Language of document : ECLI:EU:T:2010:305

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

9 juillet 2010 (*)

« Marque communautaire – Procédure de déchéance – Marque communautaire verbale TOCQUEVILLE  13 – Non-respect du délai pour l’introduction du recours contre la décision de déchéance – Requête en restitutio in integrum – Article 78 du règlement (CE) n° 40/94 [devenu article 81 du règlement (CE) n° 207/2009] »

Dans l’affaire T‑510/08,

Toqueville Srl, établie à Milan (Italie), représentée par Mes S. Bariatti, I. Palombella et E. Cucchiara, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Sempio, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Marco Schiesaro, demeurant à Limbiate (Italie), représenté par Mes A. Canella et D. Camaiora, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 26 août 2008 (affaire R 829/2008‑2), relative à la requête en restitutio in integrum introduite par la requérante,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. A. W. H. Meij, président, V. Vadapalas et L. Truchot (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 20 novembre 2008,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 18 mars 2009,

vu le mémoire en réponse de l’intervenant déposé au greffe du Tribunal le 9 mars 2009,

vu le mémoire en réplique déposé au greffe du Tribunal le 22 juin 2009,

vu le mémoire en duplique déposé au greffe du Tribunal le 21 août 2009,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 2 décembre 1999, la requérante, Toqueville Srl, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal TOCQUEVILLE 13.

3        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 25, 41 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie » ;

–        classe 41 : « Services relatifs à l’organisation de distractions et de divertissements, en particulier discothèques » ;

–        classe 42 : « Services de restauration et de bars ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 2000/59, du 24 juillet 2000.

5        La marque TOCQUEVILLE 13 a été enregistrée le 26 janvier 2001 pour les produits et les services précités.

6        Le 25 juin 2007, l’intervenant, M. Marco Schiesaro, a présenté, en application de l’article 50, paragraphe 1, sous a), et de l’article 55, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94 [devenus article 51, paragraphe 1, sous a), et article 56, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009], une demande en déchéance de la marque TOCQUEVILLE 13, pour les produits relevant de la classe 25.

7        La demande en déchéance a été notifiée le 2 juillet 2007 par l’OHMI au représentant agréé de la requérante, qui était invité à présenter d’éventuelles observations et preuves de l’usage sérieux de la marque TOCQUEVILLE 13 dans un délai de trois mois, c’est-à-dire avant le 2 octobre 2007.

8        Le représentant agréé de la requérante a transmis la notification à la requérante le 19 juillet 2007 par courrier recommandé avec accusé de réception.

9        En l’absence d’observations et de preuves de l’usage sérieux de la marque TOCQUEVILLE 13 dans le délai prescrit, l’OHMI a informé les parties à la procédure de déchéance, par courrier du 29 novembre 2007, de la clôture de la phase contradictoire de la procédure et de l’adoption prochaine d’une décision sur le fond.

10      Le 17 décembre 2007, la division d’annulation de l’OHMI a prononcé la déchéance partielle de la marque TOCQUEVILLE 13 pour les produits relevant de la classe 25, à compter de la date de présentation de la demande en déchéance. La décision a été notifiée au représentant agréé de la requérante le même jour.

11      Le 3 avril 2008, l’intervenant a mis en demeure la requérante de ne pas utiliser la marque TOCQUEVILLE 13 pour désigner des articles vestimentaires.

12      Le 28 mai 2008, la requérante a engagé deux procédures devant l’OHMI. Premièrement, elle a présenté, en application de l’article 78 du règlement n° 40/94 (devenu article 81 du règlement n° 207/2009), une requête en restitutio in integrum par laquelle elle demandait à être rétablie dans ses droits concernant deux délais qu’elle n’avait pas respectés. Il s’agissait, d’une part, du délai accordé pour la présentation des preuves de l’usage sérieux de la marque TOCQUEVILLE 13 dans le cadre de la procédure de déchéance (ci-après le « premier délai ») et, d’autre part, du délai accordé pour former un recours contre la décision du 17 décembre 2007, par laquelle la division d’annulation avait prononcé la déchéance partielle de la marque TOCQUEVILLE 13 (ci‑après le « second délai »). Deuxièmement, elle a formé un recours contre la décision prononçant la déchéance de la marque TOCQUEVILLE 13.

