Language of document : ECLI:EU:T:2023:51

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

8 février 2023 (*)

« Aides d’État – Secteur aérien – Mesures mises à exécution par la Roumanie en faveur de l’aéroport de Timișoara – Mesures mises à exécution par l’aéroport de Timișoara en faveur de Wizz Air et des compagnies aériennes utilisatrices de celui-ci – Décision constatant pour partie l’absence d’aide d’État en faveur de l’aéroport de Timișoara et des compagnies aériennes utilisatrices de ce dernier – Redevances aéroportuaires – Recours en annulation – Acte réglementaire – Affectation individuelle – Affectation substantielle de la position concurrentielle – Affectation directe – Intérêt à agir – Recevabilité – Article 107, paragraphe 1, TFUE – Caractère sélectif – Avantage – Critère de l’opérateur privé »

Dans l’affaire T‑522/20,

Carpatair SA, établie à Timişoara (Roumanie), représentée par Mes J. Rivas Andrés et A. Manzaneque Valverde, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes F. Tomat et C. Georgieva, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Wizz Air Hungary Légiközlekedési Zrt. (Wizz Air Hungary Zrt.), établie à Budapest (Hongrie), représentée par Mes E. Vahida, S. Rating et I.-G. Metaxas-Maranghidis, avocats,

et par

Societăţii Naţionale « Aeroportul Internaţional Timişoara  Traian Vuia » SA (AITTV), établie à Ghiroda (Roumanie), représentée par MM. V. Power et R. Hourihan, solicitors,

parties intervenantes,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie),

composé, lors des délibérations, de MM. S. Papasavvas, président, J. Svenningsen, M. Jaeger, C. Mac Eochaidh et Mme T. Pynnä (rapporteure), juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 12 septembre 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Carpatair SA, demande l’annulation de la décision (UE) 2021/1428 de la Commission, du 24 février 2020, concernant l’aide d’État SA. 31662 – C/2011 (ex NN/2011) mise à exécution par la Roumanie en faveur de l’aéroport international de Timișoara – Wizz Air (JO 2021, L 308, p. 1, ci-après la « décision attaquée »), en tant qu’elle conclut que certaines mesures ne constituent pas des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

 Antécédents du litige

2        L’aéroport international de Timișoara (ci-après l’« aéroport ») est situé dans l’ouest de la Roumanie, à 50 kilomètres (km) de l’aéroport d’Arad (Roumanie), dont le trafic est très limité. L’aéroport est exploité par la seconde intervenante, Societăţii Naţionale « Aeroportul Internaţional Timişoara – Traian Vuia » SA (AITTV), qui est une société par actions dont l’État roumain détient 80 % des actions.

3        La requérante, Carpatair SA, est une compagnie aérienne régionale roumaine. En 2000, elle a établi sa plaque tournante à l’aéroport, d’où elle exploitait un réseau en étoile. Entre 2007 et 2009, l’activité de l’aéroport était centrée sur les activités de la requérante, qui fournissait des services complets et qui desservait environ 32 destinations nationales et européennes.

4        En prévision de l’augmentation du trafic devant résulter de l’adhésion de la Roumanie à l’Union européenne en 2007, et afin de satisfaire aux conditions d’adhésion à l’espace Schengen en matière de sécurité, AITTV a reçu de l’État roumain un financement pour la construction d’un terminal pour les vols hors Schengen et pour des équipements de sécurité.

5        Par ailleurs, dans le cadre d’une stratégie visant à attirer des compagnies aériennes à bas coût et à accroître la rentabilité globale de l’aéroport, AITTV a signé en 2008 avec la première intervenante, Wizz Air Hungary Légiközlekedési Zrt. (Wizz Air Hungary Zrt.) (ci-après « Wizz Air »), une compagnie aérienne hongroise à bas coût, des accords définissant les principes de leur coopération ainsi que les conditions générales d’utilisation des infrastructures et des services aéroportuaires par Wizz Air (ci-après les « accords de 2008 »). Deux de ces accords ont été modifiés le 25 juin 2010 au moyen d’un nouveau régime de réductions convenu entre Wizz Air et AITTV, qui couvrait la période allant jusqu’au 6 février 2011 (ci-après les « accords modificatifs de 2010 »). Wizz Air a commencé à effectuer des vols au départ de l’aéroport en octobre 2008.

6        Le 30 septembre 2010, la requérante a déposé devant la Commission européenne une plainte concernant une aide d’État présumée illégale accordée par les autorités roumaines à l’aéroport en faveur de Wizz Air.

7        Le 24 mai 2011, la Commission a informé la Roumanie de sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE (ci-après la « décision d’ouverture ») concernant le financement annuel pour l’exploitation accordé à AITTV en 2007, en 2008 et en 2009, les remises et les rabais sur les redevances aéroportuaires accordés conformément aux publications d’information aéronautique (ci-après les « PIA ») de 2007, de 2008 et de 2010, les accords de 2008 ainsi que la non-perception des redevances aéroportuaires facturées à Wizz Air entre octobre 2009 et février 2010. Par la publication de cette décision au Journal officiel de l’Union européenne le 13 septembre 2011 (JO 2011, C 270, p. 11), la Commission a invité les parties intéressées à présenter leurs observations sur cette mesure.

8        Dans la décision d’ouverture, la Commission a indiqué estimer à titre préliminaire ne pas pouvoir exclure que les remises et les rabais prévus par les PIA de 2007, de 2008 et de 2010 ainsi que les accords de 2008 comportent des aides d’État incompatibles avec le marché intérieur.

9        Les autorités roumaines, de même que des parties intéressées, parmi lesquelles AITTV, la requérante et Wizz Air, ont déposé des observations écrites. La Commission a transmis les observations des parties intéressées aux autorités roumaines, lesquelles ont pu déposer leurs commentaires sur celles-ci.

10      Par des lettres envoyées entre 2011 et 2018, la Commission a demandé des compléments d’information aux autorités roumaines, lesquelles ont déféré à ces demandes.

11      Par des lettres envoyées entre 2011 et 2018, la requérante a fourni des informations complémentaires.

12      Par des lettres envoyées en 2011 et en 2016, AITTV a présenté des informations complémentaires.

13      Le 14 mars 2014, la Commission a informé les autorités roumaines et les parties intéressées de l’adoption des lignes directrices sur les aides d’État aux aéroports et aux compagnies aériennes (JO 2014, C 99, p. 3, ci-après les « lignes directrices de 2014 ») et les a invitées à présenter leurs observations. La Commission a reçu des observations de la requérante, de Wizz Air et d’AITTV.

14      Les 11 février et 3 juillet 2015, Wizz Air a fourni des informations complémentaires.

15      À partir de 2014, la requérante a cessé ses activités à l’aéroport et a fait l’objet d’une réorganisation judiciaire. Sa principale base d’opérations se trouve désormais à l’aéroport d’Arad, à partir duquel elle propose notamment des vols affrétés. Elle ne propose plus de vols réguliers.

16      Le 24 février 2020, la Commission a adopté la décision attaquée.

 Décision attaquée

17      Dans la décision attaquée, d’une part, la Commission a examiné l’existence d’une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, s’agissant, premièrement, du financement annuel accordé à AITTV de 2007 à 2009 (voir considérants 38, 39 et 171 à 235 de la décision attaquée), deuxièmement, des redevances aéroportuaires publiées dans les PIA de 2007, de 2008 et de 2010 (voir considérants 40 à 49 et 267 à 299 de la décision attaquée), troisièmement, des accords de 2008 et des accords modificatifs de 2010 (ci-après la « troisième mesure ») (voir considérants 50 à 76 et 300 à 440 de la décision attaquée) et, quatrièmement, de la non-perception des redevances aéroportuaires facturées à Wizz Air entre octobre 2009 et février 2010 (voir considérants 77, 78 et 441 à 443 de la décision attaquée). D’autre part, ayant considéré que certains des financements accordés à AITTV étaient constitutifs d’une aide d’État, la Commission a examiné leur compatibilité avec le marché intérieur (voir considérants 236 à 266 de la décision attaquée).

18      En ce qui concerne les redevances aéroportuaires figurant dans les PIA de 2007, de 2008 et de 2010, la Commission a conclu que le taux de base, les rabais et les remises sur ces redevances prévus dans ces PIA n’étaient pas sélectifs, car ils étaient applicables de manière non discriminatoire. La Commission a dès lors conclu que cette mesure ne constituait pas une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

19      S’agissant de la troisième mesure, la Commission a noté qu’elle devait entraîner une rentabilité marginale pour AITTV. Par conséquent, elle a estimé qu’un opérateur privé en économie de marché avisé aurait conclu de tels accords. En outre, cette mesure se serait inscrite dans le cadre d’une stratégie globale et d’un effort à long terme en faveur de la rentabilité globale de l’aéroport. La Commission a donc conclu que ces accords n’avaient pas conféré à Wizz Air un avantage économique qu’elle n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché et qu’ils ne constituaient pas des aides d’État.

20      Le dispositif de la décision attaquée est libellé comme suit :

« Article premier

1. Le financement public octroyé par la Roumanie entre 2007 et 2009 à [AITTV] pour le développement du terminal pour les vols hors Schengen, l’amélioration de la voie de circulation, l’extension de l’aire de trafic et le matériel de balisage, d’un montant de 29 194 600 [lei roumains (RON)], constitue une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, [TFUE]. L’aide a été mise à exécution en violation de l’article 108, paragraphe 3, [TFUE].

2. L’aide d’État visée au paragraphe 1 est compatible avec le marché intérieur au sens de l’article 107, paragraphe 3, point c), [TFUE].

Article 2

Le financement public de la voie d’accès et du développement du parc de stationnement en 2007 et des équipements de sécurité en 2008, les redevances aéroportuaires figurant dans les [PIA] 2007, 2008 et 2010 et les accords de 2008 conclus avec Wizz Air (y compris les accords modificatifs de 2010) ne constituent pas des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, [TFUE].

Article 3

La Roumanie est destinataire de la présente décision. »

 Conclusions des parties

21      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée dans la mesure où elle ne conclut pas que la PIA de 2010 (ci-après la « deuxième mesure ») et la troisième mesure (ci-après, prises ensemble, les « mesures litigieuses ») constituent une aide d’État illégale et incompatible avec le marché intérieur octroyée à Wizz Air ;

–        condamner la Commission aux dépens.

22      La Commission, soutenue par les intervenantes, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la  requérante  aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité

23      Sans soulever formellement d’exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130 du règlement de procédure du Tribunal, la Commission, soutenue par AITTV, fait valoir que le recours serait irrecevable au motif, d’une part, que la requérante n’aurait pas qualité pour agir en annulation de la décision attaquée et, d’autre part, qu’elle n’aurait pas d’intérêt né et actuel à l’annulation de la décision attaquée.

24      La requérante conteste l’argumentation de la Commission.

 Sur l’intérêt à agir

25      La Commission estime que la requérante n’aurait pas d’intérêt actuel et direct à l’annulation de la décision attaquée. Les mesures litigieuses n’auraient pas d’incidence défavorable sur les services de transport aérien actuels de la requérante, qui seraient d’une nature différente de celle des services assurés par Wizz Air au cours des années visées par l’enquête de la Commission (et même à l’heure actuelle). Quant à la volonté alléguée de la requérante de reprendre ses activités à l’aéroport, outre le fait qu’elle ne serait étayée par aucun élément de preuve, elle ne serait pas de nature à démontrer l’existence d’un intérêt à agir.

26      Par ailleurs, le présent recours ne serait pas susceptible de bénéficier directement à la requérante. En effet, selon la Commission, l’issue favorable du présent recours n’aurait d’incidence ni sur le recours en responsabilité ni sur le recours en récupération formés par la requérante devant les juridictions roumaines. Si les juridictions de l’Union devaient annuler la décision attaquée en ce qui concerne les mesures litigieuses, la Commission devrait réexaminer lesdites mesures et notamment leur compatibilité avec le marché intérieur. La Commission jouissant d’une compétence exclusive en ce qui concerne l’appréciation de la compatibilité des mesures d’aide, aucune juridiction nationale ne pourrait, de manière autonome, conclure à l’incompatibilité d’une mesure avec le marché intérieur et ordonner la récupération de l’aide.

