Language of document : ECLI:EU:T:2022:816

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

14 décembre 2022 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale DEVIN – Motifs absolus de refus – Caractère descriptif – Nom géographique – Absence de contrariété à l’ordre public – Absence de marque de nature à tromper le public – Article 7, paragraphe 1, sous c), f) et g), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous c), f) et g), du règlement (UE) 2017/1001] – Caractère distinctif acquis par l’usage – Article 7, paragraphe 3, et article 52, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 [devenus article 7, paragraphe 3, et article 59, paragraphe 2, du règlement 2017/1001] – Recours incident »

Dans l’affaire T‑526/20,

Devin EAD, établie à Devin (Bulgarie), représentée par Mes B. Van Asbroeck, G. de Villegas, et C. Haine, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Haskovo Chamber of Commerce and Industry, établie à Haskovo (Bulgarie), représentée par Mes D. Dimitrova et I. Pakidanska, avocates,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé, lors des délibérations, de Mmes M. J. Costeira, présidente, T. Perišin (rapporteure) et M. P. Zilgalvis, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Devin EAD, demande l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 28 mai 2020 (affaire R 2535/2019-1) (ci-après la « décision attaquée »).

I.      Antécédents du litige

2        Le 11 juillet 2014, l’intervenante, la Haskovo Chamber of Commerce and Industry (HCCI, chambre du commerce et de l’industrie de Haskovo, Bulgarie), a présenté à l’EUIPO une demande de nullité de la marque de l’Union européenne ayant été enregistrée le 21 janvier 2011 à la suite d’une demande déposée le 29 septembre 2010 pour le signe verbal DEVIN.

3        La marque contestée couvre les produits relevant de la classe 32 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant à la description suivante : « Boissons non alcooliques ; eau minérale ; eaux de seltz ; boissons aromatisées aux fruits ; jus ; sirops et autres préparations servant à la fabrication de boissons ; apéritifs sans alcool ; eau de source ; eaux aromatisées ; extraits de fruits sans alcool ; boissons de fruits non alcooliques ; eaux de table ; eaux [boissons] ; eaux de seltz ; jus de légumes [boissons] ; boisson[s] isotoniques ; cocktails, non alcooliques ; nectars de fruits, non alcooliques ; sodas (eaux gazeuses) ».

4        Les causes invoquées à l’appui de la demande en nullité, qui concerne l’ensemble des produits visés au point 3 ci-dessus, étaient celles visées à l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)] [devenu article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001], lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous c), f) et g), du même règlement [devenu article 7, paragraphe 1, sous c), f) et g), du règlement 2017/1001].

5        Le 29 janvier 2016, la division d’annulation a accueilli la demande en nullité sur le fondement de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous c), du même règlement.

6        Le 24 mars 2016, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

7        Par décision du 2 décembre 2016, la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours de la requérante.

8        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 février 2017, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision de la deuxième chambre de recours, qui a été enregistré sous le numéro d’affaire T‑122/17.

9        Par arrêt du 25 octobre 2018, Devin/EUIPO – Haskovo (DEVIN) (T‑122/17, ci-après l’« arrêt d’annulation », EU:T:2018:719), le Tribunal a annulé la décision de la deuxième chambre de recours. Il a jugé, en substance, que la chambre de recours avait commis une erreur d’appréciation en concluant que la marque contestée était connue comme la désignation d’une origine géographique par le consommateur moyen en Grèce et en Roumanie ainsi que celui des États membres de l’Union autres que la Bulgarie et avait ainsi violé l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous c), du même règlement.

10      Par requête déposée au greffe de la Cour le 19 décembre 2018, l’intervenante a formé un pourvoi contre l’arrêt d’annulation du Tribunal.

11      Par ordonnance du 11 juillet 2019, Haskovo/Devin (C‑800/18 P, non publiée, EU:C:2019:606), la Cour a rejeté le pourvoi comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.

12      Le 11 novembre 2019, l’affaire a été renvoyée par le présidium des chambres de recours devant la première chambre de recours.

13      Par la décision attaquée, la chambre de recours a partiellement annulé la décision de la division d’annulation en ce qui concerne le produit « eau minérale se conformant aux spécifications de l’[indication géographique protégée ‟Devin Natural Mineral Water”] » (ci-après l’« IGP ») relevant de la classe 32 et rejeté le recours pour le surplus.

14      En premier lieu, la chambre de recours a examiné le motif de nullité absolue tiré de l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous c), du même règlement. Premièrement, elle a relevé que les produits couverts par la marque contestée s’adressaient au grand public de l’Union, dont le degré d’attention variait de faible à moyen. Elle a ajouté que le nom géographique Devin était seulement connu du consommateur moyen bulgare et « tout au plus » d’une partie négligeable des consommateurs moyens en Grèce et en Roumanie. Deuxièmement, elle a constaté que cette marque n’aurait pas dû être utilisée pour d’autres produits que l’« eau minérale se conformant aux spécifications de l’[IGP] » et que ladite marque avait acquis un caractère distinctif par l’usage au sens de l’article 59, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 sur le territoire sur lequel elle était descriptive, à savoir la Bulgarie, pour le produit « eau minérale se conformant aux spécifications de l’[IGP] ».

15      En deuxième lieu, la chambre de recours a analysé le motif de nullité absolue tiré de l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous f), du même règlement. Elle a considéré, en substance, que la marque contestée était « en conflit avec l’[IGP] » pour les produits qui ne se limitaient pas à l’« eau minérale se conformant aux spécifications de l’[IGP] », de sorte que son enregistrement pour ces autres produits enfreignait aussi les dispositions relatives à l’ordre public « lues en combinaison avec les dispositions correspondantes de l’IGP ».

16      En troisième lieu, la chambre de recours a apprécié le motif de nullité absolue tiré de l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous g), du même règlement. Elle a constaté que la marque contestée trompait le public pertinent sur la nature, la qualité et la provenance géographique pour des produits comme l’eau de source ou l’eau de table. Elle a ajouté que, dans la mesure où ladite marque avait été enregistrée « au-delà de la protection de l’IGP », elle était trompeuse sur la nature de l’ensemble des produits à l’exception de l’« eau minérale se conformant aux spécifications de l’[IGP] ».

II.    Conclusions des parties

A.      Sur les conclusions présentées à l’appui du recours principal

17      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO à ses propres dépens ainsi qu’aux dépens de la requérante.

18      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

19      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens de l’intervenante.

B.      Sur les conclusions présentées à l’appui du recours incident

20      L’intervenante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle a constaté que la marque contestée avait acquis un caractère distinctif par l’usage en Bulgarie pour le produit « eau minérale se conformant aux spécifications de l’[IGP] » ;

–        condamner la requérante aux dépens de l’intervenante.

21      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours incident ;

–        condamner l’intervenante à ses propres dépens ainsi qu’aux dépens de l’EUIPO.

22      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours incident ;

–        condamner l’intervenante aux dépens de la requérante exposés au titre du recours incident.

III. En droit

23      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 29 septembre 2010, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée). Par suite, en ce qui concerne les règles de fond, le Tribunal appliquera les dispositions matérielles pertinentes du règlement no 207/2009.

24      S’agissant des règles de procédure, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, elles sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001. En outre, eu égard au fait que le recours devant la chambre de recours a été introduit avant le 1er octobre 2017, à savoir le 24 mars 2016, il résulte d’une lecture combinée des dispositions transitoires prévues à l’article 82, paragraphe 2, sous j), du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil sur la marque de l’Union européenne, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1), et à l’article 81, paragraphe 2, sous j), du règlement délégué (UE) 2017/1430 de la Commission, du 18 mai 2017, complétant le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil sur la marque de l’Union européenne et abrogeant les règlements (CE) no 2868/95 et (CE) no 216/96 (JO 2017, L 205, p. 1), que les dispositions de procédure du titre V du règlement délégué 2018/625, ne s’appliquent pas en l’espèce, de sorte que ce sont les dispositions du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) no 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO L 303, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 1041/2005 de la Commission, du 29 juin 2005 (JO L 172, p. 4) qui s’appliquaient à la procédure de recours devant la chambre de recours.

A.      Sur le recours principal

1.      Sur l’objet du recours

25      Par son premier chef de conclusions, la requérante demande l’annulation de la décision attaquée.

26      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 72, paragraphe 4, du règlement 2017/1001, « [l]e recours est ouvert à toute partie à la procédure devant la chambre de recours pour autant que la décision de celle-ci n’a pas fait droit à ses prétentions ».

27      Par le point 1 du dispositif de la décision attaquée, la chambre de recours a partiellement fait droit au recours de la requérante en annulant la décision de la division d’annulation en ce qu’elle avait déclaré la nullité de la marque contestée pour le produit « eau minérale se conformant aux spécificités de l’[IGP] ».

28      Dès lors, il y a lieu de considérer que, par son recours, la requérante demande l’annulation du point 3 du dispositif de la décision attaquée, à savoir en tant que la chambre de recours a rejeté le recours contre la décision de la division d’annulation en ce qui concerne les produits visés autres que l’« eau minérale se conformant aux spécificités de l’[IGP] » [voir, en ce sens, arrêts du 26 février 2015, 9Flats/OHMI – Tibesoca (9flats.com), T‑713/13, non publié, EU:T:2015:114, points 16 à 19, et du 4 mai 2018, Bernard Krone Holding/EUIPO (Mega Liner), T‑187/17, non publié, EU:T:2018:254, points 15 à 18].

2.      Sur le fond

29      À l’appui du recours principal, la requérante invoque, en substance, trois moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous a), lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous c), et l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, le deuxième, de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous a), lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous f), dudit règlement, et le troisième, de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous a), lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous g), du même règlement.

a)      Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous a), lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous c), et l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009

30      Le premier moyen de la requérante s’articule en deux branches. La première branche porte sur l’absence d’appréciation du caractère descriptif de la marque contestée à l’égard de l’ensemble des produits qu’elle couvre. La seconde branche concerne l’appréciation du caractère distinctif acquis par l’usage de la marque contestée à l’égard des produits visés autres que l’« eau minérale se conformant aux spécifications de l’[IGP] ».

