison de ses fonctions, sans l'autorisation de l'autorité investie du pouvoir de nomination. Cette autorisation ne peut être refusée que si les intérêts des Communautés l'exigent et si ce refus n'est pas susceptible d'entraîner des conséquences pénales pour le fonctionnaire intéressé. Le fonctionnaire reste soumis à cette obligation même après la cessation de ses fonctions.»

Faits à l'origine du litige

2.
    Le requérant est fonctionnaire de la Commission à l'Office du contrôle de sécurité d'Euratom (ci-après l'«Office») à Luxembourg.

3.
    Par une note du 21 décembre 1999, M. Gmelin, directeur de l'Office, a demandé à M. Wagner, chef de section à l'Office, de suspendre provisoirement l'accès du requérant au système informatique de l'Office dans l'attente des résultats d'une enquête de sûreté («security review») qu'il avait l'intention de mener.

4.
    Le 6 janvier 2000, M. Gmelin a adressé à M. Hyvärinen, chef de l'unité «Protection (Luxembourg)» du service «Protocole et sécurité» de la direction générale (DG) «Personnel et administration» de la Commission, une note libellée comme suit:

«[...]

Réf.:    Règlement (Euratom) n° 3, articles 15, 16 et 32

J'ai eu connaissance, par des informations confidentielles, de certains faits qui pourraient signifier que M. A. Ferrer de Moncada, fonctionnaire auprès de l'unité OCS-2, aurait transmis des informations [relatives au contrôle de sécurité d'Euratom] à des tierces personnes.

Je vous prie dès lors de bien vouloir prendre les dispositions qui s'imposent et de procéder, si vous le jugez utile, à une nouvelle enquête de sûreté.»

5.
    Le 18 janvier 2000, le requérant a adressé à M. Hyvärinen une note dans laquelle il déclarait avoir pris connaissance de la note de M. Gmelin du 21 décembre 1999 et demandait, d'une part, une enquête approfondie sur les actions entreprises par M. Gmelin et, d'autre part, le rétablissement de son accès au système informatique de l'Office.

6.
    Par une note non datée, parvenue au requérant le 21 janvier 2000, M. Hyvärinen a répondu à ce dernier qu'il n'était pas en mesure de donner suite à ses demandes.

7.
    Le 24 janvier 2000, M. de Baenst, chef du service «Protocole et sécurité», a adressé à M. Gmelin une note ainsi libellée:

«J'ai le plaisir de vous informer que mon service a mené une enquête préliminaire concernant d'éventuelles atteintes à la sécurité prétendument commises par M. A. Ferrer de Moncada. Cette enquête n'a pas livré d'éléments suffisants pour justifier la poursuite de l'enquête ou le réexamen de l'habilitation de M. Moncada au secret (autorisation d'accès aux informations classées EURATOM).

En conséquence, l'enquête a été close.»

8.
    Par une note datée du même jour, le requérant a demandé à M. Hyvärinen de lui communiquer l'ensemble des documents concernant la décision contenue dans la note de M. Gmelin du 21 décembre 1999.

9.
    Par une note du 1er février 2000, M. Hyvärinen a transmis au requérant une copie de la note que lui avait adressée M. Gmelin le 6 janvier 2000 (voir, ci-dessus, point 4), ainsi qu'une copie de la note adressée par M. de Baenst à M. Gmelin le 24 janvier 2000 (voir, ci-dessus, point 7). Il a également informé le requérant qu'une copie de chaque pièce concernant l'enquête en cours serait classée dans son dossier d'habilitation aux contrôles de sécurité d'Euratom, qu'il pouvait consulter sur demande.

10.
    Par une note du 2 février 2000 adressée à M. Hyvärinen, le requérant a déclaré qu'il n'avait jamais été informé de l'existence d'une enquête le concernant. Par cette même note, ainsi que par deux autres notes datées, respectivement, du 21 février et du 22 mars 2000, il a demandé à M. Hyvärinen la communication du texte intégral du rapport relatif à cette enquête.

Procédure précontentieuse

11.
    Par une note du 7 mars 2000, le requérant a adressé à l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l'«AIPN») une demande tendant à obtenir, autitre de l'article 19 du statut, l'autorisation de produire devant une juridiction pénale luxembourgeoise, dans le cadre d'une plainte qu'il avait l'intention de déposer contre X pour diffamation, injures et calomnie, une série de documents, parmi lesquels ceux visés aux points 3 à 10 ci-dessus, ainsi que «tout autre document pertinent pour [s]on affaire, qui ne [lui] a[vait] pas encore été communiqué».

12.
    Par une note du 19 avril 2000, parvenue au requérant le 26 du même mois, Mme Tzirani, chef de l'unité «Gestion des droits individuels» de la direction B «Droits et obligations; politique et actions sociales» de la DG «Personnel et administration», a donné suite à la note du requérant visée au point précédent. Elle lui a indiqué notamment ce qui suit:

«Il ressort [...] des documents joints à votre demande d'autorisation préalable qu'il s'agit plutôt d'un différen[d] qui vous oppose avec le [d]irecteur du Contrôle de sécurité Euratom, et que dans ce cadre vous voudriez avoir plus de renseignements tant sur la procédure utilisée que sur la motivation de celle-ci. À cet égard, il me paraît que la situation décrite peut être mieux résolue par d'autres moyens statutaires internes applicables.

