Language of document : ECLI:EU:T:2000:142

ARRÊT DU TRIBUNAL (juge unique)

25 mai 2000 (1)

«Fonctionnaires - Concours général sur titres et épreuves - Violation de l'avis de concours - Égalité de traitement des candidats - Principe de bonne administration - Détournement de pouvoir et de procédure»

Dans l'affaire T-173/99,

Gilbert Elkaïm, demeurant à Paris (France),

Philippe Mazuel, expert national détaché auprès de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique),

représentés par Me N. Ravailhe, avocat au barreau de Bruxelles, 6, rue Hydraulique, Bruxelles,

parties requérantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. G. Valsesia, conseiller juridique principal, et Mme F. Clotuche-Duvieusart, membre du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

visant, d'une part, à l'annulation du concours général COM/A/15/98, des listes d'aptitude définies à la suite de ce concours et des recrutements éventuellement intervenus sur la base de ces listes et, d'autre part, à ce qu'il soit ordonné à la Commission d'organiser un nouveau concours,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

(juge unique),

juge: M. K. Lenaerts,

greffier: Mme B. Pastor, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 18 février 2000,

rend le présent

Arrêt

Faits à l'origine du litige

1.
    Les requérants se sont portés candidats au concours général COM/A/15/98, visant à la constitution d'une liste de réserve de recrutement d'administrateurs principaux (A 5/A 4), «experts dans le domaine de la lutte antifraude ou juristes spécialisés en coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures». L'avis de concours a été publié au Journal officiel des Communautés européennes du 3 juin 1998 (JO C 168 A, p. 16).

2.
    Ce concours prévoyait deux options possibles, à savoir les options «antifraude» et «justice et affaires intérieures». Les requérants se sont inscrits à la seconde option.

3.
    M. Elkaïm et, après réexamen de son dossier de candidature par le jury, M. Mazuel ont été admis à participer aux épreuves écrites, qui se sont déroulées les 15 et 16 janvier 1999.

4.
    Par lettre du 22 février 1999 adressée au président du jury, M. Elkaïm, dénonçant une absence de correspondance entre les indications de l'avis de concours et le contenu des épreuves écrites, ainsi que la rupture de l'égalité des chances entre les candidats admis à concourir, a demandé l'annulation des épreuves de ce concours et a sollicité l'organisation de nouvelles épreuves.

5.
    Par lettre du 30 avril 1999, le président du jury a rejeté les critiques formulées par M. Elkaïm, en estimant que le contenu des épreuves écrites avait été conforme aux indications contenues dans l'avis de concours.

6.
    Par lettres du 7 mai 1999, les requérants ont été informés par le président du jury que leurs résultats aux épreuves écrites, bien que supérieurs ou égaux au minimum requis, étaient insuffisants pour leur permettre d'accéder à l'épreuve orale, réservée, conformément à l'avis de concours, aux quinze meilleurs candidats au terme des épreuves écrites.

7.
    Par lettre du 15 mai 1999 adressée au président du jury, M. Elkaïm a contesté la motivation contenue dans la lettre du 30 avril 1999 susvisée.

8.
    Par lettre du 28 mai 1999 adressée au président du jury, M. Mazuel a dénoncé la sévérité de la note qui lui avait été attribuée pour l'une des épreuves écrites, en soulignant notamment son expérience particulière dans les domaines couverts par celle-ci. Il a sollicité un entretien avec un membre du jury et a demandé que sa copie soit réévaluée.

9.
    Le 11 juin 1999, il a été informé par le président du jury que, à la suite de sa demande, le jury avait procédé à une nouvelle lecture de sa copie et avait confirmé la note qui lui avait été initialement attribuée pour l'épreuve écrite en cause. Le président du jury a ajouté que les règles déontologiques interdisaient aux membres du jury d'entendre un candidat en dehors de l'épreuve orale à laquelle ses résultats aux épreuves écrites lui auraient permis d'accéder.

10.
    Le 18 juin 1999, M. Mazuel a saisi le président du jury d'un «recours gracieux en annulation du concours COM/A/15/98, option 'justice et affaires intérieures‘». Il a fait valoir que l'accent particulier mis, dans les épreuves écrites se rapportant à cette option, sur le thème de la lutte antifraude avait enfreint l'égalité de traitement entre les candidats. Il a sollicité l'interruption de la procédure de recrutement et l'organisation de nouvelles épreuves pour la seconde option.

11.
    Le 3 juillet 1999, les listes d'aptitude reprenant les noms des lauréats du concours COM/A/15/98 ont été publiées au Journal officiel des Communautés européennes (JO C 187, p. 22).

12.
    Par lettre du 23 juillet 1999, le président du jury a rejeté le recours gracieux de M. Mazuel, en des termes analogues à ceux de la lettre du 30 avril 1999 susmentionnée.

Procédure

13.
    C'est dans ce contexte que, par acte déposé au greffe du Tribunal le 29 juillet 1999, les requérants ont introduit le présent recours. La Commission a déposé son mémoire en défense au greffe du Tribunal le 30 septembre 1999. Les requérants ayant renoncé à la réplique, la procédure écrite a été clôturée le 12 novembre 1999.

14.
    Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 29 juillet 1999, les requérants ont introduit une demande de mesures provisoires visant à obtenir la suspension de la procédure de recrutement des lauréats du concours général COM/A/15/98. Par ordonnance du 10 septembre 1999, Elkaïm et Mazuel/Commission (T-173/99 R, non publiée au Recueil), le président du Tribunal a rejeté cette demande.

15.
    Conformément aux dispositions des articles 14, paragraphe 2, et 51 du règlement de procédure, la troisième chambre a attribué l'affaire à M. K. Lenaerts, siégeant en qualité de juge unique.

16.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal, lors de l'audience publique du 18 février 2000.

Conclusions des parties

17.
    Les requérants concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler le concours général COM/A/15/98;

-    annuler les listes d'aptitude publiées au Journal officiel des Communautés européennes à la suite de ce concours;

-    annuler les recrutements auxquels il serait éventuellement procédé par la Commission sur la base des listes d'aptitude susvisées;

-    ordonner à la partie défenderesse d'organiser un nouveau concours afin, notamment, de pourvoir au recrutement d'administrateurs principaux (A 5/A 4) spécialisés en coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures;

-    condamner la partie défenderesse aux dépens.

18.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours comme non fondé;

-    statuer sur les dépens comme de droit.

Sur la recevabilité

19.
    Les conditions de recevabilité d'un recours étant d'ordre public, le Tribunal peut les examiner d'office, conformément à l'article 113 du règlement de procédure du Tribunal. Son contrôle n'est pas limité aux fins de non-recevoir soulevées par les parties (arrêt du Tribunal du 6 décembre 1990, B./Commission, T-130/89, Rec. p. II-761, publication sommaire, point 13). Ainsi, il lui appartient de vérifier d'office la recevabilité des différentes demandes avancées dans la requête.

20.
    En l'espèce, il convient tout d'abord de constater que les trois premiers chefs de conclusions formulés par les requérants tendent à l'annulation du concours général COM/A/15/98 dans son intégralité, des listes d'aptitude relatives tant à l'option «antifraude» qu'à l'option «justice et affaires intérieures» dudit concours, ainsi que des éventuels recrutements auxquels la Commission aurait procédé sur la base de ces deux listes d'aptitude.

21.
    Toutefois, il est constant que les requérants ont tous deux participé à la seconde option du concours dont ils ont été évincés à l'issue des épreuves écrites. En outre, il ressort de l'avis relatif au concours général en question (voir titre VIII) que ce dernier visait à la constitution de deux réserves de recrutement distinctes. Par conséquent, les requérants n'ont été en concurrence qu'avec les candidats à la seconde option, tous ayant cherché à figurer parmi les huit premiers de cette option, qui avaient vocation à être inscrits sur la liste d'aptitude relative à celle-ci et à être recrutés au fur et à mesure des besoins de la Commission.

