Language of document : ECLI:EU:T:2021:21

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

20 janvier 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne verbale IT’S LIKE MILK BUT MADE FOR HUMANS – Motif absolu de refus – Caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑253/20,

Oatly AB, établie à Malmö (Suède), représentée par Me M. Johansson, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. J. Ivanauskas et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 7 février 2020 (affaire R 2446/2019‑5), concernant une demande d’enregistrement du signe verbal IT’S LIKE MILK BUT MADE FOR HUMANS comme marque de l’Union européenne,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme V. Tomljenović, présidente, MM. F. Schalin et I. Nõmm (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 5 mai 2020,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 17 juillet 2020,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 14 mars 2019, la requérante, Oatly AB, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal IT’S LIKE MILK BUT MADE FOR HUMANS.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 18, 25, 29, 30 et 32 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié. À la suite d’une demande en ce sens de l’EUIPO, la requérante a, le 9 avril 2019, modifié la description de certains des produits visés par la marque demandée, relevant des classes 29 et 30.

4        Le 9 avril 2019, l’EUIPO a formulé des objections à l’encontre de la demande d’enregistrement en ce qui concerne certains produits relevant des classes 29, 30 et 32, en raison de l’existence du motif absolu de refus visé à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, lu en conjonction avec l’article 7, paragraphe 2, de ce même règlement, et a invité la requérante à faire part de ses observations. À la suite d’une demande de la requérante en ce sens, le délai de réponse a été prolongé jusqu’au 9 août 2019.

5        Le 19 juillet 2019, la requérante a présenté ses observations.

6        Par décision du 5 septembre 2019, l’examinatrice, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, lu en conjonction avec l’article 7, paragraphe 2, de ce même règlement, a refusé l’enregistrement de la marque demandée pour les produits correspondant à la description suivante :

–        classe 29 : « Substituts ; succédanés de produits laitiers ; succédanés de lait ; succédanés de lait contenant de l’avoine ; lait d’avoine [succédané de lait] ; boissons et produits à boire à base d’avoine utilisés comme succédanés de lait ; boissons et produits à boire à base de succédanés de lait [où le succédané de lait prédomine] ; lait d’amandes, boissons à base de lait d’amandes ; lait de coco, boissons à base de lait de coco ; lait de chanvre en tant que substitut du lait ; lait d’arachides, boissons à base de lait d’arachides ; lait de riz, lait de riz ; lait de soja, lait de soja, lait de soja ; succédanés de lait à boire à caractère fonctionnel ; produits à boire à base d’avoine aromatisés aux fruits ; boissons à base de succédanés de lait contenant du café ; succédanés de yaourt ; succédanés de yaourt contenant de l’avoine ; préparations de succédanés de lait pour faire du yaourt ; succédanés de yaourt à base d’avoine ; yaourts à base d’avoine et yaourts à boire sans lait ni lactose ; succédanés de yaourt à boire et yaourt contenant de l’avoine ; succédanés de yaourt aromatisés aux fruits ; succédanés de yaourt aromatisés aux fruits contenant de l’avoine ; succédanés de lait caillé ; succédanés de crème aigre ; succédanés de lait caillé contenant de l’avoine ; succédanés de la crème aigre contenant de l’avoine ; succédanés de crème ; succédanés de la crème aigre ; succédanés de crème contenant de l’avoine ; succédanés de la crème aigre contenant de l’avoine ; succédanés de lait non à base de produits laitiers ; écrémeuses et succédanés de lait à base d’avoine pour la cuisine ; crèmes à base de légumes ; succédanés du beurre, succédanés de margarine ; succédanés du beurre à base d’avoine ; succédanés de margarine à base d’avoine ; fromages de succédanés de produits laitiers ; mélanges de fromages de succédanés de produits laitiers ; fromage en poudre de succédanés de produits laitiers ; succédanés du fromage ; fromage à base d’avoine ; succédanés de produits laitiers en poudre instantanée ; succédanés de lait en poudre, succédanés de lait en poudre à usage alimentaire ; succédanés de lait en poudre, succédanés de crème en poudre ; succédanés de lait en poudre aromatisé pour la préparation de boissons ; poudres de légumes ; lait de coco en poudre ; compotes, produits de succédanés de produits laitiers à base de légumes et à base d’avoine pour l’amincissement ; mélanges pour boissons diététiques à base d’avoine en tant que compléments [succédanés du lait] ; produits à boire diététiques à base d’avoine enrichis en vitamines et en minéraux en tant que compléments [succédanés du lait] ; soupes en poudre ; boissons à base d’avoine en poudre (succédanés du lait) » ;

