Language of document : ECLI:EU:T:2021:57

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

3 février 2021 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises au regard de la situation en République démocratique du Congo – Gel des fonds – Maintien du nom du requérant sur les listes des personnes visées – Obligation de motivation – Droit d’être entendu – Preuve du bien-fondé de l’inscription et du maintien sur les listes – Erreur manifeste d’appréciation – Perpétuation des circonstances de fait et de droit ayant présidé à l’adoption des mesures restrictives – Droit au respect de la vie privée et familiale – Présomption d’innocence – Proportionnalité – Exception d’illégalité »

Dans l’affaire T‑118/19,

Gabriel Amisi Kumba, demeurant à Kinshasa (République démocratique du Congo), représenté par Mes T. Bontinck, P. De Wolf, A. Guillerme et T. Payan, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. J.-P. Hix, Mmes H. Marcos Fraile, S. Van Overmeire et M.-C. Cadilhac, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation, d’une part, de la décision (PESC) 2018/1940 du Conseil, du 10 décembre 2018, modifiant la décision 2010/788/PESC concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de la République démocratique du Congo (JO 2018, L 314, p. 47), et, d’autre part, du règlement d’exécution (UE) 2018/1931 du Conseil, du 10 décembre 2018, mettant en œuvre l’article 9 du règlement (CE) no 1183/2005 instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre des personnes agissant en violation de l’embargo sur les armes imposé à la République démocratique du Congo (JO 2018, L 314, p. 1), en ce que ces actes concernent le requérant,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. R. da Silva Passos (rapporteur), président, Mme I. Reine et M. L. Truchot, juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 29 juin 2020,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

A.      Requérant et contexte des mesures restrictives

1        Le requérant, M. Gabriel Amisi Kumba, est un ressortissant de la République démocratique du Congo, ayant occupé, au sein des forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), les fonctions de commandant de la première zone de défense, puis de chef d’état-major adjoint chargé du renseignement.

2        La présente affaire s’inscrit dans le cadre des mesures restrictives imposées par le Conseil de l’Union européenne en vue de l’instauration d’une paix durable en République démocratique du Congo et de l’exercice de pressions sur les personnes et entités agissant en violation de l’embargo sur les armes imposé à cet État.

B.      Mesures adoptées par l’Union de manière autonome

3        Le 18 juillet 2005, le Conseil a adopté, sur le fondement des articles 60, 301 et 308 CE, le règlement (CE) no 1183/2005, instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre des personnes agissant en violation de l’embargo sur les armes imposé à la République démocratique du Congo (JO 2005, L 193, p. 1).

4        Le 14 mai 2008, le Conseil a adopté la position commune 2008/369/PESC, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de la République démocratique du Congo et abrogeant la position commune 2005/440/PESC (JO 2008, L 127, p. 84).

5        Le 20 décembre 2010, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision 2010/788/PESC, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de la République démocratique du Congo et abrogeant la position commune 2008/369 (JO 2010, L 336, p. 30).

6        Le 17 octobre 2016, le Conseil a adopté des conclusions aux termes desquelles il a, tout d’abord, fait part de la profonde préoccupation de l’Union européenne en raison de la situation en République démocratique du Congo, aggravée par les « actes d’extrême violence qui [avaie]nt eu lieu les 19 et 20 septembre 2016, en particulier à Kinshasa » (République démocratique du Congo), de tels actes « [ayant] encore aggravé la situation d’impasse dans laquelle se trouv[ait] la [République démocratique du Congo] du fait de la non-convocation dans les délais constitutionnels du corps électoral en vue de l’organisation de l’élection présidentielle » et rappelé « la responsabilité première des autorités de la [République démocratique du Congo] dans l’organisation des élections ». Ensuite, le Conseil a indiqué que, afin d’assurer un climat propice à la tenue du dialogue et des élections, le gouvernement de la République démocratique du Congo devait prendre l’engagement clair de veiller au respect des droits de l’homme et de l’État de droit et de cesser toute instrumentalisation de la justice. En outre, il a indiqué que l’Union appelait à la libération de tous les prisonniers politiques et à la cessation des poursuites judiciaires politiquement motivées contre l’opposition et la société civile ainsi qu’à la réhabilitation des personnes victimes de jugements politiques, avant de préciser que l’interdiction des manifestations pacifiques, l’intimidation et le harcèlement à l’encontre de l’opposition, de la société civile et des médias ne permettaient pas de préparer une transition paisible et démocratique. Enfin, le Conseil a fait savoir que « l’[Union] utiliser[ait] tous les moyens à sa disposition, y compris le recours à des mesures restrictives individuelles contre ceux qui [étaie]nt responsables de graves violations des droits de l’homme, incit[ai]ent à la violence ou qui [auraient fait] obstacle à une sortie de crise consensuelle, pacifique et respectueuse de l’aspiration du peuple congolais à élire ses représentants ».

7        Le 12 décembre 2016, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision (PESC) 2016/2231, modifiant la décision 2010/788 (JO 2016, L 336 I, p. 7).

8        À la même date, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 215 TFUE, le règlement (UE) 2016/2230, modifiant le règlement no 1183/2005 (JO 2016, L 336 I, p. 1).

9        Les considérants 2 à 4 de la décision 2016/2231 se lisent comme suit :

« (2) Le 17 octobre 2016, le Conseil a adopté des conclusions faisant état d’une profonde préoccupation quant à la situation politique en République démocratique du Congo (RDC). En particulier, il y condamnait vivement les actes d’une extrême violence qui ont été commis les 19 et 20 septembre à Kinshasa, indiquant que ces actes ont encore aggravé la situation d’impasse dans laquelle se trouve le pays du fait de la non-convocation des électeurs à l’élection présidentielle dans le délai constitutionnel fixé au 20 décembre 2016.

(3)       Le Conseil a souligné que, afin d’assurer un climat propice à la tenue d’un dialogue et des élections, le gouvernement de la RDC doit clairement s’engager à veiller au respect des droits de l’homme et de l’État de droit et cesser toute instrumentalisation de la justice. Il a également exhorté tous les acteurs à rejeter l’usage de la violence.

(4)       Le Conseil s’est également déclaré prêt à utiliser tous les moyens à sa disposition, y compris le recours à des mesures restrictives contre ceux qui sont responsables de graves violations des droits de l’homme, incitent à la violence ou qui font obstacle à une sortie de crise consensuelle, pacifique et respectueuse de l’aspiration du peuple de la RDC à élire ses représentants. »

10      Le 6 mars 2017, le Conseil a adopté des conclusions dans lesquelles il a fait part, tout d’abord, de la préoccupation de l’Union quant à la situation politique en République démocratique du Congo provoquée par le blocage dans la mise en œuvre d’un accord politique inclusif conclu entre la majorité présidentielle et les partis d’opposition le 31 décembre 2016 (ci-après l’« accord du 31 décembre 2016 »), ainsi que par la situation sécuritaire dans plusieurs régions du pays, soumises à un usage disproportionné de la force. Ensuite, le Conseil a précisé, après avoir condamné les violations graves des droits de l’homme, que la lutte contre l’impunité était l’une des conditions nécessaires pour une transition apaisée et une stabilisation durable du pays. Enfin, le Conseil a indiqué que l’Union déplorait l’émergence de foyers de violence dans les trois provinces du Kasaï et au Kongo Central (République démocratique du Congo) et s’inquiétait des informations faisant état de violations graves des droits de l’homme et du droit humanitaire commises par les milices locales dans le Kasaï, notamment du recrutement et de l’utilisation illicite d’enfants soldats, ainsi que du meurtre de civils par des membres des forces de sécurité de la République démocratique du Congo, qui auraient pu constituer des crimes de guerre au regard du droit international.

11      Le 29 mai 2017, le Conseil a adopté, sur le fondement notamment de l’article 31, paragraphe 2, TUE et de l’article 6, paragraphe 2, de la décision 2010/788, la décision d’exécution (PESC) 2017/905, mettant en œuvre la décision 2010/788  (JO 2017, L 138 I, p. 6). À la même date, le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) 2017/904, mettant en œuvre l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 1183/2005 (JO 2017, L 138 I, p. 1).

12      Le considérant 2 du règlement d’exécution 2017/904 et de la décision d’exécution 2017/905 se lit comme suit :

« Le 12 décembre 2016, le Conseil a adopté la décision […] 2016/2231 en réponse aux entraves au processus électoral et aux violations des droits de l’homme qui y sont liées en République démocratique du Congo (RDC). Le 6 mars 2017, le Conseil a adopté des conclusions dans lesquelles il s’est déclaré gravement préoccupé par la situation politique en RDC provoquée par le blocage dans la mise en œuvre de l’accord […] du 31 décembre 2016, ainsi que par la situation sécuritaire dans plusieurs régions du pays, où un usage disproportionné de la force a été observé. »

C.      Critères appliqués pour adopter les mesures restrictives à l’encontre de la République démocratique du Congo

13      L’article 3, paragraphe 2, de la décision 2010/788, tel que modifié par la décision 2016/2231, prévoit ce qui suit :

« Les mesures restrictives prévues à l’article 4, paragraphe 1, et à l’article 5, paragraphes 1 et 2, sont instituées à l’encontre des personnes et entités :

a)      faisant obstacle à une sortie de crise consensuelle et pacifique en vue de la tenue d’élections en [République démocratique du Congo], notamment par des actes de violence, de répression ou d’incitation à la violence, ou des actions portant atteinte à l’État de droit ;

b)      contribuant, en les planifiant, en les dirigeant ou en les commettant, à des actes constituant de graves violations des droits de l’homme ou des atteintes à ces droits en [République démocratique du Congo] ;

c)      associées à celles visées [sous] a) et b),

dont la liste figure à l’annexe II. »

14      L’article 4, paragraphe 1, de la décision 2010/788, tel que modifié par la décision 2016/2231, dispose que « [l]es États membres prennent les mesures nécessaires pour empêcher l’entrée ou le passage en transit sur leur territoire des personnes visées à l’article 3 ».

15      Aux termes de l’article 5, paragraphes 1 et 2, de la décision 2010/788, tel que modifié par la décision 2016/2231, il est prévu ce qui suit :

« 1. Sont gelés tous les fonds, autres avoirs financiers et ressources économiques que les personnes ou entités visées à l’article 3 possèdent ou contrôlent directement ou indirectement, ou qui sont détenus par des entités que ces personnes ou entités ou toute personne ou entité agissant pour leur compte ou sur leurs instructions, qui sont visées aux annexes I et II, possèdent ou contrôlent directement ou indirectement.

