Language of document : ECLI:EU:T:2022:86

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

23 février 2022 (*)

« REACH – Substances extrêmement préoccupantes – Établissement d’une liste de substances identifiées en vue d’une inclusion à terme dans l’annexe XIV du règlement (CE) no 1907/2006 – Décision identifiant l’acide 2,3,3,3-tétrafluoro-2-(heptafluoropropoxy)propionique, ses sels et ses halogénures d’acyle comme substance remplissant les critères prévus pour l’inclusion dans la liste – Article 57 du règlement no 1907/2006 – Erreur manifeste d’appréciation – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑636/19,

Chemours Netherlands BV, établie à Dordrecht (Pays-Bas), représentée par Mes R. Cana et E. Mullier, avocates,

partie requérante,

contre

Agence européenne des produits chimiques (ECHA), représentée par MM. W. Broere, N. Herbatschek et Mme M. Heikkilä, en qualité d’agents, assistés de Me S. Raes, avocat,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume des Pays-Bas, représenté par Mme M. Bulterman, M. J. Langer et Mme C. Schillemans, en qualité d’agents,

et par

ClientEarth AISBL, établie à Bruxelles (Belgique),

ClientEarth, établie à Londres (Royaume-Uni),

CHEM Trust Europe eV, établie à Hambourg (Allemagne),

représentées par Me N. Angelet, avocat,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision ED/71/2019 de l’ECHA, du 4 juillet 2019, entrée en vigueur le 16 juillet 2019, en ce qu’elle inclut l’acide 2,3,3,3-tétrafluoro-2-(heptafluoropropoxy)propionique, ses sels et ses halogénures d’acyle (ainsi que leurs isomères et combinaisons d’isomères) dans la liste des substances identifiées en vue d’une inclusion à terme dans l’annexe XIV du règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) no 793/93 du Conseil et le règlement (CE) no 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO 2006, L 396, p. 1, rectificatif JO 2007, L 136, p. 3),

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. J. Svenningsen, président, R. Barents et J. Laitenberger (rapporteur), juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 14 septembre 2021,

rend le présent

Arrêt

I.      Cadre juridique

1        L’article 1er du règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) no 793/93 du Conseil et le règlement (CE) no 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO 2006, L 396, p. 1, rectificatif JO 2007, L 136, p. 3), intitulé « Objet et champ d’application », dispose ce qui suit :

« 1.      Le présent règlement vise à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement, y compris la promotion de méthodes alternatives pour l’évaluation des dangers liés aux substances, ainsi que la libre circulation des substances dans le marché intérieur tout en améliorant la compétitivité et l’innovation.

[…]

3.      Le présent règlement repose sur le principe qu’il incombe aux fabricants, aux importateurs et aux utilisateurs en aval de veiller à fabriquer, à mettre sur le marché ou à utiliser des substances qui n’ont pas d’effets nocifs pour la santé humaine ou l’environnement. Ses dispositions reposent sur le principe de précaution. »

2        L’article 14, paragraphe 6, du règlement no 1907/2006 est ainsi libellé :

« Tout déclarant identifie et applique les mesures appropriées en vue d’une maîtrise valable des risques identifiés dans l’évaluation de la sécurité chimique et, le cas échéant, recommande ces mesures dans les fiches de données de sécurité qu’il fournit conformément à l’article 31. »

3        L’article 31, paragraphe 9, du règlement no 1907/2006 prévoit ce qui suit :

« La fiche de données de sécurité est mise à jour sans tarder par les fournisseurs dans les circonstances suivantes :

a)      dès que de nouvelles informations qui peuvent affecter les mesures de gestion des risques ou de nouvelles informations relatives aux dangers sont disponibles ;

[…] »

4        L’article 33 du règlement no 1907/2006, intitulé « Obligation de communiquer des informations sur les substances contenues dans des articles », est ainsi libellé :

« 1.      Tout fournisseur d’un article contenant une substance répondant aux critères énoncés à l’article 57 et identifiée conformément à l’article 59, paragraphe 1, avec une concentration supérieure à 0,1 % masse/masse (w/w), fournit au destinataire de l’article des informations suffisantes dont il dispose pour permettre l’utilisation dudit article en toute sécurité et comprenant, au moins, le nom de la substance.

2.      Sur demande d’un consommateur, tout fournisseur d’un article contenant une substance répondant aux critères énoncés à l’article 57 et identifiée conformément à l’article 59, paragraphe 1, avec une concentration supérieure à 0,1 % masse/masse (w/w), fournit au consommateur des informations suffisantes dont il dispose pour permettre l’utilisation dudit article en toute sécurité et comprenant, au moins, le nom de la substance.

[…] »

5        L’article 34 du règlement no 1907/2006, intitulé « Obligation de communiquer des informations sur les substances et les mélanges en amont dans la chaîne d’approvisionnement », prévoit ce qui suit :

« Tout acteur de la chaîne d’approvisionnement d’une substance ou d’un mélange communique les informations suivantes à l’acteur ou au distributeur situé immédiatement en amont dans la chaîne d’approvisionnement :

a)      des informations nouvelles sur les propriétés dangereuses, quelles que soient les utilisations concernées ;

b)      toute autre information qui pourrait mettre en doute le caractère approprié des mesures de gestion des risques identifiées dans une fiche de données de sécurité qui leur aurait été fournie ; ces informations ne sont communiquées que pour des utilisations identifiées.

[…] »

6        L’article 55 du règlement no 1907/2006, intitulé « But de l’autorisation et examen des solutions de remplacement », énonce ce qui suit :

« Le but du présent titre est d’assurer le bon fonctionnement du marché intérieur tout en garantissant que les risques résultant de substances extrêmement préoccupantes seront valablement maîtrisés et que ces substances seront progressivement remplacées par d’autres substances ou technologies appropriées, lorsque celles-ci sont économiquement et techniquement viables. À cette fin, l’ensemble des fabricants, des importateurs et des utilisateurs en aval qui demandent une autorisation analysent la disponibilité de solutions de remplacement et examinent les risques qu’elles comportent ainsi que leur faisabilité technique et économique. »

7        L’article 56 du règlement no 1907/2006, intitulé « Dispositions générales », dispose ce qui suit :

« 1.      Un fabricant, importateur ou utilisateur en aval s’abstient de mettre sur le marché une substance en vue d’une utilisation ou de l’utiliser lui-même si cette substance est incluse à l’annexe XIV, sauf :

a)      si l’utilisation ou les utilisations de cette substance, telle quelle ou contenue dans un mélange, ou l’incorporation de la substance dans un article pour laquelle la substance est mise sur le marché ou pour laquelle il utilise la substance lui-même ont été autorisées conformément aux articles 60 à 64 ; […] »

8        L’article 57 du règlement no 1907/2006, intitulé « Substances à inclure dans l’annexe XIV », est ainsi libellé :

« Les substances suivantes peuvent être incluses dans l’annexe XIV conformément à la procédure prévue à l’article 58 :

a)      les substances répondant aux critères de classification comme substances cancérogènes, de catégorie 1A ou 1B, conformément à l’annexe I, section 3.6, du règlement (CE) no 1272/2008 ;

b)      les substances répondant aux critères de classification comme substances mutagènes sur les cellules germinales, de catégorie 1A ou 1B, conformément à l’annexe I, section 3.5, du règlement (CE) no 1272/2008 ;

c)      les substances répondant aux critères de classification comme substances toxiques pour la reproduction, de catégorie 1A ou 1B, ayant des effets néfastes sur la fonction sexuelle et la fertilité ou sur le développement, conformément à l’annexe I, section 3.7, du règlement (CE) no 1272/2008 ;

d)      les substances qui sont persistantes, bioaccumulables et toxiques conformément aux critères énoncés à l’annexe XIII du présent règlement ;

e)      les substances qui sont très persistantes et très bioaccumulables, conformément aux critères énoncés à l’annexe XIII du présent règlement ;

f)      les substances – telles que celles possédant des propriétés perturbant le système endocrinien ou celles possédant des propriétés persistantes, bioaccumulables et toxiques ou très persistantes et très bioaccumulables, qui ne remplissent pas les critères visés aux points d) ou e) – pour lesquelles il est scientifiquement prouvé qu’elles peuvent avoir des effets graves sur la santé humaine ou l’environnement qui suscitent un niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par l’utilisation d’autres substances énumérées aux points a) à e) et qui sont identifiées, cas par cas, conformément à la procédure prévue à l’article 59. »

9        L’article 58 du règlement no 1907/2006, intitulé « Inclusion de substances dans l’annexe XIV », dispose à son paragraphe 2 ce qui suit :

« Des utilisations ou des catégories d’usages peuvent être exemptées de l’obligation d’autorisation, à condition que, compte tenu de la législation communautaire spécifique existante, qui impose des exigences minimales en ce qui concerne la protection de la santé humaine ou de l’environnement en cas d’utilisation de la substance, le risque soit bien maîtrisé. Lors de l’octroi d’une exemption, il est notamment tenu compte du rapport existant entre le risque pour la santé humaine et l’environnement et la nature de la substance comme lorsque le risque est modifié par la forme physique. »

10      L’article 60 du règlement no 1907/2006, intitulé « Octroi des autorisations », prévoit ce qui suit :

« […]

2.      Sans préjudice du paragraphe 3, une autorisation est octroyée si le risque que représente pour la santé humaine ou pour l’environnement l’utilisation d’une substance en raison de ses propriétés intrinsèques, visées à l’annexe XIV, est valablement maîtrisé conformément à l’annexe I, section 6.4, comme le démontre le rapport sur la sécurité chimique du demandeur, en tenant compte de l’avis du comité d’évaluation des risques visé à l’article 64, paragraphe 4, point a). Lors de l’octroi de l’autorisation et dans toutes les conditions que celle-ci impose, la Commission prend en compte tous les rejets, émissions et pertes, en ce compris les risques découlant d’utilisations dispersives ou diffuses, connus au moment de la décision.

[…]

4. Lorsqu’une autorisation ne peut être octroyée en application du paragraphe 2 ou pour les substances énumérées au paragraphe 3, elle ne peut être octroyée que s’il est démontré que les avantages socio-économiques l’emportent sur les risques qu’entraîne l’utilisation de la substance pour la santé humaine ou l’environnement et qu’il n’existe pas de substances ou de technologies de remplacement appropriées […] »

II.    Antécédents du litige

11      La requérante, Chemours Netherlands BV, est une société établie aux Pays-Bas qui est importatrice et fournisseuse de 2,3,3,3-tétrafluoro-2-(heptafluoropropoxy)propanoate d’ammonium (ci-après le « FRD-902 ») dans l’Union européenne, substance qu’elle a enregistrée auprès de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA).

12      En mars 2019, l’autorité compétente du Royaume des Pays-Bas a soumis un dossier au titre de l’annexe XV du règlement no 1907/2006, favorable à l’identification de l’acide 2,3,3,3-tétrafluoro-2-(heptafluoropropoxy)propionique, de ses sels et de ses halogénures d’acyle (ainsi que leurs isomères et combinaisons d’isomères) (ci-après le « HFPO-DA » ou la « substance litigieuse ») en tant que substance extrêmement préoccupante, en ce que ce groupe de substances répondrait aux critères énoncés à l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006 (ci-après le « dossier établi conformément à l’annexe XV »). Lorsqu’elles sont libérées dans l’environnement, les substances appartenant à ce groupe, qui inclut le FRD-902, se dissocient pour former la substance 2,3,3,3-tétrafluoro-2-(heptafluoropropoxy)propanoate, aussi appelée HFPO-DA.

13      Le 13 mars 2019, l’ECHA a invité toutes les parties intéressées à soumettre leurs observations sur le dossier établi conformément à l’annexe XV avant le 29 avril 2019, conformément à l’article 59, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006. La requérante a présenté ses observations le 29 avril 2019.

14      Des observations ayant été reçues sur l’identification du HFPO-DA, l’ECHA a transmis le dossier au comité des États membres (ci-après le « CEM »), conformément à l’article 59, paragraphe 7, du règlement no 1907/2006.

15      Lors de sa 65e réunion, qui s’est tenue du 24 au 27 juin 2019, le CEM est parvenu à un accord unanime sur l’identification du HFPO-DA comme substance extrêmement préoccupante. Les motifs de l’accord sont présentés dans le document d’appui relatif au HFPO-DA (ci-après le « document d’appui »).

16      Le 4 juillet 2019, conformément à l’article 59, paragraphe 8, du règlement no 1907/2006, le directeur exécutif de l’ECHA a adopté la décision ED/71/2019, qui prévoit l’inscription du HFPO-DA sur la liste des substances identifiées en vue de son inclusion à terme dans l’annexe XIV du règlement no 1907/2006, telle que visée à l’article 59, paragraphe 1, dudit règlement (ci-après la « liste des substances candidates »), au motif qu’il présente un niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par l’utilisation d’autres substances énumérées à l’article 57, sous a) à e), du règlement no 1907/2006 et peut avoir des effets graves sur la santé humaine et sur l’environnement au sens de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006 (ci-après la « décision attaquée »).

17      La décision attaquée est entrée en vigueur et a été publiée le 16 juillet 2019 sur le site Internet de l’ECHA. À cette même date, l’ECHA a mis à jour la liste des substances candidates, publiée sur son site Internet, en application de l’article 59, paragraphe 10, du règlement no 1907/2006, afin d’y inclure le HFPO-DA en tant que substance extrêmement préoccupante.

III. Procédure et conclusions des parties

18      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 septembre 2019, la requérante a introduit le présent recours.

19      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle inclut le HFPO-DA dans la liste des substances candidates extrêmement préoccupantes en tant que substance qui suscite un niveau de préoccupation équivalent pour la santé humaine et/ou en ce qu’elle inclut le HFPO-DA dans la liste des substances candidates en tant que substance qui suscite un niveau de préoccupation équivalent pour l’environnement ;

–        condamner l’ECHA aux dépens de la procédure et déclarer que toute partie intervenante supportera ses propres dépens.

20      L’ECHA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante à supporter les dépens des deux parties.

21      Le Royaume des Pays-Bas soutient les conclusions de l’ECHA et conclut au rejet du recours et à la condamnation de la requérante aux dépens.

22      ClientEarth AISBL, ClientEarth et CHEM Trust Europe eV (ci-après « ClientEarth et CHEM Trust Europe ») soutiennent les conclusions de l’ECHA et demandent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner la requérante aux dépens.

IV.    En droit

23      À l’appui de son recours, la requérante invoque deux moyens. Le premier moyen est tiré du fait que l’ECHA aurait violé l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006, outrepassé les compétences que lui conférait cette disposition et commis une erreur manifeste d’appréciation. Par le second moyen, la requérante invoque une violation du principe de proportionnalité.

A.      Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006, d’un excès de pouvoir et d’une erreur manifeste d’appréciation

24      Le premier moyen se divise en quatre branches.

1.      Sur la première branche du premier moyen, tirée d’une violation de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006 et d’une erreur manifeste d’appréciation prétendument commise par l’ECHA en ce qu’elle n’aurait pas établi à suffisance de droit que le HFPO-DA pouvait avoir des effets graves sur la santé humaine et sur l’environnement qui suscitaient un niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par l’utilisation d’autres substances énumérées à l’article 57, sous a) à e), dudit règlement

25      La requérante fait valoir que l’ECHA n’a pas établi à suffisance de droit, conformément à l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006, que le HFPO-DA pourrait avoir des effets graves sur la santé humaine et sur l’environnement suscitant un niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par les substances énumérées à l’article 57, sous a) à e), dudit règlement, à savoir les substances répondant aux critères de classification comme substances cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (ci-après les « substances CMR »), les substances persistantes, bioaccumulables et toxiques (ci-après les « substances PBT ») et celles qui sont très persistantes et très bioaccumulables (ci-après les « substances vPvB »). À l’appui de cette branche, la requérante avance deux griefs. Ces griefs concernent l’établissement des effets graves respectivement sur la santé humaine et sur l’environnement suscitant un niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par les substances CMR, PBT et vPvB.

a)      Sur le premier grief de la première branche du premier moyen, relatif aux effets graves sur la santé humaine suscitant un niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par les substances CMR, PBT et vPvB

26      La requérante fait valoir que l’ECHA n’a pas établi qu’il était scientifiquement prouvé que le HFPO-DA puisse avoir des effets graves sur la santé humaine suscitant un niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par les substances CMR. Elle avance trois séries d’arguments à cet égard.

27      L’ECHA, soutenue par le Royaume des Pays-Bas et par ClientEarth et CHEM Trust Europe, conclut au rejet du premier grief de la première branche du premier moyen.

1)      Sur l’appréciation des éléments scientifiques

28      La requérante fait valoir que l’ECHA a commis une erreur manifeste en considérant que les éléments scientifiques sur lesquels elle s’est fondée pour identifier le HFPO-DA comme substance extrêmement préoccupante corroboraient ses conclusions. À cet égard, la requérante avance des arguments relatifs aux considérations figurant dans le document d’appui en ce qui concerne, premièrement, la toxicité pour le développement, deuxièmement, la toxicité à doses répétées, troisièmement, la toxicocinétique et la bioaccumulation, quatrièmement, la cancérogénicité et, cinquièmement, la toxicité pour la reproduction.

i)      Sur la toxicité pour le développement

29      La requérante soutient que l’ECHA a constaté que les informations relatives à la toxicité pour le développement étaient rares. Elle aurait dû considérer ces données comme non concluantes. Toutefois, l’ECHA aurait déclaré que la toxicité du HFPO-DA pour le développement pourrait être sous-estimée et que ces « données préliminaires tend[ai]ent déjà à indiquer que le HFPO-DA [pouvait] causer des effets sur le développement ».

30      Ainsi, la requérante fait valoir que les résultats des études Edwards (Edwards, T.L., 2010a, « An Oral (Gavage) Reproduction/Developmental Toxicity Screening Study of H-28548 in Mice », et Edwards, T.L., 2010b, « An oral gavage prenatal developmental toxicity study of H-28548 in rats ») n’étayent pas une préoccupation relative à la toxicité pour le développement, de sorte que l’ECHA contesterait à tort la pertinence de ses arguments.