1)      Sur la première branche, tirée de l’absence d’appréciation du caractère descriptif de la marque contestée à l’égard de l’ensemble des produits qu’elle couvre

31      La requérante soutient que la chambre de recours a procédé à une appréciation incomplète du caractère descriptif de la marque contestée. Elle fait valoir que ladite chambre a limité son appréciation du caractère descriptif à la compréhension du terme « devin » par le public pertinent, alors qu’une telle appréciation impliquerait également d’examiner le lien entre ce mot et chacun des produits que cette marque désigne. Elle soutient que ces produits ne constituent pas un groupe suffisamment homogène qui permettrait de procéder à une appréciation globale, une distinction claire pouvant être faite entre, d’une part, les boissons à base d’eau et, d’autre part, les autres types de boissons. Ainsi, elle considère que, en omettant d’établir le lien entre la marque en question et ces autres types de boissons, cette chambre a commis une erreur de droit.

32      L’EUIPO estime que la chambre de recours n’a fait que tirer les conséquences de l’arrêt d’annulation. Il soutient que, dans ledit arrêt, le Tribunal a jugé que « la marque contestée [était] descriptive d’une provenance géographique » en Bulgarie et a laissé entendre que ladite chambre devait examiner la question de l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage. Ainsi, il aurait simplement établi l’existence d’une erreur dans la décision de la deuxième chambre de recours dans la mesure où elle a déclaré la nullité de ladite marque au regard de la perception du public grec et roumain et a rejeté les arguments de la requérante pour ce qui est du caractère descriptif à l’égard de tous les produits qu’elle couvre.

33      En tout état de cause, l’EUIPO constate que la chambre de recours a relevé qu’il était « constant » que la marque contestée n’aurait pas dû être utilisée pour d’autres produits que l’« eau minérale se conformant aux spécifications de l’[IGP] », ce qui confirmerait le fait qu’une marque constituée d’un nom géographique protégé en tant qu’indication géographique est descriptive des produits couverts par l’indication géographique, des catégories de produits plus larges incluant des produits couverts par l’indication géographique ainsi que des produits pouvant contenir des produits couverts par l’indication géographique en tant qu’ingrédients. Il fait valoir que, compte tenu de la procédure d’enregistrement et de publication d’une indication géographique, il doit être présumé qu’elle est connue dans son pays d’origine et perçue conformément à sa fonction essentielle, qui est de décrire la qualité des produits et leur origine géographique.

34      L’intervenante considère que le Tribunal a confirmé la conclusion de la deuxième chambre de recours selon laquelle la marque contestée était descriptive de l’ensemble des produits qu’elle couvre et que cette question ne pouvait pas, conformément à l’article 72, paragraphe 6, du règlement 2017/1001, être réexaminée par la première chambre de recours après son renvoi. Elle fait valoir que cette approche correspond également à celle retenue par la requérante dans son recours devant la chambre de recours. En effet, la requérante aurait qualifié les produits couverts par la marque contestée d’« eau minérale (ainsi que les produits en rapport avec cette eau dans la classe 32) », d’« eaux en bouteille et boissons contenant de l’eau minérale ou naturelle » et d’« eau minérale et produits dérivés ». À titre subsidiaire, l’intervenante soutient qu’il ressort des éléments du dossier que la ville de Devin est également connue pour son industrie d’embouteillage, ce qui rendrait ladite marque descriptive à l’égard des autres produits que l’eau. Elle ajoute que, pour les produits agricoles ou les boissons, les termes géographiques sont généralement destinés à désigner le lieu de production. Ainsi, même si la chambre de recours avait procédé à une appréciation individuelle, le résultat de l’analyse aurait été le même.

35      Conformément à l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, la nullité de la marque est déclarée lorsque ladite marque a été enregistrée contrairement aux dispositions de l’article 7 dudit règlement. Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), de ce règlement, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci. En vertu de l’article 7, paragraphe 2 du même règlement, l’article 7, paragraphe 1, est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union.

36      Selon la jurisprudence, l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 empêche que les signes ou indications visés par lui soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque. Cette disposition poursuit ainsi un but d’intérêt général, lequel exige que de tels signes ou indications puissent être librement utilisés par tous [arrêts du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, EU:C:2003:579, point 31 ; du 27 février 2002, Ellos/OHMI (ELLOS), T‑219/00, EU:T:2002:44, point 27, et du 7 juillet 2011, Cree/OHMI (TRUEWHITE), T‑208/10, non publié, EU:T:2011:340, point 12].

37      S’agissant plus particulièrement des signes ou des indications pouvant servir pour désigner la provenance géographique des catégories de produits pour lesquelles l’enregistrement de la marque est demandé, en particulier les noms géographiques, il existe un intérêt général à préserver leur disponibilité en raison notamment de leur capacité non seulement à révéler éventuellement la qualité et d’autres propriétés des catégories de produits concernées, mais également à influencer diversement les préférences des consommateurs, par exemple en rattachant les produits à un lieu qui peut susciter des sentiments positifs [voir, en ce sens, arrêts du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee, C‑108/97 et C‑109/97, EU:C:1999:230, point 26, et du 15 octobre 2003, Nordmilch/OHMI (OLDENBURGER), T‑295/01, EU:T:2003:267, point 30].

38      Sont à ce titre exclus, d’une part, l’enregistrement des noms géographiques en tant que marques lorsqu’ils désignent des lieux géographiques déterminés qui sont déjà réputés ou connus pour la catégorie de produits ou de services concernée et qui, dès lors, présentent un lien avec celle-ci aux yeux des milieux intéressés et, d’autre part, l’enregistrement des noms géographiques susceptibles d’être utilisés par les entreprises qui doivent également être laissés disponibles pour celles-ci en tant qu’indications géographiques de provenance de la catégorie de produits ou de services concernée (voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2003, OLDENBURGER, T‑295/01, EU:T:2003:267, point 31 et jurisprudence citée).

39      Toutefois, il y a lieu de relever que, en principe, l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 ne s’oppose pas à l’enregistrement de noms géographiques qui sont inconnus dans les milieux intéressés ou, à tout le moins, inconnus en tant que désignation d’un lieu géographique ou encore des noms pour lesquels, en raison des caractéristiques du lieu désigné, il n’est pas vraisemblable que les milieux intéressés puissent envisager que la catégorie de produits ou de services concernée provienne de ce lieu (voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2003, OLDENBURGER, T‑295/01, EU:T:2003:267, point 33 et jurisprudence citée).

40      Au vu de tout ce qui précède, l’appréciation du caractère descriptif d’un signe ne peut être opérée que, d’une part, par rapport aux produits ou aux services concernés et, d’autre part, par rapport à la compréhension qu’en a le public pertinent (arrêt du 15 octobre 2003, OLDENBURGER, T‑295/01, EU:T:2003:267, point 34).

41      Dans cette appréciation, l’EUIPO est tenu d’établir que, d’une part, le nom géographique est connu dans les milieux intéressés en tant que désignation d’un lieu et, d’autre part, ledit nom présente actuellement, aux yeux des milieux intéressés, un lien avec les produits ou les services concernés, ou qu’il soit raisonnable d’envisager qu’un tel nom puisse, aux yeux de ce public, désigner la provenance géographique desdits produits ou services [voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2017, Karelia/EUIPO (KARELIA), T‑878/16, non publié, EU:T:2017:702, point 19 et jurisprudence citée].

42      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si, comme le soutient, en substance, la requérante, la chambre de recours a omis d’apprécier si la marque contestée présentait, aux yeux du public pertinent, un lien avec les produits visés autres que l’« eau minérale se conformant aux spécifications de l’[IGP] ».

43      En l’espèce, il convient, tout d’abord, de constater que la chambre de recours a considéré, au point 36 de la décision attaquée, que les produits couverts par la marque contestée s’adressaient au grand public de l’Union, dont le degré d’attention variait de faible à moyen. Il convient ensuite de relever que ladite chambre a estimé, au point 44 de la même décision, que, conformément à l’arrêt d’annulation et ainsi qu’il ressortait des éléments de preuve fournis par l’intervenante à l’appui de la demande en nullité, le nom géographique Devin était seulement connu du consommateur moyen bulgare et « tout au plus » d’une partie négligeable des consommateurs moyens en Grèce et en Roumanie. Il convient enfin d’observer que, par la suite, cette chambre a examiné le caractère distinctif acquis par l’usage de cette marque et constaté, au point 53 de ladite décision, que, au regard des éléments de preuve soumis par la requérante, « surtout [de] l’étendue géographique du caractère descriptif de l’IGP enregistrée », ladite marque avait acquis un caractère distinctif par l’usage au sens de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 [devenu article 59, paragraphe 2, du règlement 2017/1001] sur le territoire sur lequel elle était descriptive, à savoir la Bulgarie, pour le produit « eau minérale se conformant aux spécifications de l’[IGP] ».

44      Ainsi, il convient de constater, à l’instar de la requérante, que, si, à la suite de l’arrêt d’annulation, la chambre de recours a, à juste titre, considéré que la marque contestée était, en substance, connue comme la désignation d’une origine géographique seulement par le public bulgare et par une partie négligeable du public roumain et grec, elle a uniquement fait référence au « caractère descriptif de l’IGP enregistrée ». Ce faisant, ladite chambre a omis d’apprécier si, conformément à la jurisprudence citée au point 41 ci-dessus, cette marque présentait, aux yeux du grand public bulgare, un lien avec les produits visés autres que ceux pour lesquels l’indication géographique avait été enregistrée ou s’il était raisonnable d’envisager qu’elle puisse désigner, aux yeux de ce public, leur provenance géographique.

45      En omettant d’apprécier si la marque contestée présentait un tel lien avec les produits visés autres que l’« eau minérale se conformant aux spécifications de l’[IGP]», la chambre de recours n’a pas respecté les exigences établies par la jurisprudence constante citée au point 41 ci-dessus.