13      La requérante soutenait, dans sa requête en restitutio in integrum, n’avoir eu connaissance ni de la procédure de déchéance ni de la décision prononçant la déchéance partielle de la marque TOCQUEVILLE 13 avant le 3 avril 2008, lorsque l’intervenant l’a mise en demeure de ne plus utiliser la marque TOCQUEVILLE 13 pour désigner des articles vestimentaires, les différentes notifications n’ayant jamais été portées à sa connaissance.

14      La requérante a joint à sa requête en restitutio in integrum les preuves qu’elle estimait être de nature à démontrer l’usage sérieux de la marque TOCQUEVILLE 13.

15      Par courrier du 3 juillet 2008 adressé aux parties à la procédure de déchéance, l’OHMI a notamment indiqué, d’une part, qu’il considérait la requête en restitutio in integrum relative au non-respect du premier délai comme n’ayant pas été présentée au motif que la taxe correspondante n’avait pas été payée, et, d’autre part, que la requête en restitutio in integrum relative au non-respect du second délai était pendante devant la chambre de recours. Dans ce même courrier, l’OHMI a informé la requérante de la possibilité dont elle disposait de demander une décision formelle quant aux questions évoquées dans ledit courrier avant le 2 septembre 2008.

16      Par décision du 26 août 2008, notifiée aux parties le 11 septembre 2008 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a déclaré irrecevable la requête en restitutio in integrum relative au non-respect du second délai. En particulier, elle a considéré que la règle 77 du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1), qui dispose, notamment, que toute notification ou autre communication adressée par l’OHMI à un représentant dûment agréé a le même effet que si elle était adressée à la personne représentée, ne permettait pas à la requérante d’invoquer l’absence de connaissance de la décision de déchéance partielle comme constituant un empêchement au sens de l’article 78, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 (devenu article 81, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009), dès lors que la décision prononçant la déchéance de la marque TOCQUEVILLE 13 avait été valablement notifiée à son représentant.

17      La chambre de recours a ajouté que, à supposer même que la requête en restitutio in integrum relative au non-respect du second délai ait été recevable, elle était infondée, en ce que la requérante n’avait pas donné de justification expliquant le non-respect du délai pour former un recours contre la décision prononçant la déchéance de la marque TOCQUEVILLE 13, ni prouvé qu’elle n’avait pas reçu la lettre recommandée du 19 juillet 2007 par laquelle son représentant agréé l’informait de l’ouverture d’une procédure de déchéance.

 Conclusions des parties

18      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

19      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

20      L’intervenant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, rejeter le recours comme irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, confirmer la décision attaquée ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité

 Arguments des parties

21      L’intervenant soutient que le recours est tardif. Selon lui, la décision attaquée a été notifiée à la requérante le 11 septembre 2008 et le recours a été déposé le 20 novembre 2008, c’est-à-dire plus de deux mois après la notification de la décision attaquée, en méconnaissance de l’article 63, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 (devenu article 65, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009).

22      La requérante conteste l’argumentation de l’intervenant.

 Appréciation du Tribunal

23      Aux termes de l’article 63, paragraphe 5, du règlement n° 40/94, le recours contre la décision d’une chambre de recours de l’OHMI doit être formé dans un délai de deux mois à compter de la notification de ladite décision. Conformément à l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, les délais de procédure sont augmentés d’un délai de distance forfaitaire de dix jours.

24      En l’espèce, la décision attaquée a été notifiée à la requérante le 11 septembre 2008. Le délai d’introduction du recours a donc expiré le 21 novembre 2008, délai de distance inclus.

