Language of document : ECLI:EU:T:2010:211

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

19 mai 2010 (*)

« Clause compromissoire – Cinquième programme-cadre pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration – Projet sur les tendances macroéconomiques et urbaines dans la société européenne de l’information (Muteis) – Préjudice résultant de la modification d’un contrat en ce qui concerne le système de remboursement des dépenses encourues par un participant au projet »

Dans l’affaire T‑424/08,

Nexus Europe (Ireland) Ltd, établie à Dublin (Irlande), représentée par Mme M. Noonan, barrister,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. R. Lyal et Mme A. Sauka, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de réparation du préjudice prétendument subi par la requérante du fait que la Commission a obtenu certaines modifications du contrat Muteis IST-2000-30117, conclu le 31 octobre 2001,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro, président, MM. S. Papasavvas (rapporteur) et A. Dittrich, juges,

greffier : Mme C. Kantza, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 janvier 2010,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

 Contrats

1        Le 31 octobre 2001, la Communauté européenne, représentée par la Commission des Communautés européennes, a conclu avec un consortium composé de plusieurs entités, dont la requérante, Nexus Europe (Ireland) Ltd, et représenté par l’université de Maastricht (Pays-Bas), un contrat portant sur une action à frais partagés (ci-après le « contrat de 2001 ») au sens de l’annexe IV de la décision n° 182/1999/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 décembre 1998, relative au cinquième programme-cadre de la Communauté européenne pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (1998-2002) (JO 1999, L 26, p. 1).

2        Le contrat de 2001 avait pour objet la réalisation d’un projet intitulé « Tendances macroéconomiques et urbaines dans la société européenne de l’information ».

3        Selon l’article 2 du contrat de 2001, la durée du projet était de 30 mois à compter du premier jour du mois suivant la signature du contrat, alors que l’article 3 du même contrat stipule que les coûts éligibles totaux s’élèvent à 2 224 621 euros. Conformément à ce dernier article, ces coûts sont à répartir selon un tableau figurant à la dernière page dudit contrat et contenant une ventilation indicative par cocontractant de la Communauté, la participation financière de cette dernière ne pouvant dépasser 2 071 000 euros.

4        En vertu de ce tableau, les coûts totaux éligibles de la requérante s’élèvent à 307 494 euros et le modèle de remboursement des coûts choisi pour elle était celui des « coûts additionnels ».

5        Conformément à l’article 4, paragraphe 2, du contrat de 2001 et à l’article 4, paragraphe 3, de son annexe II, intitulée « Conditions générales », les cocontractants avaient l’obligation de soumettre à la Commission des relevés de coûts, couvrant chacun une période de six mois de déroulement du projet.

6        Selon l’article 3, paragraphe 2, des conditions générales, en cas de soupçons de fraude ou d’irrégularité financière grave à l’encontre d’un cocontractant, la Commission peut suspendre les paiements et/ou demander au coordinateur de ne pas effectuer de paiements audit cocontractant.

7        Aux termes de l’article 5 du contrat de 2001, celui-ci est régi par le droit belge. Ce même article contient une clause compromissoire, attribuant au Tribunal compétence pour connaître de tout litige entre la Communauté et ses cocontractants relatif à l’application et à l’interprétation du contrat.

8        Le 13 avril 2004, la requérante a conclu avec la Commission un contrat modifiant le contrat de 2001 (ci-après le « contrat de 2004 ») en ce qui concerne le modèle de remboursement de ses coûts, qui serait désormais celui des « coûts totaux/taux forfaitaire » selon le tableau figurant à la dernière page dudit contrat. En vertu de ce tableau, les coûts totaux éligibles de la requérante s’élèvent désormais à 451 851 euros et le taux de participation de la Communauté à 50 % de ce montant.