22.
    Dans ces conditions, la circonstance que la procédure de sélection à laquelle ils ont pris part a participé d'un concours unique comprenant deux options et qu'elle a relevé de la responsabilité d'un jury commun à ces deux options ne saurait conférer aux requérants un intérêt à poursuivre l'annulation de la procédure de sélection et de la liste d'aptitude afférentes à la première option de ce concours ni des éventuels recrutements auxquels la Commission aurait procédé sur la base de cette dernière liste.

23.
    Ensuite, il y a lieu de souligner que, en vertu de la jurisprudence, la demande de candidats qui, comme les requérants, ont été écartés de la liste d'aptitude par le jury du concours, tendant à l'annulation de la procédure de concours, n'est recevable que dans la mesure où elle vise le refus du jury du concours de les inscrire sur la listed'aptitude en question (voir ordonnance du Tribunal du 6 avril 1992, Tancredi/Parlement, T-74/91, Rec. p. II-1645, point 17, et la jurisprudence citée). En outre, lorsque, dans le cadre d'un concours général organisé pour la constitution d'une réserve de recrutement, une épreuve est annulée, les droits d'un requérant sont adéquatement protégés si le jury et l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l'«AIPN») reconsidèrent la décision lui faisant grief et cherchent une solution équitable à son cas, sans qu'il y ait lieu de mettre en cause l'ensemble du résultat du concours ou d'annuler les nominations intervenues à la suite de celui-ci (voir arrêt de la Cour du 6 juillet 1993, Commission/Albani e.a., C-242/90 P, Rec. p. I-3839, point 13, et la jurisprudence citée).

24.
    Enfin, il convient de rappeler que, en vertu d'une jurisprudence bien établie, il n'appartient pas au juge communautaire, sous peine d'empiéter sur les prérogatives de l'autorité administrative, d'adresser des injonctions à une institution communautaire dans le cadre d'un contrôle de légalité fondé sur l'article 91 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut») (voir, notamment, arrêts du Tribunal du 27 juin 1991, Valverde Mordt/Cour de justice, T-156/89, Rec. p. II-407, point 150, et du 22 mai 1996, Gutiérrez de Quijano y Llorens/Parlement, T-140/94, RecFP p. I-A-241 et II-689, point 31).

25.
    Il résulte des considérations qui précèdent que les premier, troisième et quatrième chefs de conclusions doivent être déclarés irrecevables dans leur intégralité. Le deuxième chef de conclusions est, quant à lui, recevable dans la seule mesure où il vise à attaquer la décision du jury du concours de ne pas inscrire les requérants sur la liste d'aptitude relative à la seconde option du concours.

Sur le fond

26.
    Les requérants articulent leur recours autour de quatre moyens. Le premier moyen est pris de la violation de l'avis de concours. Le second moyen est tiré de la violation du principe d'égalité de traitement entre les candidats. Le troisième moyen est pris de la violation du principe de bonne administration. Le quatrième moyen est fondé sur l'existence d'un détournement de pouvoir et de procédure.

Sur le premier moyen, pris de la violation de l'avis de concours

27.
    Les requérants font tout d'abord valoir que le concours COM/A/15/98 visait au recrutement d'experts dans le domaine de la lutte antifraude, d'une part, et de juristes spécialisés en coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, d'autre part. Cela expliquerait que deux options figuraient dans l'avis de concours. Ce dernier ferait en outre ressortir que la Commission entendait constituer deux listes de réserve distinctes et que les compétences recherchées différaient selon l'option considérée. Le jury aurait donc été tenu de faire une distinction claire, en ce qui concerne le contenu des épreuves, entre ces deux options. Or, la plupart des épreuvesécrites se rapportant à l'option «justice et affaires intérieures» auraient largement été centrées sur des questions touchant à la lutte antifraude.

28.
    Ainsi, les deux textes ayant servi de base aux questionnaires relatifs à l'épreuve écrite c), épreuve de langue anglaise, auraient porté sur des cas de fraude, dépourvus de tout rapport avec les domaines de la justice et des affaires intérieures.

29.
    L'épreuve d) aurait été basée sur un cas de fraude lié à un acte criminel. Elle aurait, du reste, compris la rédaction d'une lettre au directeur de l'unité de coordination de la lutte antifraude (UCLAF).

30.
    L'épreuve e) aurait porté sur des aspects de la lutte contre les fraudes aux intérêts communautaires et sur les moyens d'y remédier. Dans le cadre de cette épreuve, les candidats auraient dû prendre connaissance de 23 pages de textes juridiques relatifs à la lutte antifraude.

31.
    Quant à l'épreuve f), les requérants font valoir qu'un spécialiste de la lutte antifraude aurait pu aborder cette épreuve avec une connaissance limitée de ces matières, par le jeu du choix des questions possibles.

32.
    Ils affirment que l'accent ainsi mis sur la lutte antifraude dans le cadre des épreuves relatives à la seconde option se justifiait d'autant moins que le concours prévoyait une option spécifique sur ce thème. De plus, la coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures correspondrait à un contenu très précis, défini par le titre VI du traité sur l'Union européenne et par un texte du Conseil du 25 mai 1998, actualisé en décembre 1998, reprenant l'«acquis» en cette matière. Or, cet acquis, composé de 196 éléments, ne comprendrait que 4 instruments juridiques concernant la lutte antifraude.

33.
    Les requérants soulignent encore avoir cru que, au travers de la seconde option du concours, la Commission entendait recruter des spécialistes justice-affaires intérieures de haut niveau afin de faire face aux nouvelles compétences que le traité d'Amsterdam, signé huit mois avant la publication de l'avis de concours, venait de lui attribuer (voir titre VI du traité sur l'Union européenne et titre IV du traité CE, introduit par le traité d'Amsterdam). Ils s'étonnent, à cet égard, que le jury n'ait pratiquement pas questionné les candidats sur les nombreuses et importantes dispositions du traité d'Amsterdam en matière de justice et d'affaires intérieures.

34.
    Ils concluent que l'absence manifeste de concordance entre l'avis de concours et le contenu des épreuves écrites a conduit le jury à sélectionner les candidats sur la base de critères ne correspondant pas au type de compétence recherché.

35.
    Sur cette question, il y a lieu de souligner que, selon une jurisprudence bien établie, le jury d'un concours dispose d'un large pouvoir d'appréciation quant au contenu détaillé des épreuves prévues dans le cadre d'un concours. Il n'appartient au jugecommunautaire de censurer ce contenu que si celui-ci sort du cadre indiqué dans l'avis de concours ou n'a pas de commune mesure avec les finalités de l'épreuve ou du concours (voir, notamment, arrêt de la Cour du 8 mars 1988, Sergio e.a./Commission, 64/86, 71/86 à 73/86 et 78/86, Rec. p. 1399, point 22; arrêts du Tribunal du 16 octobre 1990, Gallone/Conseil, T-132/89, Rec. p. II-549, point 27, et la jurisprudence citée, et Valverde Mordt/Cour de justice, cité au point 24 ci-dessus, point 121).

36.
    En l'espèce, il importe de rappeler, au préalable, que le concours comportait deux options distinctes («antifraude» et «justice et affaires intérieures») et que les requérants ont tous deux choisi la seconde option. Ils ont été admis à participer, les 15 et 16 janvier 1999, aux épreuves écrites relatives à cette seconde option du concours. Par lettre du 7 mai 1999, ils ont été informés par le président du jury qu'ils n'étaient pas admis à l'épreuve orale en raison de leurs résultats insuffisants aux épreuves écrites.

37.
    Il convient donc de vérifier si le contenu des épreuves écrites relatives à l'option «justice et affaires intérieures» du concours s'est inscrit dans le cadre indiqué dans l'avis de concours et a été en rapport avec les finalités poursuivies par le concours au titre de cette option.

38.
    Aux fins de cette comparaison, il y a d'abord lieu d'identifier les indications figurant dans l'avis de concours quant à la finalité poursuivie par le concours au titre de la seconde option et au contenu envisagé des épreuves écrites s'y rapportant.

39.
    Aux termes de l'avis de concours, le concours visait, à travers la seconde option, à recruter des administrateurs principaux, juristes spécialisés en coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures (titre I, 1).

