Language of document : ECLI:EU:T:2006:165

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

20 juin 2006 (*)

« FEOGA – Dépenses exclues du financement communautaire – Stockage public du riz – Force majeure – Produits transformés à base de fruits et légumes – Aide aux plus démunis – Programme de restructuration dans le secteur des fruits et légumes – Corrections forfaitaires – Délai de 24 mois »

Dans l’affaire T-251/04,

République hellénique, représentée par MM. V. Kontolaimos et I. Chalkias, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme M. Condou‑Durande, en qualité d’agent, assistée de Me N. Korogiannakis, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2004/457/CE de la Commission, du 29 avril 2004, écartant du financement communautaire certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie » (JO L 202, p. 35), en tant qu’elle exclut certaines dépenses effectuées par la République hellénique dans les secteurs des fruits et légumes ainsi que du stockage public,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. J. Pirrung, président, N. J. Forwood et S. Papasavvas, juges,

greffier : M. I. Natsinas, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 novembre 2005,

rend le présent

Arrêt

 Introduction

1       Par la décision 2004/457/CE, du 29 avril 2004, (JO L 202, p. 35, ci-après la « décision attaquée »), la Commission a écarté du financement communautaire, en ce qui concerne la République hellénique, dans les secteurs des fruits et légumes et du stockage public, la somme de 4 971 712,64 euros pour les exercices financiers 1998 à 2001.

2       Les motifs des corrections financières effectuées par la Commission sont résumés dans le rapport de synthèse AGRI-60619‑2004, du 31 janvier 2004, relatif aux résultats des contrôles dans l’apurement des comptes du FEOGA, section « Garantie », au titre de l’article 5, paragraphe 2, sous c), du règlement (CEE) n° 729/70 et de l’article 7, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 1258/1999, en ce qui concerne les fruits et légumes, le stockage public, les primes animales, les cultures arables, le développement rural et d’autres corrections (ci-après le « rapport de synthèse »).

3       Le recours vise quatre types de corrections :

–       une correction en partie forfaitaire de 5 % concernant le stockage public de riz en raison de déficiences dans les contrôles clés et en partie ponctuelle en raison de la livraison tardive, soit, au total, 2 510 456,73 euros pour les exercices 1999 à 2001 ;

–       une correction de 650 549,56 euros en raison du non-respect du paiement du prix minimal aux producteurs de pêches, pour l’exercice 2001 ;

–       une correction forfaitaire de 2 % pour des déficiences dans les contrôles de l’aide aux plus démunis, soit 669 839 euros pour les exercices 1998 à 2001 ;

–       une correction de 1 140 867,35 euros en raison de l’exclusion des dépenses au-delà du programme d’action trisannuel dans le secteur des fruits et légumes, pour les exercices 1999 à 2001.

 Cadre juridique général

4       Le règlement (CEE) nº 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 94, p. 13), tel que modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 1287/95 du Conseil, du 22 mai 1995 (JO L 125, p. 1), a établi les règles générales applicables au financement de la politique agricole commune. Le règlement (CE) n° 1258/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 160, p. 103), a remplacé le règlement n° 729/70 et s’applique aux dépenses effectuées à partir du 1er janvier 2000.

5       En vertu de l’article 1er, paragraphe 2, sous b), et de l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 729/70 ainsi que de l’article 1er, paragraphe 2, sous b), et de l’article 2, paragraphe 2, du règlement n° 1258/1999, la section « Garantie » du FEOGA finance, dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles, les interventions destinées à la régularisation de ces marchés, entreprises selon les règles communautaires.

6       Selon l’article 5, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 729/70 et l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999, la Commission décide des dépenses à écarter du financement communautaire, lorsqu’elle constate que ces dernières n’ont pas été effectuées conformément aux règles communautaires. Lors de l’évaluation des montants à écarter, la Commission tient compte de la nature et de la gravité de l’infraction ainsi que du préjudice financier causé à la Communauté européenne.

7       L’article 5, paragraphe 2, sous c), cinquième alinéa, du règlement n° 729/70 prévoit qu’« [u]n refus de financement ne peut pas porter sur les dépenses effectuées antérieurement aux 24 mois ayant précédé la communication écrite par la Commission à l’État membre concerné des résultats [des] vérifications [de la Commission] ». L’article 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement n° 1258/1999 contient une disposition identique.

8       Les modalités de la procédure d’apurement des comptes demeurent fixées par le règlement (CE) n° 1663/95 de la Commission, du 7 juillet 1995, établissant les modalités d’application du règlement n° 729/70 en ce qui concerne la procédure d’apurement des comptes du FEOGA, section « Garantie » (JO L 158, p. 6), tel que modifié notamment par le règlement (CE) n° 2245/1999 de la Commission, du 22 octobre 1999 (JO L 273, p. 5).

9       L’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1663/95 dispose :

« Si, à l’issue d’une enquête, la Commission considère que les dépenses n’ont pas été effectuées conformément aux règles communautaires, elle communique les résultats de ses vérifications à l’État membre concerné et indique les mesures correctives à prendre pour garantir à l’avenir le respect des règles précitées.

La communication fait référence au présent règlement. L’État membre répond dans un délai de deux mois et la Commission peut modifier sa position en conséquence. Dans des cas justifiés, la Commission peut accorder une prorogation de ce délai.

Après l’expiration du délai accordé pour la réponse, la Commission convoque une discussion bilatérale et les deux parties essayent d’arriver à un accord sur les mesures à prendre, ainsi que sur l’évaluation de la gravité de l’infraction et du préjudice financier causé à la Communauté européenne. Après cette discussion et après toute date fixée par la Commission, en consultation avec l’État membre, après la discussion bilatérale pour la communication d’informations supplémentaires ou, si l’État membre n’accepte pas la convocation dans un délai fixé par la Commission, après l’échéance de ce délai, cette dernière communique formellement ses conclusions à l’État membre en faisant référence à la décision 94/442/CE de la Commission. Sans préjudice des dispositions du quatrième alinéa du présent paragraphe, cette communication évaluera les dépenses qu’elle envisage d’exclure au titre de l’article 5, paragraphe 2, [sous] c), du règlement [...] n° 729/70.

L’État membre informe la Commission dans les meilleurs délais des mesures correctives prises pour assurer le respect des règles communautaires et de la date effective de leur mise en œuvre. La Commission adopte, le cas échéant, une ou plusieurs décisions en application de l’article 5, paragraphe 2, [sous] c), du règlement [...] n° 729/70 pour exclure jusqu’à la date effective de mise en oeuvre des mesures correctives les dépenses affectées par le non-respect des règles communautaires. »

10     Le règlement n° 2245/1999 est entré en vigueur, selon son article 2, le septième jour suivant le 23 octobre 1999, date de sa publication au Journal officiel des Communautés européennes, soit le 30 octobre 1999.

11     Le document n° VI/5330/97 de la Commission, du 23 décembre 1997, intitulé « Orientations concernant le calcul des conséquences financières lors de la préparation de la décision d’apurement des comptes du FEOGA-Garantie » (ci-après le « document n° VI/5330/97 »), contient les orientations que l’institution se propose de suivre pour l’application des corrections financières dans le cadre de la procédure d’apurement des comptes du FEOGA. Selon ces orientations, lorsque le niveau réel des paiements irréguliers ne peut pas être déterminé et que, par conséquent, il n’est pas possible de quantifier le montant des pertes financières subies par la Communauté, la Commission applique des corrections financières forfaitaires s’élevant, en général, à 2 %, à 5 %, à 10 % ou à 25 % des dépenses déclarées, en fonction de l’ampleur du risque de perte.

12     Dans l’annexe 2 de ce document, intitulée « Conséquences financières, pour l’apurement des comptes de la section Garantie du FEOGA, des carences des contrôles effectués par les États membres », la Commission distingue deux catégories de contrôles en indiquant :

« Les contrôles clés sont les vérifications physiques et administratives requises pour contrôler les éléments quant au fond, en particulier la réalité de l’objet de la demande, la quantité et les conditions qualitatives, y compris le respect des délais, les exigences de récoltes, les délais de rétention, etc. Ils sont effectués sur le terrain et par recoupement avec des informations indépendantes, telles que les registres cadastraux.

Les contrôles secondaires sont les opérations administratives nécessaires pour traiter correctement les demandes, telles que la vérification du respect des délais de soumission, l’identification de demandes en « doublon » pour un même objet, l’analyse du risque, l’application de sanctions et la supervision adéquate des procédures. »

13     Cette même annexe indique également que la Commission applique les taux de correction suivants :

« Lorsqu’un ou plusieurs contrôles clés ne sont pas effectués ou sont si mal ou si rarement réalisés qu’ils sont inefficaces pour déterminer l’éligibilité d’une demande ou prévenir les irrégularités, il convient alors d’appliquer une correction à hauteur de 10 %, car il est raisonnablement permis de penser qu’il existait un risque élevé de pertes importantes pour le FEOGA.

Lorsque tous les contrôles clés sont effectués, mais sans respecter le nombre, la fréquence ou la rigueur préconisés par les règlements, il convient alors d’appliquer une correction à hauteur de 5 %, car il peut raisonnablement être conclu que ces contrôles n’offrent pas le niveau attendu de garantie de régularité des demandes et que le risque de perte pour le FEOGA était significatif.

Lorsqu’un État membre effectue correctement les contrôles clés, mais omet complètement d’effectuer un ou plusieurs contrôles secondaires, il convient alors d’appliquer une correction à hauteur de 2 %, compte tenu du risque plus faible de perte pour le FEOGA et de la gravité moindre de l’infraction. »

 Procédure et conclusions des parties

14     Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 juin 2004, la République hellénique a introduit le présent recours.

15     Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale.

16     Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 8 novembre 2005.

17     La République hellénique conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       annuler ou, à titre subsidiaire, réformer la décision attaquée ;

18     La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours ;

–       condamner la République hellénique aux dépens.

 Sur le recours

19     Le recours porte sur quatre interventions financées par le FEOGA, à savoir celles concernant le stockage public du riz, l’aide à la production des produits transformés à base de fruits et légumes, l’aide aux plus démunis et le programme de restructuration dans le secteur des fruits et légumes. C’est en distinguant selon ces quatre interventions que le Tribunal examinera le bien-fondé des moyens présentés par la République hellénique.

 Sur le stockage public du riz

 Sur la correction appliquée au titre de la campagne de commercialisation 1999/2000 pour inobservation des délais de livraison

–       Réglementation communautaire

20     Selon l’article 1er et l’annexe A du règlement (CE) n° 3072/95 du Conseil, du 22 décembre 1995, portant organisation commune du marché du riz (JO L 329, p. 18), cette organisation régit, notamment, le riz en paille (riz paddy), à savoir le riz muni de sa balle après battage. L’article 2 du même règlement prévoit que la campagne de commercialisation des produits visés à l’article 1er commence chaque année le 1er septembre et se termine le 31 août de l’année suivante.

21     En vertu de l’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 3072/95, « [p]endant la période du 1er avril au 31 juillet, les organismes d’intervention achètent les quantités de riz paddy qui leur sont offertes pour autant que les offres répondent à des conditions, notamment quantitatives et qualitatives, à déterminer ».

22     Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 708/98 de la Commission, du 30 mars 1998, relatif à la prise en charge du riz paddy par les organismes d’intervention et fixant les montants correcteurs ainsi que les bonifications et les réfactions à appliquer (JO L 98, p. 21) :

« Pendant la période d’achat par les organismes d’intervention fixée à l’article 4, paragraphe 1, du règlement [...] n° 3072/95, tout détenteur d’un lot d’un minimum de vingt tonnes de riz paddy récolté dans la Communauté peut présenter ce lot en vue de son achat par l’organisme d’intervention. Un lot est composé du riz de la même variété. »

23     Conformément à l’article 6, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement n° 708/98, « [l]a livraison doit avoir lieu au plus tard à la fin du deuxième mois suivant le mois de réception de l’offre, sans pourtant se situer au-delà du 31 août de la campagne en cours […] ».

24     L’article 1er du règlement (CE) n° 1194/2000 de la Commission, du 6 juin 2000, dérogeant au règlement n° 708/98, en ce qui concerne la période de livraison à l’intervention pour la campagne 1999/2000 (JO L 134, p. 29), dispose :

« Par dérogation à l’article 6, paragraphe 1, du règlement [...] n° 708/98, la livraison du riz paddy pour une prise en charge par l’organisme d’intervention au titre de la campagne 1999/2000, doit avoir lieu au plus tard le 30 septembre 2000. »

–       Rapport de synthèse

25     Du 12 au 16 mars 2001, les services de la Commission ont effectué en Grèce une mission de contrôle portant sur les dépenses déclarées concernant le stockage public de riz.

26     Selon le point B.4.2.2.3 du rapport de synthèse, la Commission a rejeté la demande des autorités helléniques visant à une prolongation du délai prévu pour la livraison du produit au stockage public par le règlement n° 1194/2000 et expirant le 30 septembre 2000, afin qu’il soit permis de livrer une quantité de 5 569,104 t de riz au mois d’octobre 2000. Cette demande se fondait sur l’invocation d’un cas de force majeure (grève des transporteurs) ayant empêché l’achèvement du programme de livraison du riz à la date initialement prévue. Les autorités helléniques ayant procédé au stockage de cette quantité de riz, la Commission a refusé de financer les dépenses qui y étaient afférentes (frais de stockage, frais de financement, autres frais et dépréciation) s’élevant à 797 829,75 euros.