31      Ainsi, premièrement, les effets observés seraient limités à des variations de la masse corporelle du fœtus. Ces variations auraient été observées chez les « animaux mères ». Par conséquent, ces effets seraient des effets secondaires non spécifiques de la toxicité maternelle observée. En outre, la substance litigieuse ne saurait faire l’objet d’une classification en tant que substance toxique pour la reproduction de catégorie 1A, 1B ou 2 suivant le point 3.7.2.1.1 de l’annexe I du règlement (CE) no 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement no 1907/2006 (JO 2008, L 353, p. 1). Il s’ensuivrait que la substance litigieuse n’entraînerait pas d’effets graves suscitant un niveau de préoccupation équivalent à celui d’une substance répondant aux critères énoncés à l’article 57, sous c), du règlement no 1907/2006.

32      Deuxièmement, l’ECHA aurait examiné l’étude Edwards, 2010a, uniquement en ce qui concernait les effets de la substance litigieuse sur la fertilité, et non sur la toxicité pour le développement. En tout état de cause, cette étude ne pourrait être retenue pour justifier que les effets de la substance en cause ont été sous-estimés. L’ECHA n’aurait pas respecté les exigences découlant de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006 en se fondant sur des « données préliminaires » et en constatant « des indications selon lesquelles le HFPO-DA peut avoir des effets ».

33      L’ECHA conteste ces arguments.

34      Il convient de rappeler que l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006 exige, pour l’identification de substances autres que celles répondant aux critères de classification visés à l’article 57, sous a) à e), du même règlement, qu’il soit établi, cas par cas, sur la base d’éléments scientifiques, d’une part, qu’il est probable que les substances concernées aient des effets graves sur la santé humaine ou l’environnement et, d’autre part, que ces effets « suscitent un niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par les substances [CMR, PBT ou vPvB] ». Ces conditions sont cumulatives, de telle sorte que l’identification d’une substance comme extrêmement préoccupante doit être écartée dès lors que l’une de ces conditions fait défaut (arrêt du 15 mars 2017, Hitachi Chemical Europe et Polynt/ECHA, C‑324/15 P, EU:C:2017:208, point 26).

35      L’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006 exige donc que les effets de la substance sur la santé humaine ou l’environnement puissent, en raison, par exemple, de leur importance ou de leur caractère irréversible, être considérés comme « graves ». L’examen de cette condition repose sur une évaluation des dangers pour la santé ou pour l’environnement, sur la base des éléments qui relèvent des parties pertinentes des sections 1 à 4 de l’annexe I du règlement no 1907/2006, ainsi qu’il est énoncé à la section 2 de l’annexe XV de ce règlement. Il est donc manifeste que l’article 57, sous f), dudit règlement requiert une analyse des dangers issus des propriétés intrinsèques de la substance considérée (arrêt du 15 mars 2017, Hitachi Chemical Europe et Polynt/ECHA, C‑324/15 P, EU:C:2017:208, point 27).

36      À cet égard, par exemple, la classification d’une substance à l’annexe I du règlement no 1272/2008 constitue un élément pertinent, mais non déterminant. Lorsqu’une substance relève d’une des classes de danger pour la santé humaine ou pour l’environnement prévues par ce règlement, cette circonstance peut suffire à démontrer la probabilité « d’effets graves sur la santé humaine ou l’environnement ». L’appartenance à une classe de danger n’est cependant ni une condition nécessaire ni une condition suffisante à cet égard (arrêt du 15 mars 2017, Hitachi Chemical Europe et Polynt/ECHA, C‑324/15 P, EU:C:2017:208, point 28).

37      Par conséquent, il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel le HFPO-DA n’entraînerait pas d’effets graves suscitant un niveau de préoccupation équivalent à celui d’une substance répondant aux critères énoncés à l’article 57, sous c), du règlement no 1907/2006 dans la mesure où il ne saurait faire l’objet d’une classification en tant que substance toxique pour la reproduction de catégorie 1A, 1B ou 2 conformément au point 3.7.2.1.1 de l’annexe I du règlement no 1272/2008.

38      Pour les mêmes raisons, il convient de rejeter les arguments présentés par la requérante lors de l’audience de plaidoiries en réponse aux arguments de l’ECHA sur la toxicité pour le développement, selon lesquels l’ECHA aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en n’évaluant pas les effets observés eu égard aux critères prévus par le règlement no 1272/2008. Selon la requérante, ce règlement contient les seuls outils du droit de l’Union établissant la pertinence des effets observés lors des essais sur des animaux pour la santé humaine. La pertinence du règlement no 1272/2008 pour l’identification d’une substance comme étant extrêmement préoccupante découlerait de la jurisprudence et notamment de l’arrêt du 7 mars 2013, Rütgers Germany e.a./ECHA (T‑96/10, EU:T:2013:109), et, en ce qui concerne spécifiquement la toxicité pour le développement, de l’article 57, sous a) à c), du règlement no 1907/2006.

39      Le Tribunal constate que ces arguments ne sont pas de nature à remettre en cause la jurisprudence de la Cour citée au point 36 ci-dessus, selon laquelle la classification d’une substance à l’annexe I du règlement no 1272/2008 constitue un élément pertinent, mais non déterminant, afin de démontrer la probabilité « d’effets graves sur la santé humaine ou l’environnement ». Par conséquent, l’ECHA n’était pas empêchée en l’espèce de prendre en compte, dans le contexte de l’établissement des effets graves sur la santé humaine, des effets pour le développement, observés lors des essais sur des souris et des rats, sans établir que le HFPO-DA répondait aux critères du règlement no 1272/2008 en ce qui concernait la toxicité pour le développement.

40      S’agissant des éléments scientifiques invoqués par l’ECHA, il convient de relever qu’il ressort du document d’appui que l’ECHA a explicitement fondé sa conclusion concernant la toxicité pour le développement sur des constatations faites sur le rat, et non sur la souris. Même si une absence de toxicité pour le développement sur la souris avait été constatée dans le document d’appui, ce constat n’aurait pas remis en cause les données disponibles sur le rat sur lesquelles l’ECHA a fondé sa conclusion relative à la toxicité pour le développement. Par conséquent, il convient d’écarter les arguments de la requérante relatifs aux données sur la toxicité pour le développement sur la souris et à l’interprétation de l’étude Edwards, 2010a, comme non pertinents.

41      En tout état de cause, le Tribunal observe que le constat figurant dans le document d’appui critiqué par la requérante selon lequel la possibilité de toxicité pour le développement pourrait être sous-estimée n’est pas seulement motivé, dans le document d’appui, par le fait que les données relatives à la toxicité pour le développement sur la souris sont limitées à une étude réalisée conformément à la ligne directrice 421 de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) avec un dosage insuffisant. En effet, dans le document d’appui, ce constat est présenté dans un contexte étroit avec les conclusions sur la toxicité pour le développement fondées sur les effets observés chez le rat. Par conséquent, le constat en cause est plausiblement motivé, d’une part, par l’absence de données suffisantes sur la souris et, d’autre part, par l’existence de données pertinentes sur le rat.

42      S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel l’ECHA, en se fondant sur des « données préliminaires » et en constatant l’existence d’« indications selon lesquelles le HFPO-DA peut avoir des effets sur le développement », n’aurait pas respecté le règlement no 1272/2008 ni l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006, exigeant que les effets graves soient scientifiquement prouvés, il convient de relever que la phrase visée par la requérante figurant dans le document d’appui se réfère aux données sur la souris, et non aux données sur le rat, comme l’ECHA l’a confirmé lors de l’audience en réponse à une question du Tribunal. Étant donné que l’ECHA a fondé sa conclusion relative à la toxicité pour le développement sur ces dernières données, et non sur les données sur la souris, il convient d’écarter les arguments de la requérante comme étant inopérants.

43      En ce qui concerne les arguments de la requérante relatifs aux variations de la masse corporelle du fœtus observées, soulevés au stade de la réplique, il y a lieu de relever que la décision attaquée a été adoptée sur le fondement de l’article 59 du règlement no 1907/2006. Ainsi qu’il ressort de l’article 1er, paragraphe 1, dudit règlement, ce règlement vise à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement, y compris la promotion de méthodes alternatives pour l’évaluation des dangers liés aux substances, ainsi que la libre circulation des substances dans le marché intérieur tout en améliorant la compétitivité et l’innovation.

44      Selon la jurisprudence, dans un cadre technique complexe à caractère évolutif tel que celui de la présente affaire, les autorités compétentes de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation, notamment quant à l’appréciation des éléments factuels d’ordre scientifique et technique hautement complexes, pour déterminer la nature et l’étendue des mesures qu’elles adoptent, tandis que le contrôle du juge de l’Union doit se limiter à examiner si l’exercice d’un tel pouvoir n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou encore si ces autorités n’ont pas manifestement dépassé les limites de leur pouvoir d’appréciation (voir arrêts du 21 juillet 2011, Etimine, C‑15/10, EU:C:2011:504, point 60 et jurisprudence citée, et du 30 avril 2015, Polynt et Sitre/ECHA, T‑134/13, non publié, EU:T:2015:254, point 52 et jurisprudence citée).

45      Dans ces conditions, selon une jurisprudence constante, afin d’établir qu’une telle autorité a commis une erreur manifeste dans l’appréciation de faits complexes de nature à justifier l’annulation de l’acte en cause, les éléments de preuve apportés par la partie requérante doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenus dans cet acte (voir arrêt du 9 septembre 2011, France/Commission, T‑257/07, EU:T:2011:444, point 86 et jurisprudence citée).

46      Dans un tel contexte, le juge de l’Union ne peut, en effet, substituer son appréciation des éléments factuels d’ordre scientifique et technique à celle des autorités de l’Union, à qui, seules, le traité FUE a conféré cette tâche (voir arrêts du 21 juillet 2011, Etimine, C‑15/10, EU:C:2011:504, point 60 et jurisprudence citée, et du 30 avril 2015, Polynt et Sitre/ECHA, T‑134/13, non publié, EU:T:2015:254, point 52 et jurisprudence citée).

47      Toujours selon la jurisprudence, le large pouvoir d’appréciation des autorités de l’Union, impliquant un contrôle juridictionnel limité de son exercice, ne s’applique pas exclusivement à la nature et à la portée des dispositions à prendre, mais s’applique aussi, dans une certaine mesure, à la constatation des données de base. Toutefois, un tel contrôle juridictionnel, même s’il a une portée limitée, requiert que les autorités de l’Union, auteurs de l’acte en cause, soient en mesure d’établir devant le juge de l’Union que l’acte a été adopté moyennant un exercice effectif de leur pouvoir d’appréciation, lequel suppose la prise en considération de tous les éléments et circonstances pertinents de la situation que cet acte a entendu régir (voir arrêts du 8 juillet 2010, Afton Chemical, C‑343/09, EU:C:2010:419, points 33 et 34 et jurisprudence citée, et du 30 avril 2015, Polynt et Sitre/ECHA, T‑134/13, non publié, EU:T:2015:254, point 53 et jurisprudence citée).

48      Il incombe donc au juge de l’Union, au regard des éléments invoqués par la partie requérante, le devoir de vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence ainsi que de contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (arrêts du 22 novembre 2007, Espagne/Lenzing, C‑525/04 P, EU:C:2007:698, point 57 ; du 6 novembre 2008, Pays-Bas/Commission, C‑405/07 P, EU:C:2008:613, point 55, et du 9 septembre 2011, France/Commission, T‑257/07, EU:T:2011:444, point 87).

49      Les données sur le rat, sur lesquelles l’ECHA a fondé sa conclusion sur la toxicité pour le développement en l’espèce, comprennent l’étude Edwards, 2010b, réalisée conformément à la ligne directrice 414 de l’OCDE. Le fait que l’ECHA a considéré les variations de la masse corporelle des fœtus observées par cette étude comme la manifestation d’une toxicité pour le développement est cohérent avec la section R.7.6 du guide des exigences d’information et évaluation de la sécurité chimique, publié par l’ECHA (ci-après le « guide de l’ECHA »), selon laquelle une croissance altérée est une manifestation principale de la toxicité pour le développement.

50      En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel ces variations sont une conséquence secondaire et non spécifique de toxicité maternelle, il y a lieu de constater que le seul fait qu’il y ait des effets de toxicité maternelle en même temps que des effets sur le développement ne permet pas d’établir que ces derniers effets sont une conséquence secondaire et non spécifique de toxicité maternelle. De plus, il ressort notamment du document d’appui que le poids corporel moyen corrigé des femelles et la prise de poids corporel moyenne corrigée n’étaient pas significativement diminués par rapport aux contrôles. Par conséquent, la constatation de l’ECHA selon laquelle une réduction du poids maternel n’était pas la cause de la diminution du poids corporel des fœtus observée est plausible.

51      Enfin, le Tribunal constate que la requérante n’avance aucun argument mettant en cause les conclusions de l’ECHA figurant dans le document d’appui relatives aux mises bas prématurées observées dans l’étude Edwards, 2010b, ou celles relatives à l’étude Conley et al., 2019, « Adverse Maternal, Fetal, and Postnatal Effects of Hexafluoropropylene Oxide Dimer Acid (GenX) from Oral Gestational Exposure in Sprague-Dawley Rats », menée également sur le rat, qui sont, selon ce document, cohérentes avec les réductions de poids observées chez la souris.

52      Partant, il convient de constater que la requérante ne démontre pas que l’ECHA a commis une erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne l’évaluation et la conclusion relatives à la toxicité pour le développement du HFPO-DA.

ii)    Sur la toxicité à doses répétées

53      La requérante soutient que la conclusion de l’ECHA relative à la toxicité à doses répétées selon laquelle les principaux organes cibles du FRD-902 chez les rongeurs étaient notamment le foie, les reins, le système hématologique et le système immunitaire n’est valable que pour les rongeurs, et non pour l’homme. En effet, le HFPO-DA pourrait induire le récepteur alpha activé par les proliférateurs de peroxysome (ci-après le « PPARα »), qui serait spécifique aux rongeurs. Lors de l’audience de plaidoiries, la requérante a précisé qu’elle ne contestait pas que le PPARα existait chez l’homme, mais qu’elle faisait plutôt valoir que l’ECHA n’avait pas évalué ni établi la pertinence des effets observés pour l’être humain.

54      L’ECHA conteste ces arguments.

55      À cet égard, le Tribunal rappelle qu’il a indiqué, dans son arrêt du 20 septembre 2019, PlasticsEurope/ECHA (T‑636/17, EU:T:2019:639, point 113), que l’argument soulevé par la partie requérante dans cette affaire, selon lequel la constatation d’un niveau de préoccupation équivalent requise à l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006 devrait être fondée sur des études chez l’homme ou sur des données provenant d’études chez l’animal établissant une forte présomption de l’existence d’effets, n’était pas en soi un argument dépourvu de pertinence dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt.

56      Toutefois, dans le cas d’espèce, il convient de constater qu’il ressort du document d’appui que l’ECHA a pris en compte le fait que le HFPO-DA pouvait induire le PPARα et a décrit la fonction de ce récepteur et d’autres récepteurs dans le corps. L’ECHA y a également indiqué qu’il existait un débat scientifique notamment en ce qui concernait l’induction du cancer du foie chez l’homme et le fait qu’il existait moins d’informations relatives aux différences entre espèces en ce qui concernait les effets liés au PPARα sur d’autres organes et au cours du développement. Selon ce document, l’ECHA a également pris en compte des informations indiquant que le HFPO-DA pouvait renforcer d’autres modes d’action pertinents pour l’homme. De plus, l’ECHA a constaté dans le document d’appui que certains effets sur le foie pourraient être des phénomènes spécifiques aux rongeurs, mais que ces effets devraient être considérés comme étant pertinents pour la santé humaine s’ils étaient accompagnés de certains autres effets. La nécrose du foie indiquerait qu’un autre mode d’action pourrait être présent. Par la suite, l’ECHA a notamment constaté que les effets observés étaient à maintes reprises accompagnés d’une nécrose.

57      Au vu de la jurisprudence citée au point 45 ci-dessus, il incombe donc à la requérante d’apporter des éléments de preuve suffisants pour priver de plausibilité l’appréciation retenue dans la décision attaquée. En l’espèce, la requérante s’est cependant bornée à affirmer que le mode d’action du PPARα était spécifique aux rongeurs et que l’ECHA n’avait pas établi la pertinence des effets observés pour l’homme. Néanmoins, elle n’a pas avancé d’arguments mettant en cause la plausibilité des considérations figurant dans le document d’appui à cet égard.

58      Par conséquent, force est de constater que la requérante ne démontre pas que l’ECHA a commis une erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne la conclusion relative à la toxicité à doses répétées du HFPO-DA.

iii) Sur la toxicocinétique et la bioaccumulation

59      La requérante fait valoir qu’il est nécessaire de déterminer scientifiquement si une substance est bioaccumulable pour apprécier la pertinence de ses propriétés.

60      La pertinence du potentiel de bioaccumulation pour l’évaluation de la gravité des effets serait confirmée par le chapitre R. 11 du guide de l’ECHA et par la proposition législative de la Commission relative à l’article 57 du règlement no 1907/2006.

61      Or, les données scientifiques disponibles relatives à la bioaccumulation et à la toxicocinétique confirmeraient que le HFPO-DA n’est pas bioaccumulable. Dès lors, l’ECHA aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en concluant que le HFPO-DA était une substance extrêmement préoccupante.

62      L’ECHA, soutenue par le Royaume des Pays-Bas et par ClientEarth et CHEM Trust Europe, conteste cet argument.

63      Tout d’abord, il convient de rappeler que, selon l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006, les substances telles que celles possédant des propriétés perturbant le système endocrinien ou celles possédant des propriétés persistantes, bioaccumulables et toxiques ou très persistantes et très bioaccumulables, qui ne répondent pas aux critères visés à l’article 57, sous d) ou e), dudit règlement, sont identifiées comme substances extrêmement préoccupantes si elles répondent aux critères établis à l’article 57, sous f), de ce règlement. Force est de constater que les substances bioaccumulables ou très bioaccumulables ne sont énumérées dans cette disposition qu’à titre d’exemple. Par conséquent, cette disposition n’exige pas qu’une substance soit bioaccumulable pour pouvoir être identifiée comme substance extrêmement préoccupante.