40.
    L'avis de concours énonçait que les fonctions à exercer en cas de recrutement au titre de la seconde option (titre II, deuxième tiret) consistaient à élaborer des propositions et d'autres initiatives de la Commission, à vérifier la transposition des directives communautaires et l'intégration des conventions dans le droit des États membres, à suivre la mise en oeuvre au niveau national des instruments adoptés par l'Union européenne, à procéder à des recherches en matière de droit national et international, à représenter la Commission dans les enceintes internationales appropriées, ainsi que devant les juridictions communautaires et nationales, et à prêter assistance aux enquêtes. Étaient également incluses des tâches de management, de coordination et de négociation à un niveau international.

41.
    La seconde option du concours était ouverte aux candidats remplissant des conditions particulières d'admission élevées en termes de titres, de diplômes et d'expérience professionnelle. À cet égard, les candidats devaient posséder, outre un diplôme universitaire en droit, une expérience d'une durée minimale de douze ans dont au moins six ans en rapport avec un ou plusieurs des domaines suivants: l'asile et l'immigration (y compris le droit des étrangers), le droit pénal (y compris la procédure pénale), le droit économique et financier et le droit international privé (y compris les conventions de Bruxelles et de Lugano), en particulier en rapport avec les domainesde la circulation des personnes et/ou des marchandises, la lutte contre la criminalité organisée internationale, la lutte contre la délinquance économique et financière, la coopération judiciaire en matière civile ainsi qu'en matière de convention européenne des droits de l'homme. Des connaissances en droit communautaire étaient jugées souhaitables (avis de concours, titre III, B, 2, B).

42.
    L'avis de concours exigeait des candidats qu'ils possèdent une connaissance approfondie d'une des langues officielles des Communautés et une connaissance satisfaisante d'une deuxième de ces langues. Les candidats étaient tenus d'indiquer dans leur acte de candidature les langues dans lesquelles ils souhaitaient passer les épreuves (avis de concours, titre III, C). En l'espèce, il est constant que les requérants avaient mentionné le français comme première langue et l'anglais comme seconde langue.

43.
    L'organisation des épreuves écrites était décrite comme suit, s'agissant de la seconde option du concours (avis de concours, titre VII):

«[...]

A.1. TESTS DE PRÉSÉLECTION

a) Test constitué d'une série de questions à choix multiple visant à évaluer les connaissances des candidats dans l'option choisie.

[...]

b) Test constitué d'une série de questions à choix multiple portant sur les principaux développements de l'unification européenne et des différentes politiques communautaires.

[...]

c) Test constitué d'une série de questions à choix multiple, visant à tester le niveau de compréhension d'une deuxième langue communautaire, au choix du candidat, que celui-ci devra préciser dans son acte de candidature.

[...]

A.2. ÉPREUVE DE RÉDACTION ET ÉPREUVE SUR DOSSIER

d) Épreuve de rédaction visant à tester les connaissances des candidats dans l'option choisie.

[...]

e) Épreuve pratique, à partir d'un dossier remis aux candidats, visant à évaluer la capacité de jugement, d'analyse et de synthèse des candidats ainsi que leur aptitude aux fonctions mentionnées au titre II.

[...]

f) Épreuve visant, à partir d'un dossier remis aux candidats, à évaluer les capacités de management, de coordination et de négociation à un niveau international, notamment par rapport aux tâches décrites au titre II 'nature des fonctions‘.

[...]»

44.
    Il ressort de toutes ces indications que le but du concours, sous le couvert de la seconde option, était de recruter des candidats de haut niveau, possédant des connaissances juridiques approfondies, et aptes à exercer les fonctions définies dans l'avis de concours, dans une série de matières qui - ce que les requérants ne contestent pas - relèvent toutes du domaine de la coopération en matière de justice et d'affaires intérieures.

45.
    Il découle également de ces indications que, contrairement à ce que les requérants affirment avoir cru à la lecture de l'avis de concours, l'objet de la seconde option du concours, tel qu'il est défini dans ledit avis de concours, ne visait pas au recrutement de candidats spécialisés dans les seuls nouveaux domaines de compétence attribués à la Commission par le traité d'Amsterdam quant à la coopération en matière de justice et d'affaires intérieures. À travers cette seconde option, la Commission entendait, en effet, recruter des candidats disposant de compétences juridiques larges, couvrant l'ensemble des matières visées au titre III, B, 2, B, de l'avis de concours pour ladite option.

46.
    Il convient à présent d'examiner le contenu des épreuves écrites auxquelles les requérants ont pris part, afin de vérifier si celles-ci ont correspondu aux indications susvisées de l'avis de concours.

47.
    Les requérants ne contestent pas que le contenu des épreuves écrites a) et b) auxquelles ils ont participé a respecté la finalité du concours et les indications figurant dans l'avis de concours. En ce qui concerne l'épreuve écrite a), il ressort de son contenu que, comme annoncé dans l'avis de concours, elle s'est rapportée spécifiquement à la seconde option. Elle a couvert, indistinctement et de manière équilibrée, les différents domaines juridiques visés sous le titre III, B, 2, B, de l'avis de concours pour cette option (annexe 5a à la requête). L'épreuve écrite b) portait pour sa part, comme indiqué dans l'avis de concours, sur les principaux développements de l'unification européenne et des différentes politiques communautaires (annexe 5b à la requête).

48.
    L'épreuve écrite de connaissance linguistique [épreuve écrite c)] a été basée sur deux textes portant, l'un sur la fraude à la sécurité sociale, l'autre sur des délits liés à l'établissement de fausses factures et de notes de frais (annexe 5c à la requête). Cetteépreuve ne présupposait aucune connaissance particulière de la terminologie spécifique à la politique européenne de lutte antifraude. Elle visait clairement, ainsi qu'indiqué dans l'avis de concours, à tester le niveau général de compréhension de la deuxième langue indiquée par les requérants dans leur acte de candidature, en l'occurrence l'anglais. Du reste, les notes obtenues par les requérants à cette épreuve linguistique ne montrent pas qu'ils aient été désorientés par le contenu de celle-ci. Ainsi, M. Elkaïm a obtenu, pour cette épreuve, 7,241/10 et M. Mazuel, 9,31/10 (annexes 1b et 1c à la requête).

49.
    Il ressort du contenu de l'épreuve écrite d) (annexe 5d à la requête) que celle-ci, comme indiqué dans l'avis de concours, était spécifique à la seconde option. Elle était basée sur une situation fictive portant sur le vol de 200 ordinateurs, aggravé de meurtre sur la personne d'un gardien, au siège d'une société établie dans un État A, vol commandité par le directeur commercial d'une société implantée dans un État B qui s'était vu attribuer par la Commission l'exécution d'un contrat de fourniture de 500 ordinateurs à l'administration d'un pays tiers candidat à l'adhésion à l'Union européenne. Ledit contrat comportait une clause d'élection de for au profit des tribunaux d'un État C. Le cas pratique supposait prouvé que 150 des 200 ordinateurs volés avaient déjà été livrés au pays tiers pour exécuter une partie de ce contrat, et que les 50 autres ordinateurs volés avaient été vendus directement dans l'État B sans que la TVA ait été acquittée. Il était indiqué que les 350 autres ordinateurs qui auraient dû être livrés au pays tiers n'ont, pour leur part, jamais été fournis, alors que la société adjudicataire s'était fait verser par la Commission l'intégralité de la somme due au titre du contrat sur la base de fausses pièces justificatives, fruit d'une collusion entre le directeur commercial de cette société, un fonctionnaire du pays tiers en question et un agent de la Commission, de la nationalité de l'État B. Il était précisé que le directeur commercial susvisé, après avoir été licencié, avait quitté l'État B pour revenir dans son État d'origine, l'État A, et que les auteurs du vol et du meurtre prédécrits avaient été arrêtés, le premier dans l'État B, le second dans l'État C.

50.
    Les candidats devaient d'abord décrire les actions civiles et pénales à mener dans chacun des trois États membres concernés [question a)]. Ensuite, il leur était demandé de rédiger, à l'attention du directeur de l'UCLAF, une note de synthèse identifiant, avec indication de la base légale, les actions envisageables par la Commission pour coordonner les actions au niveau national et protéger les intérêts de l'Union [question b)]. Enfin, les candidats devaient très brièvement évoquer les démarches à effectuer à l'égard du pays tiers concerné [question c)].