–       Arguments des parties

27     Le gouvernement grec soulève deux moyens tirés, respectivement, de la violation du principe de proportionnalité en raison du refus de la Commission de reconnaître un cas de force majeure et de la violation du principe de protection de la confiance légitime.

28     À l’appui du premier moyen, le gouvernement grec expose que l’organisme d’intervention national a publié, le 17 février 2000, un avis de marché afin de trouver et d’utiliser des entrepôts de stockage public d’une capacité de 50 000 t pour la campagne 1999/2000. Les offres présentées dans le cadre de cette procédure ayant été jugées inappropriées, le pouvoir adjudicateur aurait recommencé, le 18 avril 2000, la procédure pour trouver des entrepôts d’une capacité de 45 000 t.

29     Le 21 juillet 2000, le marché aurait été attribué, par décision du ministre de l’Agriculture grec, à trois sociétés. Le 4 août 2000, un soumissionnaire non retenu aurait introduit une demande en référé auprès du Symvoulio tis Epikrateias (Epitropi anastolon) [Conseil d’État (commission des suspensions), Grèce], en vertu de la loi n° 2522/97, ayant transposé dans l’ordre juridique grec la directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux (JO L 395, p. 33). Par voie d’ordonnance, le président de l’Epitropi anastolon aurait interdit la passation du marché jusqu’au prononcé de l’arrêt sur la demande en référé. La demande aurait été rejetée par un arrêt du 4 septembre 2000, signifié le lendemain au ministre de l’Agriculture grec.

30     Les contrats avec les adjudicataires auraient été signés les 14 et 19 septembre 2000 et la livraison du riz aurait commencé le 18 septembre 2000 sur la base d’un programme prévoyant que la totalité du riz serait prise en charge le 30 septembre 2000, date limite fixée par le règlement n° 1194/2000.

31     Le 25 septembre 2000, les transporteurs auraient lancé, sans préavis, une grève qui a duré jusqu’au 3 octobre 2000, ce qui aurait rendu impossible l’exécution du programme de livraison pour le 30 septembre 2000.

32     Par lettre du 29 septembre 2000, le secrétaire général du ministère de l’Agriculture grec aurait informé la direction générale (DG) « Agriculture » de cette situation, qui, selon lui, constituait un cas de force majeure, ainsi que de la prolongation du délai de livraison pour une durée égale à celle du cas de force majeure.

33     Par lettre du 13 octobre 2000, le directeur général de la DG « Agriculture » aurait rejeté la demande de prolongation du délai aux motifs que les offres du produit à l’intervention avaient été faites tardivement (les 28 juillet et 4 août 2000), qu’au mois de septembre aucune livraison n’avait été effectuée et que, du fait que la nouvelle récolte était déjà disponible, il existait un risque de prise en charge du riz de cette récolte.

34     Selon le gouvernement grec, sur un total de 17 700 t de riz, 7 850 ont été livrées entre le 18 et le 25 septembre 2000 et 4 500 pendant la période de grève, ce qui équivaut à la livraison de la plus grande partie du riz proposé à l’intervention au cours du mois de septembre.

35     Le gouvernement grec soutient que, dans ces circonstances, il est fondé à invoquer un cas de force majeure, lequel repose sur le principe de proportionnalité et trouve ainsi à s’appliquer même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure en cause. En toute hypothèse, même à supposer que la responsabilité du retard appartienne aux autorités helléniques, elle ne devrait pas être imputée aux offrants.

36     Le gouvernement grec précise d’ailleurs, à cet égard, que les autorités helléniques ont agi en temps utile mais qu’elles ont été confrontées à l’impossibilité objective de trouver des locaux appropriés ainsi qu’au retard dû à la procédure devant le Symvoulio tis Epikrateias, sans que cela ait empêché la prise en charge par l’organisme d’intervention de l’essentiel de la quantité offerte dans le délai. Le gouvernement grec fait valoir qu’on ne saurait, dès lors, lui reprocher un comportement fautif.

37     Quant au risque de stockage de riz issu de la nouvelle récolte, le gouvernement grec souligne que les contrats signés avec les sociétés adjudicataires prévoient la prise en charge du riz d’une récolte déterminée, faute de quoi celles-ci seraient soumises à d’importantes pénalités. En outre, si la prolongation d’un mois du délai de livraison par le règlement n° 1194/2000 (jusqu’au 30 septembre 2000) n’était pas considérée comme entraînant un risque de stockage du riz de la nouvelle récolte (dont la campagne commençait le 1er septembre 2000), il devrait être admis que la prolongation de neuf jours en raison d’un cas de force majeure ne susciterait pas un tel risque. L’exclusion des montants respectifs du financement communautaire serait, par conséquent, contraire au principe de proportionnalité.

38     À l’appui du second moyen, tiré de la violation du principe de confiance légitime, le gouvernement grec fait valoir que la réaction tardive de la Commission à la lettre du 29 septembre 2000 (voir point 32 ci-dessus) ne correspondait pas au caractère urgent de l’affaire, qui exigeait une réponse immédiate. Si les autorités helléniques avaient été informées du rejet de la demande de prorogation en temps utile, elles n’auraient pas autorisé le stockage des quantités de riz en cause. En l’espèce, ce retard injustifié a fait naître une confiance légitime dans le sens que la Commission aurait donné son accord à la demande de prorogation, compte tenu des circonstances de l’affaire.

39     La Commission soutient que, dans le cadre de la politique agricole commune, l’invocation d’un cas de force majeure est soumise à des conditions strictes et, notamment, à la prévision d’une clause de force majeure par la réglementation applicable, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Par ailleurs, la Commission fait valoir que l’origine du problème ne se trouve pas dans la grève, mais dans le retard observé dans la procédure de passation du marché public et dans le manque de locaux de stockage. L’attention de la République hellénique aurait été attirée sur ce fait depuis 1998. Celle-ci n’aurait toutefois pas agi de façon diligente, de sorte que 17 700 t de riz ont dû être stockées en douze jours. Par conséquent, il n’y aurait pas de lien de causalité entre la grève et la livraison tardive. En outre, la possibilité de stockage du riz provenant de la nouvelle récolte aurait exposé le FEOGA à un risque de perte financière.

40     En toute hypothèse, il ressort du communiqué de presse du syndicat des transporteurs en date du 14 septembre 2000 que la grève était connue depuis cette date et que, partant, les autorités helléniques n’étaient pas fondées à prévoir l’achèvement des livraisons au 30 septembre 2000. L’avertissement de la Commission le soir du vendredi 29 septembre 2000 ne serait, pour cette raison, pas justifié non plus.

41     Quant à la violation du principe de confiance légitime, la Commission fait valoir que l’absence de réaction de sa part n’est pas susceptible de fonder une confiance légitime. La Commission relève, en outre, que la lettre des autorités helléniques du 29 septembre 2000 ne contenait pas de demande de prorogation du délai mais constituait la notification d’une décision arbitraire et contraire au règlement n° 1194/2000 et que, par conséquent, elle ne nécessitait pas une réponse de sa part.

–       Appréciation du Tribunal

42     S’agissant du moyen tiré d’une violation du principe de proportionnalité en raison du refus de la Commission de reconnaître un cas de force majeure, il convient de rappeler, à titre liminaire, que le FEOGA ne finance que les interventions effectuées conformément aux dispositions communautaires dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles (arrêt de la Cour du 20 septembre 2001, Belgique/Commission, C‑263/98, Rec. p. I‑6063, point 35).

43     Selon une jurisprudence constante, lorsque la Commission refuse de mettre à la charge du FEOGA certaines dépenses, au motif qu’elles ont été provoquées par des infractions à la réglementation communautaire imputables à un État membre, il appartient à cet État de démontrer que les conditions sont réunies pour obtenir le financement refusé par la Commission (arrêts de la Cour du 24 mars 1988, Royaume‑Uni/Commission, 347/85, Rec. p. 1749, point 14 ; du 10 novembre 1993, Pays‑Bas/Commission, C‑48/91, Rec. p. I‑5611, point 16, et du 4 juillet 1996, Grèce/Commission, C‑50/94, Rec. p. I‑3331, point 11).

44     En l’espèce, il est constant que le délai pour le stockage public du riz, tel que prolongé par le règlement n° 1194/2000, n’a pas été respecté.

45     Il convient, dès lors, de déterminer si le gouvernement grec peut invoquer la force majeure en l’absence d’une clause explicite en ce sens dans les règlements nos 708/98 et 1194/2000 et, dans l’affirmative, si les circonstances avancées à cet égard constituent effectivement un cas de force majeure.

46     Quant aux possibilités d’allégation de la force majeure, la Cour a, dans certains cas, reconnu la possibilité d’invoquer la force majeure même en l’absence de prévision explicite dans la réglementation applicable (voir, en ce sens, arrêts du 19 avril 1988, Inter-Kom, 71/87, Rec. p. 1979, points 10 et 15, et du 7 décembre 1993, Huygen, C‑12/92, Rec. p. I‑6381, point 31). Ainsi, la possibilité d’invoquer la force majeure peut être admise à condition qu’elle n’entre pas en contradiction avec la finalité des dispositions applicables (conclusions de l’avocat général M. Mischo sous l’arrêt Inter‑Kom, précité, Rec. p. 1987, point 21 ; voir également, en ce sens, conclusions de l’avocat général M. Gulmann sous l’arrêt Huygen, précité, Rec. p. 6391, point 26).

47     En l’occurrence, il convient de constater que le délai du 31 août prévu par l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 708/98 pour la livraison du riz n’a, en réalité, jamais été appliqué. En effet, la Commission a prorogé ce délai jusqu’au 30 septembre de chaque année par le règlement (CE) n° 2089/98 de la Commission, du 30 septembre 1998, dérogeant au règlement n° 708/98, pour la campagne 1997/1998 (JO L 266, p. 26), le règlement (CE) n° 1340/1999 de la Commission, du 24 juin 1999, dérogeant au règlement n° 708/98, en ce qui concerne la période de livraison à l’intervention pour la campagne 1998/1999 (JO L 159, p. 29), et le règlement n° 1194/2000, pour la campagne 1999/2000. Ces dérogations ont trouvé leur justification, selon le considérant 2 desdits règlements, dans le fait que les organismes d’intervention ont rencontré, au cours des campagnes concernées, des difficultés pour mettre en place un bon système de stockage, de contrôle et de réception des marchandises et que les difficultés en cause auraient eu pour conséquence un retard dans la procédure d’acceptation des offres présentées et de prise en charge des livraisons. Cette pratique a été suivie jusqu’à la campagne 2002/2003.

48     Dès lors, si les difficultés que les règlements précités mentionnent de façon générale justifient une prorogation d’un mois du délai de livraison prévu par le règlement n° 708/98, ce règlement ne saurait être interprété dans le sens qu’il s’oppose a priori à l’invocation d’un cas de force majeure survenu à la fin du délai prorogé.

49     Il y a donc lieu d’examiner si, au regard des critères dégagés par la jurisprudence, les conditions pour la reconnaissance d’un cas de force majeure étaient réunies en l’espèce.

50     Il convient de rappeler, à cet égard, que la notion de force majeure n’ayant pas un contenu identique dans les divers domaines d’application du droit communautaire, sa signification doit être déterminée en fonction du cadre légal dans lequel elle est destinée à produire ses effets (arrêts de la Cour du 13 octobre 1993, An Bord Bainne Co-operative et Compagnie Inter‑Agra, C‑124/92, Rec. p. I‑5061, point 10 ; du 13 juillet 1995, Perrotta, C‑391/93, Rec. p. I‑2079, point 25, et du 29 septembre 1998, First City Trading e.a., C‑263/97, Rec. p. I‑5537, point 41).

51     La notion de force majeure n’est pas limitée à celle d’impossibilité absolue, mais doit être entendue dans le sens de circonstances étrangères à la personne concernée, anormales et imprévisibles, dont les conséquences n’auraient pu être évitées qu’au prix de sacrifices excessifs, malgré toutes les diligences déployées (arrêts de la Cour du 11 juillet 1968, Schwarzwaldmilch, 4/68, Rec. p. 549, p. 563 ; du 17 décembre 1970, Internationale Handelsgesellschaft, 11/70, Rec. p. 1125, point 23 ; du 15 décembre 1994, Transáfrica, C‑136/93, Rec. p. I‑5757, point 14, et du 17 octobre 2002, Parras Medina, C‑208/01, Rec. p. I‑8955, point 19).

52     La force majeure comporte un élément objectif, relatif aux circonstances anormales et étrangères à l’opérateur, et un élément subjectif, tenant à l’obligation, pour l’intéressé, de se prémunir contre les conséquences de l’événement anormal en prenant des mesures appropriées sans consentir des sacrifices excessifs. En particulier, l’opérateur doit surveiller soigneusement le déroulement de la procédure entamée et, notamment, faire preuve de diligence afin de respecter les délais prévus (arrêt de la Cour du 15 décembre 1994, Bayer/Commission, C‑195/91 P, Rec. p. I‑5619, point 32).

53     Par ailleurs, les délais sont, en principe, fixés pour être épuisés. À cet égard, il incombe à l’administration nationale concernée d’évaluer avec prudence si la période qu’elle entend réserver au stockage du produit en cause peut être considérée, dans les conditions particulières de l’espèce, comme suffisante. Ce faisant, elle n’est pas obligée de tenir compte, en vue de la fixation éventuelle d’une période de sécurité supplémentaire, d’événements susceptibles de constituer un cas de force majeure. En revanche, elle est tenue de prendre en considération toutes les circonstances devant être qualifiées de normales et prévisibles. Dès lors, le fait d’avoir entamé l’action qu’elle est obligée d’achever dans le délai légal peu de jours avant l’expiration de ce délai ne peut pas, en soi, avoir de conséquences négatives pour celle-ci, à condition que, dans les circonstances de l’affaire, cette période soit suffisante (voir, par analogie, arrêt Inter‑Kom, point 46 supra, points 20 à 23), ce qu’il convient d’examiner en l’espèce.