25      La requête est parvenue au greffe du Tribunal le 20 novembre 2008, soit avant l’expiration du délai de recours.

26      Il s’ensuit que le recours est recevable.

 Sur le fond

27      À l’appui de son recours, la requérante soulève cinq moyens, tirés respectivement de la violation de l’article 78, paragraphe 3, seconde phrase, du règlement n° 40/94 (devenu article 81, paragraphe 3, seconde phrase, du règlement n° 207/2009), de la violation des « principes du caractère logique et raisonnable », de la violation des droits de la défense, de la violation des conditions de la restitutio in integrum, telles qu’énoncées à l’article 78 du règlement n° 40/94, et de la violation de l’article 73 du règlement n° 40/94 (devenu article 75 du règlement n° 207/2009) ainsi que de la règle 50 du règlement n° 2868/95, en ce que la chambre de recours n’aurait pas motivé son affirmation selon laquelle la requérante ne prouve pas ne pas avoir reçu le courrier recommandé avec accusé de réception du 19 juillet 2007 par lequel son représentant agréé lui a transmis la notification de la demande en déchéance déposée par l’intervenant le 25 juin 2007 auprès de l’OHMI.

28      Il y a lieu de traiter ensemble les moyens tirés de la violation des « principes du caractère logique et raisonnable » et des droits de la défense.

 Sur les deuxième et troisième moyens, tirés de la violation des « principes du caractère logique et raisonnable » et des droits de la défense

–       Arguments des parties

29      La requérante soutient que la chambre de recours, en considérant sa requête en restitutio in integrum relative au non-respect du premier délai comme n’ayant pas été présentée, a violé les « principes du caractère logique et raisonnable » et les droits de la défense.

30      L’OHMI conclut au rejet du moyen tiré de la violation des droits de la défense. Il ne s’est pas prononcé sur le moyen tiré de la violation des « principes du caractère logique et raisonnable ».

31      L’intervenant n’a pas présenté d’observations sur les moyens en cause.

–       Appréciation du Tribunal

32      En vertu de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, applicable en matière de propriété intellectuelle au titre de l’article 130, paragraphe 1, de ce même règlement, toute requête doit contenir l’exposé sommaire des moyens invoqués, et cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours [voir arrêt du Tribunal du 19 novembre 2008, Rautaruukki/OHMI (RAUTARUUKKI), T‑269/06, non publié au Recueil, point 33, et la jurisprudence citée].

33      Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (voir arrêt RAUTARUUKKI, point 31 supra, point 34, et la jurisprudence citée).

34      S’agissant des deux moyens en cause, la requête ne satisfait pas aux conditions de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure. En effet, la requête ne définit pas le contenu des « principes du caractère logique et raisonnable » qu’elle invoque et ne contient pas d’exposé sommaire des griefs dirigés à l’encontre de la décision attaquée tirés d’une prétendue violation par la chambre de recours des droits de la défense, de sorte que les deuxième et troisième moyens doivent être déclarés irrecevables.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 78, paragraphe 3, seconde phrase, du règlement n° 40/94

–       Arguments des parties

35      La requérante soutient avoir fourni la preuve du paiement de la taxe de restitutio in integrum et de la taxe de recours, dont les montants sont fixés à l’article 2 du règlement (CE) n° 2869/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, relatif aux taxes à payer à l’OHMI (JO L 303, p. 33).

36      Selon la requérante, la division de sa requête en restitutio in integrum en deux demandes, chacune étant relative à un délai déterminé, n’est pas fondée en vertu de l’article 78, paragraphe 3, seconde phrase, du règlement n° 40/94. En effet, la chambre de recours aurait, à tort, considéré sa requête en restitutio in integrum relative au non-respect du premier délai comme n’ayant pas été présentée, alors que la requérante s’était acquittée de la taxe correspondante. De plus, l’association du paiement de la taxe de restitutio in integrum à la requête relative au non-respect du second délai serait, d’une part, arbitraire, du fait de l’absence d’un quelconque élément duquel pourrait découler une volonté particulière de la requérante en ce sens et, d’autre part, illogique, dans la mesure où l’intérêt de la requérante résidait surtout dans le rétablissement du premier délai.