51.
    Il ressort de ces différentes indications que l'épreuve écrite d) visait, comme annoncé dans l'avis de concours, à tester les compétences des candidats dans les matières liées à la coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures. Le cas de figure à la base de cette épreuve faisait en effet appel à leurs connaissances en droit pénal et en procédure pénale, en droit économique et financier et en droit international privé, particulièrement en rapport avec les questions liées à la lutte contre la criminalité organisée internationale, à la lutte contre la délinquance économique etfinancière, et à la coopération judiciaire en matière civile, ainsi qu'à leurs connaissances en droit communautaire. Cette épreuve écrite couvrait donc la plupart des domaines d'expérience professionnelle visés par l'avis de concours pour la seconde option (voir titre III, B, 2, B).

52.
    C'est donc à tort que les requérants soutiennent dans leurs écritures que cette épreuve n'a comporté strictement aucun élément relatif à la coopération justice-affaires intérieures.

53.
    L'épreuve écrite e) reposait sur un dossier relatif à la protection des intérêts financiers de la Communauté, à l'étendue du pouvoir de sanction de la Commission dans le domaine de la politique agricole commune, au régime communautaire concernant les marchandises de contrefaçon et les marchandises pirates, au contrôle de certains régimes d'aides communautaires et, enfin, aux fonds structurels communautaires. Il était demandé aux candidats, en s'appuyant sur ce dossier ainsi que sur leur expérience personnelle, de rappeler, sous forme de synthèse, les sanctions et les mesures de correction susceptibles d'être appliquées pour protéger les intérêts économiques et financiers de la Communauté, de rédiger un projet juridique visant à améliorer, au niveau communautaire et/ou au niveau national, les mesures de sanction de la contrefaçon et des marchandises pirates et d'exposer les éléments permettant de considérer une sanction comme proportionnée et dissuasive (annexe 5e à la requête).

54.
    S'il est vrai que le contenu de cette épreuve écrite était commun aux deux options du concours et que les textes constituant le dossier de base de ladite épreuve touchaient à des thèmes liés à la lutte contre la fraude et/ou au contrôle des financements communautaires (aides, fonds structurels), les requérants ne sauraient cependant raisonnablement nier que les matières ainsi abordées relevaient des domaines d'expérience professionnelle visés par l'avis de concours dans le cadre de la seconde option de celui-ci, en particulier des domaines de la circulation des marchandises et de la lutte contre la délinquance économique et financière, et qu'elles faisaient appel à leurs connaissances en droit communautaire, jugées souhaitables par l'avis de concours pour les candidats concourant à cette seconde option. À l'audience, les requérants ont ainsi admis que la protection des intérêts financiers de la Communauté relève de l'«acquis» relatif à la coopération en matière de justice et d'affaires intérieures.

55.
    L'examen des textes choisis comme base de cette épreuve écrite n'autorise, du reste, pas à considérer que ce choix ait placé les candidats à la seconde option qui n'étaient pas des spécialistes des matières concernées par ces textes dans l'impossibilité de répondre de manière appropriée aux questions que comportait ladite épreuve.

56.
    D'ailleurs, ces questions font clairement ressortir que, ainsi que la Commission le souligne dans ses écritures, le but de cette épreuve écrite n'était pas d'évaluer le degré de connaissance spécifique des candidats dans les matières visées par les textes constitutifs du dossier de base, mais bien, comme indiqué dans l'avis de concours, d'évaluer leur capacité de jugement, d'analyse et de synthèse à partir de la documentation qui leur avait été remise.

57.
    Il ressort encore de ces questions que l'épreuve en cause entendait, comme annoncé dans l'avis de concours, évaluer l'aptitude des candidats aux fonctions à exercer dans le domaine de la coopération en matière de justice et d'affaires intérieures, en particulier leur capacité à élaborer des propositions et des initiatives de la Commission dans les matières concernées.

58.
    Enfin, l'épreuve écrite f) avait, comme indiqué dans l'avis de concours, un contenu spécifique à la seconde option et elle couvrait les divers domaines d'expérience professionnelle visés dans l'avis de concours se rapportant à cette seconde option. Du reste, la deuxième des trois questions de cette épreuve offrait aux candidats la possibilité de mettre en valeur leurs compétences dans le domaine de leur choix, parmi ceux visés dans l'avis de concours pour la seconde option (annexe 5f à la requête). L'allégation des requérants, selon laquelle cette épreuve ne nécessitait pas une connaissance approfondie des matières relevant de cette option de sorte que les candidats spécialisés dans la lutte antifraude auraient pu l'aborder sans difficulté, ne saurait en tout état de cause, quel qu'en soit le bien-fondé, être utilement avancée au soutien de leur moyen pris d'un défaut de correspondance entre le contenu des épreuves écrites et les indications de l'avis de concours quant à la seconde option.

59.
    En conclusion, il y a lieu de considérer que le jury n'a pas dépassé les limites de son pouvoir d'appréciation lors du choix du contenu des épreuves écrites liées à l'option «justice et affaires intérieures» du concours. Aucune de ces épreuves écrites n'est sortie, de par son contenu, du cadre indiqué dans l'avis de concours à propos de ladite option, ni de la finalité poursuivie par le concours à travers celle-ci. Considérées dans leur ensemble, ces épreuves écrites ont couvert de manière équilibrée les divers domaines de connaissance et d'expérience professionnelle visés dans l'avis de concours en matière de coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures. À l'audience, les requérants n'ont, du reste, pas contesté qu'il ne pouvait être reproché à la Commission de ne pas avoir fait porter les épreuves écrites relatives à la seconde option sur l'ensemble des éléments de l'acquis en matière de justice et d'affaires intérieures en fonction de leur importance au sein de cet acquis.

60.
    Contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'analyse qui précède ne fait pas ressortir que la Commission a accordé une importance déraisonnable, dans le contenu de ces épreuves écrites, aux thèmes de la lutte antifraude et du contrôle des fonds communautaires. Le fait que l'un ou l'autre élément de ces épreuves s'y soit rapporté ne saurait être sujet à critiques dans la mesure où, parmi les domaines de compétence visés dans le cadre de la seconde option du concours, figurait la «lutte contre la délinquance économique et financière» (titre III, B, 2, B, de l'avis de concours), matière qui recouvre, entre autres, la lutte contre la fraude et le contrôle des fonds communautaires.

61.
    Enfin, les requérants ne sauraient interpréter l'argument de la Commission, selon lequel «les épreuves orales devaient également permettre de tester plus avant les connaissances des candidats dans le domaine visé par l'option choisie» (point 25 dumémoire en défense), comme un aveu implicite de ce que le contenu des épreuves écrites ne correspondait pas aux indications de l'avis de concours. En effet, ce faisant, la Commission n'a fait que rappeler, dans ses écritures, la finalité traditionnellement assignée aux épreuves orales dans le cadre des procédures de recrutement, à savoir - comme indiqué dans l'avis de concours (titre VII, A, 3) - permettre aux membres du jury de compléter, en vue de la sélection finale des candidats, leur appréciation sur les aptitudes de ceux qui ont franchi avec succès le stade des épreuves écrites.

62.
    En conséquence, le premier moyen doit être rejeté.

Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du principe d'égalité de traitement des candidats

63.
    Le deuxième moyen se subdivise en trois branches. Dans la première branche, les requérants font valoir que le principe d'égalité de traitement des candidats a été violé en raison de la composition du jury. Dans la deuxième branche, ils soutiennent que ledit principe a également été méconnu au stade des épreuves écrites. Dans la troisième branche, ils invoquent une discrimination lors de la correction desdites épreuves.

64.
    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il y a violation du principe d'égalité de traitement lorsque deux catégories de personnes dont les situations juridiques et factuelles ne présentent pas de différence essentielle se voient appliquer un traitement différent ou lorsque des situations différentes sont traitées de manière identique (arrêt du Tribunal du 2 avril 1998, Apostolidis/Cour de justice, T-86/97, RecFP p. I-A-167 et II-521, point 61, et la jurisprudence citée).