54     Dans ce cadre, il y a lieu de tenir compte du fait que, selon le communiqué de presse du syndicat des transporteurs du 14 septembre 2000, la grève en cause était initialement planifiée pour débuter le 29 septembre 2000 mais a été avancée au 25 septembre. Aux fins de leurs calculs, les autorités helléniques devraient considérer que la livraison ne pouvait s’effectuer que jusqu’au 28 septembre 2000.

55     Toutefois, selon les éléments avancés par le gouvernement grec (voir point 34 ci‑dessus), 7 850 t de riz ont été stockées du 18 au 25 septembre 2000, ce qui correspond à une quantité quotidienne moyenne de 981,25 t. À ce rythme, les autorités helléniques auraient stocké, au 28 septembre 2000, une quantité d’environ 10 800 t de riz. Il s’ensuit que, faute d’autres éléments ou estimations concernant le rythme des livraisons pendant cette période, les autorités helléniques n’étaient pas fondées à estimer que la période allant du 18 au 28 septembre 2000 était suffisante pour stocker une quantité de 17 700 t de riz.

56     De plus, selon les déclarations du gouvernement grec, 4 500 t de riz ont pu être stockées pendant la durée de la grève (du 25 septembre au 3 octobre 2000), c’est-à-dire 500 t par jour en moyenne. Il s’ensuit que la grève en question n’a pas eu comme conséquence d’interrompre totalement la livraison. La grève des transporteurs ne saurait donc, dans les circonstances de l’espèce, être qualifiée de cas de force majeure dont la Commission devait tenir compte avant d’imposer les conséquences financières contestées.

57     Quant au caractère proportionnel de la correction, il suffit d’observer que, puisqu’elle n’exclut que les frais dus à la quantité stockée hors délai, la correction en cause n’est pas contraire au principe de proportionnalité. Le premier moyen doit, dès lors, être rejeté.

58     S’agissant du moyen tiré de la violation du principe de confiance légitime, premièrement, il y a lieu de rappeler que l’absence de réponse de la Commission à une lettre n’est pas, en principe, de nature à susciter une confiance légitime chez la personne qui l’a envoyée (arrêt de la Cour du 16 octobre 2003, Irlande/Commission, C‑339/00, Rec. p. I‑11757, point 79). Deuxièmement, en envoyant ladite lettre le 29 septembre 2000, à savoir un jour avant la fin du délai, alors que la grève était annoncée depuis le 14 septembre 2000, les autorités helléniques n’ont pas agi avec la diligence requise afin de donner à la Commission le temps nécessaire pour évaluer la demande et, le cas échéant, l’accepter sous d’éventuelles conditions. Troisièmement, même s'il est vrai que la Commission n’aurait pas dû laisser s’écouler treize jours avant de donner sa réponse, les autorités nationales auraient pu suspendre les procédures de livraison de riz jusqu’à l’obtention de la réponse de la Commission, afin de garantir que, en cas de refus, il n’y aurait pas de conséquences financières pour la République hellénique. Le deuxième moyen doit donc être rejeté.

 Sur la correction appliquée en raison de déficiences dans les autres contrôles

–       Réglementation communautaire

59     L’article 4, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 2148/96 de la Commission, du 8 novembre 1996, déterminant les règles d’évaluation et de contrôle des quantités de produits agricoles placés en stocks d’intervention publique (JO L 288, p. 6), dispose :

« L’organisme d’intervention garantit l’exactitude des informations collectées conformément aux dispositions des articles 1er, 2 et 3. À ce titre, il effectue, tout au long de l’année, des contrôles sur les lieux de stockage, autant que possible à des intervalles irréguliers et sans préavis.

Une fois par an au moins, chaque lieu de stockage fait l’objet d’un contrôle conforme aux dispositions figurant à l’annexe III, portant en particulier :

a)      sur la procédure de collecte des informations visées aux articles 2 et 3 ;

b)      sur la conformité des données comptables détenues sur place par le stockeur avec celles qui ont été transmises à l’organisme d’intervention,

et

c)      sur la présence physique en stock des quantités mentionnées dans les états comptables du stockeur et ayant servi de base au dernier état mensuel transmis par le stockeur, évaluée visuellement ou, en cas de doute ou de contestation, en recourant à la pesée ou au mesurage.

La présence physique est établie par une inspection physique suffisamment représentative, portant au moins sur les pourcentages repris à l’annexe III du présent règlement, permettant de conclure à la présence effective dans les stocks de la totalité des quantités inscrites en comptabilité-matière. »

60     En vertu de l’article 6, paragraphe 2, du même règlement :

« Lorsque les quantités manquantes dépassent celles prévues par la ou les limites de tolérance applicables, elles sont, dans leur totalité, imputées au stockeur comme perte non identifiable. Si le stockeur conteste les quantités manquantes, il peut exiger le pesage ou le mesurage du produit, les frais entraînés par cette opération étant à sa charge, sauf s’il apparaît que les quantités annoncées sont effectivement présentes ou que l’écart ne dépasse pas la ou les limites de tolérance applicables, auquel cas les frais de pesage ou de mesurage sont imputables à l’institution ayant fait procéder au contrôle. »

61     L’article 1er du règlement (CE) n° 808/1999 de la Commission, du 16 avril 1999, modifiant le règlement n° 2148/96 en ce qui concerne l’annexe III (JO L 102, p. 70), dispose : 

« Le point III de l’annexe III du règlement [...] n° 2148/96 est remplacé par le texte suivant : ‘III. CÉRÉALES ET RIZ

A. Procédure d’inspection physique

[…]

B. Traitement des différences constatées

Il est toléré un écart lors de la vérification volumétrique des produits.

Ainsi l’article 6 du règlement s’applique lorsque le poids du produit stocké constaté lors de l’inspection physique diffère de son poids comptable de 5 % ou plus en ce qui concerne les céréales et de 6 % ou plus en ce qui concerne le riz pour le stockage en silo et le stockage en magasin plat.

[…]’ »

62     En vertu de l’article 2 du règlement (CEE) n° 147/91 de la Commission, du 22 janvier 1991, définissant et fixant les limites de tolérance pour les pertes de quantités de produits agricoles stockés en intervention publique (JO L 17, p. 9), le taux des pertes normales admises lors du stockage est fixé pour le riz paddy à 0,4 % du poids réel du produit, sans emballage.

63     L’article 10, paragraphe 2, du règlement n° 708/98 dispose :

« Le paiement est effectué entre le trente-deuxième et le trente-septième jour suivant celui de la prise en charge visée à l’article 6, paragraphe 3, du présent règlement. En cas d’application de l’article 8, paragraphe 3, le paiement est effectué dans les meilleurs délais à partir de la communication à l’offrant du résultat de la dernière analyse.

Dans le cas où le paiement est subordonné à la présentation d’une facture par l’offrant, et lorsque cette dernière n’est pas présentée dans le délai prévu à l’alinéa précédent, le paiement doit intervenir dans les cinq jours ouvrables qui suivent la présentation effective de cette facture. »

–       Rapport de synthèse

64     Selon le point B.4.2.2.5 du rapport de synthèse, la Commission a contrôlé onze dossiers d’achat de riz sélectionnés de manière aléatoire, dont quatre concernaient des achats effectués en 1999 (campagne 1998/1999) et sept des achats effectués en 2000 (campagne 1999/2000). Selon les constatations de la Commission, le délai de livraison, tel que prévu par les règlements nos 1340/1999 et 1194/2000 (30 septembre), n’a pas été respecté, à l’exception d’un seul cas. De plus, d’après la Commission, l’obligation pour l’État membre de payer les offrants dans le délai prévu par l’article 10, paragraphe 2, du règlement n° 708/98 (entre le 32e et le 37e jour suivant celui de la prise en charge) n’a été honorée que pour deux dossiers sur les onze ayant fait l’objet d’un contrôle.

65     Selon le point B.4.2.2.6 du rapport de synthèse, les contrôles d’inventaire effectués en vertu de l’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 2148/96 ont révélé, pour les années 1999 et 2000, un dépassement, quant au contrôle volumétrique, d’environ 4 % par rapport à la limite de tolérance applicable (6 %, voir point 61 ci-dessus), différence qui n’a pas été imputée par les autorités helléniques aux stockeurs, ce qui constitue, selon la Commission, une violation de l’article 6, paragraphe 2, du règlement n° 2148/96. De plus, les stocks de la société Nutria ont été repesés, ce qui a révélé des diminutions de poids de 1,2 % et de 2,8 % par rapport au poids à l’entrée, alors que la tolérance légale est de 0,4 % par an (voir point 62 ci‑dessus).

66     Selon le point B.4.2.2.7 du rapport de synthèse, les contrôles sur place ont amené la Commission à constater que les conditions d’accès à certaines cellules de stockage étaient inacceptables et à constater des problèmes concernant les contrôles volumétriques et des plaintes de certains entrepositaires dues au refus de l’organisme d’intervention de tenir compte de la réduction du taux d’humidité entre la date d’entrée de la marchandise et la date de son enlèvement. Enfin, selon la Commission, le volume des cellules n’a pas été établi de manière précise.

67     Ces appréciations ont donné lieu à une correction forfaitaire de 5 % sur les dépenses déclarées.

–       Arguments des parties

68     Le gouvernement grec invoque un moyen comportant trois branches tirées, respectivement, de l’insuffisance de motivation, du non‑respect des orientations pour l’application des corrections forfaitaires, telles que définies dans le document n° VI/5330/97, et de la violation du principe de proportionnalité.

69     Il conteste la légalité de la décision attaquée en ce qu’elle applique une correction forfaitaire de 5 % sur la base du résultat des contrôles des dossiers concernant les achats de riz pour le stockage, des contrôles d’inventaire ainsi que des contrôles sur place des entrepôts de riz (voir points 64 à 66 ci-dessus).

70     Le gouvernement grec rappelle que les retards concernant la livraison du riz et le paiement des offrants (voir point 64 ci-dessus) sont dus à l’utilisation d’une fiche de préinspection conforme à l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 708/98, circonstance n’ayant jamais suscité de plaintes de la part des opérateurs. S’agissant du contrôle volumétrique d’inventaire, il fait valoir que les particularités du stockage en Grèce (stockage de longue durée dans des silos métalliques verticaux de forme cylindrique) impliquent des coefficients de compression (dont l’application n’est, d’ailleurs, pas obligatoire et qui ne sont pas déterminés au niveau communautaire) de 8 à 8,5 % lors de la réception du produit, de 9 à 9,5 % après un an de stockage et de 0,5 % supplémentaire pour chaque année subséquente, ce qui imposerait la reconnaissance de limites de tolérance supérieures à 6 %.

71     Le gouvernement grec souligne, en outre, que toutes les déficiences reprochées par la Commission portent sur des opérations administratives relevant des contrôles secondaires que l’État membre effectue, même si ces contrôles peuvent être améliorés. Par conséquent, il s’agirait de déficiences ne justifiant pas, selon le document n° VI/5330/97, une correction forfaitaire de 5 %, mais seulement une correction forfaitaire n’excédant pas 2 % des dépenses déclarées (voir points 11 à 13 ci-dessus). Enfin, les constatations de la Commission n’établiraient pas un risque de perte pour le FEOGA.

72     La Commission renvoie à l’un de ses documents détaillant les orientations figurant dans le document n° VI/5330/97 et précisant que les contrôles sur place et la vérification de la qualité et de la quantité du stock, dont il s’agit en l’espèce, constituent des contrôles clés. Il s’ensuivrait que la correction forfaitaire de 5 % était justifiée sur la base du document n° VI/5330/97.

–       Appréciation du Tribunal

73     Il convient d’examiner conjointement les trois branches du présent moyen, qui font, en substance, toutes valoir sous le couvert d’intitulés divers une erreur d’appréciation de la Commission lors de la fixation de la correction forfaitaire à 5 % des dépenses déclarées.

74     En vertu d’une jurisprudence constante de la Cour, il appartient à la Commission, aux fins de prouver l’existence d’une violation des règles de l’organisation commune des marchés agricoles, non pas de démontrer d’une façon exhaustive l’insuffisance des contrôles effectués par les administrations nationales ou l’irrégularité des chiffres transmis par elles, mais de présenter un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard de ces contrôles ou de ces chiffres. Cet allégement de l’exigence de la preuve pour la Commission s’explique par le fait que c’est l’État membre qui est le mieux placé pour recueillir et vérifier les données nécessaires à l’apurement des comptes du FEOGA, et auquel il incombe, en conséquence, de présenter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles ou de ses chiffres et, le cas échéant, de l’inexactitude des affirmations de la Commission (arrêts de la Cour du 6 mars 2001, Pays‑Bas/Commission, C‑278/98, Rec. p. I‑1501, points 39 à 41, et du 19 juin 2003, Espagne/Commission, C‑329/00, Rec. p. I‑6103, point 68).

75     Ainsi, en l’espèce, il y a lieu de vérifier si le gouvernement grec a démontré l’inexactitude des appréciations de la Commission ou l’absence de risque de perte ou d’irrégularité pour le FEOGA.

