Language of document : ECLI:EU:T:2021:45

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

27 janvier 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Enregistrement international désignant l’Union européenne – Marque verbale  skylife – Marque de l’Union européenne verbale antérieure SKY – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑382/19,

Turk Hava Yollari AO, établie à Istanbul (Turquie), représentée par Me R. Almaraz Palmero, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. J. Ivanauskas et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Sky Ltd, établie à Isleworth (Royaume-Uni), représentée par Mme A. Brackenbury, solicitor, et Me A. Zalewska, avocate,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 23 avril 2019 (affaire R 880/2018‑4), relative à une procédure de nullité entre Sky et Turk Hava Yollari,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de Mmes M. J. Costeira, présidente, M. Kancheva et T. Perišin (rapporteure), juges,

greffier : Mme R. Ūkelytė, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 25 juin 2019,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 16 septembre 2019,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 13 septembre 2019,

vu la demande de suspension de la procédure introduite par la requérante lors de l’audience du 2 juillet 2020,

vu les observations de l’EUIPO et de l’intervenante déposées au greffe du Tribunal, respectivement, le 1er et le 2 juillet 2020 ;

vu la décision du 3 août 2020 rejetant la demande de suspension de la procédure introduite par la requérante,

à la suite de l’audience du 2 juillet 2020,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 10 juillet 2006, la requérante, Turk Hava Yollari AO, a obtenu, auprès du bureau international de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), l’enregistrement international n° 898322 désignant, notamment, l’Union européenne. La marque dont l’enregistrement international a été accordé est le signe figuratif suivant :

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2        Les services pour lesquels la protection a été demandée relèvent notamment de la classe 41 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Services de formation et d’enseignement, organisation de symposiums, de colloques, de congrès et de séminaires, services d’édition de magazines, de livres, de revues spécialisées et d’autres produits imprimés, services d’artistes de spectacles, production de films, photographie, montage de programmes radiophoniques et d’émissions de télévision, services de traduction ».

3        L’enregistrement international est parvenu à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) le 26 octobre 2006 et, le 30 août 2006, s’est vu reconnaître la même protection que celle accordée à une marque de l’Union européenne avec effet au 10 juillet 2006 en tant que marque verbale, en vertu du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO L 78, p. 1) , tel que modifié, lui-même remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

4        Le 11 juillet 2011, British Sky Broadcasting Group plc, prédécesseur en droit de l’intervenante, Sky Ltd, a introduit auprès de l’EUIPO une demande en nullité de ladite marque, notamment, pour les services visés au point 2 ci-dessus, au titre de l’article 53, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement [devenus article 60, paragraphe 1, et article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].

5        À l’appui de sa demande en nullité, le prédécesseur en droit de l’intervenante a invoqué, notamment, la marque de l’Union européenne verbale SKY, déposée le 30 avril 2003 et enregistrée le 14 octobre 2008 (ci-après la « marque antérieure »), pour des produits et services relevant, notamment, des classes 16 et 41 au sens de l’arrangement de Nice et correspondant à la description suivante :

–        classe 16 : « Produits de l’imprimerie » ;

–        classe 41 : « Services d’éducation, à l’exclusion de l’éducation en pensionnat et de l’éducation en matière de services dentaires, fournis à des entreprises de dentisterie, y compris à des entreprises de laboratoire dentaire et à leur personnel, uniquement ; fourniture de formation à l’exclusion des formations liées aux services dentaires fournis à des entreprises de dentisterie, y compris à des entreprises de laboratoire dentaire et à leur personnel, uniquement ; divertissement ».

6        Par décision en date du 9 avril 2018, la division d’annulation a accueilli la demande en nullité et a annulé la marque contestée pour les services mentionnés au point 2 ci-dessus, à l’exception des services de traduction, sur le fondement de l’article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

7        Le 14 mai 2018, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’annulation.

8        Par décision du 23 avril 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours a rejeté le recours.

9        En particulier, premièrement, la chambre de recours a examiné, compte tenu de la protection unitaire dont jouit la marque antérieure sur tout le territoire de l’Union européenne, l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public anglophone de l’Union.  