27      Selon une jurisprudence constante, un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où cette dernière a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué. Un tel intérêt suppose que l’annulation de cet acte soit susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques et que le recours puisse ainsi, par son résultat, procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 55 et jurisprudence citée).

28      En outre, l’intérêt à former un recours en annulation doit être né et actuel et s’apprécie au jour où le recours est introduit (voir arrêt du 7 novembre 2018, BPC Lux 2 e.a./Commission, C‑544/17 P, EU:C:2018:880, point 29 et jurisprudence citée).

29      Il convient également de rappeler que, en principe, une partie conserve son intérêt à poursuivre un recours en annulation dès lors que ce dernier peut constituer la base d’un recours éventuel en responsabilité (voir arrêt du 7 novembre 2018, BPC Lux 2 e.a./Commission, C‑544/17 P, EU:C:2018:880, point 42 et jurisprudence citée).

30      L’éventualité d’un recours en indemnité suffit à fonder un tel intérêt à agir, pour autant que celui-ci n’est pas hypothétique (voir arrêt du 7 novembre 2018, BPC Lux 2 e.a./Commission, C‑544/17 P, EU:C:2018:880, point 43 et jurisprudence citée).

31      Par ailleurs, l’intérêt à agir peut découler de toute action devant les juridictions nationales dans le cadre de laquelle l’éventuelle annulation de l’acte attaqué devant le juge de l’Union est susceptible de procurer un avantage au requérant (voir arrêt du 7 novembre 2018, BPC Lux 2 e.a./Commission, C‑544/17 P, EU:C:2018:880, point 44 et jurisprudence citée).

32      Il n’appartient pas au juge de l’Union, aux fins de l’examen de l’intérêt à agir devant lui, d’apprécier la probabilité du bien-fondé d’un recours introduit devant les juridictions nationales en vertu du droit interne et, partant, de se substituer à celles-ci en vue d’une telle appréciation. Il est, en revanche, nécessaire, mais suffisant, que, par son résultat, le recours en annulation introduit devant le juge de l’Union soit susceptible de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir arrêt du 7 novembre 2018, BPC Lux 2 e.a./Commission, C‑544/17 P, EU:C:2018:880, point 56 et jurisprudence citée).

33      En l’espèce, le 28 janvier 2016, la requérante a formé un recours en responsabilité devant le Tribunalul București (tribunal de grande instance de Bucarest, Roumanie), contre AITTV, les autorités roumaines et Wizz Air, concernant l’octroi d’une aide d’État à Wizz Air par le biais, notamment, des mesures litigieuses. Ce recours a donné lieu à des décisions du Tribunalul București (tribunal de grande instance de Bucarest) ainsi que de la Curtea de Apel București (cour d’appel de Bucarest, Roumanie). Le pourvoi formé par la requérante contre la décision de cette dernière serait pendant devant l’Înalta Curte de Casație şi Justiție (Haute Cour de cassation et de justice, Roumanie).

34      En outre, à la suite de l’arrêt du Tribunalul Timiș (tribunal de grande instance de Timiș, Roumanie) du 30 août 2011, concluant à la nature d’aide d’État illégale de la réduction prévue au point 7.3 de la deuxième mesure et confirmé par la Curtea de Apel Pitești (cour d’appel de Pitești, Roumanie) le 14 novembre 2012, la requérante a formé un recours en récupération de l’aide en cause en 2015. Ce recours serait actuellement pendant devant la Curtea de Apel Alba Iulia (cour d’appel d’Alba Iulia, Roumanie), qui a décidé, le 21 décembre 2020, de surseoir à statuer jusqu’à ce qu’un arrêt définitif soit rendu dans la présente affaire.

35      Aussi, il ne saurait être exclu qu’une éventuelle annulation de la décision attaquée soit susceptible d’influer sur le résultat du contentieux en cours devant les juridictions roumaines.

36      En outre, en ce qui concerne une seconde plainte déposée par la requérante, la Commission aurait informé cette dernière, le 1er juillet 2020, de son intention de ne pas ouvrir de procédure formelle d’examen dans cette seconde affaire, au motif que les mesures en cause seraient analogues à celles examinées dans la décision attaquée. La requérante fait valoir par ailleurs que l’examen préliminaire, par la Commission, de cette seconde plainte serait toujours en cours.

37      Partant, l’annulation éventuelle de la décision attaquée serait susceptible de conduire à une ouverture de la procédure formelle d’examen dans le cadre de cette seconde affaire, lors de laquelle la requérante aurait, en principe, la possibilité d’exercer ses droits procéduraux en formulant des observations.

38      Dès lors, la requérante a démontré à suffisance de droit que l’éventuelle annulation de la décision attaquée était susceptible de lui procurer un bénéfice. Elle a donc un intérêt à agir en annulation contre ladite décision.

 Sur la qualité pour agir

39      La Commission fait valoir que la requérante n’aurait pas prouvé être individuellement concernée par la décision attaquée.

40      Premièrement, la requérante aurait cessé ses activités à l’aéroport depuis 2013, sa principale base d’opérations se trouvant désormais à l’aéroport d’Arad. Elle aurait également changé de modèle commercial et proposerait désormais des vols affrétés. La requérante n’aurait fourni aucune information spécifique sur le rapport concurrentiel qu’elle entretenait avec Wizz Air au moment de l’introduction du recours.

41      Deuxièmement, à l’époque des faits, la requérante n’était que l’une des nombreuses concurrentes de Wizz Air à l’aéroport et n’était en concurrence directe avec celle-ci que pour un nombre très limité de destinations. Deux autres compagnies aériennes, Blue Air et Malev, étaient également en concurrence directe avec Wizz Air sur le marché des vols réguliers de passagers depuis et vers l’aéroport.

42      Troisièmement, la requérante n’aurait fourni aucune information sur la taille des marchés en cause, ni sur ses propres parts de marché, celles de Wizz Air et celles d’autres concurrents potentiels sur ces marchés, ni sur l’évolution de ces parts de marché après l’octroi des mesures litigieuses. Elle n’aurait produit aucun élément de preuve démontrant que la diminution de son activité sur certaines lignes, la dégradation de sa situation financière et la relocalisation de ses activités en 2013 ou la part de marché prétendument acquise par Wizz Air sur les marchés en cause seraient la conséquence des mesures litigieuses. En particulier, la requérante n’a fourni ni le rapport de l’administrateur judiciaire ni les décisions des juridictions nationales qu’elle mentionne. En outre, d’autres facteurs, parmi lesquels l’utilisation d’aéronefs de faible capacité, l’emploi d’un modèle d’exploitation de réseau en étoile ainsi que la crise financière, pourraient expliquer ses difficultés financières.

43      Wizz Air fait également valoir que les difficultés rencontrées par la requérante n’auraient pas été causées par la prétendue aide qui lui a été octroyée, mais par l’obsolescence du modèle d’activité de la requérante au cours des années qui ont fait l’objet de l’enquête, obsolescence mise en avant par l’administrateur judiciaire dans le plan de réorganisation. En outre, la requérante aurait elle-même bénéficié d’avantages à l’aéroport en vertu de la deuxième mesure, de sorte qu’un lien de causalité entre la prétendue aide octroyée à Wizz Air et la détérioration de la position sur le marché de la requérante, qui n’aurait bénéficié d’aucun avantage, ne pourrait être établi.

44      Dans ses réponses aux questions du Tribunal du 11 mars 2022, la Commission fait valoir, en ce qui concerne la nature des mesures litigieuses, que ces dernières devraient être examinées séparément, y compris en ce qui concerne la recevabilité. De manière similaire, Wizz Air fait valoir, dans ses réponses aux mêmes questions, que la partie de la décision attaquée consacrée à la troisième mesure serait une mesure individuelle, tandis que la partie de la décision attaquée consacrée à la deuxième mesure serait un acte réglementaire. Par conséquent, la qualité pour agir contre cette partie de la décision attaquée devrait être appréciée au regard de l’article 263, quatrième alinéa, troisième membre de phrase, TFUE, relatif aux actes réglementaires.

45      À cet égard, la Commission fait cependant valoir que, même si, en ce qui concerne la deuxième mesure, il devait être considéré que la décision attaquée est un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution, il faudrait encore que la requérante soit directement concernée par ladite mesure, ce qui ne serait pas le cas. De manière similaire, Wizz Air fait valoir que la qualité pour agir de la requérante en ce qui concerne la partie de la décision attaquée consacrée à la deuxième mesure supposerait que la requérante soit affectée directement, ce qui ne serait pas le cas, car la deuxième mesure n’aurait pas été applicable à Wizz Air. Les redevances aéroportuaires applicables à Wizz Air auraient en effet été régies par la troisième mesure.

46      Dans ses réponses aux mêmes questions, la Commission fait valoir, au sujet de l’arrêt du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission (C‑453/19 P, EU:C:2021:608), que cet arrêt ne serait pertinent qu’en ce qui concerne la troisième mesure. La Commission comme Wizz Air font valoir que l’apport de cet arrêt en ce qui concerne la notion de définition de marché serait sans incidence en l’espèce et ne permettrait pas de conclure que le recours serait recevable, car un lien de causalité entre l’aide alléguée et l’effet sur la position de marché de la requérante serait, en tout état de cause, nécessaire. Or, en l’espèce, un tel lien de causalité serait absent. Par exemple, selon la Commission, l’abandon par la requérante de la liaison Timișoara-Francfort (Allemagne) serait dû à l’absence de créneaux disponibles à l’aéroport de Francfort, et non à la troisième mesure.

47      Il importe de rappeler, à titre liminaire, que la recevabilité d’un recours introduit par une personne physique ou morale contre un acte dont elle n’est pas la destinataire, au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, est subordonnée à la condition que lui soit reconnue la qualité pour agir, laquelle se présente dans deux cas de figure. D’une part, un tel recours peut être formé à condition que cet acte la concerne directement et individuellement. D’autre part, une telle personne peut introduire un recours contre un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution si celui-ci la concerne directement (voir, en ce sens, arrêts du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, points 59 et 91, et du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C‑453/19 P, EU:C:2021:608, point 31).

–       Considérations liminaires sur la nature des mesures litigieuses

48      L’article 1er, sous d), du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE] (JO 2015, L 248, p. 9), définit la notion de « régime d’aides » comme couvrant « toute disposition sur la base de laquelle, sans qu’il soit besoin de mesures d’application supplémentaires, des aides peuvent être octroyées individuellement à des entreprises, définies d’une manière générale et abstraite dans ladite disposition et toute disposition sur la base de laquelle une aide non liée à un projet spécifique peut être octroyée à une ou plusieurs entreprises pour une période indéterminée et/ou pour un montant indéterminé ».

49      Il ressort d’une jurisprudence constante qu’une décision de la Commission qui a pour objet d’autoriser ou d’interdire un « régime d’aides » revêt une portée générale et peut, partant, être qualifiée d’« acte réglementaire », au sens de l’article 263, quatrième alinéa, troisième membre de phrase, TFUE (voir arrêt du 20 janvier 2022, Deutsche Lufthansa/Commission, C‑594/19 P, EU:C:2022:40, point 50 et jurisprudence citée).

50      En l’espèce, il ressort du point 21 ci-dessus que le recours concerne les mesures litigieuses.

51      En ce qui concerne la deuxième mesure, d’après le considérant 290 de la décision attaquée, le régime de redevances aéroportuaires qui y est prévu était applicable à toutes les compagnies aériennes utilisant l’aéroport. Celles-ci ne sont pas nommées dans la deuxième mesure.

52      Il s’ensuit que le régime de redevances aéroportuaires prévu dans la deuxième mesure s’appliquait à des situations déterminées objectivement et produisait des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite, de sorte que, à supposer que ce régime implique des aides d’État, il constitue un régime d’aides. Par conséquent, la partie de la décision attaquée consacrée à la deuxième mesure revêt une portée générale et peut, partant, être qualifiée d’acte réglementaire au sens de l’article 263, quatrième alinéa, troisième membre de phrase, TFUE.