64      Les arguments de la requérante relatifs au chapitre R.11 du guide de l’ECHA et à la proposition de règlement COM(2003) 644 du Parlement européen et du Conseil concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques et modifiant la directive 1999/45/CE et le règlement (CE) sur les polluants organiques persistants (JO 2004, C 96, p. 24), ne remettent pas en cause ce constat. Les extraits de ces documents cités par la requérante concernent les substances PBT et vPvB, donc des substances bioaccumulables. Ce fait explique les raisons pour lesquelles sont mentionnées, dans ces documents, les préoccupations résultant de la bioaccumulation. Toutefois, cela n’exclut pas que d’autres substances puissent être identifiées comme étant extrêmement préoccupantes au titre de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006 indépendamment de la question de savoir si elles sont bioaccumulables.

65      Ensuite, il y a lieu de constater que, selon le document d’appui, le potentiel de bioaccumulation du HFPO-DA dans les êtres humains et l’environnement est incertain. Selon ce document, bien qu’il existe une préoccupation liée à une bioaccumulation possible dans les êtres humains, celle-ci n’est pas présentée comme un élément pris en compte dans l’évaluation du niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par les substances CMR, PBT et vPvB. Cela est confirmé par le fait que la bioaccumulation du HFPO-DA ne figure pas parmi les propriétés intrinsèques en raison desquelles cette substance a été identifiée comme substance extrêmement préoccupante dans le document d’appui, dans la décision attaquée et dans l’entrée en cause dans la liste des substances candidates.

66      Par conséquent, à supposer même que l’absence de potentiel de bioaccumulation du HFPO-DA soit scientifiquement établie, un tel constat ne remettrait pas en cause les conclusions de l’ECHA relatives aux effets graves sur la santé humaine et au niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par les substances CMR, PBT et vPvB sur lesquelles repose la décision attaquée.

67      Partant, il convient de rejeter les arguments de la requérante relatifs aux éléments scientifiques portant sur la toxicocinétique et la bioaccumulation comme étant non fondés.

iv)    Sur la cancérogénicité

68      La requérante fait valoir que l’ECHA a conclu à tort, sur la base d’une seule étude combinée sur les rats, que le HFPO-DA était potentiellement cancérogène. L’ECHA n’aurait pas pris en compte l’observation des auteurs de ladite étude selon laquelle l’« augmentation observée des tumeurs était induite par le biais du mode d’action PPARα non génotoxique, qui est spécifique aux rongeurs ».

69      De plus, le fait que l’ECHA ait adopté une décision pour évaluer la cancérogénicité de la substance litigieuse confirmerait que les données évaluées dans le cadre de la procédure ayant abouti à l’adoption de la décision attaquée n’étayaient pas la conclusion selon laquelle cette substance suscitait des préoccupations équivalentes à des substances cancérogènes pour l’homme.

70      L’ECHA, soutenue par le Royaume des Pays-Bas et par ClientEarth et CHEM Trust Europe, fait valoir que cet argument n’est pas pertinent et qu’il est contredit par les éléments factuels de l’espèce.

71      À cet égard, il convient de constater que la partie « Observations » de la liste des substances candidates contient l’observation suivante :

« De l’avis du [CEM], les propriétés intrinsèques combinées justifiant l’inclusion comme substance pour laquelle il est scientifiquement prouvé qu’elle peut avoir des effets graves sur la santé humaine et l’environnement qui suscitent un niveau de préoccupation équivalent sont les suivantes :

persistance, mobilité, potentiel de transport à grande distance, effets néfastes observés (au moins, les effets probables suivants sur la santé humaine : effets sur le foie, le rein et les systèmes hématologique et immunitaire, et effets sur le développement ; au moins, les effets probables suivants sur l’environnement : effets pertinents sur les populations d’oiseaux et de mammifères) ; ainsi qu’un faible potentiel d’adsorption et une solubilité élevée dans l’eau rendant la substance totalement biodisponible pour une absorption via l’eau (potable). Considérés ensemble, ces éléments conduisent à une très forte probabilité d’effets irréversibles. »

72      En outre, selon le document d’appui, le HFPO-DA pourrait être cancérogène pour l’homme, mais les données actuellement disponibles ne seraient pas suffisantes pour évaluer son potentiel cancérogène. Il y est également indiqué que cette préoccupation est examinée dans le cadre de l’évaluation de la substance. En conséquence, selon ce document, les informations sur les tumeurs observées dans l’étude de toxicité chronique et de cancérogénicité chez les rongeurs ont été prises en compte dans l’évaluation du niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par les substances CMR, PBT et vPvB seulement en tant qu’informations de soutien.

73      Il ressort de ces éléments que la décision attaquée ne repose pas sur un potentiel de cancérogénicité du HFPO-DA. Ce constat est confirmé par le fait que la cancérogénicité du HFPO-DA ne figure ni parmi les propriétés intrinsèques, ni parmi les effets néfastes observés sur la santé humaine énumérés dans la décision attaquée et dans l’entrée relative au HFPO-DA dans la liste des substances candidates sur la base desquels le HFPO-DA a été identifié comme substance extrêmement préoccupante.

74      Par conséquent, même l’absence de toute information relative à la cancérogénicité ou un constat selon lequel le HFPO-DA ne saurait être considéré comme étant cancérogène sur la base des données disponibles ne remettrait pas en cause les conclusions de l’ECHA relatives aux effets graves sur la santé humaine et au niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par les substances CMR, PBT et vPvB sur lesquelles repose la décision attaquée.

75      En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel de telles informations incertaines ne peuvent pas servir de fondement à une identification comme substance extrêmement préoccupante et ne peuvent pas non plus être utilisées comme informations de soutien, il suffit de constater que l’incertitude actuelle concernant le potentiel de cancérogénicité chez l’être humain ressort clairement du document d’appui. L’ECHA n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en mentionnant à titre d’informations de soutien, dans le document d’appui, des informations qui étaient alors insuffisantes pour étayer une conclusion sur la cancérogénicité chez l’être humain, mais qui étaient néanmoins disponibles.

76      Partant, il convient de rejeter les arguments de la requérante relatifs au potentiel de cancérogénicité comme étant, en partie, non pertinents et, en partie, non fondés.

v)      Sur la toxicité pour la reproduction

77      S’agissant de la toxicité pour la reproduction, la requérante fait valoir que, dans le document d’appui, l’ECHA a conclu, au sujet de la fertilité, que les « études de dépistage disponibles menées sur la souris pour la reproduction [et] le développement indiqu[ai]ent que le FRD-902 n’a[vait] pas d’effets sur la reproduction ». L’étude de dépistage de la toxicité pour la reproduction et le développement selon la ligne directrice 421 de l’OCDE aurait conclu qu’aucun effet sur la mortalité pour les « animaux parents » et sur les performances de reproduction n’avait été observé.

78      Par conséquent, l’ECHA aurait, selon la requérante, dû conclure que le HFPO-DA n’était pas toxique pour la reproduction au lieu de conclure que les « informations [n’étaient] pas concluantes en ce qui concern[ait] les effets potentiels sur la fertilité et le développement ».

79      L’ECHA, soutenue par ClientEarth et CHEM Trust Europe, fait valoir que ces arguments ne sont pas pertinents et, en tout état de cause, contredits par les éléments factuels de l’espèce.

80      À cet égard, il convient de constater qu’il ressort du document d’appui que les informations relatives à la toxicité pour la reproduction sont considérées comme peu concluantes. Conformément à ce constat, la toxicité pour la reproduction ne figure pas parmi les effets observés énumérés dans la décision attaquée et dans l’entrée relative au HFPO-DA dans la liste des substances candidates sur la base desquels il a été identifié comme substance extrêmement préoccupante. Il ressort de ces éléments que la décision attaquée ne repose pas sur une toxicité du HFPO-DA pour la reproduction.

81      Par conséquent, à supposer même que l’absence de toxicité du HFPO-DA pour la reproduction soit établie et reconnue dans le document d’appui, un tel constat ne mettrait pas en cause les conclusions de l’ECHA relatives aux effets graves sur la santé humaine et au niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par les substances CMR, PBT et vPvB sur lesquelles repose la décision attaquée.

82      Partant, il convient de rejeter les arguments de la requérante relatifs à la toxicité pour la reproduction comme étant non pertinents.

83      Il résulte de ce qui précède que la requérante ne démontre pas que l’ECHA a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des éléments scientifiques.

2)      Sur l’établissement des effets graves sur la santé humaine

84      La requérante fait valoir que l’ECHA n’a pas démontré l’existence d’effets graves conformément à l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006.

85      En premier lieu, l’ECHA n’aurait pas considéré les effets observés, pris isolément, comme étant « graves » sur la base, par exemple, de la classification du règlement no 1272/2008. Au lieu de cela, l’ECHA aurait combiné différents effets qui, chacun pris individuellement, ne seraient pas « graves », afin de conclure à leur « gravité » lorsque ces effets sont pris ensemble.

86      La requérante ajoute que l’ECHA n’a ni évalué ni démontré à suffisance de droit que les effets allégués étaient significatifs. Rien ne permettrait d’affirmer que la gravité des effets varie selon l’organe du corps touché et que la qualité de vie est uniquement fonction de l’organe du corps touché.

87      La requérante soutient que l’article 57, sous a) à c), du règlement no 1907/2006 ne permet pas d’identifier toute substance cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction comme substance extrêmement préoccupante, mais uniquement celles répondant aux critères de classification en tant que substances de catégorie 1A et 1B. Or, selon la requérante, si toute substance ne répondant pas aux critères des substances CMR de catégories 1A ou 1B selon ce règlement pouvait néanmoins être identifiée comme substance extrêmement préoccupante dans la mesure où ses effets irréversibles allégués suffiraient pour prouver sa toxicité, le système de classification du règlement no 1272/2008 serait erroné.

88      Enfin, la requérante affirme que le HFPO-DA n’est pas bioaccumulable et ne peut donc pas être identifié au titre de l’article 57, sous d), du règlement no 1907/2006. En ce qui concerne les substances autres que celles couvertes par l’article 57, sous a) à c), de ce règlement, le législateur exigerait qu’une substance soit à la fois persistante et bioaccumulable, lorsque sa toxicité est démontrée, ou très persistante et très bioaccumulable pour qu’elle puisse faire l’objet d’une identification en tant que substance extrêmement préoccupante. Le législateur ne permettrait pas l’identification d’une substance aux motifs qu’elle est persistante et mobile mais non bioaccumulable. La mobilité ne susciterait pas les mêmes préoccupations que la bioaccumulation. Le guide de l’ECHA indiquerait que le risque de contamination des zones éloignées ne peut survenir que si une substance est, outre le risque d’être toxique, à la fois persistante et bioaccumulable. La persistance – conjointement avec d’autres effets insuffisants en soi – ne serait pas suffisante en tant que telle pour une identification en tant que substance extrêmement préoccupante.

89      En second lieu, l’ECHA se serait fondée sur des « effets qui restent inconnus », à savoir des « effets qui pourraient ne se manifester qu’après une exposition tout au long de la vie ». Selon la requérante, des effets hypothétiques ne sauraient être considérés comme graves.

90      L’ECHA, soutenue par ClientEarth et CHEM Trust Europe, conteste ces arguments.

91      En premier lieu, et au vu de la jurisprudence qui a été rappelée au point 36 ci-dessus, il convient de rejeter les arguments de la requérante tirés du règlement no 1272/2008. Ces arguments reposent sur une interprétation erronée de la relation entre l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006 et les critères de classification prévus à l’annexe I du règlement no 1272/2008.

92      Il convient également de rejeter les arguments de la requérante selon lesquels le législateur ne permettrait d’identifier une substance comme étant une substance extrêmement préoccupante que si elle est très persistante et très bioaccumulable ou persistante et bioaccumulable, lorsque sa toxicité est démontrée. Ces arguments sont également fondés sur une interprétation erronée de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006. Le fait que cette disposition renvoie, aux fins de la détermination du niveau de préoccupation équivalent, aux substances visées à l’article 57, sous a) à e), du règlement no 1907/2006, y compris aux substances PBT et vPvB, ne signifie pas qu’une substance doive répondre aux critères d’identification de ces substances afin de pouvoir être identifiée en tant que substance extrêmement préoccupante au titre de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006. De même, ce renvoi n’interdit pas la prise en compte de propriétés telles que celle de la persistance dans le cadre d’une telle identification, et ce indépendamment de la question de savoir si la substance en cause est également bioaccumulable.

93      Premièrement, rien dans le libellé de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006 n’étaye l’interprétation préconisée par la requérante. Au contraire, le choix de la notion de niveau de préoccupation « équivalent » indique clairement que le niveau de préoccupation ne doit pas être « identique ».

94      Deuxièmement, l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006 serait privé de tout effet utile si l’interprétation retenue par la requérante, selon laquelle une substance ne peut être identifiée comme substance extrêmement préoccupante que si elle réunit les propriétés visées à l’article 57, sous d) et e), du règlement no 1907/2006, était suivie. En effet, l’objectif de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006 est de permettre d’identifier comme étant extrêmement préoccupantes des substances qui ne répondent pas aux critères visés à l’article 57, sous d) et e), du règlement no 1907/2006, mais qui suscitent un niveau de préoccupation équivalent. À cet égard, l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006 fait explicitement référence à des substances « telles que […] celles possédant des propriétés persistantes, bioaccumulables et toxiques ou très persistantes et très bioaccumulables qui ne remplissent pas les critères visés aux [sous] d) ou e) ».

95      Troisièmement, il ne ressort pas de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006 que lesdites propriétés ne puissent être prises en compte que lorsqu’elles apparaissent dans ces combinaisons précises. À cet égard, il suffit de constater que ces substances ne sont mentionnées qu’à titre illustratif, ce qui ressort sans équivoque de l’utilisation des termes « telles que […] celles ».

96      Quatrièmement, l’interprétation retenue par la requérante n’est pas conforme à l’objectif du règlement no 1907/2006, tel qu’établi à l’article 1er, premier alinéa, de ce règlement, qui est d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement. Partant, elle n’est pas non plus compatible avec l’objectif de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006. Cette disposition autorise la prise en compte de la propriété intrinsèque de la persistance, dans le cadre d’une identification comme substance extrêmement préoccupante, indépendamment de la question de savoir si cette propriété est combinée à des propriétés très spécifiques et limitées, à savoir avec la bioaccumulation et la toxicité. La persistance combinée à d’autres propriétés intrinsèques de la substance en cause peut susciter des préoccupations d’un niveau équivalent à celui suscité par les substances CMR, PBT et vPvB. Par conséquent, l’interprétation préconisée par la requérante exclurait l’identification comme extrêmement préoccupantes de substances qui sont aussi dangereuses pour la santé humaine et pour l’environnement que celles visées à l’article 57, sous a) à e), du règlement no 1907/2006.

97      Cinquièmement, en ce qui concerne l’établissement des effets graves sur la santé humaine, force est de constater que, selon le document d’appui, les informations disponibles relatives aux effets néfastes observés sur le foie, les reins, le système hématologique, le système immunitaire et le développement « ensemble » sont considérées comme probables et graves sur la santé humaine.

98      Contrairement à ce que la requérante soutient, l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006 n’interdit pas une telle combinaison de plusieurs effets afin d’établir leur gravité. L’utilisation du pluriel dans l’expression « des effets graves » indique clairement que plusieurs effets différents peuvent être pris en compte et l’interprétation préconisée par la requérante n’est pas compatible avec les objectifs du règlement no 1907/2006, qui ne sauraient permettre l’identification d’une substance uniquement en fonction d’effets graves observés isolément, et non en fonction de plusieurs effets pris dans leur ensemble. L’impact sur la santé humaine n’est pas forcément moins grave s’il ne résulte que de plusieurs effets pris dans leur ensemble.

99      En conséquence, il n’est pas nécessaire d’examiner les arguments des parties relatifs au caractère grave ou non des effets pris isolément. Les arguments de la requérante à cet égard ne sont pas pertinents et, partant, doivent être rejetés.

100    Sixièmement, en ce qui concerne l’affirmation de la requérante, lors de l’audience de plaidoiries, selon laquelle l’ECHA n’a pas établi que les effets en cause étaient graves lorsqu’ils étaient pris ensemble, force est de constater que l’ECHA a, dans le document d’appui, sous le titre « Approche de la force probante afin d’évaluer la préoccupation d’effets graves sur la santé humaine et la préoccupation d’effets encore inconnus », procédé à une évaluation détaillée de la gravité des effets sur la santé humaine et sur l’environnement. Dans ce contexte, et avant de conclure à l’existence d’effets graves sur la santé humaine et l’environnement, l’ECHA a évalué de manière détaillée plusieurs éléments, notamment le type d’effets observés, le dosage auquel ces effets avaient été observés, l’irréversibilité potentielle des effets observés en raison de la persistance très élevée, de la mobilité et de la biodisponibilité du HFPO-DA, menant, selon l’ECHA, à une exposition continue, et la puissance toxique interne du HFPO-DA, qui est, selon ce document, plus élevée que celle de l’acide perfluorooctanoïque (PFOA), une substance identifiée comme substance extrêmement préoccupante.

101    S’agissant plus spécifiquement de l’irréversibilité potentielle des effets observés, selon la jurisprudence de la Cour rappelée au point 35 ci-dessus, les effets d’une substance sur la santé humaine peuvent être considérés comme « graves » précisément, notamment, en raison de leur caractère irréversible.

102    Par conséquent, la prise en compte par l’ECHA du caractère irréversible des effets observés lors de la détermination de leur caractère grave ne constitue pas en soi une erreur manifeste d’appréciation de sa part.

103    En second lieu, en ce qui concerne les effets « encore inconnus », tout d’abord, il y a lieu de constater que, dans le document d’appui, ces effets n’ont pas été qualifiés d’effets graves sur la santé humaine. Ce document constate seulement, sous le titre « Approche de la force probante afin d’évaluer la préoccupation d’effets graves sur la santé humaine et la préoccupation d’effets encore inconnus », que, « [o]utre les effets graves observés, il existe un potentiel d’effets encore inconnus » et que ce potentiel « contribue à la force probante pour effets graves probables sur la santé humaine ».

