Language of document : ECLI:EU:F:2009:39

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

28 avril 2009 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Enquête interne de l’OLAF – Décision de transmission par l’OLAF d’informations aux autorités judiciaires nationales – Acte faisant grief – Recevabilité – Droits de la défense »

Dans les affaires jointes F‑5/05 et F‑7/05,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Antonello Violetti, demeurant à Cittiglio (Italie), et les douze autres fonctionnaires de la Commission des Communautés européennes, dont les noms figurent en annexe au présent arrêt, représentés par Me É. Boigelot, avocat,

parties requérantes dans l’affaire F‑5/05,

Nadine Schmit, ancienne fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Ispra (Italie), représentée par Mes É. Boigelot, P.-P. Van Gehuchten et P. Reyniers, avocats,

partie requérante dans l’affaire F‑7/05,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. J. Currall et C. Ladenburger, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M. Bauer et A. Vitro, en qualité d’agents,

partie intervenante,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. H. Kreppel (rapporteur), président, H. Tagaras et S. Gervasoni, juges,

greffier : M. S. Boni, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 juillet 2007,

rend le présent

Arrêt

1        Par des requêtes déposées au greffe du Tribunal de première instance des Communautés européennes respectivement les 11 janvier et 17 février 2005, les requérants sollicitent en substance, premièrement, l’annulation de la décision par laquelle l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a décidé d’ouvrir une enquête interne, des actes d’investigations accomplis dans le cadre de cette enquête interne, de la décision de l’OLAF de transmettre aux autorités judiciaires italiennes des informations les concernant, du rapport établi à l’issue de l’enquête, deuxièmement, la condamnation de la Commission des Communautés européennes à leur payer des dommages-intérêts.

 Cadre juridique

2        L’OLAF, institué par la décision 1999/352/CE, CECA, Euratom de la Commission, du 28 avril 1999 (JO L 136, p. 20), est chargé, notamment, d’effectuer des enquêtes administratives internes en vue de rechercher les faits graves, liés à l’exercice d’activités professionnelles, pouvant constituer un manquement aux obligations des fonctionnaires et agents des Communautés, susceptibles de poursuites disciplinaires et, le cas échéant, pénales.

3        Le règlement (CE) nº 1073/1999 du Parlement européen et du Conseil, du 25 mai 1999, relatif aux enquêtes effectuées par l’OLAF (JO L 136, p. 1), régit les contrôles, vérifications et actions entrepris par les agents de l’OLAF dans l’exercice de leurs fonctions. Les enquêtes effectuées par l’OLAF consistent en des enquêtes « externes », menées à l’extérieur des institutions, organes et organismes de la Communauté, et en des enquêtes « internes », menées à l’intérieur de ces institutions, organes et organismes.

4        Aux termes de l’article 5, deuxième alinéa, du règlement n° 1073/1999, les enquêtes internes sont ouvertes par une décision du directeur de l’OLAF qui agit de sa propre initiative ou suite à une demande de l’institution, organe ou organisme au sein duquel l’enquête devra être effectuée.

5        L’article 9 du règlement nº 1073/1999 prévoit que, à l’issue d’une enquête effectuée par l’OLAF, celui-ci établit, sous l’autorité de son directeur, un rapport qui comporte, en particulier, les conclusions de l’enquête, y compris les recommandations du directeur sur les suites qu’il convient d’y donner. Conformément au paragraphe 4 de cet article, le rapport établi à la suite d’une enquête interne et les documents y afférents sont transmis à l’institution, à l’organe ou à l’organisme concerné qui lui donne, le cas échéant, les suites disciplinaires et judiciaires que les résultats de l’enquête appellent.

6        Le paragraphe 2 de l’article 10 du règlement n° 1073/1999, intitulé « Transmission d’informations par l’[OLAF] », est ainsi libellé :

« Sans préjudice des articles 8, 9 et 11 du présent règlement, le directeur de l’[OLAF] transmet aux autorités judiciaires de l’État membre concerné les informations obtenues par l’[OLAF] lors d’enquêtes internes sur des faits susceptibles de poursuites pénales. Sous réserve des nécessités de l’enquête, il en informe simultanément l’État membre concerné. »

7        En vertu de l’article 14 du règlement n° 1073/1999, tout fonctionnaire ou tout autre agent des Communautés européennes peut saisir le directeur de l’OLAF d’une réclamation dirigée contre un acte lui faisant grief, effectué par l’OLAF dans le cadre d’une enquête interne, selon les modalités prévues à l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut »).

8        Le règlement (CE, Euratom) n° 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004 (JO L 124, p. 1), a inséré dans le statut un article 90 bis libellé comme suit :

« Toute personne visée au présent statut peut soumettre au directeur de l’[OLAF] une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, l’invitant à prendre à son égard une décision en rapport avec une enquête de l’Office. Elle peut également soumettre au directeur de l’[OLAF] une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, contre un acte de l’Office lui faisant grief en rapport avec une enquête de l’Office. »

9        L’article 4 de la décision 1999/396/CE, CECA, Euratom de la Commission, du 2 juin 1999, relative aux conditions et modalités des enquêtes internes en matière de lutte contre la fraude, la corruption et toute activité illégale préjudiciable aux intérêts des Communautés (JO L 149, p. 57), intitulé « Information de l’intéressé », dispose :

« Dans le cas où apparaît la possibilité d’une implication personnelle d’un membre, d’un fonctionnaire ou d’un agent de la Commission, l’intéressé doit en être informé rapidement lorsque cela ne risque pas de nuire à l’enquête. En tout état de cause, des conclusions visant nominativement un membre, un fonctionnaire ou un agent de la Commission ne peuvent être tirées à l’issue de l’enquête sans que l’intéressé ait été mis à même de s’exprimer sur tous les faits qui le concernent.

Dans des cas nécessitant le maintien d’un secret absolu aux fins de l’enquête et exigeant le recours à des moyens d’investigation relevant de la compétence d’une autorité judiciaire nationale, l’obligation d’inviter le membre, le fonctionnaire ou l’agent de la Commission à s’exprimer peut être différée en accord avec, respectivement, le président de la Commission ou le secrétaire général de celle-ci. »

 Exposé des faits

10      Au cours de l’année 2002, l’unité chargée de l’audit interne au sein de la direction générale (DG) « Centre commun de recherche » (ci-après le « CCR ») a établi un rapport portant sur l’application de l’article 73 du statut à l’égard du personnel de cette direction générale affecté à Ispra (Italie) (ci-après le « rapport d’audit interne du CCR »). Dans ce rapport étaient notamment décrits les faits suivants :

« –      230 membres du personnel du CCR à Ispra (20 % du nombre total du personnel à Ispra) souffriraient d’une invalidité permanente partielle.

–        5,7 millions d’euros de prestations pour invalidité permanente partielle ont été versés aux membres du personnel du CCR Ispra entre 1996 et 2002.

–        Chaque bénéficiaire aurait reçu en moyenne 25 000 euros.

–        46 membres du personnel auraient reçu collectivement près de 3 millions d’euros, chacun obtenant plus de 35 000 euros.

–        23 membres du personnel auraient reçu collectivement un peu plus de 2 millions d’euros, chacun obtenant plus de 50 000 euros.

–        8 membres du personnel auraient reçu collectivement plus d’1 million d’euros, chacun obtenant plus de 80 000 euros.

–        1 personne, éventuellement 2, aurait reçu près de 300 000 euros.

–        76 membres du personnel, déjà atteints d’une invalidité permanente partielle, auraient subi un deuxième accident, entraînant une invalidité permanente partielle complémentaire.

–        30 % des bénéficiaires auraient obtenu plus d’un versement au titre d’une invalidité permanente partielle.

–        10 % des bénéficiaires auraient obtenu 3 versements ou plus (allant jusqu’à 11) au titre d’une invalidité permanente partielle. »

11      Soulignant que les conditions de travail au sein du site d’Ispra ne pouvaient justifier un tel nombre d’accidents et qu’il existait des suspicions sur la sincérité des déclarations d’accident, le rapport d’audit interne du CCR concluait à la nécessité d’informer l’OLAF de ces faits et suggérait qu’une comparaison fût faite entre la fréquence des déclarations d’accident émanant du personnel du CCR affecté à Ispra et la fréquence des déclarations émanant du reste du personnel de la Commission.

12      Le 14 octobre 2002, sur la base du rapport d’audit interne du CCR, le directeur de l’OLAF a ouvert, en application de l’article 5, deuxième alinéa, du règlement n° 1073/1999, une enquête interne en raison de « suspicions de fraude au détriment du budget communautaire dans la gestion des fonds de la [c]aisse maladie au [CCR] d’Ispra » (ci-après la « décision d’ouverture de l’enquête interne »).

13      Le 13 janvier 2003, l’ancien directeur de l’Institut de l’environnement durable (ci-après l’« IES »), dépendant du CCR, a été entendu par les agents de l’OLAF chargés de l’enquête interne. Au cours de son audition, il a indiqué que, ayant lui-même bénéficié d’indemnités à la suite de plusieurs accidents subis dans sa vie privée entre 1997 et 2001, il avait été « surpris [de la] certaine facilité avec laquelle la Commission attribu[ait] des indemnisations en cas d’accident », précisant même que, dans le cadre d’un des accidents dont il avait été victime, une proposition d’indemnisation lui avait été faite alors qu’il n’avait pas communiqué le rapport du médecin légiste et que « les douleurs résiduelles dont [il souffrait suite à cet accident] étaient faibles pour [justifier] une indemnisation ». L’ancien directeur de l’IES formulait également l’observation suivante :

« Il m’a semblé que le mécanisme [de constatation de l’existence et du niveau du taux d’invalidité permanente partielle suite à un accident] est très léger par rapport à [un] accident [qui surviendrait] dans un État membre de l’Union européenne. Finalement, il y a un médecin légiste qui est là depuis plusieurs années, […] qui propose le taux d’invalidité. À mon avis, l’évaluation du médecin légiste n’était pas remise en cause de façon approfondie par le médecin[-]conseil. Il serait facile de pallier ce problème en substituant le médecin[-]conseil par un médecin d’origine non locale. Le risque est grand car les deux médecins sont sensiblement du même âge (environ la soixantaine), habitent la même région et doivent vraisemblablement se connaître. »

14      À la demande des agents de l’OLAF désignés pour effectuer l’enquête, la direction C de l’OLAF a procédé à une analyse des données informatiques de la DG « Personnel et administration » concernant le nombre et le montant des remboursements effectués en application de l’article 73 du statut, et a croisé lesdites données avec celles figurant dans la base de données du système comptable de la Commission en vigueur avant 1998. Se fondant sur une telle analyse, l’OLAF a relevé que 42 fonctionnaires du CCR d’Ispra avaient chacun déclaré au moins neuf accidents entre janvier 1986 et juillet 2003 et que ces cas, qui pouvaient apparaître, à première vue, comme suspects, devaient faire l’objet d’un examen approfondi.

