Language of document : ECLI:EU:T:2015:812

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

28 octobre 2015 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives à l’encontre de personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban – Gel des fonds – Droits fondamentaux – Droit à une protection juridictionnelle effective »

Dans l’affaire T‑134/11,

Al-Bashir Mohammed Al-Faqih, demeurant à Birmingham (Royaume‑Uni),

Ghunia Abdrabbah, demeurant à Birmingham,

Taher Nasuf, demeurant à Manchester (Royaume-Uni),

Sanabel Relief Agency Ltd, établie à Birmingham,

représentés par M. E. Grieves, barrister, et Mme N. Garcia-Lora, solicitor,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée initialement par Mme S. Boelaert, MM. M. Konstantinidis, E. Paasivirta et T. Scharf, puis par MM. Konstantinidis, Paasivirta et Scharf, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Conseil de l’Union européenne, représenté initialement par Mme E. Finnegan, MM. R. Szostak et G. Étienne, puis par Mme Finnegan et M. Étienne, en qualité d’agents,

et par

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté initialement par Mme E. Jenkinson, puis par M. L. Christie, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d’annulation du règlement (UE) n° 1138/2010 de la Commission, du 7 décembre 2010, modifiant pour la cent quarantième fois le règlement (CE) n° 881/2002 du Conseil instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban (JO L 322, p. 4), et du règlement (UE) n° 1139/2010 de la Commission, du 7 décembre 2010, modifiant pour la cent quarante et unième fois le règlement (CE) n° 881/2002 du Conseil instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban (JO L 322, p. 6), pour autant que ces actes concernent les requérants,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. M. van der Woude, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. I. Ulloa Rubio (rapporteur), juges,

greffier : M. L. Grzegorczyk, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 23 avril 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Deux des requérants, MM. Al-Bashir Mohammed Al-Faqih et Taher Nasuf, sont des ressortissants libyens qui étaient en possession d’un permis de séjour permanent sur le territoire du Royaume-Uni. Un troisième requérant, M. Ghunia Abdrabbah est un ressortissant du Royaume-Uni. La quatrième requérante, Sanabel Relief Agency Ltd (ci-après « Sanabel »), était une association caritative qui, enregistrée auprès de la Charity Commission of England and Wales (Commission de charité de l'Angleterre et du pays de Galles) du 17 novembre 2000 à 2012, a été supprimée en 2007 du Companies House Register (Registre du commerce et des sociétés). MM. Abdrabbah et Nasuf étaient membres du directoire de ladite association.

2        Le 27 mars 2006, M. Al-Faqih, a été arrêté en vertu du Terrorism Act 2000 (loi de 2000 relative au terrorisme) et, le 30 mars 2006, il a été mis en examen pour deux infractions en vertu de ladite loi. Il a plaidé coupable et a été condamné à quatre ans de prison dont il a purgé deux ans. Sa libération est intervenue le 1er avril 2008, et le ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni a abandonné la procédure d’expulsion, concomitante à la condamnation pour terrorisme, le 7 avril 2008.

3        M. Nasuf était associé au Lybian Islamic Fighting Group (LIFG).

 Cadre juridique international des mesures restrictives à l’encontre des personnes et entités liées à Oussama ben Laden

4        À la suite de violations du droit international humanitaire et compte tenu de la collaboration des Taliban avec le terrorisme, les Nations unies ont mis en place un régime de sanctions contre les entités et individus liés à Al-Qaida et aux Taliban, dans le cadre de la résolution 1267 (1999) du 15 octobre 1999. Au paragraphe 6 de cette résolution, le Conseil de sécurité des Nations unies (ci-après le « Conseil de sécurité ») a décidé de créer un comité des sanctions (ci-après le « comité des sanctions »).

5        Depuis la fin des années 90, et plus encore après les attentats du 11 septembre 2001 à New York (États-Unis), à Washington (États-Unis) et en Pennsylvanie (États-Unis), le Conseil de sécurité a fait usage de ses pouvoirs au titre du chapitre VII de la charte des Nations unies. C’est ainsi que, le 16 janvier 2002, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 1390 (2002), qui fixe les mesures que tous les États doivent prendre à l’égard d’Oussama ben Laden, des membres de l’organisation Al-Qaida ainsi que des Taliban et des autres personnes, groupes, entreprises et entités associés figurant sur la liste établie en application des résolutions 1267 (1999) et 1333 (2000) dudit Conseil. Ces mesures impliquent notamment, en premier lieu, de bloquer les fonds et autres avoirs financiers ou ressources économiques de ces personnes, groupes, entreprises et entités, en deuxième lieu, d’empêcher l’entrée sur le territoire des États ou le transit par leur territoire de ces personnes et, en troisième lieu, d’empêcher la fourniture, la vente ou le transfert directs ou indirects à de tels groupes, personnes, entreprises ou entités, d’armes et de matériel connexe de tous types ainsi que les conseils, l’assistance et la formation techniques ayant trait à des activités militaires.