 Réglementations communautaire et belge

9        L’annexe IV, point 3, de la décision n° 182/1999 prévoit que le taux de participation de la Communauté dans les programmes de recherche et de développement technologique s’élève à 50 % des coûts totaux éligibles, alors que, dans le cas particulier d’entités juridiques qui ne tiennent pas de comptes analytiques, les coûts additionnels éligibles occasionnés par la recherche seront financés au taux de 100 %.

10      Selon l’article 11, paragraphes 3 et 5, de la décision 1999/65/CE du Conseil, du 22 décembre 1998, relative aux règles de participation des entreprises, des centres de recherche et des universités et aux règles de diffusion des résultats de la recherche pour la mise en œuvre du cinquième programme-cadre de la Communauté européenne (1998-2002) (JO 1999, L 26, p. 46) :

« 3. Dans le cas des projets de recherche et de développement technologique, de démonstration et des projets combinés de [recherche et de développement technologique] et de démonstration, il est recouru aux coûts éligibles additionnels lorsque, selon la Commission, le système de comptabilité utilisé par le participant à une action indirecte de [recherche et de développement technologique] ne permet pas d’établir avec suffisamment de précision le montant total des coûts de réalisation de l’action indirecte […]

5. Les coûts additionnels éligibles figurant à l’annexe IV du cinquième programme-cadre comprennent les éléments suivants :

–        les coûts supplémentaires éligibles occasionnés du seul fait de la participation à l’action indirecte de [recherche et de développement technologique],

–        une contribution forfaitaire aux frais généraux ».

11      L’article 11, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement (CE) n° 996/1999 de la Commission, du 11 mai 1999, arrêtant les modalités d’application de la décision 1999/65 (JO L 122, p. 9), dispose :

« Un participant à une action indirecte de [recherche et de développement technologique] impute à la Commission des coûts éligibles additionnels dans le respect de l’annexe IV du cinquième programme-cadre lorsque, selon la Commission, le participant ne dispose pas d’un système de comptabilité permettant de distinguer la part de ses coûts directs et indirects qui se rapportent au projet ».

12      Selon l’article 13, paragraphe 2, troisième alinéa, du règlement n° 996/1999, « [p]our un participant imputant des coûts éligibles additionnels au sens de l’article 11, paragraphe 1, deuxième alinéa, les coûts de personnel comprennent, sauf cas particulier prévu dans le programme spécifique, les coûts générés par la seule participation à l’action indirecte de [recherche et de développement technologique], à l’exclusion des coûts qui doivent être en tout état de cause supportés indépendamment de cette participation ».

13      Selon l’article 1134 du code civil belge (ci-après le « code civil ») :

« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi ».

14      L’article 1111 du code civil dispose :

« La violence exercée contre celui qui a contracté l’obligation est une cause de nullité, encore qu’elle ait été exercée par un tiers autre que celui au profit duquel la convention a été faite. »

15      En vertu de l’article 1112, premier alinéa, du code civil, « [i]l y a violence, lorsqu’elle est de nature à faire impression sur une personne raisonnable, et qu’elle peut lui inspirer la crainte d’exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent ».

 Antécédents du litige

16      Dans le cadre de l’exécution du contrat de 2001, la requérante a soumis à la Commission ses trois premiers relevés de coûts couvrant respectivement la période du 1er novembre 2001 au 30 avril 2002, du 1er mai au 31 octobre 2002 et du 1er novembre 2002 au 30 avril 2003.

17      Par lettre du 17 septembre 2003, la Commission a informé l’université de Maastricht, coordinateur et représentant des cocontractants de la Communauté, que, après avoir examiné la documentation soumise relative à la requérante, les coûts relatifs au personnel et aux frais généraux ne pouvaient être acceptés selon le modèle de remboursement des coûts additionnels. En conséquence, la Commission a rejeté l’ensemble des coûts relatifs au personnel et aux frais généraux figurant dans les relevés de coûts soumis jusqu’alors.

