Language of document : ECLI:EU:T:2021:46

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

27 janvier 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne figurative EGGY FOOD – Motif absolu de refus – Caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑287/20,

Eggy Food GmbH & Co. KG, établie à Osnabrück (Allemagne), représentée par Me J. Eberhardt, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. E. Markakis, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 9 mars 2020 (affaire R 1316/2019‑5), concernant une demande d’enregistrement du signe figuratif EGGY FOOD comme marque de l’Union européenne,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de Mmes M. J. Costeira, présidente, M. Kancheva et T. Perišin (rapporteure), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 15 mai 2020,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 4 août 2020,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 11 septembre 2018, OVOBEST Eiprodukte GmbH & Co. KG le prédécesseur en droit de la requérante, Eggy Food GmbH & Co. KG, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent, notamment, des classes 5, 29, 30 et 32 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 5 : « Compléments alimentaires de protéine » ;

–        classe 29 : « Albumine à usage culinaire ; blanc d’œuf ; œufs ; jaune d’œuf ; œuf entier ; préparations pour faire des œufs brouillés et omelettes ; desserts à base d’œufs » ;

–        classe 30 : « Pain, pâtisserie, confiserie, glaces comestibles ; barres énergisantes » ;

–        classe 32 : « Boissons non alcooliques, notamment boissons énergétiques et boissons à base de protéines ».

4        Par décision du 28 mai 2019, l’examinatrice a rejeté la demande d’enregistrement de ladite marque pour les produits visés au point 3 ci-dessus, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec son article 7, paragraphe 2.

5        Le 17 juin 2019, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de l’examinatrice.

6        Par décision du 9 mars 2020 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement 2017/1001, au motif que la marque demandée était descriptive en ce qui concerne les produits visés au point 3 ci-dessus et dépourvue de caractère distinctif.

7        En particulier, premièrement, elle a considéré que, au regard des produits en cause, le public pertinent était constitué des consommateurs moyens, dont le niveau d’attention se situait entre inférieur à la moyenne et normal pour les produits en cause compris dans les classes 29, 30 et 32, et était supérieur à la moyenne pour les produits en cause compris dans la classe 5.  Elle a également considéré que, pour l’examen de la marque demandée, il convenait de se fonder sur la partie anglophone du public pertinent, dès lors que l’élément verbal de cette marque se composait de mots anglais.  

8        Deuxièmement, elle a relevé que, pour la partie anglophone du public pertinent, l’élément verbal de la marque demandée avait le sens de « aliment contenant des œufs », décrivant ainsi une qualité des produits en cause, et que cette signification était renforcée par l’élément figuratif de cette marque, qu’une partie importante du public pertinent reconnaîtrait comme la représentation d’un œuf ou comme une référence à un œuf. Par ailleurs, elle a précisé que l’élément figuratif n’était pas susceptible de détourner l’attention du public pertinent du message descriptif dudit élément verbal.

9        Troisièmement, la chambre de recours a constaté que la marque demandée était également dépourvue du caractère distinctif requis étant donné que, eu égard à sa signification, elle désignerait une qualité des produits en cause et établirait donc un rapport matériel tellement étroit avec ces produits que le public, confronté au signe en cause, ne serait pas en mesure d’identifier une origine commerciale.

10      Quatrièmement, la chambre de recours a estimé que l’invocation, par la requérante, de divers enregistrements antérieurs de marques de l’Union européenne et enregistrements internationaux antérieurs désignant l’Union européenne n’était pas susceptible de remettre en cause la légalité du refus d’enregistrement de la marque demandée. En effet, selon elle, les décisions adoptées en première instance ne sauraient lier ni les chambres de recours ni le juge de l’Union. En outre, elle a considéré que, en l’espèce, les éléments figuratifs desdits enregistrements antérieurs et celui de la marque demandée n’étaient pas similaires, les premiers étant systématiquement plus stylisés, plus complexes et plus marquants, et que la requérante n’avait pas exposé en détail dans quelle mesure ces enregistrements portaient sur des signes qui ressemblaient à la marque demandée.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        ordonner la publication de la demande d’enregistrement de la marque demandée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

12      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité

13      Par son deuxième chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal d’ordonner à l’EUIPO de procéder à la publication de la demande d’enregistrement de la marque demandée.