10      Deuxièmement, en ce qui concerne la comparaison des produits et services couverts par les marques en conflit, la chambre de recours a observé que les services de formation et d’enseignement ainsi que les services d’artistes de spectacles couverts par la marque contestée étaient identiques aux services d’éducation, de formation et de divertissement relevant de la même classe et couverts par la marque antérieure. En outre, la chambre de recours a exposé que les services d’organisation de symposiums, de colloques, de congrès et de séminaires couverts par la marque contestée étaient similaires aux services d’éducation couverts par la marque antérieure, que les services de production de films, de photographie, de montage de programmes radiophoniques et d’émissions de télévision étaient similaires aux services de divertissement et que les services d’édition de magazines, de livres, de revues spécialisées et d’autres produits imprimés étaient similaires aux produits de l’imprimerie couverts par la marque antérieure.

11      Troisièmement, s’agissant de la comparaison des marques en conflit, la chambre de recours a estimé qu’elles présentaient, à tout le moins, un degré moyen de similitude sur les plans visuel et phonétique et qu’elles étaient également similaires conceptuellement, compte tenu de leur élément commun « sky ».

12      Quatrièmement, quant à l’existence d’un risque de confusion, la chambre de recours a observé que, compte tenu de l’identité et de la similitude partielles entre les produits et services concernés, la similitude entre les marques en conflit provoquait dans l’esprit du public pertinent, composé du grand public, mais aussi de professionnels, et faisant ainsi preuve d’un niveau d’attention entre moyen et élevé, un risque de confusion de la marque contestée avec la marque antérieure, cette dernière étant pourvue d’un caractère distinctif normal.

13      À cet égard, la chambre de recours a rejeté les arguments de la requérante pris d’une prétendue coexistence pacifique des marques en conflit et des modalités d’utilisation concrète et de la prétendue renommée de la marque contestée.

 Conclusions des parties

14      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        ordonner à l’EUIPO de déclarer valide l’enregistrement de la marque contestée ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens, y compris ceux exposés devant la chambre de recours.

15      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

16      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens, y compris ceux exposés devant la division d’annulation et la chambre de recours.

 En droit

17      À l’appui de son recours, la requérante soulève deux moyens, tirés, respectivement, d’une violation de l’article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement, et d’une violation de l’obligation de motivation.

18      Il y a lieu d’examiner d’abord le second moyen.

 Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

19      La requérante fait valoir que la chambre de recours s’est appuyée sur l’analyse de la division d’annulation sans effectuer sa propre analyse sur les questions sous-tendant l’appréciation relative à l’existence d’un risque de confusion. Or, compte tenu de l’usage fait de la marque contestée et des différences visuelles, phonétiques et conceptuelles entre les marques en conflit, la chambre de recours n’aurait pas exposé les éléments nécessaires permettant de conclure à l’existence d’un risque de confusion.

20      L’EUIPO et l’intervenante contestent ces appréciations.

21      Aux termes de l’article 94, première phrase, du règlement 2017/1001, les décisions de l’EUIPO doivent être motivées. Cette obligation a la même portée que celle consacrée à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE et son objectif est de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision [arrêt du 14 février 2019, Torro Entertainment/EUIPO – Grupo Osborne (TORRO Grande MEAT IN STYLE), T‑63/18, non publié, EU:T:2019:89, point 70].

22      La question de savoir si la motivation d’une décision satisfait à ces exigences doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte, ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. Ainsi, lorsque l’EUIPO refuse l’enregistrement ou prononce la nullité d’un signe en tant que marque de l’Union européenne, il doit, pour motiver sa décision, indiquer le motif de refus, absolu ou relatif, qui s’oppose à cet enregistrement, ainsi que la disposition dont ce motif est tiré et exposer les circonstances factuelles qu’il a retenues comme étant prouvées et qui, selon lui, justifient l’application de la disposition invoquée [voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2008, Reber/OHMI – Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (Mozart), T‑304/06, EU:T:2008:268, points 44 et 46].

23      En l’espèce, il ressort des points 17 à 37 de la décision attaquée que la chambre de recours a exposé avec clarté les motifs sous-tendant sa conclusion relative à l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit. En particulier, tout d’abord, la chambre de recours a défini le public pertinent, ensuite, elle a procédé, d’une part, à la comparaison des produits et services couverts par les marques en conflit et, d’autre part, à la comparaison visuelle, phonétique et conceptuelle desdites marques et, enfin, elle a formulé son appréciation globale sur l’existence d’un risque de confusion compte tenu des éléments ressortant des étapes précédentes de son raisonnement. Dans ce contexte, le fait, pour la chambre de recours, d’avoir explicitement validé certaines appréciations de la division d’annulation n’affecte en rien le caractère complet de la motivation de la décision attaquée ni ne démontre que la chambre de recours n’a pas effectué sa propre analyse au regard des arguments soulevés par la requérante devant elle.

