Language of document : ECLI:EU:T:2020:610

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

16 décembre 2020 (*)

« Concurrence – Association d’entreprises – Compétitions de patinage de vitesse – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE – Réglementation d’une fédération sportive – Conciliation entre droit de la concurrence et spécificité du sport – Paris sportifs – Tribunal arbitral du sport – Lignes directrices sur le calcul des amendes – Champ d’application territorial de l’article 101 TFUE – Restriction de concurrence par objet – Mesures correctives »

Dans l’affaire T‑93/18,

International Skating Union, établie à Lausanne (Suisse), représentée par Me J.-F. Bellis, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. H. van Vliet, G. Meessen et Mme F. van Schaik, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Mark Jan Hendrik Tuitert, demeurant à Hoogmade (Pays-Bas),

Niels Kerstholt, demeurant à Zeist (Pays-Bas),

et

European Elite Athletes Association, établie à Amsterdam (Pays-Bas),

représentés par Mes B. Braeken et J. Versteeg, avocats,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2017) 8230 final de la Commission, du 8 décembre 2017, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire AT/40208 – Règles d’éligibilité de l’Union internationale de patinage),

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie),

composé de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise, P. Nihoul, Mme R. Frendo (rapporteure) et M. J. Martín y Pérez de Nanclares, juges,

greffier : Mme E. Artemiou, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 12 juin 2020,

rend le présent

Arrêt

I.      Faits à l’origine du litige

A.      L’Union internationale de patinage

1        L’International Skating Union (ci-après la « requérante » ou l’« UIP ») est la seule fédération sportive internationale reconnue par le Comité international olympique (CIO) chargée de la réglementation et de la gestion du patinage artistique et du patinage de vitesse sur glace à l’échelle mondiale.

2        La requérante est composée des fédérations nationales qui gèrent le patinage artistique et le patinage de vitesse sur glace à l’échelle nationale (ci-après les « membres »). Ces dernières sont composées de clubs et d’associations de patinage locaux dont les athlètes, adhérents à titre individuel, pratiquent le patinage de vitesse ou le patinage artistique en tant qu’activité économique.

3        La requérante exerce également une activité commerciale dans la mesure où elle organise les compétitions internationales de patinage de vitesse les plus importantes, dont elle détient tous les droits. Les compétitions internationales organisées par la requérante englobent, notamment, les championnats d’Europe et les championnats du monde de patinage de vitesse sur longue piste et sur piste courte, la coupe du monde de patinage de vitesse sur piste longue et la coupe du monde de patinage de vitesse sur piste courte. De plus, les compétitions de patinage de vitesse des Jeux olympiques d’hiver sont organisées par la requérante sous la forme de compétitions internationales.

B.      Les règles fixées par la requérante

4        En tant qu’instance chargée de la gestion du patinage artistique et du patinage de vitesse sur glace à l’échelle mondiale, la requérante est responsable, notamment, de la détermination des règles d’affiliation que ses membres ainsi que les patineurs individuels sont tenus de respecter.

5        Les règles fixées par la requérante sont explicitées dans ses statuts, qui comprennent sa « constitution » et les dispositions procédurales, les règlements généraux et spéciaux, les règles techniques, le code éthique, les règles antidopage, les règles sur les procédures antidopage et toutes les communications en vigueur de la requérante.

6        Parmi cet ensemble de règles, les règles 102 et 103 des règlements généraux de la requérante (ci‑après les « règles d’éligibilité ») déterminent les conditions dans lesquelles les patineurs peuvent participer aux compétitions de patinage de vitesse et de patinage artistique relevant de la compétence de la requérante. Depuis 1998, les règles d’éligibilité prévoient un « système global de pré-autorisation » (ci-après le « système d’autorisation préalable ») selon lequel les patineurs ne peuvent participer qu’aux compétitions autorisées par la requérante ou par ses membres, organisées par des représentants agréés par la requérante et en vertu des règlements de cette dernière. Aux fins de la présente affaire, les versions pertinentes des règles d’éligibilité sont celles datant de juin 2014 (ci‑après les « règles d’éligibilité de 2014 ») et de juin 2016 (ci‑après les « règles d’éligibilité de 2016 »).

7        S’agissant des règles d’éligibilité de 2014, il ressort de la lecture combinée de la règle 102, paragraphe 2, sous c), et paragraphe 7, et de la règle 103, paragraphe 2, que, en cas de participation à une compétition non autorisée par la requérante ou par l’un de ses membres, les patineurs professionnels et les représentants de la requérante s’exposaient à une sanction d’exclusion à vie de toute compétition organisée par la requérante.

8        Selon la règle 102, paragraphe 1, sous a), i), dans sa version de 2014, une personne « a le privilège de participer aux activités et compétitions relevant de la compétence de l’UIP si cette personne respecte les principes et politiques de l’UIP tels que formulés dans les statuts de l’UIP ».

9        La règle 102, paragraphe 1, sous a), ii), disposait depuis 2002 que « la condition d’éligibilité [étai]t conçue pour assurer la protection adéquate des intérêts économiques et autres de l’UIP, qui utilise ses revenus financiers pour la gestion et le développement des disciplines sportives de l’UIP ainsi que pour le soutien ou le bénéfice des membres de l’UIP et de leurs patineurs ».

10      En juin 2016, les règles d’éligibilité ont fait l’objet d’une révision qui visait, notamment, à modifier les règles relatives à l’imposition de sanctions. Désormais, en vertu de la règle 102, paragraphe 7, les sanctions en cas de participation des sportifs à une compétition relevant de la compétence de la requérante et non autorisée par celle-ci sont déterminées en fonction de la gravité de l’infraction. Le système prévoit un avertissement en cas de première violation, une sanction d’exclusion jusqu’à 5 ans en cas de participation négligente à des compétitions non autorisées, une sanction d’exclusion jusqu’à 10 ans en cas de participation consciente à des compétitions non autorisées et, enfin, une sanction d’exclusion à vie pour des violations très graves, et en particulier en cas de participation à des compétitions non autorisées qui mettent en péril l’intégrité et la compétence de la requérante.

11      En outre, la référence à la protection adéquate des intérêts économiques de la requérante, figurant dans les règles d’éligibilité de 2014, a été supprimée dans la version de 2016. La nouvelle règle 102, paragraphe 1, sous a), ii), dispose désormais que « la condition d’éligibilité est conçue pour assurer une protection adéquate des valeurs éthiques, des objectifs statutaires et d’autres intérêts légitimes » de la requérante, « qui utilise ses revenus financiers pour la gestion et le développement des disciplines sportives de l’UIP ainsi que pour le soutien ou le bénéfice des membres de l’UIP et de leurs patineurs ».

12      En outre, il y a lieu de relever que, depuis le 30 juin 2006, l’article 25 de la constitution de la requérante (ci-après le « règlement d’arbitrage ») prévoit la possibilité pour les patineurs d’introduire un recours contre une décision d’inéligibilité uniquement auprès du Tribunal arbitral du sport (ci-après le « TAS ») établi à Lausanne (Suisse).

13      Le 25 octobre 2015, la requérante a publié la communication no 1974, intitulée « Compétitions internationales ouvertes », qui définit la procédure à suivre pour obtenir une autorisation d’organiser une compétition internationale ouverte dans le cadre du système d’autorisation préalable. Cette procédure est applicable tant aux membres qu’aux organisateurs tiers.

14      La communication no 1974 prévoit que toutes ces compétitions doivent être préalablement autorisées par le conseil de la requérante et organisées conformément à ses règles. S’agissant du délai prévu pour introduire une demande d’autorisation, ladite communication opère une distinction entre les membres et les organisateurs tiers. En effet, les organisateurs tiers doivent soumettre leurs demandes au moins six mois avant la date prévue pour la compétition, alors que ce délai est réduit à trois mois pour les membres.

15      En outre, la communication no 1974 énumère toute une série d’exigences générales, financières, techniques, sportives et éthiques auxquelles un organisateur est tenu de se conformer. Tout d’abord, il ressort de cette communication que toute demande d’autorisation doit être accompagnée d’informations techniques et sportives, telles que des informations relatives au lieu de la compétition et au montant des prix qui seront octroyés, ainsi que d’informations générales et financières, telles que, notamment, les plans d’affaires, le budget et la couverture télévisuelle prévue pour l’événement. Ensuite, pour se conformer aux exigences éthiques, l’organisateur et toute personne qui coopère avec celui-ci sont tenus de soumettre une déclaration confirmant qu’ils acceptent le code éthique de la requérante et, notamment, qu’ils s’engagent à ne pas être impliqués dans des activités liées aux paris. Enfin, la communication no 1974 dispose que la requérante se réserve le droit de demander des informations additionnelles pour chacune de ces catégories d’exigences.

16      S’agissant plus particulièrement des exigences éthiques, l’article 4, sous h), du code éthique de la requérante dispose, depuis le 25 janvier 2012, que tous ceux qui coopèrent avec elle, à quelque titre que ce soit, doivent « s’abstenir de participer à toute forme de paris ou de soutenir toute forme de paris ou de jeux de hasard liés à toute compétition ou activité relevant de la compétence de l’UIP ».

17      La communication no 1974 habilite la requérante à accepter ou à rejeter une demande d’autorisation, en particulier sur la base des exigences énoncées dans ladite communication et résumées au point 15 ci-dessus ainsi que sur la base des objectifs fondamentaux de la requérante, tels que définis « en particulier » à l’article 3, paragraphe 1, de sa constitution. L’article 3, paragraphe 1, de la constitution de la requérante prévoit, en substance, que les objectifs de la requérante sont de réglementer, de gérer et de promouvoir les deux disciplines de patinage sur glace.

18      En cas de rejet de la demande, la communication no 1974 prévoit que le demandeur peut former un recours contre la décision de la requérante auprès du TAS, après avoir signé un accord d’arbitrage conformément à ses règles procédurales.

19      Par ailleurs, la communication no 1974 dispose que tout organisateur est tenu de payer une contribution de solidarité à la requérante, dont le montant est déterminé au cas par cas, destinée à la promotion et au développement des sports relevant de la compétence de la requérante à l’échelle locale.

II.    Antécédents du litige

A.      Procédure administrative

20      Le 23 juin 2014, la Commission européenne a été saisie d’une plainte formée par deux des intervenants, MM. Mark Jan Hendrik Tuitert et Niels Kersholt (ci-après les « plaignants »), patineurs de vitesse professionnels, relative à l’incompatibilité des règles d’éligibilité de 2014 avec les articles 101 et 102 TFUE. Les plaignants ont notamment avancé que ces règles les ont empêchés de participer à une compétition de patinage de vitesse que la société coréenne Icederby International Co. Ltd prévoyait d’organiser en 2014 à Dubaï (Émirats arabes unis) (ci-après le « Grand Prix de Dubaï »). Il était prévu pour cette compétition un nouveau format de courses, qui se dérouleraient sur une piste de glace spéciale sur laquelle des patineurs de vitesse de piste longue et de piste courte concourraient ensemble.

21      Le 5 octobre 2015, la Commission a décidé d’ouvrir une procédure contre la requérante conformément à l’article 2, paragraphe 1, du règlement (CE) no 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles [101] et [102 TFUE] (JO 2004, L 123, p. 18).

22      Le 8 janvier 2016, la requérante a informé la Commission qu’elle envisageait de modifier les règles d’éligibilité. Les révisions en cause ont été approuvées par le congrès de la requérante et sont entrées en vigueur le 11 juin 2016.