53      En revanche, les accords constituant la troisième mesure, également visée par le recours, ainsi que la Commission l’a noté au considérant 340 de la décision attaquée, ont été négociés individuellement et s’appliquaient uniquement aux deux parties contractantes. Partant, ils doivent être considérés comme des mesures individuelles. La partie de la décision attaquée consacrée auxdits accords ne constituant donc pas un acte réglementaire aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, troisième membre de phrase, TFUE, dès lors qu’elle n’est pas un acte de portée générale, il appartient au Tribunal de vérifier si la requérante est directement et individuellement concernée par cette partie de la décision attaquée, au sens de cette disposition (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C‑453/19 P, EU:C:2021:608, point 32 et jurisprudence citée).

–       Sur l’affectation individuelle de la requérante en ce qui concerne la troisième mesure

54      Il ressort d’une jurisprudence constante que les sujets autres que les destinataires d’une décision ne sauraient prétendre être individuellement concernés que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle du destinataire (voir, en ce sens, arrêts du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, EU:C:1963:17, p. 223, et du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C‑453/19 P, EU:C:2021:608, point 33).

55      Si la partie requérante met en cause le bien-fondé d’une décision d’appréciation de l’aide prise sur le fondement de l’article 108, paragraphe 3, TFUE ou, comme en l’espèce, à l’issue de la procédure formelle d’examen, le simple fait qu’elle puisse être considérée comme étant « intéressée », au sens du paragraphe 2 de cet article, ne saurait suffire pour admettre la recevabilité du recours. Elle doit alors démontrer qu’elle a un statut particulier, au sens de la jurisprudence citée au point 54 ci-dessus. Il en est notamment ainsi lorsque la position de la partie requérante sur le marché concerné est substantiellement affectée par l’aide faisant l’objet de la décision en cause (arrêts du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 97, et du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C‑453/19 P, EU:C:2021:608, point 37).

56      La démonstration, par la partie requérante, d’une atteinte substantielle à sa position sur le marché n’implique pas de se prononcer de façon définitive sur les rapports de concurrence entre cette partie et les entreprises bénéficiaires, mais nécessite seulement de la part de ladite partie qu’elle indique de façon pertinente les raisons pour lesquelles la décision de la Commission est susceptible de léser ses intérêts légitimes en affectant substantiellement sa position sur le marché en cause (voir, en ce sens, arrêts du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission, 169/84, EU:C:1986:42, point 28, et du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C‑453/19 P, EU:C:2021:608, point 57).

57      L’atteinte substantielle à la position concurrentielle de la partie requérante sur le marché en cause résulte non d’une analyse approfondie des différents rapports de concurrence sur ce marché, permettant d’établir avec précision l’étendue de l’atteinte à sa position concurrentielle, mais, en principe, d’un constat prima facie que l’octroi de la mesure visée par la décision de la Commission conduit à porter substantiellement atteinte à cette position (arrêt du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C‑453/19 P, EU:C:2021:608, point 58).

58      Il en découle que cette condition peut être satisfaite dès lors que la partie requérante apporte des éléments permettant de démontrer que la mesure en cause est susceptible de porter substantiellement atteinte à sa position sur le marché concerné (voir, en ce sens, arrêts du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, EU:C:2008:757, point 38, et du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C‑453/19 P, EU:C:2021:608, point 59).

59      La démonstration d’une atteinte substantielle portée à la position d’un concurrent sur le marché ne saurait être limitée à la présence de certains éléments indiquant une dégradation des performances commerciales ou financières de la partie requérante, tels qu’une importante baisse du chiffre d’affaires, des pertes financières non négligeables ou encore une diminution significative des parts de marché à la suite de l’octroi de l’aide en question. L’octroi d’une aide d’État peut également porter atteinte à la situation concurrentielle d’un opérateur d’autres manières, notamment en provoquant un manque à gagner ou une évolution moins favorable que celle qui aurait été enregistrée en l’absence d’une telle aide (voir, en ce sens, arrêts du 22 novembre 2007, Espagne/Lenzing, C‑525/04 P, EU:C:2007:698, points 34 et 35, et du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C‑453/19 P, EU:C:2021:608, point 61).

60      C’est à l’aune de ces principes qu’il convient d’examiner les éléments avancés par la requérante en vue de démontrer qu’elle est individuellement affectée par la décision attaquée et, en particulier, que la troisième mesure est susceptible de porter substantiellement atteinte à sa position sur le marché concerné.

61      En l’espèce, il y a lieu de constater, en premier lieu, que la requérante a joué un rôle actif dans le déroulement de la procédure administrative. Elle a déposé une plainte auprès de la Commission et a présenté ses observations dans le cadre de la procédure formelle d’examen. Il ressort également de la décision attaquée qu’elle a fourni des informations à la Commission à de nombreuses reprises.

62      Il convient, cependant, d’observer qu’il ne saurait être inféré de la seule participation à la procédure administrative de la partie requérante qu’elle est individuellement concernée par la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 22 novembre 2007, Sniace/Commission, C‑260/05 P, EU:C:2007:700, point 60, et ordonnance du 26 septembre 2016, Greenpeace Energy e.a./Commission, T‑382/15, non publiée, EU:T:2016:589, point 39), quand bien même elle aurait, comme en l’espèce, joué un rôle important dans cette procédure administrative, notamment en déposant la plainte à l’origine de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2009, 3F/Commission, C‑319/07 P, EU:C:2009:435, points 94 et 95).

63      En deuxième lieu, la requérante a apporté des éléments concernant les marchés sur lesquels elle entretenait un rapport de concurrence avec Wizz Air et sur lesquels elle a été substantiellement affectée. Ainsi, la requérante et Wizz Air ont toutes les deux opéré des vols à partir de l’aéroport entre octobre 2008, date d’implantation de Wizz Air à l’aéroport, et janvier 2014, date à laquelle la requérante a cessé ses activités à l’aéroport.

64      Plus précisément, lors de l’adoption de la décision d’ouverture en 2011, la requérante et Wizz Air étaient en concurrence sur cinq liaisons au départ ou à destination de l’aéroport, à savoir, en ce qui concerne l’Allemagne, la liaison desservant Düsseldorf (la requérante desservant Düsseldorf et Wizz Air desservant Dortmund, situées à 70 km l’une de l’autre par la route) et, en ce qui concerne l’Italie, les liaisons desservant Venise (la requérante desservant Venise et Wizz Air desservant Trévise, situées à 41 km l’une de l’autre par la route), Bergame-Milan, Bologne (la requérante desservant Bologne et Wizz Air desservant Forli, situées à 73 km l’une de l’autre par la route) et Rome.

65      Dans la décision d’ouverture, la Commission avait ainsi défini le marché de produits pertinent comme la paire de villes dans le transport aérien et implicitement considéré comme étant substituables des aéroports proches tels que Düsseldorf et Dortmund ou Bologne et Forli, conformément à sa pratique décisionnelle en matière de concurrence. Selon cette définition de marché, la requérante et Wizz Air étaient donc en concurrence sur les cinq marchés suivants : Düsseldorf/Timișoara, Venise/Timișoara, Bergame-Milan/Timișoara, Bologne/Timișoara et Rome/Timișoara.

66      La requérante considère en outre qu’elle était en concurrence indirecte avec Wizz Air sur cinq liaisons supplémentaires, définies par une zone de chalandise de 200 km. Elle suggère en effet que, en desservant Dortmund, Venise, Bergame-Milan et Forli, Wizz Air faisait également concurrence aux liaisons qu’elle assurait pour sa part avec Francfort (Allemagne) (située à 222 km de Dortmund par la route), Vérone (Italie) (située à 121 km de Venise par la route), Turin (Italie) (située à 185 km de Bergame par la route), Florence (Italie) (située à 109 km de Forli par la route) et Ancône (Italie) (située à 166 km de Forli par la route).

67      À cet égard, il convient de noter, en ce qui concerne les villes de Dortmund et de Francfort, qu’elles sont situées à plus de 200 km de distance par la route, de sorte que, à supposer même que la définition de marché de la requérante s’applique, elles ne relèveraient pas, en tout état de cause, du même marché.

68      En ce qui concerne les quatre autres liaisons, la requérante n’explique pas pourquoi la zone de chalandise pertinente en l’espèce (200 km) serait considérablement plus vaste que celle traditionnellement utilisée par la Commission dans sa pratique décisionnelle en matière de concurrence (100 km). En outre, la requérante elle-même desservait à la fois Turin et Bergame, Bergame et Vérone, Vérone et Venise ainsi que Bologne et Florence, à savoir des paires de villes situées dans la même zone de chalandise de 200 km, alors même qu’elle soutient que ces destinations étaient substituables. Cette circonstance est susceptible de remettre en cause la pertinence de la prétendue « concurrence indirecte » existant entre la requérante et Wizz Air pour ces paires.

69      Il convient donc de constater que la requérante et Wizz Air étaient en concurrence sur cinq liaisons (précisées au point 65 ci-dessus) au départ ou à destination de l’aéroport, la requérante n’ayant pas établi que Wizz Air la concurrençait également, de manière indirecte, sur cinq liaisons supplémentaires (précisées au point 66 ci-dessus).

70      En troisième lieu, des éléments démontrent l’affectation substantielle de la position de la requérante sur le marché. Dans des observations écrites soumises à la Commission les 7 juin et 8 août 2011, la requérante a indiqué avoir subi une perte de plus de neuf millions d’euros en 2010 et avoir revu son modèle commercial afin de minimiser ses pertes opérationnelles. La Commission a constaté dans la décision d’ouverture que, entre 2008 et 2010, le nombre de passagers, les rendements et les recettes de la requérante sur les cinq liaisons en concurrence avec Wizz Air avaient considérablement diminué. À partir de 2014, la requérante a cessé ses activités à l’aéroport et a fait l’objet d’une réorganisation judiciaire.

71      En quatrième lieu, il ressort des éléments fournis par la requérante que cette dernière avait un statut particulier, qui la caractérisait par rapport aux autres compagnies aériennes présentes à l’aéroport, dans la mesure où l’activité de ce dernier était centrée sur les activités de la requérante, qui en était, en 2008, le principal opérateur en termes de trafic. Durant cette année, la requérante aurait généré 38 % des recettes d’AITTV. Réciproquement, entre 2000 et 2013, plus de 90 % du chiffre d’affaires de la requérante serait provenu de ses activités en étoile à l’aéroport.

72      La requérante disposait également d’un statut particulier dans la mesure où elle était la seule compagnie à être en concurrence directe avec Wizz Air sur cinq lignes. En effet, seules deux autres compagnies aériennes exerçant leurs activités à l’aéroport, Blue Air et Malev, auraient affronté la concurrence directe de Wizz Air. Selon la requérante, cette concurrence se serait limitée à une destination pour chacune d’elles, respectivement Rome et Budapest (Hongrie).

73      En cinquième lieu, la requérante a établi que la troisième mesure était l’une des causes de l’atteinte à sa position concurrentielle.

74      Il ressort en effet de l’annexe A.7 de la requête que, entre 2008 et 2010, le rendement net de la requérante a diminué de moitié sur les cinq liaisons en concurrence directe avec Wizz Air.

75      En qui concerne l’Allemagne, il ressort de l’annexe A.7 de la requête que, entre 2008 et 2010, le rendement net de la requérante sur sa liaison avec Düsseldorf a diminué de 57 %.

76      En qui concerne l’Italie, il ressort de l’annexe A.7 de la requête que, entre 2008 et 2010, le rendement net de la requérante a diminué de 52 % sur les liaisons qu’elle assurait avec Venise, Bergame-Milan, Bologne et Rome.

77      Il ressort en outre des observations présentées par la requérante à la Commission le 7 juin 2011 que celle-ci se plaint non seulement d’avoir perdu des passagers au profit de Wizz Air, mais aussi de n’avoir pas pu reprendre le trafic d’Alitalia et d’Alpi Eagles vers le nord de l’Italie à la suite du départ de ces compagnies de l’aéroport en 2008, parce que ce trafic aurait été repris par Wizz Air.