2. Aucun fonds, autre avoir financier ou ressource économique n’est mis directement ou indirectement à la disposition des personnes ou entités visées au paragraphe 1 ou utilisé à leur profit. »

16      Quant au règlement no 1183/2005, l’article 2 ter, paragraphe 1, de ce dernier, tel que modifié par le règlement 2016/2230, prévoit ce qui suit :

« 1. L’annexe I bis comprend les personnes physiques ou morales, les entités ou les organismes désignés par le Conseil pour l’un des motifs suivants :

a)      faisant obstacle à une sortie de crise consensuelle et pacifique en vue de la tenue d’élections en [République démocratique du Congo], notamment par des actes de violence, de répression ou d’incitation à la violence, ou des actions portant atteinte à l’[É]tat de droit ;

b)      préparant, dirigeant ou commettant des actes constituant de graves violations des droits de l’homme ou des atteintes à ces droits en [République démocratique du Congo] ;

c)      étant associés aux personnes physiques ou morales, entités ou organismes visés [sous] a) et b). »

17      Aux termes de l’article 2 du règlement no 1183/2005, tel que modifié par le règlement 2016/2230, il est prévu ce qui suit :

« 1. Sont gelés tous les fonds et ressources économiques qui appartiennent à une personne physique ou morale, à une entité ou à un organisme figurant sur la liste de l’annexe I ou de l’annexe I bis, qui sont en leur possession ou qui sont détenus ou contrôlés par ceux-ci, directement ou indirectement, y compris par un tiers agissant pour leur compte ou sur leurs instructions.

2. Aucun fonds ou ressource économique n’est mis directement ou indirectement à la disposition des personnes physiques ou morales, entités ou organismes figurant sur la liste de l’annexe I ou de l’annexe I bis ni utilisé à leur profit. »

D.      Durée initiale de l’application des mesures restrictives

18      Selon l’article 9, paragraphe 2, de la décision 2010/788, tel que modifié par la décision 2016/2231, « [l]es mesures visées à l’article 3, paragraphe 2, s’appliquent jusqu’au 12 décembre 2017 » et « [e]lles sont prorogées, ou modifiées le cas échéant, si le Conseil estime que leurs objectifs n’ont pas été atteints ».

E.      Inscription initiale du nom du requérant sur les listes des personnes visées par les mesures restrictives

19      Par la décision 2016/2231 et par le règlement 2016/2230, le nom du requérant a été inscrit sur les listes des personnes et entités visées par les mesures restrictives qui figurent à l’annexe II de la décision 2010/788 et à l’annexe I bis du règlement no 1183/2005 (ci-après, dénommées ensemble, les « listes litigieuses »).

20      Le Conseil a justifié une telle inscription par les motifs suivants :

« Commandant de la première zone de défense de l’armée congolaise (FARDC) dont les forces ont participé au recours disproportionné à la force et à la répression violente en septembre 2016 à Kinshasa. À ce titre, Gabriel Amisi Kumba a donc contribué, en les planifiant, dirigeant ou commettant, à des actes constituant de graves violations des droits de l’homme en [République démocratique du Congo]. »

21      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 mars 2017, le requérant a introduit un recours, enregistré sous le numéro d’affaire T‑141/17, tendant, en substance, à l’annulation du règlement 2016/2230, pour autant que cet acte le concernait. L’affaire T‑141/17 a été rayée du registre du Tribunal par ordonnance du 7 décembre 2018, Amisi Kumba/Conseil (T-141/17, non publiée, EU:T:2018:989), à la suite du désistement du requérant.

F.      Première prorogation des mesures restrictives imposées au requérant

22      Par la décision (PESC) 2017/2282, du 11 décembre 2017, modifiant la décision 2010/788 (JO 2017, L 328, p. 19), les mesures restrictives appliquées au requérant ont été maintenues, avec les mêmes motifs, jusqu’au 12 décembre 2018.

23      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 mars 2018, le requérant a introduit un recours, enregistré sous le numéro d’affaire T‑163/18, contre la décision 2017/2282, pour autant que cette décision le concernait. Ce recours a été rejeté par arrêt du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil (T‑163/18, EU:T:2020:57).

G.      Réexamen

24      Le 21 février et les 28 et 29 mars 2018, le requérant a écrit au Conseil afin que ce dernier procède au réexamen des mesures restrictives en cause, organise la tenue d’une audition et lui communique des pièces du dossier.

25      Le 28 mai 2018, le Conseil a adressé au requérant un courrier portant rejet de sa demande de réexamen, rédigé dans les termes suivants :

« [L]e Conseil souhaite rappeler que les sanctions individuelles imposées en décembre 2016 et mai 2017 répondent au blocage dans la mise en œuvre de l’accord […] du 31 décembre 2016 et à la situation sécuritaire dans plusieurs régions du pays, où des violations des droits de l’homme par les forces gouvernementales ont été observées. Il est patent que de telles circonstances perdurent comme récemment rappelé et détaillé dans le dernier rapport du Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’homme de mars 2018. »

26      Par ce même courrier, le Conseil a également rejeté les demandes d’audition formulées par le requérant et, en annexe, lui a transmis les éléments du dossier le concernant.

27      Par courrier du 27 juillet 2018, le Conseil a transmis un autre document au requérant.

28      Les 29 et 30 septembre 2018, le requérant a écrit au Conseil en vue de lui soumettre une nouvelle demande de réexamen. À cet égard, il a indiqué avoir présenté de « nouveaux éléments substantiels » relatifs, pour l’essentiel, à la tenue d’une élection présidentielle le 23 décembre 2018 à la suite de la décision prise par le président de la République M. Kabila, le 8 août 2018, de respecter la Constitution et l’accord politique du 31 décembre 2016 en ne briguant pas un nouveau mandat et en désignant un candidat à l’élection présidentielle. Dans ces mêmes courriers, le requérant a également présenté des arguments tendant à remettre en cause le bien-fondé des éléments retenus par le Conseil contre lui.

29      Le 31 octobre 2018, le Conseil a fait savoir au requérant qu’il disposait de « nouveaux éléments relatifs à [s]a désignation » et lui a communiqué deux documents de travail portant les références « WK 12786/2018 INIT » et « WK 9565/2018 INIT ».

30      Dans ce même courrier, le Conseil a informé le requérant de son intention de mettre à jour les motifs de l’inscription de son nom sur les listes litigieuses en y ajoutant une référence aux fonctions de chef d’état-major adjoint des FARDC, chargé du renseignement, occupées par le requérant depuis le mois de juillet 2018.

31      Le 2 novembre 2018, le requérant a reproché au Conseil de ne pas avoir répondu à ses demandes de réexamen présentées en septembre 2018, tout en lui ayant adressé des éléments nouveaux le 31 octobre 2018. Il a également souligné la nécessité pour lui d’être auditionné par le Conseil.

32      Le 15 novembre 2018, le requérant a présenté ses observations sur les éléments communiqués par le Conseil le 31 octobre 2018, en soulignant, d’une part, qu’un délai très court lui avait été laissé pour ce faire et, d’autre part, que lesdits éléments ne comportaient aucun effort d’individualisation en ce qu’ils étaient identiques à ceux adressés aux autres personnes visées par les mesures restrictives en cause et ayant présenté une demande de réexamen.

H.      Deuxième prorogation des mesures restrictives imposées au requérant

33      Le 10 décembre 2018, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2018/1940 modifiant la décision 2010/788 (JO 2018, L 314, p. 47), et le règlement d’exécution (UE) 2018/1931 mettant en œuvre l’article 9 du règlement no 1183/2005 (JO 2018, L 314, p. 1, ci-après, dénommés ensemble, les « actes attaqués »). Par ces actes, l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses a été maintenue.

34      À cet égard, l’article 1er de la décision 2018/1940 a remplacé le texte de l’article 9, paragraphe 2, première phrase, de la décision 2010/788 par le texte suivant :

« Les mesures restrictives visées à l’article 3, paragraphe 2, s’appliquent jusqu’au 12 décembre 2019. »

35      En outre, en annexe aux actes attaqués, les motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses ont été mis à jour comme suit :

« Ancien commandant de la première zone de défense de l’armée congolaise (FARDC), dont les forces ont participé au recours disproportionné à la force et à la répression violente en septembre 2016 à Kinshasa. À ce titre, Gabriel Amisi Kumba a donc contribué, en les planifiant, dirigeant ou commettant, à des actes constituant de graves violations des droits de l’homme en [République démocratique du Congo]. En juillet 2018, Gabriel Amisi Kumba a été nommé chef d’état-major adjoint des forces armées congolaises (FARDC) chargé des opérations et du renseignement. »

36      Par courrier du 11 décembre 2018, le Conseil a notifié au requérant la décision 2018/1940, en rappelant que les situations de violation des droits de l’homme et de blocage de la mise en œuvre de l’accord du 31 décembre 2016 perduraient. Dans ce même courrier, le Conseil a précisé que la situation du requérant, au moment de l’adoption des actes attaqués, justifiait le maintien de son nom sur les listes litigieuses, dans la mesure où « [s]es importantes fonctions […] au sein des FARDC ([c]hef d’[é]tat-major adjoint) le positionn[ai]ent comme un acteur clé des politiques sécuritaires menées en [République démocratique du Congo] et des violations des droits de l’homme qui en résult[ai]ent. »

37      En complément du courrier du 11 décembre 2018 susmentionné, le Conseil a transmis au requérant, le même jour, un document portant la référence « WK 15123/2018 », à savoir une lettre de l’organisation non gouvernementale (ONG) Human Rights Watch du 30 novembre 2018 et son annexe, adressées au haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (ci-après la « lettre de Human Rights Watch du 30 novembre 2018 »). Cette lettre avait été inscrite au dossier du Conseil le 4 décembre 2018.

II.    Procédure et conclusions des parties

38      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 février 2019, le requérant a introduit le présent recours.

39      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure du Tribunal, le juge rapporteur a été affecté à la septième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été réattribuée le 16 octobre 2019.

40      Par décision du 11 février 2020, le président de la septième chambre du Tribunal a décidé de joindre la présente affaire aux affaires T‑103/19, Mende Omalanga/Conseil, T‑110/19, Kazembe Musonda/Conseil, T‑111/19, Boshab/Conseil, T‑112/19, Kibelisa Ngmabasai/Conseil, T‑113/19, Kampete/Conseil, T‑116/19, Kande Mupompa/Conseil, T‑117/19, Kahimbi Kasagwe/Conseil, T‑119/19, Mutondo/Conseil, T‑120/19, Numbi/Conseil, T‑121/19, Ruhorimbere/Conseil, T‑122/19, Ramazani Shadary/Conseil, T‑123/19, Kanyama/Conseil et T‑124/19, Luyoyo/Conseil, aux fins de la phase orale de la procédure.

41      Le 20 février 2020, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, le Tribunal a posé des questions écrites aux parties. Les parties ont déféré à cette demande dans le délai imparti.

42      L’audience de plaidoiries initialement prévue le 31 mars 2020 ayant été reportée, les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 29 juin 2020.

43      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les actes attaqués, pour autant que ces actes le concernent ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

44      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        à titre subsidiaire, en cas d’annulation des actes attaqués, maintenir les effets de la décision 2018/1940 « jusqu’à la prise d’effet de l’annulation partielle du règlement d’exécution 2018/1931 » ;

–        condamner le requérant aux dépens.