18      Par lettre du 10 octobre 2003 adressée à l’université de Maastricht et dont copie a été envoyée à la requérante, la Commission a souligné, notamment, que, selon les règles de participation au cinquième programme-cadre, le modèle de remboursement des coûts additionnels s’applique lorsque la comptabilité du participant ne permet pas d’identifier les frais généraux ni les coûts directs relatifs au projet, mais permet d’identifier les coûts additionnels non récurrents engendrés en raison du projet. Or, selon la Commission, ce modèle de remboursement ne pourrait s’appliquer à une entité privée sans but lucratif, telle que la requérante. La Commission a informé l’université de Maastricht que, dans ces conditions, les dépenses relatives au personnel et aux frais généraux présentées jusqu’alors par la requérante étaient provisoirement rejetées. De surcroît, la Commission a indiqué que la requérante devrait reconsidérer sa participation au projet soit selon le modèle de remboursement de coûts totaux, soit en adoptant celui des coûts totaux/taux forfaitaire. Ainsi, la requérante était invitée à soumettre à la Commission un nouveau tableau relatif au budget et au financement. La Commission ferait pour sa part le nécessaire pour une modification du contrat de 2001.

19      Par lettre du 24 octobre 2003 adressée à la requérante, la Commission a exposé que, durant les négociations, la requérante avait produit des bilans démontrant que son système comptable permettait l’identification de l’ensemble des dépenses. En outre, la Commission a rappelé que la requérante devait constituer une garantie bancaire pour le paiement de l’avance initiale. Dans ces conditions, la Commission a annoncé sa décision de recourir à l’article 3, paragraphe 2, des conditions générales (voir point 6 ci-dessus) afin de sauvegarder les intérêts financiers de la Communauté. Enfin, la Commission a déclaré qu’elle attendait certaines données afin d’entamer une modification du contrat de 2001.

20      Par lettre du même jour adressée au coordinateur du projet, la Commission a réitéré l’argument suivant lequel, selon les dispositions applicables, ce serait soit le modèle des coûts totaux, soit celui des coûts totaux/taux forfaitaire qui devrait être appliqué à la requérante et a exposé que les heures de travail facturées devraient être justifiées par référence à des tâches spécifiques. Enfin, la Commission a précisé que tous les montants versés à la requérante jusqu’alors seraient revus à la lumière du nouveau modèle de remboursement prévu dans le contrat modifié.

21      Le 6 novembre 2003, une réunion s’est tenue au sujet de la requérante entre la Commission et le coordinateur du projet.

22      Le 13 avril 2004, la Commission a signé, avec l’ensemble des cocontractants, y compris la requérante, le contrat de 2004.

23      Le 5 juillet 2005, la requérante a déposé une plainte auprès du Médiateur européen, tendant à ce qu’elle soit indemnisée pour l’ensemble du travail qu’elle aurait effectué sans contrepartie de la part de la Commission ainsi que pour le préjudice matériel et moral subi. De plus, la requérante a demandé que la Commission retire son allégation quant à l’existence de soupçons de fraude ou d’irrégularité financière grave.

24      Après avoir reçu les observations des parties, le Médiateur a adressé à la Commission une lettre en date du 31 janvier 2008 proposant une solution amiable. Dans le cadre de cette lettre, le Médiateur, premièrement, a observé que la Commission avait mis deux ans pour détecter que le modèle de remboursement initialement proposé par la requérante n’était pas celui qu’elle considérait comme correct. Deuxièmement, selon le Médiateur, la Commission n’a pas indiqué de fondement textuel lui permettant de demander la modification du modèle de remboursement initialement approuvé, eu égard, notamment, au fait que la Commission n’allègue pas de violation d’obligations contractuelles de la part de la requérante. Troisièmement, le Médiateur a exposé que la Commission n’avait pas établi l’existence d’un risque pour les intérêts financiers de la Communauté, lié au comportement de la requérante. Quatrièmement, le Médiateur a souligné que le changement de modèle de remboursement était intervenu à un stade très avancé de l’exécution du projet et que la Commission n’avait pas envisagé d’autres solutions, telle que la modification du contrat de 2001 avec effet ex nunc, c’est-à-dire sans affecter les dépenses effectuées jusqu’alors. Enfin, cinquièmement, selon le Médiateur, le fait que la Commission a rejeté les relevés de coûts qui lui avaient été soumis selon le modèle des coûts additionnels sans même exposer les raisons justifiant ses conclusions et qu’elle a procédé à la suspension des paiements est, dans ce contexte, constitutif d’une pression importante et inéquitable.