6        Aux termes des paragraphes 1 et 2 de la résolution 1390 (2002), il est notamment prévu, en substance, de maintenir les mesures de gel de fonds imposées au paragraphe 4, sous b), de la résolution 1267 (1999) et au paragraphe 8, sous c), de la résolution 1333 (2000) du Conseil de sécurité. Conformément au paragraphe 3 de la résolution 1390 (2002), ces mesures devaient être réexaminées par le Conseil de sécurité douze mois après leur adoption, délai au terme duquel il déciderait soit de les maintenir soit de les améliorer.

7        Le 7 février 2006, le comité des sanctions a ajouté le nom des requérants à la liste des personnes et entités visées par les mesures de gel des fonds.

 Mesures restrictives à l’encontre des personnes et entités liées à Oussama ben Laden sur le plan de l’Union

8        Considérant qu’une action de la Communauté était nécessaire afin de mettre en œuvre la résolution 1390 (2002), le Conseil de l’Union européenne a adopté, le 27 mai 2002, la position commune 2002/402/PESC, concernant des mesures restrictives à l’encontre d’Oussama ben Laden, des membres de l’organisation Al-Qaida ainsi que des Taliban et autres personnes, groupes, entreprises et entités associés, et abrogeant les positions communes 96/746/PESC, 1999/727/PESC, 2001/154/PESC et 2001/771/PESC (JO L 139, p. 4). L’article 3 de ladite position commune prescrit, notamment, la poursuite du gel des fonds et des autres avoirs financiers ou ressources économiques des personnes, groupes, entreprises et entités visés dans la liste établie par le comité des sanctions, conformément aux résolutions 1267 (1999) et 1333 (2000) du Conseil de sécurité.

9        Le même jour, le Conseil a également adopté le règlement (CE) n° 881/2002, instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban, et abrogeant le règlement (CE) n° 467/2001 du Conseil interdisant l’exportation de certaines marchandises et de certains services vers l’Afghanistan, renforçant l’interdiction des vols et étendant le gel des fonds et autres ressources financières décidés à l’encontre des Taliban d’Afghanistan (JO L 139, p. 9).

10      Aux termes du considérant 4 dudit règlement, les mesures prévues, notamment, par la résolution 1390 (2002) du Conseil de sécurité « sont couvertes par le traité et pour éviter notamment une distorsion de concurrence, il y a lieu d’arrêter une législation communautaire afin de mettre en œuvre, sur le territoire de la Communauté, les décisions pertinentes du Conseil de sécurité ». Aux termes de l’article 2 du règlement n° 881/2002 :

« 1. Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant à une personne physique ou morale, une entité, un organisme ou un groupe énuméré à l’annexe I ou possédés, détenus ou contrôlés par ceux-ci.

2. Aucun fonds ou ressource économique n’est mis, directement ou indirectement, à la disposition des personnes physiques ou morales, entités, organismes ou groupes énumérés à l’annexe I, ni utilisé au bénéfice de ceux-ci.

3. L’annexe I comprend les personnes physiques et morales, entités, organismes et groupes désignés par le Conseil de sécurité des Nations unies ou par le comité des sanctions comme étant associés à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida ou aux Taliban.

4. L’interdiction visée au paragraphe 2 n’entraîne, pour les personnes physiques ou morales, entités ou organismes concernés, aucune responsabilité de quelque nature que ce soit, dès lors qu’ils ne savaient ni ne pouvaient raisonnablement savoir que leurs actions enfreindraient cette interdiction. »

11      L’annexe I du règlement n° 881/2002 contient la liste des personnes, des entités et des organismes visés par le gel de fonds imposé par l’article 2 dudit règlement (ci-après la « liste litigieuse »). À l’origine, le nom des requérants ne figurait pas sur cette liste.

12      Aux termes de l’article 7 du règlement n° 881/2002, la Commission est habilitée à modifier ou à compléter ladite annexe I sur la base des recensements du Conseil de sécurité ou du comité des sanctions.

13      Par le règlement (CE) n° 246/2006 de la Commission, du 10 février 2006, modifiant pour la soixante-troisième fois le règlement n° 881/2002 (JO L 40, p. 13), les noms des requérants ont été ajoutés sur la liste litigieuse. Concernant les motifs de l’inscription, le règlement n° 246/2006 renvoie à la décision du 7 février 2006 du comité des sanctions ajoutant les noms des requérants à la liste des Nations unies (voir point 7 ci-dessus).

14      Par l’arrêt du 29 septembre 2010, Al-Faqih/Conseil (T‑135/06 à T‑138/06, EU:T:2010:412), le Tribunal a annulé l’article 2 du règlement n° 881/2002 en ce qu’il concernait les requérants.