37      La requérante considère également que le paiement de la taxe relative à la requête en restitutio in integrum devait être associé à la requête en restitutio in integrum considérée dans son ensemble et soutient que la finalité de la restitutio in integrum est de mettre l’intéressé dans la meilleure position possible dans la procédure. Dès lors, s’il y a plusieurs délais non observés, il conviendrait de prendre en considération celui qui est le plus ancien, logiquement et dans le temps.

38      L’OHMI partage les arguments de la requérante pour autant qu’ils concernent l’illégalité de la division de la requête en restitutio in integrum en deux demandes distinctes et l’association du paiement de la taxe de restitutio in integrum à la requête relative au non-respect du second délai.

39      L’intervenant n’a pas présenté d’observations sur le moyen.

–       Appréciation du Tribunal

40      Il n’est pas contesté que, par courrier du 3 juillet 2008 adressé aux parties à la procédure de déchéance, l’OHMI a indiqué que, d’une part, il considérait la requête en restitutio in integrum relative au non-respect du premier délai comme n’ayant pas été présentée, au motif que la taxe correspondante n’avait pas été payée, et que, d’autre part, la requête en restitutio in integrum relative au non-respect du second délai serait traitée par la chambre de recours. Dans ce même courrier, l’OHMI a informé la requérante de la possibilité de demander une décision formelle quant aux questions évoquées dans ledit courrier avant le 2 septembre 2008.

41      La chambre de recours était donc saisie de la seule requête en restitutio in integrum relative au non-respect du second délai, ainsi qu’il résulte des points 9 et 10 de la décision attaquée.

42      Or, le présent moyen, qui conteste le choix opéré par l’OHMI de considérer la requête en restitutio in integrum relative au non-respect du premier délai comme n’ayant pas été présentée, vise un motif étranger à la décision attaquée, en ce qu’il est dirigé contre le courrier de l’OHMI du 3 juillet 2008, lequel a accordé à la requérante, qui n’en a pas fait usage, la faculté de demander une décision formelle quant aux questions évoquées dans ledit courrier. Dès lors, le présent moyen n’est pas de nature à affecter la légalité de la décision attaquée.

43      Il s’ensuit que le présent moyen doit être rejeté comme inopérant.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation des conditions de la restitutio in integrum, telles qu’elles résultent de l’article 78 du règlement n° 40/94

44      Le moyen se divise en trois branches.

45      Par la première branche du moyen, la requérante soutient que sa requête en restitutio in integrum était recevable, car elle satisfaisait aux conditions prévues à l’article 78, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 (devenu article 81, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009). De plus, elle aurait présenté sa requête en restitutio in integrum par écrit, dans les délais de deux mois à compter de la cessation de l’empêchement allégué et d’un an à compter de l’expiration du délai non observé et aurait accompli les démarches qu’elle avait été empêchée d’entreprendre, à savoir présenter des preuves de l’usage sérieux de la marque TOCQUEVILLE 13 et former un recours contre la décision prononçant la déchéance de cette marque.

46      Par la deuxième branche du moyen, la requérante soutient qu’elle se trouvait dans la situation décrite au point 6.2.4 des directives relatives aux procédures devant l’OHMI, dont il résulterait que constitue un motif de restitutio in integrum le fait, pour un représentant dûment agréé, de n’avoir pas réussi à localiser son client, malgré la prise de mesures actives et raisonnables à cette fin.

47      Par la troisième branche du moyen, la requérante soutient qu’elle a fait preuve de toute la vigilance nécessitée par les circonstances, au sens de l’article 78, paragraphe 1, du règlement n° 40/94.

48      Il y a lieu d’examiner ensemble les première et deuxième branches du moyen, qui sont relatives à la recevabilité de la requête en restitutio in integrum.