46      Les arguments de l’EUIPO et de l’intervenante ne permettent pas d’infirmer ce constat.

47      S’agissant de l’argument de l’EUIPO selon lequel la chambre de recours, en omettant d’apprécier le caractère descriptif de la marque contestée à l’égard des produits visés autres que l’« eau minérale se conformant aux spécifications de l’[IGP] », n’a fait que tirer les conséquences de l’arrêt d’annulation, il convient de relever qu’il procède d’une lecture erronée dudit arrêt. En effet, il ressort des motifs figurant aux points 14 à 96 de cet arrêt que le Tribunal a annulé la décision de la deuxième chambre de recours, en accueillant la première branche du premier moyen de la requérante relative au degré de reconnaissance par le public pertinent du terme « devin » en tant que nom géographique, et ne s’est pas prononcé sur la seconde branche du même moyen relative au lien entre la marque contestée et l’ensemble des produits qu’elle couvre. Dès lors, il convient de rejeter cet argument.

48      Ne saurait non plus être retenu l’argument de l’EUIPO selon lequel la chambre de recours a déclaré qu’il était « constant » que la marque contestée n’aurait pas dû être utilisée pour les produits visés autres que l’« eau minérale se conformant aux spécifications de l’[IGP] », ce qui confirmerait qu’une marque constituée d’un nom géographique protégé en tant qu’indication géographique est descriptive des produits couverts par l’indication géographique, des catégories de produits plus larges incluant lesdits produits ainsi que des produits pouvant contenir lesdits produits en tant qu’ingrédients, ni celui selon lequel, compte tenu de la procédure d’enregistrement et de publication d’une indication géographique, il doit être présumé qu’elle est connue dans son pays d’origine et perçue conformément à sa fonction essentielle, qui est de décrire la qualité des produits et leur origine géographique.

49      À cet égard, il suffit de constater que cette argumentation ne fait pas partie des motifs sur lesquels est fondée la décision attaquée. Or, la motivation d’une décision doit figurer dans le corps même de celle-ci et ne peut être apportée par des explications postérieures fournies par l’EUIPO, sauf circonstances exceptionnelles qui, en l’absence de toute urgence, ne sont pas réunies. Il s’ensuit que la décision doit, en principe, se suffire à elle-même et sa motivation ne saurait résulter des explications écrites ou orales données ultérieurement, alors que la décision en question fait déjà l’objet d’un recours devant le juge de l’Union [voir arrêt du 12 décembre 2017, Sony Computer Entertainment Europe/EUIPO – Vieta Audio (Vita), T‑35/16, non publié, EU:T:2017:886, point 57 et jurisprudence citée].

50      En l’espèce, en l’absence de toute urgence, les circonstances exceptionnelles visées au point 49 ci-dessus ne sont pas réunies et les explications de l’EUIPO ne sauraient être considérées comme complétant la motivation de la décision attaquée, dans la mesure où elles constituent une motivation entièrement nouvelle. Dès lors, celle-ci doit être écartée.

51      En ce qui concerne l’argument de l’intervenante selon lequel la solution retenue par la chambre de recours correspond à celle de la requérante dans son recours devant cette dernière, il suffit d’observer que, dans son mémoire exposant les motifs du recours, la requérante a fait référence au lien entre la marque contestée et les « produits concernés ». Ainsi, le fait que la requérante ait qualifié les produits couverts par la marque contestée d’« eau minérale (ainsi que les produits en rapport avec cette eau dans la classe 32) », d’« eaux en bouteille et boissons contenant de l’eau minérale ou naturelle » et d’« eau minérale et produits dérivés » est sans incidence sur l’obligation de ladite chambre d’analyser le lien entre la marque contestée et lesdits « produits concernés ». Dès lors, cet argument ne saurait prospérer.

52      Il convient également de rejeter les arguments de l’intervenante selon lesquels, d’une part, la ville de Devin est également réputée pour son industrie d’embouteillage, les consommateurs pertinents étant susceptibles de percevoir la marque contestée comme une indication géographique des produits, et, d’autre part, les termes géographiques sont généralement destinés à désigner le lieu de production, de sorte que même si la chambre de recours avait procédé à une appréciation individuelle, le résultat de l’analyse aurait été le même. En effet, à les supposer fondées, ces circonstances ne sauraient dispenser la chambre de recours de son obligation d’établir que la marque contestée présente, aux yeux des milieux intéressés, un lien avec les produits concernés, ou qu’il soit raisonnable d’envisager qu’elle puisse, aux yeux de ce public, désigner la provenance géographique desdits produits, ainsi que l’exige la jurisprudence citée au point 41 ci-dessus.

53      Il y a dès lors lieu de constater que la décision attaquée est entachée d’une erreur de droit en ce que la chambre de recours n’a pas procédé à l’examen du lien entre le nom géographique Devin constituant la marque contestée et les produits visés autres que l’« eau minérale se conformant aux spécifications de l’[IGP] » pour lesquels elle avait été enregistrée. Ce faisant, elle a violé l’article 52, paragraphe 1, sous a), lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009.

54      Par conséquent, il y a lieu d’accueillir la présente branche.

2)      Sur la seconde branche, relative au caractère distinctif acquis par l’usage de la marque contestée pour produits visés autres que l’« eau minérale se conformant aux spécifications de l’[IGP] »

55      Le Tribunal estime opportun d’examiner en premier lieu le troisième grief.

56      À l’appui du troisième grief, la requérante soutient que la chambre de recours s’est contredite en affirmant, d’une part, que la marque contestée n’aurait pas dû être utilisée pour d’autres produits que l’« eau minérale se conformant aux spécifications de l’[IGP] », et, d’autre part, qu’elle « interprét[ait] aussi la demande en nullité comme n’étant pas fondée sur l’article 7, paragraphe 1, sous j), du règlement [2017/1001], ou le motif absolu précédent correspondant pour refuser des signes susceptibles d’enfreindre les dispositions d’indications géographiques protégées ».

57      L’EUIPO estime, pour sa part, que l’usage d’une marque qui risque d’induire le public en erreur sur les qualités des produits qu’elle couvre ne saurait être considéré comme un usage propre à permettre l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage pour lesdits produits. Ce constat résulterait du libellé de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, en vertu duquel seuls les motifs relatifs à l’absence de caractère distinctif, au caractère descriptif et au caractère usuel pourraient être surmontés par la reconnaissance d’un caractère distinctif acquis par l’usage. Selon l’EUIPO, lorsqu’un signe décrit une origine géographique, la protection résultant de l’acquisition d’un caractère distinctif doit être limitée aux produits ayant cette origine géographique, dans le cas contraire, la marque pouvant être source d’un risque de tromperie à l’égard des produits ayant une origine géographique différente.

58      L’EUIPO fait valoir que la chambre de recours a appliqué ce raisonnement à la marque contestée, qui consiste en une indication géographique enregistrée pour l’eau minérale. Selon lui, compte tenu de la fonction essentielle d’une indication géographique, à savoir celle de garantir aux consommateurs l’origine géographique et les qualités intrinsèques des produits, c’est à bon droit que ladite chambre a considéré qu’une protection ne pouvait être accordée qu’aux produits ayant Devin comme origine géographique et se conformant aux spécifications de l’IGP. En effet, accorder une protection plus large à des produits qui ne respecteraient pas le cahier des charges de ladite IGP ne préserverait pas l’intérêt général protégé par l’article 7, paragraphe 1, sous g), du règlement no 207/2009.

59      L’intervenante soutient, quant à elle, que la chambre de recours a, à juste titre, tenu compte de l’IGP pour considérer que la marque contestée ne pouvait pas être utilisée pour d’autres produits que l’« eau minérale se conformant aux spécifications de l’[IGP]». Elle ajoute que, si la requérante a utilisé ladite marque pour d’autres produits que celui pour lequel l’indication géographique avait été enregistrée, celle-ci ne saurait se prévaloir des droits à cet égard, dans la mesure où il s’agit d’une utilisation illégale.

60      À titre liminaire, il ressort des arguments de la requérante que, par son grief tiré d’une contradiction dont la chambre de recours a entaché la décision attaquée, la requérante semble, en réalité, reprocher à ladite chambre d’avoir pris en compte des considérations relatives aux motifs de nullité tirés de la protection des indications géographiques dans le cadre de l’appréciation de l’acquisition du caractère distinctif par l’usage de la marque contestée.

61      Il convient donc d’analyser si la chambre de recours pouvait, sans commettre d’erreur, apprécier si la marque contestée avait acquis un caractère distinctif par l’usage au sens de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 uniquement pour l’« eau minérale se conformant aux spécifications de l’[IGP] », au motif qu’elle « n’aurait pas dû être utilisée » pour d’autres produits.

62      À cet égard, il convient de constater que, ainsi qu’il ressort du point 4 ci-dessus, la demande en nullité déposée par l’intervenante était fondée sur l’article 52, paragraphe 1, sous a), lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous c), f) et g), du règlement no 207/2009.

63      Il convient également de rappeler que, ainsi qu’il ressort de l’examen de la première branche du présent moyen, la chambre de recours a commis une erreur en omettant d’apprécier le caractère descriptif de la marque contestée par rapport à l’ensemble des produits couverts par celle-ci autres que l’« eau minérale se conformant aux spécifications de l’[IGP] ».

64      En outre, dans la mesure où, dans ses observations en réponse à la demande en nullité, la requérante s’est prévalue d’un caractère distinctif acquis par l’usage de la marque contestée au titre de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, l’éventuel caractère distinctif de ladite marque devrait être apprécié pour tous les produits pour lesquels elle serait descriptive.

65      Toutefois, contrairement aux appréciations figurant au point 64 ci-dessus, la chambre de recours n’a pas apprécié si, ainsi que le faisait valoir la requérante, la marque contestée avait acquis un caractère distinctif par l’usage pour les produits qu’elle couvre, mais s’est bornée à considérer que cette marque « n’aurait pas dû être utilisée » pour d’autres produits que l’« eau minérale se conformant aux spécifications de l’[IGP] » et que, au regard des éléments de preuve soumis par la requérante, « surtout [de] l’étendue géographique du caractère descriptif de l’IGP enregistrée », ladite marque avait acquis un caractère distinctif par l’usage en Bulgarie au sens de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, uniquement pour l’« eau minérale se conformant aux spécifications de l’[IGP] ».

66      Ce faisant, la chambre de recours a pris en compte, dans le cadre de l’appréciation du caractère distinctif acquis par l’usage de la marque contestée, des considérations relatives à la protection des indications géographiques.