–        classe 30 : « Mélanges pour gâteaux à base d’avoine, préparations pour biscuits à base d’avoine ; boissons à base de café contenant des succédanés de lait ; crêpes [alimentation] ; gaufres ; pâte à crêpe ; pâte alimentaire liquide à crêpes ; crêpes [alimentation] à base d’avoine ; gaufres à base d’avoine ; pâte à crêpe à base d’avoine ; pâte alimentaire liquide à crêpe à base d’avoine ; dérivés d’amidon de maïs sous forme de poudre pour la préparation de boissons ; préparations en poudre à base de cacao pour boissons ; sauces alimentaires ; sauces [condiments] ; sauces pour la cuisine ; aliments préparés sous forme de sauces ; sauces à base d’avoine ; crème anglaise à base d’avoine, crème anglaise à la vanille à base d’avoine, sauces à la vanille à base d’avoine ; succédané de crème glacée ; crèmes glacées ; crèmes glacées à base de succédanés de lait ; crèmes glacées à base de produits non laitiers ; crèmes glacées à base d’avoine ; crèmes glacées aromatisées à base d’avoine ; crèmes glacées aux fruits à base d’avoine ; crèmes glacées aromatisées, crèmes glacées aux fruits ; crèmes glacées à base de soja ; yaourts glacés aux succédanés de lait ; yaourts glacés non laitiers ; produits alimentaires fermentés à base d’avoine ; produits alimentaires acidifiés à base d’avoine ; produits constitués de graines et céréales à base d’avoine pour l’amincissement ; produits à base de graines pour l’amincissement ; nourriture à tartiner à base d’avoine » ;

–        classe 32 : « Préparations pour faire des boissons ; boissons sans alcool ; boissons sans alcool ; boissons à base d’avoine ; boissons énergétiques naturelles à base d’avoine ; boissons pour le petit-déjeuner à base d’avoine ; produits à boire et boissons aux fruits à base d’avoine ; boissons smoothies à base d’avoine ; boissons aux fruits et aux baies à base d’avoine ; produits à boire et boissons à base d’avoine pour l’amincissement ; boissons énergisantes ; boissons énergétiques contenant de la caféine ; boissons de récupération ; boissons pour sportifs ; boissons fonctionnelles ; boissons à base de fruits à coque et de soja ; poudres pour la préparation de boissons, poudre utilisée pour la préparation de boissons à base de fruits ; mélanges pour boissons diététiques à base d’avoine en tant que complément [autres que succédanés du lait] ; produits à boire diététiques à base d’avoine enrichis en vitamines et en minéraux en tant que compléments [autres que succédanés du lait] ; poudres pour la préparation de boissons ; poudres pour la préparation de boissons à base de fruits ».

7        En revanche, l’examinatrice a accepté l’enregistrement de la marque demandée pour les produits relevant des classes 18 et 25. Elle a également accepté l’enregistrement de la marque pour les produits suivants relevant des classes 29, 30 et 32 :

–        classe 29 : « Pâtes à tartiner de fruits et de légumes ; fruits transformés, en-cas à base de fruits ; chips de fruits ; en-cas à base de fruits ; jus de fruits pour la cuisine ; jus végétaux pour la cuisine ; concentrés de jus de légumes à usage alimentaire » ;

–        classe 30 : « Grains transformés, amidons et dérivés, préparations pour boulangerie et levures ; aliments à base d’avoine, farine ; gruau d’avoine, flocons d’avoine ; céréales, céréales transformées ; préparations alimentaires et aliments à base de céréales ; chips à base de céréales ; céréales pour petit-déjeuner ; céréales de petit-déjeuner contenant des fibres ; céréales de petit-déjeuner contenant un mélange de fruits et de fibres ; flocons de céréales ; muesli principalement à base de céréales ; barres de céréales et barres énergétiques ; céréales en poudre ; flocons d’avoine ; muesli ; gruau à base d’avoine ; en-cas à base de céréales ; en-cas principalement à base de céréales extrudées ; en-cas à base de céréales ; en-cas à base de céréales ; en-cas faits à partir de muesli ; en-cas à base de blé complet ; pain ; pain complet et préparations instantanées pour pain ; chips et pain à base de farine de blé complet ; grains de blé complet cuits, précuits et conservés ; biscuits ; pâte à tarte et confiserie ; café ; café décaféiné ; café soluble ; café (torréfié, en poudre) ; succédanés du café ; boissons à base de café ; boissons à base de café » ;

–        classe 32 : « Boissons fonctionnelles à base d’eau ».