15      Par une note datée du 5 août 2003 (ci-après la « note du 5 août 2003 »), le directeur général de l’OLAF a, conformément à l’article 10, paragraphe 2, première phrase, du règlement n° 1073/1999, transmis au procureur de la République de Varèse (Italie) des informations obtenues au cours de l’enquête interne concernant des faits susceptibles, selon l’OLAF, de faire l’objet de poursuites pénales (ci-après la « décision de transmission des informations aux autorités judiciaires italiennes »). À cette note était annexée une « note informative », datée du 23 juillet 2003 et établie par les agents chargés de l’enquête interne (ci-après la « note informative du 23 juillet 2003 »), dans laquelle étaient mis en cause les 42 fonctionnaires du CCR d’Ispra mentionnés au point précédent. Était également annexé à la note du 5 août 2003 le procès-verbal d’audition de l’ancien directeur de l’IES.

16      Suite à la réception des informations transmises par l’OLAF dans la note du 5 août 2003, le procureur de la République de Varèse a ouvert une enquête portant sur l’existence d’éventuelles infractions pénales.

17      Le 7 avril 2004, l’OLAF a envoyé aux requérants, lesquels figuraient parmi les 42 fonctionnaires visés dans la note informative du 23 juillet 2003, le courrier suivant :

« Le 14 octobre 2002, l’OLAF a ouvert une enquête interne concernant l’application à Ispra du régime de l’assurance accident prévu par l’article 73 du statut. L’enquête s’est concentrée sur les fonctionnaires qui ont déclaré plus de [neuf] accidents au cours de la période janvier 1986/juillet 2003. Il a été constaté que vous figuriez au nombre de ces personnes. Le 5 août 2003, l’OLAF a transmis un rapport au procureur [de la République] de Varèse (Italie) en vue d’informer cette autorité de l’existence de possibles infractions, lesquelles seraient susceptibles de poursuites si leur existence devait être confirmée. […] »

18      Entre les 11 et 30 juin 2004, chacun des requérants de l’affaire F‑5/05 a, sur le fondement de l’article 90 bis du statut, soumis au directeur de l’OLAF une réclamation dirigée contre la décision de transmission des informations aux autorités judiciaires italiennes. Également entre les 11 et 30 juin 2004, chacun d’entre eux a, sur le fondement de l’article 90, paragraphe 2, du statut, soumis à l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») une réclamation à l’encontre de la décision susmentionnée, se plaignant que celle-ci n’aurait été ni motivée en la forme, ni fondée au fond et qu’elle aurait porté atteinte à son honneur, et a également introduit une demande tendant à ce que la Commission lui prête assistance au titre de l’article 24 du statut.

19      Par une lettre datée du 9 juillet 2004, parvenue à la Commission le 16 juillet suivant, la requérante de l’affaire F‑7/05 a également formé une réclamation à l’encontre de la décision de transmission des informations aux autorités judiciaires italiennes et a sollicité le versement par la Commission d’une somme de 500 000 euros, en réparation de son préjudice.

20      Par courrier électronique du 16 juillet 2004, un des requérants de l’affaire F‑5/05, M. Violetti, a sollicité du CCR d’Ispra l’accès à son dossier médical et en particulier aux pièces relatives à l’application, en ce qui le concerne, de l’article 73 du statut. Cette demande a été rejetée par le service médical, au motif que ces documents avaient été mis sous scellés par l’OLAF et qu’ils n’étaient pas accessibles. Des demandes tendant aux mêmes fins et introduites par les autres requérants des affaires F‑5/05 et F‑7/05 ont également été rejetées.

21      Le 20 août 2004, le procureur de la République de Varèse a demandé à la Commission la levée du devoir de réserve ainsi que la levée de l’immunité pour certains des fonctionnaires mentionnés dans la note informative du 23 juillet 2003. La Commission a fait droit à cette demande le 28 septembre 2004.

22      L’OLAF n’ayant pas répondu dans le délai de quatre mois prescrit à l’article 90, paragraphe 2, du statut, aux réclamations qui lui avaient été adressées par les requérants, celles-ci ont fait l’objet de rejets implicites.

23      Par des décisions intervenues les 15, 21 et 28 octobre 2004, l’AIPN a rejeté les réclamations que lui avaient soumises les requérants de l’affaire F‑5/05, au motif qu’il « n’appart[enait] pas à la Commission de commenter les activités engagées par l’OLAF dans l’exercice de ses fonctions ». De même, les demandes tendant à ce que la Commission leur prête l’assistance prévue à l’article 24 du statut ont été rejetées, l’AIPN estimant que les intéressés n’avaient fait l’objet d’aucune menace, outrage, injure, diffamation ou attentat en raison de leurs qualités et de leurs fonctions et que l’enquête ouverte par l’OLAF avait été conduite en conformité avec les dispositions en vigueur.

24      Le 25 novembre 2004, l’OLAF a, à l’issue de l’enquête interne, établi, en application de l’article 9, paragraphe 1, du règlement n° 1073/1999, un rapport comportant les faits constatés, le préjudice financier subi par les Communautés et les conclusions de l’enquête, y compris les recommandations du directeur de l’OLAF sur les suites qu’il convenait de donner à cette enquête (ci-après le « rapport final d’enquête »). Ledit rapport a été envoyé au secrétaire général de la Commission, aux directeurs généraux de la DG « Personnel et administration » et du CCR, ainsi qu’au directeur de l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels ».

25      Dans le rapport final d’enquête, il était indiqué que le personnel du CCR d’Ispra avait déclaré trois à quatre fois plus d’accidents que le reste du personnel de la Commission affecté sur d’autres sites et que la probabilité pour que ces déclarations conduisent à la constatation d’une invalidité permanente partielle était de deux à trois fois supérieure au CCR d’Ispra que dans le reste de la Commission. Il était également souligné que certains des 42 fonctionnaires visés dans la note informative du 23 juillet 2003 avaient pu se faire verser des sommes considérables après avoir déclaré plusieurs accidents d’une gravité pourtant mineure. Le rapport final d’enquête relevait toutefois que les investigations menées dans le cadre de l’enquête interne, quoique ayant mis en évidence des défaillances en ce qui concerne l’intervention du médecin désigné par la Commission aux fins de formuler un avis sur le taux d’invalidité permanente, n’avaient pas permis de constater, du fait de la nature purement administrative de cette enquête, l’existence de déclarations d’accident frauduleuses, et que, dans ces conditions, il appartenait aux autorités judiciaires italiennes de répondre à la question de savoir si les 42 fonctionnaires mis en cause avaient effectivement commis des infractions pénales. Par ailleurs, le rapport final d’enquête ne proposait pas l’ouverture d’une procédure disciplinaire à l’encontre desdits fonctionnaires.

26      Le 21 février 2005, l’OLAF a expressément rejeté les réclamations introduites par les requérants de l’affaire F‑5/05.

27      Le procureur de la République de Varèse a ordonné une expertise médico-légale sur l’ensemble des accidents ayant fait l’objet d’une déclaration par les 42 fonctionnaires visés dans la note informative du 23 juillet 2003 (ci-après l’« expertise médico-légale »). Sur demande du procureur, l’OLAF a transmis, le 15 avril 2005, les copies des documents nécessaires pour que soit menée cette expertise.

28      Le 15 juin 2005, l’expertise médico-légale a conclu que les éléments de nature médicale n’étaient pas suffisants pour établir l’existence de déclarations d’accident frauduleuses. En conséquence, après avoir été sollicité en ce sens par le procureur de la République de Varèse, le juge des enquêtes préliminaires du Tribunal de Varèse a, le 12 juillet 2005, décidé de classer la procédure.

29      Par notes du 9 octobre 2006, l’OLAF a informé les requérants du classement de la procédure.

 Procédure et conclusions des parties

30      Le recours F‑5/05 a initialement été enregistré le 11 janvier 2005 au greffe du Tribunal de première instance sous la référence T‑22/05.

31      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        ordonner la production de tous dossiers concernant les requérants et cachetés par l’OLAF ;

–        ordonner la production du rapport final d’enquête ;

–        annuler l’enquête menée à l’encontre des requérants ;

–        annuler la note de l’OLAF contenant « notification de l’enquête et information des autorités judiciaires italiennes » ;

–        annuler le rapport d’enquête transmis aux autorités judiciaires italiennes ;

–        annuler « tout acte consécutif et/ou relatif à ces décisions qui interviendrait postérieurement au présent recours » ;

–        condamner l’OLAF et la Commission au paiement de dommages et intérêts, évalués ex aequo et bono à 30 000 euros pour chaque requérant, sous réserve d’augmentation et/ou diminution en cours de procédure ;

–        condamner, en tout état de cause, la Commission aux dépens, en ce compris les frais et honoraires de l’avocat consulté par les requérants en vue d’introduire le présent recours.