67      En effet, conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous j), du règlement 2017/1001, « sont refusé[e]s à l’enregistrement […] les marques exclues de l’enregistrement en application de la législation de l’Union ou du droit national ou d’accords internationaux auxquels l’Union ou l’État membre concerné est partie, qui prévoient la protection des appellations d’origine et des indications géographiques ».

68      Ainsi qu’il ressort des points 69 et 70 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé, en substance, que la marque contestée était en conflit avec « l’[IGP] » pour l’ensemble des produits à l’exception de « l’eau minérale se conformant aux spécifications de l’[IGP] » et que son enregistrement enfreignait « les dispositions correspondantes de l’IGP ».

69      Cette interprétation est confirmée par les allégations de l’EUIPO, figurant dans le mémoire en réponse, selon lesquelles l’expression « il est constant que la marque contestée n’aurait pas dû être utilisée pour d’autres produits que l’eau minérale se conformant aux spécifications de l’[IGP] » doit être lue dans le contexte du point 34 de la décision attaquée, dans lequel la chambre de recours a fait référence à l’IGP, ainsi que dans celui des points 67 et 68 de la même décision selon lesquels toute utilisation du signe pour d’autres produits que ceux couverts par l’indication géographique serait interdite parce qu’elle tromperait le public pertinent.

70      Or, dans le cadre d’une procédure de nullité, il ressort des dispositions des articles 52 et 55 du règlement no 207/2009 [devenus articles 59 et 62 du règlement 2017/1001] que la marque de l’Union est considérée comme étant valide jusqu’à ce qu’elle soit déclarée nulle par l’EUIPO à la suite d’une procédure de nullité. Elle bénéficie donc d’une présomption de validité qui constitue la conséquence logique du contrôle mené par l’EUIPO dans le cadre de l’examen d’une demande d’enregistrement [arrêt du 13 septembre 2013, Fürstlich Castell’sches Domänenamt/OHMI – Castel Frères (CASTEL), T‑320/10, EU:T:2013:424, point 27].

71      La présomption de validité de la marque de l’Union limite l’obligation de l’EUIPO, figurant à l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, d’examiner d’office les faits pertinents qui pourraient l’amener à appliquer les motifs absolus de refus à l’examen de la demande d’une marque de l’Union mené par les examinateurs de l’EUIPO et, sur recours, par les chambres de recours lors de la procédure d’enregistrement de ladite marque. Dans le cadre d’une procédure de nullité, la marque de l’Union enregistrée étant présumée valide, il appartient à la personne ayant présenté la demande en nullité d’invoquer devant l’EUIPO les éléments concrets qui mettraient en cause sa validité (arrêt du 13 septembre 2013, CASTEL, T‑320/10, EU:T:2013:424, point 28).

72      En l’espèce, l’intervenante ne s’étant pas prévalue d’un motif de nullité tiré de la protection des indications géographiques, il n’appartenait pas à la chambre de recours d’examiner d’office les faits pertinents qui pouvaient l’amener à appliquer des considérations tirées d’un tel motif.

73      En outre, il convient de souligner que le Tribunal a jugé, au point 29 de l’arrêt d’annulation, que le présent litige ne concernait pas un éventuel motif de refus (ou une cause de nullité) fondé sur le nouvel article 7, paragraphe 1, sous j), du règlement 2017/1001, ni sur le règlement (UE) no 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 21 novembre 2012, relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires (JO 2012, L 343, p. 1).

74      Or, si la chambre de recours a indiqué, au point 18 de la décision attaquée, qu’elle « interpré[tait] aussi la demande en nullité comme n’étant pas fondée sur l’article 7, paragraphe 1, sous j), du règlement [2017/1001], ou le motif absolu précédent correspondant pour refuser des signes susceptibles d’enfreindre les dispositions d’indications géographiques protégées », elle a, en réalité, fondé son raisonnement sur de telles considérations.

75      Dès lors, il y a lieu de relever que la chambre de recours, en prenant en compte la circonstance que la marque contestée « n’aurait pas dû être utilisée » pour d’autres produits que l’« eau minérale se conformant aux spécifications de l’[IGP] », afin de considérer que cette dernière avait acquis un caractère distinctif par l’usage au sens de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, uniquement pour ce produit, a commis une erreur de droit.

76      Les arguments de l’EUIPO et de l’intervenante ne sauraient remettre en cause ce constat.

77      S’agissant de l’argumentation de l’EUIPO selon laquelle la chambre de recours a appliqué le raisonnement aux termes duquel, conformément à l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, l’usage d’une marque qui risque d’induire le public en erreur sur les qualités des produits qu’elle couvre ne saurait être considéré comme un usage propre à permettre l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage, de sorte que, en ayant considéré qu’une protection ne pouvait être accordée qu’aux produits ayant Devin comme origine géographique et se conformant aux spécifications de l’IGP, elle a préservé l’intérêt général protégé par l’article 7, paragraphe 1, sous g), du règlement no 207/2009, il suffit de constater que cette argumentation ne fait partie ni des motifs développés dans le cadre du moyen tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous a), lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous c), et l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, ni de ceux figurant dans le cadre du moyen tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous a), lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous g), du même règlement. Dès lors, pour les motifs exposés au point 49 ci-dessus, cette argumentation doit être écartée.

78      En tout état de cause, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il ressort des points 52 et 53 de la décision attaquée, la chambre de recours a fondé son raisonnement sur la circonstance que la marque contestée « n’aurait pas dû être utilisée » pour d’autres produits que l’« eau minérale se conformant aux spécifications de l’[IGP] », et donc, sur l’interdiction d’utiliser ladite indication géographique pour d’autres produits que ceux pour lesquels elle avait été enregistrée résultant de sa protection, et non sur son prétendu caractère trompeur, de sorte que l’EUIPO ne saurait prétendre que la chambre de recours, en appliquant le raisonnement qu’il a développé dans le cadre du mémoire en défense, a préservé l’intérêt général protégé par l’article 7, paragraphe 1, sous g), du règlement no 207/2009.

79      En ce qui concerne l’argument de l’intervenante selon lequel, si la requérante a utilisé la marque contestée pour d’autres produits que l’« eau minérale se conformant aux spécifications de l’« [IGP] », celle-ci ne saurait se prévaloir des droits à cet égard, dans la mesure où il s’agit d’une utilisation illégale, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort des points 66 à 70 de la décision attaquée, la prétendue utilisation illégale, à la supposer établie, résulterait de la législation bulgare qui prévoit la protection des indications géographiques. Or, il y a lieu de relever que le régime des marques de l’Union européenne est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national (voir arrêt du 12 décembre 2013, Rivella International/OHMI, C‑445/12 P, EU:C:2013:826, point 48 et jurisprudence citée). Ainsi, le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque de l’Union européenne ne doit être apprécié que sur le fondement de la réglementation de l’Union pertinente [arrêt du 17 janvier 2019, Equity Cheque Capital Corporation/EUIPO (DIAMOND CARD), T‑91/18, non publié, EU:T:2019:17, point 48].

80      Dès lors, il y a lieu d’accueillir le troisième grief de la présente branche, et partant, le présent moyen dans son intégralité, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs soulevés par la requérante.

b)      Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous a), lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement no 207/2009 

81      Dans le cadre de la quatrième branche, qu’il convient d’examiner d’emblée, la requérante estime, en substance, que la marque contestée n’a pas été enregistrée en violation de l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement 207/2009.

82      L’EUIPO n’a pas présenté d’arguments spécifiques à cet égard.

83      L’intervenante fait valoir que l’interprétation de la notion d’« ordre public » retenue par la requérante est extrêmement restrictive. Elle soutient que l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement no 207/2009, s’applique à tout terme, symbole ou signe dont l’utilisation est interdite par la législation de l’Union ou par le droit national dans au moins un État membre. Elle ajoute que la législation nationale et la pratique des États membres peuvent être prises en compte pour apprécier la violation de l’ordre public en tant qu’indices factuels permettant d’apprécier la perception de certaines catégories de signes. Ainsi, ce serait à bon droit que la chambre de recours aurait tenu compte de la législation bulgare relative aux indications géographiques et des décisions du Патентно ведомство на Република България (Office des brevets de la République de Bulgarie) refusant l’enregistrement des marques composées du terme « devin » pour d’autres produits que l’eau minérale naturelle de Devin en raison de la valeur probante quant à la perception du public pertinent. En outre, l’intervenante considère que, en raison de ses caractéristiques intrinsèques, la marque contestée est perçue par le public bulgare comme étant le nom d’une source d’eau minérale, l’IGP, le nom d’une ville célèbre pour ses sources d’eau minérale et son industrie de l’embouteillage, de sorte que l’accaparement du nom Devin donnerait l’impression d’un mépris envers la législation et promouvrait des pratiques déloyales.

84      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement no 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont contraires à l’ordre public ou aux bonnes mœurs. Selon le paragraphe 2 dudit article, le paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union européenne. Une telle partie peut être constituée, le cas échéant, d’un seul État membre [arrêt du 12 décembre 2019, Conte/EUIPO (CANNABIS STORE AMSTERDAM), T‑683/18, EU:T:2019:855, point 29].

85      L’intérêt général sous-tendant ce motif absolu de refus est d’éviter l’enregistrement de signes qui porteraient atteinte à l’ordre public ou aux bonnes mœurs lors de leur utilisation sur le territoire de l’Union [arrêts du 20 septembre 2011, Couture Tech/OHMI (Représentation du blason soviétique), T‑232/10, EU:T:2011:498, point 29, et du 26 septembre 2014, Brainlab/OHMI (Curve), T‑266/13, non publié, EU:T:2014:836, point 13].

86      Il ressort de la jurisprudence que l’examen du caractère contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs d’un signe doit être opéré par référence à la perception de ce signe, lors de son usage en tant que marque, par le public pertinent situé dans l’Union ou dans une partie de celle-ci [arrêts du 20 septembre 2011, Représentation du blason soviétique, T‑232/10, EU:T:2011:498, point 50 ; du 9 mars 2012, Cortés del Valle López/OHMI (¡Que buenu ye! HIJOPUTA), T‑417/10, non publié, EU:T:2012:120, point 12, et du 14 novembre 2013, Efag Trade Mark Company/OHMI (FICKEN LIQUORS), T‑54/13, non publié, EU:T:2013:593, point 12].