15      La Commission a tiré les conséquences de l’arrêt Al-Faqih/Conseil, point 14 supra (EU:T:2010:412), et a adopté, le 7 décembre 2010, le règlement (UE) n° 1138/2010 modifiant pour la cent quarantième fois le règlement n° 881/2002 (JO L 322, p. 4). Aux termes de ce règlement, le nom de Sanabel a été maintenu sur la liste litigieuse. Comme cela a été indiqué au considérant 3 du règlement n° 1138/2010, la Commission a communiqué à Sanabel, le 6 août 2009, l’exposé des motifs du comité de sanctions. Le 2 juillet 2010, elle a également transmis à Sanabel un exposé des motifs lié à celui communiqué le 6 aout 2009 qu’elle venait de recevoir du comité des sanctions. Ces deux exposés des motifs ont donné lieu à des observations de la part de Sanabel.

16      L’exposé des motifs communiqué à Sanabel contenait les informations suivantes :

« Associée à Al-Qaida, Ben Laden et les Taliban pour avoir participé au financement, contribué, soutenu, préparé, et perpétré des actes terroristes, en lien, avec, sous le nom, pour le compte ou en soutient du [LIFG]. »

17      La Commission a également adopté, le 7 décembre 2010, le règlement (UE) n° 1139/2010, modifiant pour la cent quarante et unième fois le règlement n° 881/2002 (JO L 322, p. 6). Aux termes de ce règlement, les noms de MM. Al Faqih, Nasuf et Abdrabbah ont été réintroduits dans la liste litigieuse. Comme cela a été indiqué au considérant 3 du règlement n° 1139/2010, la Commission a communiqué l’exposé des motifs du comité des sanctions à MM. Abdrabbah, Al-Faqih et Nasuf en date, respectivement, des 22 septembre, 7 août et 11 août 2009.

18      Les exposés des motifs communiqués à MM. Abdrabbah, Al-Faqih et Nasuf contenaient les informations suivantes :

« Associé à Al-Qaida, Ben Laden et les Taliban pour avoir participé au financement, contribué, soutenu, préparé, et perpétré des actes terroristes, en lien, avec, sous le nom, pour le compte ou en soutient du [LIFG]. »

19      Par le règlement d’exécution (UE) n° 640/2011 de la Commission du 30 juin 2011, modifiant pour la cent cinquante-deuxième fois le règlement n° 881/2002 (JO L 173, p. 1), les noms de MM. Al-Faqih, Nasuf et Abdrabbah ont été supprimés de la liste litigieuse, à la suite de la décision du 22 juin 2011 du comité des sanctions.

20      Par le règlement d’exécution (UE) n° 996/2013 de la Commission, du 17 octobre 2013, modifiant pour la deux cent cinquième fois le règlement n° 881/2002 (JO L 277, p. 1), Sanabel a été également radiée de la liste litigieuse, à la suite de la décision du 8 octobre 2013 du comité des sanctions.

 Procédure et conclusions des parties

21      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 mars 2011, les requérants ont introduit le présent recours.

22      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 14 mars 2011, M. Al-Faqih a demandé au Tribunal à être admis au bénéfice de l’aide judiciaire, au titre de l’article 94 du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991.

23      Par ordonnance du 7 juin 2011, le président de la sixième chambre du Tribunal a suspendu la procédure en vue de la décision finale de la Cour dans les affaires ayant donné lieu ultérieurement à l’arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi (C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, Rec, ci-après l’« arrêt Kadi II », EU:C:2013:518).

24      La procédure devant le Tribunal a repris le même jour que le prononcé de l’arrêt Kadi II, point 23 supra (EU:C:2013:518).

25      Par actes déposés au greffe du Tribunal, respectivement, le 16 et le 20 juin 2011, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ainsi que le Conseil ont demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien de la Commission.

26      L’affaire ayant été réattribuée à la septième chambre, le président du Tribunal a désigné un nouveau juge rapporteur.

27      Les 9 et 27 septembre 2013, les requérants puis la Commission, à l’occasion du mémoire en défense, ont respectivement présenté leurs observations quant aux conséquences de l’arrêt Kadi II, point 23 supra (EU:C:2013:518).

28      Par décision du 25 octobre 2013, le Tribunal, en application du paragraphe 1 de l’article 47 du règlement de procédure du 2 mai 1991, a décidé qu’un deuxième échange de mémoires n’était pas nécessaire, compte tenu notamment de l’ampleur des observations des requérants quant aux conséquences de l’arrêt Kadi II, point 23 supra (EU:C:2013:518).

29      Par ordonnance du 6 novembre 2013, le président de la septième chambre du Tribunal a admis les interventions de Conseil et du Royaume-Uni. Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 15 novembre 2013, le Royaume-Uni a renoncé à déposer un mémoire en intervention.

30       Le 19 décembre 2013, le Conseil a fait part de ses observations dans son mémoire en intervention.

31      Par décision du 13 novembre 2013, le président de la septième chambre du Tribunal a décidé de verser au dossier la lettre du 22 octobre 2013, dans laquelle la Commission avait informé le Tribunal du fait que, par le règlement d’exécution n° 996/2013, Sanabel avait été également radiée de la liste litigieuse.

32      Par ordonnance du 13 janvier 2014, le président de la septième chambre du Tribunal a admis M. Al-Faqih au bénéfice de l’aide judiciaire.