23      Le 27 septembre 2016, la Commission a adressé une communication des griefs à la requérante, qui y a répondu le 16 janvier 2017.

24      Le 1er février 2017, une audition a eu lieu dans le cadre de la procédure administrative menée par la Commission.

25      Le 27 avril 2017, la requérante a soumis une série d’engagements afin de répondre aux préoccupations de la Commission en matière de concurrence. Cependant, cette dernière a considéré que ces engagements étaient insuffisants pour dissiper, dans un délai raisonnable, les préoccupations soulevées.

26      Le 6 octobre 2017, la Commission a envoyé une lettre d’exposé des faits à la requérante. Cette dernière y a répondu le 25 octobre 2017.

27      Le 30 octobre 2017, la requérante a présenté une nouvelle série d’engagements afin de répondre aux préoccupations exprimées par la Commission, laquelle les a, de nouveau, estimés insuffisants pour répondre aux préoccupations soulevées.

28      Le 8 décembre 2017, la Commission a adopté la décision C(2017) 8230 final relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire AT/40208 – Règles d’éligibilité de l’Union internationale de patinage) (ci-après la « décision attaquée »).

B.      La décision attaquée

1.      Le marché pertinent

29      La Commission a conclu que le marché pertinent en l’espèce était le marché mondial de l’organisation et de l’exploitation commerciale du patinage de vitesse (ci-après le « marché pertinent »). Cela étant, compte tenu du rôle de la requérante en tant qu’organisatrice des compétitions les plus importantes ainsi que régulatrice de la discipline, la Commission a considéré que les règles d’éligibilité restreignaient la concurrence même si le marché devait être défini de manière plus étroite (considérant 115 de la décision attaquée).

30      La Commission a observé que la requérante pouvait influencer la concurrence sur le marché pertinent, car elle était l’organe directeur et la seule régulatrice du patinage de vitesse et elle détenait le pouvoir d’autoriser les compétitions internationales de cette discipline. En outre, la requérante est responsable de l’organisation des compétitions de patinage de vitesse les plus importantes. Son pouvoir de marché substantiel serait attesté par le fait que, en dehors de la requérante et de ses membres, aucune entreprise n’a été en mesure de pénétrer le marché pertinent avec succès (considérants 116 à 134 de la décision attaquée).

2.      Application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE 

31      La Commission a considéré que la requérante était une association d’entreprises et que les règles d’éligibilité constituaient une décision d’une association d’entreprises au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE (considérants 147 à 152 de la décision attaquée).

32      Dans la section 8.3 de la décision attaquée, la Commission a conclu que les règles d’éligibilité tant de 2014 que de 2016 avaient pour objet de restreindre la concurrence au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Elle a estimé, en substance, que lesdites règles restreignaient les possibilités pour les patineurs de vitesse professionnels de participer librement à des épreuves internationales organisées par des tiers et privaient, dès lors, les organisateurs potentiels d’épreuves concurrentes des services des athlètes qui étaient nécessaires pour organiser ces compétitions. Elle est arrivée à cette conclusion après avoir examiné le contenu desdites règles, leurs objectifs, le contexte économique et juridique dans lequel celles-ci s’inscrivaient ainsi que l’intention subjective de la requérante d’exclure des organisateurs tiers (considérants 162 à 188 de la décision attaquée).

33      Ayant conclu que les règles d’éligibilité constituaient une restriction de la concurrence par objet, la Commission a relevé qu’il n’était pas nécessaire d’analyser les effets desdites règles. Toutefois, dans la section 8.4 de la décision attaquée, elle a exposé les raisons lui permettant de conclure que ces règles avaient également pour effet de restreindre la concurrence (considérants 189 à 205 de la décision attaquée).

34      Dans la section 8.5 de la décision attaquée, la Commission a examiné si les règles d’éligibilité pouvaient échapper au champ d’application de l’article 101 TFUE. À cet égard, elle a observé, en substance, que celles-ci ne servaient pas que des objectifs purement légitimes, mais qu’elles répondaient également à d’autres intérêts de la requérante, dont ses intérêts économiques. En outre, d’après la Commission, les effets résultant des règles d’éligibilité ne sont en partie pas inhérentes aux objectifs légitimes poursuivis et, en tout état de cause, elles ne sont pas proportionnées aux objectifs en question (considérants 220 et 225 à 266 de la décision attaquée).

3.      Appréciation du règlement d’arbitrage

35      Dans la section 8.7 de la décision attaquée, la Commission a reconnu que l’arbitrage constituait une méthode généralement acceptée pour la résolution de litiges et que le fait de conclure une clause d’arbitrage ne constituait pas, en soi, une restriction de la concurrence. Toutefois, elle a estimé que le règlement d’arbitrage renforçait les restrictions de la concurrence causées par les règles d’éligibilité (considérant 269 de la décision attaquée).

36      D’une part, cette conclusion reposait sur le fait que, selon la Commission, le règlement d’arbitrage rendait difficile l’obtention d’une protection juridictionnelle effective contre les éventuelles décisions d’inéligibilité de la requérante qui ne seraient pas conformes à l’article 101 TFUE. D’autre part, la Commission a observé que les athlètes étaient contraints d’accepter le règlement d’arbitrage et la compétence exclusive du TAS (considérant 270 à 276 de la décision attaquée).

4.      Dispositif 

37      La Commission, aux termes du dispositif de la décision attaquée, a conclu ce qui suit :

« Article premier

L’Union internationale de patinage a enfreint l’article 101 [TFUE] et l’article 53 de l’accord [EEE] en adoptant et en appliquant les règles d’éligibilité, notamment les règles 102 et 103 des règlements généraux de l’UIP de 2014 et de 2016, au patinage de vitesse. L’infraction a commencé en juin 1998 et continue à ce jour.

Article 2

L’Union internationale de patinage est tenue de mettre fin à l’infraction référencée à l’article 1er et de communiquer toutes les mesures prises à cet égard à la Commission dans un délai de 90 jours à partir de la date de notification de la décision.

L’Union internationale de patinage est tenue de s’abstenir de répéter tout acte ou comportement décrit à l’article 1er ainsi que tout acte ou comportement ayant un objet ou un effet équivalent.

[…]

Article 4

Si l’Union internationale de patinage ne se conforme pas aux ordres prévus à l’article 2, la Commission lui impose des astreintes journalières, d’un montant équivalent à 5 % de ses chiffres d’affaires journaliers moyens au cours de l’année précédente. »

III. Procédure et conclusions des parties

38      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 février 2018, la requérante a introduit le présent recours.

39      Le 17 mai 2018, la Commission a déposé au greffe du Tribunal le mémoire en défense.

40      Par actes déposés au greffe du Tribunal le 1er juin 2018, l’European Elite Athletes Association et les plaignants ont demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

41      Les demandes d’intervention ont été signifiées aux parties principales, qui ne se sont pas opposées à celles-ci. Toutefois, elles ont demandé, conformément à l’article 144 du règlement de procédure du Tribunal, que certains éléments confidentiels du dossier ne soient pas communiqués aux intervenants et ont produit à cette fin une version non confidentielle des actes en question.

42      Par ordonnance du 12 septembre 2018, la présidente de la septième chambre a fait droit aux demandes d’intervention.

43      Le 25 mars 2019, la composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, la présente affaire a été attribuée à une nouvelle juge rapporteure siégeant dans la cinquième chambre, à laquelle l’affaire a, par conséquent, été attribuée.

44      Le 16 octobre 2019, la composition des chambres du Tribunal ayant à nouveau été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, la juge rapporteure a été affectée à la quatrième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

45      Le 20 décembre 2019, sur proposition de la quatrième chambre, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 du règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

46      Sur proposition de la juge rapporteure, le Tribunal (quatrième chambre élargie) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, a posé aux parties des questions écrites, en les invitant à y répondre lors de l’audience. En outre, sur invitation du Tribunal, la requérante a produit une copie de la communication no 1974.

47      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

48      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

49      Les intervenants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours.

IV.    En droit

50      À l’appui de son recours, la requérante invoque huit moyens. Par son premier moyen, elle soutient, en substance, que la décision attaquée est entachée d’une motivation contradictoire. Par ses deuxième et troisième moyens, elle conteste la qualification de restriction de la concurrence par objet et par effet appliquée aux règles d’éligibilité. Par son quatrième moyen, la requérante critique les appréciations effectuées par la Commission sur la question de savoir si les règles d’éligibilité sont inhérentes et proportionnées à la poursuite de l’objectif de protection de l’intégrité du patinage de vitesse des paris sportifs. Par son cinquième moyen, elle s’oppose à la prise en considération par la Commission de sa décision de refuser d’accorder une autorisation pour l’organisation du Grand Prix de Dubaï, dans la mesure où cette décision ne rentre pas dans le champ d’application territorial de l’article 101 TFUE. Par son sixième moyen, la requérante conteste la conclusion selon laquelle son règlement d’arbitrage renforce la restriction de la concurrence alléguée. Par son septième moyen, elle fait valoir que la Commission a violé l’article 7 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), en imposant, à l’article 2 du dispositif de la décision attaquée, des mesures correctives qui ne sont pas liées à l’infraction constatée. Par son huitième moyen, la requérante conteste l’article 4 du dispositif de la décision attaquée pour les mêmes motifs que ceux invoqués à l’appui du septième moyen ainsi qu’en raison du caractère vague et non précis des mesures correctives.

51      La Commission, soutenue par les intervenants, conteste l’ensemble des arguments avancés par la requérante.

A.      Sur le premier moyen, tiré du caractère contradictoire de la motivation de la décision attaquée

52      Par son premier moyen, la requérante soutient que la décision attaquée est entachée d’illégalité, dans la mesure où elle repose sur une motivation manifestement contradictoire.

53      Selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation prévue à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (voir arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 146 et jurisprudence citée ; arrêts du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, points 114 et 115, et du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission, T‑95/15, EU:T:2016:722, point 44), de sorte qu’il ne saurait être question pour le Tribunal d’examiner, au titre du contrôle du respect de l’obligation de motivation, la légalité au fond des motifs invoqués par la Commission pour justifier sa décision. Il s’ensuit que, dans le cadre d’un moyen tiré d’un défaut ou d’une insuffisance de motivation, les griefs et arguments visant à contester le bien-fondé de la décision attaquée sont inopérants et dénués de pertinence (voir arrêt du 15 juin 2005, Corsica Ferries France/Commission, T‑349/03, EU:T:2005:221, points 58 et 59 et jurisprudence citée).

54      En l’espèce, au soutien de son premier moyen, la requérante avance toute une série d’arguments remettant en cause, en réalité, le bien-fondé de la décision attaquée. Ainsi, en application de la jurisprudence citée au point 53 ci-dessus, ceux-ci doivent être considérés comme dénués de pertinence dans le cadre du présent moyen. Dès lors, afin d’examiner le premier moyen, il convient de vérifier seulement si, comme le prétend la requérante, la décision attaquée est entachée de contradiction dans ses motifs.

55      À cet égard, la requérante fait valoir en substance que les motifs de la décision attaquée sont entachés d’une contradiction dans la mesure où la Commission a conclu que les règles d’éligibilité restreignaient la concurrence en tant que telles, sans pour autant avoir considéré que le système d’autorisation préalable, que celles-ci incluent, n’était pas inhérent à la poursuite d’objectifs légitimes. Cette contradiction serait mise encore plus en évidence par le fait que la Commission a affirmé que la requérante pourrait mettre un terme à l’infraction tout en conservant son système d’autorisation préalable.