87      L’appréciation de l’existence du motif de refus visé par l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement no 207/2009 ne saurait être fondée sur la perception de la partie du public pertinent que rien ne choque, ni d’ailleurs sur celle de la partie dudit public qui peut être très facilement offensée, mais doit être faite sur la base des critères d’une personne raisonnable ayant des seuils moyens de sensibilité et de tolérance [arrêts du 5 octobre 2011, PAKI Logistics/OHMI (PAKI), T‑526/09, non publié, EU:T:2011:564, point 12, et du 14 novembre 2013, FICKEN LIQUORS, T‑54/13, non publié, EU:T:2013:593, point 21].

88      Par ailleurs, le public pertinent ne saurait être limité au public auquel sont directement adressés les produits et les services couverts par la marque contestée. Il convient, en effet, de tenir compte du fait que les signes visés par ce motif de refus choqueront non seulement le public auquel les produits et services désignés par le signe sont adressés, mais également d’autres personnes qui, sans être concernées par lesdits produits et services, seront confrontées à ce signe de manière incidente dans leur vie quotidienne (arrêts du 5 octobre 2011, PAKI, T‑526/09, non publié, EU:T:2011:564, point 18, et du 14 novembre 2013, FICKEN LIQUORS, T‑54/13, non publié, EU:T:2013:593, point 22).

89      C’est au regard de ces considérations qu’il convient d’examiner si, comme le soutient la requérante, la chambre de recours a violé l’article 52, paragraphe 1, sous a), lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement no 207/2009.

90      En l’espèce, il y a lieu de constater, en premier lieu, que la chambre de recours n’a pas défini explicitement le public pertinent à prendre en compte dans le cadre de l’examen du motif de nullité fondée sur l’article 52, paragraphe 1, sous a), lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement no 207/2009.

91      Néanmoins, il suffit d’observer que, ainsi qu’il ressort du point 88 ci-dessus, dans le cadre de l’appréciation du motif de refus visé à l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement no 207/2009, le public pertinent ne saurait être limité au public auquel sont directement adressés les produits couverts par la marque, mais il convient également de tenir compte d’autres personnes qui, sans être concernées par lesdits produits, seront mises en présence de cette marque de manière incidente dans leur vie quotidienne.

92      S’agissant du territoire pertinent, il convient de constater que la chambre de recours a relevé, au point 65 de la décision attaquée, que l’intervenante se prévalait d’une atteinte au droit national en Bulgarie.

93      En second lieu, il convient de constater que la chambre de recours a considéré, aux points 66 à 70 de la décision attaquée, que l’article 12, paragraphe 1, point 12 de la « TMGIA bulgare » excluait la protection des marques composées exclusivement d’indications géographiques enregistrées et des dérivés des noms géographiques. Elle a ajouté que la même loi interdisait aussi l’enregistrement des marques comprenant des indications géographiques ou leurs dérivés pour des produits différents de ceux pour lesquels les indications géographiques avaient été enregistrées et ne permettait pas leur utilisation pour décrire des produits différents de ceux pour lesquels lesdites indications géographiques avaient été enregistrées. Elle a indiqué que, conformément à cette loi, l’Office des brevets de la République de Bulgarie avait refusé l’enregistrement des marques verbale et figurative DEVIN pour des produits différents de l’eau minérale. Elle a donc estimé que la marque contestée serait « en conflit avec l’[IGP] » pour l’ensemble des produits qui ne se limitent pas à l’« eau minérale se conformant aux spécifications de l’[IGP]». Selon elle, cette dernière marque enfreint, en effet, les dispositions relatives à l’ordre public « lues en combinaison avec les dispositions correspondantes de l’IGP ».

94      En réponse aux questions posées par le Tribunal au titre de mesures d’organisation de la procédure ayant pour objet de demander des précisions concernant le droit national pris en compte par la chambre de recours, l’EUIPO a fait valoir que la disposition à laquelle la chambre de recours entendait faire référence au point 66 de la décision attaquée était l’article 11, paragraphe 1, point 12 de la Zakon za markite i gueografskite oznachenija (loi bulgare sur les marques et les indications géographiques) et que cette disposition n’était pas en vigueur à la date du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, à savoir le 29 septembre 2010.

95      Dans ses observations écrites du 6 avril 2022, l’intervenante a relevé que la disposition pertinente de la loi bulgare sur les marques et les indications géographiques en vigueur à la date du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée était l’article 12, paragraphe 1, point 3, prévoyant l’interdiction d’enregistrement d’une marque composée d’une indication géographique enregistrée ou de ses dérivés, lequel a été déplacé à la suite d’une modification de ladite loi, à l’article 11, paragraphe 1, point 12.

96      À cet égard, il convient de constater que les parties s’accordent sur le fait que la référence mentionnée par la chambre de recours dans la décision attaquée, à savoir l’article 12, paragraphe 1, point 12, de la loi bulgare sur les marques et les indications géographiques est erronée et que l’article 11, paragraphe 1, point 12, de la même loi, mentionné par l’EUIPO dans sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure, n’était pas en vigueur à la date du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, à savoir le 29 septembre 2010.

97      Dans ce contexte, il ne saurait être considéré que, à la date du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, la loi bulgare sur les marques et les indications géographiques excluait la protection des marques composées exclusivement d’indications géographiques enregistrées et des dérivés des noms géographiques.

98      Pour autant que l’intervenante fasse valoir que la disposition à prendre en compte, en vigueur à la date du dépôt d’enregistrement de la marque contestée, est l’article 12, paragraphe 1, point 3, de la loi bulgare sur les marques et les indications géographiques, il suffit d’observer que cet article ne figure pas dans la décision attaquée et n’a pas été mentionné par l’EUIPO dans sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure.

99      En tout état de cause, force est de constater que, à la date du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, l’article 12, paragraphe 1, point 3, de la loi bulgare sur les marques et les indications géographiques constituait un motif relatif de refus. En effet, au moment du dépôt de la demande d’enregistrement, ledit article était intitulé « Motifs relatifs de refus à l’enregistrement ». Or, en l’espèce, la demande en nullité est fondée sur des causes de nullité absolue.

100    En outre, l’EUIPO a soutenu, dans ses observations en réponse aux mesures d’organisation de la procédure, que l’article 90, paragraphe 2, de la loi bulgare sur les marques et les indications géographique, en vigueur à la date de dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, interdisait l’utilisation des indications géographiques pour d’autres produits que ceux pour lesquels elles avaient été enregistrées.

101    À cet égard, il y a lieu d’observer que la décision attaquée ne vise aucune disposition de la loi bulgare sur les marques et les indications géographiques interdisant l’utilisation des indications géographiques pour d’autres produits que ceux pour lesquels elles avaient été enregistrées. Si, en réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, l’EUIPO a fait référence à l’article 90, paragraphe 2, de ladite loi, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort du point 49 ci-dessus, la motivation d’une décision doit figurer dans le corps même de celle-ci et ne peut être apportée par des explications postérieures fournies par l’EUIPO, sauf circonstances exceptionnelles qui, en l’absence de toute urgence, ne sont pas réunies.

102    En tout état de cause, il convient de relever, à l’instar de la requérante, que, à la date du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, la loi bulgare sur les marques et les indications géographiques ne semblait pas contenir un article 90.

103    Ainsi, sans qu’il soit besoin de s’interroger si, conformément à la jurisprudence citée au point 86 ci-dessus, le public pertinent situé en Bulgarie perçoit la marque contestée comme étant contraire à l’ordre public, il ne ressort pas du dossier qu’il a été démontré que, à la date du dépôt de sa demande d’enregistrement, la marque contestée était susceptible d’enfreindre « les dispositions correspondantes de l’IGP ».

104    Partant, il y a lieu d’accueillir la présente branche et, partant le présent moyen, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres branches soulevées par la requérante.

c)      Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous a), lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous g), du règlement no 207/2009

105    La chambre de recours a constaté, aux points 75 à 82 de la décision attaquée, que la marque contestée trompait le public pertinent sur la nature, la qualité et la provenance géographique pour des produits comme l’« eau de source » ou l’« eau de table ». Selon elle, ledit public est amené à considérer que ces produits sont de l’eau minérale dotée de vertus spécifiques dues à son origine géographique, alors que l’eau de table peut être de l’eau du réseau de distribution, de l’eau de surface ou être obtenue par forage, voire par un produit de désalinisation, et l’eau de source a une origine souterraine et est embouteillée sur place. En ce qui concerne les autres produits couverts par cette marque, elle a relevé que l’intervenante n’avait soumis aucun argument. Elle a conclu que, dans la mesure où ladite marque avait été enregistrée pour des produits qui n’étaient pas couverts par l’IGP, sa protection était trompeuse sur la nature de l’ensemble des produits à l’exception de l’« eau minérale se conformant aux spécifications de l’[IGP] ».

106    La requérante soutient, en substance, que la chambre de recours a commis une erreur en concluant au caractère trompeur de la marque contestée pour tous les produits à l’exception de l’« eau minérale se conformant aux spécifications de l’[IGP] ». En particulier, elle fait valoir que ladite chambre, tout en relevant qu’aucun argument sur les autres produits que l’« eau de source » et l’« eau de table » n’avait été avancé par l’intervenante, a déclaré d’office la nullité de la marque contestée pour l’ensemble des produits qu’elle couvre à l’exception de l’« eau minérale se conformant aux spécifications de l’[IGP] ».