33      Dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, les parties principales ont été invitées, le 4 juin 2014, à fournir une copie des éventuelles notifications individuelles qui auraient été adressées aux requérants. Le 20 juin 2014, la Commission a fourni les copies dont elle disposait.

34      Dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure du 2 décembre 2014, les requérants ont été priés d’indiquer les dates de réception des lettres de réinscription ainsi que de radiation de la liste litigieuse. MM. Al-Faqih, Nasuf et Abdrabbah ont également été invités à justifier leur intérêt à agir. La Commission a été invitée à fournir, d’une part, une copie de l’accusé de réception de la lettre envoyée au conseil des requérants les informant de leur réinscription sur la liste litigieuse et, d’autre part, une copie de l’accusé de réception de la lettre informant les requérants de leur radiation de la liste litigieuse.

35      Par lettres déposées au greffe du Tribunal le 18 décembre 2014, les requérants et la Commission ont déféré à ces demandes.

36      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (septième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

37      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 23 avril 2015.

38      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement n° 1138/2010 et le règlement n° 1139/2010, dans la mesure où ils les concernent ;

–        condamner la Commission aux dépens.

39      La Commission, soutenue par le Conseil, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérants aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité

 Sur la capacité d’ester en justice de Sanabel

40      La Commission, soutenue par le Conseil, fait valoir que, Sanabel ayant cessé d’exister le 26 janvier 2012, il n’y a pas lieu pour le Tribunal de statuer à cet égard.

41      À cet égard, il convient de constater qu’il ressort de la lettre du 26 septembre 2013 du ministère des Affaires étrangères et du Commonwealth du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (UK Foreign and Commonwealth Office) que Sanabel ne figure plus au Companies House Register depuis 2007 et qu’elle a été rayée du Charity Commission Register en 2012. Cette lettre précise également que Sanabel a cessé d’exister.

42      II s’ensuit que Sanabel n’a plus d’existence juridique, au sens de l’article 78 paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, et qu’elle n’a donc plus la capacité d’ester en justice devant le Tribunal.

43      Les arguments invoqués par les requérants ne sauraient infirmer ce constat.

44      D’abord, la circonstance que Sanabel pourrait éventuellement poursuivre ou reprendre ses activités en tant qu’association de fait et qu’elle aurait encore des membres et des dirigeants ne saurait lui conférer la personnalité juridique requise. De plus, les intérêts dont cette association de fait pourrait éventuellement se prévaloir se confondraient avec ceux de ses membres et dirigeants, dont MM. Abdrabbah et Nasuf, qui sont également requérants dans la présente affaire.

45      Par ailleurs, il est exact qu’il résulte du point 112 de l’arrêt du 18 janvier 2007, PKK et KNK/Conseil (C‑229/05 P, Rec, EU:C:2007:32), que, si le législateur de l’Union a estimé qu’une association avait une existence suffisante pour faire l’objet de mesures restrictives, la cohérence et la justice imposent de reconnaître que cette entité continue à jouir d’une existence suffisante pour contester cette mesure et que tout autre conclusion aurait pour résultat qu’une organisation pourrait être incluse dans la liste litigieuse sans pouvoir former un recours contre cette inclusion. Toutefois, dans le cas d’espèce, Sanabel ne fait plus l’objet de mesures restrictives depuis le 17 octobre 2013 (voir point 20 ci-dessus).

46      II n’y donc plus lieu de statuer sur le recours dans la mesure où il concerne Sanabel.

 Sur l’intérêt à agir de MM. Al-Faqih, Nasuf et Abdrabbah

47      Dans leurs observations relatives à la reprise de la procédure écrite du 12 septembre 2013, les requérants soutiennent que, malgré le retrait de leurs noms de la liste litigieuse par le règlement d’exécution n° 640/2011, ils conservent un intérêt à agir. À ce titre, ils invoquent la jurisprudence issue de l’arrêt du 28 mai 2013, Abdulrahim/Conseil et Commission (C‑239/12 P, Rec, EU:C:2013:331).

48      Premièrement, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’intérêt à agir d’une partie requérante doit, au vu de l’objet du recours, exister au stade de l’introduction de celui-ci, sous peine d’irrecevabilité. Cet intérêt doit perdurer jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir arrêts du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, Rec, EU:C:2007:322, point 42 et jurisprudence citée, et Abdulrahim/Conseil et Commission, point 47 supra, EU:C:2013:331, point 61 et jurisprudence citée).

49      Toutefois, la Cour a reconnu que l’intérêt à agir d’une partie requérante ne disparaissait pas nécessairement en raison du fait que l’acte attaqué par cette dernière avait cessé de produire des effets en cours d’instance. Ainsi, la persistance de l’intérêt à agir d’une partie requérante doit être appréciée in concreto, en tenant compte notamment des conséquences de l’illégalité alléguée et de la nature du préjudice prétendument subi (arrêt Abdulrahim/Conseil et Commission, point 47 supra, EU:C:2013:331, points 62 et 65).