104    Ensuite, il convient d’examiner l’argument de la requérante selon lequel ces effets, s’ils n’ont pas été identifiés comme des effets graves probables, comme l’ECHA l’indiquerait, ne doivent pas être retenus comme base pour établir les effets graves ainsi que dans l’évaluation d’un niveau de préoccupation équivalent suscité par les effets graves.

105    Premièrement, contrairement à ce que la requérante laisse entendre, l’ECHA n’a pas fait référence à des effets inconnus qui existaient pour toute substance. Le document d’appui fait référence à des effets encore inconnus résultant des propriétés intrinsèques du HFPO-DA et qui ne peuvent pas être déterminés sur la base d’essais standards.

106    Deuxièmement, les propriétés intrinsèques du HFPO-DA servant de base à cette conclusion, notamment la persistance très élevée, la mobilité et les propriétés menant à sa biodisponibilité (telles que sa solubilité élevée dans l’eau, sa faible volatilité et son faible potentiel d’adsorption), sont quant à elles scientifiquement prouvées ou, à tout le moins, non contestées par la requérante dans le cadre de ce litige.

107    Au point 9 de ses observations sur le mémoire en intervention présenté par ClientEarth et CHEM Trust Europe, la requérante fait, certes, valoir que l’affirmation de ces dernières selon laquelle le HFPO-DA a un très faible potentiel d’adsorption est erronée et elle renvoie à cet égard à ses observations relatives au dossier établi conformément à l’annexe XV. Cependant, elle n’a pas étayé cette critique ni soulevé un grief indépendant à cet égard dans le cadre du présent litige.

108    Troisièmement, la requérante n’avance, dans le cadre du présent grief, aucun argument susceptible de mettre en cause la plausibilité de la conclusion de l’ECHA en tant que telle, sur la base des propriétés mentionnées au point 106 ci-dessus.

109    D’une part, contrairement à ce que la requérante laisse entendre, l’ECHA n’a pas conclu que l’exposition continue au HFPO-DA et l’irréversibilité des effets étaient la conséquence de la seule persistance de cette substance. Il ressort du document d’appui que l’ECHA a fondé cette conclusion non seulement sur la persistance très élevée du HFPO-DA, mais également sur sa mobilité et sur les propriétés menant à sa biodisponibilité, telles que sa solubilité élevée dans l’eau, sa faible volatilité et son faible potentiel d’adsorption.

110    D’autre part, il convient de rejeter les arguments de la requérante relatifs à la bioaccumulation. L’argument de la requérante selon lequel la mobilité ne suscite pas les mêmes préoccupations que la bioaccumulation est inopérant, étant donné que rien n’indique que l’ECHA a fait un tel constat. L’argument de la requérante selon lequel la mobilité est un élément de l’évaluation des substances PBT et vPvB selon l’annexe XIII du règlement no 1907/2006 est incorrect. Cette annexe ne fait aucune référence à la mobilité. Contrairement à ce que la requérante fait valoir, le guide de l’ECHA n’indique pas non plus que le potentiel de contamination de zones éloignées n’apparaît que si une substance est à la fois persistante et bioaccumulable.

111    Il résulte de ce qui précède que la requérante ne démontre pas que l’ECHA a commis une erreur manifeste d’appréciation en mentionnant des effets encore inconnus comme contribuant à la force probante des effets graves.

112    Il y a lieu de conclure qu’il convient de rejeter l’ensemble des arguments de la requérante relatifs à l’établissement des effets graves pour la santé humaine.

3)      Sur le niveau de préoccupation équivalent suscité par les effets graves

113    La requérante fait valoir que l’ECHA n’a pas établi que les effets allégués suscitaient un niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par les substances CMR, comme l’exigerait l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006, et a, par conséquent, violé cet article et commis une erreur manifeste d’appréciation.

114    La requérante soutient que l’ECHA, dans le document d’appui, se contente d’énumérer un certain nombre d’effets allégués dont il serait indiqué qu’ils contribuent au niveau de préoccupation générale, sans préciser le niveau de préoccupation pour la santé humaine résultant de l’addition de ces effets divers et sans comparer ce niveau à celui que suscitent les substances CMR énumérées à l’article 57, sous a) à c), du règlement no 1907/2006.

115    La requérante, dans ses observations sur le mémoire en intervention présenté par ClientEarth et CHEM Trust Europe, soutient qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que le niveau de préoccupation pour la santé humaine que suscite une substance doit être, lorsqu’il est évalué au titre de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006, équivalent au niveau de préoccupation pour la santé humaine suscité par les substances CMR au titre de l’article 57, sous a) à c), de ce règlement.

116    Tout en reconnaissant que l’ECHA a procédé à une comparaison par rapport au niveau de préoccupation suscité par les substances PBT ou vPvB mentionnées à l’article 57, sous d) et e), du règlement no 1907/2006, la requérante estime néanmoins que, pour une substance qui ne répond pas au niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par des substances CMR, mais qui répond aux critères relatifs à la toxicité énoncés à l’annexe XIII du règlement no 1907/2006, la réglementation exige à tout le moins que cette substance soit également persistante et bioaccumulable pour pouvoir être identifiée comme substance extrêmement préoccupante.

117    L’ECHA, soutenue par ClientEarth et CHEM Trust Europe, conteste ces arguments.

118    En premier lieu, il convient de constater que le document d’appui procède, sous le titre « Comparaison des préoccupations ci-dessus avec les préoccupations des substances PBT/vPvB », à une comparaison détaillée entre les préoccupations suscitées par le HFPO-DA et celles suscitées par l’utilisation des substances PBT et vPvB visées à l’article 57, sous d) et e), du règlement no 1907/2006.

119    Il est certes vrai, comme l’indique la requérante, que le document d’appui ne procède pas à une comparaison aussi détaillée entre la préoccupation suscitée par le HFPO-DA et celle suscitée par l’utilisation des substances CMR visées à l’article 57, sous a) à c), du règlement no 1907/2006.

120    Toutefois, contrairement à ce que fait valoir la requérante, l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006 n’exige pas, dans le cas d’effets graves sur la santé humaine liés à la substance en cause, que le niveau de préoccupation suscité par ces effets soit toujours équivalent à celui suscité par l’utilisation des seules substances CMR, et ce indépendamment de la question de savoir si ce niveau est équivalent à celui suscité par les substances PBT et vPvB.

121    Premièrement, ainsi que la Cour l’a confirmé, l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006 exige qu’il soit prouvé scientifiquement que ces effets suscitent un niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par les substances CMR, PBT ou vPvB (arrêt du 15 mars 2017, Hitachi Chemical Europe et Polynt/ECHA, C‑324/15 P, EU:C:2017:208, point 31).

122    Deuxièmement, rien dans le libellé de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006 n’indique une obligation de distinguer entre le niveau de préoccupation équivalent suscité par les effets graves, d’une part, sur la santé humaine et, d’autre part, sur l’environnement.

123    Troisièmement, ainsi qu’il ressort du document d’appui, les préoccupations résultant des substances PBT et vPvB avec lesquelles l’ECHA a comparé les préoccupations liées au HFPO-DA concernent les êtres humains ainsi que les autres organismes de l’environnement. À cet égard, il est constaté dans ce document que les émissions de HFPO-DA, qui est une substance très persistante et mobile, conduisent à une exposition permanente et croissante au HFPO-DA qui sera pleinement disponible pour la faune et pour l’être humain par l’environnement. Cela peut, selon ce document, conduire à une exposition interne de ces organismes analogue à celle résultant des propriétés possédant les caractères bioaccumulable et très bioaccumulable.

124    Quatrièmement, en ce que la requérante fait référence aux points 37 et 38 de l’arrêt du 15 mars 2017, Polynt/ECHA (C‑323/15 P, EU:C:2017:207), force est de constater que ces points n’indiquent pas que l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006 exclut que le niveau de préoccupation suscité par des effets graves issus d’une substance pour la santé humaine puisse être comparé à celui suscité par les substances PBT et vPvB. Le point 37 indique que, s’agissant des dangers pour la santé humaine, les substances CMR sont les seules à être identifiées comme extrêmement préoccupantes, et donc soumises au régime d’autorisation, sur la seule base de leur classification au titre de l’annexe I du règlement no 1272/2008. Le point 38 indique que le législateur de l’Union a donc estimé que, par nature, les effets de ces substances sur la santé humaine suscitaient des préoccupations d’un niveau tel qu’il était justifié de les différencier par rapport à toutes les autres substances, y compris celles relevant d’autres classes de danger susceptibles d’entraîner la mort ou d’autres effets irréversibles.

125    Il ressort des points 37 et 38 de l’arrêt du 15 mars 2017, Polynt/ECHA (C‑323/15 P, EU:C:2017:207), d’une part, que les substances CMR entraînent des dangers pour la santé humaine et, d’autre part, qu’elles sont les seules substances à être identifiées sur la seule base de leur classification au titre de l’annexe I du règlement no 1272/2008, en raison des préoccupations suscitées par leurs effets sur la santé humaine. Contrairement à ce que laisse entendre la requérante, il n’en résulte cependant pas que des substances pour lesquelles il est scientifiquement prouvé qu’elles peuvent avoir des effets graves sur la santé humaine et qui suscitent un niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par l’utilisation des substances PBT et vPvB ne puissent pas être identifiées comme substances extrêmement préoccupantes.

126    Par conséquent, il y a lieu de rejeter l’argument de la requérante fondé sur une interprétation erronée de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006.

127    En deuxième lieu, il convient de rejeter également l’argument de la requérante selon lequel, s’il était possible d’identifier une substance au titre de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006 à cause de ses effets de toxicité pour la reproduction sur la base de toute preuve scientifique, cela reviendrait à ignorer le choix du législateur d’identifier, parmi toutes les substances pour lesquelles il existe des preuves d’effets du caractère cancérogène, mutagène ou toxique, seulement celles répondant aux critères des catégories 1A ou 1B en vertu du règlement no 1272/2008 comme susceptibles d’être identifiées en tant que substances extrêmement préoccupantes. Tout comme il a été constaté au point 91 ci-dessus en ce qui concerne l’établissement des effets graves, cet argument repose sur une interprétation erronée de la relation entre l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006 et les critères de classification prévus à l’annexe I du règlement no 1272/2008. Bien que la requérante mentionne à cet égard l’insuffisance des preuves scientifiques, elle ne critique pas, en réalité, le niveau de preuve, mais répète, en substance, son argument tiré du fait que le HFPO-DA ne répondrait pas aux critères visés à l’article 57, sous a) à c), du règlement no 1907/2006, à savoir ceux des critères de classification prévus à l’annexe I du règlement no 1272/2008 mentionnés audit article.

128    En troisième lieu, il convient de constater que le document d’appui indique, sous le titre « Préoccupation globale et évaluation du niveau de préoccupation », que le « HFPO-DA est considéré être d’un niveau de préoccupation équivalent à celui des substances répondant aux critères établis dans l’article 57, sous a) à e), conformément à l’article 57, sous f) [du règlement no] 1907/2006 en raison de la préoccupation globale suscitée des éléments de préoccupation décrits dans la section 6.3.2 ». Il s’ensuit une description des éléments qualitatifs pertinents pour l’évaluation du niveau de préoccupation. Par ailleurs, ainsi qu’il est indiqué au point 116 ci-dessus, la requérante reconnaît explicitement que l’ECHA a procédé à une comparaison entre les préoccupations suscitées par le HFPO-DA et celles suscitées par l’utilisation des substances PBT et vPvB.

129    Par conséquent, il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel l’ECHA n’a pas précisé le niveau de préoccupation suscité par le HFPO-DA au motif que celui-ci est erroné en fait.

130    En quatrième lieu, il convient d’examiner les arguments de la requérante selon lesquels l’ECHA n’aurait pas dû prendre en considération les effets « encore inconnus » dans le cadre de l’évaluation du niveau de préoccupation équivalent.

131    À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006 ne fixe aucun critère et n’apporte aucune précision en ce qui concerne la nature des préoccupations qui sont susceptibles d’être prises en considération aux fins de l’identification d’une substance autre que les substances CMR, PBT ou vPvB (arrêt du 15 mars 2017, Hitachi Chemical Europe et Polynt/ECHA, C‑324/15 P, EU:C:2017:208, point 32).

132    Le règlement no 1907/2006 vise à réserver la procédure d’autorisation à certaines substances, identifiées comme extrêmement préoccupantes non seulement en raison de la gravité de leurs effets dangereux sur la santé humaine ou sur l’environnement, mais également compte tenu d’autres facteurs. Ces derniers peuvent comprendre, outre la probabilité que les effets graves d’une substance se produisent dans les conditions normales de son utilisation, la difficulté à évaluer de manière adéquate les risques posés par ces substances lorsqu’il est impossible de déterminer avec la certitude requise un niveau dérivé sans effet ou une concentration prévisible sans effet ou encore le niveau d’inquiétude que ces substances génèrent pour le public, le nombre de personnes affectées ainsi que l’impact de ces effets sur la vie, notamment professionnelle, des personnes affectées (arrêt du 15 mars 2017, Hitachi Chemical Europe et Polynt/ECHA, C‑324/15 P, EU:C:2017:208, point 39).

133    En l’espèce, il est indiqué, dans le tableau figurant dans la section 6.3.3. du document d’appui intitulé « Aperçu des éléments qualitatifs pertinents pour évaluer le niveau de préoccupation », à la ligne intitulée « Potentiel de causer des effets graves bien que ces effets ne seraient pas observés dans des essais standards », que le HFPO-DA reste dans la phase aqueuse et sera en permanence biodisponible pour des organismes exposés à l’eau. Cette situation, conjointement avec le potentiel élevé du HFPO-DA de causer un stock de pollution augmentant sans cesse, en raison notamment de son faible potentiel d’adsorption, de sa dégradation négligeable, de sa solubilité dans l’eau et de sa mobilité, a, selon ce document, un potentiel élevé de causer une augmentation des expositions internes ainsi qu’une forte probabilité d’atteindre des niveaux d’exposition qui causeraient des effets et – avec le temps – des effets graves non observés lors des essais standards. De plus, à la ligne intitulée « Incertitudes en établissant des limites de concentrations sûres », il est indiqué ce qui suit :

« L’irréversibilité et le potentiel élevé d’expositions croissantes renforcent le potentiel du HFPO-DA de causer des effets encore inconnus sur la santé. Cette incertitude est une préoccupation pour la santé humaine ainsi que pour l’environnement. Avec le temps, des effets pourraient être découverts, ce qui pourrait entraîner des niveaux de sécurité plus stricts pour le HFPO-DA. L’établissement de niveaux d’exposition sûrs pourrait donc en principe être possible, mais il est considéré comme n’étant pas suffisamment fiable. »

134    Il est certes vrai que le libellé de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006, selon lequel il doit être scientifiquement prouvé que les substances en cause peuvent avoir des effets graves sur la santé humaine ou l’environnement qui suscitent un niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par l’utilisation d’autres substances énumérées à l’article 57, sous a) à e), de ce règlement, indique la nécessité qu’il existe un lien entre les effets graves issus d’une substance et le niveau de préoccupation suscité. Or, ainsi que le démontre la liste non exhaustive des facteurs énoncés par la jurisprudence rappelée au point 132 ci-dessus, y compris l’impossibilité de déterminer, à ce stade, avec la certitude requise, un niveau dérivé sans effet ou une concentration prévisible sans effet, ce lien n’exige pas une correspondance stricte entre les effets graves observés et les facteurs à prendre en considération dans le cadre de l’évaluation du niveau de préoccupation.

135    De plus, pour les substances PBT et vPvB visées à l’article 57, sous d) et e), du règlement no 1907/2006, la préoccupation résulte notamment du fait, évoqué à la section 4.0.1 de l’annexe I du règlement no 1907/2006, que l’évaluation des dangers portant sur les effets à long terme et l’estimation de l’exposition à long terme des humains et de l’environnement ne sont pas assez fiables en ce qui concerne ces substances. Étant donné que l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006 exige que le niveau de préoccupation en cause soit équivalent à celui suscité par l’utilisation des substances énumérées à l’article 57, sous a) à e), de ce règlement, y compris donc par celle des substances PBT et vPvB visées à l’article 57, sous d) et e), il est également nécessaire de permettre la prise en considération des facteurs de préoccupation comparables à ceux liés aux substances PBT et vPvB, tels que, dans le cas d’espèce, l’incertitude qui ressort des preuves scientifiques quant aux effets à long terme liée aux propriétés intrinsèques du HFPO-DA.

136    En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel toute substance suscite des préoccupations tenant à des effets possibles, encore inconnus, il convient de constater que l’ECHA n’a pas pris en considération des effets encore inconnus qui existaient pour toutes les substances et qui seraient donc purement hypothétiques dans le cas d’espèce. D’une part, ainsi qu’il est constaté au point 105 ci-dessus, il ressort du document d’appui que l’ECHA a fondé son constat de l’existence d’une préoccupation relative aux effets encore inconnus sur des propriétés intrinsèques du HFPO-DA, telles que sa persistance, sa mobilité, son faible potentiel d’adsorption et sa solubilité élevée dans l’eau résultant en une exposition croissante et continue. D’autre part, le fait que cette préoccupation relative aux effets encore inconnus du HFPO-DA s’ajoute à des préoccupations liées à des effets graves observés sur la santé humaine, à savoir des effets sur le foie, les reins et les systèmes hématologique et immunitaire ainsi que des effets sur le développement, corrobore la préoccupation et ne la relativise pas.

137    Partant, il convient de rejeter le premier grief de la première branche du premier moyen dans son intégralité.

b)      Sur le second grief de la première branche du premier moyen, relatif aux effets graves pour l’environnement suscitant un niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par les substances PBT et vPvB

138    La requérante fait valoir que l’ECHA a violé l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006 et commis une erreur manifeste d’appréciation en n’établissant pas que le HFPO-DA pouvait causer des effets graves pour l’environnement suscitant un niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par les substances PBT et vPvB. Elle avance trois séries d’arguments à cet égard.

