DOCUMENT DE TRAVAIL
ORDONNANCE DU TRIBUNAL (huitième chambre)
6 septembre 2021 (*)
« Recours en annulation – Aides d’État – Fonds de capital-investissement – Plainte – Mesures constituant prétendument des aides d’État liées à Dutch Venture Initiative – Décision adoptée à l’issue de la procédure préliminaire d’examen – Décision constatant l’absence d’aide d’État – Qualité d’intéressé – Sauvegarde des droits procéduraux – Irrecevabilité »
Dans l’affaire T‑277/20,
MKB Multifunds BV, établie à Zierikzee (Pays-Bas), représentée par Mes J. van de Hel et R. Rampersad, avocats,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par MM. V. Bottka et S. Noë, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
soutenue par
Royaume des Pays-Bas, représenté par Mmes Bulterman et C. Schillemans, en qualité d’agents,
partie intervenante,
ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant, en substance, à l’annulation de la décision C(2020) 1109 final de la Commission, du 27 février 2020, concernant l’aide SA.55704 (2019/FC) – Pays-Bas, relative à une prétendue aide d’État octroyée à la Dutch Venture Initiative,
LE TRIBUNAL (huitième chambre),
composé de MM. J. Svenningsen, président, R. Barents et C. Mac Eochaidh (rapporteur), juges,
greffier : M. E. Coulon,
rend la présente
Ordonnance
Antécédents du litige
1 Dutch Venture Initiative (ci-après « DVI ») est une structure de fonds de fonds pour le capital-investissement créée par les autorités néerlandaises, plus précisément par le ministère des Affaires économiques et du Climat et la société de développement publique PPM Oost, et le Fonds européen d’investissement (FEI). DVI, qui est gérée par le FEI, se concentre sur les investissements dans des fonds de capital-investissement qui investissent dans des petites et moyennes entreprises (PME). Deux fonds DVI ont été créés, en tant que sociétés d’investissement en capital à risque (SICAR) régies par le droit luxembourgeois, à savoir DVI I en août 2013 et DVI II en avril 2016. Le fonds DVI I a été clôturé le 10 octobre 2016.
2 Le 24 septembre 2018, la requérante, MKB Multifunds, s’est plainte auprès de la Commission européenne de ce que le Royaume des Pays-Bas aurait octroyé des aides d’État illégales à DVI, au FEI, à PPM Oost, aux fonds de capital-investissement dans lesquels DVI investit, ainsi qu’aux PME dans lesquelles les fonds de capital-investissement concernés investissent.
3 Dans sa plainte, la requérante a fait valoir que, en raison des aides alléguées, elle a éprouvé des difficultés à attirer des investisseurs privés et qu’elle a eu moins de possibilités d’investissement compte tenu du nombre trop élevé de soumissions pour les fonds de capital-investissement dans lesquels elle souhaitait investir.
4 Le 8 octobre 2018, la Commission a transmis une version non confidentielle de la plainte de la requérante aux autorités néerlandaises, lesquelles ont ensuite déposé des observations le 17 décembre 2018.
5 Le 21 décembre 2018, la Commission a adressé à la requérante une lettre contenant une première évaluation préliminaire, conformément à l’article 24, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (JO 2015, L 248, p. 9). La Commission y parvenait à la conclusion selon laquelle, a priori, les mesures contestées ne constituaient pas une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
6 Par lettre du 20 février 2019, la requérante a fourni des informations complémentaires à la Commission.
7 Le 14 mars 2019, la Commission a transmis cette lettre de la requérante aux autorités néerlandaises en leur demandant des renseignements supplémentaires.
8 Le 10 mai 2019, les autorités néerlandaises ont répondu à la Commission.
9 Le 28 mai 2019, après avoir examiné les documents et informations qui lui avaient été transmis, la Commission a adressé à la requérante une seconde évaluation préliminaire, conformément à l’article 24, paragraphe 2, du règlement 2015/1589. Dans le cadre de cette seconde évaluation préliminaire, la Commission a déclaré qu’elle continuait de considérer qu’il ne s’agissait pas a priori d’une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
10 Le 27 juin 2019, la requérante a envoyé à la Commission une lettre lui faisant part de son désaccord en ce qui concerne la conclusion de cette seconde évaluation préliminaire.