50      Deuxièmement, les mesures restrictives adoptées en application du règlement n° 881/2002 ont des conséquences négatives considérables et une incidence importante sur les droits et libertés des personnes visées. Outre le gel des fonds en tant que tel, qui, par sa large portée, bouleverse tant la vie professionnelle que la vie familiale des personnes visées et entrave la conclusion de nombreux actes juridiques, il importe de prendre en considération l’opprobre et la méfiance qui accompagnent la désignation publique des personnes visées comme étant liées à une organisation terroriste (voir arrêt Abdulrahim/Conseil et Commission, point 47 supra, EU:C:2013:331, point 70 et jurisprudence citée).

51      Ainsi, l’intérêt à agir des requérants persiste, malgré la suppression de leurs noms de la liste litigieuse. En effet, si la reconnaissance de l’illégalité de l’acte attaqué ne peut en tant que telle réparer un préjudice matériel ou une atteinte à la vie privée, elle est néanmoins de nature à les réhabiliter ou à constituer une forme de réparation du préjudice moral qu’ils ont subi du fait de cette illégalité et à justifier ainsi la persistance de leur intérêt à agir (voir arrêt Abdulrahim/Conseil et Commission, point 47 supra, EU:C:2013:331, points 71 et 72 et jurisprudence citée). Dès lors, les requérants conservent un intérêt à agir indépendamment du retrait de leurs noms de la liste litigieuse.

52      Il ressort de ce qu’il précède que le recours est recevable en ce qui concerne MM. Al-Faqih, Nasuf et Abdrabbah.

 Sur le fond 

53      Au soutien du recours, MM. Al-Faqih, Nasuf et Abdrabbah invoquent quatre moyens, dont l’un concerne la procédure de réexamen suivie pour Sanabel. Dans la mesure où il n’y a plus lieu de statuer sur le recours introduit par celle-ci, il convient de se limiter au traitement des trois moyens suivants. Le premier moyen est tiré du fait que la Commission a délibérément ignoré la jurisprudence contraignante de la Cour et a omis de procéder à un réexamen indépendant de l’inscription de MM. Al-Faqih, Nasuf et Abdrabbah sur la liste litigieuse ou d’exiger des raisons pour cette inscription. Le deuxième moyen est tiré, en substance, de la violation de l’obligation de motivation. Le troisième moyen est tiré de la violation du droit de propriété et du droit au respect de la vie privée.

 Sur le premier moyen, tiré de l’irrégularité de la procédure de réexamen de la Commission

54      En premier lieu, MM. Al-Faqih, Nasuf et Abdrabbah soutiennent que la Commission n’a pas tenu compte des principes définis dans les différents arrêts suivants : à savoir, l’arrêt du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission (C‑402/05 P et C‑415/05 P, Rec, EU:C:2008:461), l’arrêt du 30 septembre 2010, Kadi/Commission (T‑85/09, Rec, EU:T:2010:418), et l’arrêt Kadi II, point 23 supra (EU:C:2013:518). Ils insistent tout particulièrement sur le fait que la Commission n’a pas tenu compte du fait qu’il convenait de fournir à MM. Al-Faqih, Nasuf et Abdrabbah les éléments suffisants pour leur permettre de contester les faits qui leur étaient reprochés. Ils reprochent également à la Commission de n’avoir pas pris en compte leur demande relative à l’obtention de nouvelles informations ou d’éléments de preuve.

55      En deuxième lieu, MM. Al-Faqih, Nasuf et Abdrabbah soutiennent que la Commission a rendu sa décision sans avoir procédé à un véritable réexamen de leur situation. En effet, la Commission, aurait rendu sa décision en se fondant uniquement sur l’exposé des motifs transmis par le comité des sanctions, sans recevoir les éléments ou détails sur lesquels ledit exposé se fondait.

56      En troisième lieu, MM. Al-Faqih, Nasuf et Abdrabbah font valoir que la durée de la procédure de réexamen est excessive et qu’ils étaient dès lors dans l’impossibilité d’intenter un recours juridictionnel du fait de l’absence de décision au fond.

57      En quatrième lieu, MM. Al-Faqih, Nasuf et Abdrabbah dénoncent l’absence de réexamen concret de leur situation par la Commission en raison du fait qu’elle aurait retranscrit de manière automatique et sans audition les conclusions du comité des sanctions.

58      La Commission, soutenue par le Conseil, conteste les arguments de MM. Al-Faqih, Nasuf et Abdrabbah.

59      En l’espèce, concernant la procédure de réexamen suivie dans le cas d’espèce, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le respect des droits de la défense, consacré à l’article 41, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, comporte le droit d’être entendu et le droit d’accès au dossier dans le respect des intérêts légitimes de la confidentialité (voir arrêt Kadi II, point 23 supra, EU:C:2013:518, point 99 et jurisprudence citée).

60      Par ailleurs, le droit à une protection juridictionnelle effective, affirmé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux, exige que l’intéressé puisse connaître les motifs sur lesquels est fondée la décision prise à son égard soit par la lecture de la décision elle-même, soit par une communication de ces motifs faite sur sa demande, sans préjudice du pouvoir du juge compétent d’exiger de l’autorité en cause qu’elle les communique, afin de lui permettre de défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge compétent ainsi que pour mettre ce dernier pleinement en mesure d’exercer le contrôle de la légalité de la décision en cause (voir arrêt Kadi II, point 23 supra, EU:C:2013:518, point 100 et jurisprudence citée).