78      Les éléments mentionnés aux points 75 à 77 ci-dessus étayent non seulement une diminution du chiffre d’affaires de la requérante, mais également un manque à gagner ou une évolution moins favorable que celle qui aurait été enregistrée en l’absence de la troisième mesure en ce qui concerne la liaison que la requérante assurait avec l’Allemagne et les liaisons assurées avec l’Italie. En application de la jurisprudence citée au point 58 ci-dessus, ces derniers éléments peuvent suffire à démontrer une atteinte substantielle portée à la position d’un concurrent sur le marché.

79      La requérante a donc apporté des éléments concernant les marchés sur lesquels elle entretenait un rapport de concurrence avec Wizz Air et sur lesquels sa position a été substantiellement affectée. Elle a également fourni des éléments étayant l’affectation substantielle de sa position sur les marchés, qu’il s’agisse d’une dégradation de ses performances ou d’un manque à gagner, et du caractère particulier de son statut parmi les compagnies aériennes exerçant leurs activités à l’aéroport. Enfin, elle a établi que la troisième mesure était l’une des causes de l’atteinte à sa position concurrentielle.

80      Les éléments produits par la requérante afin d’établir que la troisième mesure était susceptible d’affecter de façon substantielle sa position concurrentielle sur les marchés concernés ne sont pas remis en cause par l’argumentation de la Commission selon laquelle, d’une part, la requérante n’a fourni aucune information sur la taille des marchés en cause ni sur ses propres parts de marché ou sur celles de Wizz Air, ni aucun élément de preuve démontrant que la diminution de son activité sur certaines lignes ainsi que la dégradation de sa situation financière seraient la conséquence des mesures litigieuses et, d’autre part, d’autres facteurs, parmi lesquels l’emploi d’un modèle en étoile ainsi que la crise financière, pourraient avoir expliqué ses difficultés financières (voir point 42 ci-dessus).

81      À cet égard, il convient de rappeler qu’il résulte de la jurisprudence citée au point 56 ci-dessus que la démonstration, par la partie requérante, d’une atteinte substantielle à sa position sur le marché n’implique pas de se prononcer de façon définitive sur les rapports de concurrence entre cette partie et les entreprises bénéficiaires, mais nécessite seulement de la part de ladite partie qu’elle indique de façon pertinente les raisons pour lesquelles la décision de la Commission est susceptible de léser ses intérêts légitimes en affectant substantiellement sa position sur le marché en cause.

82      En particulier, il ne saurait être exigé de la partie requérante qu’elle démontre que ses difficultés financières sont exclusivement dues aux mesures litigieuses (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2019, Air France/Commission, T‑894/16, EU:T:2019:508, point 65).

83      En l’espèce, s’il est plausible qu’un ensemble de facteurs puisse avoir contribué aux difficultés financières de la requérante, il n’en reste pas moins que, au vu des éléments avancés par cette dernière dans le cadre du présent recours, celle-ci a suffisamment établi que la troisième mesure était susceptible d’affecter de façon substantielle sa position concurrentielle sur les marchés concernés.

84      Enfin, dans la mesure où la Commission fait valoir que la requérante aurait cessé ses activités à l’aéroport depuis 2013, qu’elle aurait changé de modèle commercial et qu’elle n’aurait fourni aucune information spécifique sur le rapport concurrentiel qu’elle entretenait avec Wizz Air au moment de l’introduction du recours (voir point 40 ci-dessus), il suffit de constater que l’évaluation de l’affectation substantielle doit se faire au regard de la situation au moment où les mesures litigieuses ont été octroyées et étaient susceptibles d’avoir un effet, comme l’a d’ailleurs reconnu la Commission lors de l’audience.

85      Dès lors, il y a lieu de constater que la troisième mesure était susceptible d’affecter de façon substantielle la position concurrentielle de la requérante sur les marchés concernés.

86      Il découle des considérations qui précèdent que la requérante a établi être individuellement concernée par la décision attaquée en ce qui concerne la troisième mesure.

–       Sur l’affectation directe de la requérante en ce qui concerne les mesures litigieuses

87      Selon une jurisprudence constante, la condition selon laquelle une personne physique ou morale doit être directement concernée par la décision faisant l’objet du recours, telle que prévue à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, requiert que deux critères soient cumulativement réunis, à savoir que la mesure contestée, d’une part, produise directement des effets sur la situation juridique du particulier et, d’autre part, ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union, sans application d’autres règles intermédiaires (voir arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 42 et jurisprudence citée).

88      S’agissant spécifiquement des règles relatives aux aides d’État, il convient de souligner que celles-ci ont pour objectif de préserver la concurrence. Ainsi, dans ce domaine, le fait qu’une décision de la Commission laisse entiers les effets de mesures nationales dont la partie requérante a, dans une plainte adressée à cette institution, fait valoir qu’elles n’étaient pas compatibles avec cet objectif et la plaçaient dans une situation concurrentielle désavantageuse permet de conclure que cette décision affecte directement sa situation juridique, en particulier son droit, résultant des dispositions du traité FUE en matière d’aides d’État, à ne pas subir une concurrence faussée par les mesures nationales en cause (voir arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 43 et jurisprudence citée).

89      Dans la mesure où la condition relative à l’affectation directe exige que l’acte contesté produise directement des effets sur la situation juridique de la partie requérante, le juge de l’Union est tenu de vérifier si cette dernière a exposé de façon pertinente les raisons pour lesquelles la décision de la Commission est susceptible de la placer dans une situation concurrentielle désavantageuse et, partant, de produire des effets sur sa situation juridique (arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 47).

90      En l’espèce, s’agissant du premier des deux critères visés au point 87 ci-dessus, il ressort du dossier que la requérante exerçait des activités semblables à celles de Wizz Air et était active sur le même marché de services et sur le même marché géographique que Wizz Air. Dans la mesure où Wizz Air était la bénéficiaire alléguée des mesures litigieuses appréciées dans la décision attaquée, il y a lieu de considérer que la requérante a justifié de façon pertinente que la décision attaquée était susceptible de la placer dans une situation concurrentielle désavantageuse et que, partant, cette décision affectait directement sa situation juridique, en particulier son droit à ne pas subir sur ce marché une concurrence faussée par les mesures litigieuses.

91      S’agissant du second des deux critères visés au point 87 ci-dessus, il convient de considérer que la décision attaquée laisse entiers les effets tant de la deuxième que de la troisième mesure, de manière purement automatique en vertu de la seule réglementation de l’Union et sans application d’autres règles intermédiaires.

92      Il s’ensuit que la requérante est directement concernée par la décision attaquée, en ce qui concerne tant la deuxième mesure que la troisième mesure.

93      La requérante a donc qualité pour agir en annulation de la décision attaquée.

94      Il s’ensuit que le recours doit être considéré comme étant recevable.

 Sur la recevabilité des annexes

 Sur la recevabilité des extraits du rapport de l’administrateur judiciaire

95      La requérante a fourni des extraits du rapport de l’administrateur judiciaire en annexe à ses observations sur le mémoire en intervention d’AITTV.

96      AITTV fait valoir que, la requérante n’ayant fourni que des extraits de ce rapport, ceux-ci ne seraient pas utilisables. La Commission comme Wizz Air soutiennent que ce document serait irrecevable et devrait être retiré du dossier, car, d’une part, il est rédigé en roumain, et non dans la langue de procédure, sans être accompagné d’une traduction et, d’autre part, il a été présenté tardivement.

97      À cet égard, il convient de rappeler que, selon l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure, les preuves et les offres de preuve sont présentées dans le cadre du premier échange de mémoires. En l’espèce, bien que le rapport de l’administrateur judiciaire ait été évoqué dès la requête, la requérante n’a fourni aucune explication valable quant aux raisons pour lesquelles les extraits de ce rapport avaient été produits tardivement, en réponse au mémoire en intervention d’AITTV.

98      Il convient donc de considérer les extraits du rapport de l’administrateur judiciaire comme irrecevables.

 Sur la recevabilité de l’annexe Q.2

99      En annexe Q.2 à sa réponse aux questions du Tribunal du 19 juillet 2022, la requérante a fourni des factures adressées par AITTV à Wizz Air, comportant des dates comprises entre le 30 novembre 2010 et le 31 mai 2011, desquelles il découlerait que les réductions (de 72 à 85 %) résultant du point 7.3 de la deuxième mesure s’appliquaient à toutes les taxes aéroportuaires, et non uniquement aux taxes d’atterrissage.

100    Lors de l’audience, la Commission a contesté la recevabilité de ces factures et en a demandé le retrait du dossier, car, d’une part, elles étaient rédigées en roumain et, d’autre part, elles avaient été présentées tardivement. La Commission a demandé, à défaut, qu’une traduction en anglais de ces factures soit versée au dossier.

101    À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 46, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute pièce produite ou annexée et rédigée dans une langue autre que la langue de procédure doit être accompagnée d’une traduction dans la langue de procédure. Le paragraphe 3 de ce même article prévoit toutefois que, dans le cas de pièces volumineuses, des traductions en extraits peuvent être présentées. De plus, il ressort du point 99 des dispositions pratiques d’exécution du règlement de procédure que, lorsque les pièces annexées à un acte de procédure ne sont pas accompagnées d’une traduction dans la langue de procédure, le greffier en demande la régularisation à la partie concernée, si cette traduction apparaît nécessaire au bon déroulement de la procédure.

102    La traduction dans la langue de procédure des pièces annexées ne constitue donc pas une exigence devant être systématiquement satisfaite. Par conséquent, une absence de traduction ne peut pas d’office entraîner leur irrecevabilité [voir, en ce sens, arrêts du 23 mai 2019, Steinhoff e.a./BCE, T‑107/17, EU:T:2019:353, points 35 à 38 ; du 9 juin 2021, HIM/Commission, T‑235/19, EU:T:2021:343, points 84 à 89 (non publiés), et du 6 octobre 2021, Allergan Holdings France/EUIPO – Dermavita Company (JUVEDERM), T‑397/20, non publié, EU:T:2021:653, points 24 à 26].

103    En l’espèce, d’une part, la Commission a indiqué lors de l’audience que les factures en cause faisaient déjà partie de son dossier lors de la procédure administrative. D’autre part, la langue dans laquelle ces factures sont rédigées correspond à celle dans laquelle la Commission communiquait avec les autorités roumaines et à la langue faisant foi dans laquelle ont été rédigées la décision d’ouverture et la décision attaquée, à savoir le roumain. Ainsi, il peut être considéré que la Commission a pu comprendre le contenu des factures en cause.

104    En tout état de cause, la requérante a procédé à une régularisation spontanée de l’annexe Q.2, dont elle a fourni une traduction en langue de procédure, tout en notant qu’une telle traduction n’était pas requise, car la force probante des factures en cause résidait dans les chiffres et pourcentages qu’elles contenaient ainsi que dans des termes aisément compréhensibles.

105    Il convient par ailleurs de noter que les factures en cause, qui appliquent une réduction à l’ensemble des services fournis par AITTV à Wizz Air, ont été fournies par la requérante afin d’illustrer le champ d’application de la réduction prévue au point 7.3 de la deuxième mesure. Ledit champ d’application faisait l’objet de l’une des questions posées par le Tribunal aux parties le 19 juillet 2022, sur le fondement de l’article 89 du règlement de procédure, qui autorise le Tribunal à poser des questions aux parties aux fins d’éclairer certains aspects du litige.

106    Il y a donc lieu d’admettre l’annexe Q.2 comme étant recevable et de rejeter la demande de retrait présentée par la Commission concernant cette annexe.

 Sur le fond

107    À l’appui de son recours, la requérante invoque quatre moyens. Par son premier moyen, elle fait valoir que la décision attaquée serait entachée d’une erreur de droit concernant l’absence de caractère sélectif de la deuxième mesure. Le deuxième moyen est tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d’une erreur manifeste d’appréciation, d’une erreur de droit et d’un défaut de motivation en tant qu’elle conclut, du fait d’une application erronée du critère de l’opérateur privé en économie de marché, que la troisième mesure n’a pas conféré d’avantage indu à Wizz Air. Par son troisième moyen, la requérante fait valoir que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation et violé son devoir de vigilance en ce qui concerne la discrimination par les prix qui aurait été opérée entre les transporteurs aériens à l’aéroport par le biais des mesures litigieuses. Par son quatrième moyen, elle fait valoir que la décision attaquée serait entachée d’une erreur de droit en tant qu’elle ne tiendrait pas compte de l’aide d’État que la troisième mesure aurait conférée à Wizz Air sous la forme d’une réduction de la redevance de sûreté.