–       Arguments des parties

49      La requérante invoque le point 6.2.4 des directives relatives aux procédures devant l’OHMI, qui mentionnerait, parmi les critères d’octroi de la restitutio in integrum, les causes relatives à la relation entre la partie à la procédure et son représentant. Il résulterait de ce texte, d’une part, que la non-localisation du client, à la différence de l’absence d’instructions données par ce dernier, constitue un motif d’octroi de la restitutio in integrum et, d’autre part, que la restitutio in integrum doit être accordée si le représentant a pris des mesures raisonnables pour localiser son client, sans toutefois y parvenir.

50      La requérante estime à cet égard que l’envoi d’un courrier recommandé avec accusé de réception peut être considéré comme une mesure raisonnable au sens du point 6.2.4 desdites directives. De plus, il résulterait de la jurisprudence du Tribunal que l’article 78, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 n’exclurait pas la mise en œuvre de la restitutio in integrum en cas de faute du mandataire ou de l’un de ses préposés.

51      La requérante considère également que le jour dont il convenait de tenir compte afin de déterminer la date de la cessation de l’empêchement, au sens de l’article 78, paragraphe 1, du règlement n° 40/94, qui fait courir le délai accordé pour former une requête en restitutio in integrum, était la date à laquelle elle a eu connaissance de l’existence d’une procédure de déchéance de la marque TOCQUEVILLE 13 et de la décision de déchéance, à savoir le 3 avril 2008, lorsque l’intervenant l’a mise en demeure de ne plus utiliser la marque TOCQUEVILLE 13 pour désigner des articles vestimentaires.

52      Enfin, la requérante estime que sa requête en restitutio in integrum était recevable, dans la mesure où elle a été présentée dans un délai d’un an à compter de l’expiration du premier délai.

53      L’OHMI et l’intervenant contestent les arguments de la requérante.

–       Appréciation du Tribunal

54      Aux termes de la règle 77, première phrase, du règlement n° 2868/95, « [t]oute notification ou autre communication adressée par l’[OHMI] à un représentant dûment agréé a le même effet que si elle était adressée à la personne représentée ».

55      Il y a lieu de relever que la chambre de recours a considéré, au point 15 de la décision attaquée, que la règle 77, première phrase, du règlement n° 2868/95 ne permettait pas à la requérante d’invoquer l’absence de connaissance de la décision prononçant la déchéance de la marque TOCQUEVILLE 13, dès lors que cette dernière avait été valablement notifiée à son représentant agréé.

56      La chambre de recours en a déduit que l’absence de connaissance de la décision de déchéance ne constituait pas un empêchement, au sens de l’article 78, paragraphe 1, du règlement n° 40/94, dont la requérante pouvait se prévaloir dans le cadre d’une procédure de restitutio in integrum.

57      En l’espèce, il n’est pas contesté que l’engagement de la procédure de déchéance de la marque TOCQUEVILLE 13 et la décision prononçant la déchéance de cette marque ont été notifiés au représentant agréé de la requérante, respectivement, le 2 juillet 2007 et le 17 décembre 2007.

58      En application de la règle 77 du règlement n° 2868/95, lesdites notifications, adressées au représentant agréé de la requérante, ont eu le même effet que si elles avaient été adressées à la requérante elle-même.

59      Il en résulte que l’engagement de la procédure de déchéance de la marque TOCQUEVILLE 13 et la décision prononçant la déchéance de cette marque sont réputés avoir été notifiés à la requérante respectivement le 2 juillet 2007 et le 17 décembre 2007.

60      Partant, c’est à ces dates que la requérante doit être considérée comme ayant eu connaissance desdites procédure et décision et non, comme elle le prétend, au 3 avril 2008.

61      La requérante ne peut donc invoquer, au soutien de sa requête en restitutio in integrum, l’existence d’un empêchement, au sens de l’article 78, paragraphe 1, du règlement n° 40/94, qui serait caractérisé par l’impossibilité d’observer les délais accordés pour présenter des preuves de l’usage sérieux de la marque TOCQUEVILLE 13 et pour former un recours contre la décision de déchéance en raison de l’absence de connaissance desdites notifications.