61      L’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux admet toutefois des limitations à l’exercice des droits consacrés par celle-ci, pour autant que la limitation concernée respecte le contenu essentiel du droit fondamental en cause et que, dans le respect du principe de proportionnalité, elle soit nécessaire et réponde effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union (voir arrêt Kadi II, point 23 supra, EU:C:2013:518, point 101 et jurisprudence citée).

62      En outre, l’existence d’une violation des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective doit être appréciée en fonction des circonstances spécifiques de chaque cas d’espèce, notamment de la nature de l’acte en cause, du contexte de son adoption et des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt Kadi II, point 23 supra, EU:C:2013:518, point 102 et jurisprudence citée).

63      Dans le cadre d’une procédure portant sur l’adoption de la décision d’inscrire le nom d’une personne sur la liste litigieuse, le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective exige que l’autorité compétente de l’Union communique à la personne concernée les éléments dont dispose cette autorité à l’encontre de ladite personne pour fonder sa décision, c’est-à-dire, à tout le moins, l’exposé des motifs fourni par le comité des sanctions, et ce afin que cette personne puisse défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge de l’Union (arrêt Kadi II, point 23 supra, EU:C:2013:518, point 111).

64      Lors de cette communication, l’autorité compétente de l’Union doit permettre à cette personne de faire connaître utilement son point de vue à l’égard des motifs retenus à son égard (voir arrêt Kadi II, point 23 supra, EU:C:2013:518, point 112 et jurisprudence citée).

65      Ainsi, lorsque des observations sont formulées par la personne ou l’entité concernée au sujet de l’exposé des motifs, l’autorité compétente de l’Union a l’obligation d’examiner, avec soin et impartialité, le bien-fondé des motifs allégués, à la lumière de ces observations et des éventuels éléments à décharge joints à celles-ci (voir arrêt Kadi II, point 23 supra, EU:C:2013:518, point 114 et jurisprudence citée).

66      En l’espèce, premièrement, il convient de constater que l’article 7 quater, paragraphe 3, du règlement n° 881/2002 tel qu’il a été modifié par le règlement (UE) n° 1286/2009 du Conseil, du 22 décembre 2009, modifiant le règlement n° 881/2002 (JO L 346, p 42), prévoit une procédure de réexamen dès lors que les intéressés formulent des observations concernant leur inscription. Ainsi, si des observations sont formulées, la Commission réexamine sa décision d’inscrire la personne concernée sur la liste litigieuse à la lumière de ces observations, selon la procédure prévue à l’article 7 bis, paragraphe 3, du règlement n° 881/2002. Cette procédure, expressément mentionnée au considérant 6 du règlement nº 1139/2010, implique la consultation du comité de gestion de l’Union. Or, la Commission a consulté ledit comité de gestion le 16 avril 2010, huit mois avant la publication du règlement nº 1139/2010, et, conformément au point 4.2 de son ordre du jour, les motifs des inscriptions de MM. Al-Faqih, Nasuf et Abdrabbah ont été réexaminés.

67      De plus, il y a lieu de constater que la Commission s’est adressée au comité des sanctions le 27 mai 2010, lui a envoyé les observations de MM. Al-Faqih, Nasuf et Abdrabbah concernant leur inscription et l’a invité à présenter des observations à ce sujet. Le comité des sanctions a confirmé à la Commission l’inscription de MM. Al-Faqih, Nasuf et Abdrabbah sur ses listes par lettre du 14 septembre 2010, l’informant également du fait qu’une demande de radiation n’avait pas été approuvée, ce qui a provoqué une nouvelle lettre de la Commission du 26 octobre 2010 demandant des explications sur les raisons du rejet de ladite demande. Le 3 mai 2011, la Commission a reçu une réponse du comité des sanctions l’informant de la radiation des noms des trois requérants de la liste, ce qui l’a amenée à interrompre le réexamen en cours et à radier de la liste les noms de MM. Al-Faqih, Nasuf et Abdrabbah, au moyen du règlement d’exécution n° 640/2011.

68      Deuxièmement, il ressort des pièces du dossier, ainsi que des plaidoiries lors de l’audience, que la Commission a informé MM. Al-Faqih, Nasuf et Abdrabbah des motifs justifiant l’inscription de leurs noms sur la liste litigieuse. Par ailleurs, MM. Al-Faqih, Nasuf et Abdrabbah ont pu faire part de leurs observations à la Commission par lettre du 13 août 2010. Dès lors, MM. Al-Faqih, Nasuf et Abdrabbah ne sont pas fondés à soutenir qu’ils ne disposaient pas des éléments nécessaires à la procédure de réexamen.