 Sur le premier moyen, tiré d’une erreur de droit concernant le caractère sélectif de la deuxième mesure

108    Les PIA de 2007 et 2008 ayant précédé l’arrivée de Wizz Air, la requérante ne vise, par son premier moyen, que la deuxième mesure.

109    La requérante fait valoir que la nouvelle réduction des redevances aéroportuaires allant jusqu’à 85 %, prévue au point 7.3 de la deuxième mesure, serait conçue de manière à octroyer un avantage sélectif à Wizz Air, la seule compagnie aérienne de l’aéroport à utiliser des aéronefs dont le poids maximal au décollage (ci-après le « MTOW ») était supérieur à 70 tonnes (t) et qui transportaient plus de 10 000 passagers par mois.

110    En premier lieu, la requérante maintient que le fait que d’autres compagnies aériennes bénéficiaient ou auraient pu bénéficier des réductions concernées et que la deuxième mesure s’appliquait à toutes les compagnies aériennes exerçant leurs activités à l’aéroport n’exclurait pas que les réductions qui y étaient prévues aient été conçues en vue de favoriser Wizz Air de manière sélective, ce que la Commission aurait omis d’examiner.

111    À cet égard, la requérante fait valoir que la décision attaquée serait entachée d’erreurs dans l’analyse, d’une part, de la question de savoir si la deuxième mesure opérait une distinction entre des entreprises se trouvant dans des situations comparables et, d’autre part, de la question de savoir si cette distinction pouvait être justifiée au regard des objectifs du système de référence. En effet, la réduction introduite au point 7.3 de la deuxième mesure constituerait une dérogation au système de référence opérant une discrimination entre les compagnies aériennes qui utilisaient l’aéroport, lesquelles se trouvaient dans une situation comparable.

112    De plus, le montant des réductions (compris entre 72 et 85 %) ne serait pas justifié économiquement, dans la mesure où rien n’indiquerait que l’utilisation d’un aéronef plus grand conduirait à une réduction de plus de 70 % des coûts de l’aéroport, comme l’aurait noté la Commission au considérant 164 de la décision d’ouverture. De surcroît, au moment de l’adoption de la deuxième mesure, l’infrastructure de l’aéroport ne pouvait pas supporter de grands aéronefs. La surcharge de la chaussée due aux opérations de Wizz Air aurait même entraîné des coûts plus élevés pour l’aéroport.

113    En second lieu, la requérante avance que la Commission aurait fait une appréciation erronée du caractère sélectif de la deuxième mesure, laquelle serait sélective de facto. Premièrement, Wizz Air aurait été le seul transporteur aérien habilité à obtenir une telle réduction des redevances aéroportuaires et le seul à l’avoir effectivement obtenue, comme la Commission l’aurait reconnu aux considérants 154 et 226 de la décision d’ouverture. En effet, selon la requérante, Tarom aurait disposé d’un seul aéronef d’un MTOW supérieur à 70 t et ne pouvait pas générer un trafic de plus de 10 000 passagers par mois (en 2009, le nombre mensuel moyen de passagers de Tarom en partance s’élevait à 5 480).

114    Deuxièmement, la modification des redevances aéroportuaires par la deuxième mesure serait une tentative d’AITTV de rendre plus légitimes des réductions également octroyées à Wizz Air par le biais des accords modificatifs de 2010.

115    Pour sa part, la Commission, appuyée par AITTV, fait valoir, en premier lieu, que le nombre d’entreprises effectivement en mesure de bénéficier des réductions n’aurait pas été considéré comme un élément déterminant pour conclure à l’absence de caractère sélectif de la mesure. Elle remarque en outre que la deuxième mesure prévoyait non seulement des réductions pour les aéronefs dont le MTOW était supérieur à 70 t, mais également d’autres réductions, notamment pour les aéronefs de plus petite taille comme ceux exploités par la requérante.

116    La Commission fait également valoir que l’argument de la requérante, soulevé dans la réplique, selon lequel la décision attaquée serait entachée d’erreurs dans l’analyse de la question de savoir si la deuxième mesure opérait une distinction entre des entreprises se trouvant dans des situations comparables, et si cette distinction pouvait être justifiée au regard des objectifs du système de référence, constituerait un moyen nouveau et, en tant que tel, irrecevable.

117    En tout état de cause, la réduction prévue au point 7.3 de la deuxième mesure ne constituerait pas une dérogation au système de référence, à savoir la PIA prise dans son ensemble. Quant à la justification économique de ladite réduction, elle serait exposée aux considérants 101 et 102 de la décision attaquée. La décision d’augmenter le trafic à l’aéroport en baissant les redevances applicables aux grands aéronefs reposerait sur le raisonnement économique selon lequel les recettes totales perçues seraient plus élevées.

118    En second lieu, la Commission fait valoir que la deuxième mesure visée dans la décision d’ouverture comprenait l’ensemble des régimes de réductions établis par les PIA de 2007, de 2008 et de 2010. Or, le premier moyen viserait la réduction prévue au seul point 7.3 de la deuxième mesure, soit une mesure différente de celle examinée dans la décision attaquée, et serait, pour cette raison, inopérante.

119    En tout état de cause, Wizz Air n’aurait pas été la seule compagnie aérienne à exploiter des aéronefs d’un MTOW supérieur à 70 t. Cela aurait été également le cas de Tarom, qui aurait pu accroître cette utilisation afin de pouvoir bénéficier de la réduction prévue au point 7.3 de la deuxième mesure. À cet égard, Wizz Air et AITTV font valoir que cette réduction visait à encourager d’autres compagnies aériennes à bas coût à baser des aéronefs d’un MTOW supérieur à 70 t à l’aéroport, en fixant un niveau de trafic atteignable (le seuil de 10 000 passagers pouvant, selon Wizz Air, être atteint avec moins de deux décollages par jour).

120    La Commission note enfin qu’une mesure ne peut être considérée comme étant constitutive d’une discrimination de fait que si elle est discriminatoire à l’égard d’entreprises se trouvant dans une situation comparable au regard de l’objectif poursuivi par le régime de référence. Or, la deuxième mesure ne serait discriminatoire en aucune de ses parties à l’égard de compagnies aériennes se trouvant dans une situation comparable.

–       Sur l’appréciation de la deuxième mesure dans la décision attaquée

121    La Commission a examiné l’existence d’une aide d’État s’agissant des redevances aéroportuaires publiées dans les PIA de 2007, de 2008 et de 2010 aux considérants 267 à 299 de la décision attaquée. Elle a apprécié la condition relative à la sélectivité aux considérants 284 à 299 de la décision attaquée.

122    Ainsi, au considérant 289 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que le cadre de référence pertinent pour examiner si les PIA de 2007, de 2008 et de 2010 avaient pour effet de favoriser certaines compagnies aériennes au regard d’autres qui se trouvaient dans une situation factuelle et juridique comparable était celui prévu par le régime applicable à l’aéroport. À cet égard, elle a noté, au considérant 290 de la décision attaquée, que le régime de redevances aéroportuaires ainsi que les remises et les rabais étaient applicables à toutes les compagnies aériennes utilisant ou susceptibles d’utiliser l’aéroport, qui remplissaient les conditions décrites dans les PIA de 2007, de 2008 ou de 2010, selon le cas.

123    Au considérant 292 de la décision attaquée, la Commission a noté que « [l]es remises applicables étaient progressives, les plus basses étant de 10 % pour 250 - 500 atterrissages par an, soit environ [cinq] atterrissages par semaine » et que, « au cours de la période visée par l’appréciation, outre Wizz Air, d’autres compagnies aériennes étaient présentes à l’[aéroport] et avaient dans leur flotte des aéronefs de taille appropriée et/ou assurant des fréquences suffisantes et qui, donc, bénéficiaient ou auraient pu bénéficier de ces remises ».

124    Aux considérants 293 et 294 de la décision attaquée, la Commission a conclu que le taux de base, les rabais et les remises prévues dans les PIA de 2007, de 2008 et de 2010 n’étaient pas sélectifs, car ils étaient applicables de manière non discriminatoire. La Commission a dès lors conclu que cette mesure ne constituait pas une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

–       Sur le bien-fondé de l’appréciation de la deuxième mesure

125    En vertu de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, « sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ».

126    En conséquence, seules les mesures qui confèrent un avantage de manière sélective à certaines entreprises ou catégories d’entreprises ou à certains secteurs économiques relèvent de la notion d’« aide ».

127    Néanmoins, la jurisprudence a précisé que même des interventions qui, à première vue, sont applicables à la généralité des entreprises peuvent présenter une certaine sélectivité et, partant, être considérées comme des mesures destinées à favoriser certaines entreprises ou certaines productions (voir arrêt du 6 mars 2002, Diputación Foral de Álava e.a./Commission, T‑127/99, T‑129/99 et T‑148/99, EU:T:2002:59, point 149 et jurisprudence citée).

128    La sélectivité de facto peut être établie dans des situations où, bien que les critères formels pour l’application de la mesure soient formulés en termes généraux et objectifs, la mesure est agencée d’une manière telle que ses effets favorisent sensiblement un groupe particulier d’entreprises [voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni, C‑106/09 P et C‑107/09 P, EU:C:2011:732, points 101 à 107 ; voir, également, communication de la Commission relative à la notion d’« aide d’État » visée à l’article 107, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (JO 2016, C 262, p. 1), point 121].

129    Il résulte d’une jurisprudence constante que l’appréciation de la condition relative à la sélectivité de l’avantage impose de déterminer si, dans le cadre d’un régime juridique donné, une mesure nationale est de nature à favoriser « certaines entreprises ou certaines productions » au regard d’autres, qui se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par ledit régime, dans une situation factuelle et juridique comparable. La notion d’« aide d’État » ne vise pas les mesures étatiques introduisant une différenciation entre entreprises et, donc, a priori sélectives, lorsque cette différenciation résulte de la nature ou de l’économie du système dans lequel elles s’inscrivent (voir arrêt du 21 décembre 2016, Commission/Hansestadt Lübeck, C‑524/14 P, EU:C:2016:971, point 41 et jurisprudence citée).

130    Il est par ailleurs de jurisprudence constante que l’article 107, paragraphe 1, TFUE ne fait pas de distinction selon les causes ou les objectifs des interventions étatiques, mais les définit en fonction de leurs effets (voir arrêt du 21 décembre 2016, Commission/Hansestadt Lübeck, C‑524/14 P, EU:C:2016:971, point 48 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 6 mars 2002, Diputación Foral de Álava e.a./Commission, T‑92/00 et T‑103/00, EU:T:2002:61, point 51 et jurisprudence citée).

131    Dès lors, s’il ne saurait être exclu qu’une mesure par laquelle une entreprise publique établit les conditions d’utilisation de ses biens ou de ses services, bien que d’application générale à l’ensemble des entreprises utilisant ces biens ou ces services, présente un caractère sélectif, il y a lieu, pour déterminer si tel est le cas, de s’attacher non pas à la nature de cette mesure, mais à ses effets, en recherchant si l’avantage qu’elle est supposée procurer ne profite en réalité qu’à certaines de ces entreprises par rapport aux autres, alors même que, au regard de l’objectif poursuivi par le régime concerné, l’ensemble desdites entreprises se trouvent dans une situation factuelle et juridique comparable (arrêt du 21 décembre 2016, Commission/Hansestadt Lübeck, C‑524/14 P, EU:C:2016:971, point 49).