107    L’EUIPO n’a pas présenté d’arguments spécifiques à cet égard.

108    L’intervenante fait valoir que, premièrement, la chambre de recours a établi, contrairement aux allégations de la requérante, le caractère trompeur de la marque contestée en ce qui concerne la nature des produits et non pas leur origine géographique. Deuxièmement, elle soutient qu’elle a présenté des arguments et des éléments de preuve démontrant la tromperie effective des consommateurs quant à la nature de l’ensemble des produits couverts par ladite marque et que cette chambre a également pris en compte des faits notoires portant sur les caractéristiques de l’eau de source et de l’eau minérale. En outre, l’article 8 de la directive 2009/54/CE du Parlement européen et du Conseil, du 18 juin 2009, relative à l’exploitation et à la mise dans le commerce des eaux minérales naturelles (JO 2009, L 164, p. 45) consacrerait la règle selon laquelle les eaux provenant d’une source doivent être désignées par un nom unique. Troisièmement, l’intervenante soutient que la requérante procède à une interprétation erronée du paragraphe 3 dudit article, qui devrait être lu à la lumière du considérant 5 et de l’article 9 de la même directive. Par ailleurs, l’interdiction d’utilisation trompeuse serait conforme à l’interdiction de l’utilisation de pratiques commerciales trompeuses prévue à l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil (JO 2005, L 149, p. 22). Quatrièmement, elle avance que, d’une part, le public bulgare associe le mot « devin » à l’eau minérale naturelle provenant de la source de Devin et donc à l’indication géographique correspondante, et d’autre part, cette marque est également trompeuse pour le consommateur de l’Union dans la mesure où cette dernière directive, qui établit la liste des eaux minérales naturelles reconnues par chaque État membre, est publiée au Journal Officiel de l’Union européenne et est accessible aux consommateurs de l’Union.

109    Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous g), du règlement no 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont de nature à tromper le public par exemple sur la nature, sur la qualité ou sur la provenance géographique du produit ou du service.

110    Il ressort d’une jurisprudence constante que les cas de refus d’enregistrement visés par l’article 7, paragraphe 1, sous g), du règlement no 207/2009 supposent que puisse être retenue l’existence d’une tromperie effective ou d’un risque suffisamment grave de tromperie du consommateur [voir arrêt du 29 novembre 2018, Khadi and Village Industries Commission/EUIPO – BNP Best Natural Products (Khadi Ayurveda), T‑683/17, non publié, EU:T:2018:860, point 44 et jurisprudence citée].

111    À cet égard, il convient de rappeler qu’une marque a pour fonction essentielle de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance. En effet, pour que la marque puisse jouer son rôle d’élément essentiel du système de concurrence non faussé que le traité entend établir et maintenir, elle doit constituer la garantie que tous les produits ou services qu’elle désigne ont été fabriqués ou fournis sous le contrôle d’une entreprise unique à laquelle peut être attribuée la responsabilité de leur qualité. Or, une marque perd ce rôle de garantie si l’information qu’elle comporte est de nature à tromper le public (voir arrêt du 29 novembre 2018, Khadi Ayurveda, T‑683/17, non publié, EU:T:2018:860, point 45 et jurisprudence citée).

112    Par conséquent, l’appréciation du motif absolu de refus mentionné à l’article 7, paragraphe 1, sous g), du règlement no 207/2009, ne peut être portée que, d’une part, par rapport aux produits ou aux services concernés et, d’autre part, par rapport à la perception de la marque par le public pertinent.

113    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient de vérifier si, comme le soutient la requérante, la chambre de recours a violé l’article 52, paragraphe 1, sous a), lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous g), du règlement no 207/2009.

114    En premier lieu, il convient de constater que la chambre de recours n’a pas défini explicitement le public pertinent à prendre en compte dans le cadre de l’examen du motif de nullité fondée sur l’article 52, paragraphe 1, sous a), lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous g), du règlement no 207/2009.

115    À supposer que le public pertinent pris en compte par la chambre de recours dans le cadre de ce motif de refus soit le même que celui défini dans le cadre de l’examen du motif de nullité prévu à l’article 52, paragraphe 1, sous a), lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, il convient de relever que la chambre de recours a considéré, aux points 36 et 44 de la décision attaquée, que les produits couverts par la marque contestée s’adressaient au grand public de l’Union, dont le degré d’attention variait de faible à moyen, et que le nom géographique « Devin » était seulement connu du consommateur moyen bulgare et « tout au plus » d’une partie négligeable des consommateurs moyens en Grèce et en Roumanie.

116    En deuxième lieu, quant à la perception de la marque contestée par le public pertinent, il convient de constater, à l’instar de la requérante, que, contrairement aux appréciations de la chambre de recours figurant au point 79 de la décision attaquée, il ne ressort pas du dossier que le terme « devin » est perçu par le public pertinent bulgare comme une référence à de l’eau minérale comportant des propriétés spécifiques en raison de son origine géographique.

117    En effet, dans le mémoire exposant les motifs de la demande en nullité, l’intervenante a fait valoir que le public pertinent reconnaissait et associait la marque contestée à l’eau minérale du même nom située dans la ville de Devin et que, dès lors, elle était susceptible de tromper le public pertinent sur le fait que l’eau de table ou l’eau de source serait de l’eau minérale de la source de Devin. À l’appui de cet argument, elle a soumis un article de presse mentionnant une prétendue tromperie quant à l’origine géographique de l’eau de source commercialisée sous la marque DEVIN.

118    Or, une telle déclaration ne peut pas servir d’élément de preuve valable pour établir que le terme « devin » sera perçu par le public pertinent comme une référence à de l’eau minérale comportant des propriétés spécifiques en raison de son origine géographique. En outre, ni l’article de presse présenté par l’intervenante à cet égard, ni un autre élément de preuve figurant dans le dossier ne permet d’établir un tel constat. En effet, l’article de presse en cause porte sur une prétendue tromperie quant à l’origine géographique de l’eau de source commercialisée sous la marque DEVIN, mais n’est pas de nature à prouver la perception du public pertinent. Par ailleurs, si l’intervenante a présenté la preuve de l’inscription de l’eau de Devin sur la liste officielle des eaux minérales naturelles reconnues par la Bulgarie et les autres États membres, publiée au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2010, C 65, p. 1) conformément à l’article 1er de la directive 2009/54 et de l’existence de l’IGP, enregistrée en Bulgarie, et d’une appellation d’origine identique au sens de l’arrangement de Lisbonne, il suffit de rappeler que, ainsi qu’il ressort du point 60 de l’arrêt d’annulation, il ne saurait, en substance, être présumé chez le consommateur moyen un degré de connaissance extrêmement élevé que celui-ci, à l’évidence, ne possède pas, incluant les traités internationaux et la liste des indications géographiques protégées dans son pays.

119    En troisième lieu, il convient de relever que, s’il ne ressort pas du dossier que le public pertinent associe le terme « devin » à de l’eau minérale comportant des propriétés spécifiques en raison de son origine géographique, il ne peut pas être retenu l’existence d’une tromperie effective ou d’un risque suffisamment grave de tromperie du consommateur quant à la nature des produits autres que l’« eau minérale se conformant à l’[IGP] ». En effet, l’article 7, paragraphe 1, sous g), du règlement no 207/2009 implique une désignation suffisamment spécifique des caractéristiques potentielles des produits désignés par la marque. Ce n’est que lorsque le consommateur visé est amené à croire que les produits possèdent certaines caractéristiques, qu’ils ne possèdent pas en réalité, qu’il est trompé par la marque [arrêt du 24 septembre 2008, HUP Uslugi Polska/OHMI – Manpower (I.T.@MANPOWER), T‑248/05, non publié, EU:T:2008:396, point 65]. Ainsi, en l’absence d’association du terme « devin » à de l’eau minérale comportant des propriétés spécifiques de par son origine géographique, ledit public ne saurait avoir d’attentes à l’égard de la marque contestée (voir, par analogie, arrêt du 29 novembre 2018, Khadi Ayurveda, T‑683/17, non publié, EU:T:2018:860, point 53).

120    En tout état de cause, force est de constater que, ainsi que le fait valoir la requérante et qu’il ressort du point 78 de la décision attaquée, l’intervenante n’a invoqué aucun argument sur le caractère trompeur de la marque contestée à l’égard des autres produits que l’eau de source et l’eau de table. Or, ainsi qu’il ressort du point 71 ci-dessus, dans le cadre d’une procédure de nullité, la marque de l’Union européenne enregistrée étant présumée valide, il appartient à la personne ayant présenté la demande en nullité d’invoquer devant l’EUIPO les éléments concrets qui mettraient en cause sa validité. Dès lors, la chambre de recours ne pouvait pas déclarer d’office la nullité de la marque contestée pour les autres produits que l’« eau minérale se conformant aux spécifications de l’[IGP] » en raison de leur caractère trompeur.

121    Il résulte des considérations qui précèdent que la chambre de recours, en estimant que la marque contestée pouvait tromper le public pertinent sur la nature des produits autres que l’« eau minérale se conformant aux spécifications de l’[IGP] », a commis une erreur d’appréciation.

122    Les arguments de l’intervenante ne sont pas de nature à remettre en cause cette conclusion.

123    Premièrement, ne saurait être retenu l’argument de l’intervenante selon lequel, au cours de la procédure administrative, elle a souligné que tous les arguments relatifs à l’eau de source et l’eau de table étaient également valables pour les produits similaires de la classe 32 pouvant contenir de l’eau minérale. En effet, il convient de relever qu’il ressort du point 83 de la décision attaquée que l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle la marque contestée est de nature à tromper le public pertinent sur la nature des autres produits que l’« eau minérale se conformant aux spécifications de l’[IGP] » est fondée sur la protection de l’indication géographique et non sur les arguments relatifs à l’eau de source et l’eau de table invoqués par la requérante. En tout état de cause, à supposer que l’intervenante ait également contesté les produits autres que l’eau de source et l’eau de table, ladite décision serait entachée d’une contradiction de motifs, cette chambre constatant, d’une part, que l’intervenante n’a invoqué aucun argument sur le caractère trompeur de ladite marque à l’égard desdits produits, tout en considérant, d’autre part, que cette marque pourrait tromper le public pertinent sur la nature de ces produits.