62      En effet, les notifications susvisées ont valablement fait courir lesdits délais, qui ont respectivement pris fin le 2 octobre 2007 et le 17 février 2008.

63      Par suite, l’absence d’un empêchement, au sens de l’article 78, paragraphe 1, du règlement n° 40/94, rend sans objet la détermination de la date de sa cessation, qui aurait constitué le point de départ du délai de deux mois accordé pour former une requête en restitutio in integrum, en vertu de l’article 78, paragraphe 2, du règlement n° 40/94.

64      En conséquence, c’est à bon droit que, en constatant l’absence d’une circonstance empêchant la réception de la notification de la décision de déchéance, la chambre de recours a déclaré irrecevable la requête en restitutio in integrum de la requérante.

65      En outre, la requérante ne peut utilement invoquer le point 6.2.4 des directives relatives aux procédures devant l’OHMI à l’encontre de la règle 77, première phrase, du règlement n° 2868/95.

66      Aux termes de ce point 6.2.4 :

« Le représentant est tenu de prendre toutes les mesures qui s’imposent au nom de son client. L’absence d’instructions de son client n’est pas un motif de restitutio in integrum. La situation est différente lorsque le représentant est supposé prendre des mesures actives pour localiser son client. Ces mesures ne doivent pas être déraisonnables au vu des circonstances. »

67      En effet, il convient de rappeler que la procédure devant l’OHMI est régie, en l’espèce, par les dispositions des règlements nos 40/94 et 2868/95. Les directives relatives aux procédures devant l’OHMI, quant à elles, ne constituent que la codification d’une ligne de conduite qu’il se propose lui-même d’adopter, de sorte que, sous réserve de leur conformité aux dispositions de droit de rang supérieur, il en résulte une autolimitation de l’OHMI, en ce qu’il lui appartient de se conformer à ces règles qu’il s’est imposées. En revanche, ces directives ne sauraient déroger aux règlements nos 40/94 et 2868/95 et c’est donc uniquement à l’aune de ces derniers qu’il convient d’apprécier la recevabilité d’une requête en restitutio in integrum [arrêt du Tribunal du 12 mai 2009, Jurado Hermanos/OHMI (JURADO), T‑410/07, non encore publié au Recueil, point 20].

68      Il s’ensuit que le point 6.2.4 des directives relatives aux procédures devant l’OHMI n’est susceptible d’être appliqué que pour autant qu’il est conforme à la règle 77, première phrase, du règlement n° 2868/95.

69      Il y a lieu de relever que l’interprétation que donne la requérante du point 6.2.4 des directives précitées permettrait à toute personne qui n’a pas été en mesure d’observer, à l’égard de l’OHMI, un délai dont le non-respect a directement conduit à la perte d’un droit ou à celle d’un moyen de recours, de se voir accorder, sous réserve de la recevabilité de sa requête, le bénéfice de la restitutio in integrum, dès lors que son représentant dûment agréé n’a pas réussi à entrer en contact avec elle en dépit des mesures actives et raisonnables qu’il avait prises à cette fin.

70      Il résulte d’une telle interprétation que les relations entre un représentant agréé et la personne représentée pourraient, dans certaines circonstances, constituer un empêchement, au sens de l’article 78, paragraphe 1, du règlement n° 40/94, susceptible de fonder une requête en restitutio in integrum.

71      Selon la requérante, constituerait, en l’espèce, un tel empêchement le fait que son représentant agréé n’ait pas réussi à lui transmettre les notifications émanant de l’OHMI, malgré la mesure raisonnable que constituait, à cette fin, l’envoi d’un courrier recommandé avec accusé de réception.

72      Or, une telle interprétation du point 6.2.4 des directives relatives aux procédures devant l’OHMI n’apparaît pas conforme à la règle 77, première phrase, du règlement n° 2868/95.