24      Au demeurant, l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle, qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs dont relèvent les arguments pris d’erreurs d’appréciation relatives à la comparaison des produits ou services et des marques en conflit et au risque de confusion (arrêt du 14 février 2019, TORRO Grande MEAT IN STYLE, T‑63/18, non publié, EU:T:2019:89, point 71). Ces arguments relèvent de la légalité au fond de la décision attaquée et seront examinés dans le cadre du premier moyen (voir points 29 à 32 ci-après).

25      Il s’ensuit que la décision attaquée est motivée à suffisance de droit et que le second moyen doit être rejeté.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement

26      La requérante fait valoir que les produits couverts par la marque contestée sont offerts à des passagers de vols qui, par définition, font preuve d’une attention particulièrement élevée, ce qui exclurait tout risque de confusion. Un tel risque serait également à exclure compte tenu de la nature différente des produits de l’imprimerie relevant de la classe 16, couverts par la marque antérieure, et des services d’édition relevant de la classe 41, couverts par la marque demandée. En effet, la requérante ne proposerait pas de produits de l’imprimerie à la vente aux passagers de ses vols, mais uniquement des éditions offertes gratuitement dans le cadre du service principal de transport aérien fourni sous deux autres marques et d’un logo de renommée. En outre, les services couverts par les deux marques seraient différents. La requérante ajoute que l’usage de la marque contestée de sa part remonte à 1989, ce qui ferait preuve d’une coexistence paisible excluant tout risque de confusion et démontrerait que l’intervenante devrait être considérée comme forclose de demander la nullité de la marque contestée.

27      Au demeurant, la requérante expose que, compte tenu du caractère figuratif et de la longueur de la marque contestée, celle-ci ne présente pas de similitude particulièrement élevée avec la marque antérieure. De surcroît, la présence du terme « life » dans la marque contestée rendrait les marques en conflit phonétiquement et conceptuellement différentes. Selon la requérante, contrairement à la marque contestée, la marque antérieure ne jouirait que d’un caractère distinctif faible, ce qui, combiné avec la capacité du public de l’Union tout entier, et non seulement des consommateurs anglophones, de s’apercevoir des différences entre les deux signes, exclurait tout risque de confusion.

28      L’EUIPO et l’intervenante contestent le bien-fondé de ces arguments.

29      Selon l’article 158 du règlement no 207/2009 (devenu article 198 du règlement 2017/1001), disposition de nature procédurale applicable ratione temporis au moment de l’introduction de la demande en nullité en cause, la demande en nullité des effets d’un enregistrement international désignant l’Union européenne tient lieu de demande en nullité en vertu des articles 52 ou 53 du même règlement (devenus articles 59 et 60 du règlement 2017/1001).

30      Aux termes de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 40/94 et de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement [devenus article 53, paragraphe 1, sous a), et article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, devenus eux-mêmes article 60, paragraphe 1, sous a), et article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001], dispositions matérielles applicables ratione temporis à la date de prise d’effet de l’enregistrement de la marque contestée, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

31      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

32      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

33      En outre, l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

34      Il y a lieu de relever, d’emblée, que, selon l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94, l’existence d’un risque de confusion est à apprécier par rapport au public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée. En l’espèce, la marque antérieure étant une marque de l’Union européenne, elle est protégée de manière unitaire sur tout le territoire de l’Union, conformément à l’article 1er, paragraphe 2, du règlement no 40/94 (devenu article 1er, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, devenu lui-même article premier, paragraphe 2, du règlement 2017/1001). Or, dans un tel cas, l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94 n’exige pas, pour que l’enregistrement de la marque demandée soit refusé, que le risque de confusion existe dans tous les États membres et dans toutes les zones linguistiques de l’Union. En effet, le caractère unitaire de la marque de l’Union européenne implique qu’une telle marque antérieure est opposable à toute demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne ou à toute marque enregistrée qui porterait atteinte à la protection de la première marque, ne fût-ce que par rapport à la perception des consommateurs d’une partie du territoire de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du 16 janvier 2018, Sun Media/EUIPO – Meta4 Spain (METABOX), T‑204/16, non publié, EU:T:2018:5, point 74].

35      Au demeurant, compte tenu du fait que la marque antérieure consiste en le mot anglais « sky », force est de constater que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en focalisant, au point 17 de la décision attaquée, son examen sur l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public anglophone de l’Union.