11 Le 31 juillet 2019, la Commission a répondu à la requérante en étayant davantage les considérations exposées dans sa lettre du 28 mai 2019.
12 Le 30 août 2019, la requérante a répondu au courrier du 31 juillet 2019 en exposant plus en détail les raisons pour lesquelles elle contestait la conclusion de la Commission selon laquelle les mesures contestées ne constituaient pas une aide d’État. Par ailleurs, elle a transmis à la Commission des informations complémentaires le 15 octobre et le 2 décembre 2019.
13 Les 3 décembre 2019, 10 janvier 2020 et 14 février 2020, la Commission a adressé un certain nombre de questions sollicitant des éclaircissements de la part des autorités néerlandaises, qui y ont répondu le 10 décembre 2019 ainsi que les 20 janvier et 14 février 2020.
14 Le 27 février 2020, la Commission a adopté la décision C(2020) 1109 final, concernant l’aide SA.55704 (2019/FC) – Pays-Bas : prétendue aide d’État liée à la Dutch Venture Initiative (JO 2020, C 168, p. 3, ci-après la « décision attaquée »).
15 Au point 75 de la décision attaquée, la Commission a conclu que ne constituent pas des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, dès lors qu’elles ne confèrent pas d’avantage économique à une entreprise, les cinq mesures suivantes :
a) l’accord financier conclu entre le Royaume des Pays-Bas et PPM Oost ;
b) l’investissement du Royaume des Pays-Bas dans DVI, par l’intermédiaire de PPM Oost ;
c) les frais de gestion que verse DVI au FEI ;
d les investissements de DVI dans des fonds de capital-investissement ;
e) les investissements dans des PME réalisés par des fonds de capital-investissement financés par DVI.
16 Le 9 mars 2020, la Commission a envoyé, par courrier recommandé, une copie de la décision attaquée à la requérante.
Conclusions des parties
17 Dans le dernier état de ses conclusions, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– déclarer le recours recevable ;
– annuler la décision attaquée ;
– ordonner à la Commission d’ouvrir une procédure formelle d’examen en vertu de l’article 108, paragraphe 2, TFUE ;
– condamner la Commission aux dépens.
18 La Commission et le Royaume des Pays-Bas concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme irrecevable ;
– à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
19 Aux termes de l’article 126 du règlement de procédure, lorsqu’un recours est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sur proposition du juge rapporteur, à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.
20 En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide de statuer sur le recours sans poursuivre la procédure.
21 La Commission, soutenue par le Royaume des Pays-Bas, considère que le recours est irrecevable. En substance, aucune des trois hypothèses visées à l’article 263, alinéa 4, TFUE ne serait satisfaite en l’espèce. Premièrement, la requérante ne serait pas la destinataire de la décision attaquée. Deuxièmement, la décision attaquée ne constituerait pas un acte réglementaire, puisqu’elle serait dépourvue de toute portée générale. Troisièmement, la décision attaquée ne concernerait pas directement et individuellement la requérante. À cet égard, le recours ne viserait pas à protéger les droits procéduraux de la requérante au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE. De plus, la requérante n’aurait pas démontré qu’elle est une « partie intéressée » au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, et de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589. Enfin, la requérante n’aurait pas établi que les aides alléguées ont affecté substantiellement sa position sur le marché en cause.