25      Sur ce fondement, le Médiateur a conclu que la Commission n’avait pas fourni à la requérante un exposé cohérent et raisonnable du fondement juridique de ses actions. Le Médiateur a donc constaté un cas de mauvaise administration et a proposé, notamment, le paiement de la part de cette institution d’un montant défini ex aequo et bono et le retrait explicite de toute insinuation relative à une fraude ou à une irrégularité financière grave.

26      Par lettre du 11 juin 2008, la Commission a commenté cette lettre du Médiateur et a proposé le paiement d’un montant de 5 000 euros à la requérante, tout en confirmant ne pas avoir formulé d’allégation de fraude ou d’irrégularité financière grave à l’encontre de cette dernière.

27      Par lettre du 22 juillet 2008, la requérante a présenté ses commentaires et a proposé que le montant de son indemnité soit compris entre 60 000 et 70 000 euros.

 Procédure et conclusions des parties

28      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 septembre 2008, la requérante a introduit le présent recours.

29      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale.

30      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 11 janvier 2010.

31      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        condamner la Commission à lui verser le montant de 76 668,99 euros au titre de la réparation du dommage résultant de la modification du contrat de 2001 par le contrat de 2004 et le montant de 18 750 euros au titre des honoraires de son directeur pour le temps qu’il aurait consacré à résoudre les questions soulevées par la Commission ;

–        condamner la Commission aux dépens.

32      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Arguments des parties

33      La requérante indique, à titre liminaire, que le fondement juridique de son recours est l’article 288, deuxième alinéa, CE, qui régit la responsabilité non contractuelle de la Communauté.

34      Dans ce contexte, la requérante reproche à la Commission d’avoir commis plusieurs illégalités lui ayant causé divers préjudices.

35      La requérante fait valoir que, par son comportement, la Commission a agi en violation de cinq règles de droit. Plus précisément, premièrement, la Commission aurait violé les règles de compétence s’agissant du choix du modèle de remboursement des coûts et de l’établissement d’un cas de fraude ou d’irrégularité financière grave. Deuxièmement, la Commission aurait violé ses obligations contractuelles et, dès lors, l’article 1134 du code civil. Troisièmement, la Commission aurait violé le principe de protection de la confiance légitime ainsi que le principe de sécurité juridique. Quatrièmement, la Commission aurait violé le principe de bonne administration et, enfin, cinquièmement, la Commission aurait méconnu certaines règles internes.

36      En ce qui concerne la compétence pour choisir le modèle de remboursement des coûts, la requérante fait valoir que, selon les lignes directrices établies par la Commission en la matière, intitulées « Choix du participant sur le modèle de remboursement des coûts pour des contrats de recherche et/ou de démonstration » (ci-après les « lignes directrices »), ce choix relève du cocontractant de la Communauté et qu’aucun changement n’est permis en cours d’exécution du contrat. Partant, même si la Commission a la possibilité de refuser le modèle proposé par son futur cocontractant, elle n’aurait pas la compétence de le modifier avec effet rétroactif après la signature du contrat. Il en résulterait que la Commission ne dispose d’aucune marge d’appréciation en la matière et que la simple violation des règles pertinentes constituerait une illégalité susceptible d’engager la responsabilité de la Communauté.