14      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre d’un recours introduit devant le juge de l’Union contre la décision d’une chambre de recours de l’EUIPO, ce dernier est tenu, conformément à l’article 72, paragraphe 6, du règlement 2017/1001, de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du juge de l’Union. Dès lors, il n’appartient pas au Tribunal d’adresser des injonctions à l’EUIPO, auquel il incombe de tirer les conséquences du dispositif et des motifs des arrêts du juge de l’Union [voir arrêt du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, EU:T:2007:219, point 20 et jurisprudence citée].

15      Il s’ensuit qu’une demande visant à ce qu’il soit ordonné à l’EUIPO de procéder à la publication de la demande d’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne doit être considérée comme irrecevable [voir arrêt du 4 octobre 2006, Freixenet/OHMI (Forme d’une bouteille émerisée noire mate), T‑188/04, non publié, EU:T:2006:290, point 15 et jurisprudence citée].

16      Partant, le deuxième chef de conclusions de la requérante, tendant à ce que le Tribunal ordonne la publication de la demande d’enregistrement de la marque demandée, doit être rejeté comme irrecevable.

 Sur le fond

17      À l’appui du recours, la requérante invoque deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement 2017/1001 et, le second, de la violation de l’article 7, paragraphe 2, de ce règlement.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement 2017/1001

18      La requérante soutient que la décision attaquée viole l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement 2017/1001.

19      En premier lieu, la requérante soutient que l’élément figuratif de la marque demandée confère à celle-ci un caractère distinctif. Selon elle, la chambre de recours a eu tort de considérer que l’élément verbal de ladite marque imposerait d’interpréter son élément figuratif comme une forme d’œuf, compte tenu des autres significations que le terme « eggy » peut revêtir. Cet élément figuratif ne représenterait pas un œuf sous une forme réaliste, ni même simplement stylisée, et il pourrait tout aussi bien s’agir d’un crochet, d’un rond approximatif ou de la lettre majuscule « C ».

20      Par ailleurs, elle fait valoir que, si la chambre de recours a fondé essentiellement la décision attaquée sur l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, elle a également fait application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, mais seulement de façon succincte, comme s’il s’agissait d’une disposition résiduelle dont l’applicabilité reposait sur le constat selon lequel l’élément verbal de la marque demandée désignait une qualité des produits en cause au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), dudit règlement. Le fait que l’examen de la marque demandée au regard de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 aurait été effectué uniquement à l’aune du libellé de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du même règlement constituerait une violation dudit article 7, paragraphe 1, sous b).

21      En deuxième lieu, la requérante fait valoir que l’élément verbal de la marque demandée n’est pas uniquement descriptif, dans la mesure où il se prêterait à plusieurs interprétations, dont certaines lui conféreraient un caractère distinctif. La requérante soutient que, au vu de ces différentes significations possibles, l’élément verbal de la marque demandée apporte une part de créativité et que c’est la combinaison des mots et l’effort d’interprétation requis qui confèrent à la marque demandée son caractère distinctif.

22      En troisième lieu, la requérante fait valoir que la décision attaquée est arbitraire dans la mesure où elle nierait la valeur indicative de certaines décisions antérieures relatives à l’enregistrement de signes comparables.

23      D’une part, la requérante invoque plusieurs enregistrements antérieurs portant sur des signes qui présenteraient un rapport évident avec la marque demandée du fait que les éléments figuratifs desdits signes évoqueraient au moins autant la forme d’un œuf que l’élément figuratif de la marque demandée, que leur élément verbal pourrait être perçu comme renforçant cette impression et qu’ils porteraient sur des produits identiques. Elle conteste l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les éléments figuratifs desdits enregistrements antérieurs et celui de la marque demandée ne sont pas similaires.