22 La requérante ne conteste pas qu’elle n’est pas la destinataire de la décision attaquée ni que cette dernière ne constitue pas un acte réglementaire. En revanche, elle conteste l’argumentation de la Commission relative à son prétendu défaut d’affectation directe et individuelle. En substance, la requérante soutient qu’elle est une « partie intéressée », ce qu’aurait d’ailleurs reconnu la Commission durant la phase administrative. La requérante considère également que sa position concurrentielle sur le marché a effectivement été affectée par l’aide. Enfin, la requérante affirme que, au soutien de son recours, elle soulève, bel et bien, un moyen tiré d’une violation de ses droits procéduraux. Selon elle, s’il est vrai qu’elle n’a pas « textuellement » et « explicitement » énoncé une violation de ses droits procéduraux dans la requête, ce moyen se dégagerait pourtant « assurément » des trois moyens avancés au soutien de cette requête ainsi que du point 18 de celle-ci. En effet, ces moyens montreraient que les droits procéduraux de la requérante auraient été lésés par l’examen défaillant de la Commission et, par conséquent, par l’absence d’ouverture de la procédure formelle d’examen. Selon la requérante, le présent recours vise ainsi à obtenir de la Commission qu’elle ouvre une procédure formelle d’examen en ce qui concerne l’octroi illégal d’aides d’État par les autorités néerlandaises.
Sur la qualité pour agir de la requérante
23 Selon une jurisprudence constante, s’agissant d’une décision de la Commission en matière d’aides d’État, il convient de rappeler que, dans le cadre de la procédure de contrôle des aides d’État, doivent être distinguées, d’une part, la phase d’examen préliminaire des aides instituée par l’article 108, paragraphe 3, TFUE, qui a seulement pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité partielle ou totale de l’aide en cause et, d’autre part, la phase d’examen, visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, destinée à permettre à la Commission d’avoir une information complète sur l’ensemble des données de l’affaire. Ce n’est que dans le cadre de la procédure prévue par cette dernière disposition que le traité FUE prévoit la garantie procédurale consistant dans l’obligation, pour la Commission, de mettre en demeure les intéressés de présenter leurs observations (arrêts du 19 mai 1993, Cook/Commission, C‑198/91, EU:C:1993:197, point 22 ; du 15 juin 1993, Matra/Commission, C‑225/91, EU:C:1993:239, point 16, et du 17 juillet 2008, Athinaïki Techniki/Commission, C‑521/06 P, EU:C:2008:422, point 35).
24 Lorsque, sans ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, la Commission constate, par une décision prise sur le fondement du paragraphe 3 du même article, qu’une mesure étatique ne constitue pas une aide incompatible avec le marché intérieur, les bénéficiaires de cette garantie procédurale ne peuvent en obtenir le respect que s’ils ont la possibilité de contester cette décision devant le juge de l’Union européenne. Pour ces motifs, le juge de l’Union déclare recevable un recours visant à l’annulation d’une telle décision, introduit par un intéressé au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, lorsque l’auteur de ce recours tend, par l’introduction de celui-ci, à faire sauvegarder les droits procéduraux qu’il tire de cette dernière disposition (arrêt du 17 juillet 2008, Athinaïki Techniki/Commission, C‑521/06 P, EU:C:2008:422, point 36).
25 Ainsi, il y a lieu de considérer que toute partie intéressée doit être considérée comme étant directement et individuellement concernée par une décision constatant l’absence d’aide au terme de la phase d’examen préliminaire (voir, en ce sens, arrêt du 28 mars 2012, Ryanair/Commission, T‑123/09, EU:T:2012:164, point 68), étant rappelé que, lorsqu’une telle partie a introduit une plainte, le refus de la Commission de faire droit à cette plainte doit en tout état de cause s’analyser comme un refus d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE (arrêt du 18 novembre 2010, NDSHT/Commission, C‑322/09 P, EU:C:2010:701, points 51 à 54).
26 En revanche, si la partie requérante met en cause le bien-fondé de la décision d’appréciation de l’aide en tant que telle, le simple fait qu’elle puisse être considérée comme intéressée au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE ne saurait suffire pour admettre la recevabilité du recours. Elle doit alors démontrer qu’elle a la qualité pour agir au titre de l’article 263, quatrième alinéa, premier et deuxième membres de phrase, TFUE et, notamment, qu’elle a un statut particulier au sens de l’arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission (25/62, EU:C:1963:17), ou que la décision d’appréciation de l’aide constitue un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution et la concernant directement, conformément à l’article 263, quatrième alinéa, troisième membre de phrase, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2013, Telefónica/Commission, C‑274/12 P, EU:C:2013:852, point 19).