37      En outre, les lignes directrices prévoiraient que la Commission doit procéder à un audit préalablement à toute demande de changement du modèle de remboursement des coûts, lequel s’appliquerait uniquement au regard des futurs contrats. Or, la Commission n’aurait conduit aucun audit en l’espèce.

38      De surcroît, la requérante fait valoir que la Commission n’avait aucun fondement pour invoquer l’article 3, paragraphe 2, des conditions générales (voir point 6 ci-dessus), dès lors qu’aucun indice de fraude ou d’irrégularité financière grave n’aurait été mis en évidence. Le recours à l’article 3, paragraphe 2, des conditions générales aurait servi en l’espèce à priver la requérante des droits stipulés dans le contrat de 2001, en la forçant à la modification de ce contrat. Or, cette clause a pour objet la prévention de la fraude et des irrégularités financières et non la correction des erreurs commises par la Commission lors de la signature d’un contrat.

39      En outre, la Commission n’aurait à aucun moment avant l’introduction du présent recours justifié l’invocation de l’article 3, paragraphe 2, des conditions générales par référence au fait que la requérante essayait d’obtenir le remboursement de la totalité de ses dépenses en violation du principe du partage des coûts. En tout état de cause, toute allégation relative à une fraude ou à une irrégularité financière grave a été formellement retirée par la Commission, qui essaierait de revenir sur le sujet dans le cadre de ses écritures devant le Tribunal.

40      La requérante souligne également que la Commission n’a exposé ni avant l’introduction du présent recours ni devant le Tribunal sur la base de quelles constatations spécifiques relatives à sa comptabilité elle est arrivée à la conclusion que le modèle de remboursement choisi au moment de la signature du contrat de 2001 n’était pas approprié. Or, la Commission aurait déclaré à maintes reprises qu’elle a adopté cette thèse après avoir examiné le bilan de la requérante, sans donner plus de précisions à cet égard.

41      La requérante rejette l’allégation de la Commission selon laquelle elle a essayé de récupérer l’ensemble des dépenses qu’elle a consacrées au projet, en violation du principe de partage des coûts. En effet, cette conclusion de la Commission est fondée sur l’allégation selon laquelle les dépenses déclarées par la requérante au titre des salaires concernaient cinq employés permanents et n’étaient donc pas éligibles pour être remboursées dès lors qu’avait été adopté le modèle des coûts additionnels. Or, la requérante aurait expliqué à la Commission que ces employés n’étaient pas permanents, mais embauchés spécifiquement aux fins de l’exécution du projet. En outre, la requérante n’aurait jamais compris ou espéré avoir droit au remboursement de la totalité des ressources qu’elle aurait consacrées au projet. Ce fait serait accepté par la Commission elle-même, qui expose, dans sa lettre du 11 juin 2008 adressée au Médiateur, que la requérante avait choisi de bonne foi le modèle des coûts additionnels.

42      Enfin, la requérante n’aurait pas essayé d’augmenter de manière fictive le nombre d’heures facturées afin d’arriver au même résultat financier que celui qu’elle aurait obtenu selon le modèle des coûts additionnels. Cette proposition aurait été élaborée par le coordinateur du projet dans le cadre des négociations avec la Commission.

43      En ce qui concerne la violation du contrat de 2001 et, par voie de conséquence, de l’article 1134 du code civil, la requérante indique que ce contrat ne contient aucune clause permettant à la Commission de modifier sa position concernant le modèle de remboursement des coûts, et ce avec effet rétroactif. Au contraire, il résulterait du point 7 des lignes directrices que le modèle de remboursement choisi au moment de la signature du contrat reste valable tout au long de la période pendant laquelle le contrat est en vigueur, sans que la Commission puisse le modifier unilatéralement.

44      La requérante précise, dans ce contexte, que ses allégations ne doivent pas être comprises comme faisant valoir une responsabilité contractuelle de la Communauté, mais une responsabilité non contractuelle engagée en raison de l’existence de pressions exercées sur elle et qui constituent un cas de mauvaise administration de la part de la Commission.