24      D’autre part, la requérante fait valoir que l’arrêt du 15 décembre 2016, Novartis/EUIPO (Représentation d’une courbe grise et représentation d’une courbe verte) (T‑678/15 et T‑679/15, non publié, EU:T:2016:749), porte sur des signes similaires. Elle conteste l’affirmation de la chambre de recours selon laquelle la marque demandée n’est pas comparable aux marques en cause dans cet arrêt et soutient que la motivation de celui-ci constitue un indice important de ce que, en l’espèce également, les conditions concrètes pour admettre l’existence d’un caractère distinctif seraient remplies.

25      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

26      À titre liminaire, il y a lieu de relever que la requérante ne fait pas de distinction claire, dans son argumentation, entre les arguments avancés au soutien de son allégation de méconnaissance, par la chambre de recours, de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 et ceux fondant l’allégation de violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du même règlement.

27      Toutefois, il y a lieu de rappeler que chacun des motifs de refus d’enregistrement énumérés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 est indépendant des autres et exige un examen séparé [voir arrêt du 12 juillet 2019, Miles-Bramwell Executive Services/EUIPO (FREE), T‑114/18, non publié, EU:T:2019:530, point 21 et jurisprudence citée].

28      Il convient donc de subdiviser le premier moyen en deux branches, dont la première est tirée de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 et la seconde de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce règlement.

–       Sur la première branche du premier moyen, tirée de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001

29      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, à désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci.

30      En interdisant l’enregistrement en tant que marque de tels signes ou indications, l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 poursuit un but d’intérêt général, lequel exige que les signes ou les indications descriptives des caractéristiques de produits ou de services pour lesquels l’enregistrement est demandé puissent être librement utilisés par tous. Cette disposition empêche, dès lors, que de tels signes ou indications soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque (voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, EU:C:2003:579, point 31 et jurisprudence citée).

31      En outre, des signes ou des indications pouvant servir, dans le commerce, à désigner des caractéristiques du produit ou du service pour lequel l’enregistrement est demandé sont, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, réputés incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir identifier l’origine commerciale du produit ou du service afin de permettre au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix, si l’expérience s’avère positive, ou de faire un autre choix, si elle s’avère négative [arrêts du 27 février 2002, Ellos/OHMI (ELLOS), T‑219/00, EU:T:2002:44, point 28, et du 27 février 2015, Universal Utility International/OHMI (Greenworld), T‑106/14, non publié, EU:T:2015:123, point 15].

32      Pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, il faut qu’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public pertinent de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques [voir arrêts du 12 janvier 2005, Deutsche Post EURO EXPRESS/OHMI (EUROPREMIUM), T‑334/03, EU:T:2005:4, point 25 et jurisprudence citée, et du 22 juin 2005, Metso Paper Automation/OHMI (PAPERLAB), T‑19/04, EU:T:2005:247, point 25 et jurisprudence citée].

33      Partant, l’appréciation du caractère descriptif d’un signe ne peut être opérée que, d’une part, par rapport aux produits ou aux services concernés et, d’autre part, par rapport à la compréhension qu’en a le public pertinent [voir arrêt du 25 octobre 2005, Peek & Cloppenburg/OHMI (Cloppenburg), T‑379/03, EU:T:2005:373, point 37 et jurisprudence citée].

34      Par ailleurs, s’agissant des marques composées de plusieurs éléments verbaux et figuratifs, il y a lieu de rappeler que, afin d’apprécier le caractère descriptif d’une marque complexe, il faut non seulement examiner les différents éléments dont la marque est composée, mais aussi la marque dans son ensemble, de sorte que ladite appréciation doit se fonder sur la perception globale de cette marque par le public pertinent [voir arrêt du 8 mai 2019, Team Beverage/EUIPO (LIEBLINGSWEIN), T‑55/18, non publié, EU:T:2019:311, point 25 et jurisprudence citée].