65.
    À la lumière de cet enseignement, il convient d'examiner les trois branches présentées par les requérants dans le cadre de leur deuxième moyen afin de vérifier si, en l'espèce, l'AIPN et le jury ont enfreint le principe d'égalité de traitement des candidats à l'un ou l'autre stade de la procédure de recrutement.

Sur la première branche, fondée sur la violation du principe d'égalité de traitement en raison de la composition du jury

66.
    Les requérants affirment que le jury du concours était présidé par un membre de l'UCLAF, laquelle y était par ailleurs fortement représentée. Compte tenu de cet élément, et eu égard au fait que la seconde option du concours concernait la justice et les affaires intérieures, ils s'étonnent que la task-force pour la coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures (ci-après la «task-force 'Justice et affaires intérieures‘») de la Commission, principale structure responsable de la coopération dans ce domaine, n'ait pas été représentée, en tant que telle, dans le jury.

67.
    Les requérants estiment en outre que la direction générale «Relations extérieures: Europe et nouveaux États indépendants, politique étrangère et de sécurité commune,service extérieur» (DG IA) aurait dû être représentée dans le jury, dans la mesure où l'épreuve f) portait sur un domaine de compétences qui lui est propre, à savoir la coopération avec les pays d'Europe centrale et orientale en matière de justice et d'affaires intérieures.

68.
    Ils craignent donc que, en raison de cette composition déséquilibrée, le jury ait pu être influencé dans ses choix tout au long de la procédure de sélection, dans la mesure où il était à la fois juge et partie, d'une part, et où il n'avait pas pris le soin de s'adjoindre des personnes compétentes pour l'option «justice et affaires intérieures», d'autre part.

69.
    Ces craintes seraient renforcées par le fait que 12 des 26 personnes inscrites sur les listes d'aptitude arrêtées à la suite du concours proviennent du secrétariat général de la Commission, dont dépendait l'UCLAF avant sa dissolution le 1er juin 1999. Parmi ces 12 personnes, 2 seraient des agents de l'UCLAF et 5 travailleraient dans le secteur des fonds structurels ou des ressources, où elles auraient à connaître du contrôle des fonds communautaires. À ces 12 agents, il conviendrait d'ajouter 3 agents de la direction générale «Agriculture» (DG VI), ainsi qu'un ancien agent de cette DG, lesquels seraient aussi en charge du contrôle des fonds communautaires. En définitive, 16 des 26 personnes inscrites sur les listes d'aptitude émaneraient du secrétariat général ou de la DG VI de la Commission. Au total, 18 des 26 lauréats proviendraient de la Commission.

70.
    Sur cette question, il convient tout d'abord de rappeler que, en vertu d'une jurisprudence bien établie, le jury d'un concours sur titres et épreuves doit, pour être constitué conformément aux dispositions du statut et à l'article 3 de son annexe III, être composé de façon à garantir une appréciation objective de la performance des candidats aux épreuves au regard des qualités professionnelles attendues. Les exigences auxquelles doivent satisfaire les compétences des membres du jury varient cependant en fonction des circonstances propres à chaque concours. À cet égard, l'AIPN et le comité du personnel jouissent d'un large pouvoir d'appréciation pour évaluer les compétences des personnes qu'ils sont appelés à désigner comme membres du jury et il n'appartient au Tribunal de censurer leur choix que si les limites de ce pouvoir n'ont pas été respectées (voir arrêts du Tribunal Valverde Mordt/Cour de justice, cité au point 24 ci-dessus, points 105 et 106, et la jurisprudence citée, et du 17 décembre 1997, Karagiozopoulou/Commission, T-166/95, RecFP p. I-A-397 et II-1065, point 34).

71.
    Il y a ensuite lieu de souligner que la circonstance que, en l'espèce, le même jury était appelé à évaluer les résultats des épreuves liées aux deux options du concours n'est pas une cause d'irrégularité, pour autant qu'il s'avère que les membres du jury disposaient des compétences requises pour apprécier objectivement les performances des candidats aux épreuves relevant de l'une ou de l'autre option, en particulier de la seconde, à laquelle les requérants avaient choisi de participer.

72.
    En réponse à une question écrite du Tribunal, la Commission a communiqué, le 2 février 2000, la composition du jury du concours général COM/A/15/98, ainsi que les fonctions exercées par les membres de ce jury à l'époque du concours en question, leur grade et leur formation professionnelle.

73.
    Il ressort de ces indications, dont les requérants n'ont pas contesté la valeur probante à l'audience, que le jury était composé de sept membres, effectifs et suppléants confondus. Son président était un ingénieur agronome et économiste, conseiller rattaché au directeur de l'UCLAF. Le président suppléant était un juriste, conseiller juridique au service juridique de la Commission. Le membre titulaire désigné par l'administration était un juriste employé à la direction générale «Contrôle financier» (DG XX) au sein de l'unité responsable du suivi des fraudes et irrégularités. Les membres suppléants désignés par l'administration étaient deux juristes en service à l'UCLAF et responsables, le premier, de la lutte contre la fraude dans le domaine des ressources propres et, le second, de la coordination et de la politique générale, des affaires juridiques et de la cellule de liaison et d'expertise pénale. Le membre titulaire désigné par le comité central du personnel était un juriste employé au sein de l'unité 1 «Banques et établissements financiers» de la direction C «Institutions financières» de la direction générale «Marché intérieur et services financiers» (DG XV). Le membre suppléant désigné par le comité susvisé était un économiste en fonction à l'Office statistique, en charge particulièrement des statistiques des entreprises.

74.
    Rien, dans ces indications, ne permet de considérer que les membres du jury n'avaient pas les compétences requises pour assurer le déroulement régulier de la procédure de sélection liée à la seconde option du concours. S'agissant de la correction des épreuves écrites relatives à cette option, il convient d'ajouter que la réponse de la Commission visée au point 72 ci-dessus fait apparaître que le jury s'est adjoint la collaboration d'une trentaine d'assesseurs correcteurs, qui présentaient tous, de par leur formation professionnelle et les fonctions qu'ils exerçaient à l'époque, les qualifications requises pour une telle opération.

75.
    Quant au fait que certains membres du jury provenaient de l'UCLAF, il y a lieu de rappeler que la seconde option de ce concours visait, selon les termes de l'avis de concours, à recruter des juristes spécialisés, notamment, dans la «lutte contre la délinquance économique et financière» (titre III, B, 2, B) et que certaines épreuves écrites ont porté sur ce thème, conformément aux indications figurant dans cet avis de concours, de sorte que la présence, dans le jury, de spécialistes en la matière se justifiait pleinement, y compris pour cette seconde option. Au surplus, leur appartenance à l'UCLAF n'excluait nullement la capacité des membres du jury concernés à contribuer à la définition d'épreuves écrites conformes à l'avis de concours et à évaluer, en connaissance de cause, les résultats des candidats inscrits à la seconde option aux différentes épreuves s'y rapportant.

76.
    L'absence, parmi les membres du jury et les assesseurs correcteurs, de personnes émanant de la task-force «Justice et affaires intérieures» ou de la DG IA ne saurait conduire, à elle seule, à considérer que les candidats à la seconde option spécialisésdans la lutte antifraude ou dans le contrôle des fonds communautaires aient été favorisés par rapport à ceux qui, comme les requérants affirment l'être, étaient spécialisés dans les autres domaines relevant de la coopération en matière de justice et d'affaires intérieures.

77.
    Au contraire, il a été constaté (ci-dessus points 37 à 60) que le contenu des épreuves écrites avait couvert de manière équilibrée les différents domaines indiqués par l'avis de concours pour la seconde option. Lors de ce constat, il n'est pas apparu que le jury ait accordé une importance exagérée, dans la définition du contenu de ces épreuves, aux matières relevant de la lutte antifraude et du contrôle des fonds communautaires.