76     En ce qui concerne l’argument selon lequel les autorités helléniques n’ont pas respecté le délai pour la livraison du riz en raison de l’utilisation d’une fiche de préinspection de la marchandise livrée, il suffit de relever que, même à supposer que cette fiche soit utile aux fins de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 708/98, cela ne saurait justifier un dépassement du délai de livraison prévu par l’article 6, paragraphe 1, de ce même règlement et par les règlements qui ont prorogé ce délai (voir point 47 ci-dessus). Il s’ensuit que les autorités nationales sont tenues de faire en sorte que le produit soit livré dans les délais impartis à cet effet et, en même temps, que les autres exigences prévues par la réglementation en cause soient satisfaites, afin de bénéficier du financement communautaire. En effet , le délai prévu par l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 708/98 est instauré en tenant compte des autres exigences de la réglementation applicable, sans qu’il soit possible de ne pas l’observer pour déférer à ces dernières.

77     S’agissant du retard dans le paiement des offrants, force est de constater que l’absence de plaintes de la part de ces derniers, invoquée par le gouvernement grec, ne saurait dispenser un État membre du respect de ses obligations découlant de la réglementation applicable (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 24 février 2005, Grèce/Commission, C‑300/02, Rec. p. I‑1341, point 112).

78     S’agissant de l’absence de risque de perte pour le FEOGA, il y a lieu de relever que, d’une part, les délais prévus par le règlement n° 708/98 ont été dépassés, ce que le gouvernement grec n’a pas contesté et, d’autre part, les dépenses de financement à la charge du FEOGA doivent être calculées en supposant que ce délai est respecté. En conséquence, lorsque les autorités helléniques paient après l’expiration du délai, elles imputent au FEOGA des dépenses non éligibles (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 28 octobre 1999, Italie/Commission, C‑253/97, Rec. p. I‑7529, point 126).

79     Quant à la qualification des contrôles en cause de contrôles clés ou secondaires, il convient de relever que les constatations de la Commission susmentionnées concernent des contrôles relevant de l’article 4 du règlement n° 2148/96. Les inspections des lieux de stockage sur place, selon les procédures visées aux articles 4 et 5 et à l’annexe III du règlement n° 2148/96, et les contrôles sur l’entrée et l’enlèvement du produit relevant des contrôles clés au sens de l’annexe 2 du document n° VI/5330/97 (voir point 12 ci‑dessus), il y a lieu de rejeter le grief du gouvernement grec.

80     Il résulte de ce qui précède que le gouvernement grec n’est pas parvenu à infirmer les constatations de la Commission et que, dès lors, l’ensemble des griefs concernant les corrections financières relatives aux contrôles dans le domaine du stockage public du riz doit être rejeté.

 Sur les produits transformés à base de fruits et légumes

 Réglementation communautaire

81     L’article 2, paragraphes 1 et 2, du règlement (CE) n° 2201/96 du Conseil, du 28 octobre 1996, portant organisation commune des marchés dans le secteur des produits transformés à base de fruits et légumes (JO L 297, p. 29), dispose :

« 1. Un régime d’aide à la production est appliqué aux produits figurant à l’annexe I qui sont obtenus à partir de fruits et légumes récoltés dans la Communauté.

2. L’aide à la production est accordée au transformateur qui a payé au producteur pour la matière première un prix au moins égal au prix minimal en vertu de contrats liant, d’une part, les organisations de producteurs reconnues ou préreconnues au titre du règlement (CE) n° 2200/96, et, d’autre part, les transformateurs.

[...] »

82     L’annexe I dudit règlement inclut, notamment, les pêches au sirop et/ou au jus naturel de fruits.

83     Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 2201/96, « [l’]aide à la production ne peut être supérieure à la différence existant entre le prix minimal payé au producteur dans la Communauté et le prix de la matière des principaux pays tiers producteurs et exportateurs ».

84     Selon l’article 1er du règlement (CE) n° 1733/98 de la Commission, du 4 août 1998, fixant le prix minimal à payer aux producteurs pour les pêches ainsi que le montant de l’aide à la production pour les pêches conservées au sirop et/ou au jus naturel de fruits, pour la campagne 1998/1999 (JO L 217, p. 11), le prix minimal a été fixé à 30,768 écus par 100 kg net départ producteur pour les pêches destinées à la fabrication de pêches au sirop et/ou au jus naturel de fruits. En vertu du même article, l’aide à la production a été fixée à 6,065 écus par 100 kg net, pour les pêches au sirop et/ou au jus naturel de fruits.

85     Le règlement (CE) n° 2699/2000 du Conseil, du 4 décembre 2000, modifiant le règlement (CE) n° 2200/96 portant organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes, le règlement n° 2201/96 et le règlement (CE) n° 2202/96 instituant un régime d’aide aux producteurs de certains agrumes (JO L 311, p. 9), a remplacé l’article 2 du règlement n° 2201/96 par le texte suivant :

« Article 2

Il est institué un régime communautaire d’aide aux organisations de producteurs qui livrent à la transformation des tomates, des pêches et des poires récoltées dans la Communauté, pour la production des produits transformés figurant à l’annexe I.

[…] »

86     L’annexe I du règlement n° 2699/2000 inclut également les pêches au sirop et/ou au jus naturel de fruits.

 Rapport de synthèse

87     Selon le point B.2.8.1 du rapport de synthèse, la Commission a constaté que, pour la campagne 1998/1999, une somme de 647 594,75 euros avait été versée, en octobre 2000, directement aux organisations des producteurs qui fournissaient le transformateur Viokan AE, à titre d’aide à la production de produits transformés à base de pêches, telle qu’instaurée par le règlement n° 2201/96 (voir points 81 et 82 ci-dessus). Or, selon la Commission, ce fait constitue une violation de l’article 2 du règlement n° 2201/96, prévoyant que l’aide à la production est versée au transformateur qui a payé au producteur pour la matière première un prix au moins égal au prix minimal, de sorte que les montants versés ne pouvaient être mis à la charge du FEOGA.

 Arguments des parties

88     Le gouvernement grec soulève trois moyens tirés, premièrement, d’une erreur d’appréciation quant aux cas exceptionnels autorisant le paiement direct aux producteurs, deuxièmement, de l’absence de préjudice pour le FEOGA et, troisièmement, à titre subsidiaire, du calcul incorrect du montant de la correction financière.

89     Quant au premier moyen, le gouvernement grec fait valoir, sans contester la constatation de la Commission concernant le versement direct de l’aide aux organisations des producteurs, que le transformateur Viokan AE a introduit une demande de versement de l’aide sur la base de l’article 2 du règlement n° 2201/96, sans toutefois apporter la preuve qu’il avait payé le prix minimal aux producteurs, du fait de ses difficultés financières et de sa faillite imminente. Il s’ensuit que les autorités helléniques, en versant l’aide directement aux producteurs, auraient agi conformément au principe de bonne administration et à l’objectif poursuivi par le règlement n° 2201/96 qui vise à garantir un revenu équitable aux producteurs.

90     La lacune du règlement n° 2201/96, qui ne contenait pas de disposition régissant le cas de figure dans lequel le transformateur aurait réceptionné le produit sans verser le prix minimal au producteur, aurait été comblée, selon le gouvernement grec, par l’article 14 du règlement (CE) n° 449/2001 de la Commission, du 2 mars 2001, portant modalités d’application du règlement n° 2201/96 du Conseil en ce qui concerne le régime d’aide dans le secteur des produits transformés à base de fruits et légumes (JO L 64, p. 16), qui prévoit le versement de l’aide aux producteurs.

91     S’agissant du deuxième moyen, le gouvernement grec fait valoir que l’article 5, paragraphe 2, sous c), du règlement (CE) n° 729/70 ainsi que le document n° VI/5330/97 subordonnent l’adoption d’une correction financière au préjudice provoqué à la Communauté en raison du versement de l’aide à une personne non bénéficiaire. Cependant, en l’espèce, le gouvernement grec souligne l’absence de tout préjudice financier pour le FEOGA, puisque le même montant d’aide aurait, en toute hypothèse, été versé au transformateur. Dans ces circonstances, et attendu que les autorités helléniques auraient agi afin de garantir la satisfaction des objectifs du règlement n° 2201/96, la correction financière ne serait pas justifiée.

92     Quant au troisième moyen, le gouvernement grec précise que, ainsi qu’il ressort de la lettre de la Commission du 12 juin 2003, les versements directs aux fournisseurs de Viokan AE s’élèvent à 365 577,25 euros et non à 647 594,75 euros. Il résulterait de cette même lettre que le total de 647 594,75 euros découle du rajout du montant versé aux fournisseurs de Viopak AE (282 017,50 euros). Or, la lettre de la Commission du 27 mai 2002, tenant lieu de communication prévue par l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1663/95, ainsi que le rapport de synthèse feraient allusion seulement aux versements en faveur des fournisseurs de Viokan AE. Il s’ensuivrait que la correction devrait se limiter au montant versé aux fournisseurs de cette dernière société, puisque la République hellénique n’aurait pas eu la possibilité d’exercer ses droits de la défense quant aux versements en faveur des fournisseurs de Viopak AE.

93     La Commission répond, tout d’abord, aux allégations relatives au montant exact de la correction financière en cause, en précisant que le montant mentionné dans le rapport de synthèse (647 594,75 euros) ne concerne pas seulement le montant versé aux fournisseurs de Viokan AE, mais aussi celui versé aux fournisseurs de Viopak AE, la référence explicite à cette société ayant été omise par négligence, en raison de la similitude des dénominations. D’ailleurs, le gouvernement grec lui-même aurait éprouvé des difficultés à identifier cette dernière entreprise, puisqu’il l’a mentionnée dans la requête sous les termes « Viokap AE ». Cette circonstance ne constituerait pas une violation des droits de la défense, dès lors que, premièrement, les autorités helléniques auraient présenté utilement leurs arguments, deuxièmement, le montant mentionné concerne les livraisons effectuées aux deux sociétés, troisièmement, les autorités helléniques n’auraient pas de doutes quant à l’identité des transformateurs dont le comportement aurait provoqué des versements directs aux producteurs et, quatrièmement, en toute hypothèse, ces versements seraient illégaux.

94     Pour le reste, la Commission conteste le bien-fondé de l’argumentation de la République hellénique en ce qui concerne le versement de l’aide aux producteurs, en considérant le renvoi au règlement n° 449/2001 opéré à cet égard comme non pertinent. En effet, selon la Commission, ce règlement a apporté des modifications générales au système de contrôle communautaire et, en toute hypothèse, ne s’appliquait pas à l’époque des faits. Elle estime, en outre, que le règlement n° 2201/96 n’est pas lacunaire en ce qui concerne le cas de figure en cause, puisque la demande introduite par un transformateur qui n’apporte pas la preuve qu’il a versé au(x) producteur(s) le prix minimal doit être rejetée, et ce quelle que soit la raison du non-versement de ce prix. Il incomberait alors aux producteurs n’ayant pas perçu le prix minimal de poursuivre le paiement de leurs créances contre les transformateurs. Par ailleurs, la Commission estime que le FEOGA a subi un préjudice financier, puisque, d’une part, les montants de l’aide en cause ont été versés à des personnes autres que les bénéficiaires désignés par le règlement n° 2201/96 et, d’autre part, la condition de versement du prix minimal ainsi que les procédures de contrôle n’ont pas été respectées.

 Appréciation du Tribunal

–       Sur les premier et deuxième moyens

95     Selon la précision apportée par le gouvernement grec lors de l’audience, non contestée par la Commission, les montants versés directement aux producteurs correspondaient à l’aide à la production et non au prix minimal. En effet, il ne ressortirait pas clairement du dossier si les autorités helléniques avaient versé directement aux producteurs seulement l’aide à la production (de 6,065 écus par 100 kg net, pour les pêches au sirop et/ou au jus naturel de fruits), prévue par l’article 1er du règlement n° 1733/98, ou la totalité du prix minimal (30,768 écus par 100 kg net départ producteur pour les pêches destinées à la fabrication de pêches au sirop et/ou au jus naturel de fruits).

96     L’argument selon lequel les autorités helléniques auraient comblé, conformément au principe de bonne administration, une lacune du règlement n° 2201/96, corrigée postérieurement par le règlement n° 449/2001, ne saurait être accueilli.

97     En effet, le règlement n° 2201/96 a instauré un système d’aide à la production comportant deux branches, la première étant l’institution d’un prix minimal en faveur des producteurs, lequel était payé par les transformateurs pour acheter la matière première. Ce système nécessitait alors une aide compensatoire au transformateur en échange du paiement par celui-ci d’un prix minimal au producteur, ce qui en constituait la seconde branche.

98     Le règlement n° 2699/2000 a abrogé, à partir de la campagne 2001/2002, le système précédent en le remplaçant par une seule aide versée directement aux producteurs par les organismes nationaux, sans prévoir une aide en faveur du secteur de la transformation, désormais libre de négocier les prix avec les producteurs.

99     Le taux de cette dernière aide a été établi à 47,70 euros par tonne pour les pêches, en vertu de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 2201/96, tel que modifié par le règlement n° 2699/2000. Aux termes du paragraphe 3 de cet article, « [s]ans préjudice de l’application de l’article 5, l’aide est versée par les États membres aux organisations de producteurs sur leur demande, dès que les autorités de contrôle de l’État membre dans lequel la transformation est effectuée ont constaté que les produits qui ont fait l’objet de contrats ont été livrés à l’industrie de transformation ».