À titre indicatif, lorsqu'un fonctionnaire estime être lésé par une décision de [sa] hiérarchie et souhaite faire valoir ses propres droits contre cette décision, c'est la procédure prévue à l'article 90 du [s]tatut qui s'applique. D'autre part, s'il considère être atteint dans ses droits par un tiers, il peut demander l'assistance de l'institution. Dans ce cas, la procédure prévue à l'article 24 du [s]tatut est d'application. Enfin, si un fonctionnaire estime que, dans le cadre interne, l'institution a eu un comportement fautif, il peut dénoncer ce dysfonctionnement à l'OLAF. De même, il ne faut pas oublier la présence, à ces mêmes fins, d'un médiateur au sein de l'institution et, aussi, d'un médiateur européen.»

13.
    Par une lettre du 3 mai 2000, le conseil du requérant a réagi à la note de Mme Tzirani du 19 avril 2000 et a fait état, notamment, de ce qui suit:

«[M]on client constate que votre note du 19 avril 2000 ne prend pas position sur la demande formulée par mon client dans sa note du 7 mars 2000.

Mon client souhaite dès lors savoir si le caractère laconique de votre note équivaut à une réponse négative formulée à l'encontre de sa demande initiale.»

14.
    Le 7 juillet 2000, le conseil du requérant a écrit à M. Prodi, président de la Commission, et à M. Reichenbach, directeur général de la DG «Personnel et administration», afin de leur demander de prendre les mesures nécessaires pour que soit réservée une suite favorable aux demandes du requérant tendant, d'une part, à être explicitement autorisé, sur la base de l'article 19 du statut, à produire l'ensemble des pièces afférentes à la présente affaire devant la juridiction compétente pour recevoir la plainte au pénal avec constitution de partie civile que le requérant envisageait de déposer et, d'autre part, à obtenir la communication du rapport préliminaire établi lors de l'enquête dont ce dernier avait fait l'objet ainsi que de tous documents qui auraient été rédigés à cette occasion.

15.
    Par une note du 28 août 2000, Mme Tzirani a fait savoir au requérant ce qui suit:

«Après un examen approfondi de votre demande, il s'est avéré que celle-ci ne répond pas à l'esprit de l'article 19 du [s]tatut qui vise le cas du fonctionnaire appelé à témoigner dans une affaire à propos des faits qui le concernent ou d'informations dont il a eu connaissance du fait de ses fonctions et non le cas du fonctionnaire qui veut déposer une plainte à l'encontre de sa hiérarchie.

De ce fait, je me vois obligé[e] de refuser de vous accorder conformément à l'article 19 du [s]tatut l'autorisation de faire état en justice des constatations faites en raison de vos fonctions.»

16.
    Le 19 septembre 2000, le requérant a introduit une réclamation au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut.

17.
    Cette réclamation a fait l'objet d'une décision implicite de rejet le 19 janvier 2001.

Procédure et conclusions des parties

18.
    C'est dans ce contexte que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 mars 2001, le requérant a introduit le présent recours.

19.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale.

20.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée le 28 février 2002.

21.
    Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision de la Commission portant rejet implicite de sa réclamation du 19 septembre 2000;

-    condamner la partie défenderesse au paiement d'une somme de 5 millions de francs luxembourgeois (LUF) en réparation du préjudice moral subi;

-    condamner la partie défenderesse aux dépens.

22.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours comme non fondé, voire comme dénué d'objet;

-    statuer sur les dépens comme de droit.

Sur la recevabilité

Arguments des parties

23.
    La Commission fait valoir que la note de Mme Tzirani du 19 avril 2000 comporte une décision de rejet de la demande formulée par le requérant le 7 mars 2000. Par cette note, elle aurait explicitement écarté l'application de l'article 19 du statut au cas d'espèce. Or, aucune réclamation n'aurait été dirigée contre la décision susvisée. La réclamation du requérant du 19 septembre 2000 et le présent recours viseraient la seule décision de la Commission contenue dans la note de Mme Tzirani du 28 août 2000.

24.
    Soulignant l'importance accordée par la jurisprudence au respect du délai fixé par l'article 90, paragraphe 2, du statut pour l'introduction d'une réclamation (ordonnances du président de la cinquième chambre du Tribunal du 14 juillet 1993, Knijff/Cour des comptes, T-55/92, Rec. p. II-823, point 34, et du Tribunal du 14 décembre 1993, Calvo Alonso-Cortés/Commission, T-29/93, Rec. p. II-1389, point 40), la Commission soutient que le non-respect de ce délai par le requérant ne saurait être occulté par la circonstance que, par lettre du 3 mai 2000, ce dernier a réitéré sa demande faite le 7 mars 2000. En effet, conformément à une jurisprudence constante, une telle circonstance ne permettrait pas de faire courir à nouveau les délais fixés par le statut (voir ordonnance du Tribunal du 31 juillet 2000, Martínez Lara et Urbán Penón/Conseil, T-43/00, RecFP p. I-A-163 et II-753, point 19). Par conséquent, même à considérer, conformément à la thèse du requérant, que la lettre du conseil de ce dernier du 3 mai 2000 soit une demande d'interprétation de la note de la Commission du 19 avril 2000, un tel élément ne serait pas de nature à avoir interrompu l'écoulement du délai prévu pour l'introduction d'une réclamation à l'encontre de la décision contenue dans cette note.

25.
    La Commission ajoute que, en rejetant la demande contenue dans la lettre du conseil du requérant du 3 mai 2000, la note de Mme Tzirani du 28 août 2000 n'a fait que confirmer la décision du 19 avril 2000 visée au point 23 ci-dessus. La décision contenue dans la note de Mme Tzirani du 28 août 2000 constituerait, dans ces circonstances, un acte purement confirmatif ne comportant aucun élément nouveau et ne se serait pas substituée à la décision antérieure (arrêt du Tribunal du 3 mars 1994, Cortes Jimenez e.a./Commission, T-82/92, RecFP p. I-A-69 et II-237, point 14). Elle ne serait, par conséquent, pas un acte attaquable (ordonnance du Tribunal du 17 septembre 1998, Pagliarani/Commission, T-40/98, RecFP p. I-A-515 et II-1555, point 28). Le requérant n'ayant pas introduit en temps utile une réclamation contre la décision du 19 avril 2000, la recevabilité du recours serait contestable.