III. En droit

45      À l’appui de ses conclusions en annulation des actes attaqués, le requérant soulève quatre moyens, tirés, le premier, d’une violation des droits de la défense, le deuxième, d’une « erreur manifeste d’appréciation », le troisième, d’une violation du principe de proportionnalité, du droit au respect de la vie privée et familiale ainsi que du principe de présomption d’innocence et, le quatrième, de l’illégalité de l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la décision 2010/788 et de l’article 2 ter, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1183/2005.

A.      Sur le premier moyen, tiré d’une violation des droits de la défense

46      Le premier moyen se décompose en deux branches, tirées, respectivement, la première, d’une violation de l’obligation de motivation et du droit à une protection juridictionnelle effective et, la seconde, d’une violation du droit d’être entendu.

1.      Sur la prétendue violation de l’obligation de motivation et du droit à une protection juridictionnelle effective

47      Dans la première branche du premier moyen, le requérant fait valoir que le Conseil a violé l’obligation de motivation d’un acte faisant grief prévue, en général, à l’article 296 TFUE et, en particulier, à l’article 7, paragraphe 2, de la décision 2010/788 et à l’article 9, paragraphe 3, du règlement no 1183/2005. Le requérant en déduit que le contrôle juridictionnel de la légalité des actes attaqués ne peut pas être effectué, de sorte que son droit à une protection juridictionnelle effective a été méconnu.

48      En particulier, le requérant soutient n’avoir pas été en mesure de comprendre les faits que le Conseil a retenus pour maintenir l’inscription de son nom sur les listes litigieuses. À cet égard, il souligne que, bien que le Conseil lui ait transmis un « certain nombre d’annexes », les actes attaqués n’évoquent sa situation individuelle que de manière très brève et que leur motivation ne repose sur aucune accusation précise ni aucun fait susceptible de s’apparenter à des raisons individuelles, spécifiques et concrètes de nature à lui donner une indication suffisante de leur bien-fondé. Il s’ensuivrait que le requérant se trouve dans l’obligation d’apporter des preuves négatives de l’inexistence des faits généraux qui lui sont reprochés, entraînant un renversement de la charge de la preuve.

49      Le Conseil conteste l’argumentation du requérant.

50      Tout d’abord, il y a lieu de rappeler que le droit à une protection juridictionnelle effective, affirmé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), exige que l’intéressé puisse connaître les motifs sur lesquels est fondée la décision prise à son égard soit par la lecture de la décision elle-même, soit par une communication de ces motifs faite sur sa demande, sans préjudice du pouvoir du juge compétent d’exiger de l’autorité en cause qu’elle les communique, afin de lui permettre de défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge compétent, ainsi que pour mettre ce dernier pleinement en mesure d’exercer le contrôle de la légalité de la décision en cause (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 100 et jurisprudence citée).

51      Ensuite, il convient de préciser que l’obligation de motiver un acte faisant grief, telle que prévue en général à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE et, en particulier, à l’article 7, paragraphe 2, de la décision 2010/788 et à l’article 9, paragraphe 3, du règlement no 1183/2005 a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte. L’obligation de motivation ainsi édictée constitue un principe essentiel du droit de l’Union auquel il ne saurait être dérogé qu’en raison de considérations impérieuses. Partant, la motivation doit, en principe, être communiquée à l’intéressé en même temps que l’acte lui faisant grief, son absence ne pouvant être régularisée par le fait que l’intéressé prend connaissance des motifs de l’acte au cours de la procédure devant le juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 7 décembre 2011, HTTS/Conseil, T‑562/10, EU:T:2011:716, point 32).

52      En outre, la motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (arrêts du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 54, et du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, EU:T:2009:401, point 82).

53      L’obligation de motivation à laquelle le Conseil est tenu porte ainsi, d’une part, sur l’indication de la base juridique de la mesure adoptée et, d’autre part, sur les circonstances qui permettent de considérer que l’un ou l’autre des critères d’inscription est satisfait dans le cas des intéressés (arrêt du 18 septembre 2014, Central Bank of Iran/Conseil, T‑262/12, non publié, EU:T:2014:777, point 86).

54      Par conséquent, il y a lieu d’examiner si la motivation de l’acte attaqué contient des références explicites au critère d’inscription litigieux et si, le cas échéant, cette motivation peut être regardée comme étant suffisante pour permettre à la partie requérante de vérifier le bien-fondé de l’acte attaqué, de se défendre devant le Tribunal et à ce dernier d’exercer son contrôle (voir, en ce sens, arrêt du 18 septembre 2014, Central Bank of Iran/Conseil, T‑262/12, non publié, EU:T:2014:777, point 88).

55      Par ailleurs, la motivation d’un acte du Conseil imposant une mesure restrictive ne doit pas seulement identifier la base juridique de cette mesure, mais également les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le Conseil considère, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, que l’intéressé doit faire l’objet d’une telle mesure (arrêts du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 52, et du 25 mars 2015, Central Bank of Iran/Conseil, T‑563/12, EU:T:2015:187, point 55).

56      Enfin, lorsque des observations sont formulées par la personne concernée au sujet de l’exposé des motifs, l’autorité compétente de l’Union a l’obligation d’examiner, avec soin et impartialité, le bien-fondé des motifs allégués, à la lumière de ces observations et des éventuels éléments à décharge joints à celles-ci (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 114). Sans aller jusqu’à imposer de répondre de manière détaillée aux observations soulevées par la personne concernée, l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE implique en toutes circonstances que l’institution en cause identifie les raisons individuelles, spécifiques et concrètes pour lesquelles il est considéré que la personne concernée doit faire l’objet de mesures restrictives (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 116).

57      En l’espèce, il convient de rappeler que l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la décision 2010/788 et l’article 2 ter, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1183/2005 établissent que les listes litigieuses comprennent les personnes et entités qui ont été regardées par le Conseil comme « contribuant, en les planifiant, en les dirigeant ou en les commettant, à des actes constituant de graves violations des droits de l’homme ou des atteintes à ces droits en [République démocratique du Congo] ».

58      Il convient également de rappeler que la motivation retenue par le Conseil à l’égard du requérant, reproduite au point 35 ci-dessus, vise son ancienne qualité de commandant de la première zone de défense des FARDC et l’implication de ces dernières dans le recours disproportionné à la force et dans la répression violente ayant été ordonnés en septembre 2016 à Kinshasa. Cette motivation est substantiellement la même que celle reproduite au point 20 ci-dessus, qui figurait sur les listes litigieuses à la suite de l’inscription initiale du nom du requérant sur ces listes et de la première prorogation d’une telle inscription.

59      À cet égard, dans l’arrêt du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil (T‑163/18, EU:T:2020:57, points 41 à 45), concernant la première prorogation de l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses, le Tribunal a déjà tranché certaines questions quant à la légalité de ces mêmes motifs. En effet, le Tribunal a jugé que, contrairement à ce qu’avançait le requérant, lesdits motifs étaient suffisamment clairs et précis, dans la mesure où ils lui permettaient de comprendre que le Conseil avait considéré que, étant donné ses fonctions de commandant de la première zone de défense des FARDC, il était impliqué dans les graves violations des droits de l’homme imputées à des militaires desdites forces armées et prétendument commises dans le cadre d’un recours disproportionné à la force et d’une répression violente, en réponse à des manifestations s’étant déroulées à Kinshasa en septembre 2016.

60      Or, en l’espèce, dans le cadre de la première branche du premier moyen, le requérant se limite à avancer, de nouveau, le même grief tiré du caractère insuffisamment clair et précis des motifs retenus par le Conseil à son égard au sein des listes litigieuses, ainsi que les mêmes arguments au soutien de ce grief. Partant, pour les mêmes raisons que celles exposées au point 59 ci-dessus, un tel grief ne saurait prospérer dans le cadre du présent recours.

61      Par ailleurs, si le Conseil a retenu, à l’égard du requérant, des motifs identiques à ceux qui avaient justifié l’inscription initiale de son nom sur les listes litigieuses, ainsi que la première prorogation d’une telle inscription, sans indiquer, dans les actes attaqués, les raisons pour lesquelles de tels motifs demeuraient pertinents à l’issue de la période de réexamen, il convient de constater que lesdits actes, par lesquels l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses a été prorogée pour la deuxième fois, sont intervenus dans un contexte connu du requérant.

62      En particulier, d’une part, les motifs retenus à l’égard du requérant dans les actes attaqués font expressément mention de ce que, en juillet 2018, il est devenu chef d’état-major adjoint des FARDC, chargé du renseignement. D’autre part, dans son courrier adressé au requérant le 11 décembre 2018, portant notification de la décision 2018/1940, le Conseil a expliqué les raisons pour lesquelles il estimait nécessaire de maintenir l’inscription de son nom sur les listes litigieuses, ces raisons tenant à la perpétuation de la situation politique et de la situation des droits de l’homme en République démocratique du Congo, ainsi qu’aux nouvelles fonctions du requérant au sein des FARDC, qui, selon les termes retenus dans ce courrier, « le positionnent comme un acteur clé des politiques sécuritaires menées en [République démocratique du Congo] et des violations des droits de l’homme qui en résultent ». À cet égard, il importe de rappeler que le respect de l’obligation de motivation doit être apprécié en fonction des éléments d’information dont la partie requérante dispose au moment de l’introduction d’un recours (voir arrêt du 28 novembre 2019, Portigon/CRU, T‑365/16, EU:T:2019:824, point 174 et jurisprudence citée).

63      Ainsi, au moment de l’introduction de son recours, le requérant était en mesure de comprendre que, selon le Conseil, la perpétuation de la situation sécuritaire et politique en République démocratique du Congo, ainsi que son maintien dans des fonctions importantes au sein des FARDC, continuaient de justifier l’imposition des mesures restrictives en cause contre lui. D’ailleurs, dans le cadre de la première branche du deuxième moyen, le requérant a présenté des arguments visant à contester le bien-fondé de cette appréciation du Conseil.

64      Dans ces conditions, la motivation des actes attaqués doit être considérée comme étant suffisante pour permettre au requérant d’exercer son droit à une protection juridictionnelle effective en mettant ce dernier en mesure d’en contester la validité et au Tribunal d’exercer son contrôle de légalité. La première branche du premier moyen doit, dès lors, être rejetée.

2.      Sur la prétendue violation du droit d’être entendu

65      Par la seconde branche du premier moyen, le requérant reproche au Conseil de ne pas l’avoir entendu dans le cadre d’une audition avant l’adoption des actes attaqués.

66      À cet égard, le requérant souligne, en prenant appui sur l’arrêt du 11 juillet 2018, Klyuyev/Conseil (T‑240/16, non publié, EU:T:2018:433, point 237), que le Conseil doit procéder à toutes les vérifications nécessaires lorsqu’il est confronté à des interrogations légitimes quant à la fiabilité des informations dont il dispose à l’encontre des personnes concernées. Or, premièrement, les mesures restrictives en cause se fonderaient sur des rapports et des articles dont le « crédit » ou l’« impartialité » poseraient question, étant donné qu’il n’a pas été entendu par les auteurs de ces rapports. Deuxièmement, les observations présentées par le requérant dans le cadre des différentes procédures de réexamen ainsi que les preuves apportées au soutien du présent recours mettraient en doute le bien-fondé des mesures restrictives. Troisièmement, le Conseil aurait eu connaissance d’éléments nouveaux, liés à l’existence d’un calendrier électoral et au déroulement pacifique de la campagne électorale préalable à cette élection, dont la tenue était prévue peu de temps après l’adoption des actes attaqués.