139    L’ECHA, soutenue par le Royaume des Pays-Bas et par ClientEarth et CHEM Trust Europe, conclut au rejet du second grief de la première branche du premier moyen.

1)      Sur l’établissement des effets graves sur l’environnement

140    La requérante fait valoir que l’ECHA a violé l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006 et commis une erreur manifeste d’appréciation en n’établissant pas que le HFPO-DA pouvait causer des effets graves sur l’environnement.

141    En premier lieu, les seuls types d’effets du HFPO-DA sur l’environnement identifiés auraient été des effets à l’échelle d’une population sur les oiseaux et les mammifères ayant une incidence sur le développement résultant d’un empoisonnement secondaire. Une faible réduction du poids chez quelques espèces, telle que celle observée, ne constituerait pas nécessairement un effet grave sur l’environnement.

142    La requérante soutient que plusieurs extraits du document d’appui démontrent que les preuves présentées par l’ECHA ne sont nullement convaincantes. L’ECHA aurait elle-même conclu que la « toxicité directe du HFPO-DA sur des organismes aquatiques et des espèces terrestres [n’était] pas considérée comme contribuant significativement à l’évaluation générale du niveau équivalent de préoccupation du HFPO-DA ».

143    La requérante souligne, de plus, que le guide de l’ECHA énonce que, « s’agissant de l’empoisonnement secondaire, les substances chimiques préoccupantes incluent les substances chimiques organiques lipophiles et certains composés métalliques ». Le HFPO-DA, qui ne serait ni une substance chimique organique lipophile ni un composé métallique, ne serait pas, par conséquent, une substance préoccupante en termes d’empoisonnement secondaire.

144    En second lieu, la requérante fait valoir qu’il est impossible de déterminer si des effets hypothétiques, à savoir des effets qui restent inconnus et qui pourraient ne se manifester qu’après une exposition tout au long de la vie, sur lesquels l’ECHA se serait fondée dans le document d’appui, sont graves ou non. De plus, des effets qui ne seraient pas démontrés ne pourraient pas susciter une préoccupation équivalente au sens de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006.

145    L’ECHA, soutenue par ClientEarth et CHEM Trust Europe, conteste ces arguments.

146    En premier lieu, s’agissant des arguments de la requérante selon lesquels plusieurs extraits du document d’appui démontrent que les preuves présentées par l’ECHA ne sont nullement convaincantes, force est de constater que tous ces extraits concernent des considérations relatives à la toxicité directe du HFPO-DA pour certaines espèces, telles que des algues, des daphnies, des poissons, des vers et des plantes. Or, il ressort du document d’appui que l’ECHA a considéré que les oiseaux et les mammifères étaient plus sensibles et que la toxicité du HFPO-DA pour ces dernières espèces était pertinente pour l’empoisonnement secondaire. L’ECHA a conclu à l’existence d’effets graves probables sur l’environnement sur la base des effets observés sur la croissance de la génération F1 des souris. Le fait que l’ECHA a explicitement mentionné l’absence de données en ce qui concernait la toxicité directe du HFPO-DA pour les vers et les plantes et l’existence de données indiquant une faible toxicité directe pour les algues, les daphnies et les poissons ainsi que le constat selon lequel, pour ces raisons, les dangers pour l’environnement liés au HFPO-DA n’avaient pas été considérés comme une priorité dans le document d’appui ne mettent pas en cause sa conclusion relative à l’empoisonnement secondaire en ce qui concerne les oiseaux et les mammifères. Par conséquent, il convient de rejeter les arguments de la requérante.

147    En deuxième lieu, il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel le HFPO-DA ne peut pas être considéré comme une substance extrêmement préoccupante du fait qu’il ne s’agirait ni d’une substance chimique organique lipophile ni d’un composé métallique. En effet, l’extrait du guide de l’ECHA cité par la requérante mentionne les substances chimiques lipophiles et certains composés métalliques comme exemples de substances extrêmement préoccupantes en ce qui concerne l’empoisonnement secondaire sans, toutefois, exclure d’autres substances ou composés.

148    En troisième lieu, il y a lieu d’examiner l’argument de la requérante, soulevé au stade de la réplique, tiré de la prétendue incohérence de l’ECHA, qui se serait fondée sur l’étude conforme à la ligne directrice 421 de l’OCDE pour ses conclusions concernant les effets d’empoisonnement secondaire sur la population, alors que, dans le cadre de l’évaluation de la toxicité pour la reproduction et pour le développement chez l’homme, les conclusions de cette étude auraient été jugées non concluantes.

149    À cet égard, d’abord, force est de rappeler qu’il est constaté dans le document d’appui que l’étude en cause, à savoir l’étude Edwards, 2010a, révèle des poids nettement inférieurs chez les souriceaux, ce qui n’est pas contesté par la requérante. Ces effets observés ne sont pas remis en cause par le constat relatif à la toxicité pour le développement chez l’homme figurant dans le document d’appui selon lequel il n’est pas possible de tirer de cette étude des conclusions sur la fertilité et sur le développement en l’absence de données obtenues avec des doses supérieures.

150    La requérante semble suggérer que cela est en contradiction avec un argument de l’ECHA soulevé dans le mémoire en défense relatif aux effets à l’échelle d’une population et indique que la « mortalité, la reproduction et le développement » sont des facteurs clés à cet égard. Or, l’ECHA a indiqué dans le mémoire en défense que les « effets sur la mortalité, la reproduction ou la croissance [étaient] des effets pertinents pour une population ». Par cet argument, l’ECHA fait donc explicitement valoir que les effets sur la croissance sont pertinents pour une population. Par conséquent, le fait que l’ECHA a pris en compte des effets observés sur la croissance est tout à fait cohérent avec cet argument. La requérante n’a pas non plus démontré que cette prise en compte était incohérente avec le constat relatif à la toxicité pour le développement chez l’homme, figurant dans le document d’appui, selon lequel il n’était pas possible de tirer des conclusions sur la fertilité et sur le développement de l’étude en cause en l’absence de données obtenues avec des doses supérieures.

151    Ensuite, en ce que la requérante fait valoir qu’une faible réduction de poids chez quelques espèces ne constitue pas nécessairement un effet grave sur l’environnement, le Tribunal n’estime pas nécessaire de se prononcer sur la question de savoir si une faible réduction de poids en soi pourrait être considérée comme constituant des effets graves sur l’environnement. En effet, dans le cas d’espèce, il convient de constater qu’il ressort du document d’appui que des réductions de poids atteignant plus de 20 % ont été observées. Une telle ampleur apparaît significative et non faible. De plus, l’ECHA a expliqué dans le mémoire en défense que de tels effets étaient pertinents pour la population et pouvaient entraîner une réduction de la taille de celle-ci, par exemple en raison d’un développement général retardé entraînant un retard du développement sexuel et une altération de la capacité de se reproduire à temps. En revanche, la requérante n’a soulevé aucun argument susceptible de priver de plausibilité l’appréciation de l’ECHA selon laquelle ces effets étaient graves, mais s’est bornée à indiquer que l’ECHA n’avait pas indiqué les raisons pour lesquelles ces effets seraient graves au sens de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006.

152    Enfin, la requérante fait valoir qu’il n’est pas admissible de considérer que les effets d’une substance sont graves chez tous les mammifères sauvages sur la base d’une seule étude sur la souris. Selon la requérante, les données ne peuvent pas être considérées comme suffisamment adéquates, comme l’exigerait la section 10.8.2 du guide de l’ECHA.

153    À cet égard, le Tribunal constate que, aux fins de l’évaluation de l’empoisonnement secondaire par le HFPO-DA, la concentration sans effet observé a été fondée sur les effets observés chez la souris. Néanmoins, il convient de relever qu’il ressort du document d’appui que l’ECHA a, outre les informations sur la souris, également pris en considération l’étude Rutgers et al., 2019. Selon ce document, cette étude contient une description détaillée d’une évaluation des préoccupations concernant un empoisonnement secondaire et inclut notamment des données sur les oiseaux, en l’occurrence les cailles, ainsi que sur les souris et les rats. Selon ces données, la souris était, parmi ces espèces, la plus sensible aux effets possibles du HFPO-DA, suivie des rats et des cailles. Lors de l’audience de plaidoiries, la requérante a certes fait valoir que l’étude Rutgers et al., 2019, « Risicogrenzen GenX (HFPO-DA) voor grond en grondwater », n’avait montré aucun effet toxique sur les cailles. Cependant, la requérante n’a pas contesté que des effets toxiques avaient été observés non seulement chez la souris, mais également chez le rat.

154    Par conséquent, les arguments de la requérante doivent être rejetés comme étant erronés en fait.

155    En tout état de cause, l’argument de la requérante est inopérant. Ni l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006, ni aucune autre règle de droit applicable n’interdisent à l’ECHA de conclure à l’existence d’effets graves sur l’environnement sur la base de données relatives à une seule espèce, en l’occurrence la souris. En effet, cette espèce fait partie de l’environnement. Même l’absence de preuve de toxicité d’une substance pour une autre espèce ne remet pas en cause la conclusion sur la toxicité de cette substance pour la souris.

156    En quatrième lieu, il convient également de rejeter, pour les mêmes raisons que celles exposées dans le cadre du premier grief, les arguments de la requérante relatifs aux effets encore inconnus (voir points 103 et suivants), à la combinaison des effets graves allégués et des propriétés du devenir environnemental (voir points 100 et suivants) et à la prétendue nécessité qu’une substance soit bioaccumulable pour déployer ses effets à long terme (voir points 63 et suivants).

157    En cinquième lieu, en ce que la requérante souligne que l’ECHA n’identifie pas les niveaux d’exposition qui seraient suffisants pour déclencher les effets graves allégués ou bien les effets inconnus, il suffit de constater qu’il ressort du document d’appui que l’ECHA a pris en compte, dans le cadre de l’évaluation du niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par les substances CMR, PBT et vPvB, les incertitudes liées à la définition des limites sûres de concentration. Il ressort de la jurisprudence de la Cour citée au point 132 ci-dessus que l’impossibilité de déterminer avec la certitude requise un niveau dérivé sans effet ou une concentration prévisible sans effet peut être prise en compte dans le cadre de l’identification d’une substance comme substance extrêmement préoccupante au vu du critère visé à l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006.

158    Par conséquent, il convient de rejeter les arguments de la requérante selon lesquels un tel scénario n’aurait pas dû être retenu en tant que base pour l’identification d’une substance comme substance extrêmement préoccupante suivant les critères de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006.

159    Partant, la requérante ne démontre pas que l’ECHA a violé l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006 ou qu’elle a commis une erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne l’établissement des effets graves sur l’environnement.

2)      Sur la considération selon laquelle les propriétés persistantes, bioaccumulables et toxiques ou très persistantes et très bioaccumulables étaient pertinentes en application de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006

160    La requérante fait valoir que les propriétés liées à la persistance, à la bioaccumulation et à la toxicité, pour autant qu’elles soient couvertes par les critères de l’annexe XIII du règlement no 1907/2006, ne sauraient être prises en compte pour identifier une substance comme extrêmement préoccupante sur le fondement de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006.

161    Par conséquent, dans la mesure où l’ECHA se serait prévalue de ces propriétés pour identifier le HFPO-DA en vertu de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006, elle aurait violé cette disposition et outrepassé sa compétence et elle n’aurait pas établi qu’il était scientifiquement prouvé que le HFPO-DA pouvait avoir des effets graves pour l’environnement suscitant un niveau de préoccupation équivalent à celui des substances PBT ou vPvB.

162    L’ECHA, soutenue par ClientEarth et CHEM Trust Europe, conteste ces arguments.

163    Il convient de rappeler que, dans le cadre de l’identification d’une substance comme extrêmement préoccupante au titre de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006, l’ECHA peut prendre en compte certaines des propriétés pour lesquelles l’annexe XIII de ce règlement établit des critères auxquels l’article 57, sous d) et e), de ce règlement renvoie même si les autres critères qui y sont visés ne sont pas respectés.

164    Par conséquent, contrairement à ce que la requérante soutient, le fait que l’ECHA a pris en compte de telles propriétés, et notamment la persistance du HFPO-DA, ne remet pas en cause la conclusion de l’ECHA selon laquelle le HFPO-DA peut avoir des effets graves sur l’environnement qui suscitent un niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par l’utilisation des substances visées à l’article 57, sous a) à e), du règlement no 1907/2006. Ce fait ne constitue pas non plus une violation de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006 ou un excès de pouvoir de l’ECHA.

3)      Sur l’appréciation de certains éléments scientifiques

165    À titre subsidiaire, la requérante fait valoir que l’ECHA a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des données relatives au potentiel de bioaccumulation du HFPO-DA, à la présence de cette substance dans l’environnement, au contrôle des émissions dans l’environnement et à la possibilité de retirer cette substance de l’eau potable ou en ne tenant pas compte de certaines données qui y sont relatives.

i)      Sur le potentiel de bioaccumulation

166    La requérante fait valoir que l’ECHA a commis une erreur manifeste d’appréciation, dans la mesure où elle se serait appuyée, pour les besoins de l’évaluation du potentiel de bioaccumulation du HFPO-DA, sur des informations concernant des substances différentes et où elle n’aurait pas pris en considération les données concernant le HFPO-DA lui-même.

167    La requérante soutient qu’une étude récente sur la bioconcentration du HFPO-DA a confirmé le très faible potentiel de bioaccumulation de cette substance. L’ECHA n’aurait pas démontré un risque élevé lié au fait que le facteur de bioconcentration aurait augmenté avec la réduction des concentrations d’exposition.

168    La requérante indique également que, quant à l’évaluation de l’enrichissement des espèces végétales, l’ECHA a précisé qu’« il conv[enait] de noter que le HFPO-DA n’[était] pas fortement adsorbé dans le sol et que le facteur de bioconcentration dans l’eau porale serait donc plus indicatif de la bioaccumulation » et que « [c]es données [n’étaient] toutefois pas disponibles ». Toutefois, l’ECHA aurait conclu que, « [c]ompte tenu de l’absorption observée par les fruits et légumes, leur consommation par la faune herbivore et par l’homme [pouvait] significativement contribuer à l’exposition totale au HFPO-DA ». La requérante fait valoir que, sur les sept facteurs de bioaccumulation du sol au végétal présentés, un seul est supérieur à un.

169    L’ECHA, soutenue par ClientEarth et CHEM Trust Europe, fait valoir que les arguments de la requérante ne sont pas pertinents, dans la mesure où le potentiel de bioaccumulation n’aurait pas été un élément pertinent de l’évaluation des effets graves potentiels et de celle du niveau de préoccupation suscité par le HFPO-DA.

170    D’abord, il convient d’écarter comme non pertinents les arguments de la requérante relatifs au potentiel de bioaccumulation du HFPO-DA, étant donné que la décision attaquée ne repose pas sur ce potentiel, comme il a déjà été constaté aux points 65 et 66 ci-dessus.

171    Ensuite, il convient de rejeter les arguments de la requérante soulevés au stade de la réplique selon lesquels l’ECHA a commis une erreur dans l’évaluation des propriétés intrinsèques et des effets graves suscitant un niveau de préoccupation équivalent en n’évaluant pas la bioaccumulation dans le cadre du processus d’identification, au motif qu’ils sont erronés en fait. En effet, il ressort du document d’appui, et notamment de sa section 3.4, intitulée « Bioaccumulation », que l’ECHA a procédé à une telle évaluation.

172    Si les arguments de la requérante devaient être compris en ce sens qu’elle fait valoir que l’ECHA aurait dû prendre en compte la bioaccumulation dans le cadre de l’établissement des effets graves sur l’environnement suscitant un niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par les substances visées à l’article 57, sous a) à e), du règlement no 1907/2006, il convient de constater que la requérante n’explique toutefois pas de quelle manière un faible potentiel de bioaccumulation, à le supposer établi, remettrait en cause la conclusion de l’ECHA à cet égard.

173    Enfin, les arguments de la requérante figurant au point 168 ci-dessus reposent sur une citation sélective du document d’appui. La requérante n’a pas expliqué en quoi la considération figurant dans le document d’appui, selon laquelle le HFPO-DA n’est pas fortement adsorbé dans le sol et selon laquelle le facteur de bioconcentration dans l’eau porale est donc plus indicatif de la bioaccumulation, serait susceptible de mettre en cause la considération que, compte tenu de l’absorption observée par les fruits et les légumes, leur consommation par la faune herbivore et par l’homme pouvait significativement contribuer à l’exposition totale au HFPO-DA, dès lors que cette dernière considération repose sur des données de surveillance dont la requérante ne conteste pas la fiabilité.

174    Par conséquent, la requérante ne démontre pas que l’ECHA a commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’appréciation des données relatives au potentiel de bioaccumulation du HFPO-DA.

ii)    Sur la présence de HFPO-DA dans l’environnement

175    La requérante fait valoir que l’ECHA n’a pas mentionné certaines informations, à savoir les résultats des prélèvements des effluents liquides figurant dans l’étude Kärrman et al., 2019, « PFASs in the Nordic environment: Screening of Poly- and Perfluoroalkyl Substances (PFASs) and Extractable Organic Fluorine (EOF) in the Nordic Environment », les résultats des prélèvements de l’air contenus dans le rapport de l’Institut norvégien de recherche sur l’air et les données sur les sédiments, boues et sols, par exemple concernant des prélèvements effectués dans un fleuve, l’Elbe. L’ECHA n’aurait pas non plus évalué les données des prélèvements d’air de l’étude Kärrman et al., 2019. Le HFPO-DA ne serait détecté dans aucun de ces prélèvements.

176    La requérante soutient que, dans d’autres cas, l’ECHA n’a pas fait correctement état des informations, par exemple en ce qui concerne deux prélèvements réalisés en mer de Norvège.

177    La requérante affirme que, compte tenu du fait que le HFPO-DA n’est le plus souvent pas détecté et du fait que, lorsqu’il est détecté, les niveaux sont faibles, il ne saurait être conclu que le HFPO-DA est « répandu » ou « omniprésent ».

178    L’ECHA, soutenue par ClientEarth et CHEM Trust Europe, fait valoir que les arguments de la requérante sont inopérants. L’ECHA soutient que, en tout état de cause, elle a répondu aux informations auxquelles la requérante fait référence.