27 En l’espèce, par la décision attaquée, la Commission a rejeté la plainte, que la requérante avait introduite au titre de l’article 24, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement 2015/1589, aux termes duquel « [t]oute partie intéressée peut déposer une plainte pour informer la Commission de toute aide présumée illégale ou de toute application présumée abusive d’une aide ». Il doit être considéré que la Commission, tout en rejetant formellement cette plainte, a refusé d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE.
28 Il conviendra d’examiner si les moyens avancés par la requérante ont pour objet de contester la décision de la Commission de ne pas ouvrir la procédure formelle d’examen en démontrant que l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait ou aurait pu disposer, lors de l’examen préliminaire, aurait dû susciter des doutes quant à la qualification des aides alléguées d’aides d’État, ou si, au contraire, les moyens ou certains de ces moyens mettent directement en cause le bien-fondé de l’appréciation des mesures en cause au regard de l’article 107 TFUE et ont pour objet ou pour conséquence de transformer l’objet du recours et, par conséquent, de modifier les conditions d’appréciation de sa recevabilité (voir, en ce sens, arrêts du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., C‑47/10 P, EU:C:2011:698, point 50, et du 14 avril 2021, Verband Deutscher Alten- und Behindertenhilfe et CarePool Hannover/Commission, T‑69/18, EU:T:2021:189, point 63).
Sur la recevabilité du recours en ce que la requérante conteste la décision de la Commission de ne pas ouvrir la procédure formelle d’examen
29 Il ressort des mémoires déposés par la requérante et, en particulier, du point 18 de la requête et du libellé du troisième chef de conclusions, que cette partie entend, par son recours, faire sauvegarder les droits procéduraux qu’elle tirerait de l’article 108, paragraphe 2, TFUE.
30 À cet égard, aux termes de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589, sont considérés comme étant des « parties intéressées » tout État membre et toute personne, entreprise ou association d’entreprises, dont les intérêts pourraient être affectés par l’octroi d’une aide. Il s’agit, en d’autres termes, d’un ensemble indéterminé de destinataires. Cette disposition n’exclut toutefois pas qu’une entreprise qui n’est pas une concurrente directe du bénéficiaire de l’aide soit qualifiée de « partie intéressée », pour autant qu’elle fasse valoir que ses intérêts pourraient être affectés par l’octroi de cette aide. Il suffit que cette entreprise démontre, à suffisance de droit, que l’aide risque d’avoir une incidence concrète sur sa situation (voir arrêt du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, points 63 à 65 et jurisprudence citée).
31 En l’espèce, la requérante a déposé une plainte au sens de l’article 24, paragraphe 2, du règlement 2015/1589. De même, il ressort explicitement des points 3 et 6 de la décision attaquée que les lettres de la Commission du 21 décembre 2018 et du 28 mai 2019, relatives aux première et seconde évaluations préliminaires, ont été envoyées à la requérante conformément à l’article 24, paragraphe 2, du règlement 2015/1589.
32 Or, la circonstance que la requérant ait déposé une plainte, qu’elle ait fourni des documents et informations à la Commission et que cette dernière lui ait adressé les deux lettres visées au point précédent sans remettre en cause, dans ces lettres, la qualité de plaignant, au sens de l’article 12, paragraphe 1, et de l’article 24, paragraphe 2, du règlement 2015/1589, peut certes constituer des indices que la requérante revêt la qualité de « partie intéressée ». Pour autant, ces circonstances, prises isolément, ne suffisent pas à démontrer, comme l’exige la jurisprudence rappelée au point 30 ci-dessus, que l’octroi des aides alléguées affecte ses intérêts.