36      De surcroît, il convient de relever que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, aux fins de l’appréciation de l’existence d’un risque de confusion, seule la description des produits pour lesquels l’enregistrement de la marque a été demandé est pertinente, l’utilisation, envisagée ou effectuée, de cette marque ne pouvant être prise en compte, dès lors que l’enregistrement ne comporte pas une limitation en ce sens. Il s’ensuit que l’utilisation concrète qu’a fait de son signe le titulaire de la marque contestée n’est pas susceptible de modifier les produits ou les services pris en compte aux fins des appréciations sous-tendant la conclusion relative à l’existence d’un risque de confusion, telles la définition du public pertinent et de son niveau d’attention ou la similitude entre lesdits produits ou services dans l’esprit de ce public (voir, en ce sens, ordonnance du 30 juin 2010, Royal Appliance International/OHMI, C‑448/09 P, non publiée, EU:C:2010:384, points 71 et 72).

37      Force est donc de constater que les arguments avancés par la requérante, tirés de ce que tout risque de confusion devrait être exclu en raison de l’utilisation de la marque contestée dans le contexte de services de transport aérien, sont fondés sur une prémisse erronée. Au demeurant, il y a également lieu de relever que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la chambre de recours n’a commis aucune erreur en constatant que les services d’édition de magazines, de livres, de revues spécialisées et d’autres produits imprimés sont similaires aux produits de l’imprimerie en raison de leurs liens de complémentarité directs.

38      S’agissant des services d’artistes de spectacles, de production de films, de photographie, de montage de programmes radiophoniques et d’émissions de télévision couverts par la marque contestée, force est de constater qu’ils sont inclus dans les services de divertissement couverts par la marque antérieure, si bien qu’ils sont identiques [voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2009, Royal Appliance International/OHMI – BSH Bosch und Siemens Hausgeräte (Centrixx), T‑446/07, non publié, EU:T:2009:327, point 35 et jurisprudence citée]. Il en est de même des services de formation et d’enseignement, organisation de symposiums, de colloques, de congrès et de séminaires couverts par la marque contestée, qui sont inclus dans les services de formation et d’éducation couverts par la marque antérieure et ne sont pas concernés dans leur intégralité par les limitations dont ces derniers services sont assortis (voir point 5, second tiret, ci-dessus).

39      S’agissant de la similitude entre les marques en conflit, il y a lieu de relever d’emblée que, ainsi qu’il ressort de la page 13 du dossier de l’EUIPO, la marque contestée a été enregistrée en tant que marque verbale. Or, au point 23 de la décision attaquée, la chambre de recours qualifie la marque contestée de marque figurative, qualification que l’EUIPO reprend au point 1 de son mémoire en réponse. Il convient toutefois de préciser que, ainsi qu’il est exposé aux points 40 à 45 ci-après, cette divergence n’affecte pas l’appréciation relative à la similitude entre les marques en conflit ou à l’existence d’un risque de confusion, en l’espèce.

40      Au demeurant, force est de constater que, si la requérante souligne certaines différences liées à la présence du mot « life » dans la marque contestée, elle conclut que le degré de similitude visuelle « n’est pas particulièrement élevé ». Or, cette conclusion coïncide, en substance, avec celle exposée par la chambre de recours au point 25 de la décision attaquée, selon laquelle les marques en conflit présentent un degré de similitude visuelle « au moins moyen ». Du reste, cette dernière appréciation n’est pas entachée d’erreur compte tenu du caractère parfaitement lisible de la marque contestée, de la banalité accrue du cadre entourant le mot « skylife » et de la stylisation minime du point au-dessus de la lettre « i ».

41      L’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les marques en conflit présentent une similitude phonétique moyenne est également exempte d’erreur dans la mesure où ces marques partagent le mot « sky », le terme « life » de la marque contestée ne suffisant pas, contrairement à ce que fait valoir la requérante, pour exclure toute similitude phonétique.

42      Tel est également le cas sur le plan conceptuel. En effet, les marques en conflit partagent la notion de « sky » (ciel), alors que le mot « life » se réfère à une notion qui peut caractériser le ciel en tant qu’espace pouvant accueillir des êtres vivants, tels les oiseaux ou même les passagers d’un vol.