179    En premier lieu, il convient de constater que, sur onze pages figurant à la section 3.2.5 du document d’appui, sous le titre « Données de terrain », sont mentionnées de nombreuses données de terrain sur la présence du HFPO-DA dans l’environnement, notamment dans plusieurs cours d’eau européens, dans l’environnement marin, en Asie et en Amérique du Nord, dans l’air et l’eau de pluie et dans l’eau potable et le biote. Cette section contient de nombreuses données démontrant une présence du HFPO-DA dans l’environnement, par exemple dans le delta de la Meuse et du Rhin (Pays-Bas), le delta de l’Ems (Allemagne), dans la Tamise (Royaume-Uni), la Svartån (Suède), le lac Hjälmaren (Suède), sur la côte néerlandaise et allemande de la mer du Nord, dans la mer des Wadden, la baie allemande, la mer Baltique allemande, la mer de Norvège, plusieurs cours d’eau en Chine, en Corée du Sud et en Amérique du Nord, ou encore dans l’eau de pluie aux Pays-Bas et l’eau potable aux Pays-Bas et en Amérique du Nord.

180    C’est sur la base de ces données que l’ECHA a conclu, dans le document d’appui, que les données de surveillance confirmaient la préoccupation que le HFPO-DA, en raison de ses propriétés intrinsèques, ait le potentiel d’être répandu largement par les courants d’eau loin de ses points d’émission, et ce sans conclure à une omniprésence du HFPO-DA dans l’environnement. Le mot « omniprésent » n’est utilisé qu’une seule fois dans le document d’appui, lorsqu’il y est cité l’étude Pan et al., 2018, « Worldwide Distribution of Novel Perfluoroether Carboxylic and Sulfonic Acids in Surface Water », dont les auteurs indiquent une « occurrence omniprésente à travers l’environnement global ». Le fait que l’ECHA a mentionné que certaines émissions jouaient un rôle dans la distribution « répandue » du HFPO-DA ou qu’elle a conclu au potentiel du HFPO-DA de causer des expositions « répandues » ne démontre pas non plus l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation au vu des propriétés intrinsèques de cette substance et des données de surveillance disponibles.

181    Le fait que le HFPO-DA n’a pas été détecté dans plusieurs prélèvements à certains endroits ne remet pas en cause la conclusion de l’ECHA fondée sur de multiples données démontrant une présence du HFPO-DA à d’autres endroits, dont la requérante n’a d’ailleurs pas contesté la fiabilité.

182    En tout état de cause, contrairement à ce que la requérante laisse entendre, le document d’appui mentionne plusieurs prélèvements dans lesquels le HFPO-DA n’a pas été détecté, et notamment des prélèvements effectués dans l’Elbe, les lacs suédois Vättern et Vänern, certains prélèvements effectués par exemple au Groenland (Danemark), en Islande, dans les Iles Féroé (Danemark), en Norvège, en Finlande et dans l’eau de pluie en Caroline du Nord (États-Unis). Plus particulièrement, le document d’appui mentionne explicitement les deux prélèvements en mer de Norvège dans lesquels le HFPO-DA n’a pas été détecté et les explications fournies par les auteurs de l’étude Heydebreck, F., 2017, « Per- and Polyfluoroalkyl Substances in the Environment – Shifting toward Fluorinated Alternatives? », à cet égard. De plus, ce document cite l’étude Kärrman et al., 2019, à plusieurs reprises, notamment sous les titres « Autres cours d’eau européens » et « Biote ». Ce document mentionne également, certes sous le titre « Biote », et non sous le titre « Air et eau de pluie », l’échantillonnage d’air de l’étude Heimstad et al., 2018, « Environmental pollutants in the terrestrial and urban environment 2017 », et indique que le HFPO-DA n’a été détecté dans aucun des prélèvements. Le document d’appui analyse les résultats de prélèvements dans plusieurs cours d’eau européens, y compris dans l’Elbe, dans lesquels le HFPO-DA n’a pas été détecté.

183    Il est vrai, comme le reconnaît explicitement l’ECHA, que l’étude Kärmann et al., 2019, n’est pas mentionnée sous le titre « Air et eau de pluie ». Toutefois, le document d’appui indique que le HFPO-DA n’a pas été détecté dans tous les prélèvements. Par conséquent, même si l’étude Kärmann et al., 2019, fournissait davantage de données concernant des prélèvements d’air dans lesquels le HFPO-DA n’avait pas été détecté, cela ne mettrait pas en cause la conclusion de l’ECHA à cet égard.

184    En deuxième lieu, il convient de rejeter l’affirmation de la requérante figurant dans la réplique selon laquelle le fait de considérer que les données disponibles suffisaient pour établir l’existence d’une préoccupation est dépourvu de base juridique et selon laquelle ce fait est général et non étayé. Cette affirmation de la requérante n’est pas étayée et est contredite par les éléments factuels de l’espèce. En effet, ainsi qu’il a déjà été constaté, le document d’appui contient une présentation détaillée des multiples données relatives à la présence de HFPO-DA dans l’environnement.

185    En troisième lieu, il convient de rejeter l’argument de la requérante soulevé dans la réplique selon lequel la simple présence d’une substance ne suffit pas à établir une préoccupation. Cet argument est dépourvu de pertinence étant donné que les préoccupations liées au HFPO-DA ne sont pas établies dans le document d’appui sur la seule base des données relatives à sa présence dans l’environnement. Comme l’ECHA le fait valoir à juste titre, les informations sur la présence de HFPO-DA sont présentées, dans ce document, comme un élément confirmant la préoccupation résultant de ses propriétés intrinsèques.

186    Dans ses observations sur le mémoire en intervention soumis par le Royaume des Pays-Bas, la requérante soutient que l’examen des informations contenues dans l’étude Heydebreck, 2017, relatives à des prélèvements réalisés en aval d’un parc chimique à Leverkusen (Allemagne), aurait seulement permis à l’ECHA de conclure que la détection de HFPO-DA dans l’eau était due à un déversement faible et irrégulier.

187    À cet égard, premièrement, il y a lieu de constater que, comme l’ECHA et le Royaume des Pays-Bas l’ont indiqué lors de l’audience de plaidoiries en réponse à une question du Tribunal posée par le biais d’une mesure d’organisation de la procédure, les informations relatives à des prélèvements effectués à un seul endroit très spécifique ne sont pas susceptibles de remettre en cause la conclusion de l’ECHA fondée sur de multiples données démontrant la présence de HFPO-DA à d’autres endroits, dont la requérante n’a pas contesté la fiabilité. Cela vaut d’autant plus que le fait même que le HFPO-DA n’a pas été détecté dans plusieurs prélèvements à certains endroits n’a pas remis en cause cette conclusion. Deuxièmement, comme l’ECHA et le Royaume des Pays-Bas l’ont indiqué lors de l’audience de plaidoiries en réponse à une question du Tribunal posée par le biais d’une mesure d’organisation de la procédure, le document d’appui fait état de ces prélèvements. En effet, le document d’appui mentionne le fait que, en 2013, une concentration de 108 ng/l a été détectée et que, dans l’étude suivante, de 2015, le HFPO-DA n’a pas été détecté dans les prélèvements effectués dans les effluents de trois usines de traitement des eaux usées. La requérante n’a pas indiqué en quoi ces données avaient été présentées de manière erronée. Le seul fait que l’ECHA n’a pas repris explicitement et littéralement une potentielle explication figurant dans l’étude relative aux différents résultats des prélèvements à un endroit ne constitue ni une erreur manifeste d’appréciation ni une violation du principe de proportionnalité.

188    Par conséquent, la requérante ne démontre pas que l’ECHA a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des données relatives à la présence de HFPO-DA dans l’environnement.

iii) Sur le contrôle des émissions de HFPO-DA dans l’environnement

189    La requérante soutient que l’ECHA a commis une erreur manifeste d’appréciation en concluant qu’il était à craindre que la présence dans l’environnement du HFPO-DA continue à augmenter tant que son rejet se poursuivrait et qu’une lente augmentation des concentrations dans l’environnement apparaissait donc inévitable, sans prendre en compte le fait que les rejets de la substance pouvaient être contrôlés.

190    L’ECHA, soutenue par le Royaume des Pays-Bas et par ClientEarth et CHEM Trust Europe, fait valoir que l’argument de la requérante est inopérant. De plus, l’ECHA, soutenue par le Royaume des Pays-Bas, conteste que le HFPO-DA ne soit utilisé qu’à un seul endroit.

191    Tout d’abord, il y a lieu de constater que la conclusion de l’ECHA figurant dans le document d’appui sur le potentiel du HFPO-DA de causer un stock de pollution croissant est fondée exclusivement sur les propriétés intrinsèques du HFPO-DA, telles que sa persistance très élevée, sa mobilité, sa faible adsorption et sa solubilité élevée dans l’eau. L’ECHA n’a pas fondé cette conclusion sur les émissions concrètes, futures et actuelles de la substance. Par conséquent, l’argument de la requérante selon lequel les émissions pourraient être contrôlées n’est pas susceptible de remettre en cause cette conclusion.

192    À cet égard, le Tribunal rappelle également que la Cour a constaté que l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006 n’interdisait pas la prise en considération de données autres que celles relatives aux dangers issus des propriétés intrinsèques des substances concernées dans le cadre de l’examen de la seconde condition édictée audit article, à savoir l’établissement d’un niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par les substances CMR, PBT et vPvB (voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2017, Hitachi Chemical Europe et Polynt/ECHA, C‑324/15 P, EU:C:2017:208, points 40 à 44). Aussi, il existe une possibilité pour l’ECHA, non une obligation, de prendre en compte les informations autres que celles concernant les propriétés intrinsèques (arrêt du 11 juillet 2019, PlasticsEurope/ECHA, T‑185/17, non publié, EU:T:2019:492, point 79).

193    Par conséquent, le fait que l’ECHA n’a pas pris en considération des données relatives aux possibilités de contrôle des émissions du HFPO-DA ne constitue pas une erreur manifeste d’appréciation.

194    Ensuite, il convient de rejeter comme inopérant et contredit par les pièces du dossier l’argument de la requérante selon lequel, d’une part, la substance litigieuse est enregistrée dans l’Union pour une seule application industrielle et, d’autre part, les émissions pourraient être contrôlées, ainsi qu’il ressortirait des données relatives aux émissions de sa propre usine. Comme l’ECHA, soutenue par le Royaume des Pays-Bas, le fait valoir, il est constaté dans le document d’appui que les données sur la présence du HFPO-DA dans l’environnement suggèrent la présence de sources d’émissions diffuses, ce qui indiquerait que les émissions ne seraient pas valablement maîtrisées. Par ailleurs, il ressort du document d’appui que le FRD-902 a été notifié par plus de 30 entreprises et que l’acide propanoïque 2,3,3,3-tetrafluoro-2-(heptafluoropropoxy) (FRD-903) a été notifié par 99 entreprises.

195    Enfin, l’argument de la requérante soulevé au stade de la réplique selon lequel l’ECHA a établi sa conclusion relative à une présence continue et croissante dans l’environnement du HFPO-DA exclusivement sur la persistance de cette substance, ce qui ne suffirait pas pour identifier une substance comme extrêmement préoccupante au sens de l’article 57 du règlement no 1907/2006, a déjà été rejeté dans le cadre du premier grief au point 109 ci-dessus au motif qu’il était erroné en fait.

196    En ce que la requérante fait valoir, dans ce contexte, que la mobilité et le transport à grande distance n’ont aucune incidence sur la présence continue et croissante dans l’environnement d’une substance, mais plutôt sur la manière dont elle se répand, il convient de relever qu’il est expliqué dans le document d’appui de quelle manière la mobilité du HFPO-DA contribue, selon l’ECHA, au potentiel de cette substance de causer un stock de pollution croissant. À cet égard, il y est indiqué, par exemple, que, en tant que substance mobile, il n’existe pas de lieux de stockage de pollution locaux ou intermittents et que, par conséquent, la substance présente un potentiel élevé d’augmentation continue de l’exposition de la faune à cette substance. De plus, le document d’appui contient des préoccupations relatives à la distribution rapide et incontrôlable du HFPO-DA dans l’environnement du fait de sa mobilité élevée. L’argument de la requérante n’est pas susceptible de priver de plausibilité ces considérations.

iv)    Sur la possibilité de retirer le HFPO-DA de l’eau potable

197    La requérante fait valoir que l’ECHA a commis une erreur d’appréciation des informations disponibles relatives au fait que la filtration par charbon activé en granulé s’était révélée efficace pour retirer le HFPO-DA de l’eau. En concluant que l’« élimination de la substance en l’état des techniques de purification p[ouvait] être considérée comme négligeable », l’ECHA n’aurait pas tenu compte des informations communiquées ou aurait commis une erreur manifeste d’appréciation. La requérante soutient que l’ECHA n’a également pas tenu compte du fait que les technologies mentionnées pour éliminer le HFPO-DA de l’eau étaient disponibles et efficacement mises en œuvre.

198    L’ECHA, soutenue par ClientEarth et CHEM Trust Europe, conteste cet argument.

199    À cet égard, il convient de constater que l’extrait du document d’appui mentionné par la requérante selon lequel l’« élimination de la substance en l’état des techniques de purification p[ouvait] être considérée comme négligeable » n’est pas une conclusion de l’ECHA, mais l’extrait d’une publication de Roelandse, A., et Timmer, H. de 2017, « Het effect van de industriële lozing van Chemours op de aanwezigheid van FRD-903 in oevergrondwater », cité dans le document d’appui.

200    De plus, il ressort du document d’appui que, contrairement à ce que la requérante fait valoir, l’ECHA a pris en compte des données relatives à la filtration par charbon activé en granulé à la section 3.2.2 sous le titre « Techniques de traitement de l’eau » et à la section 6.3.1.7 sous le titre « Décontamination et réduction des rejets pour retirer le HFPO-DA de l’environnement et de l’eau potable ». La requérante n’a pas indiqué en quoi l’appréciation de ces données figurant dans le document d’appui serait entachée d’une erreur manifeste d’appréciation. Elle s’est bornée à affirmer que l’ECHA n’avait pas tenu compte des informations disponibles ou avait commis une erreur manifeste d’appréciation.

201    Enfin, la requérante n’a pas indiqué non plus en quoi les considérations de l’ECHA selon lesquelles il existait une préoccupation sociétale, notamment au vu de la détection du HFPO-DA dans certaines sources d’eau potable et des coûts élevés pour la société requis pour une décontamination, tels que signalés par EurEau, la Fédération européenne des associations nationales des services de l’eau et plusieurs compagnies de distribution d’eau potable, seraient entachées d’une erreur manifeste d’appréciation.

202    Il résulte de ce qui précède qu’il convient de rejeter l’ensemble des arguments de la requérante relatifs à la possibilité alléguée de retirer le HFPO-DA de l’eau potable.

203    Partant, il y a lieu de rejeter la première branche du premier moyen dans son ensemble.

2.      Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée d’une violation de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006, d’un excès de pouvoir et d’une erreur manifeste d’appréciation prétendument commis par l’ECHA en ce qu’elle aurait considéré que l’exposition au HFPO-DA était un facteur pertinent pour établir des effets potentiellement graves et en ce qu’elle n’aurait pas tenu compte des possibilités de contrôle de l’exposition à la substance, ce qui l’aurait amenée à conclure que le HFPO-DA suscitait un niveau de préoccupation équivalent

204    La requérante soutient que l’ECHA a violé l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006, outrepassé ses compétences au titre de cette disposition et commis une erreur manifeste d’appréciation, premièrement, en considérant que l’exposition au HFPO-DA était un facteur pertinent pour établir des effets potentiellement graves et, deuxièmement, en ne tenant pas compte des possibilités de contrôle de l’exposition à la substance, ce qui l’aurait amenée à conclure à tort que le HFPO-DA suscitait un niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par les substances CMR, PBT et vPvB.

205    En premier lieu, la requérante, en fournissant deux extraits du document d’appui, fait valoir que les considérations relatives à l’exposition ont été essentielles pour justifier la gravité des effets sur la santé humaine et sur l’environnement. L’exposition ne serait pas en soi une propriété de la substance en vertu de laquelle un effet deviendrait grave.

206    En second lieu, la requérante observe que l’ECHA a accordé une importance déterminante au facteur de l’exposition dans ses conclusions en ce qui concernait tant la gravité des effets que le niveau de préoccupation équivalent. Elle soutient que l’ECHA, lors de la détermination du niveau de préoccupation équivalent, aurait dû examiner et prendre en compte le fait que l’exposition à la substance litigieuse pouvait être contrôlée, ce qu’elle aurait indiqué dans ses observations sur le dossier établi conformément à l’annexe XV en faisant référence aux données de surveillance publiées par le centre américain de contrôle des maladies dans l’enquête sanitaire et alimentaire nationale. Selon la requérante, si l’ECHA avait pris en compte ce fait, elle n’aurait pas pu conclure que des effets réversibles de la substance étaient rendus irréversibles, ni que l’exposition renforçait les effets combinés suscitant un niveau de préoccupation équivalent.

207    L’ECHA, soutenue par ClientEarth et CHEM Trust Europe, conteste ces arguments.

208    En premier lieu, il convient de rappeler, à titre liminaire, qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 35 ci-dessus que la première condition de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006, à savoir l’établissement d’effets graves sur la santé ou sur l’environnement, requiert un examen des dangers issus des propriétés intrinsèques de la substance considérée.

209    À cet égard, force est de constater que, selon le premier extrait du document d’appui fourni par la requérante, l’ECHA a pris en compte l’exposition continue résultant de certaines propriétés intrinsèques du HFPO-DA. Celles-ci aboutissent, selon ce document, à une présence continue et croissante de la substance dans l’environnement et renforcent ainsi la préoccupation s’agissant des effets sur la santé humaine observés. Toujours selon le document d’appui, si l’exposition continue atteint certains niveaux, les effets pourraient être considérés comme irréversibles. Ces constats ont pu être faits par l’ECHA sans tenir compte d’une exposition réelle, c’est-à-dire en examinant uniquement les propriétés intrinsèques du HFPO-DA, ce qui lui permettait déjà de conclure au potentiel élevé d’un stock de pollution croissant dans l’environnement. Les considérations relatives à l’exposition continue, figurant dans le document d’appui dans le cadre de l’appréciation des effets graves, font donc partie d’un examen des dangers issus des propriétés intrinsèques du HFPO-DA.