100   Il s’ensuit que, en prévoyant, dans son article 14, paragraphe 4, que l’aide est versée aux organisations de producteurs ou aux transformateurs (à ces derniers uniquement pour les figues sèches et les pruneaux issus de prunes d’Ente), le règlement n° 449/2001 ne comblait pas une lacune du règlement n° 2201/96, tel qu’en vigueur pendant la campagne 1998/1999, mais reflétait la modification du système de l’aide à la production des pêches (et d’autres produits).

101   S’agissant du moyen tiré de l’absence de préjudice pour le FEOGA, il y a lieu de relever que, si le paiement du prix minimal n’est pas établi par le transformateur, la demande n’est pas éligible au paiement. De surcroît, aucune disposition ne permet un paiement aux producteurs si le transformateur a réceptionné le produit sans pour autant verser au producteur le prix minimal. Il convient de souligner à cet égard, d’une part, que l’aide à la production n’était pas destinée aux producteurs (en tant que partie du prix minimal) et, d’autre part, que les transformateurs ne faisaient pas fonction d’intermédiaires entre l’organisme d’intervention et les producteurs. En effet, la base du calcul de l’aide à la production (6,065 écus par 100 kg net, pour les pêches au sirop et/ou au jus naturel de fruit) est différente de celle du calcul du prix minimal (30,768 écus par 100 kg net départ producteur). Plus précisément, tandis que cette dernière est calculée sur la base du poids net du produit destiné à la transformation (matière première), l’aide à la production est calculée sur la base du poids du produit transformé. Ainsi, l’aide à la production ne constitue qu’une incitation pour les transformateurs à acheter le produit récolté dans la Communauté au lieu de celui originaire des pays tiers. De plus, contrairement à ce que prétend le gouvernement grec, le montant de l’aide à la production, nettement inférieur au prix minimal, n’aboutit pas à garantir un niveau de revenu acceptable pour les producteurs, ce rôle étant dévolu au prix minimal.

102   Il en résulte que les paiements en question ont été effectués à des personnes qui ne sauraient être considérées comme des bénéficiaires de l’aide à la production, ce qui établit un préjudice pour le FEOGA. Les deux premiers moyens doivent, par conséquent, être rejetés.

–       Sur le troisième moyen, tiré du montant erroné de la correction financière

103   Comme le souligne le gouvernement grec, la Commission, dans sa lettre du 27 mai 2002 tenant lieu de communication au titre de l’article 8, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 1663/95, ne fait allusion qu’aux paiements directs effectués en faveur des fournisseurs du transformateur Viokan AE et non à ceux de Viopak AE. Les paiements en faveur des fournisseurs de la première entreprise s’élevaient à 124 570 449 drachmes grecques (GRD), soit environ 365 577,25 euros. Les paiements directs en faveur du transformateur Viopak AE s’élevaient à 96 097 461 GRD, soit environ 282 017,49 euros. Par conséquent, le total des versements directs s’élevait à environ 647 594,75 euros.

104   Comme il ressort du point précédent, la Commission a seulement fait allusion, dans la lettre du 27 mai 2002, à l’entreprise Viokan AE, tout en évaluant les paiements non conformes au règlement n° 2201/96 à 647 594,75 euros. Par la suite, dans la lettre du 12 juin 2003, tenant lieu de communication au titre de l’article 8, paragraphe 1, cinquième alinéa, du règlement n° 1663/95, la Commission a fait référence aux deux transformateurs. Cette lettre était accompagnée de l’analyse figurant au point précédent, avec une mention détaillée de l’organisation des fournisseurs de chaque transformateur.

105   Lors de la procédure de conciliation, le gouvernement grec a fait observer que le montant correct de la correction devait s’élever à 647 594,75 euros et non à 650 549,56. Dans le rapport de synthèse, la Commission a omis de se référer à Viopak AE, alors que la correction proposée (650 549,56 euros, selon le point B.2.8.3 du rapport de synthèse) incluait, eu égard aux indications des points 103 et 104 ci-dessus, les montants versés aux fournisseurs de cette entreprise.

106   Il convient de rappeler que, dans le cadre de l’apurement des comptes du FEOGA, les États membres ne sauraient adopter de positions purement formalistes lorsqu’il ressort des circonstances que leurs droits ont été pleinement respectés (arrêt de la Cour du 7 octobre 2004, Espagne/Commission, C‑153/01, Rec. p. I‑9009, point 93).

107   En l’espèce, il est évident que, dès le début de la procédure d’apurement des comptes, la Commission visait les montants versés directement aux fournisseurs tant de Viokan AE que de Viopak AE, puisque le montant de la correction mentionné comportait les versements effectués par les autorités helléniques en faveur des fournisseurs des deux entreprises transformatrices. Cette erreur a été corrigée dans la communication du 12 juin 2003, de sorte que toute incertitude a été levée et que le gouvernement grec a pu présenter utilement sa thèse devant l’organe de conciliation, mais aussi devant le Tribunal. Le gouvernement grec était, dès lors, en mesure de constater qu’il s’agissait d’une erreur d’ordre typographique, de sorte que celle-ci n’est pas susceptible d’affecter les droits de la défense de la République hellénique. Il s’ensuit que le troisième moyen doit être rejeté.

108   Partant, le recours doit être rejeté en tant qu’il concerne les produits transformés à base de fruits et légumes.

 Sur l’aide aux personnes les plus démunies

 Réglementation communautaire

109   Les règles générales dans ce domaine sont instituées par le règlement (CEE) n° 3730/87 du Conseil, du 10 décembre 1987, fixant les règles générales applicables à la fourniture à certaines organisations de denrées alimentaires provenant des stocks d’intervention et destinées à être distribuées aux personnes les plus démunies de la Communauté (JO L 352, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) n° 2535/95 du Conseil, du 24 octobre 1995 (JO L 260, p. 3).

110   Par ailleurs, l’article 1er, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 3149/92 de la Commission, du 29 octobre 1992, portant modalités d’application de la fourniture de denrées alimentaires provenant des stocks d’intervention au bénéfice des personnes les plus démunies de la Communauté (JO L 313, p. 50), dispose :

« Les États membres concernés communiquent à la Commission au plus tard le 31 mai :

[…]

c)      les critères d’éligibilité des bénéficiaires ;

[…] »

111   Selon l’article 2, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 3149/92, tel que modifié par le règlement (CE) n° 267/96 de la Commission, du 13 février 1996 (JO L 36, p. 2), « [l]a Commission adopte chaque année avant le 1er octobre un plan annuel de distribution de denrées alimentaires au profit des personnes les plus démunies, ventilé par État membre concerné ».

112   Aux termes de l’article 9 du règlement n° 3149/92, tel que modifié par les règlements (CE) n° 2826/93 de la Commission, du 15 octobre 1993 (JO L 258, p. 11) et le règlement n° 267/96 :

« Les États membres prennent toutes les dispositions nécessaires pour faire en sorte que :

–       les produits d’intervention et, le cas échéant, les allocations pour la mobilisation sur le marché servent à l’usage et aux fins prévues à l’article 1er du règlement [...] n° 3730/87,

–       […],

–       les organisations désignées pour la mise en œuvre conservent les pièces comptables et justificatives appropriées et permettent aux autorités compétentes d’y accéder pour pouvoir effectuer les contrôles qu’elles estiment nécessaires. Les contrôles sur place auprès des organisations désignées portent sur un minimum de 5 % des dépenses réalisées au titre du plan annuel.

[…] »

 Rapport de synthèse

113   Du 16 au 20 octobre 2000, les services de la Commission ont effectué en Grèce une mission de contrôle portant sur la fourniture de denrées alimentaires provenant des stocks d’intervention et destinées à être distribuées aux personnes les plus démunies.

114   La Commission avait initialement proposé une correction forfaitaire de 5 % sur les dépenses de la République hellénique aux fins de l’aide alimentaire en cause pour les exercices 1998/1999, 1999/2000 et 2000/2001, soit 1 674 597 euros. Cette correction se fondait, selon le point B.4.1.3.5 du rapport de synthèse, sur les motifs suivants :

–       l’arrêté ministériel précisant les organisations qui peuvent participer au programme de distribution gratuite (arrêté ministériel commun n° 173200/97, FEK B’ 685/8.8.1997) indiquait de façon indirecte et vague les bénéficiaires de l’aide, sans, d’ailleurs, instaurer expressément l’indigence comme critère d’éligibilité, ce qui constituait une violation de l’article 1er, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 3149/92 (voir point 110 ci-dessus) ; de plus, une organisation a refusé de divulguer l’identité des personnes ayant bénéficié de cette aide ;

–       les contrôles croisés effectués par les autorités helléniques (par l’intermédiaire de comités de trois membres) n’étaient pas de nature à éliminer le « risque de doublon », la comparaison de listes sur support papier comportant des milliers de noms devant s’effectuer manuellement ; de surcroît, le contrôle a révélé que certaines organisations n’avaient pas soumis de listes nominatives ;

–       les contrôles sur place effectués par la Commission ont révélé des déficiences quant à l’existence et à la fiabilité des pièces comptables et justificatives conservées par les organismes de mise en œuvre, des manquements concernant l’obligation de transmission des formulaires de livraison signés à la préfecture, le refus d’une organisation de communiquer l’identité des bénéficiaires, des insuffisances dans les contrôles effectués par les préfectures auprès des organismes de mise en œuvre et une incertitude quant au nombre de bénéficiaires déclarés par ces organismes ;

–       la Cour des comptes a relevé, lors de son enquête sur la distribution de viande bovine, que l’arrêté ministériel commun n° 173200/97 n’instaurait pas de critères d’éligibilité précis et qu’aucune procédure transparente n’avait été suivie pour vérifier si les organismes effectivement sélectionnés pour la mise en œuvre satisfaisaient à la réglementation communautaire ; selon les constatations de la Cour des comptes, le « risque de doublon » n’était pas éliminé et la liste initiale des bénéficiaires n’était pas fiable du fait de sa modification à plusieurs reprises ; de plus, la même enquête a révélé l’existence de bons de livraison non signés (145, représentant 415 543 kg de viande) ou signés par la même personne (65, représentant 148 520 kg de viande), ainsi qu’une surestimation du coût de la viande et des frais de transport.

115   L’organe de conciliation a exprimé certaines réserves dues à l’imprécision de la réglementation applicable quant à la notion de « bénéficiaire », en soulignant également que la Commission pouvait exiger des informations auprès des États membres sur les critères d’éligibilité avant d’approuver les plans présentés par ceux‑ci. À la suite de ces réserves, la Commission a reconsidéré sa position et limité la correction forfaitaire à 2 % des dépenses déclarées, soit 669 839 euros.

 Arguments des parties

116   Le gouvernement grec soulève un moyen comportant trois branches tirées, respectivement, d’une interprétation erronée des articles 1er, 2 et 9 du règlement n° 3149/92, d’une erreur d’appréciation des faits et d’une insuffisance de motivation.

117   Le gouvernement grec fait valoir que, selon le règlement n° 3149/92, il incombe aux États membres de définir la personne démunie et de préciser les critères d’éligibilité, puisque le législateur communautaire tient compte du fait que cette notion peut varier en fonction des circonstances factuelles, géographiques et temporelles. Dans cette perspective, la désignation d’une organisation caritative avec un but statutaire précis impliquerait également la fixation d’un critère d’éligibilité, cette désignation étant étroitement liée au but statutaire de l’organisation. Par ailleurs, attendu que le règlement n° 3149/92 ne prévoyait pas une approbation des critères d’éligibilité par l’administration communautaire, l’adoption du plan de distribution de la part de la Commission en vertu de l’article 2 dudit règlement entraînerait l’impossibilité de remettre en cause les choix des États membres quant aux catégories des bénéficiaires, sauf en cas d’erreur manifeste d’appréciation. En l’espèce, dans la mesure où les organisations désignées par les autorités helléniques (organisations caritatives, l’église par ses diocèses, organisations de familles comptant au moins quatre enfants, organisations de Grecs rapatriés, surtout de l’ex-Union soviétique, organisations protégeant les victimes des catastrophes naturelles, etc.) soutiennent des personnes qui, selon l’expérience commune, se trouvent dans l’impossibilité de subvenir aux besoins élémentaires, la République hellénique aurait agi conformément à l’obligation qui lui incombait d’instituer des critères d’éligibilité précis, parmi lesquels figurait l’indigence du bénéficiaire. En toute hypothèse, les contrôles n’auraient pas révélé des prestations en faveur de personnes qui ne devaient pas être qualifiées d’indigentes ni que le FEOGA aurait subi un préjudice.

118   Pour ce qui est du « risque de doublon », le gouvernement grec souligne que les observations de la Commission quant à l’efficacité du système des contrôles croisés manuels ne se fondent pas sur des constatations effectives, mais sur des hypothèses et des doutes. D’ailleurs, l’organe de conciliation aurait souligné que la législation communautaire n’excluait pas la possibilité d’un cumul d’aides à certains bénéficiaires, compte tenu de l’extrême nécessité de ces personnes, qui se distinguaient des bénéficiaires habituels du FEOGA.

119   S’agissant des constatations effectuées à la suite des contrôles sur place, le gouvernement grec affirme que les organisations caritatives tiennent des registres de comptabilité conformes à la législation nationale et que les associations à but non lucratif conservent les pièces comptables requises, ainsi que des listes nominatives détaillées permettant de prouver que les bénéficiaires ont reçu les produits distribués, ce qui satisfait aux exigences de l’article 9 du règlement n° 3149/92. Pour ce qui est de la suffisance des contrôles effectués par les préfectures sur les organismes de mise en œuvre, le gouvernement grec fait valoir que la Commission procède à des extrapolations à partir d’omissions formelles isolées. En ce qui concerne l’estimation du nombre des bénéficiaires, les quelques désaccords arithmétiques relevés seraient dus aux modifications des listes nominatives intervenues au cours de la distribution, lesquelles auraient affecté le volume des stocks à distribuer. Ainsi, certaines quantités de produits seraient distribuées au cours de l’année suivante.