33 Sur ce dernier point, le Tribunal constate que la requérante n’a pas démontré à suffisance de droit, que ce soit dans la requête ou dans la réplique, qu’elle était ou est réellement active sur le secteur des fonds de fonds et que, partant, elle est en concurrence, au moins potentielle, avec DVI.
34 Tout au plus, au point 24 de la réplique, la requérante affirme « [être] économiquement active sur le marché néerlandais », « [être] inscrite au registre du commerce néerlandais » et « [avoir] réalisé un chiffre d’affaires » pour l’année 2014.
35 Cependant, aucun de ces éléments ne démontre la réalité et l’effectivité de son activité économique dans le secteur des fonds de fonds, ni, a fortiori, sa relation de concurrence avec DVI.
36 Tout d’abord, il est vrai que la requérante a prouvé être inscrite au registre du commerce néerlandais. Par ailleurs, il ressort de l’extrait de ce registre, soumis au Tribunal, que la requérante a affirmé, lors de son enregistrement, être active dans le secteur des holdings financières et dans celui de la consultance en investissement. Toutefois, le Tribunal constate que cet extrait repose exclusivement sur les déclarations de la requérante lorsqu’elle s’est constituée le 31 janvier 2013, soit antérieurement au lancement des fonds DVI I et DVI II.
37 De même, ainsi que le point 24 de la décision attaquée le rappelle, la requérante a affirmé que « [son] objectif […] était de mettre en place une structure de fonds de fonds par l’intermédiaire de laquelle les investisseurs privés (tels que les fonds de pension) pouvaient investir indirectement dans les [PME] néerlandaises ». Cette description de son objet social se retrouve également aux points 16 et 21 de la requête. À nouveau, cet élément ne repose que sur les déclarations de la requérante et ne permet pas d’établir que la requérante a effectivement mis en place la structure évoquée.
38 Il en va tout autant pour la brochure, non datée, que la requérante a déposée, au stade de la réplique et à titre de preuve, dans laquelle elle se présente comme un fonds de fonds pour le capital-investissement (« een private equity fund-of-funds »). La description de l’activité économique de la requérante, telle qu’elle ressort de cette brochure, repose elle aussi uniquement sur ses propres déclarations et ne saurait prouver une activité économique effective dans le marché concerné ou, à tout le moins, la possibilité réelle et concrète que la requérante intègre ledit marché.
39 Ensuite, l’affirmation selon laquelle la requérante « a réalisé un chiffre d’affaires » pour l’année 2014 ne prouve pas davantage qu’elle était, cette année-là, et encore moins les autres années, en relation de concurrence avec DVI. Compte tenu de la définition relativement large de son objet social, tel que rappelé au point 36 ci-dessus, rien n’indique que ce chiffre d’affaires reflétait, ne fût-ce que partiellement, la réalité d’une activité économique sur le marché concerné. En outre, et surtout, la requérante n’a pas indiqué quels éléments de ses comptes annuels pour l’année 2014, déposés au stade de la réplique et à titre de preuve, étaient susceptibles de prouver qu’elle était active, cette année-là, dans le secteur des fonds de fonds.
40 En tout état de cause, la production de ces comptes annuels pour l’année 2014 est sans pertinence en l’espèce. En effet, dans un courrier électronique du 4 novembre 2014, qu’elle a elle-même soumis au Tribunal, la requérante affirme qu’elle est un fonds de fonds pour le capital-investissement (« een private equity fund-of-funds ») « en formation » (« in oprichting ») et que le « lancement du MKB Multifunds I est planifié pour le premier semestre de l’année 2015 ». Ce courrier électronique de la requérante indique donc que, durant l’année 2014, elle n’était pas encore réellement active, à supposer qu’elle l’ait été par la suite, dans le secteur des fonds de fonds.