45      Étant donné que la modification du contrat de 2001 a été provoquée de manière contraire à celui-ci, la Commission ne saurait invoquer cette modification pour remettre en cause les droits que la requérante tire de ce contrat, ni pour dénier sa responsabilité non contractuelle engagée par son comportement. En outre, la Commission aurait exercé des pressions très importantes aux fins de la modification du contrat de 2001, en invoquant les pouvoirs qui lui sont octroyés au cas où elle soupçonne des cas de fraude ou d’irrégularité financière grave, alors qu’elle savait qu’un tel cas n’était aucunement présent en l’espèce.

46      Le refus éventuel d’accéder à la demande de la Commission aurait provoqué un retard dans l’exécution du projet, voire son arrêt anticipé, mais aussi la faillite de la requérante au cas où la Commission aurait refusé de procéder aux paiements conformément au contrat de 2001. De surcroît, la Commission aurait menacé de réclamer le remboursement des montants déjà versés au cas où la requérante refuserait de consentir à la modification du contrat de 2001. Même si la requérante n’a pas allégué que le comportement de la Commission était constitutif d’un cas de violence, au sens des articles 1109 et 1111 à 1115 du code civil, pour des raisons tenant à la difficulté de prouver le degré de coercition requis, elle maintient que le comportement de la Commission constitue un abus de pouvoir.

47      S’agissant de la violation du principe de protection de la confiance légitime ainsi que du principe de sécurité juridique, la requérante indique que la Commission a expressément accepté le modèle de remboursement proposé lors de la signature du contrat de 2001 et a même procédé au remboursement des coûts en vertu de ce modèle pendant une période de deux ans. La requérante, pour sa part, aurait offert les services décrits dans le contrat et a calculé le coût de sa participation au projet sur la base du modèle accepté. Dans ces conditions, la modification du modèle de remboursement des coûts avec effet rétroactif serait contraire aux principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique.

48      En outre, l’article 11 du règlement n° 996/1999 n’autorise pas le changement unilatéral de modèle de remboursement durant l’exécution d’un contrat, ce dont le point 7 des lignes directrices se ferait l’écho. De même, aucune disposition ne permettrait à la Commission d’exiger le consentement de la requérante à une telle modification.

49      La requérante fait valoir que la Commission a méconnu le principe de bonne administration en refusant d’exercer sa marge d’appréciation sur le choix du modèle de remboursement avant la signature du contrat, en mettant deux ans pour identifier l’incohérence alléguée, sans même donner les raisons de sa nouvelle appréciation et en menaçant d’exercer certaines prérogatives sans que les conditions prévues à cet effet soient réunies.

50      La requérante rappelle que la Commission n’avait pas le pouvoir d’imposer un changement du modèle de remboursement des coûts durant l’exécution du contrat et que l’invocation de l’article 3, paragraphe 2, des conditions générales a été faite dans le seul but de la forcer à accepter une modification de ce modèle.

51      Enfin, la requérante fait valoir que la violation des lignes directrices de la part de la Commission (voir points 36 et 37 ci-dessus) constitue une méconnaissance des règles internes justifiant la condamnation de la Commission à la réparation du préjudice qui en résulte. Ces règles interdiraient la modification du modèle de remboursement des coûts avec effet rétroactif peu de temps avant l’achèvement du projet.

52      La Commission conteste les arguments de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

53      Il convient de rappeler que la requérante, représentée par l’université de Maastricht, a conclu avec la Communauté, représentée par la Commission, en octobre 2001, un contrat dans le contexte du cinquième programme-cadre pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration. Ce contrat prévoyait que la requérante, qui participait au consortium constitué pour exécuter un projet sur les tendances macroéconomiques et urbaines dans la société européenne de l’information, se verrait rembourser les dépenses encourues suivant le modèle des coûts additionnels.