67      Dans la réplique, le requérant reproche au Conseil de lui avoir transmis la lettre de Human Rights Watch du 30 novembre 2018, concomitamment avec la notification de la décision 2018/1940 et non préalablement à l’adoption des actes attaqués.

68      Le Conseil conteste l’argumentation du requérant.

a)      Considérations liminaires

69      Le respect des droits de la défense est consacré à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 99 et jurisprudence citée). Aux termes de cette disposition, toute personne a le droit d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard.

70      Selon la jurisprudence, dans le cadre d’une procédure portant sur l’adoption de la décision d’inscrire ou de maintenir le nom d’une personne sur une liste figurant à l’annexe d’un acte portant mesures restrictives, le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective exige que l’autorité compétente de l’Union communique à la personne concernée les éléments dont elle dispose à l’encontre de ladite personne pour fonder sa décision, afin que cette personne puisse défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge de l’Union. En outre, lors de cette communication, l’autorité compétente de l’Union doit permettre à cette personne de faire connaître utilement son point de vue en ce qui concerne les motifs retenus contre elle (arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 111 et 112, et du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, T‑228/02, EU:T:2006:384, point 93).

71      Dans le cas d’une décision de gel de fonds par laquelle le nom d’une personne ou d’une entité figurant déjà sur la liste des personnes et entités dont les fonds sont gelés est maintenu sur cette liste, l’adoption d’une telle décision doit, en principe, être précédée d’une communication des éléments retenus à charge ainsi que de l’opportunité conférée à la personne ou à l’entité concernée d’être entendue (arrêt du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, EU:C:2011:853, point 62).

72      Le droit d’être entendu préalablement à l’adoption d’actes qui maintiennent le nom d’une personne ou d’une entité sur une liste de personnes ou d’entités visées par des mesures restrictives s’impose lorsque le Conseil a retenu, dans la décision portant maintien de l’inscription de son nom sur cette liste, de nouveaux éléments contre cette personne, à savoir des éléments qui n’étaient pas pris en compte dans la décision initiale d’inscription de son nom sur cette même liste (voir arrêt du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, point 54 et jurisprudence citée).

73      À cet égard, il importe de rappeler que les mesures restrictives ont une nature conservatoire et, par définition, provisoire, dont la validité est toujours subordonnée à la perpétuation des circonstances de fait et de droit ayant présidé à leur adoption ainsi qu’à la nécessité de leur maintien en vue de la réalisation de l’objectif qui leur est associé. C’est ainsi qu’il incombe au Conseil, lors du réexamen périodique de ces mesures restrictives, de procéder à une appréciation actualisée de la situation et d’établir un bilan de l’impact de telles mesures, en vue de déterminer si elles ont permis d’atteindre les objectifs visés par l’inscription initiale des noms des personnes et entités concernées sur la liste litigieuse ou s’il est toujours possible de tirer la même conclusion concernant lesdites personnes et entités (arrêt du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, points 58 et 59).

74      Dans ces conditions, le respect des droits de la défense implique que, avant d’adopter une décision portant renouvellement de mesures restrictives imposées à l’égard d’une personne ou d’une entité, le Conseil, même lorsqu’il ne modifie pas les motifs retenus à l’égard de cette personne ou de cette entité, lui communique les éléments nouveaux par lesquels il a procédé, lors du réexamen périodique des mesures en cause, à une réactualisation des informations qui avaient justifié l’inscription précédente de son nom sur la liste des personnes et entités faisant l’objet de telles mesures restrictives, afin de vérifier si une telle inscription demeurait justifiée (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, point 60 et jurisprudence citée).

75      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner la seconde branche du premier moyen et ses deux griefs pris, d’une part, de l’absence d’audition du requérant par le Conseil et, d’autre part, de l’absence de communication de la lettre de Human Rights Watch du 30 novembre 2018 avant l’adoption des actes attaqués.

b)      Sur l’absence d’audition du requérant

76      À titre liminaire, il convient de souligner que ni les dispositions pertinentes de la décision 2010/788 et du règlement no 1183/2005 ni le principe général du respect des droits de la défense ne confèrent aux intéressés le droit à une audition formelle, la possibilité de présenter ses observations par écrit étant suffisante (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, point 75 et jurisprudence citée).

77      En substance, le requérant fait valoir que le Conseil aurait été tenu de lui offrir la possibilité d’être entendu dans le cadre d’une audition formelle, étant donné que les mesures restrictives en cause reposeraient sur des rapports et des articles qui ne seraient ni crédibles ni impartiaux, que ces mesures seraient mises en doute par ses observations et qu’elles ne seraient plus justifiées compte tenu de l’évolution des circonstances en République démocratique du Congo.

78      En premier lieu, il ressort des termes mêmes de la requête que les « rapports et articles » mis en cause par le requérant lui ont été communiqués par le Conseil le 28 mai et le 31 octobre 2018. Aussi le requérant a-t-il été mis en mesure de présenter au Conseil ses doutes sur la force probante de tels documents avant l’adoption des actes attaqués.

79      La circonstance que le requérant n’a pas été entendu par les auteurs des rapports du Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’homme (BCNUDH) ou d’ONG n’est pas davantage pertinente pour l’appréciation du respect de ses droits de la défense par le Conseil. À cet égard, si le fait que la personne concernée ait été entendue dans le cadre de l’élaboration d’un document peut renforcer sa force probante, il ne s’agit nullement d’une condition pour que le Conseil puisse prendre en compte ledit document au soutien de l’imposition de mesures restrictives.

80      En second lieu, quant au fait que le Conseil aurait dû auditionner le requérant étant donné les observations qu’il a présentées dans le cadre de la procédure de réexamen, force est de constater que la présentation de telles observations permet de considérer que le droit d’être entendu du requérant a bien été garanti. Il en va de même s’agissant des éléments qui témoignent, selon le requérant, d’un changement de contexte en République démocratique du Congo, dès lors que ces éléments ont été présentés par le requérant lui-même dans les différents courriers qu’il a adressés au Conseil en septembre et en novembre 2018.

81      Le présent grief doit donc être rejeté.

c)      Sur l’absence de communication en temps utile de la lettre de Human Rights Watch du 30 novembre 2018

82      Selon le requérant, la lettre de Human Rights Watch du 30 novembre 2018 constitue un élément nouveau sur lequel le Conseil était tenu de recueillir ses observations avant l’adoption des actes attaqués. En particulier, le requérant souligne qu’une telle lettre était importante dans la mesure où la crédibilité des élections présidentielles, prévues le 23 décembre 2018, était mise en doute à une date rapprochée de celles-ci.

83      Ainsi qu’il a été rappelé au point 74 ci-dessus, même lorsqu’il décide de proroger l’imposition de mesures restrictives à l’égard d’une personne sans modifier les motifs retenus contre lui, le Conseil n’est pas exonéré de communiquer à cette personne, en temps utile avant l’adoption de la décision portant prorogation de ces mesures, les éléments nouveaux en vertu desquels il considère que lesdites mesures restrictives demeurent justifiées au terme de son réexamen.

84      En l’espèce, il importe de constater que la lettre de Human Rights Watch du 30 novembre 2018 a été adressée par cette ONG au Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité en vue d’attirer l’attention de ce dernier sur la nécessité de renouveler les mesures restrictives à l’encontre des personnes inscrites sur les listes litigieuses. En ce sens, Human Rights Watch y a souligné que le régime au pouvoir continuait d’exercer une violente répression sur la population, que les conditions pour la tenue d’élections crédibles n’étaient pas réunies et que les personnes visées par les mesures restrictives en cause n’avaient pas rendu de comptes quant aux violations des droits de l’homme pour lesquelles leurs noms avaient déjà été inscrits sur les listes litigieuses. En annexe à cette lettre, Human Rights Watch a indiqué les fonctions occupées par différentes personnes visées par les mesures restrictives en cause, dont le requérant, ainsi qu’une description des violations des droits de l’homme dans lesquelles ces personnes auraient été impliquées.

85      Or, il convient de constater que de tels éléments ne font que corroborer l’appréciation actualisée de la situation en République démocratique du Congo par le Conseil, que ce dernier avait déjà communiquée au requérant avant l’adoption des actes attaqués.

86      En effet, premièrement, dans son courrier du 28 mai 2018, le Conseil a rejeté la demande de réexamen soumise par le requérant étant donné que la situation de blocage politique et de violation des droits de l’homme perdurait en République démocratique du Congo, ainsi que cela ressortait du rapport du BCNUDH du mois de mars 2018. Le Conseil a également souligné que les fonctions du requérant « au sein de la première zone de défense des FARDC établiss[ai]ent le fait qu’il rest[ait] un acteur clé des politiques sécuritaires menées en [République démocratique du Congo] ».

87      Deuxièmement, dans son courrier du 31 octobre 2018, le Conseil a indiqué au requérant qu’il comptait mettre à jour l’exposé des motifs retenus contre lui afin de tenir compte de ses nouvelles fonctions de chef d’état-major adjoint des FARDC chargé du renseignement. À cet égard, en annexe à ce courrier, le Conseil a transmis au requérant un document de travail du 14 août 2018, portant la référence « WK 9565/2018 INIT » et comprenant différents articles relatifs aux nouvelles fonctions du requérant.

88      Troisièmement, toujours en annexe à son courrier du 31 octobre 2018, le Conseil a communiqué au requérant un document de travail du 24 octobre 2018, portant la référence « WK 12786/2018 INIT » et comprenant, notamment, les documents suivants :

–        une déclaration publique de l’ONG Amnesty International du 18 mai 2018 intitulée « [République démocratique du Congo]. Un espace civique toujours réprimé malgré le discours officiel » ;

–        un article du site en ligne du magazine Jeune Afrique relatif à l’interdiction d’un rassemblement de l’opposition le 12 octobre 2018 à Lubumbashi (République démocratique du Congo) ;

–        un article du site en ligne de Radio France Internationale  (RFI) du 20 juillet 2018, intitulé « [République démocratique du Congo] : ONU et [Union africaine] appellent à nouveau au respect de l’accord de la Saint-Sylvestre », et faisant état de doutes d’observateurs internationaux sur la possibilité d’un scrutin présidentiel régulier ;

–        deux notes du BCNUDH faisant état de violations des droits de l’homme imputables à des agents de l’État et commises entre janvier et juillet 2018 ;

–        des extraits de deux articles publiés sur le site en ligne de Human Rights Watch, l’un du 29 juin 2018, intitulé « [République démocratique du] Congo : la répression perdure tandis que la date limite fixée pour les élections approche », et l’autre du 28 août 2018, intitulé « [République démocratique du] Congo : L’opposition fait l’objet d’attaques » ;

–        une liste de prisonniers politiques établie par Human Rights Watch le 28 juin 2018 ;

–        un article publié sur le site en ligne du magazine Jeune Afrique le 2 mai 2018 et faisant état de la détention d’un activiste des droits de l’homme pendant quatre mois par l’Agence nationale de renseignement (ANR).