26.
    Le requérant soutient que la note de Mme Tzirani du 19 avril 2000 n'est pas une décision explicite de rejet de sa demande présentée le 7 mars 2000. Ladite note ne contiendrait en effet pas de prise de position sur cette demande. Elle se bornerait à indiquer les procédures internes prétendument susceptibles d'aider le requérant à résoudre le litige l'opposant à sa hiérarchie. Eu égard au caractère évasif de la note susmentionnée, le conseil du requérant aurait, par lettre du 3 mai 2000, demandé à la Commission des précisions sur la portée de cette note. Dans ces conditions, ladite lettre ne pourrait être considérée comme une deuxième demande et la note de Mme Tzirani du 28 août 2000 constituerait la première décision explicite de rejet communiquée au requérant.

27.
    Il s'ensuivrait que la recevabilité du recours ne fait pas de doute. En l'absence de réponse de la Commission dans les quatre mois à compter de la réception de la note du requérant du 7 mars 2000, une décision implicite de rejet serait intervenue le 7 juillet 2000. La Commission aurait ultérieurement pris, le 28 août 2000, une décision explicite de rejet. Par conséquent, la réclamation introduite par le requérant le 19 septembre 2000 aurait été déposée dans le délai prévu à l'article 90, paragraphe 2, du statut et ce, que le point de départ retenu soit la date de la décision implicite de rejet ou celle de la décision explicite de rejet.

28.
    Se fondant sur l'arrêt du Tribunal du 2 avril 1998, Apostolidis/Cour de justice (T-86/97, RecFP p. I-A-167 et II-521, points 21 et 22), le requérant conclut qu'il était en droit, en l'espèce, de diriger sa réclamation contre la seule décision du 28 août 2000.

Appréciation du Tribunal

29.
    La question de la recevabilité du recours revient à s'interroger sur la qualification de la note du 19 avril 2000 par laquelle Mme Tzirani, de la DG «Personnel et administration», a donné suite à la note qui avait été adressée le 7 mars 2000 par le requérant à l'AIPN et dans laquelle ce dernier avait demandé à obtenir, au titre de l'article 19 du statut, l'autorisation de produire une série de documents devant une juridiction pénale luxembourgeoise dans le cadre d'une plainte contre X qu'il avait l'intention de déposer pour diffamation, injures et calomnie.

30.
    Contrairement à la thèse de la Commission, la note de Mme Tzirani du 19 avril 2000 ne saurait être regardée comme une décision explicite de rejet de la demande du requérant visée au point précédent. Dans cette note, Mme Tzirani a interprété ladite demande comme tendant à obtenir, dans le cadre d'un différend opposant le requérant à son supérieur hiérarchique, «plus de renseignements tant sur la procédure utilisée que sur la motivation de celle-ci». Elle a indiqué au requérant que la situation décrite dans sa note du 7 mars 2000 pourrait «être mieux résolue par d'autres moyens statutaires internes applicables» et lui a fourni des précisions sur les voies de recours interne envisageables. Ainsi que l'a, à juste titre, relevé le conseil du requérant dans sa lettre du 3 mai 2000 adressée à Mme Tzirani, celle-ci n'a, en revanche, pas pris position sur la demande du requérant tendant à obtenir l'autorisation de produire les documents visés dans sa note du 7 mars 2000 devant une juridiction pénale luxembourgeoise dans le cadre du dépôt d'une plainte contre X. À cet égard, il est significatif de relever que, exception faite de la mention relative à l'objet de la demande présentée par le requérant le 7 mars 2000, la note de Mme Tzirani du 19 avril 2000 ne contient aucune allusion à l'article 19 du statut.

31.
    Dans ces conditions, et à défaut pour la Commission d'avoir pris position dans les quatre mois, soit à la date du 7 juillet 2000, sur la demande formulée par le requérant au titre de l'article 19 du statut, il y a lieu de considérer que, à cette date, la Commission était restée en défaut de répondre à ladite demande, de sorte que, en application de l'article 90, paragraphe 1, du statut, est intervenue à cette même date une décision implicite de rejet susceptible de faire l'objet d'une réclamation au sens du paragraphe 2 de cet article.

32.
    Le requérant a introduit une réclamation au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut le 19 septembre 2000, soit avant l'expiration, le 7 octobre 2000, du délai de trois mois qui lui était imparti par cette disposition à compter de la date de la décision implicite de rejet de sa demande.

33.
    Certes, cette réclamation a été dirigée contre la décision contenue dans la note de Mme Tzirani du 28 août 2000. Toutefois, dans cette note, qui fait suite à la lettre du conseil du requérant du 7 juillet 2000 par laquelle a été réitérée la demande du requérant visant à obtenir l'autorisation de produire en justice les documents mentionnés dans sa note du 7 mars 2000, Mme Tzirani a fait savoir au requérant que, «après examen approfondi de [cette] demande» et au vu de l'analyse qu'elle venait d'exposer, elle se voyait «obligé[e] de refuser de [lui] accorder conformément à l'article 19 du statut l'autorisation de faire état en justice des constatations faites en raison de [ses] fonctions» (voir, ci-dessus, point 15). De telles indications constituent une décision explicite de rejet de la demande initialement formulée par le requérant dans sa note du 7 mars 2000 et réitérée par le conseil de celui-ci dans sa lettre du 7 juillet 2000, faute pour le requérant d'avoir obtenu, dans la note de Mme Tzirani du 19 avril 2000, une prise de position de la Commission au regard de l'article 19 du statut.