210    Concernant la deuxième citation du document d’appui mentionnée par la requérante, relative au potentiel d’effets encore inconnus, force est de constater que l’ECHA indique dans cet extrait que de tels effets ne pourraient se manifester qu’après une exposition humaine pendant des décennies ou tout au long de la vie. Ces considérations de l’ECHA se réfèrent également à l’exposition telle qu’elle pourrait résulter des propriétés intrinsèques du HFPO-DA et font donc partie d’un examen des dangers issus des propriétés intrinsèques du HFPO-DA. Ces considérations ne reposent pas non plus sur une évaluation de l’exposition réelle et concrète.

211    Il résulte de ces éléments qu’il y a lieu de rejeter l’argument de la requérante selon lequel l’ECHA a justifié la gravité des effets sur la santé humaine et l’environnement en s’appuyant sur des considérations relatives à l’exposition alors que cette dernière ne serait pas un facteur pertinent pour établir la gravité des effets aux termes de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006.

212    En deuxième lieu, en ce qui concerne la prétendue possibilité de contrôler l’exposition au HFPO-DA, tout d’abord, il convient de considérer que, à supposer même que l’ECHA n’ait pas pris en considération des données relatives aux possibilités de contrôle de l’exposition au HFPO-DA, cette circonstance ne constituerait pas une erreur manifeste d’appréciation, dès lors que l’ECHA n’est pas tenue de prendre en compte les informations autres que celles concernant les propriétés intrinsèques (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2019, PlasticsEurope/ECHA, T‑185/17, non publié, EU:T:2019:492, point 79).

213    Ensuite, il ressort du document d’appui que l’ECHA a pris en compte, d’une part, des données disponibles sur la présence de HFPO-DA dans le sang des travailleurs aux Pays-Bas et des citoyens vivant à proximité d’une usine de transformation du HFPO-DA en Chine et, d’autre part, notamment le fait que le HFPO-DA n’avait pas été détecté chez des citoyens américains qui avaient eu une exposition historique prolongée à la substance. L’ECHA conclut dans ce document que la voie de l’exposition est dans une large mesure inconnue.

214    En ce qui concerne le fait que l’ECHA n’a pas pris en compte, dans ce contexte, les données de surveillance publiées par le centre américain de contrôle des maladies dans l’enquête sanitaire et alimentaire nationale, d’une part, il convient de constater que, lors de l’audience de plaidoiries, et en réponse à une question posée par le Tribunal, la requérante et l’ECHA ont confirmé que cette étude ne concernait pas le HFPO-DA, mais d’autres substances. La requérante n’a pas expliqué pour quelles raisons cette étude relative à d’autres substances pourrait être pertinente en l’espèce. D’autre part, l’extrait de l’étude fourni par la requérante fait état du fait que la « réduction [observée] dans la charge corporelle indique que l’exposition [aux] substances [concernées] peut être contrôlée ». Ni cet extrait ni la requérante n’indiquent toutefois de quelle manière l’exposition aux substances concernées par cette étude pourrait être contrôlée.

215    Par conséquent, et au vu de la jurisprudence citée aux points 47 et 48 ci-dessus, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que l’ECHA a pu considérer que cette étude n’était pas pertinente en l’espèce.

216    En troisième lieu, concernant l’argument de la requérante selon lequel les allégations de l’ECHA dans le mémoire en défense ainsi que la décision attaquée reposent sur des hypothèses et des incertitudes en termes de prédiction de l’exposition et des effets à long terme, il y a lieu de relever que le membre de phrase « scientifiquement prouvé » désigne le niveau de preuve qui doit être atteint par l’ECHA pour pouvoir conclure qu’une substance a des effets graves sur la santé humaine ou l’environnement et qu’elle est tributaire d’une approche scientifique (arrêt du 20 septembre 2019, PlasticsEurope/ECHA, T‑636/17, EU:T:2019:639, point 92).

217    Il ressort du document d’appui que toutes les conclusions de l’ECHA contestées par la requérante reposent sur des éléments scientifiques. En particulier, les propriétés intrinsèques (et notamment la persistance), qui pourraient aboutir, selon ce document, à une concentration croissante de HFPO-DA dans l’environnement, sont scientifiquement prouvées, ou, à tout le moins, non contestées par la requérante dans le cadre du présent litige. En ce que la requérante fait valoir que l’argument de l’ECHA selon lequel les niveaux d’exposition « resteront élevés » repose sur une hypothèse non prouvée relative à un niveau d’exposition déjà élevé, il convient de relever que le constat de l’ECHA en cause est formulé dans le mémoire en défense, et non dans la décision attaquée. En tout état de cause, il est formulé au futur et fait suite à la conclusion selon laquelle les propriétés intrinsèques conduisent à une présence permanente et croissante de HFPO-DA dans l’environnement. Ainsi, ce constat ne présuppose pas que les niveaux d’exposition sont déjà élevés.

218    En ce qui concerne les incertitudes en termes de prédiction de l’exposition et des effets à long terme reconnues dans le document d’appui, il suffit de constater que la seule existence d’incertitudes, d’ailleurs habituelle dans le cadre d’une évaluation scientifique, ne démontre pas que l’ECHA a commis une erreur manifeste d’appréciation. Cela vaut d’autant plus au vu du principe de précaution, sur lequel reposent les dispositions du règlement no 1907/2006 en vertu de son article 1er, paragraphe 3.

219    De plus, la section 4.0.1 de l’annexe I du règlement no 1907/2006 indique que l’« évaluation des dangers portant sur les effets à long terme […] et l’estimation de l’exposition à long terme des humains et de l’environnement […] ne sont pas assez fiables en ce qui concerne les substances répondant aux critères PBT et vPvB de l’annexe XIII ». Comme l’ECHA l’explique de manière plausible dans le document d’appui, cette considération relative aux effets à long terme et à l’estimation de l’exposition à long terme en ce qui concerne les substances PBT et vPvB s’applique aussi au HFPO-DA, en tenant compte de la persistance très élevée de cette substance, des effets néfastes observés et de l’incertitude des effets à long terme. Ainsi, les incertitudes contestées par la requérante résultent, selon ce document, des propriétés intrinsèques du HFPO-DA et ne sont pas dues à un manque de données pouvant être comblé en réalisant des essais pertinents, comme ClientEarth et CHEM Trust Europe le soulignent à juste titre.

220    Par conséquent, la requérante n’a pas démontré que les considérations de l’ECHA ne satisfaisaient pas au niveau de preuve exigé par l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006.

221    Enfin, il y a lieu de constater que ces considérations ne sont pas non plus remises en cause par l’argument de la requérante selon lequel il ressortirait du point 1.2.1 de l’annexe XIII du règlement no 1907/2006 qu’une substance pourrait très bien répondre au critère pour être considérée comme très persistante (vP), mais ne pourrait pas être beaucoup plus persistante et aller au-delà de ce critère. La requérante n’indique pas de quelle manière cette affirmation pourrait permettre de constater l’existence d’une erreur commise par l’ECHA. Par ailleurs, l’ECHA a utilisé l’expression « beaucoup plus persistante » dans le seul but d’illustrer le niveau très élevé de persistance de la substance litigieuse en appliquant les critères prévus à l’annexe XIII du règlement no 1907/2006 et en constatant dans le document d’appui que la substance litigieuse « satisfai[sai]t aux critères “P” et “vP” de l’annexe XIII de loin ». L’ECHA n’a donc pas assigné le HFPO-DA à une catégorie de persistance non prévue par l’annexe XIII dudit règlement, mais a considéré que les critères pour l’identification d’une substance comme étant très persistante étaient de loin dépassés et ainsi respectés. Par conséquent, il convient de rejeter cet argument de la requérante.

222    Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter la deuxième branche du premier moyen dans son intégralité.

3.      Sur la troisième branche du premier moyen, tirée d’une violation de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006 et d’une erreur manifeste d’appréciation prétendument commise par l’ECHA en ce qu’elle n’aurait pas examiné les éléments scientifiques disponibles conformément aux principes de l’excellence scientifique

223    La requérante soutient que l’ECHA a violé l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006 et commis une erreur manifeste d’appréciation en n’examinant pas les éléments scientifiques disponibles conformément aux principes de l’excellence scientifique. La requérante fait valoir que l’ECHA a conclu à tort que des effets réversibles devaient être considérés comme irréversibles du seul fait d’une exposition continue.

224    Cette conclusion irait à l’encontre du sens de la notion de réversibilité et reviendrait à considérer que l’exposition est un danger en soi. Elle irait également à l’encontre de l’interprétation reconnue des études de toxicologie à doses répétées. Les lignes directrices de l’OCDE sur la toxicité orale à doses répétées pour les essais pendant 28 et 90 jours exigeraient notamment de mentionner si les effets sont réversibles ou non.

225    En outre, l’ECHA ne serait pas parvenue à ses conclusions relatives à l’exposition continue au HFPO-DA sur la base des données existantes, fiables et mesurables. Il ressortirait du document d’appui que cette exposition n’a pas pu être établie avec une certitude absolue.

226    L’ECHA, soutenue par ClientEarth et CHEM Trust Europe, conteste ces arguments.

227    En premier lieu, il convient de relever qu’il ressort de la jurisprudence que le respect du principe d’excellence scientifique implique que l’ECHA doit respecter les meilleures normes scientifiques actuelles (arrêt du 20 septembre 2019, PlasticsEurope/ECHA, T‑636/17, EU:T:2019:639, point 94).

228    À cet égard, force est de constater qu’il ressort du document d’appui que l’ECHA a bien pris en compte le fait que, selon les études de toxicité standards, les effets observés soient réversibles. Comme l’a relevé la requérante elle-même, l’ECHA a constaté que « ces effets seraient réversibles dans les études de toxicité standards après arrêt de l’exposition » et a mentionné l’« irréversibilité des effets adverses normalement considérés réversibles ». Elle a donc bien pris en compte les résultats des études de toxicité standards et ainsi respecté les directives de l’OCDE, invoquées par la requérante, relatives aux études sur la toxicité à doses répétées selon lesquelles il convient de mentionner si les effets, selon les paramètres de ces études, sont réversibles ou non. L’ECHA n’a notamment pas affirmé que les effets observés étaient irréversibles selon les études de toxicité standards au sens des lignes directrices de l’OCDE.

229    Contrairement à ce que fait valoir la requérante, le fait que l’ECHA a néanmoins conclu que, au vu de l’exposition continue résultant des propriétés intrinsèques du HFPO-DA, ces effets pourraient être considérés comme étant irréversibles n’entache pas cette appréciation d’une erreur manifeste.

230    Premièrement, la conclusion de l’ECHA relative aux effets irréversibles se réfère à une période de temps d’exposition qui va au-delà des périodes d’exposition examinées dans les études de toxicité à doses répétées. Ces études traitent, comme le relève la requérante elle-même, d’une période d’essai de 28 ou 90 jours ou d’un an au maximum. La pertinence des études de toxicité standards se limite donc aux effets découlant d’une exposition limitée dans le temps. Toutefois, l’ECHA s’est prononcée, en faisant référence aux effets irréversibles, sur les effets susceptibles de se produire si l’exposition ne s’arrêtait pas après une certaine période de temps et continuait. L’appréciation de l’irréversibilité des effets peut être différente selon la période d’exposition examinée, à savoir, d’une part, une exposition limitée dans le temps ou, d’autre part, une exposition continue sans limite temporelle, sans que cela aille à l’encontre de la notion de réversibilité ou soit contradictoire en soi. Par ailleurs, s’il est considéré que les effets observés sont réversibles lorsque l’exposition a été arrêtée, la conclusion de leur irréversibilité si l’exposition n’est pas arrêtée, ou, en d’autres termes, si l’exposition est continue, voire même irréversible, est plausible.

231    Deuxièmement, contrairement à ce que fait valoir la requérante, il ne résulte pas non plus de la conclusion de l’ECHA que l’exposition a été considérée comme un danger. Comme il a déjà été constaté dans le cadre de la deuxième branche du premier moyen, l’ECHA a considéré, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, que cette exposition continue résultait des propriétés intrinsèques du HFPO-DA et que, par conséquent, les dangers liés au HFPO-DA découlaient de ses propriétés intrinsèques, et non d’une exposition réelle. En outre, il y a lieu de rappeler qu’il ressort du document d’appui que ces propriétés intrinsèques reposent sur des données scientifiques et aboutissent à une exposition continue, qui, toujours selon le document d’appui, pourrait à partir d’un certain niveau entraîner l’irréversibilité des effets. La requérante n’a pas démontré en quoi ces conclusions ne correspondaient pas aux meilleures normes scientifiques actuelles.

232    Troisièmement, contrairement à ce que la requérante soutient dans la réplique, une telle approche n’implique pas que toute substance qui répond au critère de la persistance et qui a un quelconque effet pourrait être identifiée au titre de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006. Ainsi qu’il a déjà été constaté dans le cadre du premier grief de la première branche du premier moyen, l’ECHA n’a pas conclu à l’exposition continue au HFPO-DA et à l’irréversibilité des effets en raison de la seule persistance du HFPO-DA (voir point 109 ci-dessus). Par ailleurs, le seul fait que d’autres substances puissent également faire l’objet d’une identification ne remet pas en cause l’appréciation de l’ECHA quant au HFPO-DA, notamment s’il est considéré que ces autres substances devraient à leur tour remplir les conditions prévues à l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006.

233    En second lieu, concernant l’argument de la requérante selon lequel les conclusions de l’ECHA sur l’exposition continue ne reposent pas sur des données fiables, existantes et mesurables, force est de constater qu’il ne ressort pas de l’argumentation de la requérante en quoi cet argument aurait une portée autonome au regard de celui, avancé dans le cadre de la deuxième branche du premier moyen, selon lequel les allégations de l’ECHA reposeraient sur des hypothèses et des incertitudes en termes de prédiction de l’exposition et des effets à long terme. Ainsi, pour les raisons mentionnées aux points 216 et suivants ci-dessus, il convient de constater que l’ECHA, en concluant à l’exposition continue au HFPO-DA en dépit des incertitudes existantes, n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation.

234    Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter la troisième branche du premier moyen dans son intégralité.

4.      Sur la quatrième branche du premier moyen, tirée d’une violation de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006 et d’une erreur manifeste d’appréciation prétendument commise par l’ECHA en ce qu’elle aurait conclu que le HFPO-DA était une substance extrêmement préoccupante sur la base d’informations liées à une substance différente

235    La quatrième branche est tirée d’une prétendue violation de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006 et d’une prétendue erreur manifeste d’appréciation commise par l’ECHA en ce que cette dernière aurait conclu que le HFPO-DA était une substance extrêmement préoccupante sur la base d’informations liées à une substance différente.

236    La requérante fait valoir que l’ECHA a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que le HFPO-DA était identique sur le plan toxicologique et sur le plan cinétique au PFOA sans examiner les différences entre les deux substances et en transposant les préoccupations relatives au PFOA au HFPO-DA. En particulier, sur la base des éléments de preuve disponibles concernant le PFOA, l’ECHA aurait conclu que le FRD-902 et le pentadécafluorooctanoate d’ammonium (APFO) avaient un comportement similaire, notamment compte tenu du fait allégué selon lequel ces substances étaient utilisées de façon similaire dans la production des fluoropolymères.

237    Or, le FRD-902 et l’APFO seraient deux substances très différentes qui ne se comporteraient pas de la même façon lorsqu’elles sont utilisées dans le cadre du processus de polymérisation des fluoropolymères.

238    Le HFPO-DA serait sensiblement différent du PFOA. Le PFOA serait un bon substrat pour les transporteurs d’anions organiques (ci-après les « TAO »). En revanche, le HFPO-DA serait un moins bon substrat pour les TAO.

239    Selon la requérante, au lieu de présumer une similitude, l’ECHA aurait dû évaluer la pertinence des différences profondes entre les substances et établir que ces différences n’affectaient pas leur comportement.

240    L’ECHA conteste ces arguments.

241    Tout d’abord, force est de constater que la requérante ne précise ni quelles conclusions concernant le HFPO-DA l’ECHA aurait tirées sur la base de données relatives au PFOA, sans examiner les différences entre les deux substances, ni quelle conclusion l’ECHA aurait tirée concernant le FRD-902 sur la base de données relatives au PFOA, ce que la requérante a explicitement reconnu lors de l’audience de plaidoiries et en réponse à une question posée par le Tribunal.

242    De plus, en ce qui concerne l’affirmation de la requérante selon laquelle l’ECHA a erronément conclu que le FRD-902 et l’APFO avaient un comportement similaire, notamment parce que ces substances étaient utilisées de façon similaire dans la production des fluoropolymères, force est de constater que le mot « fluoropolymères » n’est utilisé qu’à trois reprises dans le document d’appui, et ce afin de décrire l’utilisation de deux substances, nommées HFPO et FRD-903. Ce mot n’est donc pas utilisé dans le document d’appui dans le contexte suggéré par la requérante.

243    De même, il ressort du document d’appui, contrairement à ce que laisse entendre la requérante, que le potentiel des TAO du HFPO-DA et du PFOA et leurs différences ont bel et bien été évalués. Il est conclu à cet égard dans ce document que, en l’absence de données relatives au HFPO-DA, les éventuels effets de cette substance sur le fonctionnement des TAO n’étaient pas connus.

244    Lors de l’audience de plaidoiries et en réponse à une question posée par le Tribunal, la requérante a indiqué que ses arguments soulevés dans le cadre de cette quatrième branche se référaient à la section 4.7.3 du dossier établi conformément à l’annexe XV, fourni à l’annexe A.3 de la requête. Cette section est intitulée « Résumé et discussion de la cancérogénicité ». Or, il a déjà été établi que la décision attaquée ne reposait pas sur un potentiel de cancérogénicité du HFPO-DA (voir points 71 à 76 ci-dessus). Par conséquent, et en l’absence de toute indication sur la question de savoir en quoi les arguments de la requérante pourraient néanmoins remettre en cause les conclusions sur lesquelles la décision attaquée est fondée, ces arguments sont, en tout état de cause, inopérants.