8        Le 30 octobre 2019, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de l’examinatrice.

9        Par décision du 7 février 2020 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours formé par la requérante.

10      En premier lieu, la chambre de recours a, en substance, retenu que les produits en cause s’adressaient au grand public et a souligné prendre en compte la perception du public anglophone de l’Union européenne.

11      En deuxième lieu, la chambre de recours a retenu, d’une part, que la première partie de la marque demandée (« it’s like milk ») indiquait que les produits commercialisés sont ou contiennent des succédanés de lait et, d’autre part, que sa seconde partie (« but made for humans ») soulignait qu’ils sont plus adaptés à la consommation humaine. Elle a également estimé qu’il n’existait pas d’écart perceptible entre la marque dans son ensemble et la conjonction de ses deux parties.

12      En troisième lieu, la chambre de recours a souligné que, perçue à la lumière des produits en cause, la marque demandée serait comprise comme un slogan promotionnel laudatif, plutôt que comme une indication de l’origine commerciale desdits produits. Elle a mis en exergue le fait que certains consommateurs souffraient d’intolérance au lactose, d’allergie au lait ou sont végétaliens. La marque indiquerait les aspects positifs de ces produits, à savoir le fait qu’il s’agit de produits très proches du lait et qu’ils étaient, contrairement au lait de vache, de chèvre et de brebis, spécifiquement destinés et propres à la consommation humaine.

13      À cet égard, la chambre de recours a mis en exergue la circonstance que les produits en cause relevant de la classe 29 sont constitués de divers produits alimentaires et succédanés de produits laitiers, et ceux relevant de la classe 30, de divers produits comestibles à base d’avoine, susceptibles de contenir des succédanés du lait. Elle a noté que les produits relevant de la classe 32 étaient des boissons, ou des préparations pour faire des boissons, d’origine végétale, qui peuvent être consommés avec des succédanés de lait, pour lesquelles la marque demandée indique au consommateur que ces produits présentent les mêmes caractéristiques que le lait.

14      La chambre de recours a également noté, d’une part, que la marque demandée ne contenait pas d’autres éléments susceptibles de lui conférer un caractère distinctif et, d’autre part, que sa longueur était de nature à l’empêcher d’être perçue comme une marque.

15      La chambre de recours a déduit de l’ensemble de ces considérations que, au-delà de sa dimension promotionnelle, l’expression « it’s like milk but made for humans » était insusceptible d’exercer la fonction d’une marque à l’égard des produits en cause et que, partant, la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

 Conclusions des parties

16      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

17      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

18      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Elle estime que la décision attaquée est entachée d’erreurs tant en ce qui concerne l’identification du public pertinent que l’appréciation du caractère distinctif de la marque demandée. Elle reproche également à la chambre de recours de ne pas avoir pris en compte les éléments de preuve qu’elle a avancés au cours de la procédure administrative et fait valoir que la chambre de recours n’a pas examiné le caractère distinctif de la marque demandée à l’égard des produits en cause.

19      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif.

20      Selon une jurisprudence constante, les marques visées par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 sont celles qui sont réputées incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service en cause afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix si l’expérience s’avère positive ou de faire un autre choix si elle s’avère négative [arrêt du 5 décembre 2002, Sykes Enterprises/OHMI (REAL PEOPLE, REAL SOLUTIONS), T‑130/01, EU:T:2002:301, point 18 ; voir, également, arrêt du 21 mars 2014, FTI Touristik/OHMI (BigXtra), T‑81/13, non publié, EU:T:2014:140, point 14 et jurisprudence citée].

21      Le caractère distinctif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir arrêts du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 34 et jurisprudence citée, et du 12 juillet 2012, Smart Technologies/OHMI, C‑311/11 P, EU:C:2012:460, point 24 et jurisprudence citée).

22      Il ressort de la jurisprudence qu’un minimum de caractère distinctif suffit à faire obstacle à l’application du motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 [arrêts du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T‑34/00, EU:T:2002:41, point 39, et du 30 avril 2015, Steinbeck/OHMI – Alfred Sternjakob (BE HAPPY), T‑707/13 et T‑709/13, non publié, EU:T:2015:252, point 21].