32      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal de première instance le 27 avril 2005, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité à l’encontre du recours T‑22/05, conformément à l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, applicable mutatis mutandis au Tribunal, en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), jusqu’à l’entrée en vigueur du règlement de procédure de ce dernier.

33      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

34      Le recours F‑7/05 a initialement été enregistré le 17 février 2005 au greffe du Tribunal de première instance sous la référence T‑84/05.

35      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        ordonner la production de tous dossiers concernant la requérante et cachetés par l’OLAF ;

–        ordonner la production du rapport final d’enquête ;

–        annuler l’enquête menée à l’encontre de la requérante ;

–        annuler la note de l’OLAF contenant « notification de l’enquête et information des autorités judiciaires italiennes » ;

–        annuler le rapport d’enquête transmis aux autorités judiciaires italiennes ;

–        annuler tout acte consécutif et/ou relatif à ces décisions qui interviendrait postérieurement au présent recours ;

–        condamner l’OLAF et la Commission au paiement de dommages et intérêts, évalués ex aequo et bono à 30 000 euros, sous réserve d’augmentation et/ou diminution en cours de procédure ;

–        condamner, en tout état de cause, la Commission aux dépens, en ce compris les frais et honoraires de l’avocat consulté par la requérante en vue d’introduire le présent recours.

36      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal de première instance le 27 avril 2005, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité à l’encontre du recours T‑84/05, conformément à l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal de première instance. Elle conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

37      Par ordonnance du 3 mai 2005 du président de la quatrième chambre du Tribunal de première instance, les affaires T‑22/05 et T‑84/05 ont été jointes aux fins de la procédure écrite, de la procédure orale et de l’arrêt, conformément à l’article 50 du règlement de procédure dudit Tribunal.

38      Par courriers en date du 31 mai 2005 et parvenus au greffe du Tribunal de première instance le jour même par télécopie (le dépôt des originaux étant intervenu le 2 juin suivant), le Conseil de l’Union européenne a demandé à intervenir dans les affaires T‑22/05 et T‑84/05 au soutien des conclusions de la Commission.

39      Par acte déposé au greffe du Tribunal de première instance le 21 juin 2005, les requérants ont fait part de leurs observations quant aux exceptions d’irrecevabilité soulevées par la Commission.

40      Par ordonnance du 13 juillet 2005 du président de la quatrième chambre du Tribunal de première instance, le Conseil a été admis à intervenir dans les affaires jointes T‑22/05 et T‑84/05 au soutien des conclusions de la Commission.

41      Par un mémoire en intervention portant exclusivement sur la recevabilité des recours joints T‑22/05 et T‑84/05, parvenu au greffe du Tribunal de première instance le 30 septembre 2005 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 4 octobre suivant), le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours comme irrecevables ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

42      Par ordonnance du 15 décembre 2005, le Tribunal de première instance a, en application de l’article 3, paragraphe 3, de la décision 2004/752, renvoyé les affaires T‑22/05 et T‑84/05 devant le Tribunal. Les recours ont été respectivement enregistrés au greffe de ce dernier sous les références F‑5/05 et F‑7/05.

43      Par acte déposé le 20 décembre 2005 au greffe du Tribunal, les requérants ont fait part de leurs observations quant au mémoire en intervention présenté par le Conseil dans les affaires F‑5/05 et F‑7/05.

44      Par ordonnance du 21 mars 2006 de la première chambre du Tribunal, les exceptions d’irrecevabilité soulevées dans les affaires F‑5/05 et F‑7/05 ont été jointes au fond.

45      Par son mémoire en défense, parvenu au greffe du Tribunal le 20 juin 2006 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le même jour), la Commission, tout en maintenant ses conclusions d’irrecevabilité des recours dans leur ensemble, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer les recours non fondés ;

–        condamner les requérants aux dépens.

46      Par son mémoire en intervention sur le fond, parvenu au greffe du Tribunal le 20 juin 2006 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 22 juin suivant), le Conseil, tout en maintenant ses conclusions d’irrecevabilité des recours dans leur ensemble, conclut à titre subsidiaire à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer les recours non fondés ;

–        statuer comme de droit sur les dépens.

47      Par une requête déposée au greffe du Tribunal le 30 juin 2006, M. Verheyden, ancien fonctionnaire, a introduit un recours, enregistré sous la référence F‑72/06, tendant, notamment, à l’annulation de la décision d’ouverture de l’enquête interne, ainsi qu’à l’annulation de la décision de transmission des informations aux autorités judiciaires italiennes.

48      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 10 juillet 2006, les requérants ont fait part de leurs observations quant au mémoire en intervention présenté par le Conseil sur le fond de l’affaire.

49      En vertu de l’article 64, paragraphe 3, sous a) et d), du règlement de procédure du Tribunal de première instance, le Tribunal a posé des questions aux parties principales et a sollicité de la Commission la production des dossiers médicaux et administratifs concernant les accidents dont auraient été victimes les requérants entre janvier 1986 et juillet 2003, du rapport final d’enquête et de tout document de la Commission, en particulier de l’OLAF, relatif à l’enquête. Les requérants et la Commission ont déféré aux demandes du Tribunal.

50      Par ordonnance du 13 juin 2007 du président de la première chambre du Tribunal, les affaires jointes F‑5/05 et F‑7/05 ont été jointes à l’affaire F‑72/06 aux fins de la procédure orale, conformément à l’article 50, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal de première instance.

51      Au cours de l’audience, qui s’est tenue le 3 juillet 2007, les requérants ont indiqué que leurs demandes tendant à ce que soient produits le rapport final d’enquête ainsi que leurs dossiers médicaux étaient devenues sans objet.

52      Par ordonnances du 2 août 2007 de la première chambre du Tribunal, la procédure orale dans les affaires jointes F‑5/05 et F‑7/05 ainsi que la procédure orale dans l’affaire F‑72/06 ont été rouvertes.

53      En vertu de l’article 64, paragraphe 3, sous c) et d), du règlement de procédure du Tribunal de première instance, le Tribunal a invité la Commission et le Conseil à produire les travaux préparatoires de l’article 90 bis du statut et à indiquer quels actes de l’OLAF seraient, à leur avis, susceptibles de faire grief et de faire l’objet d’une réclamation en application de l’article 90 bis du statut. La Commission et le Conseil ont déféré à la demande du Tribunal.

54      Les requérants ont fait part de leurs observations sur les réponses de la Commission et du Conseil aux mesures d’organisation de la procédure visées au point précédent.

 En droit

 Sur la portée du litige

55      Les requérants doivent être regardés comme sollicitant en substance :

–        l’annulation de la décision d’ouverture de l’enquête interne ;

–        l’annulation des actes d’investigation intervenus lors de l’enquête interne (ci-après les « actes d’investigation de l’OLAF ») ;

–        l’annulation de la décision de transmission des informations aux autorités judiciaires italiennes ;

–        l’annulation du rapport final d’enquête ;

–        l’annulation de « tout acte consécutif et/ou relatif à ces décisions qui interviendrait postérieurement au présent recours » ;

–        la condamnation de la Commission à leur verser des dommages-intérêts.

 Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision d’ouverture de l’enquête interne, des actes d’investigation de l’OLAF et du rapport final d’enquête

56      Il ressort de l’article 91, paragraphe 2, du statut qu’un recours n’est recevable que si l’administration a été préalablement saisie d’une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, et dans le délai y prévu, et si cette réclamation a fait l’objet d’une décision explicite ou implicite de rejet.

57      En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que le seul acte contesté par les requérants dans les réclamations dont ils ont saisi le directeur de l’OLAF est la décision de transmission des informations aux autorités judiciaires italiennes. Il en résulte que les conclusions tendant à l’annulation de la décision d’ouverture de l’enquête interne, des actes d’investigation de l’OLAF et du rapport final d’enquête, lesquelles n’ont été précédées d’aucune réclamation, doivent être rejetées comme irrecevables, quand bien même ces actes constitueraient, ainsi que le font valoir les requérants, des actes faisant grief au sens de l’article 90 bis du statut.

 Sur les conclusions tendant à l’annulation de « tout acte consécutif et/ou relatif à ces décisions qui interviendrait postérieurement au présent recours »

58      Il importe de rappeler que, selon l’article 44, paragraphe 1, sous c) et d), du règlement de procédure du Tribunal de première instance, toute requête doit contenir l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués ainsi que les conclusions du requérant. Cette information doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui.

59      En l’espèce, les conclusions susmentionnées ne permettent pas d’identifier clairement l’acte ou les actes en question dont elles poursuivent l’annulation et doivent, pour cette raison, être rejetées comme irrecevables.

 Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision de transmission des informations aux autorités judiciaires italiennes

 Sur la recevabilité

–       Arguments des parties

60      La Commission et le Conseil demandent au Tribunal de rejeter comme irrecevables les conclusions susmentionnées, au motif qu’une décision de transmission d’informations à des autorités judiciaires nationales en application de l’article 10, paragraphe 2, première phrase, du règlement n° 1073/1999 (ci-après la « décision prise en application de l’article 10, paragraphe 2, première phrase, du règlement n° 1073/1999 ») ne constituerait pas, ainsi qu’il aurait été précédemment jugé par les juridictions communautaires, un acte faisant grief. Ils soulignent qu’une décision de cette nature ne serait qu’une mesure préparatoire d’une décision finale que les autorités judiciaires ou administratives nationales seraient susceptibles de prendre, ces dernières étant libres de décider de la suite à donner à cet acte et étant les seules autorités à pouvoir arrêter des décisions susceptibles d’affecter la situation juridique de la personne concernée par l’acte [ordonnance du président de la Cour du 19 avril 2005, Tillack/Commission, C‑521/04 P(R), Rec. p. I‑3103 ; ordonnances du Tribunal de première instance du 18 décembre 2003, Gómez Reino/Commission, T‑215/02, RecFP p. I‑A‑345 et II‑1685, et du 13 juillet 2004, Comunidad Autónoma de Andalucía/Commission, T‑29/03, Rec. p. II‑2923 ; ordonnance du président du Tribunal de première instance du 15 octobre 2004, Tillack/Commission, T‑193/04 R, Rec. p. II‑3575 ; arrêts du Tribunal de première instance du 6 avril 2006, Camós Grau/Commission, T‑309/03, Rec. p. II‑1173, et du 4 octobre 2006, Tillack/Commission, T‑193/04, Rec. p. II‑3995].