89      Au vu de l’ensemble de ces éléments, il convient de considérer que, avant l’adoption des actes attaqués, le requérant avait été suffisamment informé de la position du Conseil selon laquelle le maintien des mesures restrictives à son égard était envisagé, d’une part, en raison de l’absence de résolution de la situation de blocage politique au cours de la période de réexamen, malgré l’annonce d’élections prévues le 23 décembre 2018, ainsi que du maintien de la répression à l’égard de la population et d’opposants politiques au cours de cette même période et, d’autre part, en raison des fonctions occupées par le requérant au sein des FARDC.

90      Ainsi, indépendamment de la lettre de Human Rights Watch du 30 novembre 2018, le requérant était en mesure de faire valoir ses observations sur l’appréciation actualisée du Conseil relative tant à la situation politique et sécuritaire en République démocratique du Congo qu’à sa situation particulière.

91      Dès lors, si la lettre de Human Rights Watch du 30 novembre 2018 constitue un élément versé au dossier qui devait, de ce fait, faire l’objet d’une communication au requérant dans un délai raisonnable, une telle lettre ne peut être regardée comme un élément nouveau sur lequel le Conseil aurait été tenu de recueillir les observations du requérant, au sens de la jurisprudence rappelée au point 74 ci-dessus.

92      En tout état de cause, dans le cadre du présent litige, le requérant n’a pas présenté d’éléments pertinents permettant de mettre en cause les informations contenues dans la lettre de Human Rights Watch du 30 novembre 2018. En effet, les seuls éléments concrets dont il s’est prévalu à cet égard concernent l’élection d’un nouveau président en République démocratique du Congo et portent donc sur des faits postérieurs à l’adoption des actes attaqués. Partant, à supposer même que le Conseil eût dû communiquer au requérant la lettre de Human Rights Watch du 30 novembre 2018 avant l’adoption des actes attaqués, rien ne permet de considérer que, si tel avait été le cas, la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent.

93      Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le présent grief, présenté par le requérant pour la première fois au stade de la réplique, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur sa recevabilité. En conséquence, la seconde branche du premier moyen et, dès lors, le premier moyen dans son ensemble doivent être écartés.

B.      Sur le deuxième moyen, tiré d’une « erreur manifeste d’appréciation »

94      Le présent moyen se divise en deux branches. Dans une première branche, le requérant conteste le bien-fondé des actes attaqués en ce qu’ils maintiennent l’inscription de son nom sur les listes litigieuses pour des faits qui n’étaient pas contemporains de l’adoption de tels actes. Dans une seconde branche, le requérant conteste le bien-fondé des motifs retenus par le Conseil à son égard en ce que ces motifs seraient uniquement fondés sur ses fonctions et non sur des éléments factuels suffisamment précis et concrets le concernant.

95      Le Tribunal estime opportun d’examiner la seconde branche du deuxième moyen avant d’examiner la première.

1.      Sur le bien-fondé des motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses

96      Le requérant conteste les motifs retenus par le Conseil à son égard et relatifs à son implication, en tant que commandant de la première zone de défense des FARDC, dans le recours disproportionné à la force et dans la répression violente ayant été ordonnés en septembre 2016 à Kinshasa. Premièrement, le requérant n’aurait pu exercer un pouvoir de commandement à Kinshasa en septembre 2016, dans la mesure où il était en mission hors de cette ville à ce moment-là. Deuxièmement, le Conseil ne pourrait le tenir pour responsable de la répression des manifestations, dans la mesure où la sécurisation de ces dernières relève de la compétence de la police nationale congolaise (PNC) et non des FARDC, ainsi qu’en témoignerait l’ordre de service no 138/2016, du 15 septembre 2016, relatif à la coordination de plusieurs corps de la PNC, à l’exclusion des forces armées, le 19 septembre 2016. Troisièmement, le requérant précise que l’article 7 de la loi organique 11/012 prévoit que, en cas d’intervention des FARDC aux côtés de la PNC, la direction des opérations de rétablissement de l’ordre public revient au commandant des unités de la PNC, dont il ne relève pas. Quatrièmement, le requérant ajoute que le Conseil n’a pas établi en quoi un quelconque recours à la force n’était ni légal, ni nécessaire, ni proportionné au regard du contexte interne et des impératifs de sécurité publique en République démocratique du Congo en septembre 2016 et produit, à cet égard, un document daté du 15 octobre 2016 et intitulé « Livre Blanc sur les tueries, les viols, les pillages, les saccages, les incendies et les destructions méchantes perpétrés dans la ville de Kinshasa les 19 et 20 septembre 2016, pendant les manifestations organisées par une partie de l’opposition politique » (ci-après le « livre blanc du 15 octobre 2016 »).

97      Le Conseil conteste l’argumentation du requérant.

98      Selon la jurisprudence, l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte exige notamment que le juge de l’Union s’assure que la décision par laquelle des mesures restrictives ont été adoptées ou maintenues, qui revêt une portée individuelle pour la personne ou l’entité concernée, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur la question de savoir si ces motifs ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme étant suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119).

99      À cet égard, il importe de rappeler que, en l’absence de pouvoirs d’enquête dans des pays tiers, l’appréciation des autorités de l’Union doit, de fait, se fonder sur des sources d’information accessibles au public, des rapports, des articles de presse ou d’autres sources d’information similaires (voir, en ce sens, arrêt du 14 mars 2018, Kim e.a./Conseil et Commission, T‑533/15 et T‑264/16, EU:T:2018:138, point 107). Notamment, il ressort de la jurisprudence que le juge de l’Union peut prendre en considération des rapports d’organisations internationales (voir, en ce sens, arrêt du 18 juin 2015, Ipatau/Conseil, C‑535/14 P, EU:C:2015:407, point 48).

100    L’appréciation du caractère suffisamment solide de la base factuelle retenue par le Conseil doit être effectuée en examinant les éléments de preuve et d’information non de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent. En effet, le Conseil satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe s’il fait état devant le juge de l’Union d’un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir l’existence d’un lien suffisant entre l’entité sujette à une mesure de gel de ses fonds et le régime ou, en général, les situations combattues (voir arrêt du 20 juillet 2017, Badica et Kardiam/Conseil, T‑619/15, EU:T:2017:532, point 99 et jurisprudence citée).

101    À cet égard, il a déjà été jugé que le Conseil n’était pas tenu de démontrer l’implication personnelle d’une personne dans les actes de répression visés par des mesures restrictives, mais qu’il lui était suffisant que le Conseil, du fait des responsabilités importantes exercées par la personne concernée, puisse légitimement considérer que celle-ci faisait partie des responsables de la répression contre la population civile [voir, en ce sens, arrêts du 3 juillet 2014, Alchaar/Conseil, T‑203/12, non publié, EU:T:2014:602, point 141, et du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, point 112 (non publié)].

102    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner la seconde branche du deuxième moyen.

103    En l’espèce, il importe de rappeler que les motifs retenus par le Conseil dans les actes attaqués pour l’inscription du nom du requérant portent sur son implication, en tant que commandant de la première zone de défense des FARDC, dans la répression violente et disproportionnée de manifestations qui se sont déroulées à Kinshasa en septembre 2016.

104    Au soutien de ces motifs, le Conseil prend essentiellement appui sur un rapport préliminaire d’enquête du BCNUDH mis à jour le 7 octobre 2016.

105    À cet égard, premièrement, le rapport préliminaire d’enquête du BCNUDH mis à jour le 7 octobre 2016 fait état de l’utilisation excessive et disproportionnée de la force par des agents de l’État, à l’origine de 422 victimes de violations des droits de l’homme. Deuxièmement, aux termes de ce rapport, « [l]es informations recueillies démontrent que les agents de la [PNC], ainsi que les militaires des [FARDC] et de la Garde républicaine (GR) ont été les principaux auteurs des violations des droits de l’homme documentées par le BCNUDH [;] [c]es violations comprennent notamment des atteintes au droit à la vie par l’usage excessif de la force et la large utilisation d’armes létales lors d’opérations de gestion de foule[, et] [l]es forces de défense et de sécurité ont été utilisées pour encercler les manifestants ». Troisièmement, selon le paragraphe 28 du même rapport, « [a]u moins 48 personnes ont été tuées par des agents étatiques, dont au moins […] 8 par des militaires des FARDC ». Quatrièmement, au paragraphe 35 dudit rapport, il est fait mention de ce que « [l]e BCNUDH a documenté au moins 143 personnes, dont 13 femmes et 11 enfants, blessées au cours des violences des 19, 20 et 21 septembre 2016 », de ce que « [a]u moins 75 personnes, dont 10 femmes et 11 enfants, ont été blessées par des agents étatiques » et de ce que « [l]e BCNUDH a pu identifier avec précision les auteurs de 16 d’entre elles, à savoir 10 par des agents de la PNC et 6 par des militaires ([3] par la GR et [3] par les FARDC) ». Cinquièmement, enfin, il ressort du paragraphe 36 du rapport préliminaire d’enquête du BCNUDH mis à jour le 7 octobre 2016 que deux personnes ont été blessées par balle, dont un enfant, par des militaires des FARDC.

106    Partant, le rapport préliminaire d’enquête du BCNUDH mis à jour le 7 octobre 2016, dont la force probante n’est pas mise en cause par le requérant, suffit à caractériser l’implication des FARDC dans le recours disproportionné à la force et dans la répression violente ayant été ordonnés en septembre 2016 à Kinshasa.

107    À cet égard, le requérant ne saurait faire valoir que de graves violations des droits de l’homme, telles que l’usage de la force létale à l’encontre de civils et de manifestants, présenteraient un caractère légal, nécessaire et proportionné [voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, points 106 et 107 (non publiés)]. Le livre blanc du 15 octobre 2016, produit par le requérant, est sans incidence sur ce constat. En effet, ainsi que le Tribunal l’a jugé dans l’arrêt du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil [T‑163/18, EU:T:2020:57, points 104 et 105 (non publiés)], la valeur probante de ce document doit être considérée comme étant faible dans la mesure où il provient du gouvernement de la République démocratique du Congo et n’est corroboré par aucun autre élément de preuve provenant de sources externes à celui-ci.

108    Il convient, à ce stade, d’examiner si le Conseil pouvait retenir la responsabilité du requérant dans le recours disproportionné à la force et dans la répression violente dans lesquels les FARDC ont été impliquées en septembre 2016 à Kinshasa.

109    À cet égard, premièrement, il convient de relever que le requérant ne conteste pas avoir exercé les fonctions de commandant de la première zone de défense des FARDC en septembre 2016. Le requérant ne conteste pas non plus que cette zone comprend la ville de Kinshasa, cette information ressortant par ailleurs des éléments du dossier sur lesquels s’est appuyé le Conseil, en particulier d’un communiqué exposant des motifs justifiant des sanctions infligées au requérant par le United State Department of the Treasury (département du Trésor des États-Unis d’Amérique) en août 2016.