23      S’agissant de marques composées de signes ou d’indications qui sont par ailleurs utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou les services visés par ces marques, leur enregistrement n’est pas exclu en raison d’une telle utilisation (arrêts du 21 octobre 2004, OHMI/Erpo Möbelwerk, C‑64/02 P, EU:C:2004:645, point 41, et du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 35).

24      De plus, pour apprécier le caractère distinctif de telles marques, il n’y a pas lieu d’appliquer à celles-ci des critères plus stricts que ceux applicables à d’autres signes (voir arrêts du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 36 et jurisprudence citée, et du 12 juillet 2012, Smart Technologies/OHMI, C‑311/11 P, EU:C:2012:460, point 25 et jurisprudence citée).

25      Il ressort cependant de la jurisprudence que, si les critères relatifs à l’appréciation du caractère distinctif sont les mêmes pour les différentes catégories de marques, la perception du public pertinent n’est pas nécessairement la même pour chacune de ces catégories et que, dès lors, il pourrait s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif des marques de certaines catégories que de celles d’autres catégories [voir arrêts du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 37 et jurisprudence citée, et du 9 mars 2017, Puma/EUIPO (FOREVER FASTER), T‑104/16, non publié, EU:T:2017:153, point 18 et jurisprudence citée].

26      À cet égard, la connotation élogieuse d’une marque verbale n’exclut pas que celle-ci soit néanmoins apte à garantir aux consommateurs la provenance des produits ou des services qu’elle désigne. Ainsi, une telle marque peut concomitamment être perçue par le public concerné comme une formule promotionnelle et une indication de l’origine commerciale des produits ou des services. Il en découle que, pour autant que ce public perçoive la marque comme une indication de cette origine, le fait qu’elle est simultanément, voire même en premier lieu, appréhendée comme une formule promotionnelle est sans incidence sur son caractère distinctif (arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 45 ; voir, également, arrêt du 9 mars 2017, FOREVER FASTER, T‑104/16, non publié, EU:T:2017:153, point 19 et jurisprudence citée).

27      En outre, il ne saurait être exigé qu’un slogan publicitaire présente un « caractère de fantaisie », voire un « champ de tension conceptuelle, qui aurait pour conséquence un effet de surprise et dont on pourrait de ce fait se rappeler » pour qu’un tel slogan soit revêtu du caractère minimal distinctif requis par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 [voir arrêts du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 39 et jurisprudence citée, et du 17 septembre 2015, Volkswagen/OHMI (COMPETITION), T‑550/14, EU:T:2015:640, point 16].

28      Ainsi, une marque constituée d’un slogan publicitaire doit être considérée comme dépourvue de caractère distinctif si elle n’est susceptible d’être perçue par le public pertinent que comme une simple formule promotionnelle. En revanche, et selon une jurisprudence constante, une telle marque doit se voir reconnaître un caractère distinctif si, au-delà de sa fonction promotionnelle, elle peut être perçue d’emblée par le public pertinent comme une indication d’origine commerciale des produits et des services visés [voir, en ce sens, arrêts du 5 décembre 2002, REAL PEOPLE, REAL SOLUTIONS, T‑130/01, EU:T:2002:301, point 20, et du 15 septembre 2005, Citicorp/OHMI (LIVE RICHLY), T‑320/03, EU:T:2005:325, point 66].

29      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner le cas d’espèce.

30      S’agissant de la détermination du public pertinent, il ressort des points 23 et 25 de la décision attaquée que la chambre de recours a estimé que, dans la mesure où la marque demandée est constituée d’une expression en anglais, il convenait de prendre en compte le public situé sur les territoires anglophones de l’Union, y compris en Irlande et à Malte. Au vu de la nature des produits en cause, elle a estimé que ledit public présentait un niveau d’attention moyen à l’occasion de leur acquisition.

31      La requérante fait valoir que la chambre de recours aurait également dû prendre en compte la perception de la marque par les consommateurs de du Danemark, des Pays-Bas, de la Finlande et de la Suède, lesquels sont réputés être anglophones.

32      L’EUIPO rétorque qu’il suffisait à la chambre de recours de retenir l’absence de caractère distinctif de la marque demandée à l’égard du public pertinent située dans la partie de l’Union disposant de l’anglais comme langue officielle et qu’elle n’était, dès lors, pas tenue de prendre en compte les territoires de l’Union où cette langue est largement comprise. Il en déduit que les éléments de preuve avancés par la requérante, portant sur la perception de la marque demandée dans ces autres territoires, sont dénués de pertinence.