120   En ce qui concerne le refus du diocèse de Thessalonique de communiquer une liste nominative des bénéficiaires, le gouvernement grec fait valoir qu’il s’agit d’un cas isolé, dû au désir de ces derniers (immigrés clandestins, toxicomanes, marginaux, etc.) de conserver leur anonymat.

121   S’agissant des constatations de la Cour des comptes, le gouvernement grec allègue que les contrôles effectués par les comités de trois membres qui fonctionnent au niveau préfectoral sont suffisants, compte tenu, notamment, de la documentation accompagnant chaque livraison individuelle. S’agissant des modifications de la liste des bénéficiaires, le gouvernement grec soutient que lesdites modifications par l’insertion de nouveaux bénéficiaires étaient dues à l’encéphalopathie spongiforme bovine, qui aurait amené certaines familles à refuser la viande distribuée. Ce problème aurait été résolu à partir de 1998.

122   Selon le gouvernement grec, les bons de livraison, présentant, du point de vue de la Commission, des irrégularités (218 en total), ont tous été signés par le livreur et le bénéficiaire, à l’exception de trois cas d’oubli par négligence. Pour ce qui est des bons non signés, les autorités helléniques les auraient transmis ultérieurement à la Cour des comptes, dûment signés, puisque les bons obtenus par celle-ci lors du contrôle sur place étaient des copies conformes. Le gouvernement grec estime que les soupçons d’irrégularités ne justifient pas une correction financière, sauf en cas de risque véritable pour le FEOGA, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. De plus, la Commission aurait à tort constaté une surestimation des quantités de viande distribuées du fait du nombre des familles, inférieur à celui initialement calculé (575 au lieu de 800), dès lors que ses services auraient accepté la distribution de la quantité totale aux bénéficiaires (3,5 kilos de viande par personne pour 2 252 personnes).

123   S’agissant des critères d’éligibilité, la Commission souligne que le fait pour une personne d’être membre d’une organisation culturelle et folklorique ou fidèle d’une église ne suffit pas, selon les règlements nos 3730/87 et 3149/92, pour lui attribuer la qualité de bénéficiaire de l’aide en cause. L’objectif de la communication des critères d’éligibilité résiderait dans la nécessité d’un contrôle préalable de la part de la Commission sur la compatibilité du projet de distribution avec la réglementation communautaire applicable. En outre, le refus d’une organisation de déférer à la demande de production d’une liste de bénéficiaires rendrait tout contrôle impossible. Par ailleurs, l’obligation d’un État membre de communiquer à la Commission les critères d’éligibilité, conformément à l’article 1er, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 3149/92 (voir point 110 ci-dessus), ne pourrait être considérée comme remplie par la communication des organisations de mise en œuvre, étant donné que ces dernières ne sont pas les bénéficiaires de l’aide. La Commission souligne que, dans la mesure où l’arrêté ministériel en cause n’instaure pas explicitement l’indigence comme critère d’éligibilité, le risque encouru serait une distribution aux personnes n’en ayant pas besoin.

124   S’agissant du « risque de doublon », la Commission fait valoir l’impossibilité de contrôles croisés efficaces de milliers de noms à partir de listes ne se présentant pas sous forme électronique. Cette inefficacité créerait le risque qu’une personne puisse bénéficier de plusieurs distributions du fait de son inscription sur plusieurs listes. En outre, les inspections sur place auraient révélé qu’un tel contrôle croisé n’est pas réalisé. La Commission précise que le régime d’aide en question ne remplace pas les prestations sociales nationales, de sorte que, si le « doublon » éventuel est possible, il ne saurait être fondé que sur la nécessité absolue de certaines personnes. De plus, la correction de 2 %, qui est d’ailleurs la plus basse possible, ne supposerait pas un préjudice concret pour le FEOGA, mais se justifierait par le seul risque de perte financière en raison de la défaillance du système de distribution ou des contrôles.

125   Pour ce qui est des contrôles sur place, la Commission fait valoir que, selon la réglementation applicable en l’espèce, ces contrôles se fondent sur l’échantillonnage. Par conséquent, l’argument du gouvernement grec selon lequel la Commission extrapole ses conclusions sur la base d’éléments isolés ne serait pas fondé. En outre, les déficiences comptables constatées lors des contrôles sur place justifieraient la correction de 2 % sur la base du document n° VI/5330/97. Dans ce cadre, il incomberait à l’État membre de prouver que le contrôle de l’octroi de l’aide aux bénéficiaires est possible.

126   En ce qui concerne l’enquête de la Cour des comptes, la Commission considère que les remarques du gouvernement grec confirment ses reproches concernant la modification de la liste des bénéficiaires et l’insuffisance des données fournies. Pour ce qui est des bons de livraison non signés et de ceux signés par la même personne, la Commission déclare ne pas comprendre comment des originaux peuvent être dûment signés tandis que leurs copies conformes, lui ayant été soumises, ne portent pas de signature, ni la raison pour laquelle les copies conformes de 65 bons portaient initialement la signature de la même personne tandis que les originaux étaient signés par des bénéficiaires différents. En toute hypothèse, ces circonstances révéleraient l’existence d’un risque de perte financière pour le FEOGA. Par ailleurs, l’argumentation du gouvernement grec concernant le nombre de bénéficiaires de la distribution de viande ne contredirait pas le reproche de la Commission, étant donné qu’il se fonde sur le nombre de personnes inférieur à celui pour lequel l’aide a été demandée.

127   Enfin, la Commission rappelle que la correction forfaitaire initialement proposée s’élevait à 5 % des dépenses déclarées. Dès lors, ce serait en tenant compte des particularités du système instauré par les règlements communautaires et de l’argumentation de la République hellénique que celle-ci a adopté une correction de 2 %.

 Appréciation du Tribunal

128   S’agissant de la communication des critères d’éligibilité des bénéficiaires, il ressort de l’article 1er, paragraphe 2, du règlement n° 3149/92 que les États membres communiquent, notamment, ces critères à la Commission au plus tard le 31 mai de chaque année. De plus, selon l’article 1er, troisième phrase, du règlement n° 3730/87 et l’article 2, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 3149/92, la Commission adopte, sur la base des informations transmises par les États membres, un plan annuel de distribution des denrées alimentaires.

129   Quant à l’argument du gouvernement grec selon lequel la sélection d’une organisation caritative dotée d’un but statutaire précis équivaut à la détermination d’un critère d’éligibilité, il convient de relever, à titre liminaire, que l’arrêté ministériel commun n° 173200/97 intitulé « Arrêté de mesures supplémentaires concernant la procédure de transport et de distribution gratuite de viande aux plus démunis » comporte un article 4 intitulé « Livraison de la viande aux bénéficiaires (organisations caritatives, etc.) », qui fixe les conditions devant être remplies par chaque organisation. Toutefois, on ne saurait déduire de cet arrêté des critères concrets d’éligibilité, tels qu’exigés par la Commission. En outre, ledit arrêté ne concerne que la distribution de viande. La République hellénique a réagi à l’exigence de la Commission en publiant l’arrêté ministériel n° 290352/2002 (FEK B’ 1415/6.11.2002) intitulé « Définition de critères d’éligibilité des bénéficiaires de distribution gratuite de produits alimentaires provenant des stocks d’intervention ».

130   Cependant, il y a lieu de relever que, si le principe de coopération loyale entraîne, en vertu de l’article 10 CE, une obligation pour les États membres de prendre toutes les mesures propres à garantir la portée et l’efficacité du droit communautaire, ce même principe impose, de par sa nature, aux institutions communautaires des devoirs réciproques de coopération loyale avec les États membres (arrêts de la Cour Irlande/Commission, point 58 supra, points 71 et 72, et du 4 mars 2004, Allemagne/Commission, C‑344/01, Rec. p. I‑2081, point 79).

131   Il convient de souligner, à cet égard, que, selon les communications de la Commission des 20 avril 2001 et 25 février 2003, au titre de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1663/95, les principaux organismes de mise en œuvre, communiqués à la Commission avant que cette dernière n’adopte chaque plan de distribution national, étaient les organisations caritatives, l’église (par les diocèses), les organisations de familles avec plus de quatre enfants et les organisations de Grecs rapatriés de l’ex-Union soviétique. De plus, dans ces lettres, la Commission a fait référence à des arrêtés ad hoc concernant des groupes particuliers, comme les victimes de calamités naturelles (tremblements de terre, incendies de forêt, etc.).

132   Sur la base des informations fournies par les autorités helléniques (voir point 128 ci-dessus), qui incluraient les données relatives à ce que les autorités helléniques entendaient comme critères d’éligibilité des bénéficiaires, la Commission a adopté les plans annuels correspondant aux exercices 1998/1999, 1999/2000 et 2000/2001. La Commission disposait donc des informations ayant trait aux organismes de mise en œuvre, sans pourtant indiquer de défaillances ou exprimer des réserves en raison de la non-communication des critères d’éligibilité des bénéficiaires finaux. Il convient également de souligner que, comme le fait valoir le gouvernement grec, les organismes désignés par les autorités helléniques offrent leurs services, selon l’expérience commune, aux personnes les plus démunies. En ce qui concerne plus particulièrement l’organisme de mise en œuvre que constitue l’église, le gouvernement grec affirme à juste titre que le critère employé n’est pas la qualité de « croyant » mais celui de la personne manifestement dépourvue de moyens de survie.

133   En outre, comme l’organe de conciliation l’a observé, la réglementation communautaire est, elle-même, imprécise, de sorte que le terme « bénéficiaire » n’a pas toujours le même sens. Plus précisément, l’article 10 du règlement n° 3149/92, tel que modifié, fait référence à des « bénéficiaires », à savoir les personnes les plus démunies, et à des « bénéficiaires finals », ce dernier terme visant les organismes de mise en œuvre.

134   Cette difficulté était donc connue de la Commission à l’époque de l’examen des éléments transmis aux fins de l’approbation du projet de distribution. Toutefois, s’il est vrai que la Commission aurait dû, conformément au principe de coopération loyale, prévenir, lors de l’examen du plan de distribution annuel, l’État membre concerné et exiger la production d’éléments supplémentaires quant aux critères d’éligibilité des bénéficiaires, il ne saurait être méconnu que les autorités helléniques n’ont pas répondu, à l’époque des faits, aux exigences de la réglementation applicable (voir points 110 et 129 ci‑dessus). Partant, la Commission a suffisamment tenu compte des circonstances atténuantes en faveur de la République hellénique en modérant le taux de la correction à 2 % (voir point 115 ci‑dessus), sans qu’elle ait commis une erreur en maintenant le grief relatif à la non-communication des critères d’éligibilité des bénéficiaires.

135   S’agissant du « risque de doublon », il ne résulte pas de la réglementation applicable qu’une double distribution à certaines personnes serait a priori contraire à celle-ci. En effet, les actions de distribution peuvent concerner des produits différents et leur cumul contribuer au meilleur accomplissement des objectifs du programme. De plus, il est constant que les bénéficiaires de ces actions sont des personnes qui font quotidiennement face à des problèmes de survie essentiels. Toutefois, s’il est vrai que le « doublon » n’est pas contraire aux dispositions communautaires, il n’en reste pas moins que cette double distribution doit être effectuée sous contrôle et en faveur de personnes qui en ont besoin. La Commission relève, à juste titre, que la raison du « doublon » doit reposer sur les besoins du bénéficiaire et non sur la déficience des contrôles. Or, le gouvernement grec n’a pu infirmer la constatation de la Commission selon laquelle il y avait un « risque de doublon » du fait de la réalisation des contrôles à partir de listes sur support papier contenant plusieurs milliers de noms, la production par les organisations caritatives de listes sous forme électronique n’ayant été exigée qu’à partir de l’arrêté ministériel n° 290352/2002. Dans ces circonstances, les comités de trois personnes ne sont pas en mesure d’effectuer un contrôle efficace.

136   Sur l’absence d’un exemple concret de « doublon », invoquée par le gouvernement grec, il suffit de rappeler que, selon la jurisprudence évoquée au point 74 ci‑dessus, la Commission est tenue de présenter un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard des contrôles effectués par les autorités nationales. Or, les constatations de la Commission constituent indéniablement des éléments de preuve au sens de ladite jurisprudence.

137   À cet égard, s’agissant des contrôles sur place, il convient de rappeler que l’État membre concerné, pour sa part, ne saurait infirmer les constatations de la Commission sans étayer ses propres allégations par des éléments établissant l’existence d’un système fiable et opérationnel de contrôle. Dès lors qu’il ne parvient pas à démontrer que les constatations de la Commission sont inexactes, celles-ci constituent des éléments susceptibles de faire naître des doutes sérieux quant à l’existence d’un ensemble adéquat et efficace de mesures de surveillance et de contrôle (arrêt du 24 février 2005, Grèce/Commission, point 77 supra, point 35).