124    Deuxièmement, ne saurait non plus prospérer l’argument de l’intervenante selon lequel, afin de considérer que la marque contestée pouvait tromper le public pertinent sur la nature des produits autres que l’« eau minérale se conformant aux spécifications de l’[IGP] », la chambre de recours a pris en compte des faits notoires. À cet égard, il y a lieu de constater que, s’il ressort de la jurisprudence que, lorsqu’une partie a contesté la validité d’une marque enregistrée en se fondant sur des éléments au soutien de sa demande en nullité, il incombe à la chambre de recours d’examiner ces éléments et de prendre en considération l’existence de faits notoires que l’examinateur aurait, le cas échéant, omis de considérer dans le cadre de la procédure d’enregistrement [voir arrêt du 3 mai 2018, Raise Conseil/EUIPO – Raizers (RAISE), T‑463/17, non publié, EU:T:2018:249, point 28 et jurisprudence citée], les faits notoires pris en compte par ladite chambre, à les supposer établis, reposent sur le postulat que le public pertinent perçoit la marque contestée comme une référence à de l’eau minérale comportant des propriétés spécifiques en raison de son origine géographique. Or, ainsi qu’il ressort du point 118 ci-dessus, en l’espèce, il n’a pas été démontré que le public pertinent perçoit ladite marque comme une référence à un tel produit, de sorte qu’ils ne sauraient être considérés comme étant pertinents.

125    Troisièmement, s’agissant de l’argument de l’intervenante selon lequel la requérante procède à une interprétation erronée de l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2009/54, il convient de constater que, conformément à cette disposition, lorsque les étiquettes ou inscriptions apposées sur les récipients dans lesquels les eaux minérales naturelles sont offertes à la vente comportent l’indication d’une désignation commerciale qui diffère du nom de la source ou du lieu de son exploitation, l’indication de ce lieu d’exploitation ou le nom de la source doit être porté en caractères dont la hauteur et la largeur sont au moins égales à une fois et demie celles du plus grand des caractères utilisés pour l’indication de cette désignation commerciale. À cet égard, il convient de constater que, contrairement à ce que soutient l’intervenante, la requérante fait référence à cette disposition afin de démontrer que le public pertinent ne sera pas trompé quant à l’origine géographique des produits et n’évoque pas le fait que la marque contestée ne tromperait pas ledit public sur les caractéristiques de l’eau. En tout état de cause, la chambre de recours ne s’est pas fondée, dans la décision attaquée, sur ladite disposition.

126    Partant, il y a lieu d’accueillir le présent moyen.

127    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de faire droit au recours principal.

B.      Sur le recours incident

128    À l’appui du recours incident, l’intervenante invoque, en substance, un moyen unique tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 3, et de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 207/2009.

129    L’intervenante soutient que la chambre de recours a commis une erreur de droit en concluant à l’existence d’un caractère distinctif acquis par l’usage en Bulgarie de la marque contestée pour l’« eau minérale se conformant aux spécifications de l’[IGP] ».

130    Premièrement, l’intervenante fait valoir que les éléments de preuve présentés par la requérante à l’appui de la revendication du caractère distinctif acquis par l’usage portent sur la marque figurative DEVIN. Elle soutient que lesdits éléments de preuve se réfèrent au produit, à savoir l’eau en bouteille provenant de la réserve d’eau minérale de Devin, et que l’eau minérale de Devin est commercialisée sous la marque figurative DEVIN. Ainsi, le consommateur pertinent percevrait la désignation commerciale du produit comme une indication de sa nature et de ses caractéristiques et la conception graphique correspondante comme une marque désignant son origine commerciale, à savoir l’entreprise d’embouteillage. En outre, l’intervenante considère qu’une partie de ces éléments de preuve indique directement l’origine géographique des produits. Deuxièmement, elle constate qu’il ressort de l’étude « Omnibus » menée en 2016 qu’elle a présentée devant la deuxième chambre de recours que les consommateurs n’associent pas chaque signe qui est composé du terme « devin » ou qui le contient à de l’eau minérale. L’étude montrerait que 35 % des personnes interrogées associent le terme « devin », écrit en police de caractères standard, à la ville du même nom.

131    L’EUIPO et la requérante contestent les arguments de l’intervenante.

132    À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, lorsqu’une marque de l’Union européenne a été enregistrée contrairement à l’article 7, paragraphe 1, point b), c) ou d), elle ne peut toutefois être déclarée nulle si, par l’usage qui en a été fait, elle a acquis après son enregistrement un caractère distinctif pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée.

133    Ainsi, l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 vise les marques dont l’enregistrement était contraire à l’article 7, paragraphe 1, point b), c) ou d), dudit règlement et qui, en l’absence d’une telle disposition, auraient dû être annulées, en application de l’article 52, paragraphe 1, du même règlement. Il a, précisément, pour objectif de maintenir l’enregistrement des marques qui, en raison de l’usage qui en a été fait, ont entre-temps, c’est-à-dire après leur enregistrement, acquis un caractère distinctif pour les produits ou les services pour lesquels elles ont été enregistrées, nonobstant la circonstance que cet enregistrement, au moment où il est intervenu, était contraire à l’article 7 du règlement no 207/2009 [voir arrêt du 10 juin 2020, Louis Vuitton Malletier/EUIPO – Wisniewski (Représentation d’un motif à damier), T‑105/19, non publié, EU:T:2020:258, point 60 et jurisprudence citée].

134    Selon la jurisprudence, pour déterminer si une marque a acquis un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait conformément à l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, l’autorité compétente doit procéder à un examen concret et apprécier globalement les éléments qui peuvent démontrer que la marque est devenue apte à identifier le produit ou le service concerné comme provenant d’une entreprise déterminée (voir arrêt du 19 juin 2014, Oberbank e.a., C‑217/13 et C‑218/13, EU:C:2014:2012, point 40 et jurisprudence citée).

135    À cet égard, il convient de prendre en considération, notamment, la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de l’usage de cette marque, l’importance des investissements faits par l’entreprise pour la promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifie le produit comme provenant d’une entreprise déterminée grâce à la marque, les déclarations de chambres de commerce et d’industrie ou d’autres associations professionnelles ainsi que les sondages d’opinions (voir arrêt du 10 juin 2020, Représentation d’un motif à damier, T‑105/19, non publié, EU:T:2020:258, point 63 et jurisprudence citée).

136    L’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage de la marque exige qu’au moins une fraction significative du public pertinent identifie grâce à la marque les produits ou les services concernés comme provenant d’une entreprise déterminée [arrêts du 1er février 2013, Ferrari/OHMI (PERLE’), T‑104/11, non publié, EU:T:2013:51, point 37, et du 22 mars 2013, Bottega Veneta International/OHMI (Forme d’un sac à main), T‑409/10, non publié, EU:T:2013:148, point 75].

137    Pour apprécier si les motifs de refus prévus à l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), du règlement no 207/2009 doivent être écartés en raison de l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage, seule est pertinente la situation existant dans la partie du territoire de l’Union où les motifs de refus ont été constatés [voir arrêt du 10 décembre 2008, Bateaux mouches/OHMI – Castanet (BATEAUX MOUCHES), T‑365/06, non publié, EU:T:2008:559, point 36 et jurisprudence citée].

138    En l’espèce, il y a lieu de constater, en premier lieu, que, ainsi qu’il ressort, en substance, du point 53 de la décision attaquée, la chambre de recours a apprécié le caractère distinctif acquis par l’usage à la date du dépôt de la demande en nullité, à savoir le 11 juillet 2014, sur le territoire où elle avait été considérée comme étant descriptive, à savoir la Bulgarie.

139    Il n’y a pas lieu de remettre en cause ces appréciations qui, au demeurant, ne sont pas contestées par l’intervenante.

140    En second lieu, il importe de relever que la requérante a présenté un ensemble d’éléments de preuve au cours de la procédure administrative devant l’EUIPO afin d’établir l’acquisition d’un caractère distinctif de la marque contestée, à savoir, notamment :

–        la décision no 22-OM de l’Office des brevets de la République de Bulgarie du 19 mars 2010 déclarant la marque contestée notoire en Bulgarie pour l’eau minérale relevant de la classe 32  ;

–        des rapports de l’Association des producteurs de boissons gazeuses en Bulgarie datés de 2000 à 2004 ;

–        une enquête sur les achats des ménages en matière d’eau minérale réalisée par un institut de sondage indépendant en Bulgarie datée de 2000 ;

–        une enquête sur le marché de l’eau en bouteille réalisée par une autre société datée de 2005 ;

–        une étude de marché des eaux minérales embouteillées datée de 2002 ;

–        des articles de presse datés de 1999 à 2003 ;

–        des données sur la publicité ainsi que des contrats et des supports publicitaires datés notamment de 2001 et 2002 ;

–        une déclaration sur la quantité des produits vendus sous la marque DEVIN pour la période allant de 2008 à 2013.

141    Au point 50 de la décision attaquée, la chambre de recours a indiqué que la division d’annulation avait considéré que, compte tenu des documents soumis par la requérante, en particulier la décision no 22-OM de l’Office des brevets de la République de Bulgarie du 19 mars 2010, les articles de journaux et de magazines, les données sur la publicité et les dons ainsi que les contrats et supports publicitaires, il y avait lieu de constater que la marque contestée avait acquis un caractère distinctif par l’usage en Bulgarie. Elle a estimé, au point 53 de ladite décision, que, au regard des éléments de preuve soumis par la requérante, « surtout [de] l’étendue géographique du caractère descriptif de l’IGP enregistrée », il était possible de considérer que ladite marque avait acquis un caractère distinctif par l’usage pour l’« eau minérale se conformant aux spécifications de l’[IGP] ».

142    Il ressort de ces considérations que la chambre de recours a, d’une part, pris en compte, dans le cadre de son appréciation, la décision no 22-OM de l’Office des brevets de la République de Bulgarie du 19 mars 2010. À cet égard, force est de rappeler que, si l’EUIPO n’est pas lié par les décisions rendues par les autorités nationales et si, dans la mesure où l’application du droit des marques de l’Union est indépendante de tout système national, la légalité des décisions de l’EUIPO ne peut être remise en cause sur la base des seules appréciations figurant dans des décisions nationales antérieures, ces dernières décisions peuvent néanmoins être prises en considération par l’EUIPO, dans le cadre de l’appréciation des faits de la cause [voir, en ce sens, arrêts du 21 avril 2004, Concept/OHMI (ECA), T‑127/02, EU:T:2004:110, points 70 et 71 ; du 9 juillet 2008, Reber/OHMI – Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (Mozart), T‑304/06, EU:T:2008:268, point 45, et du 25 octobre 2012, riha/OHMI – Lidl Stiftung (VITAL&FIT), T‑552/10, non publié, EU:T:2012:576, point 66].