33      Au vu de la nature des produits en cause, c’est à juste titre que la chambre de recours a, en substance, considéré que le public pertinent correspondait au grand public et qu’il disposait d’un degré d’attention moyen à l’occasion de leur acquisition.

34      En outre, dans la mesure où, d’une part, conformément à l’article 7, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, il suffit que le motif absolu existe dans une partie de l’Union pour que l’enregistrement de la marque soit refusé, et, d’autre part, la marque demandée est constituée par une expression en anglais, c’est à juste titre que la chambre de recours s’est fondée sur la perception du public anglophone.

35      Il convient, néanmoins, de rappeler que la partie anglophone de l’Union n’est pas seulement constituée des pays dans lesquels l’anglais est une langue officielle, mais également de ceux où, à tout le moins, l’anglais est largement compris, ce qui inclut, notamment, le Danemark, les Pays-Bas, la Finlande et la Suède [voir, en ce sens, arrêts du 14 mai 2019, Eurolamp/EUIPO (EUROLAMP pioneers in new technology), T‑465/18, non publié, EU:T:2019:327, point 27 et jurisprudence citée, et du 19 décembre 2019, Amazon Technologies/EUIPO (ring), T‑270/19, non publié, EU:T:2019:871, point 47]. Partant, dans la mesure où les consommateurs de ces pays sont réputés faire partie du public anglophone, les éléments de preuve avancés par la requérante aux fins d’expliciter leur perception de la marque demandée sont pertinents et peuvent être pris en compte, contrairement à ce que semble faire valoir l’EUIPO.

36      S’agissant du caractère distinctif de la marque demandée, la chambre de recours a considéré, au point 29 de la décision attaquée, que la première partie de la marque (« it’s like milk ») serait perçue comme indiquant que les produits commercialisés sont constitués ou contiennent des succédanés du lait qui s’apparentent au « vrai » lait et que la seconde partie de ladite marque (« but made for humans ») comme indiquant qu’ils sont plus adaptés à la consommation humaine que le « vrai » lait ou les produits en contenant. Elle a également relevé, au point 30 de la décision attaquée, l’absence d’écart perceptible entre la marque dans son ensemble et la conjonction de ses deux parties. Aux points 31 à 33 de la décision attaquée, elle a estimé que, perçue à la lumière des produits en cause, la marque demandée serait comprise comme un slogan promotionnel laudatif, plutôt que comme une indication de l’origine commerciale desdits produits, et a mis en exergue la circonstance que certains consommateurs souffraient d’intolérance au lactose, d’allergie au lait ou étaient végétaliens.

37      La requérante estime que la chambre de recours s’est, à tort, fondée sur un consommateur intolérant au lactose, souffrant d’une allergie au lait ou végétalien, alors qu’elle aurait dû se fonder sur la perception de la marque par le grand public, dès lors que sont en cause des produits de consommation courante. Elle ajoute que le consommateur moyen du grand public est réputé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé et ne dispose, dès lors, pas d’opinion extrême ou minoritaire. Il percevrait le lait comme un aliment de base, sain et nourrissant. Il serait, dès lors, erroné de la part de la chambre de recours de se fonder sur une sous-section mineure de ce public.

38      La requérante ajoute que la première perception du public pertinent ne sera pas que le lait de vache permet d’alimenter les veaux, mais qu’il est produit pour la consommation humaine. Il en découlerait que la phrase « it’s like milk but made for humans » remet en question la perception par le public pertinent du lait comme une substance à destination de l’être humain en évoquant l’idée, controversée, que le lait n’est pas adapté à la consommation humaine. Ainsi cette phrase, prise dans son entièreté, serait originale, imaginative, paradoxale, surprenante, mentalement stimulante et inattendue et, dès lors, susceptible de remplir la fonction essentielle d’une marque.

39      La requérante reproche également à la chambre de recours de ne pas avoir pris en compte les éléments de preuve qu’elle a avancés au cours de la procédure démontrant la perception que le public pertinent a de la marque demandée. Elle se réfère, d’une part, à un arrêt d’une juridiction suédoise ayant perçu la marque demandée comme dénigrant et discréditant le lait et, d’autre part, aux réactions de la presse aux Pays-Bas et au Royaume-Uni à la suite du lancement de la campagne publicitaire de la marque demandée.