34.
    Dans ces conditions, la décision explicite de rejet contenue dans la note de Mme Tzirani du 28 août 2000, contre laquelle a été dirigée la réclamation du requérant, doit être considérée comme une confirmation de la décision implicite de rejet intervenue le 7 juillet 2000.

35.
    Il est vrai que le juge communautaire déclare, en principe, irrecevable, un recours intenté contre un acte qui est purement confirmatif d'un acte antérieur (voir, notamment, arrêt de la Cour du 11 janvier 1996, Zunis Holding e.a./Commission, C-480/93 P, Rec. p. I-1, point 14). Cette jurisprudence est toutefois fondée sur le souci de ne pas faire renaître des délais de recours. Dans cette optique, une réclamation contre une décision confirmative n'est irrecevable que si la décision confirmée est devenue définitive à l'égard de l'intéressé, faute d'avoir fait l'objet d'une réclamation introduite dans le délai requis. Dans le cas où la décision confirmée n'est pas devenue définitive, la personne intéressée est en droit d'attaquer soit la décision confirmée, soit la décision confirmative, soit l'une et l'autre de ces décisions (voir arrêts du Tribunal du 27 octobre 1994, Chavane de Dalmassy e.a./Commission, T-64/92, RecFP p. I-A-227 et II-723, point 25, et Apostolidis/Cour de justice, cité au point 28 ci-dessus, point 21).

36.
    En l'espèce, le requérant a introduit le 19 septembre 2000 une réclamation contre la décision explicite de rejet du 28 août 2000. Dans la mesure où, le 19 septembre 2000, le délai de trois mois prévu à l'article 90, paragraphe 2, du statut pour l'introduction d'une réclamation contre la décision implicite de rejet du 7 juillet 2000 n'avait pas encore expiré, le requérant était, à la lumière de la jurisprudence mentionnée au point précédent, en droit de diriger sa réclamation contre la décision du 28 août 2000. Comme, en outre, le Tribunal a, conformément à l'article 91, paragraphe 3, du statut, été saisi du recours dans le délai de trois mois à compter de la date d'expiration du délai de réponse à la réclamation du requérant, le recours doit être déclaré recevable.

Sur le fond

Sur la demande d'annulation

37.
    À l'audience, le requérant a indiqué que, ainsi qu'il ressort de ses écritures, sa demande d'annulation visait la décision implicite de rejet de sa réclamation en ce que ladite décision confirmait le refus de la Commission d'accéder à sa demande visant à obtenir l'autorisation de produire les documents mentionnés dans la réclamation au soutien de la plainte contre X qu'il envisageait de déposer devant une juridiction pénale luxembourgeoise. Le Tribunal a pris acte de ce que la demande d'annulation ne portait pas, en revanche, sur la décision implicite de rejet de la demande, également formulée dans la réclamation, tendant à obtenir la communication d'un rapport prétendument établi par l'Office à la suite de l'enquête ayant concerné le requérant en janvier 2000.

38.
    Le requérant invoque trois moyens à l'appui de sa demande d'annulation, telle que précisée au point précédent. Le premier moyen est pris d'une violation de l'article 19 du statut et d'un défaut de motivation. Le deuxième moyen est fondé sur une violation de l'article 24 du statut. Le troisième moyen est tiré d'une violation des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Arguments des parties

39.
    Dans le cadre du premier moyen, pris d'une violation de l'article 19 du statut et d'un défaut de motivation, se fondant sur l'arrêt de la Cour du 18 février 1992, Weddel/Commission (C-54/90, Rec. p. I-871, points 21 à 26), et sur les conclusions de l'avocat général M. Van Gerven sous cet arrêt (Rec. p. I-881, points 10 et 11), le requérant fait valoir, en premier lieu, que l'autorisation visée à l'article 19 du statut ne peut être refusée que si les intérêts des Communautés l'exigent et pourvu que lesdits intérêts soient d'une importance considérable et présentent un caractère vital pour les Communautés. L'exception prévue par l'article susvisé serait donc de stricte interprétation. En l'espèce, les conditions d'application de cette exception feraient défaut.

40.
    Dans sa réplique, le requérant souligne le caractère paradoxal de l'argumentation exposée dans le mémoire en défense, où la Commission soutient, d'un côté, que l'article 19 du statut n'est pas applicable au cas d'espèce et, de l'autre, que le refus qui a été opposé à sa demande d'autorisation de produire en justice les documents litigieux est néanmoins justifié. Il soutient que soit l'article 19 du statut est applicable à la présente affaire, auquel cas la Commission n'était pas fondée à rejeter sa demande, soit cet article est inapplicable en l'espèce, auquel cas la Commission ne disposait d'aucune base légale ou statutaire au soutien de sa décision de refus.

41.
    En deuxième lieu, le requérant allègue que la Commission n'a pas avancé d'explications au sujet des prétendus intérêts des Communautés que le refus opposé à sa demande de production en justice des documents litigieux viserait à sauvegarder. La note de Mme Tzirani du 19 avril 2000 necomporterait aucune motivation en ce qui concerne l'article 19 du statut. Dans sa note du 28 août 2000, Mme Tzirani invoquerait l'esprit de l'article 19 du statut, sans faire la moindre référence à la jurisprudence au soutien de son interprétation. À aucun moment, la Commission n'aurait pondéré les intérêts vitaux des Communautés et l'intérêt personnel du requérant.