110    Deuxièmement, l’ordre de service no 138/2016, mentionné au point 96 ci-dessus, est un document interne de la PNC provenant de son commissariat général, aux termes duquel la PNC, « sans préjudice de ses missions ordinaires, [devait assurer] [lors des manifestations prévues pour le 19 septembre 2016] la protection des institutions publiques, des personnes et de leurs biens, en empêchant la mise en exécution de toute forme de menaces projetées ». Cela étant, aucune référence n’y est faite quant au commandement et à la responsabilité de l’intervention d’effectifs des FARDC lors des événements du 19 septembre 2016 à Kinshasa. Contrairement à ce que suggère le requérant, il n’est pas possible de déduire de ce document, relatif aux seules missions de la PNC, que l’intervention ou la présence de la première zone de défense des FARDC, dont il assurait le commandement, aurait été exclue.

111    Troisièmement, quant à l’article 7, paragraphe 1, de la loi organique 11/012, il convient de constater que, comme l’indique le requérant, cette disposition prévoit que, en cas d’intervention conjointe des FARDC et de la PNC, la direction des opérations revient au commandant des unités de la PNC. Toutefois, comme le souligne le Conseil, cette disposition exclut que tel soit le cas dans « les situations d’état de siège ou d’urgence ». De plus, l’article 7, paragraphe 2, de la loi organique susmentionnée dispose que, « [l]orsque les événements sont de nature insurrectionnelle, la [PNC] se retire au bénéfice des [FARDC] aux fins que celles-ci assurent leurs missions traditionnelles ».

112    Or, il ressort clairement du dossier que, du point de vue des autorités de la République démocratique du Congo, les manifestations qui ont eu lieu à Kinshasa en septembre 2016 relevaient de l’état de siège, de l’état d’urgence, voire d’une insurrection. Dès lors, la seule référence à l’article 7 de la loi organique 11/012 ne saurait dédouaner les FARDC de toute responsabilité dans le recours disproportionné à la force et dans la répression violente qui ont eu lieu en marge des manifestations susmentionnées.

113    Quatrièmement, quant aux affirmations du requérant selon lesquelles, en septembre 2016, il se trouvait en mission de service en dehors de Kinshasa et ne pouvait, dès lors, pas exercer un pouvoir de commandement sur place, une telle absence n’est pas, en soi, suffisante pour écarter ou diminuer sa responsabilité dans les faits qui lui sont imputés dans les motifs des actes attaqués. En effet, le requérant ne conteste pas être demeuré, pendant ladite période, dans ses fonctions de commandant de la première zone de défense des FARDC et il ne fait pas valoir que son autorité et sa responsabilité envers les effectifs sous son commandement auraient été suspendues.

114    Partant, à la lumière de la jurisprudence mentionnée au point 101 ci-dessus, il convient de conclure que, étant donné les éléments qui précèdent et les fonctions de commandant de la première zone de défense des FARDC exercées par le requérant au moment des faits sur lesquels reposent les motifs retenus contre lui, le Conseil a établi le bien-fondé de tels motifs. La seconde branche du deuxième moyen doit donc être rejetée.

2.      Sur le bien-fondé du maintien de l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses

115    Par la première branche du deuxième moyen, le requérant conteste en substance le bien-fondé des actes attaqués en ce qu’ils maintiennent l’inscription de son nom sur les listes litigieuses, pour deux séries de raisons.

116    Premièrement, la situation politique et la situation des droits de l’homme en République démocratique du Congo, qui avaient justifié l’inscription initiale de son nom sur les listes litigieuses, auraient évolué. Le requérant soutient ainsi que « l’espace démocratique est ouvert en République démocratique du Congo », comme en témoigneraient la proximité entre la date d’adoption des actes attaqués et la date prévue pour les élections présidentielles, ainsi que le déroulement pacifique de la campagne à cet égard. Le requérant ajoute que le régime au pouvoir a mis en œuvre les recommandations de la commission d’enquête mixte qui s’est penchée sur les violations des droits de l’homme commises lors de manifestations.

117    Deuxièmement, le requérant reproche au Conseil d’avoir maintenu l’inscription de son nom sur les listes litigieuses pour des faits passés et en raison de fonctions qu’il n’occupait plus au moment de l’adoption des actes attaqués, au mépris du critère d’inscription, rédigé au présent. Ainsi, le Conseil n’aurait pu valablement conclure à la perpétuation des circonstances de droit et de fait ayant présidé à l’adoption des mesures restrictives en cause.

118    Le requérant ajoute que, en maintenant l’inscription de son nom sur les listes litigieuses en raison de liens qu’il aurait conservés avec le gouvernement de la République démocratique du Congo, le Conseil aurait appliqué un critère autre que celui qui avait justifié, initialement, une telle inscription, dès lors que de tels liens ne permettent pas d’établir qu’il est impliqué dans des actes constituant des violations des droits de l’homme, critère prévu à l’article 3, paragraphe 2, sous b) de la décision 2010/788 et à l’article 2 ter, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1183/2005 et retenu pour l’inscription initiale de son nom sur les listes litigieuses.

119    Le Conseil conteste l’argumentation du requérant.

a)      Sur la situation en République démocratique du Congo au moment de l’adoption des actes attaqués

120    Selon la jurisprudence, en ce qui concerne les règles générales définissant les modalités des mesures restrictives, le Conseil dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de l’adoption de mesures restrictives. Le juge de l’Union ne pouvant, en particulier, substituer son appréciation des preuves, des faits et des circonstances justifiant l’adoption de telles mesures à celle du Conseil, le contrôle exercé par le Tribunal doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits, ainsi que de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits et de détournement de pouvoir. Ce contrôle restreint s’applique, en particulier, à l’appréciation des considérations d’opportunité sur lesquelles de telles mesures sont fondées (arrêts du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, EU:T:2009:401, point 36, et du 14 mars 2018, Kim e.a./Conseil et Commission, T‑533/15 et T‑264/16, EU:T:2018:138, point 94).

121    En l’espèce, ainsi que cela ressort des documents énumérés au point 88 ci-dessus, dont le contenu est corroboré par celui de la lettre de Human Rights Watch du 30 novembre 2018, le Conseil disposait d’informations provenant de sources variées, selon lesquelles la crédibilité des élections à venir ne semblait pas pouvoir être garantie. En particulier, dans son rapport de mars 2018, le BCNUDH considérait que, face à la répression systématique des manifestations par les agents de l’État congolais, des mesures fortes étaient nécessaires pour garantir la tenue d’élections transparentes, inclusives, apaisées et crédibles à la fin de l’année 2018 (voir paragraphe 78 de ce rapport). De même, l’article publié sur le site de RFI le 20 juillet 2018 faisait état d’une déclaration conjointe du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine et du Conseil de sécurité des Nations unies, appelant au respect de l’accord du 31 décembre 2016, ainsi que de leur inquiétude quant aux moyens logistiques de déroulement des élections présidentielles, eu égard, notamment, au refus par la commission électorale nationale indépendante de coopérer avec les organes des Nations unies dans l’organisation desdites élections suivant le calendrier électoral. Enfin, dans l’article de Jeune Afrique du 13 octobre 2018, il est fait mention, d’une part, de la contestation, par l’opposition, de l’utilisation d’une machine à voter lors du scrutin présidentiel et, d’autre part, de l’interdiction in extremis d’un meeting de l’opposition initialement autorisé à Lubumbashi, deuxième ville de République démocratique du Congo et « ex-fief de l’opposant en exil Moïse Katumbi ».

122    Par ailleurs, il ressort des documents énumérés au point 88 ci-dessus que le BCNUDH et des ONG réputées telles qu’Amnesty International et Human Rights Watch ont rapporté l’existence de nombreuses violations des droits de l’homme, imputables à des agents de l’État en République démocratique du Congo pendant la période de réexamen.

123    Ces informations ne sont pas sérieusement mises en doute par le requérant, qui se limite à tirer argument du bon déroulement d’une seule réunion publique de l’opposition en octobre 2018 à Kinshasa et de l’adoption de mesures en vue de poursuivre les auteurs de violations des droits de l’homme et de prévenir de nouvelles violations, sans toutefois démontrer que celles-ci auraient effectivement porté leurs fruits.

124    Dans ces conditions, il convient de conclure que le Conseil n’a pas commis d’erreur manifeste en considérant que, au moment de l’adoption des actes attaqués, la situation en République démocratique du Congo continuait de justifier l’imposition de mesures restrictives à l’encontre de cet État.

125    Partant, il y a lieu d’écarter l’argument du requérant tiré de ce que, en substance, l’évolution de la situation en République démocratique du Congo s’opposait au maintien de mesures restrictives à l’encontre de cet État.

b)      Sur la situation personnelle du requérant au moment de l’adoption des actes attaqués

126    S’agissant de l’argument du requérant selon lequel la rédaction au présent du critère d’inscription s’opposait au maintien de son nom sur les listes litigieuses pour des faits passés, il convient de rappeler que, en matière d’inscription sur une liste des noms de personnes et entités visées par des mesures restrictives, le participe présent renvoie au sens général propre aux définitions légales, et non à une période temporelle donnée (voir, en ce sens, arrêts du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, EU:T:2008:461, point 108, et du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, point 82).

127    C’est ainsi que l’article 9, paragraphe 2, seconde phrase, de la décision 2010/788 prévoit que les mesures restrictives en cause sont prorogées, ou modifiées le cas échéant, si le Conseil estime que leurs objectifs n’ont pas été atteints. Une telle disposition permet donc au Conseil de maintenir sur les listes litigieuses les noms de personnes en conservant les motifs à l’origine de leur inscription initiale, sans que les personnes en cause aient commis de nouvelles violations des droits de l’homme au cours de la période précédant le réexamen, pourvu que ce maintien reste justifié au regard de l’ensemble des circonstances pertinentes et, notamment, au regard du fait que les objectifs visés par les mesures restrictives n’ont pas été atteints (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, point 84 et jurisprudence citée).

128    En effet, ainsi que cela ressort de la jurisprudence citée au point 73 ci-dessus, une mesure de gel des fonds constitue une mesure conservatoire de nature préventive dont la validité est toujours subordonnée à la perpétuation des circonstances de fait et de droit ayant présidé à son adoption, ainsi qu’à la nécessité de son maintien en vue de la réalisation de l’objectif qui lui est associé.

129    Il convient donc, à ce stade, d’examiner si, au moment de l’adoption des actes attaqués, les circonstances de droit et de fait ayant présidé à l’imposition de mesures restrictives à l’égard du requérant justifiaient leur maintien en vue de la réalisation de l’objectif qu’elles poursuivaient.

130    À cet égard, les mesures restrictives en cause avaient pour objectif de permettre une transition en République démocratique du Congo et une stabilisation de la situation dans cet État en incitant le gouvernement à assurer le respect de l’État de droit afin de garantir un climat propice à la tenue d’élections, à veiller au respect des droits de l’homme et à traduire, devant une justice indépendante, les auteurs d’atteintes graves à ces droits (voir points 6 à 12 ci-dessus). À cette fin, elles visaient à faire pression sur les personnes tenues pour responsables de la situation en République démocratique du Congo.