69      Troisièmement, en ce qui concerne le retard invoqué par MM. Al-Faqih, Nasuf et Abdrabbah à l’encontre de la Commission dans la procédure de réexamen, il convient de relever, d’une part, que l’article 7 quater du règlement n° 1286/2009 n’encadre pas la procédure de réexamen dans un délai fixe et, d’autre part, que les noms de MM. Al-Faqih, Nasuf et Abdrabbah ont été radiés de la liste litigieuse par le règlement d’exécution n° 640/2011, soit six mois après leur inscription. Cette radiation a eu pour conséquence de clôturer la procédure de réexamen enclenchée précédemment, puisque cette dernière perdait son objet. De plus, un traitement dans les six mois suivant l’inscription n’apparaît pas comme une procédure administrative d’une durée excessive. En outre, il ressort des pièces du dossier que, durant cette période, la Commission n’a pas été inactive dans son traitement du dossier, puisqu’elle a notamment pris contact avec les États membres et le comité des sanctions. Dès lors, c’est à tort que MM. Al-Faqih, Nasuf et Abdrabbah reprochent à la Commission son retard dans la procédure de réexamen, eu égard notamment à la nécessité pour celle-ci de consulter le comité des sanctions.

70      Quatrièmement, en ce qui concerne l’argument de MM. Al-Faqih, Nasuf et Abdrabbah selon lequel la Commission aurait retranscrit de manière automatique et sans audition les conclusions du comité des sanctions, il ressort des pièces fournies par celle-ci et notamment de sa correspondance avec le comité de sanctions, en premier lieu, que la Commission a procédé à un réexamen minutieux, autonome et critique des observations des parties, ainsi que de l’inscription décidée par le comité des sanctions, et en second lieu, que les conclusions du comité des sanctions n’ont pas été retranscrites de manière automatique, mais au contraire ont fait l’objet d’un examen approfondi et personnel. Dès lors, la Commission a respecté les trois garanties procédurales relevées par la Cour dans l’arrêt Kadi II, point 23 supra (EU:C:2013:518), en particulier l’examen avec soin et impartialité du bien-fondé des motifs allégués à la lumière des observations formulées et des éventuels éléments de preuve.

71      Il y a donc lieu de rejeter le premier moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

72      MM. Al-Faqih, Nasuf et Abdrabbah font valoir que le réexamen entrepris par la Commission serait déficient, en raison de la nature vague et insuffisante des exposés des motifs, ce qui les empêcherait de pouvoir contester les allégations formulées contre eux. De plus, la Commission n’aurait ni précisé les éléments sur lesquels ces motifs se fondaient, ni répondu aux observations et aux éléments de fait mis en avant par MM. Al-Faqih, Nasuf et Abdrabbah.

73      La Commission, soutenue par le Conseil, conteste les arguments de MM. Al-Faqih, Nasuf et Abdrabbah.

74      Concernant l’obligation de motivation, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motiver un acte faisant grief, qui constitue un corollaire du principe du respect des droits de la défense, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte (arrêts du 2 octobre 2003, Corus UK/Commission, C‑199/99 P, Rec, EU:C:2003:531, point 145 ; du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, Rec, EU:C:2011:260, point 148, et du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, Rec, EU:C:2012:718, point 49).

75      Selon une jurisprudence également constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec, EU:C:1998:154, point 63 ; du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, Rec, EU:C:2008:392, point 166, et du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 138).

76      Enfin, sans aller jusqu’à imposer de répondre de manière détaillée aux observations soulevées par la personne concernée, l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE implique en toutes circonstances, y compris lorsque la motivation de l’acte de l’Union correspond à des motifs exposés par une instance internationale, que cette motivation identifie les raisons individuelles, spécifiques et concrètes pour lesquelles les autorités compétentes considèrent que la personne concernée doit faire l’objet de mesures restrictives (arrêt Kadi II, point 23 supra, EU:C:2013:518, point 116).

77      Par conséquent, il serait possible de se fonder uniquement sur l’exposé des motifs qui inscrit le nom des intéressés sur la liste litigieuse, pour autant que celui-ci contienne les raisons individuelles, spécifiques et concrètes restant valables à la lumière des observations des personnes figurant sur la liste.

78      En l’espèce, le considérant 6 du règlement n° 1139/2010 indique que MM. Al-Faqih, Nasuf et Abdrabbah ont eu l’opportunité de présenter des observations aux exposés des motifs de la Commission. En outre, en ce qui concerne la motivation de ces exposés, il y a lieu de constater, à l’instar de la Commission, que les exposés des motifs fournis à MM. Al-Faqih, Nasuf et Abdrabbah expliquent avec des noms, des dates et des faits concrets à l’appui les raisons des inscriptions sur la liste litigieuse, leur permettant ainsi d’articuler leur défense. MM. Al-Faqih, Nasuf et Abdrabbah ont admis qu’ils connaissaient le contenu des exposés des moyens, ainsi qu’il ressort des pièces du dossier et des débats lors de l’audience.