35      À cet égard, s’agissant de l’incidence des éléments figuratifs d’une marque complexe, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, aux fins de l’appréciation du caractère descriptif d’une marque, la question décisive est celle de savoir si les éléments figuratifs changent, du point de vue du public pertinent, la signification de cette marque par rapport aux produits concernés. Si l’élément verbal d’une marque est descriptif, la marque est, dans son ensemble, descriptive si ses éléments graphiques ne permettent pas de détourner le public pertinent du message descriptif transmis par l’élément verbal [voir arrêt du 3 octobre 2019, LegalCareers/EUIPO (LEGALCAREERS), T‑686/18, non publié, EU:T:2019:722, point 42 et jurisprudence citée].

36      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner l’argumentation de la requérante au vu de l’appréciation exposée par la chambre de recours dans la décision attaquée.

37      En l’espèce, s’agissant du public pertinent, la chambre de recours a considéré que, au regard des produits en cause, ce public était constitué des consommateurs moyens, dont le niveau d’attention se situait entre inférieur à la moyenne et normal pour les produits compris dans les classes 29, 30 et 32, et était supérieur à la moyenne pour les produits compris dans la classe 5 et que, pour l’examen de la marque demandée, il convenait de se fonder sur la partie anglophone du public pertinent, dès lors que l’élément verbal de la marque demandée se composait de mots anglais. À cet égard, il doit être entendu que le consommateur moyen de tels produits est le grand public [voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2018, Devin/EUIPO – Haskovo (DEVIN) (T‑122/17, EU:T:2018:719), point 30].

38      Ces appréciations de la chambre de recours ne sont pas contestées par la requérante.

39      Ensuite, il y a lieu de constater que la marque demandée est une marque complexe composée d’un élément verbal, qui comprend les deux termes anglais « eggy » et « food », positionnés sur deux niveaux séparés, qui sont en partie entourés par un élément figuratif représentant une forme ovale ouverte sur le côté droit.

40      S’agissant de l’élément verbal de la marque demandée, la chambre de recours a relevé que celui-ci était composée de l’élément « eggy », qui faisait référence aux œufs, et de l’élément « food », qui signifiait « aliment ». Elle a estimé à juste titre que, pris ensemble, ces éléments avaient le sens de « aliments contenant des œufs » et qu’ils seraient compris en ce sens par les consommateurs anglophones au sein de l’Union.

41      En l’espèce, les produits en cause sont, notamment, des compléments alimentaires et divers aliments. L’élément verbal de la marque demandée, qui fait référence aux aliments contenant des œufs, informe immédiatement les consommateurs sur le fait que les produits en cause sont susceptibles de contenir des œufs. Cet élément est donc descriptif de la nature des produits en cause.

42      La requérante ne conteste pas l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle l’élément verbal de la marque demandée peut être compris par le public pertinent dans le sens de « aliments contenant des œufs ». Toutefois, elle reproche à la chambre de recours de ne pas avoir dûment tenu compte d’autres significations de l’élément verbal, en les écartant comme irréalistes et absurdes. À cet égard, la requérante soutient que le terme « eggy » a de nombreuses significations dans le langage familier anglais, telles que « quelque chose [qui] te contrarie » ou « une personne que tu trouves un peu étrange », et nécessiterait donc un effort d’interprétation pour les consommateurs anglophones. En outre, la partie du public pertinent qui ne maîtrise pas l’anglais pourrait percevoir l’élément « eggy » plutôt comme un nom propre. La requérante ajoute qu’une partie décisive du public lira l’élément verbal de la marque demandée comme étant « ceggy food » et que le terme « ceggy » n’a aucune signification en lien avec les produits en cause.