138   Le gouvernement grec se limite à une contestation générale des résultats des contrôles effectués par la Commission, en soulignant que les organisations caritatives et les associations à but non lucratif conservent les registres comptables prévus par la réglementation nationale, ainsi que des listes nominatives détaillées, afin de démontrer la livraison des produits distribués aux bénéficiaires finals, sans toutefois proposer un élément de preuve pertinent à cet égard. Le gouvernement grec renvoie également à la lettre du ministère de l’Agriculture grec du 22 juin 2001, qui se réfère à des contrôles mis en place à partir de l’année 2000, sans mettre en cause les constatations de la Commission. S’il est vrai que la Commission ne saurait adopter une approche excessivement rigoureuse lors du contrôle des opérations caritatives, il convient néanmoins de rappeler que le contrôle en cause vise avant tout à sauvegarder les objectifs du programme de distribution gratuite au profit des personnes dans le besoin. L’État membre est, dès lors, tenu d’organiser, dans le cadre de l’article 9 du règlement n° 3149/92, un système comptable applicable aux organismes de mise en œuvre, qui combine les exigences du contrôle nécessaire et la simplicité permettant le bon déroulement des opérations menées au profit de ces organismes et des bénéficiaires.

139   En ce qui concerne le refus du diocèse de Thessalonique de révéler les noms des bénéficiaires finals, il convient de souligner que, même s’il s’agit de groupes présentant des particularités, la communication de leurs noms à une autorité publique, comme la Commission, aux seules fins du contrôle lors de l’apurement des comptes, sans qu’il soit besoin de faire allusion à leur situation personnelle, ne porterait pas atteinte à leurs intérêts.

140   Pour ce qui est des contrôles des organismes de mise en œuvre effectués par les préfectures, il convient de remarquer que les constatations de la Commission (absence de rapports d’inspection signés et de pièces justificatives) justifient la correction appliquée, d’autant plus que le gouvernement grec ne conteste pas la réalité de ces omissions, mais prétend qu’il s’agit de cas isolés. Or, cette allégation ne suffit pas pour établir l’existence d’un système fiable et opérationnel de contrôle.

141   S’agissant de la surestimation du nombre des bénéficiaires, même à supposer que, comme le prétend le gouvernement grec, les désaccords arithmétiques soient dus aux modifications des listes nominatives intervenues au cours de la distribution, cette situation doit être illustrée dans des registres comptables pourvus de force probante. Tel n’étant pas le cas en l’espèce, la Commission a appliqué à juste titre la correction en cause.

142   Il résulte de ce qui précède que le gouvernement grec n’est pas parvenu à infirmer les constatations de la Commission à l’égard des insuffisances relatives aux contrôles sur place.

143   En ce qui concerne le « risque de doublon » également constaté par l’enquête de la Cour des comptes quant à la distribution de viande en 1997, même à supposer que les modifications successives de la liste des bénéficiaires étaient dues au refus de certains bénéficiaires initiaux de réceptionner la quantité de viande prévue en raison de l’encéphalopathie spongiforme bovine en voie de propagation à l’époque, il y a lieu de souligner que le gouvernement grec n’a apporté aucun élément susceptible de prouver que, malgré ces modifications, un contrôle fiable sur la distribution des denrées alimentaires restait possible.

144   Pour ce qui est des bons de livraison non signés ou signés par la même personne, il convient de souligner que, même si la Commission n’a pas répondu précisément à l’allégation selon laquelle, en réalité, seuls trois bons n’étaient pas signés, le gouvernement grec n’a pas suffisamment expliqué pourquoi les copies conformes des bons portaient la signature de la même personne, tandis que les originaux portaient des signatures différentes.

145   Quant à la distribution de la viande aux familles de Grecs rapatriés de l’ex-Union soviétique, il suffit de relever que, même si la totalité de la quantité a été distribuée, le nombre des familles ayant finalement bénéficié de la distribution (575) est clairement inférieur au nombre pour lequel l’aide a été demandée (800). Il s’ensuit que la Commission a, à juste titre, fait remarquer que cela a abouti à une surestimation du coût de la viande et des frais de transport. L’argumentation du gouvernement doit, par conséquent, être rejetée.

146   Partant, l’ensemble des griefs concernant les corrections financières relatives aux contrôles de l’aide aux personnes les plus démunies doit être rejeté.

 Sur le programme de restructuration dans le secteur des fruits et légumes

 Réglementation communautaire

147   Aux termes de l’article 2 du règlement (CEE) n° 3816/92 du Conseil, du 28 décembre 1992, prévoyant, dans le secteur des fruits et légumes, la suppression du mécanisme de compensation dans les échanges entre l’Espagne et les autres États membres, ainsi que des mesures connexes (JO L 387, p. 10), tel que modifié :

« 1. La Communauté participe au financement d’un programme d’actions présenté et réalisé, respectivement, par les autorités françaises, italiennes et grecques sur une période de trois ans, qui est destiné, pour le secteur des fruits et légumes frais, à la restructuration des secteurs des fruits et légumes les plus touchés par la suppression des mesures transitoires.

2. Le programme prévu au paragraphe 1 est soumis à la Commission avant le 31 mars 1993 et approuvé par cette dernière avant le début de sa réalisation.

3. À titre de mesures d’intervention, la participation communautaire aux actions prévues au paragraphe 1 se fait :

–       à concurrence de 75 % des dépenses supportées à ce titre par les États membres,

–       pendant une période de trois ans à compter de l’approbation du programme,

–       dans la limite d’un montant global de 120,8 millions d’écus,

–       si les actions en cause ne bénéficient pas simultanément d’autres mesures communautaires.

[...] »

 Rapport de synthèse

148   Du 17 au 19 juillet 2001, les services de la Commission ont effectué une mission de contrôle en Grèce portant sur le programme de restructuration dans le secteur des fruits et légumes.

149   Selon le point B.2.7.1 du rapport de synthèse, le programme grec concernant la restructuration du secteur des fruits et légumes a été approuvé par décision de la Commission du 23 octobre 1995, notifiée à l’État membre le 25 octobre 1995. Il s’ensuit, selon la Commission, que le délai fixé par l’article 2, paragraphe 3, deuxième tiret, du règlement n° 3816/92 (ci-après le « délai de trois ans ») venait à expiration le 25 octobre 1998. Or, seules les actions exécutées avant l’expiration du délai de trois ans étaient éligibles au financement communautaire, même si la Commission a accepté que les paiements concernant ces actions puissent s’effectuer dans un délai raisonnable après la date limite. Ce dernier délai a été fixé au 25 décembre 1999, soit quatorze mois après l’expiration du délai de trois ans. Les dépenses relatives aux actions achevées après le 25 octobre 1998 ainsi que les paiements effectués après le 25 décembre 1999 étaient donc à exclure du financement communautaire.

150   Les dépenses en cause étaient celles liées à la reconversion des cultures, celles nécessaires à la reconstruction des postes frontaliers et des stations de désinfection ainsi que les dépenses occasionnées par la construction du centre de recherche de Vardates.

151   Plus précisément, s’agissant de la reconversion des cultures, près de 82 % des actions d’arrachage et de replantation ont été notifiées comme ayant été achevées avant l’expiration du délai de trois ans. Cette partie des actions pouvait, dès lors, être considérée comme éligible au financement communautaire, sous réserve de la réalisation des paiements correspondants avant le 26 décembre 1999 (point B.2.7.1.1).

152   Quant aux paiements pour la reconstruction des postes frontaliers et des stations de désinfection, la Commission a constaté que, des dix postes frontaliers projetés, quatre avaient été construits dans le délai de trois ans. Toutefois, aucun des bâtiments n’était opérationnel dans ce délai (point B.2.7.1.2).

153   Enfin, les travaux d’installation du centre de recherche de Vardates n’étaient que partiellement terminés à l’expiration du délai de trois ans. La plupart des travaux de construction et l’achat des équipements manquants ont été effectués postérieurement à ce délai (point B.2.7.1.3).

 Arguments des parties

154   Le gouvernement grec soulève un moyen comportant trois branches tirées, respectivement, d’une interprétation erronée de l’article 2 du règlement n° 3816/92, d’une erreur d’appréciation des faits et d’une violation du principe de proportionnalité.

155   Le gouvernement grec fait valoir que l’absence de fixation, par le règlement n° 3816/92, d’une date limite pour le financement communautaire, l’absence de date limite pour la présentation du programme par l’État membre intéressé, ainsi que l’absence de date d’approbation de celui‑ci, indiquent que le délai de trois ans ne devrait pas être considéré comme impératif. Il s’ensuivrait que l’expiration de ce délai ne devrait pas entraîner une perte de droits. Dès lors, le dépassement raisonnable du délai de trois ans ne justifierait pas une correction financière. Cette thèse serait corroborée par la liberté octroyée aux États membres par la réglementation applicable quant au moment de la soumission du programme national à la Commission pour approbation.

156   En outre, même à supposer que le délai de trois ans ait un caractère impératif, il conviendrait d’appliquer le principe de proportionnalité afin de proroger le délai de réalisation du programme de dix à douze mois, au vu de la complexité, de la polyvalence et du degré d’achèvement des programmes réalisés. Dans ce cadre, les corrections relatives à la reconversion des cultures et aux quatre postes frontaliers violeraient le principe de proportionnalité. De plus, les autorités helléniques auraient informé la Commission en temps utile, en demandant une brève prorogation du délai de réalisation du programme. Il conviendrait également d’admettre que, si un ouvrage a été terminé dans les délais mais que les contrôles administratifs et les paiements ont été effectués plus tard, cela ne constituerait pas un dépassement dudit délai. En toute hypothèse, la Commission prétendrait à tort que le centre de recherche de Vardates a été partiellement construit, puisque les autorités helléniques auraient déjà commencé à l’utiliser aux fins du programme de restructuration (essais de croisements de variétés de noyers, analyses qualitatives de noix, etc.). En outre, le financement des postes frontaliers était soumis à leur construction et non à leur fonctionnement, de sorte que l’exclusion des dépenses pour les quatre postes frontaliers, la station de désinfection à Katakolo et le centre de recherche à Vardates serait illégale.

157   Enfin, le gouvernement grec souligne que les exigences de réalisation d’un projet doivent également tenir compte d’autres circonstances, comme le fait que les semailles et les plantations des fruits et légumes ne peuvent avoir lieu en septembre ou en octobre en raison des conditions climatiques. Ainsi, la réalisation d’actions dans un délai raisonnable après le mois de septembre 1998 devrait être permise.

158   La Commission rejette l’interprétation selon laquelle le délai de trois ans est indicatif. Elle soutient à cet égard qu’il s’agit d’un délai impératif dans lequel les actions approuvées auraient dû être accomplies et que la République hellénique ne serait pas fondée à prétendre que le financement communautaire n’avait pas une date limite.

159   Par ailleurs, selon la Commission, le principe de proportionnalité n’a pas été violé du fait de la correction de 18 % appliquée au programme de reconversion des cultures, puisqu’il s’agit du pourcentage exact des actions non réalisées dans le délai de trois ans. Pour ce qui est des conditions climatiques alléguées par le gouvernement grec, la Commission estime que, la durée du programme étant trisannuelle (trois périodes d’ensemencement), l’argumentation de l’État membre n’est pas fondée.

160   La Commission fait également valoir que, conformément à l’article 2 du règlement n° 3816/92, la Communauté finance des actions qui ne se limitent pas à la construction de bâtiments ou à l’achat d’équipements. Selon la Commission, le FEOGA finance la construction de bâtiments pour autant que ceux-ci sont en mesure de servir, dans le délai de trois ans, les actions du programme approuvé. En tout état de cause, même à supposer que la République hellénique se soit trouvée dans l’impossibilité absolue de réaliser le programme, la Commission ne serait pas compétente pour proroger le délai de trois ans.

161   Pour ce qui est du centre de recherche de Vardates, la Commission fait valoir que les travaux d’installation étaient partiellement achevés le 22 octobre 1998. La plupart des travaux et l’achat d’équipements (sauf deux parmi ceux prévus) auraient eu lieu après cette date, sans que la réalisation de certains essais et analyses puisse modifier cette appréciation.

 Appréciation du Tribunal

162   S’agissant de l’interprétation de l’article 2 du règlement n° 3816/92, le gouvernement grec n’est pas fondé à soutenir que le délai de trois ans a un caractère indicatif. En effet, s’il est vrai que le point de départ de ce délai n’est pas fixé par le règlement n° 3816/92 sous la forme d’une date précise, il n’en demeure pas moins que, selon l’article 2, paragraphe 3, deuxième tiret, du même règlement, le délai de trois ans commence à courir à la date d’approbation du programme par la Commission. Par conséquent, dès l’approbation de chaque programme national, la date d’expiration du délai de trois ans est certaine.

163   De plus, attendu que le programme national devait être soumis à la Commission pour approbation avant le 31 mars 1993, en vertu de l’article 2, paragraphe 2, du règlement n° 3816/92, le législateur communautaire a limité la marge discrétionnaire des États membres participants quant au laps de temps dont ils disposent pour soumettre le programme à la Commission pour approbation. Il s’ensuit que la première branche du moyen doit être rejetée.

164   En ce qui concerne la prétendue violation du principe de proportionnalité du fait de la correction de 18 % pour non-achèvement du programme de reconversion des cultures, il y a lieu de souligner que le caractère impératif du délai de trois ans ne permet pas de prorogation, notamment sous le couvert d’explications vagues comme la complexité d’un programme ou la nécessité des contrôles. En outre, la plupart des programmes de nature structurelle dans le secteur agricole présentent une certaine complexité, et l’acceptation d’une telle thèse porterait atteinte à l’objectif poursuivi par la fixation de délais. Le principe de proportionnalité ne peut donc être considéré comme méconnu s’agissant des actions réalisées après l’expiration du délai de trois ans. Cette conclusion s’impose, a fortiori, en ce qui concerne les paiements réalisés après l’expiration du délai supplémentaire de quatorze mois, octroyé à la suite de l’échéance du délai de trois ans afin que les autorités nationales puissent effectuer les contrôles nécessaires et les paiements concernés.