56      Il ressort de la jurisprudence que la motivation doit être logique et, notamment, ne pas présenter de contradiction interne entravant la bonne compréhension des raisons sous-tendant l’acte contesté (voir, en ce sens, arrêts du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 169, et du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 151).

57      En l’espèce, la Commission a conclu que les règles d’éligibilité telles qu’elles ont été conçues et appliquées par la requérante sur le marché pertinent restreignaient la concurrence tant par objet que par effet au sens de l’article 101 TFUE (voir sections 8.3 à 8.5 de la décision attaquée).

58      Il ressort de la section 8.5 de la décision attaquée que la requérante avait fait valoir, lors de la procédure administrative, que les règles d’éligibilité ne tombaient pas sous le coup de l’interdiction de l’article 101 TFUE, notamment, car le système d’autorisation préalable inclus dans lesdites règles serait indispensable pour assurer que tous les organisateurs de compétitions de patinage de vitesse se conformaient aux standards et aux objectifs de la requérante.

59      Or, au considérant 254 de la décision attaquée, la Commission a considéré que, aux fins de la présente affaire, il n’était pas nécessaire de prendre position sur la question de savoir si un système d’autorisation préalable était inhérent à la poursuite d’objectifs légitimes. Toutefois, elle a avancé plusieurs raisons au soutien de sa conclusion selon laquelle le système d’autorisation préalable établi par la requérante n’était pas proportionné aux objectifs qu’elle poursuivait et, dès lors, tomberait sous le coup de l’interdiction prévue à l’article 101 TFUE (voir considérants 254 à 258 de la décision attaquée).

60      Ce faisant, la Commission a appliqué la jurisprudence selon laquelle toute décision d’une association d’entreprises qui restreint la liberté d’action des parties ou de l’une d’elles ne tombe pas nécessairement sous le coup de l’interdiction édictée à l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Conformément à cette jurisprudence, les restrictions découlant d’une décision d’association d’entreprises échappent à l’interdiction édictée à l’article 101 TFUE si elles remplissent deux conditions cumulatives. En premier lieu, la restriction doit être inhérente à la poursuite d’objectifs légitimes et, en second lieu, elle doit être proportionnée à ces objectifs (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2006, Meca-Medina et Majcen/Commission, C‑519/04 P, EU:C:2006:492, point 42).

61      En l’espèce, ainsi qu’il a été indiqué au point 59 ci-dessus, la Commission a exposé plusieurs raisons qui l’ont conduite à conclure que le système d’autorisation préalable ne satisfaisait pas au second critère de la jurisprudence citée au point 60 ci-dessus, à savoir le critère de proportionnalité. Les critères de cette jurisprudence étant cumulatifs, la Commission n’était pas tenue de prendre position dans la décision attaquée sur le caractère inhérent à la poursuite d’objectifs légitimes du système en question et n’a pas, dès lors, entaché sa décision de contradiction.

62      Certes, la Commission a reconnu, au considérant 339 de la décision attaquée, qu’il serait possible pour la requérante de mettre fin à l’infraction constatée tout en conservant un système d’autorisation préalable. Cependant, cette constatation ne contredit pas la conclusion selon laquelle les règles d’éligibilité restreignent la concurrence, dans la mesure où l’acceptation éventuelle par la Commission d’un tel système est clairement soumise à la condition que des « modifications substantielles » y soient apportées pour mettre fin à l’infraction, à savoir des modifications qui auraient pour objet de neutraliser le caractère disproportionné dudit système. Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission n’a pas approuvé le maintien du système d’autorisation préalable de la requérante tel qu’il a été conçu et, à cet égard, n’a pas davantage entaché la motivation de sa décision de contradiction.

63      Par conséquent, le premier moyen doit être rejeté.

B.      Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens, tirés de ce que les règles d’éligibilité ne restreignent pas la concurrence par objet et par effet et échappent au champ d’application de l’article 101 TFUE

64      Par ses deuxième, troisième et quatrième moyens, la requérante conteste, d’une part, les appréciations effectuées par la Commission quant à l’existence d’une restriction de la concurrence et, d’autre part, la conclusion tirée par celle-ci selon laquelle les règles d’éligibilité tombent sous le coup de l’interdiction prévue à l’article 101 TFUE. Le Tribunal estime qu’il est opportun d’examiner ces moyens conjointement.

65      Pour relever de l’interdiction énoncée à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, une décision d’association d’entreprises doit avoir « pour objet ou pour effet » d’empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence dans le marché intérieur. Selon une jurisprudence constante de la Cour depuis l’arrêt du 30 juin 1966, LTM (56/65, EU:C:1966:38), le caractère alternatif de cette condition, marqué par la conjonction « ou », conduit d’abord à la nécessité de considérer l’objet même de la décision d’association d’entreprises (voir, en ce sens, arrêts du 26 novembre 2015, Maxima Latvija, C‑345/14, EU:C:2015:784, point 16, et du 20 janvier 2016, Toshiba Corporation/Commission, C‑373/14 P, EU:C:2016:26, point 24).

66      La notion de restriction de concurrence par objet ne peut être appliquée qu’à certains types de coordination entre entreprises révélant, par leur nature même, un degré suffisant de nocivité pour le bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence pour qu’il puisse être considéré que l’examen de leurs effets n’est pas nécessaire (voir, en ce sens, arrêts du 30 juin 1966, LTM, 56/65, EU:C:1966:38, p. 359 ; du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, points 49, 50 et 58 et jurisprudence citée, et du 16 juillet 2015, ING Pensii, C‑172/14, EU:C:2015:484, point 31).

67      Selon la jurisprudence de la Cour, il convient, afin d’apprécier si une décision d’association d’entreprises présente un degré suffisant de nocivité pour être considéré comme une restriction de concurrence par objet au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, de s’attacher à la teneur de ses dispositions, aux objectifs qu’elle vise à atteindre ainsi qu’au contexte économique et juridique dans lequel elle s’insère (voir arrêt du 16 juillet 2015, ING Pensii, C‑172/14, EU:C:2015:484, point 33 et jurisprudence citée).

68      Dès lors, en l’espèce, il y a lieu d’examiner les règles d’éligibilité, au regard de leurs objectifs allégués et de leur contexte spécifique, constitué en particulier par le pouvoir d’autorisation dont disposent les fédérations sportives, aux fins de vérifier si la Commission a, à bon droit, qualifié les règles d’éligibilité de restrictives de la concurrence par objet.

1.      Sur les obligations qui s’imposent  à une fédération sportive qui dispose d’un pouvoir d’autorisation

69      La requérante fait valoir que la jurisprudence issue de l’arrêt du 1er juillet 2008, MOTOE (C‑49/07, EU:C:2008:376, points 51 et 52), citée à la note en bas de page 267 de la décision attaquée, n’est pas applicable en l’espèce, dans la mesure où cette jurisprudence concerne l’application des articles 102 et 106 TFUE, et non celle de l’article 101 TFUE comme dans le cas d’espèce.

70      À cet égard, il convient de rappeler que, selon cette jurisprudence, lorsqu’une réglementation confie à une personne morale qui, elle-même, organise et exploite commercialement des compétitions le pouvoir de désigner les personnes autorisées à organiser lesdites compétitions ainsi que de fixer les conditions dans lesquelles ces dernières sont organisées, elle octroie à cette entité un avantage évident sur ses concurrents. Un tel droit peut donc amener l’entreprise qui en dispose à empêcher l’accès d’autres opérateurs au marché concerné. Il convient dès lors que l’exercice de cette fonction réglementaire soit soumis à des limites, des obligations ou à un contrôle afin d’éviter que la personne morale en question puisse fausser la concurrence en favorisant les compétitions qu’elle organise ou celles à l’organisation desquelles elle participe (voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2008, MOTOE, C‑49/07, EU:C:2008:376, points 51 et 52).

71      Or, il y a lieu de constater qu’il ressort de l’arrêt du 28 février 2013, Ordem dos Técnicos Oficiais de Contas (C‑1/12, EU:C:2013:127, points 88 et 92), que la Cour a appliqué cette jurisprudence par analogie dans une affaire concernant l’application de l’article 101 TFUE aux règles adoptées par une association d’entreprises qui était à la fois un opérateur et le régulateur du marché pertinent comme dans le cas d’espèce. Dès lors, l’argument de la requérante selon lequel la jurisprudence citée au point 70 ci-dessus serait uniquement applicable dans une affaire concernant l’application des articles 102 et 106 TFUE doit être rejeté.

72      Par ailleurs, selon la requérante, l’arrêt du 28 février 2013, Ordem dos Técnicos Oficiais de Contas (C‑1/12, EU:C:2013:127, points 88 et 92), ne justifie pas l’application de la jurisprudence citée au point 70 en l’espèce, car, dans cet arrêt, la Cour a appliqué cette jurisprudence dans le cadre de l’analyse d’une restriction par effet, et non d’une restriction par objet comme dans le cas d’espèce. Or, il ressort de la jurisprudence qu’un accord peut restreindre la concurrence par objet dans un contexte particulier alors que, dans d’autres contextes, une analyse des effets de l’accord serait nécessaire [voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C‑307/18, EU:C:2020:52, point 84]. Il s’ensuit que le fait que la Cour a qualifié le règlement de l’ordre des experts comptables de restriction par effet n’empêche pas que la jurisprudence citée au point 70 ci-dessus puisse être appliquée dans le cadre d’une analyse d’une restriction par objet.

73      En l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 4 ci-dessus, la requérante a le pouvoir d’édicter des règles dans les disciplines qui relèvent de sa compétence. S’il est vrai que cette fonction réglementaire ne lui a pas été déléguée par une autorité publique comme dans les affaires à l’origine des arrêts cités aux points 70 et 71 ci-dessus, il n’en demeure pas moins qu’elle exerce, en tant que seule fédération sportive internationale reconnue par le CIO pour les disciplines en cause, une activité réglementaire (voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2005, Piau/Commission, T‑193/02, EU:T:2005:22, point 78).

74      En outre, il ressort des considérants 38 à 41 de la décision attaquée, au demeurant non contestés par la requérante, que le patinage de vitesse génère des possibilités de revenus très limitées pour la grande majorité des patineurs professionnels. De plus, ainsi que la Commission l’a constaté au considérant 172 de la décision attaquée, toujours sans être contredite par la requérante, cette dernière organise ou contrôle l’organisation des compétitions de patinage de vitesse les plus importantes auxquelles les patineurs qui pratiquent cette discipline doivent participer pour gagner leur vie. Or, il y a lieu de rappeler que les règles d’éligibilité édictées dans l’exercice de la fonction réglementaire de la requérante prévoient des sanctions d’inéligibilité en cas de participation des patineurs à une compétition non autorisée. Les patineurs ne pouvant pas se voir priver de la possibilité de participer aux compétitions plus importantes organisées par la requérante, il s’ensuit que les organisateurs tiers envisageant d’organiser une compétition de patinage de vitesse doivent obtenir préalablement l’autorisation de la requérante s’ils souhaitent que des patineurs y participent.

75      Dès lors, eu égard au fait que la requérante organise des compétitions et qu’elle est également détentrice du pouvoir d’autoriser les compétitions organisées par des tiers, force est de constater que cette situation est susceptible de donner lieu à un conflit d’intérêts. Dans ces conditions, il découle de la jurisprudence citée aux points 70 et 71 ci-dessus que la requérante est tenue de veiller, dans l’examen des demandes d’autorisation, à ce que ces tiers ne soient pas privés indument d’un accès au marché au point que la concurrence sur ce marché s’en trouve faussée.