43      Quant à l’appréciation globale du risque de confusion, il y a lieu de relever que les arguments de la requérante n’infléchissent pas la conclusion que la chambre de recours a exposée au point 33 de la décision attaquée, selon laquelle l’identité et la similitude entre les produits et services couverts par les marques en conflit, combinées avec la similitude moyenne entre ces marques sur les plans visuel, phonétique et conceptuel, suffit pour établir, compte tenu du caractère distinctif normal de la marque antérieure, un risque de confusion au regard du public anglophone de l’Union.

44      En particulier, premièrement, la requérante n’a avancé aucun élément ou argument tangible propre à démontrer que la marque antérieure n’est pas pourvue d’un caractère distinctif normal. À cet égard, le fait que le mot « sky » renvoie à un espace n’implique pas, à lui seul, que la marque antérieure n’est pas distinctive au regard des produits et services relatés au point 5 ci-dessus.

45      Deuxièmement, l’appréciation d’un éventuel risque de confusion doit s’effectuer en tenant compte des signes tels qu’ils ont été enregistrés ou tels qu’ils figurent dans la demande d’enregistrement, indépendamment de leur usage isolé ou conjoint avec d’autres marques ou mentions [arrêt du 18 octobre 2007, AMS/OHMI – American Medical Systems (AMS Advanced Medical Services), T‑425/03, EU:T:2007:311, point 91]. Il s’ensuit que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, l’éventuel usage de la marque antérieure en combinaison avec d’autres marques, de renommée ou non, appartenant à la requérante est un critère qui n’entre pas en ligne de compte aux fins de l’appréciation de l’existence d’un risque de confusion en l’espèce.

46      Troisièmement, certes, il ne saurait être exclu que la coexistence sur un marché déterminé de deux marques puisse éventuellement contribuer, conjointement à d’autres éléments, à amoindrir le risque de confusion entre ces marques dans l’esprit du public pertinent. L’absence de risque de confusion peut ainsi être déduite du caractère paisible de la coexistence des marques en conflit sur le marché en cause. Or, une telle éventualité ne saurait être prise en considération que si, à tout le moins, au cours de la procédure devant l’EUIPO, le titulaire de la marque contestée a dûment démontré, ne fût-ce qu’au moyen d’un faisceau d’indices concordants, d’une part, que ladite coexistence reposait sur l’absence d’un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent et, d’autre part, que la coexistence en question repose sur un usage effectif suffisamment long pour qu’elle puisse influer sur la perception du consommateur pertinent. De surcroît, s’agissant de la portée géographique d’une coexistence, lorsque la demande en nullité est fondée sur une marque de l’Union européenne antérieure et la coexistence des marques en conflit est invoquée à l’appui de l’absence de risque de confusion, il incombe à la partie invoquant cette coexistence de la prouver sur l’ensemble du territoire de l’Union [voir, en ce sens, arrêts du 10 avril 2013, Höganäs/OHMI – Haynes (ASTALOY), T‑505/10, non publié, EU:T:2013:160, points 47 à 49, et du 30 juin 2015, La Rioja Alta/OHMI – Aldi Einkauf (VIÑA ALBERDI), T‑489/13, EU:T:2015:446, points 70, 80 et 81].

47      Or, l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle la requérante n’a pas apporté, durant la procédure devant la division d’annulation et la chambre de recours, des éléments propres à démontrer que ces conditions sont remplies n’est pas contestée par la requérante. En outre, le point 7 de la décision attaquée, auquel fait référence la requérante, ne fait que résumer les arguments invoqués par celle-ci à l’appui de son recours sans reconnaitre la coexistence paisible des marques en conflit au sens exposé au point 45 ci-dessus.

48      Quatrièmement, l’argument de la requérante pris de la prétendue forclusion de la demande en nullité de la marque contestée au sens de l’article 54, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 [devenu article 61 du règlement 2017/1001] ne saurait prospérer. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 54, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, le titulaire d’une marque de l’Union européenne qui a toléré pendant cinq années consécutives l’usage dans l’Union d’une marque de l’Union européenne postérieure en connaissance de cet usage ne peut plus demander la nullité de la marque postérieure sur la base de la marque antérieure pour les produits ou les services pour lesquels la marque postérieure a été utilisée, à moins que l’enregistrement de la marque de l’Union européenne postérieure n’ait été effectué de mauvaise foi.