40      L’EUIPO fait valoir que la chambre de recours s’est fondée sur la perception du grand public et non des seuls consommateurs qui présentent une intolérance au lactose, souffrent d’une allergie au lait ou sont végétaliens, comme le fait valoir la requérante. En toute hypothèse, ceux-ci constitueraient une partie non négligeable du public pertinent. Il ajoute que le consommateur moyen est constitué non en fonction d’une personne « ordinaire » ou « normale », mais se situe à la médiane du public pertinent.

41      L’EUIPO soutient également qu’il convient de prendre en compte la circonstance que le consommateur moyen des produits en cause sait que le lait a pour première fonction la nourriture des animaux et qu’il est au courant du débat en cours sur le caractère approprié du lait d’origine animal pour la consommation humaine. Il en déduit que le public pertinent percevra la marque demandée comme l’informant que les produits commercialisés ne contiennent pas de lait d’origine animale, mais sont toutefois proches du lait et, partant, plus adaptés à la consommation humaine.

42      Ainsi, selon l’EUIPO, la marque demandée est dépourvue de caractère distinctif, dès lors qu’elle ne sera pas considérée par le public pertinent comme surprenante, inattendue ou comme suscitant la réflexion, celui-ci ne saisissant immédiatement que le message promotionnel qu’elle véhicule. Il estime que l’interdiction du slogan « it’s like milk but made for humans » en Suède confirme seulement qu’il véhicule le message que le lait n’est pas adapté à la consommation humaine et que les autres éléments de preuve avancés par la requérante ne démontrent pas que la marque demandée peut être comprise comme une indication de l’origine commerciale des produits en cause. L’EUIPO soutient également que la chambre de recours a bien examiné la marque demandée dans son ensemble.

43      La marque demandée est constituée de la phrase « it’s like milk but made for humans ».

44      S’agissant du sens de la marque demandée, force est de constater que, en raison de la présence de la conjonction de coordination « but » en son milieu, le consommateur percevra une opposition entre la première partie de la marque (« it’s like milk ») et sa seconde partie (« made for humans »). De ce fait, la marque demandée véhicule non seulement l’idée que les produits, de nature alimentaire, en cause s’apparentent au lait et sont destinés à la consommation humaine, mais également l’idée que le lait, lui, ne le serait pas.

45      Par une telle signification, la marque demandée remet en cause l’idée communément admise que le lait est un élément essentiel pour l’alimentation humaine, ainsi qu’en attestent les éléments de preuve avancés par la requérante devant la chambre de recours puis le Tribunal, dont il ressort que le lancement de la marque demandée a donné lieu à des controverses aux Pays-Bas, en Suède et au Royaume-Uni.

46      De ce fait, la marque demandée véhicule un message de nature à déclencher un processus cognitif auprès du public concerné la rendant mémorisable et, partant, à individualiser les produits de la requérante par rapport aux produits ayant une autre origine commerciale. La marque demandée dispose, dès lors, du minimum de caractère distinctif requis par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

47      Cette conclusion n’est pas remise en cause par la circonstance alléguée par l’EUIPO qu’il existerait un débat sur le caractère approprié du lait pour la consommation humaine. Certes, ainsi que l’a souligné, en substance, la chambre de recours au point 32 de la décision attaquée, une partie non négligeable du public pertinent, pour des motifs d’ordre éthique ou physiologique, évite la consommation de produits laitiers.

48      Il n’en demeure pas moins que cette partie du public pertinent, même si elle ne la partage pas, ne peut qu’être consciente de la perception communément admise du lait comme étant essentiel à l’alimentation humaine. Dans ces conditions, ladite partie du public pertinent percevra – et probablement approuvera – le message véhiculé par la marque demandée remettant en cause ladite perception. Pour cette raison, à son égard également, la marque demandée est susceptible de déclencher un processus cognitif de nature à lui attribuer un caractère distinctif.

49      C’est, dès lors, à tort que la chambre de recours a estimé que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

50      Il convient, partant, d’accueillir le moyen unique de la requérante et, par voie de conséquence, le recours.

 Sur les dépens

51      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’EUIPO ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 7 février 2020 (affaire R 2446/2019-5), concernant une demande d’enregistrement du signe verbal IT’S LIKE MILK BUT MADE FOR HUMANS comme marque de l’Union européenne est annulée.

2)      L’EUIPO supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés parOatly AB.

Tomljenović

Schalin

Nõmm

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 janvier 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.