41 Plus généralement encore, la requérante n’a pas fourni d’éléments concrets et suffisants qui auraient pu, le cas échéant, établir qu’elle était effectivement active dans le secteur des fonds de fonds, que ce soit en 2013, année de sa constitution, ou à partir de l’année 2015. Au surplus, la requérante reconnaît elle-même, au point 40 de la réplique, qu’elle n’a finalement jamais développé son propre fonds de fonds.
42 Par ailleurs, contrairement à ce qu’affirme la requérante, aucun rapport de concurrence entre elle et DVI ne peut être déduit de la seule description de leurs activités respectives. En effet, il ressort des points 34 à 41 ci-dessus que la réalité de l’activité économique de la requérante dans le secteur des fonds de fonds n’est pas prouvée.
43 Par conséquent, à l’instar de la Commission, il convient de conclure que la requérante n’a pas démontré qu’elle est en relation de concurrence effective avec DVI.
44 La requérante n’a pas non plus prouvé qu’elle a été en relation de concurrence potentielle avec les bénéficiaires des aides alléguées en établissant qu’elle avait eu des possibilités réelles et concrètes d’intégrer le secteur des fonds de fonds et de concurrencer les entreprises présentes sur celui-ci. Elle ne démontre pas non plus que la renonciation à développer son propre fonds de fonds et donc à intégrer le marché concerné trouvait son origine dans l’octroi des aides alléguées ayant fait l’objet de sa plainte à la Commission.
45 Sur ce point, la requérante évoque des considérations très générales selon lesquelles, elle aurait, en vain, cherché à conclure un partenariat avec les autorités néerlandaises en vue de la création d’un fonds de fonds. Elle aurait également éprouvé des difficultés, en raison de l’octroi des aides alléguées, à attirer des investisseurs privés et à accéder à certains fonds de capital-investissement. Selon la requérante, l’octroi de ces aides aurait créé des distorsions de concurrence sur le marché, de sorte qu’elle n’aurait pas pu développer son propre fonds de fonds et qu’elle ne générerait que des pertes depuis l’année 2016.
46 À cet égard, s’agissant des courriers électroniques, produits en tant qu’annexe C.4., reflétant des échanges entre la requérante et les autorités néerlandaises, ils illustrent surtout les intentions de la requérante, mais sans démontrer une véritable activité ou le commencement d’une telle activité dans le secteur des fonds de fonds en cause. Dans la mesure où ces échanges évoquent les prémices d’une coopération entre la requérante et ces autorités, il suffit de constater que la requérante n’a apporté aucun élément étayant les suites éventuelles de ces prémices.
47 De même, la requérante n’a pas fourni de preuve indiquant qu’elle avait éprouvé des difficultés à attirer des investisseurs privés et à accéder à certains fonds de capital-investissement, ni même, à la supposer existante, que cette impossibilité d’accès découlerait de l’octroi des aides alléguées. Tout au plus, dans la réplique, la requérante se borne à décrire la situation de différents opérateurs économiques sur le marché néerlandais, mais elle n’avance aucun élément concret en lien avec sa propre situation.
48 Enfin, la requérante n’a pas démontré en quoi ses prétendues pertes depuis l’année 2016 étaient la conséquence de l’octroi des aides alléguées à DVI.
49 Au surplus, le Tribunal est dans l’impossibilité de vérifier la réalité desdites pertes et de prendre connaissance des raisons évoquées à leur sujet dans les comptes annuels pertinents, puisque la requérante a uniquement transmis ses comptes annuels pour l’année 2014. Plus généralement encore, la requérante n’a fourni au Tribunal aucune donnée chiffrée qui aurait pu permettre de quantifier l’éventuel impact économique, marginal ou substantiel, que l’octroi des aides alléguées aurait eu sur sa situation.