76      En conséquence, il y a lieu d’examiner les arguments de la requérante contestant l’appréciation par la Commission de la portée et des objectifs des règles d’éligibilité tout en tenant compte du fait que, dans l’exercice de sa fonction réglementaire, celle-ci est tenue de se conformer aux obligations découlant de la jurisprudence citée aux points 70 et 71 ci-dessus.

2.      Sur le contenu et les objectifs des règles d’éligibilité 

77      Selon une jurisprudence constante, la compatibilité d’une réglementation avec les règles du droit de l’Union européenne en matière de concurrence ne peut être appréciée de façon abstraite. Tout accord entre entreprises ou toute décision d’une association d’entreprises qui restreint la liberté d’action des parties ou de l’une d’elles ne tombe pas nécessairement sous le coup de l’interdiction édictée à l’article 101, paragraphe 1, TFUE. En effet, aux fins de l’application de cette disposition à un cas d’espèce, il y a lieu tout d’abord de tenir compte du contexte global dans lequel la décision de l’association d’entreprises en cause a été prise ou déploie ses effets et, plus particulièrement, de ses objectifs. Il convient ensuite d’examiner si les restrictions qui en découlent sont inhérentes à la poursuite d’objectifs légitimes et proportionnées à ces objectifs (voir, en ce sens, arrêts du 19 février 2002, Wouters e.a., C‑309/99, EU:C:2002:98, point 97, et du 18 juillet 2006, Meca-Medina et Majcen/Commission, C‑519/04 P, EU:C:2006:492, point 42).

78      S’agissant des objectifs pouvant être poursuivis, il convient de rappeler que l’article 165, paragraphe 1, second alinéa, TFUE dispose que l’Union contribue à la promotion des enjeux européens du sport, tout en tenant compte de ses spécificités, de ses structures fondées sur le volontariat ainsi que de sa fonction sociale et éducative. Aux termes du paragraphe 2 du même article, l’action de l’Union en ce domaine vise à développer la dimension européenne du sport, en promouvant l’équité et l’ouverture dans les compétitions sportives et la coopération entre les organismes responsables du sport ainsi qu’en protégeant l’intégrité physique et morale des sportifs, notamment des plus jeunes d’entre eux.

79      Dès lors, dans le cadre de l’analyse des justifications éventuelles des restrictions dans le domaine du sport, il y a lieu de prendre en considération les caractéristiques spécifiques du sport en général ainsi que sa fonction sociale et éducative (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 16 mars 2010, Olympique Lyonnais, C‑325/08, EU:C:2010:143, point 40).

80      En l’espèce, la requérante conteste les appréciations de la Commission sur le contenu et les objectifs des règles d’éligibilité. En particulier, elle soutient que les règles d’éligibilité poursuivent l’objectif légitime de protéger l’intégrité du patinage de vitesse des risques liés aux paris.

a)      Sur le contenu des règles d’éligibilité

81      La requérante conteste l’examen du contenu des règles d’éligibilité et de la communication no 1974. En premier lieu, elle fait valoir que lesdites règles pourraient restreindre la concurrence par objet uniquement si elles interdisaient totalement aux patineurs de participer à des compétitions organisées par des tiers, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

82      Cet argument doit être écarté d’emblée, car il reviendrait à admettre que la qualification d’un comportement de restriction par objet repose sur l’élimination de toute concurrence sur le marché pertinent. Or, force est de constater que la qualification d’une restriction de la concurrence par objet n’est pas réservée aux décisions d’associations d’entreprises qui éliminent toute concurrence. En effet, il ressort de la jurisprudence que cette qualification est applicable à toute décision d’associations d’entreprises qui révèle en elle-même un degré suffisant de nocivité pour le bon fonctionnement du jeu de la concurrence compte tenu de sa teneur, des objectifs poursuivis et du contexte dans lequel celle-ci s’insère (voir, en ce sens, arrêts du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 53, et du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 117).

83      En deuxième lieu, la requérante fait valoir qu’aucun des éléments pris en considération par la Commission ne permet de conclure que les règles d’éligibilité ont pour objet de restreindre la concurrence. Selon elle, la Commission a pris en considération quatre éléments pour qualifier les règles d’éligibilité de restriction de la concurrence par objet, à savoir l’absence d’un lien direct avec des objectifs légitimes, la sévérité des sanctions, la référence à la protection des intérêts économiques de la requérante et l’absence de lien avec une compétition ou une série de compétitions organisées par celle-ci.

1)      Sur l’absence d’un lien direct avec des objectifs légitimes

84      La requérante fait valoir que la constatation selon laquelle les règles d’éligibilité n’ont pas de lien direct avec des objectifs légitimes est dénuée de fondement.

85      Or, en premier lieu, force est de constater que les règles d’éligibilité n’explicitent pas les objectifs légitimes qu’elles poursuivent. Certes, comme l’avance la requérante, la règle 102 se réfère depuis 1998 aux « principes et politiques, tel que formulés dans [ses] statuts et [ses] règlements », et dispose, à la suite de sa modification en 2016, que « la condition d’éligibilité est conçue pour assurer une protection adéquate des valeurs éthiques de l’UIP ». Toutefois, alors que « les valeurs éthiques » peuvent ressortir du code éthique de la requérante, les « principes et politiques » n’ont pas été explicitement définis ou énumérés dans les statuts et les règlements de la requérante. Dès lors, ces expressions vagues ne permettent pas à elles seules d’identifier avec précision les objectifs légitimes que poursuivraient lesdites règles.

86      En deuxième lieu, il convient de rappeler que, depuis 1998 et jusqu’à la publication de la communication no 1974 le 20 octobre 2015, les règles d’éligibilité ne prévoyaient aucun critère d’autorisation pour les compétitions que des tiers pouvaient souhaiter organiser en tant que compétitions internationales ouvertes. Il s’ensuit que, avant la publication de cette communication, le cadre réglementaire de la requérante était dépourvu de contenu concernant les critères d’autorisation des compétitions, de sorte que la requérante jouissait d’une discrétion totale pour refuser d’autoriser les compétitions que des tiers envisageaient d’organiser.

87      Ce pouvoir discrétionnaire n’a pas été substantiellement modifié avec la publication de la communication no 1974, laquelle est venue compléter le contenu des règles d’éligibilité. En effet, bien que ladite communication énumère un certain nombre d’exigences d’ordre général, financier, technique, sportif et éthique, il n’en demeure pas moins que ces exigences ne sont pas exhaustives, car cette communication dispose, en outre, que la requérante acceptera ou rejettera une demande d’autorisation, en tenant compte « en particulier » des exigences qu’elle fixe, ce qui l’habilite à accepter ou à rejeter une demande d’autorisation pour des motifs autres que ceux expressément prévus en tant qu’exigences établies par ladite communication. De plus, ainsi qu’il a été indiqué au point 15 ci-dessus, il ressort du contenu de la communication no 1974 que la requérante se réserve le droit de demander aux organisateurs des informations additionnelles liées aux différentes exigences susvisées.

88      Dès lors, force est de constater que toutes les exigences de la communication no 1974 ne sont pas des critères d’autorisation clairement définis, transparents, non discriminatoires, contrôlables et susceptibles de garantir aux organisateurs de compétitions un accès effectif au marché pertinent (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 28 février 2013, Ordem dos Técnicos Oficiais de Contas, C‑1/12, EU:C:2013:127, point 99).

89      Il découle de ces considérations que, depuis 1998 et même jusqu’après l’adoption de la communication no 1974, la requérante jouissait d’une large marge d’appréciation pour refuser d’autoriser les compétitions proposées par des tiers, y compris pour des motifs non explicitement prévus, ce qui pouvait aboutir à l’adoption de décisions de refus pour des motifs illégitimes. Dans ces circonstances, c’est à bon droit que la Commission a constaté, aux considérants 163 et 185 de la décision attaquée, que les règles d’éligibilité, par leur contenu, ne présentaient pas de lien direct avec les objectifs légitimes que la requérante a invoqués lors de la procédure administrative.

2)      Sur la sévérité de sanctions

90      La requérante fait valoir que la sévérité des sanctions n’est pas un élément pertinent lorsqu’il s’agit de déterminer si le contenu de son système d’autorisation préalable a pour objet de restreindre la concurrence.

91      Or, la Cour a déjà jugé que le caractère répressif d’une réglementation et l’importance des sanctions applicables en cas de violation sont susceptibles de produire des effets négatifs sur la concurrence, car elles pourraient, si les sanctions ne sont pas limitées à ce qui est nécessaire afin d’assurer le bon déroulement de la compétition sportive et pour le cas où elles s’avéreraient finalement infondées, conduire à l’exclusion injustifiée de l’athlète de compétitions, et donc à fausser les conditions d’exercice de l’activité sportive en cause (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2006, Meca-Medina et Majcen/Commission, C‑519/04 P, EU:C:2006:492, point 47).

92      En l’espèce, selon les règles d’éligibilité, les patineurs qui participent à des compétitions non autorisées par la requérante ou par l’un de ses membres s’exposent à une sanction. Ainsi qu’il ressort du point 7 ci-dessus, jusqu’à leur modification en 2016, les règles d’éligibilité prévoyaient une sanction unique et extrêmement sévère d’exclusion à vie qui s’appliquait dans tous les cas, indépendamment du fait de savoir s’il s’agissait d’une première infraction ou d’une récidive. Il s’ensuit que les restrictions qui découlaient des règles d’éligibilité de 2014 étaient manifestement disproportionnées eu égard à l’objectif de protection de l’intégrité du patinage.

93      Certes, ainsi qu’il ressort du point 10 ci-dessus, en 2016, le régime de sanctions a été assoupli dans la mesure où celui-ci ne prévoit plus une sanction unique d’exclusion à vie pour toutes les infractions. Toutefois, il convient de relever le fait, au demeurant non contesté par la requérante, que la carrière d’un patineur dure, en moyenne, huit ans. Dès lors, force est de constater que les sanctions envisagées dans les règles d’éligibilité de 2016, même celles d’une durée déterminée fixée à 5 et 10 ans, continuent à revêtir un caractère disproportionné en tant qu’elles s’appliquent notamment à la participation à des compétitions tierces non autorisées.

94      En outre, les règles d’éligibilité de 2016 ne déterminent pas avec précision les conditions permettant de fixer la ligne de partage entre les différentes catégories d’infractions. En particulier, elles ne distinguent pas clairement les infractions qualifiées de « très graves » de celles qui ne le sont pas. Il s’ensuit que le système de sanctions est peu prévisible et présente ainsi un risque d’application arbitraire, ce qui confère auxdites sanctions un caractère dissuasif excessif.

95      Dans ces conditions, contrairement à ce qu’avance la requérante, la sévérité des sanctions prévues par les règles d’éligibilité constitue un élément particulièrement pertinent dans l’analyse de leur contenu. En effet, cette sévérité peut dissuader les athlètes de participer à des compétitions non autorisées par la requérante, même en l’absence de motifs légitimes pouvant justifier un tel refus, et, par voie de conséquence, est susceptible de verrouiller le marché aux concurrents potentiels qui se voient privés de la participation des athlètes nécessaires pour l’organisation de leur compétition sportive.

3)      Sur l’absence de lien entre les règles d’éligibilité et une compétition ou une série de compétitions de la requérante

96      La requérante fait valoir que le fait que les règles d’éligibilité n’ont pas de lien avec une compétition ou une série de compétitions organisées par elle ne saurait être pertinent dans le cadre de l’analyse d’une restriction par objet.