61      Les requérants contestent la thèse de la Commission et du Conseil. Après avoir rappelé que l’article 90 bis du statut aurait été adopté afin de permettre au juge communautaire d’assurer le contrôle des actes que l’OLAF accomplit dans le cadre de ses enquêtes, ils font valoir que, dans le cas d’espèce, la décision de transmission des informations aux autorités judiciaires italiennes aurait porté atteinte, de manière disproportionnée, à un certain nombre de leurs droits fondamentaux, tels le droit de la défense, le droit à une instruction contradictoire à charge et à décharge, le respect de la vie privée, et aurait, de ce fait, modifié de façon caractérisée leur situation juridique. Aussi, cette décision serait-elle un acte faisant grief au sens de l’article 90 bis du statut.

62      Les requérants ajoutent, s’agissant de la jurisprudence invoquée par la Commission et le Conseil, que celle-ci ne serait pas pertinente dans le cas d’espèce, puisqu’elle aurait été dégagée à l’occasion d’affaires survenues antérieurement à l’insertion dans le statut de l’article 90 bis. En tout état de cause, cette jurisprudence, si elle devait être confirmée en l’espèce, conduirait à une violation du principe de protection juridictionnelle effective, consacré aux articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

63      La Commission et le Conseil rejettent l’argument tiré de ce que la jurisprudence qu’ils citent serait dépourvue de pertinence. Ils soulignent que, avant même l’adoption de l’article 90 bis du statut, il existait une disposition quasiment identique audit article, à savoir l’article 14 du règlement n° 1073/1999, permettant aux fonctionnaires de contester par le biais d’un recours en annulation les actes de l’OLAF leur faisant grief. Or, en dépit de cette disposition, la jurisprudence communautaire aurait constamment refusé de regarder comme faisant grief une décision prise en application de l’article 10, paragraphe 2, première phrase, du règlement n° 1073/1999.

64      Quant à l’argument tiré d’une prétendue violation, dans le cas où la qualification d’acte faisant grief serait refusée à la décision de transmission des informations aux autorités judiciaires italiennes, du principe de protection juridictionnelle effective, il ne pourrait, selon la Commission, davantage être accueilli. En effet, les personnes concernées par une décision prise en application de l’article 10, paragraphe 2, première phrase, du règlement n° 1073/1999 disposeraient toujours de la possibilité d’inviter la juridiction nationale à interroger la Cour de justice des Communautés européennes sur la validité de cette décision. De même, il serait toujours possible pour ces personnes d’introduire devant les juridictions communautaires une action indemnitaire tendant à la réparation du préjudice causé, le cas échéant, par l’acte de transmission.

65      Les requérants ne contestent pas que l’article 90 bis du statut aurait repris la substance de l’article 14 du règlement n° 1073/1999, mais ils rejettent le raisonnement de la Commission et du Conseil selon lequel l’acte susceptible de faire grief serait seulement la décision finale que l’AIPN ou le juge pénal national pourrait adopter sur la base des résultats de l’enquête interne.

66      Invités, dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, à indiquer quels actes de l’OLAF seraient, à leur avis, susceptibles de faire l’objet d’une réclamation en application de l’article 90 bis du statut puis d’un recours subséquent, la Commission et le Conseil indiquent qu’il s’agirait d’actes effectués par l’OLAF dans le cadre d’une enquête interne et qui déploieraient des effets juridiques obligatoires à l’encontre d’un fonctionnaire ou d’un agent non concerné par les allégations faisant l’objet de l’enquête. Il en irait en particulier de la fouille des effets personnels lors de l’accès au bureau d’un fonctionnaire ou d’un agent tiers, de la saisie de tels effets personnels, de l’interrogatoire d’un fonctionnaire ou d’un agent tiers au cours duquel l’OLAF aurait recours à des méthodes illicites, ou encore de l’écoute téléphonique clandestine de l’appareil d’un fonctionnaire ou d’un agent tiers. En effet, de tels actes d’enquête ne pourraient s’analyser, en ce qui concerne les tiers, comme des actes préparatoires d’une décision finale de l’administration attaquable par un recours en annulation, puisque le rapport d’enquête ultérieurement établi ne pourrait mettre en cause le fonctionnaire ou l’agent tiers. Ainsi, celui-ci ne disposerait d’aucune possibilité ultérieure d’attaquer de façon incidente les actes de l’OLAF accomplis à son encontre et devrait donc pouvoir les contester directement afin de bénéficier notamment d’une protection juridictionnelle de ses droits subjectifs.

67      S’agissant en revanche de la question de savoir si des actes de la nature de ceux décrits ci-dessus, mais pris à l’encontre du fonctionnaire ou de l’agent visé par les allégations objets de l’enquête, pourraient être qualifiés d’actes faisant grief, la Commission précise qu’une telle qualification pourrait, à titre exceptionnel, être reconnue auxdits actes, à la condition de les distinguer strictement de tout autre acte d’enquête qui ne ferait que préparer les conclusions de l’OLAF et à l’encontre duquel la voie de recours adéquate consisterait à l’attaquer de manière incidente. Or, selon la Commission, force serait de constater qu’aucune de ces hypothèses exceptionnelles ne se présenterait dans le cas d’espèce, les requérants ne prétendant pas avoir fait l’objet d’un acte de la nature de ceux auxquels il conviendrait de reconnaître la qualification d’acte faisant grief.

68      Les requérants indiquent qu’ils ne sauraient partager la position de la Commission et du Conseil consistant à traiter de façon plus avantageuse les fonctionnaires et agents tiers par rapport aux fonctionnaires et agents mis en cause dans le cadre d’une enquête interne. Une telle position, outre le fait qu’elle serait discriminatoire, serait par ailleurs erronée compte tenu de la finalité même de l’article 90 bis du statut, lequel devrait être lu à la lumière du considérant 10 du règlement n° 1073/1999 qui prévoit expressément que les enquêtes doivent être conduites dans le respect du statut ainsi que dans le plein respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et notamment du droit pour la personne impliquée de s’exprimer sur des faits qui la concernent et du droit à ce que seuls les éléments ayant une valeur probante puissent fonder les conclusions d’une enquête.

–       Appréciation du Tribunal

69      Il convient à titre liminaire de rappeler que, suite à la création de l’OLAF par la décision 1999/352, le législateur communautaire, dans le but de soumettre les activités de cet office à un contrôle juridictionnel effectif, a prévu, à l’article 14 du règlement n° 1073/1999, que « [d]ans l’attente de la modification du statut, tout fonctionnaire [ou] tout autre agent des Communautés européennes [pourrait] saisir le directeur de l’Office d’une réclamation dirigée contre un acte lui faisant grief, effectué par l’Office dans le cadre d’une enquête interne, selon les modalités prévues à l’article 90, paragraphe 2, du statut » et que « [l]’article 91 du statut [serait] applicable aux décisions prises à l’égard de ces réclamations ». Par la suite, le règlement n° 723/2004 a consacré la possibilité pour les fonctionnaires et les autres agents de poursuivre l’annulation de certains actes de l’OLAF devant les juridictions communautaires en insérant dans le statut un article 90 bis, dont la deuxième phrase prévoit que toute personne visée au statut peut « soumettre au directeur de l’[OLAF] une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, contre un acte de l’Office lui faisant grief en rapport avec une enquête de l’Office ».

70      La question, inédite jusqu’alors en jurisprudence communautaire, est donc posée de savoir si la décision prise en application de l’article 10, paragraphe 2, première phrase, du règlement n° 1073/1999 constitue un acte faisant grief au sens de l’article 90 bis du statut.

71      À cet égard, il importe de souligner que les dispositions de l’article 90 bis du statut ont été adoptées par le législateur communautaire en 2004 afin de garantir la protection juridictionnelle des personnes visées par le statut. En présence d’une habilitation aussi expresse et récente dans le statut, le Tribunal, dans le domaine spécialisé qui est le sien, ne peut négliger les responsabilités que lui a ainsi reconnues le législateur.

72      Ensuite, ces dispositions constituent le corollaire des nouvelles attributions confiées par le législateur à l’OLAF lors de l’adoption du règlement n° 723/2004, que ce soit en matière de lutte contre la fraude, avec l’article 22 bis du statut, ou en matière disciplinaire, avec les dispositions de l’annexe IX du statut. L’article 90 bis du statut reflète ainsi le souci du législateur d’accompagner le renforcement du rôle de l’OLAF de garanties juridictionnelles adéquates.

73      En outre, ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour de justice, le principe de protection juridictionnelle effective constitue un principe général du droit communautaire, qui découle des traditions constitutionnelles communes aux États membres et qui a été consacré par les articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (arrêt de la Cour du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, Rec. p. I‑6351, point 335). Dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, la Cour a notamment jugé, alors que les requérants invoquaient les droits de la défense, en particulier le droit d’être entendu, que l’efficacité du contrôle du juge communautaire, lequel doit porter notamment sur la légalité des motifs de l’acte faisant grief, implique que l’autorité communautaire en cause communique ces motifs aux personnes concernées par cet acte, dans toute la mesure du possible, soit au moment où cet acte est adopté, soit, à tout le moins, aussi rapidement que possible après cette adoption afin de permettre à ces personnes l’exercice, dans les délais, de leur droit de recours (voir, en ce sens, arrêt Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, précité, point 336).