54      S’agissant de ce modèle de remboursement, il y a lieu de relever que, selon l’annexe IV, point 3, de la décision 182/1999 (voir point 9 ci-dessus), les coûts éligibles sont financés par la Communauté au taux de 100 %. De surcroît, il résulte de l’article 11 de la décision 1999/65 (voir point 10 ci-dessus), qu’il est recouru au modèle des coûts additionnels lorsque le système de comptabilité utilisé par le participant à une action indirecte de recherche et de développement technologique ne permet pas d’établir avec suffisamment de précision le montant total des coûts de réalisation de l’action indirecte. Dans cette hypothèse, relèvent de la notion de coûts additionnels éligibles les coûts supplémentaires occasionnés du seul fait de la participation à l’action indirecte de recherche et de développement technologique, ainsi que les frais généraux calculés sur une base forfaitaire.

55      Selon l’article 13, paragraphe 2, du règlement n° 996/1999 (voir point 12 ci-dessus), les coûts supplémentaires occasionnés du seul fait de la participation à l’action indirecte de recherche et de développement technologique sont définis par opposition aux coûts qui doivent en tout état de cause être supportés indépendamment de cette participation.

56      Malgré le fait que la Commission a accepté, lors de la signature du contrat de 2001 et après avoir examiné certains éléments fournis par la requérante à ce stade, le choix d’appliquer le modèle du remboursement des coûts additionnels, elle est revenue sur le sujet dans ses lettres des 17 septembre, 10 et 24 octobre 2003 (voir points 17 à 19 ci-dessus). Dans ces courriers, la Commission a soutenu que l’application du modèle des coûts additionnels dans le cas de la requérante n’était pas conforme à la réglementation applicable et a demandé la modification du contrat de 2001 en ce qui concerne le modèle de remboursement des coûts.

57      La Commission a soutenu, devant le Tribunal, qu’elle avait demandé la modification du contrat afin de préserver les intérêts financiers de la Communauté contre la requérante, qui chercherait à obtenir le remboursement de l’ensemble de sa contribution au projet en violation du principe de partage des coûts et qui emploierait un système comptable propre à distinguer les coûts directs et indirects liés au projet. En outre, la Commission soutient que l’allégation selon laquelle la requérante chercherait à obtenir le remboursement de l’ensemble des dépenses encourues dans le cadre du projet résulte du fait qu’aucun membre de son personnel permanent n’aurait été affecté au projet. En effet, si la requérante n’avait affecté au projet que du personnel embauché spécifiquement à cette fin, le remboursement de la totalité des coûts salariaux et des frais généraux s’y rapportant donnerait lieu à un remboursement de la totalité des dépenses encourues par la requérante.

58      Il y a lieu de définir, tout d’abord, au vu des considérations qui précèdent, la nature du présent litige.

59      À cet égard, la requérante précise que sa demande de réparation du préjudice qu’elle a prétendument subi se fonde exclusivement sur les règles régissant la responsabilité non contractuelle de la Communauté.

60      Néanmoins, force est de constater que la requérante fonde l’existence et l’étendue du droit à réparation de son préjudice sur les stipulations du contrat de 2001 relatives au modèle de remboursement des coûts. Il en résulte que l’objet du recours consiste, en réalité, en une demande de dommages et intérêts d’origine contractuelle. En effet, la simple invocation de règles ou de principes juridiques qui ne découlent pas du contrat liant les parties, mais qui s’imposent à elles, ne saurait avoir pour conséquence de modifier la nature contractuelle d’un litige (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 20 mai 2009, Guigard/Commission, C‑214/08 P, non publié au Recueil, points 37, 38, 42 et 43).

61      En l’occurrence, la constatation selon laquelle le litige est de nature contractuelle n’a pas pour conséquence de soustraire celui-ci à la compétence du Tribunal, dès lors que tant le contrat de 2001 que celui de 2004 contiennent une clause compromissoire au sens de l’article 238 CE.