97      Or, il ressort d’une lecture combinée des considérants 166 et 243 de la décision attaquée que la Commission critique le fait que les règles d’éligibilité ne subordonnent pas l’imposition d’une sanction au fait que la compétition non autorisée à laquelle les athlètes concernés auraient participé coïncidât avec une compétition de la requérante. Cette considération n'est rien d'autre, en réalité, qu'un exemple de l'absence de lien direct avec les objectifs légitimes invoqués par la requérante lors de la procédure administrative et révèle la portée large, voire excessive, des règles d’éligibilité. En effet, lesdites règles permettent à la requérante d’imposer des sanctions d’inéligibilité aux athlètes en cas de participation à des compétitions non autorisées, même si le calendrier de la requérante ne prévoit aucune compétition au même moment et même si les athlètes en question ne peuvent, pour une raison quelconque, participer aux compétitions organisées par la requérante. Dès lors, il convient d’écarter le grief de la requérante selon lequel la constatation effectuée aux considérants 166 et 243 ne serait pas pertinente.

98      S’agissant des arguments relatifs à la référence à la protection des intérêts économiques de la requérante, ceux-ci sont examinés aux points 106 à 111 ci-dessous dans le cadre de l’analyse des objectifs des règles d’éligibilité.

b)      Sur les objectifs poursuivis par les règles d’éligibilité 

99      Les griefs soulevés par la requérante en ce qui concerne l’examen par la Commission des objectifs des règles d’éligibilité peuvent être regroupés en deux branches. D’une part, par son quatrième moyen, elle conteste la conclusion selon laquelle les règles d’éligibilité ne seraient pas justifiées par l’objectif légitime de protéger l’intégrité du patinage de vitesse des risques liés aux paris. D’autre part, dans le cadre de son deuxième moyen, la requérante fait valoir que, en s’appuyant sur la référence à la protection des intérêts économiques figurant dans les règles d’éligibilité de 2014 pour étayer la conclusion selon laquelle celles-ci visent à exclure des organisateurs d’événements concurrents, la Commission a effectué une analyse superficielle des objectifs poursuivis.

1)      Sur la première branche, tirée de l’objectif poursuivi par les règles d’éligibilité de protéger l’intégrité du patinage de vitesse des risques liés aux paris

100    Il convient de relever que, lors de la procédure administrative, la requérante a fait valoir que les règles d’éligibilité poursuivaient plusieurs objectifs propres aux caractéristiques spécifiques du sport. Or, dans le cadre de la présente procédure, si la requérante s’est prévalue de plusieurs objectifs légitimes, elle n’a avancé des arguments détaillés qu’au soutien de l’objectif légitime tenant à la protection de l’intégrité du patinage contre les paris.

101    À cet égard, il y a lieu de rappeler que la Cour a déjà reconnu que la protection de l’intégrité du sport constitue un objectif légitime (arrêt du 18 juillet 2006, Meca-Medina et Majcen/Commission, C‑519/04 P, EU:C:2006:492, point 43). Cependant, la poursuite d’objectifs légitimes ne saurait à elle seule suffire à faire obstacle à une qualification de restriction de concurrence par objet, si les moyens mis en œuvre pour les atteindre sont contraires aux dispositions de l’article 101 TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 6 avril 2006, General Motors/Commission, C‑551/03 P, EU:C:2006:229, point 64 et jurisprudence citée, et du 20 novembre 2008, Beef Industry Development Society et Barry Brothers, C‑209/07, EU:C:2008:643, point 21). Il convient en particulier d’examiner si les restrictions en cause sont inhérentes à la poursuite desdits objectifs et proportionnées à ces objectifs (voir, en ce sens, arrêts du 19 février 2002, Wouters e.a., C‑309/99, EU:C:2002:98, point 97, et du 18 juillet 2006, Meca-Medina et Majcen/Commission, C‑519/04 P, EU:C:2006:492, point 42).

102    En l’espèce, il peut être considéré que la requérante était légitime à établir des règles visant à empêcher que les paris sportifs puissent engendrer des risques de manipulation des compétitions et des athlètes, conformément d’ailleurs aux recommandations du CIO du 24 juin 2010, intitulées « Paris sportifs : Un défi à relever », et à la convention sur la manipulation des compétitions sportives adoptée par le Conseil de l’Europe en 2014.

103    Toutefois, même à supposer que les restrictions découlant du système d’autorisation préalable institué en l’espèce soient inhérentes à la poursuite de cet objectif légitime tenant à la protection de l’intégrité du patinage de vitesse des risques liés aux paris, il n’en demeure pas moins que, notamment pour les motifs exposés aux points 92 à 95 ci-dessus, elles vont au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre un tel objectif au sens de la jurisprudence citée au point 77 ci-dessus.

104    Dès lors, il y a lieu de rejeter l’argumentation de la requérante selon laquelle les restrictions découlant des règles d’éligibilité seraient justifiées par l’objectif de protéger l’intégrité du patinage de vitesse des risques liés aux paris.

2)      Sur la deuxième branche, critiquant l’appui de la Commission sur l’objectif de protection des intérêts économiques de la requérante

105    En premier lieu, la requérante critique l’utilisation faite par la Commission de la référence à la protection de ses intérêts économiques figurant dans les règles d’éligibilité de 2014 pour étayer la conclusion selon laquelle celles-ci avaient pour objet de protéger ses intérêts économiques. La requérante soutient, en particulier, que la Commission s’est erronément appuyée sur la référence aux intérêts économiques figurant dans la version des règles d’éligibilité de 2014 pour conclure que ces dernières visaient à exclure tout organisateur de compétitions concurrentes pouvant potentiellement affecter ses intérêts économiques, alors qu’il ressort des circonstances dans lesquelles ces règles ont été élaborées qu’elles visaient à assurer une conformité de toutes les compétitions relevant de la compétence de la requérante avec des standards communs.

106    Ainsi que l’a constaté la Commission aux considérants 164 et 165 de la décision attaquée, la règle 102, paragraphe 1, sous a), ii), disposait, depuis 2002 et jusqu’à sa modification en 2016, que la condition d’éligibilité était conçue pour la « protection adéquate des intérêts économiques et autres de l’UIP ». En outre, il ressort du dossier que cette expression a été introduite en 2002 pour « clarifier les raisons de la règle d’éligibilité ». Il s’ensuit que l’objectif tenant à la protection des intérêts économiques était antérieur à la modification introduite en 2002, puisque celui-ci a seulement été explicité par cette dernière. Dès lors, la Commission pouvait, sans commettre d’erreur d’appréciation, conclure à l’existence de cet objectif dès le début de la période infractionnelle en 1998 et jusqu’en 2016.

107    En revanche, c’est à tort que la Commission a considéré, au considérant 187 de la décision attaquée, que, malgré la suppression de la référence aux intérêts économiques dans la version des règles d’éligibilité de 2016, il ressortait du contenu de ladite version que celles-ci continuaient à viser la protection des intérêts économiques de la requérante. En effet, le simple fait que la règle 102, paragraphe 1, sous a), ii), dans sa version de 2016 relie l’expression « autres intérêts légitimes de la requérante » à l’utilisation de revenus de la requérante ne permet pas de considérer que, depuis 2016, les règles d’éligibilité poursuivent, effectivement et en priorité, la protection des intérêts économiques de la requérante. Cependant, cette erreur de la Commission n’est pas susceptible de remettre en cause l’analyse des objectifs légitimes dans la décision attaquée.

108    À cet égard, il convient de relever qu’il est légitime de considérer, ainsi que le soutient la requérante (voir point 105 ci-dessus), que, compte tenu de la spécificité du sport, il est nécessaire d’assurer que les compétitions sportives se conforment à des standards communs, visant notamment à garantir l’équité du déroulement des compétitions et la protection de l’intégrité physique et morale des sportifs. La requérante pouvait en outre raisonnablement considérer qu’un système d’autorisation préalable, destiné à veiller à ce que tout organisateur respecte de tels standards, était un mécanisme apte à assurer la réalisation d’un tel objectif.

109    En outre, même à supposer qu’il soit avéré que les règles d’éligibilité de 2016 poursuivent également un objectif de protection des intérêts économiques de la requérante, il convient de constater que le fait qu’une fédération vise à protéger ses intérêts économiques n’est pas en lui-même anticoncurrentiel. En effet, ainsi que l’a reconnu la Commission lors de l’audience, la poursuite d’objectifs économiques est inhérente à toute entreprise, y compris une fédération sportive lorsqu’elle exerce une activité économique.

110    Toutefois, ainsi que la Commission l’a à juste titre relevé aux considérants 255 à 258 de la décision attaquée, le système d’autorisation préalable tel qu’il a été conçu en l’espèce par la requérante va au-delà de ce qui est nécessaire à la poursuite de l’objectif d’assurer que les compétitions sportives soient conformes à des standards communs. En effet, premièrement, la communication no 1974 impose aux organisateurs tiers certaines obligations de divulgations d’informations de caractère financier qui vont au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif invoqué. À cet égard, il convient de relever que, si la divulgation d’un budget prévisionnel peut être justifiée par la nécessité de s’assurer qu’un organisateur tiers est en mesure d’organiser une compétition, la requérante n’apporte aucun élément qui permette de considérer que la divulgation du plan d’affaires dans son ensemble soit nécessaire pour atteindre un tel objectif. Deuxièmement, la requérante n’apporte aucune justification au fait que le système d’autorisation préalable tel qu’il est formalisé dans la communication no 1974 prévoie un délai supérieur et plus contraignant pour l’introduction d’une demande d’autorisation lorsqu’il s’agit d’une compétition organisée par un tiers (voir point 14 ci-dessus). Troisièmement, les exigences établies par la communication no 1974 ne sont pas exhaustives et laissent à la requérante une large marge d’appréciation pour accepter ou rejeter une demande pour une compétition internationale ouverte. Quatrièmement, la communication no 1974 ne prévoit pas de délais précis pour le traitement d’une demande d’autorisation, ce qui pourrait aussi donner lieu à un traitement arbitraire des demandes d’autorisation.

111    Il s’ensuit que, quand bien même la Commission se serait à tort fondée sur l’objectif de protection des intérêts économiques de la requérante en ce qui concerne les règles d’éligibilité de 2016, elle a, à bon droit, retenu le caractère disproportionné du système d’autorisation préalable, en particulier au regard du prétendu autre objectif poursuivi par les règles d’éligibilité que serait la conformité de toutes les compétitions avec des standards communs.

112    En deuxième lieu, la requérante reproche à la Commission d’avoir estimé qu’elle pourrait utiliser ses revenus pour soutenir les compétitions organisées par ses membres alors qu’elle ne mettrait pas ses fonds à disposition des tiers, pour ensuite en conclure que les règles d’éligibilité de 2016 continuaient à viser la protection de ses intérêts économiques. Selon la requérante, il en ressort que la Commission exigerait d’elle qu’elle finance les compétitions organisées par des tiers.

113    Toutefois, aux considérants 187 et 220 de la décision attaquée, la Commission s’est limitée à observer que la requérante ne saurait utiliser les ressources provenant d’une contribution de solidarité payée aussi par des tiers pour financer ses propres compétitions ainsi que celles de ses membres, alors qu’elle ne conférerait pas ce même bénéfice aux organisateurs tiers.