131    C’est ainsi que le nom du requérant a été inscrit sur les listes litigieuses, par la décision 2016/2231 et par le règlement 2016/2230, aux motifs, en substance, qu’il occupait les fonctions de commandant de la première zone de défense des FARDC, dont les militaires étaient impliqués dans un recours disproportionné à la force et dans la répression violente des manifestations s’étant tenues à Kinshasa en septembre 2016.

132    Certes, au moment de l’adoption des actes attaqués, les faits retenus dans les motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses dataient de plus de deux ans. En outre, le requérant n’occupait plus les fonctions qui avaient justifié l’inscription initiale de son nom sur les listes litigieuses, mais il était devenu, en juillet 2018, chef d’état-major adjoint des FARDC chargé du renseignement.

133    Toutefois, étant donné l’absence de changement de contexte politique et sécuritaire en République démocratique du Congo au moment de l’adoption des actes attaqués (voir point 124 ci-dessus), le fait que, à cette date, le requérant occupait toujours de hautes fonctions au sein de la hiérarchie des FARDC malgré son implication dans des actes constituant de graves violations des droits de l’homme en septembre 2016, permettait au Conseil de conclure à la perpétuation des circonstances de fait et de droit ayant présidé à l’adoption des mesures restrictives à son égard, ainsi qu’à la nécessité de leur maintien en vue de la réalisation des objectifs rappelés au point 130 ci-dessus (voir, par analogie, arrêt du 12 février 2020, Kanyama/Conseil, T‑167/18, non publié, EU:T:2020:49, point 111).

134    Partant, contrairement à ce que fait valoir le requérant, le maintien de l’inscription de son nom sur les listes litigieuses, décidé dans les actes attaqués, relève bien du critère prévu à l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la décision 2010/788 et à l’article 2 ter, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1183/2005.

135    Il convient donc de conclure que le Conseil pouvait, à juste titre, considérer que les motifs retenus à l’égard du requérant continuaient de justifier l’imposition de mesures restrictives à son égard, compte tenu du maintien des circonstances pertinentes, relatives tant à la situation générale en République démocratique du Congo qu’à sa situation particulière.

136    En conséquence, il convient d’écarter le second grief de la première branche du deuxième moyen, ainsi que ce dernier dans son ensemble.

C.      Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité, du droit au respect de la vie privée et familiale et du principe de présomption d’innocence

137    Selon le requérant, le maintien des mesures imposant aux États membres de lui refuser l’entrée sur le territoire de l’Union constitue une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale ainsi qu’au principe de présomption d’innocence.

138    En premier lieu, quant à l’atteinte portée à son droit au respect de la vie privée et familiale, le requérant soutient que les mesures restrictives en cause « ont eu un impact psychologique fort, pour lui-même comme pour les membres de sa famille, en partie lié à l’incompréhension qui en a résulté ».

139    En deuxième lieu, le requérant fait valoir que les actes attaqués méconnaissent le principe de présomption d’innocence en ce que le Conseil a retenu, à son égard, des « indices sérieux et crédibles ».

140    En troisième lieu, le requérant souligne qu’une mesure d’interdiction d’entrée et de passage en transit sur le territoire de l’Union ne permet pas de contribuer à prévenir la commission d’actes constitutifs de violation des droits de l’homme sur le territoire de la République démocratique du Congo.

141    Le Conseil conteste ces arguments.

1.      Sur l’existence d’une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale

142    À titre liminaire, il convient de relever que la seule mesure dont le requérant se plaint dans le cadre du présent grief est celle portant interdiction d’entrée sur le territoire de l’Union. Or, une telle mesure n’est prévue que dans la décision 2018/1940, de sorte que ledit grief est inopérant s’agissant du règlement d’exécution 2018/1931.

143    En premier lieu, s’agissant du prétendu « impact psychologique » qu’auraient eu les mesures d’interdiction d’entrée sur le territoire de l’Union, il convient de relever que le requérant n’apporte aucun élément concret susceptible d’étayer cet argument.

144    En second lieu, le requérant n’étaye pas en quoi les mesures d’interdiction d’entrée sur le territoire de l’Union porteraient atteinte à son droit au respect de la vie privée et familiale. Ainsi, le présent grief doit être écarté.

145    Au surplus, à supposer que les mesures d’interdiction d’entrée sur le territoire portent effectivement atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant, garanti par l’article 7 de la Charte, il ressort de la jurisprudence que ce droit n’est pas absolu et qu’il peut comporter des restrictions (voir arrêt du 13 janvier 2017, Deza/ECHA, T‑189/14, EU:T:2017:4, point 162 et jurisprudence citée).

146    À cet égard, l’article 52, paragraphe 1, de la Charte dispose que « toute limitation de l’exercice des droits et libertés reconnus par la Charte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés » et que, « dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et des libertés d’autrui ».

147    En l’espèce, premièrement, les mesures d’interdiction d’entrée sur le territoire de l’Union doivent être considérées comme étant « prévues par la loi », au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, étant donné que le Conseil avait compétence pour agir sur la base de l’article 29 TUE et de l’article 215, paragraphe 2, TFUE et qu’il a adopté la décision 2018/1940, prévoyant ces mesures, sur le fondement de l’article 4, paragraphe 1, de la décision 2010/788, tel que modifié par la décision 2016/2231, en respectant les critères énoncés dans cette disposition, ainsi que cela ressort de l’examen du deuxième moyen.

148    Deuxièmement, conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, les mesures d’interdiction d’entrée sur le territoire de l’Union poursuivent bien des objectifs d’intérêt général, à savoir le soutien à la démocratie, à l’État de droit et aux droits de l’homme ainsi que la préservation de la paix, la prévention des conflits et le renforcement de la sécurité internationale, objectifs mentionnés à l’article 21, paragraphe 2, sous b) et c), TUE.

149    Troisièmement, d’une part, quant au caractère approprié des mesures en cause, au regard d’objectifs d’intérêt général aussi fondamentaux pour la communauté internationale que ceux mentionnés au point 148 ci-dessus, celles-ci ne sauraient, en tant que telles, passer pour inadéquates (voir, par analogie, arrêt du 5 novembre 2014, Mayaleh/Conseil, T‑307/12 et T‑408/13, EU:T:2014:926, point 177 et jurisprudence citée).

150    D’autre part, en ce qui concerne leur caractère nécessaire, il convient de constater que, tout d’abord, des mesures alternatives et moins contraignantes, telles qu’un système d’autorisation préalable, ne permettent pas aussi efficacement d’atteindre l’objectif poursuivi, à savoir l’exercice d’une pression sur les personnes responsables de la situation en République démocratique du Congo, notamment eu égard à la possibilité de contourner les restrictions imposées (voir, par analogie, arrêt du 5 novembre 2014, Mayaleh/Conseil, T‑307/12 et T‑408/13, EU:T:2014:926, point 178 et jurisprudence citée).

151    Ensuite, il doit être rappelé que, en vertu de l’article 4, paragraphe 2, de la décision 2010/788, les États membres ne sont pas tenus de refuser l’entrée sur leur territoire à leurs propres ressortissants qui seraient visés par les mesures prévues dans cette décision. En outre, l’article 4, paragraphe 7, de la décision 2010/788 prévoit la possibilité, pour les États membres, de déroger aux mesures d’interdiction d’entrée sur le territoire de l’Union, notamment lorsque « le déplacement se justifie pour des raisons humanitaires urgentes ».

152    Enfin, il convient d’observer que le maintien du nom du requérant sur la liste figurant à l’annexe II de la décision 2010/788 fait l’objet d’un réexamen périodique en vue de garantir que les personnes et entités ne répondant plus aux critères pour figurer sur cette liste en soient radiées (voir, par analogie, arrêt du 5 novembre 2014, Mayaleh/Conseil, T‑307/12 et T‑408/13, EU:T:2014:926, point 180 et jurisprudence citée).

153    Par conséquent, les mesures d’interdiction d’entrée sur le territoire de l’Union frappant concrètement le requérant constituent des restrictions qui n’ont méconnu ni son droit au respect de la vie privée et familiale ni, à cet égard, le principe de proportionnalité.

2.      Sur la prétendue violation du principe de présomption d’innocence

154    Le principe de présomption d’innocence, énoncé à l’article 48, paragraphe 1, de la Charte, constitue un droit fondamental qui confère aux particuliers des droits dont le juge de l’Union garantit le respect [voir arrêt du 21 juillet 2016, Hassan/Conseil, T‑790/14, EU:T:2016:429, point 73 (non publié) et jurisprudence citée].

155    Ce principe, qui exige que toute personne accusée d’une infraction soit présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie, ne s’oppose pas à l’adoption de mesures conservatoires, qui ne constituent pas des sanctions et ne préjugent aucunement de l’innocence ou de la culpabilité de la personne visée par celles-ci. De telles mesures conservatoires doivent, notamment, être prévues par la loi, être adoptées par une autorité compétente et présenter un caractère limité dans le temps (voir arrêt du 7 décembre 2010, Fahas/Conseil, T‑49/07, EU:T:2010:499, point 64 et jurisprudence citée).

156    En l’espèce, les mesures restrictives prévues dans la décision 2010/788 et dans le règlement no 1183/2005, dont l’application a été maintenue par l’adoption des actes attaqués, ont été adoptées sur le fondement de l’article 29 TUE, qui attribue compétence au Conseil pour prendre les décisions qui définissent la position de l’Union sur une question particulière de nature géographique ou thématique, et sur le fondement des dispositions de l’article 215 TFUE, qui prévoit, en son paragraphe 2, l’adoption par le Conseil de mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales, de groupes ou d’entités non étatiques, lorsque cela est prévu par une décision adoptée conformément au chapitre 2 du titre V du traité UE (voir points 7 et 8 ci-dessus). Il s’ensuit que lesdites mesures sont prévues par la législation de l’Union et que le Conseil était compétent pour les adopter, ce que le requérant ne conteste pas.

157    Par ailleurs, aux termes de l’article 9, paragraphe 2, de la décision 2010/788, les mesures prévues en application de cette décision s’appliquent pendant douze mois, font l’objet d’un réexamen et peuvent être prorogées ou modifiées, le cas échéant, si le Conseil estime que leurs objectifs n’ont pas été atteints. De même, les mesures restrictives adoptées sur la base du règlement no 1183/2005 ne présentent pas de caractère définitif, ainsi que cela ressort de l’article 9 de ce règlement. En effet, d’une part, selon le paragraphe 2 de cette disposition, « [l]e Conseil établit et modifie la liste des personnes physiques et morales, des entités et des organismes figurant à l’annexe I bis » et, d’autre part, selon le paragraphe 4 de ladite disposition, « [l]orsque des observations sont formulées ou lorsque de nouveaux éléments de preuve substantiels sont présentés, le Conseil réexamine sa décision et informe la personne physique ou morale, l’entité ou l’organisme en conséquence ». Partant, les mesures restrictives dont les actes attaqués ont maintenu l’application sont limitées dans le temps, ce que le requérant ne conteste pas non plus.