42.
    La Commission fait valoir, en premier lieu, que, ainsi que Mme Tzirani l'a indiqué au requérant dans sa note du 28 août 2000, l'article 19 du statut n'est pas applicable en l'espèce. Cet article viserait en effet le cas, étranger à la présente affaire, du fonctionnaire appelé à témoigner devant une juridiction nationale, et non celui du fonctionnaire qui, comme le requérant, entend porter plainte contre sa hiérarchie. L'arrêt Weddel/Commission et les conclusions de l'avocat général M. Van Gerven, cités au point 39 ci-dessus, confirmeraient cette analyse.

43.
    En ce qui concerne, en deuxième lieu, la motivation, la Commission fait valoir, tout d'abord, que le requérant a reçu communication de tous les documents le concernant. Ensuite, se fondant sur les notes de Mme Tzirani du 19 avril et du 28 août 2000, elle affirme avoir clairement informé le requérant sur les motifs de l'inapplicabilité de l'article 19 du statut au cas d'espèce. Dans ces conditions, elle n'aurait pas été tenue de justifier l'existence d'un intérêt communautaire au soutien de sa décision.

Appréciation du Tribunal

44.
    À titre liminaire, le Tribunal tient à souligner le caractère ambigu de la défense de la Commission dans la présente affaire. Certains passages de la note de Mme Tzirani du 28 août 2000 (voir la première phrase reproduite au point 15 ci-dessus), ainsi que l'argumentation de la Commission exposée aux points 42 et 43 ci-dessus, donnent à penser que la thèse de la Commission consiste à soutenir que l'article 19 du statut ne vise pas le cas de figure concerné dans la présente affaire.

45.
    En revanche, un autre passage de la note de Mme Tzirani du 28 août 2000 semble indiquer que la Commission part du principe que l'article 19 du statut est applicable en l'espèce, mais qu'elle s'est vue «obligée de refuser [d']accorder [au requérant] conformément à [cet] article du [s]tatut l'autorisation de faire état en justice des constatations faites en raison de [ses] fonctions» (voir, ci-dessus, point 15). À l'audience, la Commission a défendu cette seconde interprétation et a ajouté que la mise en balance des intérêts du requérant et de ceux des Communautés opérée au titre de l'article 19 du statut avait conduit à rejeter la demande du requérant.

46.
    Dans ces conditions, il y a lieu d'examiner l'argumentation de la Commission sous son double aspect.

47.
    L'examen du premier aspect de cette argumentation amène le Tribunal à se prononcer sur l'applicabilité de l'article 19 du statut au cas concerné en l'espèce.

48.
    À cet égard, le Tribunal considère que le champ d'application de l'article 19 du statut, tel qu'il est défini dans la première phrase dudit article (voir, ci-dessus, point 1), ne peut pas recevoir l'interprétation restrictive selonlaquelle cet article viserait exclusivement le cas du fonctionnaire appelé à témoigner en justice. En effet, ce champ d'application recouvre l'ensemble des situations dans lesquelles un fonctionnaire est amené à faire état en justice, «à quelque titre que ce soit», des constatations faites en raison de ses fonctions, sans opérer de distinction entre l'utilisation de telles constatations dans le cadre d'une audition comme témoin et cette utilisation dans le contexte de l'introduction d'une action judiciaire devant une juridiction nationale, par exemple, le dépôt d'une plainte au pénal.

49.
    La circonstance que la seule affaire dans laquelle le juge communautaire a, jusqu'ici, été amené à se prononcer sur le champ d'application de l'article 19 du statut a concerné la situation d'un fonctionnaire appelé à témoigner en justice (arrêt Weddel/Commission, cité au point 39 ci-dessus) ne permet pas, compte tenu de ce qui a été relevé au point précédent, de conclure qu'il s'agit de la seule situation visée par cet article.

50.
    Il y a encore lieu de faire observer que la Commission ne conteste pas que les différents documents visés par le requérant dans sa réclamation, et qui correspondent à des notes internes, émanant de celui-ci, reçues par lui ou concernant son cas, consécutives aux accusations anonymes portées contre lui à la fin de l'année 1999, relèvent de constatations faites par le requérant en raison de ses fonctions, au sens de l'article 19 du statut.

51.
    Des considérations exposées aux trois points précédents, il ressort que, pour autant que le refus de la Commission soit fondé sur l'inapplicabilité de l'article 19 du statut au cas de figure propre à la présente affaire, la Commission a commis une erreur de droit dans l'interprétation dudit article, de sorte que le moyen examiné, qui est pris, notamment, d'une violation de cet article, doit être accueilli.

52.
    Il convient d'ajouter que, à suivre la thèse de la Commission relative à l'inapplicabilité de l'article 19 du statut au cas d'espèce, il y aurait lieu de conclure soit que le requérant est fondé à produire les documents concernés sans requérir l'autorisation préalable de l'AIPN, de sorte que cette dernière n'était pas en droit de lui opposer un refus, soit que la Commission se devait d'invoquer une autre disposition que l'article 19 du statut au soutien de sa décision de refus, ce qu'elle n'a pas fait, de sorte que ladite décision doit alors, ainsi que le requérant l'affirme à juste titre dans ses écritures (voir, ci-dessus, point 40), être considérée comme dépourvue de base légale.

53.
    S'agissant du second aspect de l'argumentation de la Commission, consistant à soutenir que celle-ci était fondée à refuser, au titre de l'article 19 du statut, d'accorder au requérant l'autorisation de produire les documents concernés au soutien de sa plainte, le Tribunal tient à rappeler que, aux termes de cet article, un refus d'autorisation suppose notamment que «les intérêts des Communautés l'exigent».