74      Alors que c’est précisément le respect du droit d’être entendu qu’invoquent les requérants dans le présent litige, à l’appui de leur argumentation relative à la garantie d’une protection juridictionnelle effective, il convient de souligner qu’un fonctionnaire ne bénéficierait pas d’une telle garantie si, avant sa mise en cause devant le juge pénal national par la décision prise en application de l’article 10, paragraphe 2, première phrase, du règlement n° 1073/1999, le juge communautaire n’était pas à même de vérifier qu’il a été préalablement entendu ou si les dispositions de l’article 4 de la décision 1999/396 prévoyant que cette obligation peut être différée ont bien été respectées par l’OLAF. Un tel contrôle du juge communautaire sur la décision prise en application de l’article 10, paragraphe 2, première phrase, du règlement n° 1073/1999 est d’autant plus important à ce stade de la procédure que l’OLAF a la possibilité, si le secrétaire général de la Commission l’y autorise, de différer l’obligation de recueillir les observations des intéressés, éventuellement pendant une longue période.

75      Il importe, par ailleurs, de souligner qu’une décision prise en application de l’article 10, paragraphe 2, première phrase, du règlement n° 1073/1999 est susceptible d’emporter des conséquences significatives sur le déroulement de la carrière des personnes concernées. En effet, selon l’article 43 du statut, « [l]a compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire, font l’objet d’un rapport périodique établi au moins tous les deux ans ». Or, lorsque l’OLAF estime que des faits commis par un agent sont susceptibles de poursuites pénales et, pour ce motif, procède à une transmission d’informations aux autorités judiciaires nationales, cette circonstance, le plus souvent portée à la connaissance de l’AIPN par l’OLAF lui-même ou par l’agent concerné quand, par exemple, celui-ci est entendu en qualité de témoin par le juge national, est de nature à affecter l’appréciation que l’administration doit porter sur cet agent dans le cadre de l’exercice d’évaluation, en particulier sur la conduite de celui-ci dans le service.

76      De surcroît, la nature de la protection juridictionnelle garantie aux personnes impliquées dans une enquête ouverte par l’OLAF est modifiée lorsque le directeur de l’OLAF prend une décision en application de l’article 10, paragraphe 2, première phrase, du règlement n° 1073/1999. En effet, si, avant que n’intervienne une telle décision, ces personnes bénéficient, le cas échéant, d’une protection juridictionnelle garantie par les juridictions communautaires contre les éventuelles atteintes portées à leurs droits, cette protection est, suite à l’adoption de la décision, mise en œuvre par les autorités judiciaires nationales ayant reçu de l’OLAF les informations recueillies dans le cadre de l’enquête interne.

77      Or, eu égard aux conséquences qu’elles sont de nature à emporter, il est difficilement concevable de refuser aux décisions prises en application de l’article 10, paragraphe 2, première phrase, du règlement n° 1073/1999 la qualité d’acte faisant grief au sens de l’article 90 bis du statut, alors que le législateur communautaire lui-même a prévu la nécessité d’encadrer les enquêtes internes de l’OLAF par de strictes garanties procédurales et, en particulier, de soumettre les actes les plus significatifs que l’OLAF adopte dans le cadre de telles enquêtes – au nombre desquels figurent nécessairement, eu égard à leur portée, les décisions prises en application de l’article 10, paragraphe 2, première phrase, du règlement n° 1073/1999 – au respect du principe fondamental des droits de la défense. En effet, le règlement n° 1073/1999, après avoir énoncé, dans son considérant 10, que les enquêtes de l’OLAF devaient être conduites « dans le plein respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et notamment du principe d’équité, du droit pour la personne impliquée de s’exprimer sur les faits qui la concernent et du droit à ce que seuls les éléments ayant une valeur probante puissent fonder les conclusions d’une enquête », a prévu, à l’article 4, paragraphe 6, sous b), que chaque institution, organe et organisme institué par les traités ou sur la base de ceux-ci adopterait des règles relatives aux « garanties des droits des personnes concernées par une enquête interne ».

78      Si le Tribunal n’exerçait pas ce contrôle de légalité de la décision prise en application de l’article 10, paragraphe 2, première phrase, du règlement n° 1073/1999, alors qu’il est seul à même de le faire en temps utile s’agissant d’une décision concernant une personne visée par le statut, l’éventuelle violation des dispositions du règlement n° 1073/1999 destinées à protéger les droits de la défense ne serait pas censurée. Le juge national resterait en effet saisi des informations que lui a transmises l’OLAF alors que la censure d’une telle illégalité par le juge communautaire pour méconnaissance des droits de la défense implique que le juge national ne puisse se fonder sur de telles informations. La Cour a d’ailleurs déjà jugé qu’une telle méconnaissance des droits de la défense par l’OLAF constitue une violation de formalités substantielles applicables à la procédure d’enquête [ordonnance du président de la Cour du 8 avril 2003, Gómez-Reino/Commission, C-471/02 P(R), Rec. p. I‑3207, point 64].

79      En outre, si, comme le montrent les faits de l’espèce, aucune autorisation du secrétaire général de la Commission n’était accordée à l’OLAF ni même sollicitée par ce dernier, en méconnaissance des dispositions de l’article 4 de la décision 1999/396, sans que le juge communautaire puisse relever cette illégalité, le fonctionnaire ferait illégalement l’objet, à son insu, de procédures le mettant directement en cause pendant plusieurs mois. La circonstance que l’obligation d’entendre l’intéressé puisse être différée et que celui-ci puisse ainsi ne pas être en mesure de faire valoir ses droits devant un juge, qu’il soit communautaire ou national, justifie d’autant plus la recevabilité d’un recours en annulation directement dirigé contre la décision prise en application de l’article 10, paragraphe 2, première phrase, du règlement n° 1073/1999. Dans un tel contexte, les garanties procédurales existant devant le juge national ne peuvent en effet trouver à s’appliquer aussi longtemps que le fonctionnaire intéressé n’est pas informé de l’enquête pénale menée à son encontre. De surcroît, seul un contrôle juridictionnel exercé au stade de l’adoption de la décision prise en application de l’article 10, paragraphe 2, première phrase, du règlement n° 1073/1999 est de nature à préserver en temps utile le respect des prérogatives du secrétaire général de la Commission, unique autorité extérieure à l’OLAF habilitée à exercer un certain droit de regard sur la conduite d’une enquête, aux fins de décider du maintien de la confidentialité de l’enquête avant la saisine des autorités judiciaires nationales.

80      Par ailleurs, pour être effectif, le contrôle juridictionnel d’un acte tel qu’une décision prise en application de l’article 10, paragraphe 2, première phrase, du règlement n° 1073/1999 ne saurait être exercé dans le seul cadre d’un recours en indemnité. Certes, ce recours permet au fonctionnaire d’obtenir réparation des préjudices qu’il aurait subis à l’occasion d’une enquête de l’OLAF (voir arrêt Camós Grau/Commission, précité). Toutefois, une telle action en indemnité, d’une part, suppose, pour un fonctionnaire communautaire, une procédure précontentieuse en deux étapes, dont l’issue contentieuse est relativement longue, et, d’autre part, ne permet pas d’assurer le respect des droits de la défense au moment où ils sont susceptibles d’être violés.

81      Le Tribunal tient à cet égard à souligner qu’il ressort d’une jurisprudence constante qu’une protection juridictionnelle effective suppose que le justiciable dont les intérêts sont lésés par un acte faisant grief puisse demander au juge l’adoption de mesures de protection provisoires, en référé. Or, une action tendant au sursis à l’exécution d’un tel acte n’est recevable, en vertu de l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure, que si le demandeur a attaqué cet acte dans un recours devant le Tribunal. La reconnaissance d’un droit de recours direct contre la décision prise en application de l’article 10, paragraphe 2, première phrase, du règlement n° 1073/1999 permettrait donc au fonctionnaire concerné, s’il a connaissance des conclusions de l’enquête, d’obtenir, le cas échéant, s’il remplit les conditions d’urgence et de préjudice requises à cet effet, le sursis à l’exécution de ladite décision.

82      Enfin, il doit être relevé que le contrôle de légalité effectif d’un acte tel que la décision prise en application de l’article 10, paragraphe 2, première phrase, du règlement n° 1073/1999 est de nature à contribuer au plein respect par l’OLAF de la légalité des enquêtes et des droits fondamentaux des personnes qu’elles visent, conformément au vœu du législateur. Le Tribunal observe que, dans le présent litige, l’OLAF n’a répondu aux réclamations dont les requérants de l’affaire F‑5/05 l’avaient saisi sur le fondement de l’article 90 bis du statut que le 21 février 2005, soit après l’introduction des recours, et que seule la Commission, qui n’était pas l’auteur de l’acte incriminé, a explicitement répondu aux réclamations qui lui avaient été adressées. Une telle situation, dans laquelle l’auteur d’une décision attaquée ne prend pas position sur les critiques qui sont formulées à l’encontre de celle-ci, est peu compatible avec le principe de bonne administration et est révélatrice des inconvénients qu’une absence de contrôle juridictionnel clairement affirmé et effectif est susceptible d’entraîner. L’analyse du recours sur le fond n’est, dans le présent litige, pas de nature à infirmer cette constatation.

83      L’ensemble des considérations qui précèdent justifie donc de reconnaître aux décisions prises en application de l’article 10, paragraphe 2, première phrase, du règlement n° 1073/1999 la qualité d’acte faisant grief au sens de l’article 90 bis du statut.

84      Une telle conclusion ne saurait être remise en cause par aucun des arguments avancés par la Commission.

85      En premier lieu, la Commission et le Conseil font valoir qu’une décision prise par le directeur de l’OLAF en application de l’article 10, paragraphe 2, première phrase, du règlement n° 1073/1999 ne serait qu’une mesure préparatoire d’une décision finale que les autorités judiciaires ou administratives nationales seraient susceptibles de prendre.