132    La détermination de l’ensemble des entreprises se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable dépend de la définition préalable du régime juridique au regard de l’objectif duquel doit, le cas échéant, être examinée la comparabilité de la situation factuelle et juridique respective des entreprises favorisées par la mesure en cause et de celles qui ne le sont pas (arrêt du 21 décembre 2016, Commission/Hansestadt Lübeck, C‑524/14 P, EU:C:2016:971, point 60).

133    À titre liminaire, il convient, premièrement, de noter que les points 1 à 4 de la deuxième mesure indiquaient les taux des différentes redevances aéroportuaires (à savoir l’atterrissage, le balisage, le stationnement et les services pour les passagers, dont la sûreté). Les redevances effectivement facturées pouvaient faire l’objet de divers types de réductions. Les points 7.1, 7.2 et 7.3 de la deuxième mesure prévoyaient, respectivement, trois types de réductions, non cumulatifs :

–        premièrement, des réductions de 10 à 70 % en fonction du nombre d’atterrissages effectués l’année précédente pour les vols internationaux ;

–        deuxièmement, une réduction  de 50 % pendant une période de douze mois pour les nouveaux transporteurs aériens effectuant au moins trois vols par semaine, avec un aéronef d’une capacité d’au moins 70 sièges. Pour chaque nouvelle destination desservie, la réduction appliquée était de 50 % pour une période de six mois ; outre  ces réductions, AITTV accordait également un remboursement de 10 à 30 % des recettes provenant des redevances d’embarquement, en fonction du nombre de passagers embarqués par an ;

–        troisièmement, des réductions de 72 à 85 % pour les aéronefs d’un MTOW supérieur à 70 t avec plus de 10 000 passagers embarqués par mois.

134    Il ressort des considérants 46 à 49 de la décision attaquée que les réductions décrites aux premier et deuxième tirets ci-dessus étaient déjà prévues dans la PIA de 2008. Parmi les réductions prévues par la deuxième mesure, celles prévues au point 7.3, décrites au troisième tiret ci-dessus, constituaient la seule nouveauté au regard de la PIA de 2008.

135    Deuxièmement, la Commission fait valoir que le premier moyen serait inopérant en ce qu’il viserait uniquement la réduction prévue au point 7.3 de la deuxième mesure (à savoir une réduction de 72 à 85 % pour les aéronefs d’un MTOW supérieur à 70 t avec plus de 10 000 passagers embarqués par mois), alors que la deuxième mesure visée dans la décision d’ouverture comprenait l’ensemble des types de réductions établis par les PIA de 2007, de 2008 et de 2010.

136    Cet argument doit être rejeté. Certes, dans la décision attaquée, la Commission a examiné les réductions prévues dans la deuxième mesure dans leur ensemble, sans examiner séparément la réduction prévue au point 7.3. Il n’en reste pas moins que cette dernière réduction est également couverte par la décision attaquée et que la requérante fait précisément valoir que la Commission aurait erronément omis d’examiner si cette réduction, prise individuellement, n’était pas sélective à l’égard de Wizz Air.

137    Troisièmement, lors de l’audience, la Commission a par ailleurs fait valoir que le point 7.3 de la deuxième mesure n’aurait pas été applicable à Wizz Air, cette dernière ayant conclu des accords avec l’aéroport. À cet égard, il convient toutefois de rappeler que, selon la décision attaquée, le régime de redevances aéroportuaires ainsi que les remises et les rabais étaient applicables à toutes les compagnies aériennes utilisant ou susceptibles d’utiliser l’aéroport, y compris Wizz Air.

138    En l’espèce, la requérante reproche en substance à la Commission d’avoir écarté le caractère sélectif des réductions prévues au point 7.3 de la deuxième mesure, au motif que d’autres compagnies aériennes bénéficiaient ou auraient pu bénéficier des réductions concernées et que la deuxième mesure s’appliquait à toutes les compagnies aériennes exerçant leurs activités à l’aéroport.

139    À cet égard, en premier lieu, au considérant 290 de la décision attaquée, la Commission a noté que le régime de redevances aéroportuaires ainsi que les remises et les rabais étaient applicables à toutes les compagnies aériennes utilisant ou susceptibles d’utiliser l’aéroport qui remplissaient les conditions décrites dans les PIA de 2007, de 2008 ou de 2010, selon le cas.

140    Or, la nature de la deuxième mesure, qui se présentait sous la forme de l’application d’un régime « général », reposant sur des critères, en eux-mêmes, également de nature générale, ne s’oppose pas au constat du caractère sélectif de cette mesure. En effet, la condition tenant à la sélectivité a une portée plus large incluant des mesures qui, par leurs effets, favorisent certaines entreprises en raison de caractéristiques propres et spécifiques à ces entreprises. De même, il ressort de la jurisprudence que le fait que l’aide ne vise pas un ou plusieurs bénéficiaires particuliers préalablement définis, mais qu’elle soit soumise à une série de critères objectifs en application desquels elle pourra être octroyée à un nombre indéfini de bénéficiaires, non individualisés à l’origine, ne saurait suffire à mettre en cause le caractère sélectif de la mesure et, partant, la qualification de celle-ci d’aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Une telle circonstance n’exclut pas, en effet, que cette intervention publique doive s’analyser comme étant constitutive d’une mesure sélective si, du fait de ses critères d’application, elle procure un avantage à certaines entreprises, à l’exclusion d’autres (voir, en ce sens, arrêt du 29 septembre 2000, CETM/Commission, T‑55/99, EU:T:2000:223, point 40). Ainsi, la nature générale de la PIA n’excluait pas, en tant que telle, une éventuelle discrimination de fait entre les compagnies aériennes utilisant l’aéroport.

141    En second lieu, au considérant 292 de la décision attaquée, la Commission a noté que « [l]es remises applicables étaient progressives, les plus basses étant de 10 % pour 250 - 500 atterrissages par an, soit environ [cinq] atterrissages par semaine » et que, « au cours de la période visée par l’appréciation, outre Wizz Air, d’autres compagnies aériennes étaient présentes à l’[aéroport] et avaient dans leur flotte des aéronefs de taille appropriée et/ou assurant des fréquences suffisantes et qui, donc, bénéficiaient ou auraient pu bénéficier de ces remises ».

142    Or, ce faisant, premièrement, la Commission a examiné de manière conjointe les trois types de réductions prévus par la deuxième mesure, sans expliquer en quoi, aux fins de déterminer si celle-ci avait un caractère sélectif, une telle appréciation conjointe était pertinente, compte tenu du fait que chaque type de réduction répondait à des conditions différentes et que lesdites réductions n’étaient pas cumulatives. Partant, elle a omis d’examiner si le type de réduction prévu spécifiquement au point 7.3 de la deuxième mesure, pris isolément, favorisait Wizz Air du fait de ses conditions d’application, à l’exclusion des autres compagnies aériennes présentes à l’aéroport.

143    Deuxièmement, la Commission ne s’est pas prononcée sur la question de savoir si, s’agissant spécifiquement du type de réduction prévu au point 7.3 de la deuxième mesure, d’autres compagnies aériennes que Wizz Air avaient dans leur flotte des aéronefs, de taille appropriée et assurant des fréquences suffisantes, leur permettant effectivement d’en bénéficier.

144    Certes, il ressort de la décision attaquée que, lors de la procédure administrative, Wizz Air a fait valoir que d’autres compagnies aériennes qu’elle exploitaient des aéronefs dont le MTOW était supérieur à 70 t et pouvaient donc bénéficier du type de réduction prévu au point 7.3 de la deuxième mesure (voir considérant 122 de la décision attaquée). Dans ses écritures, la Commission a relevé que Tarom exploitait de tels aéronefs et qu’elle aurait pu chercher à augmenter son trafic à l’aéroport afin de bénéficier de ces réductions.

145    Il n’en demeure pas moins que, dans les faits, le type de réduction prévu au point 7.3 de la deuxième mesure a bénéficié exclusivement à Wizz Air et qu’aucune autre compagnie aérienne, y compris Tarom, n’a atteint le nombre minimum de passagers embarqués par mois requis par ce point 7.3.

146    S’agissant encore de l’argument de Wizz Air et d’AITTV selon lequel ces réductions devaient permettre d’augmenter le trafic à l’aéroport et ainsi les recettes effectivement perçues, il y a lieu de souligner, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 130 ci-dessus, que l’article 107, paragraphe 1, TFUE ne fait pas de distinction selon les causes ou les objectifs des interventions étatiques, mais les définit en fonction de leurs effets, de sorte que ces finalités en matière de trafic et de recettes ne sont pas pertinentes aux fins d’apprécier le caractère sélectif des réductions prévues au point 7.3 de la deuxième mesure. En tout état de cause, force est de constater que la décision attaquée ne contient aucun élément démontrant lesdites finalités.

147    Troisièmement, il y a lieu de relever qu’une prise en compte, telle qu’invoquée par la Commission, des deux autres mesures de réductions prévues par la deuxième mesure est d’autant plus susceptible de remettre en cause le caractère non sélectif des réductions prévues au point 7.3 de cette mesure. En effet, ces deux autres mesures prévoyaient des réductions comprises dans des fourchettes allant de 10 à 70 % et de 10 à 30 %, alors que ledit point 7.3 permettait des réductions plus élevées et nettement moins progressives commençant à 72 % et allant jusqu’à 85 %.

148    Par conséquent, il convient de conclure que la Commission a commis une erreur de droit en omettant d’examiner si la réduction prévue au point 7.3 de la deuxième mesure, prise individuellement, avait vocation à s’appliquer de manière sélective, sans qu’il soit nécessaire d’examiner ni le caractère prétendument tardif ni le bien-fondé de l’argument de la requérante selon lequel les réductions prévues au point 7.3 de la deuxième mesure constitueraient une dérogation au système de référence établi par cette mesure.

149    Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient d’accueillir le premier moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation, d’une erreur de droit et d’un défaut de motivation en ce que la décision attaquée conclut que la troisième mesure n’a pas conféré d’avantage indu à Wizz Air

150    Le deuxième moyen se décompose en deux branches. Par une première branche, relative à l’appréciation des éléments de fait, la requérante soutient que la décision attaquée aurait méconnu des éléments de preuve démontrant que le comportement d’AITTV n’était pas comparable à celui d’un opérateur privé en économie de marché.

151    Notamment, aucune analyse ex ante n’aurait été effectuée par AITTV afin de déterminer si les accords de 2008 étaient susceptibles de lui fournir un rendement positif ou, à tout le moins, de couvrir les coûts d’exploitation de Wizz Air, alors même que l’accord de commercialisation aurait eu pour effet d’accorder à Wizz Air une réduction allant jusqu’à 85 % de toutes les redevances aéroportuaires. Or, un opérateur de marché prudent aurait effectué une analyse ex ante de rentabilité avant de modifier ainsi sa stratégie commerciale.

152    Par une seconde branche, tirée d’une erreur de droit, la requérante maintient que la décision attaquée appliquerait erronément le critère de l’opérateur privé en économie de marché à la troisième mesure. La Commission aurait en effet omis le contexte général de la troisième mesure ainsi que les évolutions prévisibles, telles que les coûts de renforcement du numéro de classification de chaussée, découlant de cette mesure et ses conséquences sur les moyen et long termes. En particulier, elle aurait retenu, à tort, un délai de trois ans seulement pour apprécier la rentabilité des accords de 2008.

153    Pour sa part, la Commission fait valoir, à titre liminaire, que la requérante ne contesterait pas son analyse de la rentabilité des accords modificatifs de 2010, mais seulement son analyse de la rentabilité des accords de 2008. À cet égard, elle remarque que, pour contester avec succès l’application du critère de l’opérateur privé en économie de marché dans la décision attaquée, la requérante devrait démontrer que l’appréciation de la Commission serait non seulement erronée, mais également dépourvue de plausibilité.

154    En ce qui concerne la première branche, la Commission fait valoir, s’agissant de l’absence d’analyse ex ante, qu’il ne pourrait être exclu qu’une étude évaluant ex post la rentabilité supplémentaire attendue d’un accord signé par un aéroport et une compagnie aérienne, mais fondée sur des données qui auraient été disponibles au moment de la signature de cet accord, puisse être acceptée.