54.
    Or, force est de constater que la Commission n'a, ni au cours de la procédure administrative ni au cours de la procédure écrite devant le Tribunal, fourni d'indication au sujet des prétendus «intérêts des Communautés» que le refus opposé à la demande du requérant aurait visé à sauvegarder. Dans la note du 19 avril 2000, Mme Tzirani n'a, ainsi qu'il a été relevé au point 30 ci-dessus, pas pris position à propos de l'article 19 du statut. S'agissant de la note de Mme Tzirani du 28 août 2000, elle comporte une allusion, non autrementétayée, à l'«esprit de l'article 19 du [s]tatut» (voir, ci-dessus, point 15) et, pour le surplus, des indications qui, ainsi que la Commission elle-même l'affirme dans ses écritures (voir, ci-dessus, point 43), visent à motiver sa thèse selon laquelle cet article du statut n'est pas applicable au cas d'espèce. En revanche, elle ne fournit aucune indication quant aux motifs du refus opposé au requérant.

55.
    Par conséquent, pour autant que la thèse de la Commission consiste à soutenir que celle-ci était fondée à refuser au requérant, en vertu de l'article 19 du statut, l'autorisation de produire les documents concernés devant une juridiction pénale luxembourgeoise, force est de constater que sa décision de refus n'est aucunement motivée, de sorte qu'il convient d'accueillir le premier moyen, pris, notamment, d'un défaut de motivation.

56.
    Il convient encore de souligner que, ainsi qu'il a été exposé au point 45 ci-dessus, la Commission a, à l'audience, fait valoir que la demande d'autorisation exprimée par le requérant était apparue excessive dans le cadre de la mise en balance des intérêts personnels de celui-ci et des intérêts des Communautés. Ces derniers intérêts auraient tenu à la volonté de l'AIPN de voir le différend opposant le requérant à ses supérieurs hiérarchiques réglé par la voie interne.

57.
    Toutefois, force est de constater que ces explications ne sont pas de nature à occulter l'absence totale de motivation de la décision de refus de la Commission contenue dans la note de Mme Tzirani du 28 août 2000 et implicitement confirmée le 19 janvier 2001.

58.
    Par ailleurs, il ressort de la formulation restrictive de la deuxième phrase de l'article 19 du statut (voir, ci-dessus, point 1) que les «intérêts des Communautés» qui, en vertu de cet article, peuvent justifier un refus d'autorisation de faire état en justice de constatations liées à la fonction doivent nécessairement être des intérêts d'une importance considérable et présentant un caractère vital pour les Communautés (voir, en ce sens, les conclusions de l'avocat général M. Van Gerven sous l'arrêt Weddel/Commission, citées au point 39 ci-dessus, point 11). Dans ce contexte, la Commission, qui ne conteste pas, ainsi qu'elle l'a indiqué tant dans ses écritures qu'à l'audience, le droit du requérant de porter plainte devant une juridiction pénale luxembourgeoise, ne saurait raisonnablement défendre que son souci d'un règlement interne du conflit opposant prétendument le requérant à sa hiérarchie corresponde à une exigence liée à la préservation d'intérêts vitaux des Communautés, de nature à motiver son refus d'autoriser celui-ci à produire en justice les documents concernés. Du reste, la volonté du requérant de déposer une plainte contre X pour diffamation, injures et calomnie ne traduit pas, en tant que telle, un conflit interne avec sa hiérarchie, mais peut s'expliquer par l'unique souci du requérant de voir son honorabilité professionnelle restaurée.

59.
    Il s'ensuit que les explications de la Commission mentionnées au point 56 ci-dessus ne permettent pas, en tout état de cause, de justifier son objection à la demande du requérant.

60.
    À l'audience, la Commission, se référant à l'arrêt de la Cour du 7 novembre 1985, Adams/Commission (145/83, Rec. p. 3539), a encore invoqué l'obligation pesant sur elle de ne pas divulguer des renseignements confidentiels,particulièrement, en l'espèce, ceux tenant à l'identité de la personne ayant informé à l'époque les responsables de l'Office d'une possible violation par le requérant du secret professionnel.

61.
    Toutefois, outre que de telles explications ne permettent pas d'écarter l'absence totale de motivation de la décision contenue dans la note de Mme Tzirani du 28 août 2000 et confirmée par la décision implicite de rejet de la réclamation, force est de constater que la Commission n'a pas identifié, parmi les documents concernés par la demande du requérant, d'éléments dont la production en justice avec son autorisation pourrait conduire à conclure à une méconnaissance de sa part de l'obligation qui lui incombe, au titre de l'article 287 CE, de ne pas divulguer les informations à caractère confidentiel en sa possession.

62.
    S'agissant particulièrement de la note de M. Gmelin du 6 janvier 2000, qui figure parmi les documents visés par le requérant dans sa réclamation, et à laquelle la Commission s'est référée à l'audience, il convient de relever que, dans ladite note, M. Gmelin affirme avoir eu connaissance, par des «informations confidentielles», de faits ayant éveillé des soupçons à l'encontre du requérant (voir, ci-dessus, point 4). La note préserve donc l'anonymat de la source à l'origine des informations ayant justifié l'enquête menée contre le requérant. Par conséquent, la Commission n'est pas fondée à alléguer le respect de son obligation de discrétion pour s'opposer à la demande du requérant tendant à la production de la note susmentionnée devant une juridiction pénale luxembourgeoise. En outre, si elle entendait s'opposer, pour des motifs de confidentialité, à la demande du requérant tendant à la production en justice d'autres documents visés dans la réclamation, elle se devait de fournir une justification document par document, ce qui n'a pas été fait.

63.
    Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que la décision de la Commission, contenue dans la note de Mme Tzirani du 28 août 2000, refusant au requérant l'autorisation de faire état des documents identifiés dans la réclamation au soutien de la plainte qu'il envisage de déposer devant une juridiction pénale luxembourgeoise, de même que la décision implicite de rejet de la réclamation sont illégales. Par conséquent, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens développés par le requérant, la décision de la Commission du 19 janvier 2001 portant rejet implicite de la réclamation introduite par le requérant contre la décision de la Commission du 28 août 2000 doit être annulée.