86      À cet égard, il est vrai que, selon une jurisprudence établie, lorsqu’il s’agit d’actes ou de décisions dont l’élaboration s’effectue en plusieurs phases, notamment au terme d’une procédure interne, en principe ne constituent des actes attaquables que les mesures qui fixent définitivement la position de l’institution au terme de cette procédure, à l’exclusion des mesures intermédiaires dont l’objectif est de préparer la décision finale. Les actes préparatoires d’une décision ne font pas grief et ce n’est qu’à l’occasion d’un recours contre la décision prise au terme de la procédure que le requérant peut faire valoir l’irrégularité des actes antérieurs qui lui sont étroitement liés (ordonnance du Tribunal de première instance du 11 février 2003, Pflugradt/BCE, T‑83/02, RecFP p. I‑A‑47 et II‑281, point 34).

87      Toutefois, il importe de souligner que, lorsqu’il adopte une décision en application de l’article 10, paragraphe 2, première phrase, du règlement n° 1073/1999, le directeur de l’OLAF prend position, au vu des résultats provisoires ou définitifs de l’enquête conduite par ses services, sur l’existence de faits susceptibles de poursuites pénales et estime que la ou les personnes visées par l’enquête pourraient être pénalement mises en cause. Cette décision est prise par un organe communautaire indépendant, sous sa seule responsabilité, dans le cadre d’une procédure spéciale distincte de la procédure judiciaire nationale. Elle ne précède l’intervention d’aucun autre acte faisant grief ressortissant à la compétence du directeur de l’OLAF et fixe donc la position de son auteur. Elle ne peut en cela être comparée à l’acte par lequel l’AIPN ouvre la procédure disciplinaire à l’égard d’un fonctionnaire, lequel a pour objet de préparer l’intervention d’une décision ultérieure et finale de la même autorité.

88      Si une décision adoptée sur le fondement de l’article 10, paragraphe 2, première phrase, du règlement n° 1073/1999 devait être analysée comme une mesure préparatoire de l’enquête judiciaire nationale et des décisions susceptibles d’être prises ultérieurement par l’AIPN, il devrait être admis a fortiori que tous les actes de l’OLAF en rapport avec une enquête diligentée par celui-ci, lesquels actes précèdent le plus souvent la décision de transmission, constituent également des actes seulement préparatoires. Or, une telle analyse, d’une part, irait à l’encontre du libellé clair de l’article 90 bis du statut et de l’intention de ses auteurs, qui, en reconnaissant à toute personne visée au statut le droit de former une réclamation à l’encontre d’un « acte de l’[OLAF] faisant grief », postulent l’existence de tels actes, et, d’autre part, priverait de tout objet et de toute utilité l’article 90 bis du statut, ainsi que les requérants le soutiennent à juste titre.

89      En outre, les exemples d’actes faisant grief susceptibles d’une réclamation au titre de l’article 90 bis du statut, donnés par la Commission et le Conseil en réponse à une question écrite du Tribunal, tels la fouille ou la saisie d’effets personnels lors de l’accès au bureau d’un fonctionnaire ou d’un agent tiers par rapport à l’enquête, ou encore l’interrogation par des méthodes illicites ou l’écoute clandestine de l’appareil téléphonique d’un fonctionnaire ou d’un agent tiers par rapport à l’enquête, ne constituent pas, à proprement parler, à la différence de la décision prise en application de l’article 10, paragraphe 2, première phrase, du règlement n° 1073/1999, de véritables décisions administratives. S’il est vrai que ces actes n’appellent pas nécessairement l’intervention d’autres décisions ultérieures, ils n’affectent pas les intérêts et la situation juridique de ce fonctionnaire ou agent tiers dans une mesure plus grande que ne le fait la décision de transmission litigieuse à l’encontre des personnes visées par une enquête de l’OLAF. En particulier, ces actes n’ont a priori pas d’incidence, par eux-mêmes, sur la situation administrative et la carrière de ces fonctionnaires ou agents tiers, alors qu’une décision de transmission telle que la décision litigieuse a des incidences immédiatement négatives sur les intérêts, la carrière et la réputation des personnes concernées.

90      La décision prise en application de l’article 10, paragraphe 2, première phrase, du règlement n° 1073/1999 ne peut donc être analysée comme une décision seulement intermédiaire ou préparatoire, sauf à priver de toute portée l’article 90 bis du statut. Elle constitue bien l’acte par lequel le directeur de l’OLAF, investi d’une responsabilité spéciale et exclusive à cet effet au sein des Communautés, se prononce sur l’existence de faits susceptibles de qualification pénale et décide de saisir les autorités judiciaires nationales, afin que ces faits reçoivent le traitement pénal approprié.

91      Au demeurant, il convient de relever que, en matière de régime disciplinaire des fonctionnaires, la Cour, dans une espèce où était attaqué l’avis émis par un conseil de discipline, a estimé qu’un tel avis constituait un acte faisant grief susceptible de faire l’objet d’un recours, dès lors que cet avis, bien qu’émanant d’un organe consultatif, était formulé au terme d’une enquête que le conseil de discipline devait mener en pleine indépendance et selon une procédure spéciale et distincte, présentant un caractère contradictoire et soumise au respect des principes fondamentaux des droits de la défense (arrêt de la Cour du 29 janvier 1985, F/Commission, 228/83, Rec. p. 275, point 16). Un tel raisonnement doit être a fortiori appliqué, par analogie, à l’hypothèse des décisions prises en application de l’article 10, paragraphe 2, première phrase, du règlement n° 1073/1999, puisque celles-ci, outre qu’elles n’ont pas pour objet de préparer l’intervention ultérieure et finale d’une décision du directeur de l’OLAF, émanent d’un organe communautaire indépendant et sont prises également dans le cadre ou au terme d’une enquête qui doit être menée « dans le plein respect […] du droit pour la personne impliquée de s’exprimer sur les faits qui la concernent ».

92      En second lieu, la Commission et le Conseil se prévalent, pour contester la qualité d’acte faisant grief aux décisions prises en application de l’article 10, paragraphe 2, première phrase, du règlement n° 1073/1999, de précédents jurisprudentiels.

93      À cet égard, il est vrai que, dans les affaires ayant donné lieu à l’ordonnance du président de la Cour, Tillack/Commission, précitée (point 34), à l’ordonnance du président du Tribunal de première instance, Tillack/Commission, précitée (point 46) et à l’arrêt du Tribunal de première instance Tillack/Commission, précité (points 68 à 70), les juridictions communautaires ont estimé qu’une décision prise en application de l’article 10, paragraphe 2, première phrase, du règlement n° 1073/1999 n’avait pas modifié de façon caractérisée la situation juridique de la personne concernée par lesdites informations.

94      Toutefois, cette jurisprudence a été rendue à propos d’une personne qui n’avait pas la qualité de fonctionnaire communautaire, dans des affaires introduites sur la base de l’article 230 CE et non sur le fondement de l’article 236 CE. La Cour, comme le Tribunal de première instance, qui n’étaient pas saisis de la question de la portée de l’article 90 bis du statut, ont relevé que le requérant disposait de garanties procédurales suffisantes devant le juge national et que l’acte de transmission, par l’OLAF, d’informations le concernant n’était qu’un acte préparatoire. Or, cette hypothèse est étrangère à celle de l’espèce. En effet, s’agissant d’un tiers par rapport aux Communautés, dont la carrière et la situation matérielle ne dépendent pas directement de mesures adoptées par les autorités communautaires, le juge communautaire ne dispose pas d’un titre particulier l’habilitant à garantir, en lieu et place du juge national, le respect des droits fondamentaux et des exigences d’un procès équitable.

95      Quant aux décisions rendues par le Tribunal de première instance dans les affaires ayant donné lieu à l’ordonnance Comunidad Autónoma de Andalucía/Commission, précitée, ainsi qu’à l’arrêt Camós Grau/Commission, précité, il importe de relever que, dans ces décisions, le Tribunal de première instance s’est prononcé sur la nature juridique du rapport par lequel l’OLAF clôture une enquête, non sur la qualification d’acte faisant grief d’une décision telle que celle ici contestée.

96      Enfin, il convient de souligner que la Cour comme le Tribunal de première instance ont déjà envisagé qu’un contrôle de légalité des actes de l’OLAF faisant grief puisse être exercé par le juge communautaire, par la voie du recours en annulation (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 30 mars 2004, Rothley e.a./Parlement, C‑167/02 P, Rec. p. I‑3149, point 50 ; ordonnance du président du Tribunal de première instance du 2 mai 2000, Rothley e.a./Parlement, T‑17/00 R, Rec. p. II‑2085, point 107 ; arrêt du Tribunal de première instance du 26 février 2002, Rothley e.a./Parlement, T‑17/00, Rec. p. II‑579, point 73).

97      Il s’ensuit que les requérants sont recevables à solliciter l’annulation de la décision de transmission des informations aux autorités judiciaires italiennes.

 Sur le fond

98      À l’appui de leurs conclusions en annulation, les requérants soulèvent, en substance, cinq moyens, tirés, premièrement, de ce que la décision de transmission des informations aux autorités judiciaires italiennes aurait été prise sans fondement valable, deuxièmement, de la violation du principe fondamental du respect des droits de la défense, troisièmement, de la violation de l’article 26, septième alinéa, du statut, quatrièmement, de la violation de l’article 25, deuxième alinéa, dudit statut, relatif à l’obligation de motiver les décisions faisant grief, cinquièmement, de l’illégalité du règlement n° 1073/1999 et de la décision 1999/396.

99      Il convient d’examiner le deuxième moyen, tiré de la violation du principe fondamental du respect des droits de la défense.