165   S’agissant du taux de la correction (18 %), il suffit de constater que ce dernier est égal au pourcentage des actions d’arrachage et de replantation non réalisées. Il en résulte que le grief tiré d’une violation du principe de proportionnalité ne saurait être retenu (voir, en ce sens, arrêt du 24 février 2005, Grèce/Commission, point 77 supra, point 113). La même solution s’impose pour autant que ce grief concerne la correction relative aux quatre postes frontaliers, en ce qu’ils étaient construits mais n’étaient pas opérationnels dans le délai de trois ans.

166   En ce qui concerne le fait que les autorités helléniques avaient informé la Commission du retard prévisible et sollicité une prorogation jusqu’à la fin de l’année 2000, il y a lieu de relever que cette dernière a rejeté la demande par lettre du 15 juillet 1999 et que cette position a été maintenue tout au long de la procédure d’apurement, comme en attestent les lettres de la Commission du 22 février 2001 et du 25 mars 2003, adoptées au titre de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1663/95.

167   Pour ce qui est de l’argument concernant l’impossibilité agronomique d’effectuer les semailles et les plantations des fruits et légumes en septembre ou en octobre, ce qui imposerait une prorogation raisonnable du délai de trois ans, il y a lieu de rappeler que, selon le règlement n° 3816/92, la participation financière de la Communauté se limite à une période de trois ans à compter de la date d’approbation du programme national. Cette limitation est générale et ne varie pas en fonction des particularités éventuelles des différents secteurs agricoles couverts par les actions de chaque programme. Dans ces circonstances, l’argument du gouvernement grec doit être rejeté.

168   S’agissant de la construction et de la mise en œuvre des postes frontaliers, il suffit de relever que le règlement n° 3816/92 fait allusion à un programme d’actions présenté et réalisé dans la période de trois ans. La notion de programme « réalisé », en tant que ce dernier concerne des unités de traitement, de contrôle ou de recherche sur des matières agricoles, renvoie à des ouvrages opérationnels et non simplement construits en partie ou en totalité. En effet, un financement par le FEOGA d’ouvrages non opérationnels l’exposerait à un risque disproportionné, en l’absence de toute garantie concernant leur fonctionnement dans un futur proche. Partant, l’argumentation du gouvernement grec, selon laquelle tout ce qui était construit donnait droit au financement communautaire, ne saurait être retenue.

169   Enfin, quant au centre de recherche de Vardates, il ressort du document du ministère de l’Agriculture grec, auquel renvoie le gouvernement grec, que, même si certains essais de croisements de variétés de noyers et analyses qualitatives de noix avaient été effectués, cet ouvrage n’était pas opérationnel dans le délai de trois ans. Pour cette raison d’ailleurs, les autorités helléniques avaient sollicité une prorogation du délai jusqu’au 31 octobre 2000, qui avait été rejetée par la Commission.

170   Il s’ensuit que le moyen concernant le programme de restructuration dans le secteur des fruits et légumes doit être écarté dans son ensemble.

 Sur la compétence ratione temporis de la Commission

 Arguments des parties

171   Le gouvernement grec fait observer que, selon l’article 5, paragraphe 2, sous c), cinquième alinéa, du règlement n° 729/70 et l’article 7, paragraphe 4, sous a), du règlement n° 1258/1999, un refus de financement ne peut pas porter sur les dépenses effectuées antérieurement aux 24 mois ayant précédé la communication écrite par la Commission à l’État membre concerné des résultats de ses vérifications. De plus, selon l’article 8, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 1663/95, avant sa modification par l’article 1er, paragraphe 3, du règlement n° 2245/1999, si, à l’issue d’une enquête, la Commission considérait que les dépenses n’avaient pas été effectuées conformément aux règles communautaires, elle communiquerait ses constatations à l’État membre concerné et indiquerait les mesures correctives à prendre pour garantir à l’avenir le respect des règles précitées, ainsi qu’une évaluation des dépenses qu’elle envisage d’exclure au titre de l’article 5, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 729/70. Le règlement n° 2245/1999, qui a abrogé l’obligation de la Commission d’inclure dans cette communication une évaluation des dépenses à exclure, s’applique, selon le gouvernement grec, à partir de l’exercice 2000, c’est-à-dire aux dépenses engagées entre le 30 octobre 1999 et le 15 octobre 2000.

172   Or, selon le gouvernement grec, si la communication de la Commission ne remplissait pas les exigences de l’article 8, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 1663/95, elle ne pourrait constituer une lettre au titre dudit article, ni former le point de départ du délai de 24 mois visé aux règlements nos 729/70 et 1258/1999.

173   En l’espèce, dans le cadre du stockage public du riz, la communication au titre de l’article 8, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 1663/95 aurait été envoyée le 24 juillet 2001. Néanmoins, l’évaluation des dépenses à exclure, correspondant à une correction forfaitaire de 5 %, aurait été mentionnée pour la première fois dans la lettre de la Commission du 3 avril 2003, de sorte que celle-ci ne pouvait pas exclure les dépenses antérieures au 3 avril 2001.

174   Dans le domaine des produits transformés à base de fruits et légumes, la communication au titre de l’article 8, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 1663/95 aurait été envoyée le 27 mai 2002 et concernerait seulement les paiements aux fournisseurs de Viokan AE, tandis que l’évaluation des dépenses à exclure se trouverait dans la lettre de la Commission du 12 juin 2003, de sorte que la correction financière ne saurait affecter les montants en question, versés le 11 octobre 2000.

175   S’agissant de l’aide aux plus démunis, la communication au titre de l’article 8, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 1663/95 aurait été envoyée le 20 avril 2001, tandis que l’évaluation des dépenses à exclure aurait été effectuée pour la première fois dans la lettre de la Commission du 25 février 2003. Par conséquent, la Commission ne pouvait exclure les dépenses antérieures au 25 février 2001. À titre subsidiaire, le gouvernement grec fait valoir que la Commission ne pourrait exclure les dépenses antérieures au 28 février 1999, puisque le rapport de synthèse indique au point B.4.1 que la lettre au titre de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1663/95 a été envoyée le 28 février 2001.

176   S’agissant du programme de restructuration dans le domaine des fruits et légumes, la communication au titre de l’article 8, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 1663/95 aurait été envoyée le 22 février 2001. Toutefois, l’évaluation des dépenses à exclure ne figurerait que dans la lettre de la Commission du 25 mars 2003. Il s’ensuit que la Commission ne serait pas fondée à exclure les dépenses antérieures au 25 mars 2001.

177   La Commission répond que, depuis l’entrée en vigueur du règlement n° 2245/1999, elle n’est plus obligée d’évaluer les dépenses à exclure dans la lettre prévue par l’article 8, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 1663/95. Cette évaluation relèverait désormais de la lettre par laquelle elle communique formellement ses conclusions à l’État membre (article 1er, paragraphe 3, dudit règlement). Ce règlement serait applicable à toutes les communications au titre de l’article 8, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 1663/95, effectuées après la date de son entrée en vigueur.

178   Il en résulte, selon la Commission, l’absence de violation des règles régissant sa compétence ratione temporis, puisque les lettres sur la base desquelles le délai de 24 mois doit être calculé sont les suivantes :

–       la lettre du 24 juillet 2001 pour le stockage public du riz ;

–       la lettre du 27 mai 2002 pour les produits transformés à base de fruits et légumes ;

–       la lettre du 7 novembre 2000 pour l’aide aux plus démunis,

–       la lettre du 22 février 2001 pour le programme de restructuration dans le domaine des fruits et légumes, ce qui implique qu’il n’y a pas eu violation de la compétence ratione temporis de la Commission.

 Appréciation du Tribunal

179   Le règlement n° 1663/95, qui est le règlement d’application du règlement n° 729/70, précise, à son article 8, paragraphe 1, premier alinéa, le contenu de la communication écrite par laquelle la Commission communique le résultat de ses vérifications aux États membres (arrêts de la Cour du 24 janvier 2002, Finlande/Commission, C‑170/00, Rec. p. I‑1007, point 26, et du 24 février 2005, Grèce/Commission, point 77 supra, point 68).

180   Selon la jurisprudence de la Cour, la période de 24 mois précédant la communication de l’article 8, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 1663/95 ne commence à courir que si la lettre envoyée par la Commission à l’État membre remplit les exigences de contenu instaurées par cette disposition (voir, en ce sens, arrêts de la Cour Finlande/Commission, point 179 supra, points 25 à 35 ; du 13 juin 2002, Luxembourg/Commission, C‑158/00, Rec. p. I‑5373, points 22 à 27, et du 24 février 2005, Grèce/Commission, point 77 supra, points 67 à 71).

181   Toutefois, malgré le fait que, en l’espèce, les communications de la Commission au titre de l’article 8, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 1663/95 ne comportent pas une évaluation des dépenses que celle-ci envisageait d’exclure, l’argumentation du gouvernement grec ne saurait être retenue. En effet, l’obligation pour la Commission de mentionner dans la communication qu’elle envoie au titre de l’article 8, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 1663/95 une évaluation des dépenses qu’elle envisage d’exclure a été abrogée par le règlement n° 2245/1999 (arrêt de la Cour du 7 octobre 2004, Suède/Commission, C‑312/02, Rec. p. I‑9247, point 14). Cette évaluation doit désormais figurer dans la lettre envoyée après les discussions bilatérales (article 8, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement n° 1663/95, tel que modifié).

182   En modifiant l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1663/95, le règlement n° 2245/1999 a réformé la procédure des communications et des discussions bilatérales, qui ont lieu entre les États membres et la Commission à l’issue d’une enquête en matière d’apurement des comptes. Il s’ensuit que la date d’entrée en vigueur de ce règlement constitue celle à partir de laquelle la Commission devait appliquer les nouvelles règles procédurales. En outre, si le législateur communautaire avait l’intention de limiter l’entrée en vigueur du règlement n° 2245/1999 aux dépenses effectuées à partir d’une certaine date, il l’aurait fait explicitement, ainsi qu’en atteste, par exemple, l’article 20, deuxième alinéa, du règlement n° 1258/1999, qui prévoit que celui-ci s’applique aux dépenses effectuées à partir du 1er janvier 2000. Or, tel n’est pas le cas du règlement n° 2245/1999 qui, par conséquent, s’applique à toutes les communications de la Commission effectuées au titre de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1663/95 après la date d’entrée en vigueur de ce règlement, soit le 30 octobre 1999 (arrêt Suède/Commission, point 181 supra, point 14).

183   Il ressort du dossier que la Commission a exclu :

–       pour le stockage public du riz, les dépenses effectuées à partir du 1er août 1999 (lettre de la Commission du 3 avril 2003 et points B.4.2.2.7 et B.4.2.5 du rapport de synthèse) ;

–       pour les produits transformés à base de fruits et légumes, les dépenses effectuées à partir du 30 mai 2000 (lettre de la Commission du 12 juin 2003 et points B.2.8.3 et B.2.8.5 du rapport de synthèse) ;

–       pour l’aide aux plus démunis, les dépenses effectuées à partir du 1er décembre 1998 (lettre de la Commission du 25 février 2003 et points B.4.1.3.5 et B.4.1.6 du rapport de synthèse) ;

–       pour le programme de restructuration dans le domaine des fruits et légumes, les dépenses effectuées à partir du 22 février 1999 (lettre de la Commission du 25 mars 2003 et point B.2.7.3 du rapport de synthèse).

184   Il convient de relever que, s’agissant de l’aide aux plus démunis, la première lettre de la Commission au titre de l’article 8, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 1663/95 a été envoyée le 7 novembre 2000, et non le 20 avril 2001, comme le soutiennent les autorités helléniques. Les lettres mentionnées au point 178 ci‑dessus répondant aux exigences de l’article 8, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 1663/95, tel que modifié, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par le gouvernement grec, la Commission n’a pas violé les règles régissant sa compétence ratione temporis. Partant, le présent moyen doit être rejeté.

185   Dans ces circonstances, l’argument subsidiaire concernant le point de départ du délai de 24 mois s’agissant de l’aide aux plus démunis (voir point 175 ci‑dessus) doit également être rejeté.

186   Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le recours de la République hellénique.

 Sur les dépens

187   Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La République hellénique ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La République hellénique est condamnée aux dépens.

Pirrung

Forwood

Papasavvas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 juin 2006.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       J. Pirrung

Table des matières

Introduction

Cadre juridique général

Procédure et conclusions des parties

Sur le recours

Sur le stockage public du riz

Sur la correction appliquée au titre de la campagne de commercialisation 1999/2000 pour inobservation des délais de livraison

– Réglementation communautaire

– Rapport de synthèse

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur la correction appliquée en raison de déficiences dans les autres contrôles

– Réglementation communautaire

– Rapport de synthèse

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur les produits transformés à base de fruits et légumes

Réglementation communautaire

Rapport de synthèse

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

– Sur les premier et deuxième moyens

– Sur le troisième moyen, tiré du montant erroné de la correction financière

Sur l’aide aux personnes les plus démunies

Réglementation communautaire

Rapport de synthèse

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le programme de restructuration dans le secteur des fruits et légumes

Réglementation communautaire

Rapport de synthèse

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur la compétence ratione temporis de la Commission

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur les dépens


* Langue de procédure : le grec.