73      En effet, ledit point 6.2.4, tel qu’interprété par la requérante, conférerait à toute personne destinataire d’une notification ou d’une communication de la part de l’OHMI le droit d’être rétablie dans ses droits concernant un délai qu’elle n’aurait pas été en mesure d’observer, au motif qu’elle n’a pas personnellement reçu ladite communication ou notification, quand bien même, comme tel est le cas en l’espèce, le représentant agréé de la personne concernée aurait reçu ladite notification ou communication. Or, il résulte de la règle 77, première phrase, du règlement n° 2868/95 que toute notification ou autre communication adressée par l’OHMI à un représentant dûment agréé a le même effet que si elle était adressée à la personne représentée, de sorte que la personne concernée par une notification ou autre communication et son représentant agréé doivent être considérés comme un seul et même destinataire de ladite notification ou autre communication.

74      Dès lors, n’étant pas conforme à la règle 77, première phrase, du règlement n° 2868/95, l’interprétation du point 6.2.4 des directives relatives aux procédures devant l’OHMI préconisée par la requérante ne saurait être retenue.

75      Il y a lieu de déduire de ce qui précède que l’argumentation de la requérante, fondée sur le fait qu’elle n’avait pas eu connaissance de la procédure de déchéance de la marque TOCQUEVILLE 13 et de la décision de déchéance, ne peut être accueillie.

76      Enfin, l’interprétation retenue par le Tribunal dans les arrêts du 20 juin 2001, Ruf et Stier/OHMI (Image «DAKOTA») (T‑146/00, Rec. p. II‑1797), et du 31 mai 2005, Solo Italia/OHMI – Nuova Sala (PARMITALIA) (T‑373/03, Rec. p. II‑1881), selon laquelle les termes de l’article 78 du règlement n° 40/94 n’excluent pas la mise en œuvre de la restitutio in integrum en cas de faute du mandataire ou de l’un de ses préposés n’est pas susceptible de trouver application en l’espèce, dès lors que les faits à l’origine de ces arrêts ne sont pas comparables à ceux de la présente espèce.

77      En effet, dans les affaires ayant donné lieu à ces arrêts, les pertes des droits dans lesquels les requérants demandaient à être rétablis résultaient, dans la première affaire, du défaut de paiement de la taxe de dépôt d’une demande d’enregistrement d’une marque communautaire dans le délai prévu à l’article 27 du règlement n° 40/94 (devenu article 27 du règlement n° 207/2009) et, dans la seconde, du défaut de dépôt d’un recours écrit contre une décision de l’OHMI dans le délai prévu à l’article 59 du règlement n° 40/94 (devenu article 60 du règlement n° 207/2009), en dépit du paiement de la taxe correspondante. Or, dans la première affaire, l’OHMI n’a pas notifié aux requérants l’obligation de s’acquitter de la taxe de dépôt et, dans la seconde, la requérante ne conteste pas que la décision de l’OHMI en cause lui ait été notifiée. Il en résulte que le non-respect des délais en cause ne trouvait pas son origine dans l’identité du destinataire d’une notification adressée par l’OHMI, de sorte que la règle 77 du règlement n° 2868/95, à la supposer applicable, aurait été sans incidence sur la solution de ces litiges.

78      De plus, il y a lieu de relever que les personnes dont le comportement était à l’origine des pertes de droits étaient des mandataires dont il n’était pas soutenu qu’ils possédaient la qualité de représentants agréés, au sens de la règle 77 du règlement n° 2868/95, cette disposition n’étant, au demeurant, pas invoquée.

79      Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu, sans qu’il soit besoin de statuer sur la troisième branche du présent moyen ni sur le cinquième moyen, de rejeter le recours.

 Sur les dépens

80      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

81      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Toqueville Srl est condamnée aux dépens.

Meij

Vadapalas

Truchot

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 juillet 2010.

Signatures


* Langue de procédure : l’italien.