–       Arguments des parties

100    Les requérants soutiennent que l’OLAF aurait méconnu le principe fondamental du respect des droits de la défense, garanti dans le cas d’espèce par l’article 4 de la décision 1999/396, dès lors qu’ils n’auraient pas été mis en mesure, avant que l’OLAF ne décide de transmettre des informations les concernant aux autorités judiciaires italiennes, d’exprimer leurs observations sur les faits à l’origine de la transmission. Les intéressés précisent qu’aucune circonstance particulière de l’enquête n’aurait justifié que l’OLAF se fût soustrait au respect de ce principe et que, en tout état de cause, le secrétaire général de la Commission n’aurait donné aucun accord en ce sens.

101    En défense, la Commission fait observer, à titre liminaire, que les règles à respecter par l’OLAF dans la conduite de ses enquêtes internes seraient, en matière de droits de la défense, celles – et seulement celles – figurant, d’une part, à la première phrase, d’autre part, à la deuxième phrase, de l’article 4, premier alinéa, de la décision 1999/396 (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal de première instance Gómez-Reino/Commission, précitée, point 65).

102    Or, s’agissant de la première phrase de l’article 4, premier alinéa, de la décision 1999/396, qui prévoit qu’un fonctionnaire susceptible d’être impliqué dans une enquête de l’OLAF doit en être informé rapidement lorsque cela ne risque pas de nuire à l’enquête, la Commission soutient que ces dispositions n’auraient pas été méconnues dans le cas d’espèce, puisque l’information des requérants, si elle avait eu lieu, aurait affecté l’efficacité des investigations des autorités judiciaires italiennes, compte tenu du risque de destruction de certains documents. Quant à la deuxième phrase de l’article 4, premier alinéa, de la décision 1999/396, elle ne s’appliquerait pas à la décision prise en application de l’article 10, paragraphe 2, première phrase, du règlement n° 1073/1999 lorsque la transmission d’informations à des autorités judiciaires nationales intervient au cours d’une enquête interne et non à son terme.

103    La Commission fait valoir que, en tout état de cause, les requérants auraient été informés, en temps opportun, de l’ensemble des éléments les concernant, puisque, dans le cadre de la procédure pénale italienne, ils auraient reçu communication des annexes à la note du 5 août 2003, en l’occurrence la note informative du 23 juillet 2003 ainsi que le procès-verbal d’audition de l’ancien directeur de l’IES.

–       Appréciation du Tribunal

104    Il importe, à titre liminaire, de rappeler que l’article 4, premier alinéa, première phrase, de la décision 1999/396 prévoit que « [d]ans le cas où apparaît la possibilité d’une implication personnelle d’un membre, d’un fonctionnaire ou d’un agent de la Commission, l’intéressé doit être informé rapidement lorsque cela ne risque pas de nuire à l’enquête ». Quant à l’article 4, premier alinéa, deuxième phrase, de ladite décision, il dispose que « [e]n tout état de cause, des conclusions visant nominativement un membre, un fonctionnaire ou un agent de la Commission ne peuvent être tirées à l’issue de l’enquête sans que l’intéressé ait été mis à même de s’exprimer sur tous les faits qui le concernent ».

105    Ainsi qu’il a été jugé par le Tribunal de première instance dans son arrêt du 8 juillet 2008, Franchet et Byk/Commission (T‑48/05, Rec. p. II‑1585, points 133 et 145), il ressort des dispositions précitées de l’article 4, premier alinéa, de la décision 1999/396 que, lorsque le directeur de l’OLAF envisage de prendre une décision en application de l’article 10, paragraphe 2, première phrase, du règlement n° 1073/1999, il lui est fait obligation, dans le cas où les informations contiendraient des conclusions visant nominativement un membre, un fonctionnaire ou un agent de la Commission, de mettre celui-ci à même, dès avant qu’il ne soit procédé à la transmission des informations aux autorités judiciaires nationales, de s’exprimer sur tous les faits qui le concernent.

106    En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que, dans la note informative du 23 juillet 2003 annexée à la note du 5 août 2003, l’OLAF a nommément cité les requérants comme étant susceptibles d’avoir commis des infractions pénales. Ainsi, la note du 5 août 2003 contenait des « conclusions visant nominativement » les requérants.

107    Par conséquent, les requérants auraient dû, en principe, être informés et entendus à propos des faits les concernant avant la transmission de la note du 5 août 2003 aux autorités judiciaires italiennes.

108    Certes, l’article 4, deuxième alinéa, de la décision 1999/396 prévoit une exception concernant les cas nécessitant le maintien d’un secret absolu aux fins de l’enquête et exigeant le recours à des moyens d’investigation relevant de la compétence d’une autorité judiciaire nationale. Dans de tels cas, l’obligation d’inviter le fonctionnaire à s’exprimer peut être différée en accord avec le secrétaire général de la Commission.

109    Toutefois, les requérants font valoir, sans être contredits par la Commission, que le secrétaire général de la Commission n’aurait pas donné son accord pour que soit différée l’exécution de l’obligation de les inviter à présenter leurs observations, ni même n’aurait été sollicité pour donner un tel accord.

110    Il y a lieu de relever que l’obligation de demander et d’obtenir l’accord du secrétaire général de la Commission n’est pas une simple formalité qui pourrait, le cas échéant, être remplie à un stade ultérieur. En effet, ainsi que l’a jugé l’arrêt Franchet et Byk/Commission (précité, point 151), l’exigence d’obtenir un tel accord perdrait sa raison d’être, à savoir celle de garantir que les droits de la défense des fonctionnaires concernés sont respectés, que leur information n’est différée que dans les cas vraiment exceptionnels et que l’appréciation de ce caractère exceptionnel n’appartient pas seulement à l’OLAF mais nécessite également l’appréciation du secrétaire général de la Commission.

111    Dans ces conditions, il y a lieu de constater que l’OLAF a méconnu les dispositions de l’article 4 de la décision 1999/396 et les droits de la défense des requérants.

112    À titre surabondant, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle-ci constitue un principe fondamental du droit communautaire et doit être assuré même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure en cause (voir arrêt du Tribunal de première instance du 23 avril 2002, Campolargo/Commission, T‑372/00, RecFP p. I‑A‑49 et II‑223, point 30, et la jurisprudence citée). Ce principe, qui exige normalement que l’intéressé soit entendu par l’autorité compétente avant l’adoption de l’acte faisant grief, s’applique tant en matière disciplinaire que dans les autres matières relevant de la fonction publique communautaire (voir arrêt Campolargo/Commission, précité, point 31, et la jurisprudence citée).

113    Il en résulte que, à supposer même, comme le soutient la Commission, que l’article 4, premier alinéa, deuxième phrase, de la décision 1999/396 ne soit pas applicable à une décision prise en application de l’article 10, paragraphe 2, première phrase, du règlement n° 1073/1999, lorsque la transmission d’informations à des autorités judiciaires nationales intervient en cours d’enquête, l’OLAF n’en aurait pas moins, en principe, été tenu, en vertu du principe fondamental du respect des droits de la défense, d’inviter les requérants, préalablement à la transmission des informations, à présenter toute observation utile sur les faits les concernant. Or, il est constant que tel n’a pas été le cas, sans qu’aucune circonstance particulière ne soit en mesure de le justifier.

114    Enfin, si la Commission fait valoir que les requérants auraient été, en temps opportun, informés de l’ensemble des éléments les concernant, puisque, dans le cadre de la procédure pénale italienne, ils auraient reçu communication de la note du 5 août 2003 ainsi que de ses annexes, une telle circonstance, postérieure à la décision de transmission des informations aux autorités judiciaires italiennes, ne saurait être regardée comme ayant suppléé la méconnaissance par l’OLAF des dispositions de l’article 4 de la décision 1999/396.

115    Il s’ensuit, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens, que la décision de transmission des informations aux autorités judiciaires italiennes doit être annulée.

 Sur les conclusions indemnitaires

 Arguments des parties

116    Les requérants sollicitent, en substance, l’indemnisation du préjudice moral résultant, premièrement, de la décision d’ouverture de l’enquête interne et des actes d’investigation de l’OLAF, deuxièmement, de ce que l’OLAF aurait, sans motif valable et en méconnaissance des droits de la défense, transmis des informations les concernant aux autorités judiciaires italiennes, troisièmement, de ce que le rapport final d’enquête contiendrait des conclusions ne reposant sur aucun fait suffisamment probant, quatrièmement, de ce que l’OLAF n’aurait donné aucune suite aux réclamations qu’ils avaient introduites afin d’être informés sur les éléments de l’enquête. Les requérants précisent en particulier que la décision de transmission des informations aux autorités judiciaires italiennes aurait entraîné l’ouverture d’une enquête pénale par le procureur de la République de Varèse et que cette enquête, outre le fait qu’elle les aurait placés dans un état d’inquiétude quant à de possibles poursuites pénales, aurait également porté atteinte à leur honneur et à leur réputation professionnelle.

117    En défense, la Commission conclut à l’irrecevabilité des conclusions susmentionnées au motif que celles-ci, en méconnaissance des dispositions de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal de première instance, ne contiendraient aucun élément permettant d’identifier le comportement que les requérants entendraient lui reprocher. En tout état de cause, à supposer même que les conclusions susmentionnées auraient satisfait aux exigences de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal de première instance, la Commission fait observer qu’elles ne seraient pas davantage recevables, puisqu’elles se « greffe[raient] entièrement » sur les conclusions en annulation, lesquelles devraient être rejetées comme irrecevables.

118    Sur le fond, la Commission soutient que le préjudice moral invoqué par les requérants aurait pour seule origine la décision autonome des autorités judiciaires italiennes d’ouvrir une procédure pénale, de telle sorte que ferait défaut l’existence d’un lien de causalité entre les fautes dénoncées et le préjudice allégué.