78.
    Quant à l'analyse des listes d'aptitude publiées à l'issue du concours, il en ressort que 17 personnes figurent sur celle relative à la première option et 9 sur celle se rapportant à la seconde option, soit 26 personnes au total. D'après les indications fournies par les requérant, 18 des 26 lauréats proviennent de la Commission, dont 12 du secrétariat général. En tant que tel, ce constat n'est pas de nature à révéler que le jury ait, en raison de sa composition, indûment favorisé, parmi les candidats à la seconde option du concours, les spécialistes de la lutte antifraude ou du contrôle des fonds communautaires par rapport aux spécialistes des autres matières relevant de la justice et des affaires intérieures.

79.
    De même, la constatation, qui se dégage des autres indications des requérants, selon laquelle les lauréats figurant sur la liste d'aptitude relative à la première option sont majoritairement des agents de la Commission relevant des services responsables de la lutte antifraude ou du contrôle des fonds communautaires, ne saurait être jugée révélatrice d'un tel traitement inéquitable. Il convient en effet de rappeler que la première option du concours visait au recrutement d'experts dans le domaine de la lutte antifraude. Il est donc logique que la majorité des lauréats de la première option soit constituée par des personnes qui exerçaient des fonctions dans ce domaine lorsqu'elles ont participé au concours.

80.
    En revanche, s'agissant de la liste d'aptitude relative à la seconde option, les indications des requérants font apparaître qu'aucun des lauréats ne provient de l'UCLAF. Parmi les neuf candidats retenus, cinq sont extérieurs à la Commission. Un lauréat provient de la task-force «Justice et affaires intérieures». Un autre provient des services de la direction générale «Énergie» (DG XVII) responsables de la politique générale et des relations interinstitutionnelles. Un autre est un expert national détaché auprès des services de la direction générale «Relations extérieures: politique commerciale, relations avec l'Amérique du Nord, l'Extrême-Orient, l'Australie et la Nouvelle-Zélande (DG I) en charge des politiques commerciales multilatérales et des questions relevant de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Seul un des lauréats provient de services compétents en matière de contrôle des fonds communautaires, à savoir les services de la DG VI responsables de l'apurement des comptes du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA).

81.
    À l'audience, la Commission a versé au dossier les curriculum vitae des différents lauréats repris sur la seconde liste d'aptitude. L'examen détaillé qui en a été fait à l'audience, et dont les requérants eux-mêmes ont souligné l'utilité, a confirmé que, à l'exception du candidat actuellement employé à la DG VI dans les services compétents pour l'apurement des comptes FEOGA, aucun n'avait un profil professionnel orienté vers la lutte antifraude ou le contrôle des fonds communautaires. Au contraire, au moment du concours, la plupart occupaient, en dehors de la Commission, des fonctions correspondant pleinement au type de compétence recherché dans le cadre de la seconde option du concours.

82.
    Il ressort donc de ce qui précède que la composition du jury n'a pas conduit à favoriser, dans le cadre de l'option à laquelle les requérants s'étaient inscrits, les candidats spécialisés dans la lutte antifraude ou dans le contrôle des fonds communautaires au détriment des candidats spécialisés dans les autres domaines relatifs à la coopération en matière de justice et d'affaires intérieures. Au contraire, il s'avère que les membres du jury, et les assesseurs dont celui-ci s'est entouré pour la correction des épreuves écrites, disposaient des compétences requises pour assurer le déroulement régulier de la procédure de sélection dans le cadre de la seconde option, que ce soit pour la définition du contenu de ces épreuves écrites ou pour l'évaluation des connaissances des candidats.

83.
    Il convient donc de rejeter la première branche du moyen examiné.

Sur la deuxième branche, fondée sur la violation du principe d'égalité de traitement au stade des épreuves écrites

84.
    Les requérants font valoir que, en polarisant les sujets retenus pour les épreuves se rapportant à la seconde option sur le thème de la lutte antifraude, le jury a créé une double discrimination, d'une part, entre les candidats à l'une ou à l'autre option du concours et, d'autre part, entre les candidats à la seconde option.

85.
    En premier lieu, ils affirment que, contrairement aux candidats à la première option, qui ont été interrogés, comme ils s'y attendaient, sur des sujets relevant de leur compétence, les candidats à la seconde option n'ont pas pu faire valoir pleinement leurs connaissances dans les matières liées à la justice et aux affaires intérieures, alors même que l'objet de cette seconde option était de recruter des spécialistes de haut niveau dans ces matières.

86.
    En second lieu, ils soutiennent que le jury a avantagé, parmi les candidats à la seconde option, ceux qui étaient issus d'un service chargé de la lutte antifraude ou, plus généralement, du contrôle des fonds communautaires. Cet avantage aurait été particulièrement manifeste lors de l'épreuve e), où les candidats spécialisés dans la lutte antifraude auraient largement pu tirer profit de leur pratique quotidienne puisque la réponse à cette épreuve demandait d'abord de lire 23 pages de textes juridiques sur la lutte antifraude.

87.
    Sur cette question, il convient de souligner que, en vertu d'une jurisprudence constante, il incombe au jury de veiller strictement au respect du principe d'égalité de traitement entre les candidats, principe fondamental du droit communautaire, lors du déroulement d'un concours. Si le jury jouit d'un large pouvoir d'appréciation quant aux modalités et au contenu détaillé des épreuves, il appartient néanmoins au juge communautaire d'exercer son contrôle dans la mesure nécessaire pour assurer le traitement égal des candidats et l'objectivité du choix entre ceux-ci opéré par le jury (voir arrêts du Tribunal du 17 mars 1994, Hoyer/Commission, T-43/91, RecFP p. I-A-91 et II-297, point 47, et Smets/Commission, T-44/91, RecFP p. I-A-97 et II-319, point 46, et du 9 novembre 1999, Papadeas/Comité des régions, T-102/98, non encore publié au Recueil, point 54).

88.
    En l'espèce, il y a lieu de rappeler que l'analyse consacrée au premier moyen d'annulation fait ressortir que, en ce qui concerne la seconde option, toutes les épreuves écrites s'y rapportant se sont inscrites dans le cadre indiqué dans l'avis de concours et dans la finalité poursuivie par le concours. De plus, considérées dans leur ensemble, ces épreuves écrites ont couvert de manière appropriée les différents domaines d'expérience professionnelle visés par l'avis de concours pour cette seconde option (titre III, B, 2, B). Sans qu'il soit nécessaire d'examiner le contenu des épreuves écrites relatives à la première option du concours, il y a donc lieu de rejeter l'argument des requérants tiré de la discrimination dont ils auraient prétendument souffert par rapport aux candidats à la première option au motif que, contrairement à ces derniers, ils n'auraient pas été en mesure de faire valoir leurs compétences dans l'option choisie.

89.
    Les constatations faites lors de l'examen du premier moyen doivent également conduire à écarter l'argument des requérants tiré de l'avantage illicite prétendument conféré par le contenu des épreuves écrites aux candidats à la seconde option spécialisés dans la lutte antifraude ou dans le contrôle des fonds communautaires.

90.
    Il apparaît ainsi que, par le choix du contenu des épreuves écrites se rapportant à la seconde option, le jury a limité le risque d'inégalité de chances à celui inhérent, en règle générale, à tout examen (arrêt Sergio e.a./Commission, cité au point 35 ci-dessus, point 27). L'analyse, faite ci-dessus aux points 80 à 82, du contenu de la liste d'aptitude relative à la seconde option du concours ne fait d'ailleurs pas ressortir que le choix des thèmes des épreuves écrites ait favorisé les candidats à cette option spécialisés dans la lutte antifraude ou dans le contrôle des fonds communautaires par rapport aux spécialistes des autres matières relevant de la coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures. Au contraire, elle montre que tous les lauréats repris sur ladite liste d'aptitude présentent un profil professionnel conforme à celui recherché dans le cadre de la seconde option du concours.

91.
    Il y a donc lieu de rejeter la deuxième branche du moyen examiné.

Sur la troisième branche, prise de la violation du principe d'égalité de traitement lors de la correction des épreuves écrites

92.
    Les requérants font valoir que l'absence, dans le jury, de spécialistes de la coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, et notamment d'un spécialiste de la coopération avec les pays d'Europe centrale et orientale dans ces domaines, a indubitablement affecté la capacité du jury à juger, en toute connaissance de cause, l'épreuve f) qui - avec les épreuves a) et b), fondées sur des questionnaires à choix multiple - était la seule à être vraiment conforme à l'avis de concours. Or, cette épreuve, qui comptait pour 25 % dans la phase écrite de sélection, aurait été particulièrement importante pour les candidats spécialisés en coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures.