114    Certes, ainsi que l’avance la requérante, une fédération sportive qui a des revenus limités peut valablement invoquer le droit d’utiliser la contribution de solidarité pour financer des compétitions méritant selon elle un tel financement et en priver d’autres. Cependant, compte tenu de son rôle en tant qu’organisatrice de compétitions et détentrice du pouvoir d’autoriser les compétitions organisées par des tiers, la requérante est tenue d’assurer une concurrence non faussée entre les opérateurs économiques au sens de la jurisprudence citée aux points 72 et 73 ci-dessus. Il s’ensuit que, ainsi que l’a considéré à juste titre la Commission, la requérante ne saurait soumettre l’autorisation de compétitions organisées par des tiers au paiement d’une contribution de solidarité qui serait utilisée pour financer uniquement ses compétitions et celles de ses membres. Partant, l’argument selon lequel la Commission aurait exigé de la requérante qu’elle finance les compétitions organisées par des tiers doit être rejeté, la requérante n’ayant pas émis d’autres critiques à l’encontre des considérants 187 et 220 de la décision attaquée sur la contribution de solidarité.

3.      Sur les autres éléments du contexte dans lequel les règles d’éligibilité  s’insèrent

115    La requérante fait valoir que la Commission n’a pas effectué une analyse sérieuse du marché pertinent au regard de son contexte. En particulier, elle estime que la Commission a erronément refusé de prendre en considération les compétitions de patinage artistique qu’elle avait approuvées.

116    Cependant, il y a lieu de constater que les compétitions de patinage artistique ne font pas partie du marché pertinent tel que défini par la Commission, à savoir le marché mondial de l’organisation et de l’exploitation commerciale du patinage de vitesse, et que la requérante ne conteste pas cette définition.

117    Certes, la Cour a jugé que, dans le cadre de l’analyse d’une restriction par objet, il y a lieu de prendre en compte tout élément pertinent, compte tenu, notamment, de la nature des services en cause ainsi que des conditions réelles de fonctionnement et de la structure des marchés, relatif au contexte économique ou juridique dans lequel ladite coordination s’insère, sans qu’il importe qu’un tel élément relève ou non du marché pertinent (arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 78). Toutefois, dans l’affaire à l’origine de cette jurisprudence, il existait des interactions entre le marché pertinent et un marché connexe distinct, ce qui n’a pas été établi dans le cas en l’espèce. La seule circonstance que la requérante soit également compétente pour le patinage artistique et que les mêmes règles s’appliquent aux deux disciplines ne suffit pas à démontrer de telles interactions. Dès lors, la Commission n’était pas tenue de prendre en considération les compétitions autorisées par la requérante dans un marché distinct du marché pertinent.

118    En outre, ainsi qu’il a été exposé aux points 86 à 89 ci-dessus, tant avant qu’après la publication de la communication no 1974, les règles d’éligibilité n’ont pas assorti l’exercice de la fonction réglementaire de la requérante des garanties nécessaires permettant d’assurer aux tiers un accès effectif au marché pertinent. Compte tenu de l’absence de critères d’autorisation objectifs, transparents, non discriminatoires et contrôlables, la large marge d’appréciation de la requérante pour autoriser ou refuser de telles compétitions n’était nullement limitée.

119    Il s’ensuit que la circonstance selon laquelle la requérante a pu approuver des compétitions de patinage artistique, même à supposer qu’il se soit agi de véritables compétitions indépendantes, est dénuée de pertinence pour l’analyse du contexte dans lequel les règles d’éligibilité s’insèrent, car elle ne remet pas en cause la conclusion selon laquelle le système d’autorisation préalable de la requérante lui permet de fausser la concurrence sur le marché pertinent en favorisant ses propres compétitions au détriment des compétitions proposées par des tiers, et, dès lors, ces règles n’assurent pas un accès effectif à ce marché.

120    À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, c’est à juste titre que la Commission a conclu que les règles d’éligibilité ont pour objet de restreindre la concurrence. En effet, eu égard à leur contenu et à leurs objectifs ainsi qu’au contexte dans lequel les règles d’éligibilité s’insèrent, celles-ci présentent un degré suffisant de nocivité pour être considérées comme restreignant la concurrence par objet au sens de l’article 101 TFUE.

121    L’existence d’une restriction de la concurrence par objet étant suffisamment étayée par l’examen du contenu et des objectifs des règles d’éligibilité ainsi que du contexte dans lequel celles-ci s’insèrent, il n’y a pas lieu de se prononcer sur les arguments de la requérante visant les conclusions de la Commission relatives à l’intention de celle-ci d’exclure les organisateurs tiers. En effet, l’intention n’étant pas un élément nécessaire pour définir le caractère restrictif par objet d’une décision d’association d’entreprises (voir, en ce sens, arrêt du 6 avril 2006, General Motors/Commission, C‑551/03 P, EU:C:2006:229, point 77), les arguments avancés par la requérante à l’encontre de cette partie de l’examen de la restriction par objet sont inopérants.

122    Partant, les deuxième et quatrième moyens de la requérante doivent être rejetés.

123    La Commission ayant établi à bon droit l’existence d’une restriction par objet, il n’y a pas lieu de rechercher ses effets sur la concurrence (arrêts du 26 novembre 2015, Maxima Latvija, C‑345/14, EU:C:2015:784, point 17, et du 20 janvier 2016, Toshiba Corporation/Commission, C‑373/14 P, EU:C:2016:26, point 25). Dès lors, il n’est pas nécessaire d’examiner le bien-fondé du troisième moyen soulevé par la requérante, tiré de ce que la Commission aurait erronément conclu que les règles d’éligibilité ont pour effet de restreindre la concurrence.

C.      Sur le cinquième moyen, tiré de ce que la décision concernant le Grand Prix de Dubaï de 2014 ne relève pas du champ d’application territorial de l’article 101 TFUE

124    La requérante fait valoir que la décision de ne pas approuver le Grand Prix de Dubaï ne relève pas du champ d’application territorial de l’article 101 TFUE, étant donné que cette compétition devait avoir lieu en dehors du territoire de l’Espace économique européen (EEE).

125    À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la compétence de la Commission pour constater et sanctionner un comportement adopté en dehors de l’Union sur le fondement des règles du droit international public peut être établie soit au regard du critère de la mise en œuvre, soit au regard des effets qualifiés (arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, points 40 et 47). En vertu du critère de la mise en œuvre, la compétence de la Commission se justifie par le lieu où la conduite reprochée a été mise en œuvre (arrêt du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, C‑89/85, C‑104/85, C‑114/85, C‑116/85, C‑117/85 et C‑125/85 à C‑129/85, EU:C:1993:120, point 16). Conformément au critère des effets qualifiés, la Commission peut aussi justifier sa compétence lorsque le comportement est susceptible de produire des effets immédiats, substantiels et prévisibles sur le territoire de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, points 48 à 53).

126    En l’espèce, la Commission a conclu, à l’article 1er du dispositif de la décision attaquée, que la requérante avait « enfreint l’article 101 TFUE en adoptant et en appliquant les règles d’éligibilité […] » Cette conclusion doit être lue à la lumière des motifs de la décision attaquée.

127    À cet égard, il y a lieu de constater que, s’il est vrai que la décision attaquée critique à plusieurs reprises la décision adoptée par la requérante à l’occasion du Grand Prix de Dubaï, il n’en demeure pas moins qu’elle ne vise pas la décision de refus de ce Grand Prix en tant que telle. En effet, la Commission s’est servie du refus de la requérante d’approuver le Grand Prix de Dubaï uniquement pour illustrer la manière dont celle-ci applique les règles d’éligibilité en pratique (voir, notamment, considérants 175, 176, 199 à 205, 232 à 235 et 243 de la décision attaquée).

128    Partant, dans la mesure où la décision attaquée vise les règles d’éligibilité, et non le Grand Prix de Dubaï, la question pertinente n’est pas celle de savoir si cette compétition aurait eu lieu à l’intérieur ou en dehors du territoire de l’EEE, mais celle de savoir si la Commission était compétente en application de la jurisprudence citée au point 125 ci-dessus pour statuer sur la compatibilité des règles d’éligibilité avec l’article 101 TFUE.

129    À cet égard, il y a lieu de constater que, compte tenu notamment des sanctions sévères et disproportionnées prévues en cas de participation des patineurs à des compétitions non autorisées par la requérante et de l’absence de critères d’autorisation objectifs, transparents, non discriminatoires et contrôlables, les règles d’éligibilité empêchent les patineurs de proposer leurs services aux organisateurs de compétitions internationales de patinage de vitesse non autorisées par celle-ci et, dès lors, lesdits organisateurs de recourir à leurs services pour des compétitions concurrentes au sein ou en dehors de l’EEE. Par conséquent, les règles d’éligibilité sont susceptibles de produire des effets immédiats, substantiels et prévisibles sur le territoire de l’Union au sens de la jurisprudence évoquée au point 125 ci-dessus. Partant, la Commission était compétente en l’espèce pour adopter la décision attaquée et celle-ci n’est pas intervenue en violation du champ d’application territorial de l’article 101 TFUE.

130    Il s’ensuit qu’il y a lieu d’écarter le cinquième moyen comme non fondé.

D.      Sur le sixième moyen, dirigé contre la conclusion selon laquelle le règlement d’arbitrage de la requérante renforce les restrictions de la concurrence

131    Par son sixième moyen, la requérante fait valoir que la conclusion contenue dans la section 8.7 de la décision attaquée, selon laquelle son règlement d’arbitrage renforce les restrictions de la concurrence engendrées par les règles d’éligibilité, est dénuée de fondement et devrait être ignorée.

132    À l’encontre de ce sixième moyen, la Commission invoque, à titre principal, une fin de non-recevoir tirée de ce que la requérante n’aurait aucunement demandé l’annulation de la conclusion relative au règlement d’arbitrage. Lors de l’audience, la Commission a, en outre, déclaré que la section 8.7 de la décision attaquée constituait une analyse qu’elle aurait effectuée à titre surabondant et que la conclusion de cette section, relative au règlement d’arbitrage, ne ferait dès lors pas partie de l’infraction constatée. À la lumière de cette déclaration, il s’ensuit que la Commission demande au Tribunal d’écarter ce moyen comme étant inopérant. Selon la jurisprudence, en effet, le caractère inopérant d’un moyen soulevé renvoie à son aptitude, dans l’hypothèse où il serait fondé, à entraîner l'annulation que poursuit la partie requérante, et non à l’intérêt que celle-ci peut avoir à introduire un tel recours ou encore à soulever un moyen déterminé, ces questions relevant respectivement de la recevabilité du recours et de celle du moyen (arrêt du 21 septembre 2000, EFMA/Conseil, C‑46/98 P, EU:C:2000:474, point 38). 

133    À titre subsidiaire, la Commission soutient également dans le mémoire en défense que le sixième moyen est, en tout état de cause, non fondé.

1.      Sur le caractère opérant du sixième moyen 

134    En réponse à une question qui lui a été posée lors de l’audience, la requérante a confirmé que sa demande d’ignorer la section 8.7 de la décision attaquée visait, en réalité, à obtenir l’annulation de la décision attaquée en ce qu’elle serait fondée sur les considérations exposées dans ce point.

135    L’article 1er de la décision attaquée dispose que la requérante a violé « l’article 101 [TFUE] et l’article 53 de l’accord EEE en adoptant et en appliquant les règles d’éligibilité, en particulier les règles 102 et 103 des règlements généraux de l’UIP de 2014 et des règlements généraux de l’UIP de 2016, en ce qui concerne le patinage de vitesse ». En outre, il ressort de la section 8.6 de la décision attaquée, intitulé « Conclusion sur l’article 101 [TFUE] et l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE », que l’article 1er du dispositif repose sur la motivation comprise dans les sections 8.3 à 8.5 de la décision attaquée.