245    Enfin, en ce que la requérante a adapté les arguments soulevés dans le cadre de la présente branche dans la réplique de sorte qu’elle fait désormais valoir que toutes les informations sur le PFOA et l’APFO auraient dû être écartées comme étant dénuées de pertinence pour les conclusions relatives au HFPO-DA et que leur simple présence et le fait qu’elles aient été prises en considération, soit comme ayant une force probante, soit comme pouvant servir à l’interprétation des données sur le HFPO-DA, constitueraient une erreur manifeste d’appréciation, il suffit de constater ce qui suit. D’une part, ces arguments restent trop vagues et la requérante n’explicite toujours pas quelle serait la conclusion concrète ou l’interprétation concrète de l’ECHA qui serait entachée d’une erreur manifeste d’appréciation. D’autre part, le simple fait que, dans le document d’appui, des informations relatives à d’autres substances, telles que le PFOA, ont été mentionnées, par exemple pour effectuer des comparaisons entre les facteurs de bioconcentration ou la persistance de ces deux substances, ne signifie pas en soi que des conclusions concernant le HFPO-DA ont été tirées sur la base des données relatives au PFOA et démontre encore moins l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation.

246    Il convient dès lors de rejeter la quatrième branche du premier moyen au motif que les arguments sont en partie non fondés, et notamment manquent en fait, et en partie non pertinents.

247    Partant, il y a lieu de rejeter le premier moyen dans son intégralité.

B.      Sur le second moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité

248    La requérante fait valoir que la décision attaquée viole le principe de proportionnalité en ce qu’elle ne serait ni nécessaire ni appropriée pour atteindre l’objectif légitime poursuivi par la procédure d’autorisation exposée sous le titre VII du règlement no 1907/2006, et ce pour deux motifs principaux.

249    Premièrement, étant donné que le HFPO-DA ne serait utilisé que par un déclarant pour une seule utilisation enregistrée, l’autorisation ne serait pas appropriée, en particulier parce que des mesures de gestion des risques extrêmement strictes seraient déjà en place pour cette utilisation enregistrée et que les émissions seraient réduites au minimum.

250    Deuxièmement, le fait qu’il n’existe pas de solution de remplacement commercialement viable pour le HFPO-DA ferait obstacle à la procédure d’autorisation visant à remplacer des substances soumises à autorisation par des « substances ou technologies moins dangereuses ».

251    L’ECHA, soutenue par le Royaume des Pays-Bas et par ClientEarth et CHEM Trust Europe, conteste cette argumentation.

252    Selon une jurisprudence constante, le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (arrêts du 8 juillet 2010, Afton Chemical, C‑343/09, EU:C:2010:419, point 45 ; du 21 juillet 2011, Etimine, C‑15/10, EU:C:2011:504, point 124, et du 1er février 2013, Polyelectrolyte Producers Group e.a./Commission, T‑368/11, non publié, EU:T:2013:53, point 75).

253    En ce qui concerne le contrôle juridictionnel des conditions mentionnées au point 252 ci-dessus, il y a lieu de reconnaître à l’ECHA un large pouvoir d’appréciation dans un domaine qui implique de sa part des choix de nature politique, économique et sociale et dans lequel elle est appelée à effectuer des appréciations complexes. Seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure arrêtée en ce domaine, par rapport à l’objectif que le législateur entend poursuivre, peut affecter la légalité d’une telle mesure (arrêts du 21 juillet 2011, Etimine, C‑15/10, EU:C:2011:504, point 125, et du 30 avril 2015, Polynt et Sitre/ECHA, T‑134/13, non publié, EU:T:2015:254, point 105).

254    Il ressort de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006 que ce règlement vise à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement, y compris la promotion de méthodes alternatives pour l’évaluation des dangers liés aux substances, ainsi que la libre circulation des substances dans le marché intérieur tout en améliorant la compétitivité et l’innovation. Eu égard au considérant 16 de ce règlement, il convient de constater que le législateur a fixé comme objectif principal le premier de ces trois objectifs, à savoir celui d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement (voir arrêts du 7 mars 2013, Rütgers Germany e.a./ECHA, T‑94/10, EU:T:2013:107, point 134 et jurisprudence citée, et du 30 avril 2015, Polynt et Sitre/ECHA, T‑134/13, non publié, EU:T:2015:254, point 106 et jurisprudence citée).

255    Pour ce qui est plus spécifiquement du but de la procédure d’autorisation, dont relève la procédure d’identification visée à l’article 59 du règlement no 1907/2006, l’article 55 dudit règlement prévoit qu’elle vise à assurer le bon fonctionnement du marché intérieur tout en garantissant que les risques résultant de substances extrêmement préoccupantes seront valablement maîtrisés et que ces substances seront progressivement remplacées par d’autres substances ou technologies appropriées, lorsque celles-ci sont économiquement et techniquement viables (voir arrêts du 7 mars 2013, Rütgers Germany e.a./ECHA, T‑94/10, EU:T:2013:107, point 134 et jurisprudence citée, et du 30 avril 2015, Polynt et Sitre/ECHA, T‑134/13, non publié, EU:T:2015:254, point 106 et jurisprudence citée). En outre, ainsi qu’il ressort du considérant 69 du règlement no 1907/2006, le législateur a voulu accorder une attention particulière aux substances extrêmement préoccupantes (arrêts du 7 mars 2013, Bilbaína de Alquitranes e.a./ECHA, T‑93/10, EU:T:2013:106, point 124 ; du 30 avril 2015, Hitachi Chemical Europe e.a./ECHA, T‑135/13, EU:T:2015:253, point 120, et du 30 avril 2015, Polynt et Sitre/ECHA, T‑134/13, non publié, EU:T:2015:254, point 114).

256    S’agissant de l’objectif de protection de la santé humaine et de l’environnement, il convient de constater que l’identification d’une substance comme extrêmement préoccupante sert à améliorer l’information du public et des professionnels sur les risques et les dangers encourus et que, par suite, cette identification doit être considérée comme un instrument d’amélioration d’une telle protection (arrêts du 7 mars 2013, Rütgers Germany e.a./ECHA, T‑94/10, EU:T:2013:107, point 136, et du 30 avril 2015, Polynt et Sitre/ECHA, T‑134/13, non publié, EU:T:2015:254, point 108 et jurisprudence citée ; voir également, par analogie, arrêt du 7 juillet 2009, S.P.C.M. e.a., C‑558/07, EU:C:2009:430, point 49).

257    À cet égard, il y a lieu de constater à titre liminaire que l’argumentation de la requérante dans le cadre du second moyen semble reposer sur une prémisse erronée, dans la mesure où, contrairement à ce qu’elle présuppose, la décision attaquée ne poursuit pas l’objectif de « faire face à l’omniprésence perçue du HFPO-DA dans l’environnement ». En effet, la décision attaquée est sans incidence immédiate sur l’utilisation du HFPO-DA et sur sa présence dans l’environnement.

258    En tout état de cause, les arguments de la requérante avancés dans le cadre de ce moyen ne sauraient prospérer.

259    Premièrement, en ce qui concerne l’argumentation de la requérante selon laquelle la décision attaquée est inappropriée, car il n’y aurait pas, à l’heure actuelle, de solutions alternatives commercialement viables au HFPO-DA, à l’exception d’autres substances fluorées, il y a lieu de relever que la décision attaquée n’entraîne pas l’interdiction de mettre le HFPO-DA sur le marché, obligeant ainsi les opérateurs concernés à utiliser des substances de remplacement. Une telle conséquence est seulement prévue, en vertu de l’article 56 du règlement no 1907/2006, pour les substances incluses dans l’annexe XIV dudit règlement, c’est-à-dire la liste des substances soumises à autorisation. Il ressort de la procédure visée à l’article 58 du règlement no 1907/2006 que l’inclusion d’une substance dans la liste des substances candidates n’entraîne pas automatiquement son inclusion dans l’annexe XIV dudit règlement. La question de savoir s’il existe ou non des substances de remplacement est donc sans incidence en ce qui concerne le caractère approprié ou non de l’identification d’une substance en tant que substance extrêmement préoccupante (voir, en ce sens, arrêt du 7 mars 2013, Bilbaína de Alquitranes e.a./ECHA, T‑93/10, EU:T:2013:106, point 119).

260    Deuxièmement, en ce qui concerne l’argumentation de la requérante relative à la seule utilisation enregistrée du HFPO-DA, il y a lieu de souligner que l’identification d’une substance en tant que substance extrêmement préoccupante est effectuée uniquement en raison des dangers issus des propriétés intrinsèques de la substance, et non en raison des utilisations de cette dernière (voir, en ce sens, arrêts du 11 juillet 2019, PlasticsEurope/ECHA, T‑185/17, non publié, EU:T:2019:492, point 75, et du 20 septembre 2019, PlasticsEurope/ECHA, T‑636/17, EU:T:2019:639, point 67). Les utilisations pourraient être prises en compte au stade de l’inclusion dans l’annexe XIV du règlement no 1907/2006 ou encore au stade de l’octroi d’une autorisation en vertu de l’article 60, paragraphe 2 ou 4, de ce règlement (arrêt du 20 septembre 2019, PlasticsEurope/ECHA, T‑636/17, EU:T:2019:639, point 207).

261    Par conséquent, contrairement à ce que fait valoir la requérante, même le simple fait que le HFPO-DA ne soit utilisé que par un déclarant pour une seule utilisation enregistrée, à le supposer établi, ne rendrait pas l’inscription de cette substance sur la liste des substances candidates inappropriée.

262    Ce constat est corroboré par le fait que, selon la jurisprudence de la Cour, une substance peut être identifiée comme une substance extrêmement préoccupante même si aucune des utilisations connues de la substance ne relève du champ d’application de la procédure d’autorisation prévue aux chapitres 2 et 3 du titre VII du règlement no 1907/2006 (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2017, PPG et SNF/ECHA, C‑650/15 P, EU:C:2017:802, points 62, 63 et 71). Il convient donc de rejeter a fortiori l’argumentation de la requérante selon laquelle la décision attaquée est inappropriée parce que la substance en cause ne serait enregistrée que pour une seule utilisation, qui, à la suite d’une potentielle inclusion dans l’annexe XIV du règlement no 1907/2006, serait soumise à une obligation d’autorisation.

263    Troisièmement, en ce qui concerne l’affirmation de la requérante selon laquelle des mesures de gestion des risques extrêmement strictes étaient déjà en place et selon laquelle les émissions étaient réduites au minimum, force est de constater que cette circonstance, à la supposer établie, ne permettrait pas non plus de considérer que la décision attaquée est inappropriée. Il ressort de l’article 60, paragraphe 2, du règlement no 1907/2006 que le fait que les effets négatifs d’une substance liés à son utilisation peuvent être contrôlés de manière appropriée par des mesures de gestion des risques n’empêche pas son identification comme une substance extrêmement préoccupante (arrêt du 30 avril 2015, Hitachi Chemical Europe e.a./ECHA, T‑135/13, EU:T:2015:253, point 61). Cela est également confirmé par l’article 58, paragraphe 2, du règlement no 1907/2006, selon lequel des utilisations ou des catégories d’usages peuvent être exemptées de l’obligation d’autorisation, à condition que, compte tenu de la législation de l’Union spécifique existante, qui impose des exigences minimales en ce qui concerne la protection de la santé humaine ou de l’environnement en cas d’utilisation de la substance, le risque soit bien maîtrisé (arrêt du 30 avril 2015, Hitachi Chemical Europe e.a./ECHA, T‑135/13, EU:T:2015:253, point 68).

264    En tout état de cause, l’existence de mesures de gestion des risques mises en place par la requérante, à la supposer établie, n’impliquerait ni que ces mesures soient suffisantes afin de gérer les risques, ce que la requérante n’a pas établi, ni que d’autres entreprises adoptent les mêmes solutions.

265    De plus, il ressort de la jurisprudence que les mesures de gestion des risques proposées en vertu de l’article 14, paragraphe 6, du règlement no 1907/2006 ne constituent pas des mesures moins contraignantes que l’identification d’une substance comme extrêmement préoccupante. En effet, de telles mesures ne constituent pas des mesures appropriées à la réalisation de l’objectif de remplacer progressivement les substances extrêmement préoccupantes par d’autres substances ou technologies appropriées, lorsque celles-ci sont économiquement et techniquement viables, ni de celui d’accorder une attention particulière aux substances extrêmement préoccupantes (voir point 255 ci-dessus) (voir, en ce sens, arrêts du 7 mars 2013, Bilbaína de Alquitranes e.a./ECHA, T‑93/10, EU:T:2013:106, points 124 et 125 ; du 30 avril 2015, Hitachi Chemical Europe e.a./ECHA, T‑135/13, EU:T:2015:253, points 120 et 122, et du 30 avril 2015, Polynt et Sitre/ECHA, T‑134/13, non publié, EU:T:2015:254, points 114 et 116).

266    De même, les mesures de gestion des risques auxquelles la requérante fait référence ne constituent pas de telles mesures moins contraignantes.

267    Par conséquent, il convient de rejeter les arguments de la requérante relatifs à l’existence de mesures de gestion des risques.

268    Quatrièmement, en ce qui concerne l’argumentation de la requérante soulevée au stade de la réplique selon laquelle la mise en balance des intérêts par l’ECHA serait entachée d’erreurs du fait que l’ECHA n’aurait pas tenu compte de toutes les conséquences qu’emportait la décision attaquée, à savoir notamment des obligations d’information découlant de l’article 33 du règlement no 1907/2006, force est de constater qu’il ressort de la jurisprudence que l’objectif de la liste des substances candidates relatif au partage des informations sur les substances extrêmement préoccupantes au sein de la chaîne d’approvisionnement et avec les consommateurs l’emporte sur les inconvénients résultant notamment d’une application de l’article 31, paragraphe 9, et de l’article 34 du règlement no 1907/2006 (arrêt du 11 juillet 2019, PlasticsEurope/ECHA, T‑185/17, non publié, EU:T:2019:492, point 64). Cet objectif l’emporte également sur les inconvénients résultant d’une application de l’article 33 de ce règlement. La seule circonstance que l’ECHA a, dans son mémoire en défense, mentionné seulement les obligations d’information découlant de l’article 31, paragraphe 9, du règlement no 1907/2006 et non celles découlant de l’article 33 dudit règlement n’a aucune incidence sur ce constat.

269    Par conséquent, il convient de rejeter également les arguments de la requérante relatifs à la mise en balance des intérêts.

270    Il convient donc de rejeter le second moyen tiré d’une violation du principe de proportionnalité et, partant, le recours dans sa totalité.

V.      Sur les dépens

271    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’ECHA et par ClientEarth et CHEM Trust Europe, conformément à leurs conclusions.

272    Selon l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Le Royaume des Pays-Bas supportera donc ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chemours Netherlands BV supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) et par ClientEarth AISBL, ClientEarth et CHEM Trust Europe eV.

3)      Le Royaume des Pays-Bas supportera ses propres dépens.

Svenningsen

Barents

Laitenberger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 février 2022.

Signatures


Table des matières


I. Cadre juridique

II. Antécédents du litige

III. Procédure et conclusions des parties

IV. En droit

A. Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006, d’un excès de pouvoir et d’une erreur manifeste d’appréciation

1. Sur la première branche du premier moyen, tirée d’une violation de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006 et d’une erreur manifeste d’appréciation prétendument commise par l’ECHA en ce qu’elle n’aurait pas établi à suffisance de droit que le HFPO-DA pouvait avoir des effets graves sur la santé humaine et sur l’environnement qui suscitaient un niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par l’utilisation d’autres substances énumérées à l’article 57, sous a) à e), dudit règlement

a) Sur le premier grief de la première branche du premier moyen, relatif aux effets graves sur la santé humaine suscitant un niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par les substances CMR, PBT et vPvB

1) Sur l’appréciation des éléments scientifiques

i) Sur la toxicité pour le développement

ii) Sur la toxicité à doses répétées

iii) Sur la toxicocinétique et la bioaccumulation

iv) Sur la cancérogénicité

v) Sur la toxicité pour la reproduction

2) Sur l’établissement des effets graves sur la santé humaine

3) Sur le niveau de préoccupation équivalent suscité par les effets graves

b) Sur le second grief de la première branche du premier moyen, relatif aux effets graves pour l’environnement suscitant un niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par les substances PBT et vPvB

1) Sur l’établissement des effets graves sur l’environnement

2) Sur la considération selon laquelle les propriétés persistantes, bioaccumulables et toxiques ou très persistantes et très bioaccumulables étaient pertinentes en application de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006

3) Sur l’appréciation de certains éléments scientifiques

i) Sur le potentiel de bioaccumulation

ii) Sur la présence de HFPO-DA dans l’environnement

iii) Sur le contrôle des émissions de HFPO-DA dans l’environnement

iv) Sur la possibilité de retirer le HFPO-DA de l’eau potable

2. Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée d’une violation de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006, d’un excès de pouvoir et d’une erreur manifeste d’appréciation prétendument commis par l’ECHA en ce qu’elle aurait considéré que l’exposition au HFPO-DA était un facteur pertinent pour établir des effets potentiellement graves et en ce qu’elle n’aurait pas tenu compte des possibilités de contrôle de l’exposition à la substance, ce qui l’aurait amenée à conclure que le HFPO-DA suscitait un niveau de préoccupation équivalent

3. Sur la troisième branche du premier moyen, tirée d’une violation de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006 et d’une erreur manifeste d’appréciation prétendument commise par l’ECHA en ce qu’elle n’aurait pas examiné les éléments scientifiques disponibles conformément aux principes de l’excellence scientifique

4. Sur la quatrième branche du premier moyen, tirée d’une violation de l’article 57, sous f), du règlement no 1907/2006 et d’une erreur manifeste d’appréciation prétendument commise par l’ECHA en ce qu’elle aurait conclu que le HFPO-DA était une substance extrêmement préoccupante sur la base d’informations liées à une substance différente

B. Sur le second moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité

V. Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.