79      La motivation des exposés des motifs s’appuie également sur des informations additionnelles détaillées, contenant des indices communs à MM. Al-Faqih, Nasuf et Abdrabbah, à savoir la collecte de fonds, la fourniture de documents d’identité, le transfert de fonds à des activités terroristes, la participation à l’administration de Sanabel et le fait d’être membre du LIFG. Par ailleurs, concernant M. Al-Faqih, il convient également de mentionner sa condamnation par les tribunaux criminels d’un État membre et d’un pays tiers. Par ailleurs, ces éléments sont contenus dans les annexes de la requête.

80      Dès lors, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation du droit de propriété et du droit au respect de la vie privée

81      MM. Al-Faqih, Nasuf et Abdrabbah soutiennent que la Commission n’a pas établi avec un niveau de preuve suffisant que, au moment de la présente requête, ils répondaient aux critères fixés par la résolution 1617 (2005) du Conseil de sécurité de Nations unies. Le « niveau de preuve requis en matière pénale » serait pertinent étant donné la durée des inscriptions sur la liste litigieuse et les effets lourds et graves que ces inscriptions ont pour MM. Al-Faqih, Nasuf et Abdrabbah.

82      La Commission, soutenue par le Conseil, conteste les arguments de MM. Al-Faqih, Nasuf et Abdrabbah.

83      Il convient de rappeler qu’il résulte de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991 que toute requête introductive d’instance doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens et que cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal d’exercer son contrôle. Il en découle que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels un recours est fondé doivent ressortir d’une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête elle-même (arrêt du 9 janvier 2003, Italie/Commission, C‑178/00, Rec, EU:C:2003:7, point 6).

84      La requête doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du règlement de procédure du 2 mai 1991 (arrêts du 12 janvier 1995, Viho/Commission, T‑102/92, Rec, EU:T:1995:3, point 68, et du 22 novembre 2006, Italie/Commission, T‑282/04, EU:T:2006:358, point 60).

85      Par ailleurs, les exigences prévues par l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure du 2 mai 1991 étant d’ordre public, il appartient au Tribunal de soulever d’office un moyen pris de l’inobservation de ces exigences (arrêts du 10 juillet 1990, Automec/Commission, T‑64/89, Rec, EU:T:1990:42, point 74, et du 14 février 2012, Italie/Commission, T‑267/06, EU:T:2012:69, points 35 à 38).

86      En l’espèce, il y a lieu de relever que les arguments que MM. Al-Faqih, Nasuf et Abdrabbah tirent de la violation du droit de propriété ne sont pas développés. Au contraire, les points mis en avant dans la requête se réfèrent aux exigences de preuve dans le domaine pénal.

87      À l’audience, le Tribunal a interrogé MM. Al-Faqih, Nasuf et Abdrabbah sur la portée du présent moyen. Ceux-ci ont précisé que, par ce moyen, ils cherchaient à contester le bien-fondé des exposés des motifs sur lesquels la Commission avait fondé leur réinscription dans les actes attaqués. Ils se sont référés à cet effet aux points 65, 94 et 95 de la requête et à leurs observations sur les conséquences de l’arrêt Kadi II, point 23 supra (EU:C:2013:518, point 5) (voir point 28 ci-dessus).

88      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence citée au point 82 ci-dessus, les moyens sur lesquels se fonde le recours doivent être explicités dans la requête. Or, les quelques références aux points 94 et 95 de la requête sont purement abstraites et ne ciblent aucun des motifs repris dans les exposés des motifs susmentionnés. Contrairement à ce que soutiennent MM. Al-Faqih, Nasuf et Abdrabbah, il ne saurait être remédié à l’absence d’une explication claire et compréhensible des motifs dans la requête par un renvoi aux annexes de la requête, comme il est proposé au point 65 de la requête.

89      En effet, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens et arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale (arrêts du 7 novembre 1997, Cipeke/Commission, T‑84/96, Rec, EU:T:1996:174, point 34 ; du 21 mars 2002, Joynson/Commission, T‑231/99, Rec, EU:T:2002:84, point 154, et du 14 décembre 2005, Honeywell/Commission, T‑209/01, Rec, EU:T:2005:455, point 57). Les annexes ne sauraient dès lors servir à développer un moyen sommairement exposé dans la requête en avançant des griefs ou des arguments ne figurant pas dans celle‑ci (voir arrêts du 30 janvier 2007, France Télécom/Commission, T‑340/03, Rec, EU:T:2007:22, point 167 et jurisprudence citée, et du 29 mars 2012, Telefónica et Telefónica de España/Commission, T‑336/07, Rec, EU:T:2012:172, points 59 et 60 et jurisprudence citée).

90      Il y a donc lieu de rejeter le troisième moyen et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

91      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. MM. Al-Faqih, Nasuf et Abdrabbah ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

92      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.

93      Toutefois, aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et le Conseil supporteront ainsi leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      MM. Al-Bashir Mohammed Al-Faqih, Ghunia Abdrabbah et Taher Nasuf sont condamnés à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux de la Commission européenne.

3)      Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et le Conseil de l’Union européenne supporteront leurs propres dépens.

Van der Woude

Wiszniewska-Białecka

Ulloa Rubio

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 octobre 2015.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.