136    En revanche, les appréciations concernant le règlement d’arbitrage figurent dans une section postérieure à la conclusion sur l’existence d’une restriction de la concurrence, à savoir dans la section 8.7 de la décision attaquée. Dans cette section, la Commission n’a pas conclu que le règlement d’arbitrage constituait une infraction autonome au droit de la concurrence, mais simplement qu’il renforçait les restrictions de la concurrence engendrées par les règles d’éligibilité.

137    Il s’ensuit que, ainsi que la Commission l’a reconnu lors de l’audience, eu égard à l’infraction constatée, la section 8.7 de la décision attaquée, consacré au règlement d’arbitrage, est surabondant dans la mesure où, même à supposer que ce cette section soit entachée d’une erreur, cette dernière ne permettrait pas de remettre en cause l’existence d’une restriction de la concurrence en tant que telle. Dès lors, la circonstance que cette section soit entachée d’une illégalité ne serait pas susceptible de conduire à l’annulation de l’article 1er du dispositif de la décision attaquée. Partant, le sixième moyen de la requérante, en ce qu’il est soulevé à l’appui de la demande d’annulation de l’article 1er du dispositif de la décision attaquée, est inopérant.

138    Toutefois, en vertu de l’article 2 de la décision attaquée, la requérante est tenue notamment de mettre fin à l’infraction visée à l’article 1er et de s’abstenir de répéter tout acte ou tout comportement ayant un objet ou un effet équivalent. Cet article doit être lu à la lumière des considérants 338 à 342 de la décision attaquée, lesquels déterminent les mesures devant être prises par la requérante pour se conformer à son obligation de mettre fin à l’infraction. Or, dans ces considérants, la Commission a indiqué que la requérante pouvait, en substance, mettre un terme à l’infraction tout en conservant son système d’autorisation préalable uniquement si elle introduisait des modifications substantielles non seulement aux règles d’éligibilité et à la communication no 1974, mais également à son règlement d’arbitrage.

139    Ainsi, la Commission a conditionné la légalité du maintien du système d’autorisation préalable de la requérante à la modification substantielle, notamment, de son règlement d’arbitrage. Il s’ensuit que la section 8.7 de la décision attaquée fait partie du support nécessaire de l’article 2 de son dispositif.

140    Partant, contrairement à ce que la Commission prétend, le sixième moyen est opérant dans la mesure où il est soulevé à l’appui de la demande d’annulation de l’article 2 de la décision attaquée.

2.      Sur le fond

141    En ce qui concerne le bien-fondé de ce moyen, la requérante fait valoir que la section 8.7 de la décision attaquée est entaché, en substance, de deux erreurs d’appréciation. D’une part, la Commission aurait erronément conclu que le règlement d’arbitrage rendait plus difficile la protection juridictionnelle effective contre une décision potentiellement anticoncurrentielle de la requérante. D’autre part, elle estime que cette section n’est pas pertinente dans la mesure où la Commission ne considère pas que le recours à la procédure d’arbitrage du TAS constitue une violation de l’article 101 TFUE.

142    Ainsi qu’il ressort du point 132 ci-dessus, la Commission reconnaît que le règlement d’arbitrage ne constitue pas une violation de l’article 101 TFUE. Toutefois, elle défend l’appréciation qu’elle a faite à la section 8.7 de la décision attaquée et rétorque qu’elle était habilitée à procéder à l’analyse litigieuse.

143    Dans ses écritures, la Commission soutient notamment qu’elle aurait pu considérer le règlement d’arbitrage comme une circonstance aggravante au sens du point 28 des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 »), dans l’hypothèse où elle aurait décidé d’imposer une telle sanction.

144    Or, la décision attaquée n’emploie pas la notion de circonstance aggravante et ne se réfère pas aux lignes directrices de 2006.

145    Cependant, il convient de rappeler que, ayant conclu que les règles d’éligibilité restreignaient la concurrence, la Commission a ensuite constaté que le règlement d’arbitrage renforçait les restrictions engendrées par celles-ci. En outre, elle a considéré, en substance, que, en cas de maintien du système d’autorisation préalable, les règles d’éligibilité, la communication no 1974 et le règlement d’arbitrage devaient être substantiellement modifiés.

146    Ainsi, s’il est vrai que la Commission n’a pas imposé une amende en l’espèce, après avoir envisagé de le faire au stade de la communication des griefs, il n’en demeure pas moins que le fait qu’elle a estimé que le règlement d’arbitrage renforçait les restrictions engendrées par les règles d’éligibilité l’a conduite à étendre la portée des obligations mises à la charge de la requérante, en conditionnant la légalité du maintien de son système d’autorisation préalable à la modification, notamment, de ce règlement.

147    En substance, la Commission a ainsi continué à suivre la logique des lignes directrices de 2006 sur la prise en considération de circonstances aggravantes dans le calcul des amendes, alors même qu’elle n’a finalement pas imposé d’amende dans la décision attaquée.

148    Or, même à supposer que la Commission ait, ainsi qu’elle le soutient, étendu les obligations à la charge de la requérante en s’inspirant des lignes directrices de 2006 et qu’elle puisse ainsi invoquer l’application de ces lignes directrices sans procéder à une substitution de motifs, il y a lieu de considérer qu’elle a estimé à tort que le règlement d’arbitrage constituait une circonstance aggravante au sens des lignes directrices de 2006.

149    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, s’il est vrai que les lignes directrices ne constituent pas le fondement juridique des décisions prises par la Commission, il n’en demeure pas moins que, en adoptant de telles règles de conduite et en annonçant, par leur publication, qu’elle les appliquera, la Commission s’autolimite dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation. Partant, elle ne saurait se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation des principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime. Il ne saurait, dès lors, être exclu que, sous certaines conditions et en fonction de leur contenu, de telles règles de conduite ayant une portée générale puissent déployer des effets juridiques (voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, points 209 à 211).

150    Le point 28 des lignes directrices de 2006 est libellé dans les termes suivants :

« Le montant de base de l’amende peut être augmenté lorsque la Commission constate l’existence de circonstances aggravantes, telles que :

–        lorsqu’une entreprise poursuit ou répète une infraction identique ou similaire après que la Commission ou une autorité nationale de concurrence a constaté que cette entreprise a enfreint les dispositions de [l’article 101 TFUE] ou de [l’article 102 TFUE]. Le montant de base sera augmenté jusqu’à 100 % par infraction constatée ;

–        refus de coopérer ou obstruction pendant le déroulement de l’enquête ;

–        rôle de meneur ou d’incitateur de l’infraction. La Commission portera également une attention particulière à toute mesure prise en vue de contraindre d’autres entreprises à participer à l’infraction et/ou à toute mesure de rétorsion prise à l’encontre d’autres entreprises en vue de faire respecter les pratiques constitutives d’une infraction. »

151    L’emploi de l’expression « telles que » au point 28, premier alinéa, des lignes directrices de 2006 indique qu’il s’agit d’une liste non exhaustive de circonstances aggravantes (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, C‑444/11 P, non publié, EU:C:2013:464, point 105).

152    Néanmoins, il y a lieu de constater que les circonstances aggravantes figurant dans la liste contenue au point 28 des lignes directrices de 2006 ont en commun de décrire des comportements ou des circonstances illicites qui rendent l’infraction plus nuisible et qui justifient une condamnation particulière se traduisant par une augmentation de la sanction imposée à l’entreprise responsable. En effet, au point 4 des lignes directrices de 2006, le pouvoir de la Commission d’imposer les amendes à un niveau suffisamment dissuasif emporte la nécessité d’ajuster le montant de base de toute amende en prenant en considération notamment les éventuelles circonstances aggravantes qui entourent l’infraction.

153    Il s’ensuit que seuls des comportements ou des circonstances illicites qui rendent l’infraction plus nuisible telles les trois circonstances énumérées au point 28 des lignes directrices peuvent justifier une aggravation de l’amende imposée pour une infraction au droit de la concurrence de l’Union, car personne ne peut se voir dissuader d’un comportement licite ou non nuisible.

154    Or, en l’espèce, premièrement, il y a lieu de relever, ainsi que le reconnaît la Commission au considérant 269 de la décision attaquée, que l’arbitrage constitue une méthode généralement acceptée de règlement de différends ayant force obligatoire et que le fait de conclure une clause d’arbitrage ne restreint pas en lui-même la concurrence.

155    Deuxièmement, ainsi qu’il ressort du considérant 286 de la décision attaquée et contrairement à ce que prétend la requérante, il y a lieu de constater que la Commission n’a pas considéré que le règlement d’arbitrage violait le droit des athlètes à un procès équitable.

156    Troisièmement, il convient de souligner que le caractère obligatoire de l’arbitrage et le fait que le règlement d’arbitrage confère au TAS une compétence exclusive pour connaître des différends relatifs aux décisions d’inéligibilité de la requérante peuvent se justifier par des intérêts légitimes liés à la spécificité du sport. À cet égard, il y a lieu de relever que la Cour européenne des droits de l’homme s’est prononcée en ce sens dans une affaire qui portait, notamment, sur le règlement d’arbitrage. Elle a reconnu qu’il y avait un intérêt certain à ce que les différends qui naissent dans le cadre du sport professionnel, notamment ceux qui comportent une dimension internationale, puissent être soumis à une juridiction spécialisée qui soit à même de statuer de manière rapide et économique. Elle a ajouté que les manifestations sportives internationales de haut niveau étaient organisées dans différents pays par des organisations ayant leur siège dans des États différents et qu’elles étaient souvent ouvertes aux athlètes du monde entier. Dans ce cadre, le recours à un tribunal arbitral international unique et spécialisé facilite une certaine uniformité procédurale et renforce la sécurité juridique (Cour EDH, 2 octobre 2018, Mutu et Pechstein c. Suisse, CE:ECHR:2018:1002JUD004057510, point 98).

157    Quatrièmement, il y a lieu de rappeler que la Cour a déjà jugé que toute personne est en droit de saisir une juridiction nationale et de demander réparation du préjudice subi lorsqu’il existe un lien de causalité entre ledit préjudice et une entente ou une pratique interdite par l’article 101 TFUE (arrêt du 5 juin 2014, Kone e.a., C‑557/12, EU:C:2014:1317, point 22).

158    Le droit de toute personne de demander réparation d’un tel dommage renforce, en effet, le caractère opérationnel des règles de concurrence de l’Union et il est de nature à décourager les accords ou les pratiques, souvent dissimulés, susceptibles de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, en contribuant ainsi au maintien d’une concurrence effective dans l’Union (arrêts du 20 septembre 2001, Courage et Crehan, C‑453/99, EU:C:2001:465, point 27, et du 5 juin 2014, Kone e.a., C‑557/12, EU:C:2014:1317, point 23).

159    En l’espèce, s’il est vrai que le règlement d’arbitrage ne permet pas aux patineurs de saisir une juridiction nationale d’un recours en annulation contre une décision d’inéligibilité qui méconnaîtrait l’article 101, paragraphe 1 TFUE, il n’en demeure pas moins que les patineurs peuvent introduire, s’ils le souhaitent, en application de la jurisprudence citée aux points 157 et 158 ci-dessus, un recours en indemnité devant une juridiction nationale. En outre, les organisateurs tiers peuvent eux aussi introduire un recours en indemnité lorsqu’ils estiment qu’une décision de refus d’autorisation méconnaît l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Dans de tels cas, la juridiction nationale n’est pas liée par l’appréciation effectuée par le TAS sur la compatibilité de la décision d’inéligibilité ou le refus d’autorisation avec le droit de la concurrence de l’Union et, le cas échéant, peut saisir la Cour d’une demande de décision préjudicielle conformément à l’article 267 TFUE.

