Language of document : ECLI:EU:T:2024:188

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

20 mars 2024 (*)

« Marchés publics de services – Procédure d’appel d’offres – Prestation de services informatiques externes – Rejet de l’offre d’un soumissionnaire et attribution à d’autres soumissionnaires – Critères d’exclusion – Absence de jugement définitif ou de décision administrative définitive établissant une violation du droit de la concurrence – Offre anormalement basse »

Dans l’affaire T‑640/22,

Westpole Belgium, établie à Vilvorde (Belgique), représentée par Me A. Vercruysse, avocat,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par Mmes K. Wójcik et E. Taneva, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli, présidente, M. W. Valasidis et Mme L. Spangsberg Grønfeldt (rapporteure), juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu l’ordonnance du 6 décembre 2022, Westpole Belgium/Parlement (T‑640/22 R, non publiée, EU:T:2022:771),

vu la phase écrite de la procédure, notamment :

–        la mesure d’organisation de la procédure du 5 juillet 2023 et la réponse du Parlement déposée au greffe du Tribunal le 13 juillet 2023,

–        la mesure d’organisation de la procédure du 19 octobre 2023 et la réponse de Westpole Belgium déposée au greffe du Tribunal le 27 octobre 2023,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Westpole Belgium, demande l’annulation des décisions du Parlement européen du 3 octobre 2022 d’attribuer le lot no 7 du marché intitulé « PE/ITEC‑ITS 19 – External Provision of IT Services » (prestation externe de services informatiques) à trois autres soumissionnaires et de ne pas attribuer ledit lot au consortium dont elle fait partie (ci-après, prises ensembles, les « décisions attaquées ») ainsi que, avant dire droit, la production de documents relatifs à l’examen des offres par le pouvoir adjudicateur au regard tant d’« une possible situation d’exclusion » que des prix proposés.

 Antécédents du litige

2        La requérante est une société belge qui fournit des études et des conseils en matière de technologies de l’information.

3        Le 4 août 2018, le Parlement a lancé l’appel d’offres portant la référence PE/ITEC‑ITS 19 par procédure ouverte pour la prestation de services informatiques externes.

4        L’appel d’offres était divisé en dix lots, dont le lot no 7, intitulé « Expertise in ICT infrastructures » [expertise dans le domaine des infrastructures des technologies de l’information et de la communication (TIC)] (ci-après le « lot litigieux »).

5        Le lot litigieux visait l’attribution d’un maximum de trois contrats-cadres pour une durée maximale de deux ans avec deux prolongations d’une année possibles par renouvellement tacite et une troisième prolongation d’une année possible par amendement du contrat.

6        Le 20 septembre 2018, le consortium InfraExpert, composé d’une entité, cheffe de file, dont les activités ont été reprises par la requérante et de deux autres opérateurs, a déposé une offre pour le lot litigieux dans le cadre de cette procédure d’appel d’offres.

7        La période de validité des offres a été fixée à onze mois courant à partir de la date limite de soumission des offres, c’est-à-dire le 20 septembre 2018. L’évaluation des offres s’est prolongée en raison de circonstances liées, entre autres, à de potentielles situations d’exclusion. Par conséquent, le Parlement a demandé dix prolongations de la validité des offres à tous les soumissionnaires. Le consortium dont fait partie la requérante a toujours accepté les demandes de prolongation de la validité de son offre.

8        Le 3 octobre 2022, par les décisions attaquées, le Parlement a informé, d’une part, le consortium dont fait partie la requérante que son offre n’avait pas été retenue, au motif que l’offre n’était pas parmi les trois offres économiquement les plus avantageuses, et, d’autre part, les trois soumissionnaires dont les offres étaient les mieux classées que le lot litigieux leur avait été attribué.

9        Par courriel du même jour, le consortium dont fait partie la requérante a demandé au Parlement de lui communiquer des informations sur les caractéristiques et les avantages relatifs des offres les mieux classées, le nom des soumissionnaires correspondants et la valeur du contrat attribué.