143    En outre, au point 35 de l’arrêt d’annulation, le Tribunal a jugé que, « étant donné que la marque bulgare verbale Devin a[vait] été reconnue comme renommée par l’Office des brevets de la République de Bulgarie, il apparai[ssai]t, prima facie, extrêmement peu plausible que la marque contestée n’y ait pas acquis, à tout le moins, un caractère distinctif normal, sans même se prononcer sur son caractère distinctif accru ou sur sa renommée ».

144    En l’espèce, il suffit d’observer que, dans la décision de l’Office des brevets de la République de Bulgarie du 19 mars 2010, à savoir antérieurement à la date du dépôt de la demande en nullité, déposée le 11 juillet 2014, il a notamment été constaté, à la suite de l’analyse de plusieurs éléments de preuve soumis par la requérante, que l’eau minérale identifiée par la marque DEVIN se plaçait en deuxième position sur le marché bulgare de l’eau en bouteille avec une part de marché de 24,57%, que 38 % des personnes interrogées lors d’une enquête associaient spontanément la marque verbale DEVIN à l’origine commerciale de l’eau minérale en bouteille, que selon l’enquête sur le marché de l’eau en bouteille en Bulgarie réalisée en 2005, 29,2 % des personnes interrogées établissaient un lien avec la marque DEVIN lorsqu’elles devaient répondre à la question « lorsque vous pensez à de l’eau en bouteille, quelle est la première marque qui vous vient à l’esprit », que selon les rapports de l’Association des producteurs de boissons gazeuses datés de 2000 à 2004 la requérante se situait parmi les premiers producteurs de boissons gazeuses en Bulgarie, ou encore que la requérante avait déployé des efforts pour promouvoir sa marque, y compris en association avec des éléments figuratifs, et pour accroître sa visibilité en parrainant des événements sportifs et culturels.

145    D’autre part, il convient d’observer que, ainsi qu’il ressort du point 53 de la décision attaquée, la chambre de recours a pris en compte d’autres éléments de preuve produits par la requérante devant l’EUIPO.

146    À cet égard, il suffit de relever que, en plus des rapports de l’Association des producteurs de boissons gazeuses en Bulgarie datés de 2000 à 2004, de l’enquête sur les achats des ménages en matière d’eau minérale datée de 2000, ou encore de l’enquête sur le marché de l’eau en bouteille réalisée en 2005, pris en compte par l’Office des brevets de la République de Bulgarie dans sa décision no 22-OM du 19 mars 2010, la requérante a également présenté des éléments de preuves qui permettent de constater que la marque contestée avait fait l’objet d’une diffusion à travers différents médias, à savoir des journaux, du matériel de marketing et de publicité, ou encore à travers des événements sportifs, des festivals ou d’autres évènements. Ces éléments de preuve contiennent des données représentatives sur l’intensité, la durée et la régularité de l’usage de ladite marque.

147    Ainsi, au vu du dossier, eu égard à la part du marché, à la durée et à l’intensité de l’usage de la marque contestée, à la proportion des milieux intéressés qui identifie le produit comme provenant de l’entreprise de la requérante ainsi qu’aux rapports des associations professionnelles, les preuves tirées de sa diffusion permettent de conclure que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en constatant que la marque contestée avait acquis un caractère distinctif par l’usage en Bulgarie pour l’« eau minérale se conformant aux spécificités de l’[IGP] ».

148    Les arguments de l’intervenante ne sont pas de nature à remettre en cause cette conclusion.

149    Premièrement, ne saurait prospérer l’argument de l’intervenante selon lequel les éléments de preuve présentés par la requérante portent sur la marque figurative DEVIN et ne démontrent pas que la marque contestée, qui est une marque verbale, a acquis un caractère distinctif par l’usage.

150    À cet égard, il convient de rappeler que l’acquisition d’un caractère distinctif peut résulter aussi bien de l’usage en tant que partie d’une marque enregistrée, d’un élément de celle-ci, que de l’usage d’une marque distincte en combinaison avec une marque enregistrée. Dans les deux cas, il suffit que, en conséquence de cet usage, les milieux intéressés perçoivent effectivement le produit ou le service, désigné par la seule marque dont l’enregistrement est demandé, comme provenant d’une entreprise déterminée (arrêts du 7 juillet 2005, Nestlé, C‑353/03, EU:C:2005:432, point 30, et du 17 juillet 2008, L & D/OHMI, C‑488/06 P, EU:C:2008:420, point 49). Ainsi, indépendamment de la question de savoir si l’usage concerne un signe en tant que partie d’une marque enregistrée ou en combinaison avec celle-ci, la condition essentielle est que, en conséquence de cet usage, le signe puisse désigner, dans l’esprit des milieux intéressés, les produits sur lesquels il portait comme provenant d’une entreprise déterminée (arrêt du 16 septembre 2015, Société des Produits Nestlé, C‑215/14, EU:C:2015:604, point 65).

151    En l’espèce, s’il ressort du dossier qu’un certain nombre d’éléments de preuve apportés par la requérante, tels que des articles de presse ou des supports publicitaires, contiennent l’élément verbal « devin » écrit avec une typographie spécifique de couleur bleue dans le cadre d’une marque figurative, il convient de constater que, ainsi qu’il ressort des points 140 à 147 ci-dessus, l’analyse globale du caractère distinctif acquis par l’usage permet de considérer que la requérante a établi à suffisance que la marque contestée pouvait désigner, dans l’esprit des milieux intéressés, l’eau minérale relevant de la classe 32 vendue sous la marque DEVIN comme provenant de son entreprise.

152    Deuxièmement, s’agissant de l’argument de l’intervenante selon lequel, en substance, le public pertinent percevrait la marque contestée comme faisant référence au produit, à savoir l’eau minérale provenant de la réserve d’eau minérale de Devin, de sorte qu’il considérera que la requérante est l’un des producteurs de ce type de produit, à l’instar d’autres signes comme Gorna Banya ou Hisar, il convient de relever, ainsi que le soutient l’EUIPO, que contrairement aux autres exemples présentés par l’intervenante, la requérante opère dans le cadre d’une concession d’exploitation commerciale de l’eau minérale provenant des sources Devin et que les parties ne contestent pas qu’aucun autre opérateur n’a utilisé le signe verbal DEVIN pour de l’eau minérale depuis que la requérante s’est lancée dans sa production.

153    Troisièmement, en ce qui concerne l’argument de l’intervenante selon lequel dans deux articles de journaux, à savoir les articles « Les Allemands vont boire de l’eau de Devin » et « Les soldats Américains boivent de l’eau de Devin », il est fait référence à l’origine géographique des produits, il convient de constater que, ainsi qu’il ressort, en substance, du point 134 ci-dessus, le caractère distinctif doit être apprécié au regard de l’ensemble des preuves. Dès lors, cet argument de l’intervenante ne saurait remettre en cause les appréciations de la chambre de recours selon lesquelles, en substance, au regard de l’ensemble des éléments de preuve soumis par la requérante, le public pertinent identifie l’eau minérale relevant de la classe 32 vendue sous la marque DEVIN comme provenant de l’entreprise de la requérante.

154    En tout état de cause, il convient de relever que l’article intitulé « Les Allemands vont boire de l’eau de Devin » est accompagné d’une image sur laquelle figure une palette de bouteilles d’eau minérale produite par la requérante.

155    Quatrièmement, l’intervenante fait valoir que l’étude « Omnibus » menée en 2016 indiquerait que les consommateurs n’associent pas chaque signe qui est composé du terme « devin » ou qui le contient à l’eau minérale et montrerait que 35 % des personnes interrogées associent ledit terme, écrit en police de caractères standard, à la ville du même nom.

156    À cet égard, il convient de constater que, sans qu’il soit besoin de s’interroger sur sa recevabilité au titre de l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625 contestée par la requérante, l’intervenante procède à une lecture erronée de l’étude « Omnibus ». En effet, à l’instar de l’EUIPO et de la requérante, il convient d’observer que la question posée dans ladite étude portait sur la connaissance du terme « devin » écrit en cyrillique, alors que la marque contestée est écrite en latin. En outre, la question à laquelle les personnes interrogées devaient répondre n’était pas replacée dans le contexte des eaux minérales, les marques étant, par leur nature, liées aux produits et aux services qu’elles désignent. Dès lors, l’argument de l’intervenante tiré de cette étude ne saurait prospérer.

157    Il résulte de tout ce qui précède que la chambre de recours a conclu à juste titre que la marque contestée avait acquis un caractère distinctif par l’usage en Bulgarie pour l’« eau minérale se conformant aux spécificités de l’[IGP] ».

158    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le moyen unique avancé par l’intervenante et, par conséquent, le recours incident.

159    Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient d’annuler partiellement la décision attaquée pour autant que la chambre de recours a conclu que la marque contestée devait être déclarée nulle pour l’ensemble des produits à l’exception de l’« eau minérale se conformant aux spécificités de l’[IGP] ».

IV.    Sur les dépens

160    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

161    En l’espèce, au titre du recours principal, l’EUIPO ayant succombé et la requérante n’ayant pas conclu à la condamnation de l’intervenante aux dépens, il y a lieu de condamner l’EUIPO à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière. Par ailleurs, l’intervenante, qui a succombé en ses conclusions, supportera ses propres dépens.

162    Au titre du recours incident, l’intervenante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la requérante et de l’EUIPO, conformément aux conclusions de ces derniers.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 28 mai 2020 (affaire R 2535/2019-1) est annulée en ce qu’elle a déclaré nulle la marque de l’Union européenne numéro 9 408 865 pour l’ensemble des produits visés autres que le produit « eau minérale se conformant aux spécifications de l’[indication géographique protégée] Devin Natural Mineral Water » relevant de la classe 32.

2)      Le recours incident est rejeté.

3)      Au titre du recours principal, l’EUIPO supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par Devin EAD et Haskovo Chamber of Commerce and Industry supportera ses propres dépens.

4)      Au titre du recours incident, Haskovo Chamber of Commerce and Industry supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Devin et par l’EUIPO.

Costeira

Perišin

Zilgalvis

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 décembre 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.