93.
    Sur ce point, il suffit de rappeler que, si aucun membre du jury ni aucun assesseur correcteur n'émanait de la task-force «Justice et affaires intérieures» ou de la DG IA, rien ne permet de considérer que le jury et les personnes dont celui-ci s'est entouré pour la correction des épreuves écrites n'aient pas eu les qualifications requises pour évaluer, en toute objectivité et en connaissance de cause, les réponses des candidats aux épreuves écrites relatives à la seconde option du concours, et donc que les candidats à ladite option spécialisés dans la lutte antifraude ou dans le contrôle des fonds communautaires aient été avantagés illicitement par rapport à ceux qui étaient spécialisés dans les autres matières relevant de la coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures (voir ci-dessus points 73 à 76).

94.
    Au contraire, il convient à nouveau de souligner que la consultation de la liste d'aptitude relative à la seconde option infirme la thèse des requérants fondée sur une inégalité de traitement au stade de la correction des épreuves écrites en raison de la composition du jury (voir ci-dessus points 80 à 82).

95.
    Il y a donc lieu d'écarter la troisième branche du moyen examiné.

96.
    En conclusion, ce dernier doit être rejeté dans son intégralité.

Sur le troisième moyen, pris de la violation du principe de bonne administration

97.
    Le troisième moyen est articulé en deux branches. Dans la première, les requérants dénoncent la mauvaise organisation du concours. Dans la seconde, ils reprochent à la Commission de s'être rendue coupable de mauvaise administration à différents stades de la procédure de sélection.

Sur la première branche, fondée sur la mauvaise organisation du concours

98.
    Les requérants soulignent d'abord que les déboires rencontrés par M. Mazuel lors de la phase de présélection sur la base des dossiers de candidature illustrent le manque de rigueur de la Commission dans l'organisation du concours.

    

99.
    Ce manque de rigueur se refléterait aussi au niveau de la composition du jury. La Commission aurait ainsi manqué au principe de bonne administration en ne veillant pas à ce que la task-force «Justice et affaires intérieures» soit dûment représentée dans le jury et à ce que soient associées à la procédure les structures compétentes de la Commission au regard de certaines épreuves, telles que la DG IA pour l'épreuve f).

100.
    Les requérants estiment encore que, dans un souci de transparence et de neutralité, il eût été préférable que la présidence du jury soit assurée par une personnalité indépendante de l'UCLAF, structure principalement intéressée par le recrutement. Ils soulignent que, dans certains États membres, les jurys de concours administratifs sont présidés par un magistrat, et non par un responsable de la structure directement concernée par le recrutement.

101.
    S'agissant tout d'abord des conditions d'admission de M. Mazuel aux épreuves de sélection, il y a lieu de relever que l'avis de concours prévoyait expressément une possibilité de réexamen des candidatures (titre V). Après le rejet de sa candidature, par lettre du 3 novembre 1998, M. Mazuel a utilisé une première fois la garantie ainsi offerte en sollicitant un tel réexamen, puis a réitéré sa demande après la réception d'une lettre du 18 novembre 1998 du jury confirmant, en s'appuyant sur une motivation nouvelle, le rejet de sa candidature.

102.
    Le 17 décembre 1998, il a été informé que, à la suite de cette demande, le jury avait réexaminé sa candidature et qu'il avait décidé de l'admettre aux épreuves écrites de la seconde option du concours litigieux.

103.
    Pour regrettables qu'elles soient, les erreurs survenues lors de l'examen du dossier de candidature de M. Mazuel ont cependant été rectifiées, conformément à la procédure prévue à cette fin dans l'avis de concours, et l'intéressé a finalement été admis à concourir. De telles erreurs n'ont donc pas affecté la position de ce dernier, de sorte que l'argumentation des requérants tirée de celles-ci ne saurait prospérer.

104.
    En ce qui concerne ensuite la composition du jury, la seule circonstance qu'aucun des membres de celui-ci ne provenait de la task-force «Justice et affaires intérieures» et qu'aucune personne de la DG IA n'a été associée à la procédure de sélection liée à la seconde option du concours ne saurait conduire, à elle seule, à conclure à l'existence d'une violation du principe de bonne administration, dès lors que, ainsi que cela a été constaté ci-dessus aux points 73 à 82, une telle circonstance n'a pas porté atteinte à la capacité du jury d'assurer le déroulement régulier de la procédure de sélection en question.

105.
    Enfin, quant à l'attribution de la présidence du jury à un membre de l'UCLAF, elle ne saurait être jugée révélatrice d'une atteinte au principe de bonne administration. En effet, il convient premièrement de souligner que le même jury était appelé à procéder à la sélection des candidats inscrits aux deux options du concours, que le nombre de candidats à sélectionner était plus important pour la première option que pour la seconde (voir avis de concours, titre I, 1, et titre VIII, 1) et que la lutte antifraude relevait des domaines de compétences visés par les deux options du concours [«politique antifraude communautaire» pour la première option, «lutte contre la délinquance économique et financière» pour la seconde option (titre III, B, 2, B, de l'avis de concours)]. Dans ces conditions, il ne saurait être reproché à la Commission d'avoir confié la présidence effective du jury à un membre de l'UCLAF. Deuxièmement, ainsi que cela a été souligné ci-dessus au point 75, la qualité de membre de l'UCLAF n'excluait pas la capacité à contribuer à la définition, dans le cadre de la seconde option, d'épreuves écrites correspondant aux indications de l'avis de concours, d'une part, et à évaluer, en connaissance de cause, les compétences des candidats inscrits à cette seconde option, d'autre part. Troisièmement, le président titulaire du jury était entouré de membres, titulaires et suppléants, ainsi que d'assesseurs correcteurs, dont rien ne permet de mettre en cause la compétence en ces matières.

106.
    En outre, les requérants ne sauraient prétendre que l'UCLAF était le service principalement intéressé par la procédure de recrutement, puisque, ainsi qu'ils l'admettent, cette unité était vouée à être dissoute au 1er juin 1999.

107.
    Il convient encore de souligner que, en vertu de l'article 3, troisième alinéa, de l'annexe III du statut, les membres du jury doivent être choisis parmi les fonctionnaires et doivent être d'un grade au moins égal à celui de l'emploi à pourvoir. Eu égard à cette disposition, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir confié la présidence du jury à une personne extérieure à l'institution.

108.
    Il convient par conséquent de rejeter la première branche du moyen examiné.

Sur la deuxième branche, tirée d'un cas de mauvaise administration de la Commission

109.
    Les requérants font valoir que, en choisissant d'écarter d'emblée des candidatures valables, en ne veillant pas à la représentation adéquate, dans le jury, de ses structures compétentes en matière de justice et d'affaires intérieures, en ciblant mal les épreuves de la seconde option du concours et en ne garantissant pas l'égalité entre les candidats, la Commission ne s'est pas donné les moyens de recruter le personnel compétent de haut niveau dont elle a besoin pour remplir les missions qui lui ont été confiées par le traité d'Amsterdam en 1997.

110.
    Ils ajoutent que le fait que le jury a suggéré à M. Mazuel, au stade de la présélection sur la base des dossiers de candidature, de s'orienter vers le concours COM/A/14/98 visant à recruter des administrateurs A 7/A 6 dans le domaine de la lutte antifraude,alors que cette matière ne correspondait pas à la spécialisation de celui-ci, confirme l'amalgame qu'il a fait depuis le début entre les options «antifraude» et «justice-affaires intérieures», ainsi que sa tendance à effectuer ce recrutement sans tenir compte des compétences réelles des candidats.

111.
    Cette mauvaise administration serait manifeste au regard de la comparaison entre l'acquis en matière de justice et d'affaires intérieures et les objectifs assignés à la Commission en ces matières par les traités de Maastricht et d'Amsterdam, d'une part, et les méthodes utilisées par la Commission pour recruter un personnel adapté à ces instruments et à ces missions nouvelles, d'autre part.