160    Par ailleurs, il convient de relever que les patineurs et les organisateurs tiers ayant fait l’objet d’une décision d’inéligibilité ou d’un refus d’autorisation contraire à l’article 101, paragraphe 1, TFUE peuvent également déposer une plainte auprès d’une autorité nationale de la concurrence ou de la Commission, ainsi que les plaignants l’ont fait en l’espèce. Si l’autorité chargée de l’affaire devait adopter une décision, celle-ci pourrait encore, le cas échéant, faire l’objet d’un contrôle devant les juridictions de l’Union. En effet, les juridictions de l’Union pourraient être amenées à se prononcer sur une telle question dans le cadre d’un recours en annulation introduit contre une décision de la Commission ou à la suite d’un renvoi préjudiciel par une juridiction nationale saisie d’un recours introduit contre une décision d’une autorité nationale de la concurrence.

161    Il découle des considérations contenues aux points 157 à 160 ci-dessus que, contrairement à ce qu’avance la Commission, le recours au système d’arbitrage du TAS n’est pas de nature à compromettre la pleine efficacité du droit de la concurrence de l’Union.

162    Cette conclusion n’est pas infirmée par la jurisprudence invoquée par la Commission. En effet, à la différence des circonstances en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 6 mars 2018, Achmea (C‑284/16, EU:C:2018:158, point 55), la constitution du TAS ne trouve pas son origine dans un traité par lequel des États membres auraient consenti à soustraire à la compétence de leurs propres juridictions, et, partant, au système de voies de recours juridictionnel que l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE leur impose d’établir dans les domaines couverts par le droit de l’Union, des litiges pouvant porter sur l’application ou l’interprétation du droit de la concurrence .

163    Il découle de ce qui précède que le fait que le règlement d’arbitrage a conféré au TAS la compétence exclusive de contrôler la légalité des décisions d’inéligibilité et le fait que l’arbitrage en l’espèce soit obligatoire ne constituent pas des circonstances illicites qui rendent l’infraction constatée en l’espèce plus nuisible, telles que les circonstances énumérées au sens du point 28 des lignes directrices de 2006. Dès lors, la Commission ne pouvait pas considérer que le règlement d’arbitrage constituait une circonstance aggravante et, partant, elle ne pouvait pas conclure qu’il renforçait les restrictions de la concurrence engendrées par les règles d’éligibilité.

164    Il s’ensuit qu’il y a lieu d’accueillir le sixième moyen de la requérante, tiré de ce que la conclusion contenue à la section 8.7 de la décision attaquée est dénuée de fondement.

E.      Sur le septième moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement no 1/2003

165    Par son septième moyen, la requérante conteste la légalité de l’article 2 de la décision attaquée, en faisant valoir, en substance, que la Commission a violé l’article 7 du règlement no 1/2003 en lui imposant des mesures correctives qui n’ont aucun rapport avec l’infraction alléguée. En particulier, la requérante soutient que la Commission lui a imposé à tort, en violation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 1/2003, d’apporter des modifications aux règles d’éligibilité, alors que les aspects des règles sur lesquels devaient porter ces modifications ne constituaient pas des infractions. De même, la Commission n’ayant pas constaté le caractère infractionnel du règlement d’arbitrage, elle ne pourrait lui imposer de le modifier.

166    La Commission rétorque qu’elle n’a pas imposé de mesures correctives à la requérante. Elle maintient qu’elle a simplement exigé de la requérante qu’elle mette un terme à l’infraction conformément à l’article 7, paragraphe 1, première phrase, du règlement no 1/2003 tout en lui laissant le choix quant à la manière de mettre fin à l’infraction.

167    Il convient de rappeler que l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 dispose :

« Si la Commission, agissant d’office ou saisie d’une plainte, constate l’existence d’une infraction aux dispositions [des articles 101 et 102 TFUE], elle peut obliger par voie de décision les entreprises et associations d’entreprises intéressées à mettre fin à l’infraction constatée. À cette fin, elle peut leur imposer toute mesure corrective de nature structurelle ou comportementale, qui soit proportionnée à l’infraction commise et nécessaire pour faire cesser effectivement l’infraction […] »

168    La condition énoncée dans cette disposition selon laquelle les mesures correctives doivent être proportionnées à l’infraction commise signifie que les charges imposées aux entreprises pour mettre fin à une infraction au droit de la concurrence ne doivent pas dépasser les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché, à savoir le rétablissement de la légalité au regard des règles qui, en l’espèce, ont été méconnues (arrêt du 6 avril 1995, RTE et ITP/Commission, C‑241/91 P et C‑242/91 P, EU:C:1995:98, point 93).

169    Aux termes de l’article 2 de la décision attaquée, la Commission a ordonné à la requérante de mettre effectivement un terme à l’infraction constatée et de s’abstenir à l’avenir de prendre toute mesure ayant le même objet ou effet, ou un effet ou objet équivalent. Au considérant 339 de la décision attaquée, la Commission a indiqué qu’il existait « plus d’un moyen » de mettre effectivement un terme à l’infraction constatée, puis en a identifié deux. Ainsi, d’une part, elle a estimé que la requérante pouvait abolir son système d’autorisation préalable et le système de sanctions qui y est afférent. D’autre part, si la requérante devait opter pour le maintien de son système d’autorisation préalable, la Commission a indiqué, au considérant 339 de la décision attaquée, que celle-ci pourrait « uniquement » mettre fin à l’infraction de manière effective en modifiant substantiellement les règles d’éligibilité, « le règlement d’arbitrage de l’UIP » et les critères d’autorisation établis dans la communication no 1974, tout en énumérant une série de démarches que la requérante devrait entreprendre pour ce faire.

170    Il doit être considéré d’emblée que, dans la mesure où la Commission a, à bon droit, retenu en l’espèce l’existence d’une restriction par objet, le présent moyen doit être écarté en ce qu’il reproche à la Commission d’avoir imposé à la requérante des mesures qui ne répondraient pas à un constat d’infraction.

171    En revanche, ainsi que la Commission l’a souligné lors de l’audience en réponse à une question écrite du Tribunal, le règlement d’arbitrage n’est pas une partie constitutive de l’infraction constatée et, ainsi qu’il résulte du point 163 ci-dessus, c’est à tort que la Commission a estimé qu’il renforçait cette infraction.

172    Or, au considérant 339 de la décision attaquée, la Commission a estimé que le maintien du système d’autorisation préalable n’était possible que si la requérante modifiait le règlement d’arbitrage (voir point 169 ci-dessus). Un tel motif, lu à la lumière de l’article 2 de la décision attaquée, qui ordonne à la requérante de mettre un terme à l’infraction et de communiquer à la Commission les mesures prises à cet égard, a une portée contraignante, à supposer même, comme le prétend la Commission, que cette demande de modification du règlement d’arbitrage ne constitue pas une « mesure corrective » au sens de l’article 7, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement no 1/2003.

173    Il résulte de ce qui précède que la Commission a, à tort, exigé de la requérante qu’elle apporte une modification au règlement d’arbitrage, qui ne renforçait pas la gravité de l’infraction constatée et n’en était, au surplus, pas partie intégrante.

174    Partant, il y a lieu d’accueillir partiellement le septième moyen, dans la mesure où la Commission a exigé la modification substantielle du règlement d’arbitrage en cas de maintien du système d’autorisation préalable, et de le rejeter pour le surplus.

F.      Sur le huitième moyen, tiré de ce que l’imposition d’astreintes serait dépourvue d’une base juridique

175    La requérante fait valoir que la Commission ne pouvait pas lui imposer des astreintes pour deux raisons. D’une part, les mesures correctives imposées seraient vagues et imprécises et, d’autre part, elles ne seraient pas liées à l’infraction constatée.

176    En premier lieu, ainsi qu’il ressort de l’examen du septième moyen, la Commission a fourni des indications suffisamment précises quant aux mesures à adopter par la requérante pour mettre fin à l’infraction constatée. Dès lors, l’argument de la requérante selon lequel la Commission ne pouvait pas imposer des astreintes compte tenu du caractère vague et imprécis desdites mesures doit être rejeté.

177    En deuxième lieu, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 24, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1/2003, lorsque la Commission adopte une décision en application de l’article 7 dudit règlement, elle peut aussi infliger aux entreprises et aux associations d’entreprises des astreintes pour les contraindre à mettre fin à une infraction aux dispositions des articles 101 ou 102 TFUE. Or, ainsi qu’il a été exposé dans le cadre du septième moyen, le règlement d’arbitrage ne fait pas partie de l’infraction constatée, de sorte que la Commission ne pouvait pas exiger de la requérante de le modifier et, par voie de conséquence, ne pouvait pas imposer des astreintes qui se rattachent à l’exigence de modification dudit règlement.

178    Partant, le huitième moyen doit être partiellement accueilli, en ce qu’il vise l’imposition d’astreintes en cas de non-modification du règlement d’arbitrage, et rejeté pour le surplus.

V.      Conclusion sur l’issue du recours

179    Il y a lieu de rejeter les conclusions de la requérante en ce qui concerne la demande d’annulation de l’article 1erde la décision attaquée.

180    En revanche, il ressort de l’analyse des sixième et septième moyens que c’est à tort que la Commission a conclu que le règlement d’arbitrage renforçait les restrictions de la concurrence engendrées par les règles d’éligibilité et qu’elle a exigé la modification substantielle dudit règlement, alors que celui-ci n’était pas une partie intégrante de l’infraction constatée à l’article 1er de la décision attaquée. Dès lors, il y a lieu d’annuler partiellement l’article 2 de la décision attaquée.

181    Enfin, il découle de l’analyse du huitième moyen qu’il y a lieu, par voie de conséquence, d’annuler partiellement l’article 4 de la décision attaquée, qui prévoit des astreintes en cas de non-respect de l’article 2, dans la mesure où celui-ci se rattache à l’exigence de modification du règlement d’arbitrage.

 Sur les dépens

182    Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens.

183    En l’espèce, la requérante ayant succombé s’agissant de sa conclusion tendant à l’annulation de l’article 1er de la décision attaquée et ayant obtenu, en partie, satisfaction s’agissant de sa conclusion tendant à l’annulation des articles 2 et 4 de ladite décision, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

184    Aux termes de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut décider qu’un intervenant autre que les États membres et les institutions supportera ses propres dépens. Dans les circonstances de la présente affaire, il y a lieu de décider que les intervenants supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Les articles 2 et 4 de la décision C(2017) 8230 final de la Commission, du 8 décembre 2017, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire AT/40208 – Règles d’éligibilité de l’Union internationale de patinage), sont annulés dans la mesure où, en enjoignant à l’International Skating Union de mettre fin à l’infraction constatée sous peine d’astreinte, la Commission vise le règlement d’arbitrage et en exige la modification en cas de maintien du système d’autorisation préalable.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      L’International Skating Union et la Commission européenne supporteront leurs propres dépens.

4)      L’European Elite Athletes Association, MM. Jan Hendrik Tuitert et Niels Kersholt supporteront leurs propres dépens.

Gervasoni

Madise

Nihoul

Frendo

 

      Martín y Pérez de Nanclares

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 décembre 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.