Sur la demande en réparation

Arguments des parties

64.
    Le requérant fait valoir que la décision implicite de rejet de sa réclamation est constitutive d'une faute, en ce que cette décision viole, notamment, l'article 19 du statut. Cette faute aurait empêché et continuerait d'empêcher le requérant de produire en justice les pièces litigieuses et, partant, de porter plainte contre X en temps utile et de manière efficace devant une juridiction pénale luxembourgeoise. En outre, la décision susvisée affecterait son droit d'obtenir les informations nécessaires sur le contenu des enquêtes visées dans la note de M. Gmelin du 21 décembre 1999 et dans celle de M. deBaenst du 24 janvier 2000. À cet égard, le requérant souligne que sa réclamation du 19 septembre 2000 tendait également à obtenir la communication du rapport d'enquête préliminaire mentionné dans la seconde note susvisée. Il aurait en outre sollicité cette communication de manière implicite mais certaine dans sa note du 7 mars 2000.

65.
    Concernant le préjudice, le requérant allègue l'existence d'un préjudice moral lié à l'atteinte portée à sa réputation professionnelle par les accusations graves dirigées contre lui. Par sa décision implicite de rejet de la réclamation, la Commission aurait contribué à cette atteinte. Ce faisant, elle aurait causé et aggravé le préjudice moral du requérant. La réparation dudit préjudice nécessiterait, ex aequo et bono, une indemnisation à concurrence de 5 000 000 LUF.

66.
    Dans la réplique, le requérant allègue que différents éléments, tels que la référence, dans la note de M. Gmelin du 6 janvier 2000, à des dispositions du règlement n° 3 du Conseil, du 31 juillet 1958, portant application de l'article 24 du traité instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique (JO 1958, 17, p. 406), l'indication, figurant dans la note de M. Hyvärinen du 1er février 2000, selon laquelle une copie des différentes pièces relatives à l'affaire le concernant serait classée dans le dossier d'habilitation de celui-ci, le fait que son ordinateur n'a été connecté à nouveau que le 28 septembre 2000, après neuf mois d'interruption, la publicité donnée à la note de M. Gmelin du 21 décembre 1999 au sein de l'Office et l'absence de démenti formel de la part de la Commission à propos des faits dont il avait été soupçonné attestent de la gravité particulière des accusations proférées contre lui et de l'importance de l'atteinte portée à sa réputation professionnelle.

67.
    La Commission rétorque qu'il ressort de la jurisprudence que, dans le cadre d'une demande en dommages et intérêts formulée par un fonctionnaire, la responsabilité de la Communauté suppose la réunion d'un ensemble de conditions, à savoir l'illégalité du comportement reproché à l'institution, la réalité du dommage et l'existence d'un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqués (arrêt de la Cour du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C-136/92 P, Rec. p. I-1981).

68.
    En l'espèce, en l'absence d'une faute ou d'un comportement illégal de la Commission, les conditions exigées par la jurisprudence ne seraient pas remplies, de sorte que la demande de réparation du requérant devrait être rejetée.

Appréciation du Tribunal

69.
    Il convient de rappeler que, lorsqu'il existe un lien direct entre le recours en annulation et une action en indemnité, cette dernière peut être déclarée recevable, en tant qu'accessoire au recours en annulation, sans devoir être nécessairement précédée tant d'une demande invitant l'AIPN à réparer le préjudice prétendument subi que d'une réclamation contestant le bien-fondé du rejet explicite ou implicite de la demande (arrêt du Tribunal du 15 juillet 1993, Camara Alloisio e.a./Commission, T-17/90, T-28/91 et T-17/92, Rec. p. II-841, point 46).

70.
    En l'espèce, la demande en réparation, dans la mesure où elle se réfère à la décision implicite de rejet de sa réclamation en ce que ladite décision confirme le refus de la Commission d'autoriser le requérant à produire en justice les documents visés dans cette réclamation, présente un lien direct avec la demande d'annulation dirigée contre cette même décision et doit en conséquence être déclarée recevable.

71.
    Sur le fond, il convient de rappeler que l'engagement de la responsabilité de la Communauté suppose la réunion d'un ensemble de conditions concernant l'illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage allégué et l'existence d'un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué (voir, notamment, arrêt de la Cour du 16 décembre 1987, Delauche/Commission, 111/86, Rec. p. 5345, point 30; arrêt du Tribunal du 28 septembre 1999, Hautem/BEI, T-140/97, RecFP p. I-A-171 et II-897, point 83).

72.
    En l'espèce, l'examen de la demande d'annulation a conduit à constater l'illégalité du comportement de la Commission lié à sa décision implicite de rejet de la réclamation, en ce que ladite décision confirme la décision de la Commission refusant au requérant l'autorisation de produire les documents visés dans la réclamation au soutien de la plainte contre X que celui-ci envisage de déposer devant une juridiction pénale luxembourgeoise.

73.
    Le requérant allègue l'existence d'un préjudice moral, lié au fait que la décision de refus de la Commission visée au point précédent a contribué à l'atteinte portée à sa réputation professionnelle.