50 Enfin, il convient encore de rejeter la thèse de la requérante développée ponctuellement dans la réplique et selon laquelle elle prétend être également en concurrence avec « le FEI ou bien les fonds de capital-investissement qui investissent dans des [PME] ». En effet, tant dans la requête que dans la réplique, la requérante soutient qu’elle est en concurrence avec DVI, sans évoquer de relation de concurrence avec ces autres acteurs économiques. Ainsi, en particulier, au point 19 de la réplique et au sous-titre suivant ce point, la requérante se présente uniquement comme « concurrente de DVI ». En revanche, la thèse d’un prétendu rapport de concurrence avec le FEI ou d’autres fonds n’apparaît, quant à elle, qu’aux points 21 et 25 de la réplique. Enfin, indépendamment même du caractère vague de cette thèse, notamment en raison de l’utilisation de la conjonction « ou », il suffit de constater qu’elle n’est étayée par aucun argument concret ni aucune preuve.
51 Au vu de ce qui précède, la requérante n’a pas démontré, à suffisance de droit, que l’octroi des aides alléguées était susceptible d’avoir une incidence concrète sur sa situation.
52 Par conséquent, à défaut de constituer un intéressé au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, elle ne saurait bénéficier de la garantie procédurale prévue par cette disposition et mise en œuvre, en particulier, à l’article 1er, sous h), à l’article 6 et à l’article 24, paragraphe 1, du règlement 2015/1589, et, partant, n’est pas recevable à contester la décision de la Commission de ne pas ouvrir la procédure formelle d’examen.
Sur la recevabilité du recours en ce qu’il mettrait directement en cause le bien-fondé de l’appréciation des mesures en cause au regard de l’article 107 TFUE
53 Conformément à la jurisprudence rappelée au point 26 ci-dessus, si la partie requérante met en cause le bien-fondé de la décision d’appréciation de l’aide en tant que telle, elle doit alors démontrer qu’elle a la qualité pour agir au titre de l’article 263, quatrième alinéa, premier et deuxième membres de phrase, TFUE et, notamment, qu’elle a un statut particulier au sens de l’arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission (25/62, EU:C:1963:17).
54 Or, la requérante ne s’est prévalue d’aucun argument concret, ni dans la requête ni dans la réplique, établissant que la décision attaquée l’atteindrait en raison de certaines qualités qui lui seraient particulières ou d’une situation de fait qui la caractériserait par rapport à toute autre personne. En particulier, la requérante n’a pas démontré que l’octroi des aides alléguées avait substantiellement affecté sa position sur le marché (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2005, Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, C‑78/03 P, point 37 et jurisprudence citée). En effet, comme relevé au point 49 ci-dessus, la requérante n’a fourni au Tribunal aucune donnée chiffrée qui aurait pu permettre de quantifier l’éventuel impact économique, marginal ou substantiel, que l’octroi des aides alléguées aurait eu sur sa situation.
55 Au regard de ce qui précède, la requérante n’a pas établi qu’elle est individuellement concernée par la décision attaquée.
56 Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le recours est manifestement irrecevable.
Sur le troisième chef de conclusions
57 Par le troisième chef de conclusions, la requérante sollicite, en substance, du Tribunal qu’il ordonne à la Commission d’ouvrir la procédure formelle d’examen. À cet égard, il suffit de rappeler que, dans le cadre d’un recours en annulation fondé sur l’article 263 TFUE, la compétence du juge de l’Union est limitée au contrôle de la légalité de l’acte attaqué et que, en vertu d’une jurisprudence constante, le Tribunal ne peut, dans l’exercice de ses compétences, adresser une injonction aux institutions de l’Union (voir arrêt du 24 octobre 2019, CdT/EUIPO, T‑417/18, EU:T:2019:766, point 76 et jurisprudence citée). Par conséquent, le troisième chef de conclusions doit être rejeté en raison de l’incompétence du Tribunal à en connaître.
Sur les dépens
58 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.
59 La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission. Le Royaume des Pays-Bas supportera ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (huitième chambre)
ordonne :
1) Le recours est rejeté comme étant manifestement irrecevable.
2) MKB Multifunds BV supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.
3) Le Royaume des Pays-Bas supportera ses propres dépens.
Fait à Luxembourg, le 6 septembre 2021.