155    En ce qui concerne la seconde branche, relative notamment au délai retenu pour apprécier la rentabilité des accords de 2008, la Commission fait valoir avoir choisi un délai de trois ans, qui correspondait à la période initiale d’application de l’accord de commercialisation, car, notamment, un opérateur privé en économie de marché avisé n’aurait pas compté sur une reconduction des accords à l’issue de leur exécution, comme cela est expliqué aux considérants 334 à 336 de la décision attaquée.

156    Dans la réplique, la requérante allègue que Wizz Air aurait reçu une aide d’État par le biais des accords modificatifs de 2010, car, en substance, la deuxième mesure et les accords modificatifs de 2010 auraient octroyé le même avantage à Wizz Air.

157    À cet égard, la Commission fait valoir, dans la duplique, que les accords modificatifs de 2010 et la deuxième mesure ne constitueraient pas une mesure unique et qu’elle les aurait appréciés séparément.

–       Sur l’appréciation de la troisième mesure dans la décision attaquée

158    Les accords de 2008 comprenaient un protocole d’accord, un accord de commercialisation, un accord d’exploitation et un accord d’assistance en escale.

159    En vertu du protocole d’accord et de l’accord de commercialisation, conclus pour une période initiale de trois ans, AITTV s’était notamment engagée à étendre le terminal passagers pour qu’il pût accueillir jusqu’à trois millions de passagers par an avant le 1er janvier 2011, à améliorer le classement de la piste d’atterrissage et de décollage avant la fin de l’année 2009 et à mettre à disposition des créneaux horaires conformément à la demande de Wizz Air. Cette dernière s’était engagée à mener des activités de commercialisation pour AITTV.

160    L’accord d’exploitation et l’accord d’assistance en escale, conclus pour une durée initiale d’un an, fixaient les redevances aéroportuaires à payer par Wizz Air, ainsi que les remises et les dispenses de paiement de celles-ci. Les redevances étaient principalement les mêmes que celles figurant dans la PIA de 2008. Le 25 juin 2010, l’accord d’exploitation et l’accord d’assistance en escale ont été modifiés par les accords modificatifs de 2010, nouveau régime de réductions qui correspondait à celui qui avait été défini dans la deuxième mesure (voir point 5 ci-dessus).

161    La Commission a examiné l’existence d’une aide d’État s’agissant de la troisième mesure aux considérants 300 à 440 de la décision attaquée. Elle a apprécié la condition relative à l’existence d’un avantage économique aux considérants 322 à 415 de la décision attaquée pour les accords de 2008, qu’elle a appréciés conjointement, et aux considérants 416 à 439 pour les accords modificatifs de 2010.

162    S’agissant des accords de 2008, la Commission a examiné la question de savoir si les recettes marginales générées par l’activité de Wizz Air à la suite de ces accords (c’est-à-dire les recettes des activités aéronautiques, provenant des redevances payées par Wizz Air, et les recettes des activités non aéronautiques) dépassaient les coûts marginaux (c’est-à-dire les coûts d’exploitation, de commercialisation et d’investissement) imputables à la présence de Wizz Air à l’aéroport (voir considérants 341 à 343 de la décision attaquée).

163    Pour ce faire, la Commission a successivement examiné des analyses ex ante de la rentabilité, reconstituées ex post sur la base des données disponibles avant la conclusion des accords de 2008, présentées respectivement par la Roumanie, le 9 décembre 2014 (voir considérants 344 à 356 de la décision attaquée), et par Wizz Air, le 10 février 2015 (ci-après le « rapport Oxera 2015 ») (voir considérants 357 à 381 de la décision attaquée). Elle a également examiné une étude présentée par la requérante le 10 novembre 2014 (voir considérants 382 à 392 de la décision attaquée).

164    En ce qui concerne l’analyse présentée par la Roumanie, la Commission a noté qu’elle présentait plusieurs lacunes. Notamment, elle ne fournissait aucun calcul des coûts marginaux, mais seulement des recettes marginales. Par conséquent, la Commission a considéré que cette analyse ne démontrait pas que le critère de l’opérateur privé en économie de marché avait été respecté dans les accords de 2008 (voir considérants 355 et 356 de la décision attaquée).

165    En ce qui concerne le rapport Oxera 2015, celui-ci prévoyait une valeur actuelle nette (ci-après « VAN ») des accords de 2008 de 7,6 millions de lei roumains (RON) (environ 1,5 million d’euros). La Commission a accepté la plupart des hypothèses de base du rapport Oxera 2015. Elle en a revu certaines afin de retenir des coûts marginaux moins élevés, aboutissant à des bénéfices marginaux plus importants, en considérant notamment qu’aucun des investissements réalisés, en ce qui concernait en particulier le terminal passagers et la piste d’atterrissage et de décollage, n’aurait été engendré par la présence de Wizz Air à l’aéroport (voir considérants 362 et 372 à 379 de la décision attaquée). Après avoir ainsi recalculé les coûts, les recettes et les bénéfices marginaux sur la base du rapport Oxera 2015, la Commission a considéré que ce dernier permettait de conclure que les accords de 2008 devaient entraîner une rentabilité marginale pour AITTV (voir considérant 381 de la décision attaquée).

166    En ce qui concerne l’étude présentée par la requérante, qui concluait que les accords de 2008 n’étaient pas rentables, la Commission en a rejeté la plupart des hypothèses de base, et notamment celle selon laquelle les investissements pour les travaux de renforcement du numéro de classification de chaussée ainsi que pour les travaux effectués dans le terminal passagers auraient été des coûts marginaux liés à la présence de Wizz Air à l’aéroport. La Commission a conclu que cette étude ne pouvait être utilisée pour prouver que les accords de 2008 n’étaient pas conformes au critère de l’opérateur privé en économie de marché (voir considérants 388 à 392 de la décision attaquée).

167    La Commission a également pris en compte des études ex post réalisées par Oxera et RBB le 27 octobre 2011 comme venant à l’appui des résultats du rapport Oxera 2015. L’étude ex post réalisée par Oxera estimait que les accords de 2008 avaient une VAN positive de 145 249 euros sur la période de trois ans prévue par ces accords (voir considérant 398 de la décision attaquée).

168    S’agissant des accords modificatifs de 2010, le rapport Oxera 2015 prévoyait une VAN de 2,3 millions de RON, soit environ 469 852 euros (voir considérant 417 de la décision attaquée). La Commission a également pris en compte l’étude ex post réalisée par Oxera, qui estimait que les accords modificatifs de 2010 avaient une VAN positive de 483 147 euros sur la période de neuf mois correspondant à leur application (voir considérant 429 de la décision attaquée).

169    Ainsi, la Commission a conclu, sur la base du rapport Oxera 2015 tel qu’elle l’avait recalculé et étayé par les études ex post d’Oxera et de RBB, que la troisième mesure devait entraîner une rentabilité marginale pour AITTV. En outre, cette mesure se serait inscrite dans le cadre d’une stratégie globale et d’un effort à long terme en faveur de la rentabilité globale de l’aéroport. Par conséquent, la Commission a estimé qu’un opérateur privé en économie de marché avisé aurait conclu de tels accords. La Commission a donc conclu que ces accords n’avaient pas conféré à Wizz Air un avantage économique qu’elle n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché et qu’ils ne constituaient pas des aides d’État (voir considérants 413 à 415 et 437 à 440 de la décision attaquée).

–       Sur le bien-fondé de l’appréciation de la troisième mesure

170    Selon la jurisprudence, les conditions que doit remplir une mesure pour relever de la notion d’aide, au sens de l’article 107 TFUE, ne sont pas remplies si l’entreprise bénéficiaire pouvait obtenir le même avantage que celui qui a été mis à sa disposition au moyen de ressources d’État, dans des circonstances qui correspondent aux conditions normales du marché, cette appréciation s’effectuant en principe par application du critère de l’opérateur privé en économie de marché (voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 2015, SACE et Sace BT/Commission, T‑305/13, EU:T:2015:435, point 91 et jurisprudence citée).

171    Pour rechercher si l’État membre ou l’entité publique concernée a adopté le comportement d’un opérateur privé avisé dans une économie de marché, il faut se replacer dans le contexte de l’époque au cours de laquelle les mesures en cause ont été prises, pour évaluer la rationalité économique du comportement de l’État membre ou de l’entité publique et donc s’abstenir de toute appréciation fondée sur une situation postérieure (arrêts du 16 mai 2002, France/Commission, C‑482/99, EU:C:2002:294, point 71, et du 25 juin 2015, SACE et Sace BT/Commission, T‑305/13, EU:T:2015:435, point 93).

172    Dans ce contexte, il incombe à l’État membre ou à l’entité publique concernée de communiquer à la Commission les éléments objectifs et vérifiables faisant apparaître que sa décision est fondée sur des évaluations économiques préalables comparables à celles que, dans les circonstances de l’espèce, un opérateur privé rationnel se trouvant dans une situation la plus proche possible de celle de cet État ou de cette entité aurait fait établir, avant d’adopter la mesure en cause, en vue de déterminer la rentabilité future de cette mesure (voir arrêt du 25 juin 2015, SACE et Sace BT/Commission, T‑305/13, EU:T:2015:435, point 97 et jurisprudence citée).

173    Partant, sont seuls pertinents, notamment aux fins de l’application du critère de l’opérateur privé, les éléments disponibles et les évolutions prévisibles au moment où la décision de procéder à l’opération en cause a été prise (arrêt du 5 juin 2012, Commission/EDF, C‑124/10 P, EU:C:2012:318, point 105). Il en va ainsi, en particulier, lorsque, comme en l’espèce, la Commission examine l’existence d’une aide d’État au regard d’une mesure qui ne lui a pas été notifiée et qui a déjà été mise en œuvre par l’entité publique concernée au moment où elle effectue son examen (arrêt du 25 juin 2015, SACE et Sace BT/Commission, T‑305/13, EU:T:2015:435, point 94).

174    Par conséquent, lorsqu’il apparaît que le critère de l’opérateur privé pourrait être applicable, il incombe à la Commission de demander à l’État membre concerné de lui fournir toutes les informations pertinentes lui permettant de vérifier si les conditions d’applicabilité et d’application de ce critère sont remplies et elle ne peut refuser d’examiner de telles informations que si les éléments de preuve produits ont été établis postérieurement à l’adoption de la décision d’effectuer l’investissement en question (voir, en ce sens, arrêts du 5 juin 2012, Commission/EDF, C‑124/10 P, EU:C:2012:318, point 104, et du 25 juin 2015, SACE et Sace BT/Commission, T‑305/13, EU:T:2015:435, point 96).

175    C’est à l’État membre concerné ou, en l’occurrence, à l’entreprise publique concernée qu’il appartient de fournir les éléments faisant apparaître qu’il ou elle a procédé à une évaluation économique préalable de la rentabilité de la mesure en cause, comparable à celle qu’aurait fait établir un opérateur privé dans une situation similaire (voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 2015, SACE et Sace BT/Commission, T‑305/13, EU:T:2015:435, point 184).

176    Dès lors que l’entreprise publique fait parvenir à la Commission des éléments de la nature requise, il incombe cependant à cette dernière d’effectuer une appréciation globale prenant en compte, outre les éléments fournis par cette entreprise, tout autre élément pertinent permettant de déterminer si la mesure en cause est conforme au critère de l’opérateur privé. L’entreprise publique concernée a ainsi la possibilité, lors de la procédure administrative, de produire des éléments de preuve complémentaires, qui sont constitués après l’adoption de la mesure, mais qui se fondent sur les éléments qui étaient disponibles et sur les évolutions qui étaient prévisibles au moment de cette adoption (voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 2015, SACE et Sace BT/Commission, T‑305/13, EU:T:2015:435, point 186).

177    L’impossibilité de procéder à des prévisions détaillées et complètes ne saurait dispenser un investisseur public de procéder à une évaluation préalable appropriée de la rentabilité de son investissement, comparable à celle qu’aurait fait établir un opérateur privé se trouvant dans une situation similaire, en fonction des éléments disponibles et prévisibles (voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 2015, SACE et Sace BT/Commission, T‑305/13, EU:T:2015:435, point 182).