74.
    À cet égard, il convient cependant de rappeler que, en vertu de la jurisprudence, l'annulation de l'acte de l'administration attaqué par un fonctionnaire peut constituer, en elle-même, une réparation adéquate et, en principe, suffisante du préjudice moral que celui-ci peut avoir subi du fait de cet acte, en particulier si celui-ci n'a comporté aucune appréciation blessante à son égard (arrêt de la Cour du 7 février 1990, Culin/Commission, C-343/87, Rec. p. I-225, points 25 à 29; arrêts du Tribunal du 20 septembre 1990, Hanning/Parlement, T-37/89, Rec. p. II-463, point 83, et Hautem/BEI, cité au point 71 ci-dessus, point 82). En l'espèce, à défaut d'éléments démontrant que la décision de refus d'autorisation opposée par la Commission au requérant contenait des appréciations négatives à l'égard de ce dernier, l'annulation de la décision implicite de rejet de la réclamation doit être considérée comme étant constitutive d'une réparation adéquate et suffisante du préjudice moral allégué.

75.
    Au vu de ce qui précède (points 71 à 74 ci-dessus), la demande en réparation, en ce qu'elle est liée à la décision de la Commission de refuser au requérant l'autorisation de produire en justice les documents identifiés dans la réclamation, doit être écartée comme étant non fondée.

76.
    Ainsi qu'il a été relevé (point 64 ci-dessus), le requérant invoque également le fait que la décision implicite de rejet de sa réclamation l'empêche d'obtenir communication du rapport d'enquête préliminaire visé dans cette réclamation.

77.
    Toutefois, sans qu'il y ait lieu de se prononcer, au regard de la jurisprudence mentionnée au point 69 ci-dessus, sur la recevabilité de la demande en réparation dans la mesure où celle-ci est liée à ce second volet, non visé par la demande d'annulation (voir, ci-dessus, point 37), de ladécision implicite de rejet de la réclamation, il convient de relever que le requérant, confronté aux allégations de la Commission niant l'existence d'un rapport d'enquête préliminaire dans cette affaire, s'est borné à faire état, au soutien de son allégation en sens contraire, de la note de M. Gmelin du 21 décembre 1999 annonçant l'ouverture d'une enquête de sûreté (voir, ci-dessus, point 3) et de la note de M. de Baenst du 24 janvier 2000 indiquant à M. Gmelin qu'il avait été procédé à une enquête préliminaire (voir, ci-dessus, point 7). Cependant, la constatation, qui se dégage de ces deux notes, selon laquelle l'enquête préliminaire menée à propos de prétendues violations par le requérant du secret professionnel n'a pas fourni d'éléments suffisants justifiant la poursuite des investigations ou le réexamen de l'autorisation d'accès du requérant aux informations confidentielles relatives à Euratom ne prouve pas qu'ait été établi le prétendu rapport visé par la demande de communication formulée dans la réclamation et implicitement rejetée par la Commission.

78.
    Il s'ensuit qu'aucune illégalité ne peut être constatée à l'encontre de la Commission en relation avec le fait que le requérant ne s'est pas vu communiquer de rapport après l'enquête préliminaire menée à son égard. La demande en réparation, dans la mesure précisée au point précédent, doit donc, en tout état de cause, être rejetée comme étant non fondée.

79.
    Pour autant que la demande en réparation doive également être comprise, à la lecture des indications figurant dans la réplique (voir, ci-dessus, point 66), comme tendant à obtenir la réparation du dommage moral prétendument subi par le requérant du fait d'une série d'actes et de comportements de la Commission autres que la décision implicite de rejet de sa réclamation, il y a lieu de rappeler que, en vertu de la jurisprudence, lorsque le dommage dont la réparation est demandée a été causé non par un acte faisant grief au sens de l'article 90, paragraphe 2, du statut, mais par un comportement dépourvu de caractère décisionnel, la procédure administrative, dont le déroulement régulier conditionne la recevabilité du recours, comporte, en vertu des articles 90 et 91 du statut, deux étapes. L'intéressé doit d'abord saisir l'AIPN d'une demande visant à obtenir un dédommagement. Ce n'est que le rejet explicite ou implicite de cette demande qui constitue un acte faisant grief, contre lequel une réclamation peut être dirigée, et c'est seulement après le rejet implicite ou explicite de la réclamation qu'un recours peut être formé devant le Tribunal (arrêt du Tribunal du 6 juillet 1995, Ojha/Commission, T-36/93, RecFP p. I-A-161 et II-497, point 117).

80.
    En l'espèce, les actes et comportements, autres que la décision implicite de rejet de la réclamation, dans lesquels le requérant situe également l'origine du préjudice moral allégué (voir, ci-dessus, point 66) doivent être considérés comme des comportements dépourvus de caractère décisionnel au sens de la jurisprudence évoquée au point précédent. Or, ils n'ont fait l'objet ni d'une demande en indemnisation ni, par conséquent, d'une réclamation contre le rejet de celle-ci, introduites conformément aux dispositions du statut visées au point précédent.

81.
    Il s'ensuit que la demande en réparation, pour autant qu'elle vise à obtenir la réparation d'un dommage moral prétendument causé au requérant par un acte ou un comportement de la Commission autre que la décision implicite de rejet de sa réclamation, doit être déclarée irrecevable, faute d'avoir étéprécédée de la procédure précontentieuse prévue aux articles 90 et 91 du statut.

82.
    Au vu de tout ce qui précède, la demande en réparation doit être rejetée dans son ensemble.

Sur les dépens

83.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé en l'essentiel de ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

déclare et arrête:

1)    La décision de la Commission du 19 janvier 2001 portant rejet implicite de la réclamation introduite par le requérant contre la décision de la Commission du 28 août 2000 lui refusant l'autorisation de produire les documents visés dans cette réclamation devant une juridiction pénale luxembourgeoise est annulée.

2)    Le recours est rejeté pour le surplus.

3)    La Commission supportera ses propres dépens ainsi que ceux du requérant.

Jaeger

Lenaerts
Azizi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 juin 2002.

Le greffier

Le président

H. Jung

M. Jaeger


1: Langue de procédure: le français.