49      Il s’ensuit que quatre conditions doivent être réunies pour faire courir le délai de forclusion par tolérance en cas d’usage d’une marque postérieure identique à la marque antérieure ou similaire au point de prêter à confusion. Premièrement, la marque postérieure doit être enregistrée, deuxièmement, son dépôt doit avoir été effectué de bonne foi par son titulaire, troisièmement, elle doit être utilisée dans le territoire où la marque antérieure est protégée et, enfin, quatrièmement, le titulaire de la marque antérieure doit avoir connaissance de l’usage de cette marque après son enregistrement [voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2012, I Marchi Italiani et Basile/OHMI – Osra (B. Antonio Basile 1952), T‑133/09, EU:T:2012:327, point 31]. Il incombe, par ailleurs, au titulaire de la marque contestée d’invoquer que les conditions en question sont réunies et, surtout, d’établir, preuves à l’appui, la date à laquelle le titulaire de la marque antérieure a pris connaissance effective de l’usage de la marque contestée [voir, en ce sens, arrêts du 20 avril 2016, Tronios Group International/EUIPO – Sky (SkyTec), T‑77/15, EU:T:2016:226, points 32 et 33, et du 7 février 2019, Swemac Innovation/EUIPO – SWEMAC Medical Appliances (SWEMAC), T‑287/17, EU:T:2019:69, point 90].

50      Il ressort, toutefois, du mémoire exposant les motifs du recours introduit devant la chambre de recours que la requérante n’a pas soulevé la question de l’éventuelle forclusion par tolérance. La seule référence qui pourrait être considérée comme vaguement pertinente à cet égard est celle relative au fait que le magazine Skylife est offert dans les avions opérés par la requérante depuis 1989. Une telle référence, qui ne contient, par ailleurs, aucun élément relatif à la quatrième condition d’applicabilité de l’article 54, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, ne peut être considérée comme ayant saisi la chambre de recours de l’éventuelle forclusion par tolérance de l’intervenante à demander la nullité de la marque contestée.

51      Or, d’une part, en vertu de l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, dans une procédure concernant des motifs relatifs de refus d’enregistrement, l’examen à effectuer par l’EUIPO est limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties. Il ressort de cette disposition qu’incombe également aux parties la charge d’invoquer les faits et les preuves utiles à l’appui de ces moyens [arrêt du 11 avril 2019, Inditex/EUIPO – Ansell (ZARA TANZANIA ADVENTURES), T‑655/17, non publié, EU:T:2019:241, point 37].

52      D’autre part, conformément à l’article 188 du règlement de procédure du Tribunal, les mémoires déposés par les parties dans le cadre de la procédure devant le Tribunal ne peuvent modifier l’objet du litige devant la chambre de recours. Ainsi, une partie requérante n’a pas le pouvoir de modifier devant le Tribunal les termes du litige, tels qu’ils résultaient des prétentions et des allégations avancées par elle-même et par la partie intervenante [arrêt du 28 juin 2012, Basile et I Marchi Italiani/OHMI – Osra (B. Antonio Basile 1952), T‑134/09, non publié, EU:T:2012:328, point 15], si bien que cet argument doit également être écarté.

53      Il s’ensuit que le premier moyen doit être rejeté, tout comme le recours dans son intégralité, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions de la requérante.

 Sur les dépens

54      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

55      En outre, l’intervenante a également conclu à ce que la requérante soit condamnée à rembourser les dépens exposés devant la division d’annulation et la chambre de recours.

56      À cet égard, d’une part, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 190, paragraphe 2, du règlement de procédure, seuls les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables. Il en résulte que les frais exposés aux fins de la procédure devant la division d’annulation ne peuvent pas être considérés comme des dépens récupérables [voir arrêt du 25 avril 2013, Bell & Ross/OHMI – KIN (Boîtier de montre-bracelet), T‑80/10, non publié, EU:T:2013:214, point 164 et jurisprudence citée]. Dès lors, les conclusions de l’intervenante doivent être rejetées en ce qu’elles tendent à la condamnation de la requérante aux dépens exposés devant la division d’annulation.

57      D’autre part, en ce que la demande de l’intervenante concerne les dépens de la procédure devant la chambre de recours, il suffit de relever que, étant donné que le présent arrêt rejette le recours dirigé contre la décision attaquée, c’est le dispositif de celle-ci qui continue à régler les dépens en cause [voir, en ce sens, arrêt du 4 octobre 2017, Intesa Sanpaolo/EUIPO – Intesia Group Holding (INTESA), T‑143/16, non publié, EU:T:2017:687, point 74].

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Turk Hava Yollari AO est condamnée à supporter ses propres dépens, ainsi que ceux exposés par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) et par Sky Ltd.

Costeira

Kancheva

Perišin

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 janvier 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.