43      À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’un signe doit se voir opposer un refus d’enregistrement, en application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, si, en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits ou des services concernés (arrêt du 12 février 2004, Campina Melkunie, C‑265/00, EU:C:2004:87, point 38 et jurisprudence citée).

44      Or, la chambre de recours a considéré à bon droit que l’élément verbal de la marque demandée pouvait être compris par le public pertinent dans le sens de « aliments contenant des œufs » et que, dans cette interprétation, il désignait une caractéristique des produits en cause, à savoir qu’ils étaient susceptibles de contenir des œufs, caractéristique qui n’est au demeurant pas contestée par la requérante.

45      Dans ces conditions, le fait que l’élément verbal de la marque demandée puisse avoir plusieurs significations autres que celle retenue en l’espèce par la chambre de recours ou qu’une partie du public pertinent puisse le lire comme étant «  ceggy food » ne saurait remettre en question les conclusions de la chambre de recours relatives au caractère descriptif de l’élément verbal de la marque demandée.

46      S’agissant de l’élément figuratif de la marque demandée, la chambre de recours a considéré à juste titre qu’au moins une partie importante du public pertinent interpréterait ledit élément comme la représentation d’un œuf ou comme une référence à un œuf, de sorte que cet élément renforçait ou expliquait visuellement la signification de l’élément verbal de ladite marque, à savoir « aliments contenant des œufs ».

47      À cet égard, tout d’abord, il y a lieu d’écarter l’argument de la requérante selon lequel des éléments essentiels manquent pour pouvoir reconnaître un œuf dans l’élément figuratif de la marque demandée. Ainsi que l’EUIPO le fait valoir à juste titre, au regard des produits en cause, la perception de l’élément figuratif en tant qu’allusion à un œuf constitue la perception la plus pertinente, réaliste et probable de cet élément.

48      Ensuite, à l’inverse de ce qu’affirme la requérante, il ne s’agit pas d’une représentation inhabituelle d’un œuf caractérisée par une ambiguïté intrinsèque apportant une plus-value créative. À l’instar de la chambre de recours, il convient de constater que la configuration de l’élément figuratif de la marque demandée n’est pas originale ou frappante et que, en raison de sa simplicité, elle ne laisse pas aux consommateurs une impression persistante qu’ils pourraient garder à l’esprit.  Partant, il y a lieu d’écarter l’argument tiré des enregistrements antérieurs invoqués par la requérante portant sur des signes dont les éléments figuratifs apporteraient une plus-value créative bien que leur élément verbal soit purement descriptif des produits ou des services visés.

49      Enfin, quant à l’argument de la requérante selon lequel le public pertinent pourrait retenir d’autres interprétations de l’élément figuratif de la marque demandée, telles qu’une lettre majuscule « C », un crochet ou un rond approximatif, il convient de rappeler que l’appréciation du caractère descriptif d’un signe ne peut être opérée que par rapport aux produits ou aux services concernés et par rapport à la compréhension qu’a le public pertinent du signe en cause. En l’espèce, il résulte du point  46 ci-dessus, que, au moins une partie importante du public pertinent interprétera cet élément comme la représentation d’un œuf ou comme une référence à un œuf, compte tenu de la marque demandée considérée dans son ensemble et des produits en cause. En revanche, les autres interprétations dudit élément invoquées par la requérante n’ont aucune signification en rapport avec les produits en cause.

50      Plus particulièrement, s’agissant de la possibilité invoquée par la requérante que le public pertinent puisse interpréter l’élément figuratif de la marque demandée comme étant la lettre majuscule « C », il convient d’ajouter, à l’instar de la chambre de recours, qu’une telle interprétation est peu probable eu égard à la différence, en termes de taille et de police d’écriture, par rapport à l’élément verbal « eggy food ». À cet égard, la requérante invoque certaines marques dont l’élément verbal comporte une lettre initiale configurée différemment des autres lettres. Toutefois, force est de constater que, dans ces marques, la lettre initiale, le cas échéant stylisée, fait partie de l’élément verbal tel qu’enregistré, contrairement à ce qui est le cas en l’espèce.