158    Enfin, il y a lieu de relever que, lorsqu’il a décidé de maintenir l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses, le Conseil n’a pas constaté l’existence d’une infraction pénale, mais a adopté les actes attaqués dans le cadre et aux fins d’une procédure de nature administrative ayant une fonction conservatoire et ayant pour unique but de permettre au Conseil de garantir la protection des populations civiles [voir, par analogie, arrêt du 21 juillet 2016, Hassan/Conseil, T‑790/14, EU:T:2016:429, point 78 (non publié)].

159    Dans ces conditions, il ne peut être soutenu que le maintien de l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses viole le principe de présomption d’innocence [voir, par analogie, arrêt du 21 juillet 2016, Hassan/Conseil, T‑790/14, EU:T:2016:429, point 79 (non publié)].

160    Le requérant, en se limitant à faire valoir que le Conseil aurait retenu des « indices sérieux et crédibles », ne remet pas en cause cette conclusion, dans la mesure où il ne précise pas sur quoi porteraient ces « indices » ni à quelle occasion ou dans quel acte le Conseil les aurait retenus.

161    Partant, aucune violation du principe de présomption d’innocence ne peut être reprochée au Conseil.

3.      Sur la prétendue violation du principe de proportionnalité

162    Dans le cadre de ce grief, le requérant fait valoir qu’il ne comprend pas en quoi une mesure d’interdiction d’entrée sur le territoire serait susceptible de contribuer à l’objectif visé par les mesures restrictives.

163    Ce faisant, le requérant met en cause la proportionnalité des mesures restrictives générales, ce qu’il convient d’examiner dans le cadre du quatrième moyen.

164    Au vu de ce qui précède, il y a lieu d’écarter le troisième moyen dans son intégralité.

D.      Sur le quatrième moyen, tiré de l’illégalité de l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la décision 2010/788 et de l’article 2 ter, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1183/2005

165    Par le quatrième moyen, le requérant excipe, sur le fondement de l’article 277 TFUE, de l’illégalité, d’une part, de l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la décision 2010/788 et, d’autre part, de l’article 2 ter, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1183/2005, afin de contester le bien-fondé du critère défini dans ces dispositions et sur le fondement duquel les mesures restrictives le visant ont été adoptées.

166    Dans une première branche, le requérant allègue que, par sa formulation très large, le critère prévu à l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la décision 2010/788 et à l’article 2 ter, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1183/2005 méconnaît le principe de prévisibilité des actes de l’Union et le principe de sécurité juridique, en conférant au Conseil un pouvoir d’appréciation arbitraire et discrétionnaire.

167    En ce sens, il souligne que ce critère ne vise pas, de manière objective, une catégorie circonscrite de personnes et d’entités susceptibles de faire l’objet des mesures restrictives en cause et ne vise pas non plus « de manière ciblée et sélective des activités propres à la personne concernée ».

168    Le requérant ajoute que la rédaction du critère litigieux au présent suppose une actualité dans les faits reprochés. Or, ce critère aurait été utilisé de façon répétée par le Conseil, même pour des faits passés, ce qui tendrait à démontrer que ledit critère lui a conféré un pouvoir d’appréciation arbitraire.

169    Dans une seconde branche, le requérant fait valoir que le critère en cause méconnaît le principe de proportionnalité. À cet égard, il souligne ne pas relever des catégories, larges et abstraites, de personnes visées par ce critère. De plus, le requérant souligne que le critère contesté excède les objectifs poursuivis par la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et, visant, dans le cas de la République démocratique du Congo, à l’élaboration d’une stratégie globale visant à la mise en place d’un processus électoral.

170    Le Conseil conteste ces arguments.

1.      Considérations liminaires

171    Selon une jurisprudence constante, les juridictions de l’Union doivent, conformément aux compétences dont elles sont investies en vertu du traité FUE, assurer un contrôle, en principe complet, de la légalité de l’ensemble des actes de l’Union au regard des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union. Cette exigence est expressément consacrée à l’article 275, second alinéa, TFUE (voir arrêts du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian, C‑280/12 P, EU:C:2013:775, point 58 et jurisprudence citée, et du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 65 et jurisprudence citée).

172    Il n’en demeure pas moins que le Conseil dispose d’un large pouvoir d’appréciation en ce qui concerne la définition générale et abstraite des critères juridiques et des modalités d’adoption des mesures restrictives (voir, en ce sens, arrêt du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 41 et jurisprudence citée). Par conséquent, les règles de portée générale définissant ces critères et ces modalités, telles que les dispositions de la décision 2010/788 et du règlement no 1183/2005 prévoyant le critère litigieux visé par le présent moyen, font l’objet d’un contrôle juridictionnel restreint, se limitant à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur de droit ainsi que de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits et de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2009, Melli Bank/Conseil, T‑246/08 et T‑332/08, EU:T:2009:266, points 44 et 45).

173    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le quatrième moyen.

2.      Sur la prétendue violation du principe de sécurité juridique

174    Selon la jurisprudence, le principe de sécurité juridique, qui constitue un principe général du droit de l’Union, exige notamment que les règles de droit soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets, en particulier lorsqu’elles peuvent avoir sur les individus et les entreprises des conséquences défavorables (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2015, Bank of Industry and Mine/Conseil, T‑10/13, EU:T:2015:235, point 77 et jurisprudence citée).

175    Un tel principe est applicable aux mesures restrictives, telles que celles en cause en l’espèce, qui affectent lourdement les droits et les libertés des personnes concernées (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2015, Bank of Industry and Mine/Conseil, T‑10/13, EU:T:2015:235, point 77 et jurisprudence citée).

176    Or, le critère litigieux vise bien une catégorie précise de personnes, à savoir les personnes ayant contribué, en les planifiant, en les dirigeant ou en les commettant, à des actes constituant de graves violations des droits de l’homme ou des atteintes à ces droits.

177    Si ce critère confère une certaine marge au Conseil dans l’appréciation de ce que recouvre la notion de « contribution à des actes constituant de graves violations des droits de l’homme ou des atteintes à ces droits », il ne peut être considéré qu’une telle marge confère au Conseil un pouvoir d’appréciation arbitraire.

178    En effet, le critère litigieux s’inscrit dans un cadre juridique clairement délimité par les objectifs poursuivis par la réglementation régissant, en général, les mesures restrictives et, en particulier, celles instituées à l’encontre de la République démocratique du Congo.

179    À cet égard, d’une part, les objectifs du traité UE concernant la PESC sont notamment ceux visés à l’article 3, paragraphe 5, et à l’article 21, paragraphe 2, sous b) et c), TUE, à savoir le soutien à la démocratie, à l’État de droit et aux droits de l’homme ainsi que la préservation de la paix, la prévention des conflits et le renforcement de la sécurité internationale.

180    D’autre part, il résulte des considérants 3 et 4 de la décision 2016/2231 que, en recourant à des mesures restrictives à l’encontre de certaines catégories de personnes, et notamment de celles qui font obstacle à une sortie de crise consensuelle et pacifique en vue de la tenue d’élections en République démocratique du Congo, notamment par des actes de violence, de répression ou d’incitation à la violence, ou des actions portant atteinte à l’État de droit, ou qui contribuent à de graves violations des droits de l’homme, le Conseil a poursuivi l’objectif consistant à inciter le gouvernement de la République démocratique du Congo à assurer un climat propice à la tenue d’un dialogue et d’élections, à veiller au respect des droits de l’homme et de l’État de droit et à cesser toute instrumentalisation de la justice.

181    Dans ces conditions, il convient de considérer que la règle instituée par le critère litigieux est claire, précise et prévisible dans ses effets, de sorte qu’elle respecte le principe de sécurité juridique.

182    Par ailleurs, l’argument du requérant tiré du maintien de mesures restrictives à son égard pour des faits passés, alors que le critère d’inscription en cause est rédigé au présent, n’est pas pertinent aux fins du présent moyen.

183    En effet, par le présent moyen, le requérant conteste le critère litigieux en tant que mesure de portée générale. Or, la légalité d’une telle mesure ne peut dépendre de l’application individuelle qu’en a faite le Conseil. En tout état de cause, le bien-fondé d’un tel argument a déjà été examiné dans le cadre du deuxième moyen (voir points 126 à 128 ci-dessus).

184    Au vu de ce qui précède, la première branche du quatrième moyen doit être rejetée.

3.      Sur la prétendue violation du principe de proportionnalité

185    Selon une jurisprudence constante, le principe de proportionnalité fait partie des principes généraux du droit de l’Union et exige que les moyens mis en œuvre par une disposition du droit de l’Union soient de nature à atteindre les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation concernée et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour ce faire [voir arrêt du 25 juin 2015, Iranian Offshore Engineering & Construction/Conseil, T‑95/14, EU:T:2015:433, point 60 (non publié) et jurisprudence citée].

186    Premièrement, ainsi que cela ressort du point 178 ci-dessus, la définition du critère litigieux répond aux objectifs légitimes rappelés aux points 179 et 180 ci-dessus.

187    En effet, en adoptant des mesures restrictives à l’encontre de personnes responsables d’avoir commis des violations graves des droits de l’homme en République démocratique du Congo, le Conseil pouvait légitimement s’attendre à ce que de telles actions cessent ou qu’elles deviennent plus coûteuses pour ceux qui les entreprennent et que, pour cette raison, la transition politique soit facilitée (voir, par analogie, arrêt du 25 janvier 2017, Almaz-Antey Air and Space Defence/Conseil, T‑255/15, non publié, EU:T:2017:25, point 105).

188    Deuxièmement, les considérations exposées aux points 148 à 152 ci-dessus à propos des mesures d’interdiction d’entrée sur le territoire, quant à leur caractère nécessaire, approprié et limité dans le temps et au fait qu’elles sont de nature à poursuivre les objectifs d’intérêt général susmentionnés, valent pour toutes les mesures restrictives qui découlent du critère litigieux. Notamment, en ce qui concerne les mesures restrictives portant gel des fonds des personnes visées, l’article 5, paragraphe 5, de la décision 2010/788 prévoit qu’il peut y être dérogé afin de couvrir les « besoins fondamentaux » et les frais de justice ou bien encore les « dépenses extraordinaires » des personnes visées et des membres de leur famille.

189    Dès lors, ledit critère ne méconnaît pas le principe de proportionnalité.

190    S’agissant par ailleurs de l’argument du requérant selon lequel il ne relève pas des catégories de personnes visées par le critère litigieux, force est de constater qu’un tel argument ne met pas en cause le critère lui-même, mais l’application qu’en a faite le Conseil. Or, ce type d’argument a déjà été examiné dans le cadre du deuxième moyen.

191    En conséquence, il convient d’écarter le quatrième moyen et, partant, de rejeter le recours dans son ensemble.

 IV.      Sur les dépens

192    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Gabriel Amisi Kumba est condamné aux dépens.

da Silva Passos

Reine

Truchot

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 février 2021.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      S. Papasavvas


*      Langue de procédure : le français.