10      Par courriel du 7 octobre 2022, le consortium dont fait partie la requérante a demandé au Parlement de lui communiquer des informations complémentaires concernant les prix.

11      Par lettre du 10 octobre 2022, le Parlement a transmis au consortium dont fait partie la requérante les noms des attributaires, les caractéristiques et les avantages des offres retenues ainsi que la valeur totale du marché.

12      Par lettre du 12 octobre 2022, le Parlement a transmis au consortium dont fait partie la requérante des explications relatives à la détection, en ce qui concerne le lot litigieux, des offres apparaissant anormalement basses ainsi que les motifs pour lesquels aucune offre n’a été rejetée comme étant anormalement basse.

 Conclusions des parties

13      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal d’annuler les décisions attaquées.

14      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur les demandes avant dire droit

15      La requérante demande « avant dire droit » au Tribunal « d’ordonner au Parlement de produire » certains documents ayant trait, d’une part, à l’exclusion ou au rejet d’une offre et, d’autre part, à l’évaluation des offres.

16      Le Parlement fait valoir que les informations communiquées à la requérante à la suite du rejet de son offre et de l’attribution du lot litigieux à d’autres soumissionnaires lui permettent de comprendre le contenu des décisions attaquées et de présenter un recours à leur égard. En ce qui concerne l’exclusion ou le rejet d’une offre, le Parlement indique néanmoins être prêt, sur demande du Tribunal, à transmettre des documents supplémentaires. Pour ce qui concerne les autres documents demandés, le Parlement fait valoir que la requérante n’y a pas droit, que la demande n’est pas justifiée ou qu’ils sont sans pertinence pour la présente affaire.

17      À titre liminaire, il convient de rappeler que, dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 263 TFUE, le Tribunal n’a pas compétence pour prononcer des injonctions à l’encontre des institutions, des organes et des organismes de l’Union européenne, même si celles-ci ont trait aux modalités d’exécution de ses arrêts (ordonnances du 22 septembre 2016, Gaki/Commission, C‑130/16 P, non publiée, EU:C:2016:731, point 14, et du 19 juillet 2016, Trajektna luka Split/Commission, T‑169/16, non publiée, EU:T:2016:441, point 13).

18      Ainsi, si les demandes avant dire droit devaient être comprises comme tendant à ce que le Tribunal adresse une injonction au Parlement, il y aurait lieu de les rejeter pour cause d’incompétence. Pour autant, ces demandes avant dire droit pouvant être interprétées comme des demandes de mesures d’organisation de la procédure ou d’instruction au titre de l’article 88 du règlement de procédure du Tribunal, il y a lieu de les requalifier en ce sens et de les examiner dans ce cadre en distinguant les demandes relatives à une possible situation d’exclusion des demandes relatives à l’évaluation des offres.

 Sur les demandes relatives à une possible situation d’exclusion

19      Les mesures d’organisation de la procédure demandées par la requérante quant à l’existence d’une possible situation d’exclusion ou de rejet d’une offre visent à ce que le Parlement produise :

–        la ou les décisions relatives « aux circonstances inhabituelles liées à une possible situation d’exclusion de plusieurs soumissionnaires », auxquelles il est fait allusion dans les demandes de prolongation de la durée de validité des offres formulées par le Parlement dans le cadre de la procédure d’attribution litigieuse ;

–        la déclaration sur l’honneur du consortium dont l’offre était classée au premier rang et/ou d’une des sociétés (ci-après l’« entité concernée ») qui fait partie de ce consortium ;

–        tous les éléments principaux des procédures relatives aux recours que l’entité concernée aurait introduits contre la décision de la Comisión Nacional de los Mercados y la Competencia (CNMC, Commission nationale des marchés et de la concurrence, Espagne) ainsi que la qualification juridique préliminaire du comportement de l’entité concernée, sa réponse, la recommandation de l’instance visée à l’article 143 du règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) n° 1296/2013, (UE) n° 1301/2013, (UE) n° 1303/2013, (UE) n° 1304/2013, (UE) n° 1309/2013, (UE) n° 1316/2013, (UE) n° 223/2014, (UE) n° 283/2014 et la décision n° 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) n° 966/2012 (JO L 193 du 30 juillet 2018, p. 1, ci-après le « règlement financier 2018/1046 ») et la décision du Parlement de ne pas exclure l’entité concernée de la procédure d’attribution.