119    En réplique, les requérants, après avoir conclu à la recevabilité des conclusions indemnitaires, contestent en particulier l’allégation de la Commission selon laquelle les préjudices dont ils sollicitent la réparation trouveraient directement leur origine dans la décision autonome des autorités judiciaires italiennes d’ouvrir une enquête pénale. Ils soulignent, à cet égard, qu’il eût été impensable que le procureur de la République de Varèse, saisi d’une note de l’OLAF faisant état de faits qualifiés d’escroquerie, de complicité d’escroquerie et de faux en écriture, se refusât à ouvrir une enquête pénale.

 Appréciation du Tribunal

–       Sur la recevabilité

120    Dans le système des voies de recours instauré par l’article 90 bis du statut, un recours en indemnité tendant à la réparation de préjudices imputables à l’OLAF n’est recevable que s’il a été précédé d’une procédure précontentieuse conforme aux dispositions statutaires. Cette procédure diffère selon que le dommage dont la réparation est demandée résulte d’un acte faisant grief, au sens de l’article 90 bis du statut, ou d’un comportement de l’OLAF dépourvu de caractère décisionnel. Dans le premier cas, il appartient à l’intéressé de saisir, dans les délais impartis, le directeur de l’OLAF d’une réclamation dirigée contre l’acte en cause. Dans le second cas, en revanche, la procédure administrative doit débuter par l’introduction d’une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut visant à obtenir le dédommagement et se poursuivre, le cas échéant, par une réclamation dirigée contre la décision de rejet de la demande (voir, par analogie, arrêt du Tribunal de première instance du 28 juin 1996, Y/Cour de justice, T‑500/93, RecFP p. I‑A‑335 et II‑977, point 64). Toutefois, lorsqu’il existe un lien direct entre un recours en annulation et une action en indemnité, cette dernière est recevable en tant qu’accessoire du recours en annulation, sans qu’elle ne doive nécessairement être précédée d’une demande invitant l’administration à réparer le préjudice prétendument subi et d’une réclamation contestant le bien-fondé du rejet implicite ou explicite de la demande (voir, par analogie, arrêt Y/Cour de justice, précité, point 66).

121    En l’espèce, s’agissant de la demande tendant à la réparation des préjudices prétendument causés par la décision d’ouverture de l’enquête interne, par les actes d’investigation de l’OLAF, par le contenu du rapport final d’enquête et par le refus de l’OLAF de donner suite aux réclamations que les requérants avaient introduites, cette demande doit être rejetée comme irrecevable, les intéressés n’ayant pas satisfait aux exigences de la procédure précontentieuse. En effet, dans l’hypothèse où les comportements dénoncés par les requérants constitueraient des actes faisant grief au sens de l’article 90 bis du statut, ils auraient dû faire l’objet d’une réclamation, ce qui n’a pas été le cas. De même, dans l’hypothèse où ces comportements devraient être regardés comme dépourvus de caractère décisionnel, les requérants auraient dû former successivement une demande indemnitaire au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut puis une réclamation, ce qu’ils se sont abstenus de faire.

122    En revanche, s’agissant de la demande tendant à l’indemnisation du préjudice prétendument causé par la décision de transmission des informations aux autorités judiciaires italiennes, cette demande qui, contrairement à ce que soutient la Commission, était suffisamment motivée dès l’introduction de la requête présente un lien direct avec les conclusions en annulation de la décision de transmission et doit donc être regardée comme recevable en tant qu’accessoire desdites conclusions.

123    Ne sera donc examiné que le bien-fondé de la demande tendant à l’indemnisation du préjudice résultant de la décision de transmission des informations aux autorités judiciaires italiennes.

–       Sur le fond

124    Ainsi qu’il a été dit ci-dessus, la décision de transmission des informations aux autorités judiciaires italiennes a été prise en méconnaissance des dispositions de l’article 4 de la décision 1999/396 relatives au respect des droits de la défense et a, du fait même de la violation de ces formalités substantielles, causé un préjudice moral aux requérants. Un tel préjudice est, en l’espèce, d’autant plus caractérisé que cette décision été suivie de l’ouverture, par les autorités judiciaires italiennes, d’une enquête pénale.

125    En revanche, en ce qui concerne le préjudice des requérants résultant de leur état d’inquiétude et de l’atteinte à leur honneur et à leur réputation professionnelle provoqués par l’enquête pénale italienne, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité de la Communauté suppose la réunion d’un ensemble de conditions concernant l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué (arrêt de la Cour du 16 décembre 1987, Delauche/Commission, 111/86, Rec. p. 5345, point 30 ; arrêt du Tribunal de première instance du 17 octobre 2002, Cocchi et Hainz/Commission, T‑330/00 et T‑114/01, RecFP p. I‑A‑193 et II‑987, point 97). Par ailleurs, pour qu’un tel lien soit admis, il faut en principe que soit apportée la preuve d’une relation directe et certaine de cause à effet entre la faute commise par l’institution communautaire concernée et le préjudice invoqué (arrêts du Tribunal de première instance du 5 octobre 2004, Sanders e.a./Commission, T‑45/01, Rec. p. II‑3315, point 149 ; du 5 octobre 2004, Eagle e.a./Commission T‑144/02, Rec. p. II‑3381, point 148, et du 12 septembre 2007, Combescot/Commission, T‑250/04, RecFP p. I‑A‑2‑0000 et II‑A‑2‑0000, point 95).

126    En l’espèce, si les autorités judiciaires italiennes étaient tenues, en vertu du principe de coopération loyale, d’examiner attentivement les informations transmises par l’OLAF et d’en tirer les conséquences appropriées pour assurer le respect du droit communautaire, lesdites autorités demeuraient libres, dans le cadre de leurs pouvoirs propres, d’apprécier le contenu et la portée desdites informations et, partant, les suites qu’il convenait, le cas échéant, d’y donner. Par conséquent, seul le comportement des autorités judiciaires italiennes, qui ont décidé d’ouvrir une procédure pénale et de procéder ensuite à des actes d’enquête, est à l’origine directe du préjudice moral allégué (voir, en ce sens, arrêt Tillack/Commission, précité, point 122). Dans ces conditions, les requérants n’établissent pas l’existence d’une relation directe de cause à effet entre, d’une part, la décision de transmission des informations aux autorités judiciaires italiennes et, d’autre part, le préjudice moral constitué par leur état d’inquiétude et l’atteinte à leur honneur et à leur réputation professionnelle.

127    Il s’ensuit que les conclusions indemnitaires doivent être accueillies dans la seule mesure où elles visent à la réparation du préjudice résultant de la violation des dispositions de l’article 4 de la décision 1999/396 relatives au respect des droits de la défense.

128    S’agissant de la réparation de ce préjudice, s’il est de jurisprudence constante que l’annulation d’un acte attaqué peut constituer, en elle-même, une réparation adéquate et, en principe, c’est-à-dire en l’absence dans ledit acte de toute appréciation explicitement négative des capacités du requérant susceptible de le blesser, suffisante de tout préjudice moral que celui-ci peut avoir subi (arrêt du Tribunal de première instance du 8 juillet 2004, Schochaert/Conseil, T‑136/03, p. I‑A‑215 et II‑957, point 34), une telle jurisprudence ne saurait s’appliquer au cas d’espèce.

129    En effet, eu égard à la nature et à l’importance du préjudice subi par les requérants, constitué par la violation des dispositions de l’article 4 de la décision 1999/396 relatives au respect des droits de la défense, l’annulation de la décision de transmission des informations aux autorités judiciaires italiennes ne saurait constituer une indemnisation adéquate et suffisante du préjudice causé par l’illégalité de celle-ci. Dans ces conditions, il sera fait une juste réparation de ce préjudice en condamnant la Commission à verser à chacun des requérants la somme de 3 000 euros.

 Sur les dépens

130    En vertu de l’article 122 du règlement de procédure, les dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, relatives aux dépens et frais de justice, ne s’appliquent qu’aux affaires introduites devant le Tribunal à compter de l’entrée en vigueur de ce règlement de procédure, à savoir le 1er novembre 2007. Les dispositions du règlement de procédure du Tribunal de première instance pertinentes en la matière continuent à s’appliquer mutatis mutandis aux affaires pendantes devant le Tribunal avant cette date.

131    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé en l’essentiel de ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

132    En application de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, le Conseil, partie intervenante, supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision du 5 août 2003 par laquelle l’Office européen de lutte antifraude a transmis aux autorités judiciaires italiennes des informations concernant M. Violetti, Mme Schmit, ainsi que douze autres fonctionnaires de la Commission des Communautés européennes, dont les noms figurent en annexe au présent arrêt, est annulée.

2)      La Commission des Communautés européennes est condamnée à verser à M. Violetti, à Mme Schmit, ainsi qu’à chacun des douze autres fonctionnaires de la Commission des Communautés européennes, dont les noms figurent en annexe au présent arrêt, la somme de 3 000 euros.

3)      Le surplus des conclusions des deux requêtes est rejeté.

4)      La Commission des Communautés européennes est condamnée à supporter ses propres dépens et les dépens des requérants.

5)      Le Conseil de l’Union européenne supporte ses propres dépens.

Kreppel

Tagaras

Gervasoni

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 avril 2009.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Gervasoni

ANNEXE

Anna Bassi Perucchini, demeurant à Reno di Leggiuno (Italie),

Marco Basso, demeurant à Varano Borghi (Italie),

Ernesto Brognieri, demeurant à Barasso (Italie),

Sergio Brusorio, demeurant à Sesto Calende (Italie),

Natale Cao, demeurant à Ispra (Italie),

Renato Cazzaniga, demeurant à Ispra (Italie),

Elvidio Flammini, demeurant à Varèse (Italie),

Luigi Magistri, demeurant à Ispra (Italie),

Reginella Molinari Canale, demeurant à Ispra (Italie),

Giuseppe Morelli, demeurant à Besozzo (Italie),

Nadia Valentini, demeurant à Varèse (Italie),

Giuseppe Zara, demeurant à Ispra (Italie).


* Langue de procédure : le français.