62      Ensuite, il y a lieu de relever que, dans le cadre d’une relation contractuelle, chaque cocontractant a le droit de demander la modification du contrat régissant les relations entre les parties sans que ce droit dépende de la validité des raisons invoquées à l’appui de la demande de modification. Corrélativement, le cocontractant de la Commission a, dans les mêmes termes, le droit de refuser la modification demandée.

63      Dès lors que l’autre partie au contrat accepte la modification de celui-ci et procède à l’expression de sa volonté selon les formalités prévues par le droit applicable, c’est le contrat tel que modifié qui régit les relations entre les parties, conformément, en l’espèce, à l’article 1134 du code civil.

64      Cette appréciation n’est toutefois valable que dans la mesure où la modification du contrat n’a pas été provoquée d’une manière susceptible de vicier le consentement de la partie qui cède à la demande de modification, par le recours à la fraude, à la violence ou à d’autres moyens susceptibles d’invalider ledit consentement. Or, la requérante précise, dans la réplique, que ses allégations relatives aux pressions exercées par la Commission ne visent pas à établir un cas de violence au sens des articles 1109 et suivants du code civil (voir point 46 ci-dessus). Partant, contrairement à ce que fait valoir la requérante, il ne saurait être considéré que la modification du contrat de 2001 est intervenue du fait unilatéral de la Commission.

65      Dans ces conditions, il ne saurait non plus être accepté que la Commission n’ait pas le droit de demander la modification du modèle de remboursement des dépenses à titre rétroactif durant l’exécution d’un projet, d’autant plus que la décision 1999/65 et le règlement n° 996/1999 prévoient les conditions dans lesquelles il peut être recouru au modèle des coûts additionnels. Ainsi, les lignes directrices ne sauraient être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à tout changement du modèle de remboursement en cours d’exécution d’un projet, y compris lorsque le modèle initialement choisi n’est pas conforme aux prévisions de la décision 1999/65 ou du règlement n° 996/1999. En effet, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la question de savoir si tel est le cas en l’espèce, une telle interprétation justifierait de perpétuer les effets d’un choix non conforme aux règles applicables, ce qui ne saurait être toléré.

66      La question de savoir si le comportement de la Commission est contraire au principe de bonne administration est également dénuée de pertinence. En effet, à supposer même que, en ne fournissant pas d’explication cohérente quant aux raisons justifiant la demande de modification du contrat de 2001 et en menaçant en même temps d’exercer des prérogatives telles que la suspension des futurs paiements, la Commission aurait violé, ainsi que le prétend la requérante, l’obligation de bonne administration lui incombant, cette circonstance n’est pas, à elle seule, de nature à invalider le contrat de 2004, qui, à partir de sa conclusion, régit avec effet rétroactif les droits et les obligations des parties.

67      Il en va de même de la violation alléguée des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique. Dans la mesure où la requérante ne fait pas valoir que son consentement à la signature du contrat de 2004 a été vicié, elle ne saurait prétendre utilement qu’elle nourrissait une confiance légitime dans le maintien du modèle de remboursement initial ou que le principe de sécurité juridique a été enfreint, puisque le nouveau modèle a été mis en place avec son accord.

68      Il résulte de ce qui précède que, dès lors que le contrat de 2004 a été valablement conclu, les droits et obligations des parties sont régis par les termes de ce dernier, les motifs ayant donné lieu à cette modification ne jouant aucun rôle à cet égard. Aussi, les allégations de la requérante relatives à la violation des règles relatives au choix du modèle de remboursement, à l’établissement d’un cas de fraude ou d’irrégularité financière grave ainsi qu’à la violation par la Commission de ses obligations contractuelles ou des principes de bonne administration, de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique ne sauraient prospérer.

69      Il s’ensuit que le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

70      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Nexus Europe (Ireland) Ltd est condamnée aux dépens.

Martins Ribeiro

Papasavvas

Dittrich

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 mai 2010.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.