51      Par ailleurs, il convient d’écarter l’argument de la requérante selon lequel il ressortirait de l’ordonnance du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne) du 18 décembre 1968 dans l’affaire I ZB 3/68 (GRUR 1969, 345) ainsi que de l’ordonnance du Bundespatentgericht (Cour fédérale des brevets, Allemagne) du 22 septembre 2004 dans l’affaire 32 W (pat) 106/02 que les ovales peuvent être aptes en soi à l’enregistrement en tant que marque, ce qui vaudrait également pour l’élément figuratif combiné avec l’élément verbal de la marque demandée.

52      À cet égard, il suffit de rappeler que le régime des marques de l’Union européenne est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national et la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO devant être appréciée uniquement sur le fondement du règlement 2017/1001, tel qu’il est interprété par le juge de l’Union (voir arrêt du 17 juillet 2008, L & D/OHMI, C‑488/06 P, EU:C:2008:420, point 58 et jurisprudence citée). Dès lors, l’EUIPO et, le cas échéant, le juge de l’Union ne sont pas liés par une décision intervenue au niveau d’un État membre admettant le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque nationale [arrêt du 27 février 2002, Streamserve/OHMI (STREAMSERVE), T‑106/00, EU:T:2002:43, point 47].

53      Dans ces conditions, il convient de constater que l’élément figuratif de la marque demandée, qui renforce la référence sémantique aux produits alimentaires contenant des œufs, ne saurait détourner l’attention du public pertinent du message descriptif transmis par son élément verbal.

54      Partant, la chambre de recours a constaté à juste titre et conformément à la jurisprudence citée au point 35 ci-dessus que la marque demandée présentait un caractère descriptif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 pour les produits en cause.

55      Ces appréciations de la chambre de recours ne sauraient être remises en cause par les autres arguments avancés par la requérante.

56      Premièrement, il convient d’écarter l’argument de la requérante selon lequel l’élément verbal de la marque demandée apporte une part de créativité et qu’il exige un effort d’interprétation. En effet, il résulte de ce qui précède que ladite marque, considérée dans son ensemble, présente, du point de vue du public pertinent, un rapport suffisamment direct et concret avec les produits qu’elle vise, de sorte que la requérante ne saurait utilement soutenir qu’un effort d’interprétation est nécessaire pour percevoir son contenu descriptif.

57      Deuxièmement, s’agissant des enregistrements antérieurs invoqués par la requérante, il convient de rappeler que les décisions que l’EUIPO est conduit à prendre en vertu du règlement 2017/1001 concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne relèvent de l’exercice d’une compétence liée, et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité des décisions des chambres de recours doit être appréciée uniquement sur la base de ce règlement, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non sur la base d’une pratique décisionnelle antérieure à celles-ci (arrêt du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 65).

58      Certes, l’EUIPO est tenu d’exercer ses compétences en conformité avec les principes généraux du droit de l’Union, y compris les principes d’égalité de traitement et de bonne administration. Eu égard à ces deux principes, l’EUIPO doit prendre en considération, dans le cadre de l’instruction d’une demande d’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, les décisions qu’il a déjà adoptées sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur la question de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens, l’application de ces principes devant toutefois être conciliée avec le respect du principe de légalité (voir, en ce sens, arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, point 73 à 75).

59      En l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 54 ci-dessus, la chambre de recours a considéré à bon droit que la marque demandée se heurtait au motif de refus tiré de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, de sorte que la requérante ne saurait utilement invoquer, aux fins d’infirmer cette conclusion, des décisions antérieures de l’EUIPO.