178    C’est à l’aune de cette jurisprudence qu’il convient d’examiner le deuxième moyen de la requérante, par lequel celle-ci fait notamment valoir qu’AITTV n’aurait effectué aucune analyse ex ante de rentabilité concernant les accords de 2008.

179    À cet égard, en premier lieu, ainsi qu’il ressort du considérant 147 de la décision attaquée, qui figure au point 6.3, consacré au résumé des observations d’AITTV concernant la troisième mesure, et non dans la partie relative à l’appréciation de cette mesure par la Commission :

« [AITTV] a indiqué qu’il avait effectué des calculs avant la conclusion des accords de 2008. [AITTV] soutient qu’il n’avait aucune obligation légale d’établir un plan d’exploitation. [AITTV] n’avait connaissance d’aucune raison pour laquelle il aurait dû conserver la documentation. »

180    Force est de constater, toutefois, que les prétendus calculs auxquels AITTV aurait procédé avant la conclusion des accords de 2008 n’ont pas été communiqués à la Commission et que celle-ci ne s’est pas fondée, dans la décision attaquée, sur ces calculs pour évaluer la rentabilité de ces accords au regard du critère de l’opérateur privé en économie de marché.

181    Ainsi, contrairement à ce qui est exigé en application de la jurisprudence citée aux points 175 et 177 ci-dessus, il ne ressort nullement de la décision attaquée que la décision d’AITTV de conclure les accords de 2008 avec Wizz Air était fondée sur des évaluations économiques préalables qu’un opérateur privé se trouvant dans une situation similaire, en fonction des éléments disponibles et prévisibles, aurait effectuées.

182    Quand bien même AITTV aurait évalué ex ante la rentabilité future des accords de 2008, elle a, en tout état de cause, manqué à son obligation de communiquer à la Commission des éléments d’évaluation préalable appropriés permettant à cette dernière de vérifier si l’attitude de cette entreprise publique était comparable à celle d’un opérateur privé rationnel (voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 2015, SACE et Sace BT/Commission, T‑305/13, EU:T:2015:435, points 182 et 185).

183    Certes, le rapport Oxera 2015 fait référence à un « plan d’entreprise » préparé par AITTV dans le cadre des accords de 2008 et fourni par AITTV à Oxera en vue de la préparation dudit rapport. Les réponses de Wizz Air et d’AITTV aux questions du Tribunal du 19 juillet 2022 ont cependant permis de confirmer que ce « plan d’entreprise » n’avait pas été préparé en 2008, mais avait été reconstitué ex post lors de la procédure administrative, sur le fondement d’informations qui auraient été disponibles à AITTV en 2008.

184    Il s’ensuit que la Commission ne disposait d’aucun document écrit préparé préalablement à la conclusion des accords de 2008 lorsqu’elle a analysé la question de savoir si AITTV avait agi comme un opérateur privé se trouvant dans une situation similaire, en fonction des éléments disponibles et prévisibles.

185    Au demeurant, il ressort de la décision attaquée que l’analyse ex ante de la rentabilité, reconstituée ex post sur la base des données disponibles avant la conclusion des accords de 2008, présentée par la Roumanie, le 9 décembre 2014, à la demande de la Commission, comportait des lacunes et ne permettait pas de démontrer que le critère de l’opérateur privé en économie de marché avait été respecté dans les accords de 2008 (voir considérants 344 et 356 de la décision attaquée et points 163 et 164 ci-dessus). Ainsi, il est peu probable que les hypothétiques calculs préalables mentionnés au considérant 147 de la décision attaquée, auxquels AITTV aurait procédé avant la conclusion des accords de 2008, auraient permis de démontrer des perspectives de rentabilité ex ante satisfaisantes pour lesdits accords.

186    En deuxième lieu, la Commission a conclu à la rentabilité des accords de 2008 sur le fondement du rapport Oxera 2015, à savoir d’une analyse ex ante de la rentabilité, reconstituée ex post sur la base des données disponibles avant la conclusion des accords de 2008, présentée par Wizz Air, le 10 février 2015, et recalculée par la Commission (voir points 163 et 165 ci-dessus).

187    Comme le fait valoir la Commission, le rapport Oxera 2015, bien que réalisé près de sept ans après la conclusion des accords de 2008, se fonde sur des données disponibles avant la conclusion desdits accords.

188    Cependant, contrairement à ce que fait valoir la Commission, il ne saurait être considéré, du seul fait que ce rapport serait fondé sur les éléments disponibles et sur les évolutions prévisibles au moment où la troisième mesure a été adoptée en 2008, qu’il équivaudrait à une analyse ex ante à même de démontrer le respect du critère de l’opérateur privé en économie de marché.

189    Certes, selon la jurisprudence, il appartient à la Commission d’effectuer une appréciation globale prenant en compte tout élément pertinent en l’espèce lui permettant de déterminer si l’entreprise bénéficiaire n’aurait manifestement pas obtenu des facilités comparables d’un tel opérateur privé. À cet égard, doit être considérée comme étant pertinente toute information susceptible d’influencer de manière non négligeable le processus décisionnel d’un opérateur privé normalement prudent et diligent, se trouvant dans une situation la plus proche possible de celle de l’État (voir arrêt du 26 mars 2020, Larko/Commission, C‑244/18 P, EU:C:2020:238, points 29 et 30 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2017, Commission/Frucona Košice, C‑300/16 P, EU:C:2017:706, point 60).

190    Cependant, des éléments postérieurs au moment où la mesure concernée a été adoptée ne sauraient être pris en compte aux fins de l’application du critère de l’opérateur privé (voir arrêt du 26 mars 2020, Larko/Commission, C‑244/18 P, EU:C:2020:238, point 32 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêts du 5 juin 2012, Commission/EDF, C‑124/10 P, EU:C:2012:318, point 104, et du 25 juin 2015, SACE et Sace BT/Commission, T‑305/13, EU:T:2015:435, points 93 et 94).

191    À cet égard, s’il est vrai que, ainsi qu’il découle de la jurisprudence citée au point 176 ci-dessus, l’entreprise publique concernée a la possibilité, lors de la procédure administrative, de produire des éléments de preuve complémentaires, qui sont constitués après l’adoption de la mesure, une telle possibilité ne saurait exonérer cette entreprise de l’obligation de procéder à une évaluation économique préalable adéquate, fondée sur une analyse des éléments disponibles et des évolutions prévisibles qui soit appropriée au regard de la nature, de la complexité, de l’importance et du contexte de l’opération (voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 2015, SACE et Sace BT/Commission, T‑305/13, EU:T:2015:435, points 186 et 188).

192    Or, en l’espèce, le rapport Oxera 2015, même fondé sur des données disponibles avant la conclusion des accords de 2008, n’en reste pas moins un constat rétrospectif de la rentabilité effective desdits accords. Pour cette raison, en application de la jurisprudence citée au point 190 ci-dessus, il est privé de pertinence aux fins de l’appréciation du respect du critère de l’opérateur privé en économie de marché.

193    En troisième lieu, la Commission a également pris en compte, dans la décision attaquée, des études ex post réalisées par Oxera et RBB, le 27 octobre 2011, comme venant à l’appui des résultats du rapport Oxera 2015 (voir points 167 et 169 ci-dessus).

194    Selon la jurisprudence, aux fins de définir si le bénéficiaire de la mesure concernée a effectivement bénéficié d’un avantage, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, des analyses économiques complémentaires, fournies par l’État membre lors de la procédure administrative, sont susceptibles d’éclairer les éléments existants au moment de la décision d’investissement et doivent être prises en compte par la Commission (arrêt du 3 juillet 2014, Espagne e.a./Commission, T‑319/12 et T‑321/12, non publié, EU:T:2014:604, point 134).

195    Cependant, en l’espèce, les éléments de preuve reconstitués ex post pris en compte par la Commission, qu’il s’agisse de ceux fournis par la Roumanie ou de ceux fournis par Wizz Air, ne venaient pas compléter des éléments constitués avant la conclusion des accords de 2008, qu’AITTV aurait fait parvenir à la Commission. Bien au contraire, ils étaient les seuls éléments à avoir été fournis à la Commission et les seuls sur lesquels la Commission a fondé son appréciation des accords de 2008.

196    En quatrième et dernier lieu, dans sa conclusion sur l’avantage économique en ce qui concernait les accords de 2008, la Commission a également pris en compte le fait qu’« il exist[ait] des éléments, notamment sur la base du plan de développement 2006-2015, qui indiqu[ai]ent que les accords de 2008 conclus avec Wizz Air s’inscrivaient dans le cadre d’une stratégie globale et d’un effort à long terme en faveur de la rentabilité globale de l’aéroport » (voir considérant 414 de la décision attaquée et point 169 ci-dessus).

197    Toutefois, de tels éléments vagues, qui ne sont nullement étayés, ne sauraient constituer une preuve suffisante de ce qu’une évaluation économique préalable de rentabilité aurait été effectuée avant la conclusion des accords de 2008.

198    Partant, force est de constater que la conclusion de la Commission selon laquelle un opérateur privé en économie de marché avisé aurait conclu les accords de 2008 est entièrement fondée sur des éléments de preuve établis ex post, contrairement à la jurisprudence citée aux points 170 à 177 ci-dessus.

199    Il convient donc de considérer que la Commission n’a pas légalement fondé sa conclusion selon laquelle la troisième mesure n’avait pas conféré à Wizz Air un avantage économique qu’elle n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché et ne constituait donc pas une aide d’État.

200    Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres arguments soulevés par la requérante dans le cadre du deuxième moyen, il convient donc d’accueillir ce moyen pour autant qu’il est tiré d’une erreur de droit en tant que la décision attaquée conclut que la troisième mesure n’a pas conféré un avantage indu à Wizz Air.

201    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient donc d’accueillir le recours sur le fondement des premier et deuxième moyens, sans qu’il soit besoin d’examiner les troisième et quatrième moyens.

 Sur les dépens

202    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière. Wizz Air et AITTV supporteront leurs propres dépens en application de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      L’article 2 de la décision (UE) 2021/1428 de la Commission, du 24 février 2020, concernant l’aide d’État SA. 31662 – C/2011 (ex NN/2011) mise à exécution par la Roumanie en faveur de l’aéroport international de Timișoara – Wizz Air est annulé en tant qu’il conclut que les redevances aéroportuaires figurant dans la publication d’information aéronautique de 2010 et les accords conclus entre Societăţii Naţionale « Aeroportul Internaţional Timişoara – Traian Vuia » SA (AITTV) et Wizz Air Hungary Légiközlekedési Zrt. (Wizz Air Hungary Zrt.) en 2008 (y compris les accords modificatifs de 2010) ne constituent pas des aides d’État.

2)      La Commission européenne supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Carpatair SA.

3)      Wizz Air Hungary et AITTV supporteront leurs propres dépens.

Papasavvas

Svenningsen

Jaeger

Mac Eochaidh

 

      Pynnä

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 février 2023.

Signatures


Table des matières


Antécédents du litige

Décision attaquée

Conclusions des parties

En droit

Sur la recevabilité

Sur l’intérêt à agir

Sur la qualité pour agir

– Considérations liminaires sur la nature des mesures litigieuses

– Sur l’affectation individuelle de la requérante en ce qui concerne la troisième mesure

– Sur l’affectation directe de la requérante en ce qui concerne les mesures litigieuses

Sur la recevabilité des annexes

Sur la recevabilité des extraits du rapport de l’administrateur judiciaire

Sur la recevabilité de l’annexe Q.2

Sur le fond

Sur le premier moyen, tiré d’une erreur de droit concernant le caractère sélectif de la deuxième mesure

– Sur l’appréciation de la deuxième mesure dans la décision attaquée

– Sur le bien-fondé de l’appréciation de la deuxième mesure

Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation, d’une erreur de droit et d’un défaut de motivation en ce que la décision attaquée conclut que la troisième mesure n’a pas conféré d’avantage indu à Wizz Air

– Sur l’appréciation de la troisième mesure dans la décision attaquée

– Sur le bien-fondé de l’appréciation de la troisième mesure

Sur les dépens



*      Langue de procédure : l’anglais.