112.
    À cet égard, il convient tout d'abord de souligner, s'agissant de la suggestion faite par le jury à M. Mazuel lors de la procédure de présélection sur dossier de s'orienter vers un autre concours, qui n'aurait pas correspondu à sa spécialisation, que l'intéressé a finalement été admis à participer à la seconde option du concours COM/A/15/98, ainsi qu'il en avait exprimé la volonté dans son acte de candidature. L'argument des requérants sur ce point ne saurait dès lors prospérer.

113.
    Ensuite, il y a lieu d'observer, en ce qui concerne l'argument des requérants pris de l'exclusion illégitime de candidatures valables du concours, que ceux-ci ne fournissent aucun exemple de telles candidatures qui auraient été écartées dès le stade de la présélection sur dossier.

114.
    Pour le reste, force est de constater que les arguments tirés de la représentation insuffisante, dans le jury, des services de la Commission compétents dans les matières de la justice et des affaires intérieures, de la définition inappropriée du contenu des épreuves écrites relatives à la seconde option et de la violation du principe d'égalité de traitement ne revêtent aucune portée autonome par rapport à ceux qui sont formulés dans le cadre des premier et deuxième moyens et de la première branche du troisième moyen. Pour les mêmes motifs que ceux exposés lors de l'examen de ceux-ci, ils doivent être écartés.

115.
    En conclusion, la deuxième branche du troisième moyen doit être écartée.

116.
    Le troisième moyen doit donc être rejeté dans son intégralité.

Sur le quatrième moyen, fondé sur l'existence d'un détournement de pouvoir et de procédure

117.
    Les requérants font valoir que la procédure de présélection fondée sur les dossiers de candidature a donné au jury une grande latitude quant à l'admission des candidats au concours, ainsi que l'attesteraient les difficultés rencontrées au niveau de cette procédure par M. Mazuel. Ces difficultés démontreraient que, dès le début duconcours, le jury a cherché à détourner la procédure afin d'écarter du concours A 5/A 4, option «justice et affaires intérieures», une candidature externe recevable.

118.
    Les requérants ajoutent que le fait que l'avis de concours n'ait pas été respecté, que des irrégularités aient porté atteinte, aux différents stades de la procédure de recrutement, à l'égalité entre les candidats et que l'acquis en matière de justice et d'affaires intérieures ainsi que les nouvelles compétences confiées à la Commission par le traité d'Amsterdam n'aient pas été pris en considération démontrent que le concours litigieux a été organisé moins pour recruter de vrais spécialistes de haut niveau tels que définis dans l'avis de concours que pour offrir une titularisation à des agents de la Commission, issus notamment du secrétariat général et/ou de services chargés de la lutte antifraude. L'analyse des emplois occupés par les personnes inscrites sur les listes d'aptitude ferait d'ailleurs ressortir que la Commission s'apprête à recruter, grâce au concours en question, un nombre élevé de ses propres agents «contractuels». Les requérants font ainsi valoir que, si ces personnes étaient effectivement engagées, le taux de recrutement «interne», basé sur le concours en cause, s'élèverait à 82 % pour la première option et à 44,5 % pour la seconde option.

119.
    Soulignant que les épreuves orales se sont tenues au début de juin 1999, alors que l'UCLAF venait d'être dissoute et remplacée par l'office européen de lutte antifraude (OLAF), ils soutiennent que, ainsi que le montreraient les chiffres susmentionnés, ce concours fut, en fait, un concours interne «maquillé» en concours externe, visant à permettre l'intégration dans la fonction publique communautaire d'une dizaine d'agents contractuels ayant travaillé dans des services chargés du contrôle des fonds communautaires. Une telle manoeuvre serait constitutive d'un détournement de pouvoir.

120.
    Sur cette question, il convient de rappeler que, d'après une jurisprudence constante, il n'y a détournement de pouvoir, dont le détournement de procédure n'est qu'une forme, que s'il est prouvé que, en adoptant l'acte litigieux, l'autorité administrative a poursuivi un but autre que celui visé par la réglementation en cause ou s'il apparaît, sur la base d'indices objectifs, pertinents et concordants, que l'acte en question a été pris pour atteindre des fins autres que celles excipées (arrêt Apostolidis/Cour de justice, cité au point 64 ci-dessus, point 84).

121.
    Or, en l'espèce, il convient d'abord de relever que les requérants n'avancent aucun élément de preuve ou indice tendant à démontrer que les erreurs commises par la Commission, au stade de la présélection, lors de l'examen du dossier de candidature de M. Mazuel aient résulté d'une volonté délibérée du jury d'écarter du concours la candidature de l'intéressé au motif qu'il s'agissait d'une candidature externe. Au contraire, il faut rappeler que M. Mazuel a, en fin de compte, été admis à prendre part à la seconde option du concours, à laquelle il s'était inscrit.

122.
    Le non-respect de l'avis de concours et la violation du principe d'égalité de traitement des candidats, allégués par les requérants, ne s'avèrent, quant à eux, pas établis (voir ci-dessus points 35 à 62, 70 à 83, 87 à 91 et 93 à 96).

123.
    Quant à l'absence alléguée de prise en considération de l'acquis et des nouvelles compétences de la Commission en matière de justice et d'affaires intérieures, outre ce qui a été constaté ci-dessus aux points 44, 45 et 59, il suffit de relever que les requérants n'expliquent pas en quoi celle-ci, pour autant qu'elle existe, serait révélatrice d'un détournement de pouvoir ou de procédure ayant visé à écarter les candidatures externes au profit des candidatures internes.

124.
    Enfin, les requérants n'apportent aucun élément de preuve ou indice de nature à prouver que le nombre élevé d'agents de la Commission figurant parmi les lauréats du concours doive trouver son explication dans une opération déguisée de titularisation d'agents temporaires en charge de la lutte antifraude ou du contrôle des fonds communautaires. Ce nombre élevé ne saurait, à lui seul, conduire à une telle conclusion.

125.
    Au contraire, s'agissant de la liste d'aptitude relative à la seconde option, qui, seule, intéresse les requérants dès lors que c'est à cette option du concours qu'ils s'étaient inscrits, les allégations de détournement de procédure ou de pouvoir formulées par ces derniers sont manifestement contredites par l'analyse de ladite liste faite ci-dessus aux points 80 à 82. Il ressort en effet de cette analyse que, parmi les neuf lauréats repris sur cette liste, trois seulement sont des agents de la Commission, dont deux sont issus de services étrangers à la lutte antifraude et au contrôle des fonds communautaires. Cinq sont extérieurs à la Commission. Un des lauréats est un expert national détaché auprès de la Commission, comme l'était M. Mazuel au moment de l'introduction du présent recours. Sur ce dernier point, il convient de souligner que suivre la thèse des requérants reviendrait à considérer que, si M. Mazuel avait été retenu parmi les lauréats repris sur la liste d'aptitude relative à la seconde option, sa sélection n'aurait fait qu'accentuer la suspicion que les requérants tentent de jeter sur la nature et l'objet du concours en cause.

126.
    En conclusion, il convient d'écarter le quatrième moyen.

127.
    Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

Sur les dépens

128.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l'article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Dès lors que le recours de candidats à un concours général dirigé contre la décision du jury de les exclure des épreuves tend à permettre l'accès des intéressés à la fonction publiquecommunautaire, il y a lieu, en cas de rejet du recours, de faire application des dispositions du règlement de procédure qui mettent à la charge des institutions les frais qu'elles exposent dans les recours des agents des Communautés (ordonnance du Tribunal du 16 mai 1994, Stagakis/Parlement, T-37/93, RecFP p. I-A-137 et II-451, point 24).

129.
    Les requérants ayant succombé en leurs moyens et la Commission ayant conclu à ce que le Tribunal statue sur les dépens comme de droit, chacune des parties supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (juge unique)

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté.

2)    Chacune des parties supportera ses propres dépens.

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 mai 2000.

Le greffier

Le juge

H. Jung

K. Lenaerts


1: Langue de procédure: le français.