60      Par ailleurs, la chambre de recours a expliqué les raisons pour lesquelles les éléments figuratifs des signes sur lesquels portaient les enregistrements antérieurs invoqués par la requérante et l’élément figuratif de la marque demandée n’étaient pas similaires, à savoir que les premiers étaient systématiquement plus stylisés, plus complexes et plus marquants. En outre, elle a constaté que la requérante n’avait pas exposé en détail dans quelle mesure lesdits signes ressemblaient à la marque demandée. Il ne saurait donc, en tout état de cause, être reproché à la chambre de recours de ne pas s’être interrogée avec une attention particulière sur le point de savoir s’il y avait lieu ou non de décider dans le même sens en l’espèce, conformément à la jurisprudence rappelée au point 58 ci-dessus.

61      Troisièmement, s’agissant de l’arrêt du 15 décembre 2016, Représentation d’une courbe grise et représentation d’une courbe verte (T‑678/15 et T‑679/15, non publié, EU:T:2016:749), invoqué par la requérante, il convient de relever d’emblée que, dans celui-ci, le Tribunal a seulement apprécié le caractère distinctif des marques en cause, et non leur caractère descriptif.

62      En outre, la chambre de recours a considéré, à juste titre, que les marques en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 15 décembre 2016, Représentation d’une courbe grise et représentation d’une courbe verte (T‑678/15 et T‑679/15, non publié, EU:T:2016:749), étaient des marques purement figuratives, contrairement à la marque demandée, qui est une marque complexe. Or, à la différence d’une marque purement figurative, le caractère descriptif d’une marque complexe ne peut être apprécié en tenant compte uniquement de son élément figuratif. En effet, conformément à la jurisprudence citée au point 35 ci-dessus, une marque complexe est descriptive si ses éléments graphiques ne permettent pas de détourner le public pertinent du message descriptif transmis par l’élément verbal. Or, en l’espèce, la chambre de recours a constaté à bon droit que l’élément figuratif de la marque demandée ne permettait pas de détourner le public pertinent du message descriptif transmis par son élément verbal.

63      Dans ces conditions, il convient de rejeter la première branche du premier moyen.

–       Sur la seconde branche du premier moyen, tirée de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001

64      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il suffit qu’un des motifs absolus de refus énumérés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 s’applique pour qu’un signe ne puisse être enregistré comme marque de l’Union européenne (voir arrêt du 3 octobre 2019, LEGALCAREERS, T‑686/18, non publié, EU:T:2019:722, point 52 et jurisprudence citée).

65      En l’espèce, il a déjà été constaté que la chambre de recours a décidé à bon droit, dans la décision attaquée, que la marque demandée était descriptive au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001.

66      Dans ces conditions, la seconde branche du premier moyen, tirée de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, ne saurait être utilement soulevée et, partant, doit être écartée.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 2, du règlement 2017/1001

67      La requérante relève que la chambre de recours a fondé la décision attaquée sur la perception de la marque demandée par la partie anglophone du public pertinent. Or, pour celle‑ci, il n’existerait pas de motif de refus, ainsi qu’il résulterait des arguments développés dans le cadre du premier moyen. Il en découlerait que la décision attaquée viole l’article 7, paragraphe 2, du règlement 2017/1001.

68      Il convient de rappeler qu’il résulte de l’article 7, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 que l’enregistrement d’un signe doit être refusé lorsqu’il a un caractère descriptif ou qu’il ne présente pas un caractère distinctif dans la langue d’un État membre, bien qu’il soit susceptible de faire l’objet d’un enregistrement dans un autre État membre (arrêt du 19 septembre 2002, DKV/OHMI, C‑104/00 P, EU:C:2002:506, point 40).

69      En l’espèce, il résulte de l’examen du premier moyen que la chambre de recours a considéré, à juste titre, que la marque demandée présentait un caractère descriptif pour le public anglophone de l’Union. Partant, c’est en conformité avec l’article 7, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 que la chambre de recours a refusé l’enregistrement de cette marque.

70      Dans ces conditions, il convient d’écarter le second moyen et, partant, de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

71      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

72      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Eggy Food GmbH & Co. KG est condamnée aux dépens.

Costeira

Kancheva

Perišin

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 janvier 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.