20      En l’espèce, par mesure d’organisation de la procédure du 5 juillet 2023, le Tribunal a demandé au Parlement de communiquer à la requérante, comme celui-ci le proposait dans son mémoire en défense, une copie de sa décision de ne pas exclure l’entité concernée du marché PE-ITEC-ITS 19 ainsi que la recommandation de l’instance visée à l’article 143 du règlement financier 2018/1046. Le Parlement a satisfait à cette demande le 13 juillet 2023. Cette communication répond, en substance, aux demandes de mesures d’organisation de la procédure présentées aux premier et troisième tirets du point 19 ci-dessus. En revanche, le Tribunal considère que la demande figurant au deuxième tiret dudit point (demande de production de la déclaration sur l’honneur produite par le consortium dont l’offre était classée au premier rang et/ou de l’entité concernée) n’est pas nécessaire.

21      Par mesure d’organisation de la procédure du 19 octobre 2023, le Tribunal a ensuite demandé à la requérante de se prononcer sur les documents transmis par le Parlement et de préciser l’incidence qu’ils pourraient avoir sur son argumentation relative à l’existence d’une possible situation d’exclusion ou de rejet d’une offre. La requérante a répondu à cette demande le 27 octobre 2023 en indiquant ne pas souhaiter présenter d’observations supplémentaires.

 Sur les demandes de mesures d’organisation de la procédure relatives à l’évaluation des offres

22      Les autres mesures d’organisation de la procédure demandées par la requérante visaient à ce que le Parlement produise :

–        la réponse des attributaires du lot litigieux à la partie C des spécifications techniques intitulée « Questionnaire d’évaluation technique » ;

–        les réponses (questionnaire et tableau Excel des prix) des attributaires à l’annexe II des spécifications techniques intitulée « Formulaire d’évaluation des prix (lots 1 à 10) », à tout le moins les extraits pertinents pour le lot litigieux ;

–        la motivation de l’exclusion de l’entité concernée des lots 3 et 8 du marché PE/ITEC‑ITS 19 [en raison d’un prix anormalement bas selon la requérante].

23      À cet égard, il s’avère, tout comme l’expose à juste titre le Parlement, que la production de tels documents n’est pas nécessaire à la résolution du litige. En effet, le Parlement a satisfait à ses obligations en ce qui concerne la communication à la requérante des informations pertinentes pour comprendre les décisions attaquées en ce qui concerne, d’une part, le rejet de l’offre du consortium dont la requérante fait partie et, d’autre part, l’attribution du lot litigieux aux autres soumissionnaires.

24      Ainsi, il résulte des dispositions de nature procédurale, applicables en l’espèce conformément à la jurisprudence rappelée au point 49 ci-après, à savoir l’article 170, paragraphes 2 et 3, et le point 31.1 de l’annexe I du règlement financier 2018/1046, que le pouvoir adjudicateur satisfait à son obligation de motivation s’il se contente, d’une part, d’informer les soumissionnaires écartés des motifs du rejet de leurs demandes de participation ou de leurs offres et, d’autre part, de fournir aux soumissionnaires qui en font la demande expresse les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom du soumissionnaire auquel le marché a été attribué (voir arrêt du 14 décembre 2022, Esedra/Parlement, T‑46/22, non publié, EU:T:2022:803, point 24 et jurisprudence citée).

25      Cette façon de procéder est conforme à la finalité de l’obligation de motivation inscrite à l’article 296 TFUE, selon laquelle il convient de faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte, de façon, d’une part, à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de faire valoir leurs droits et, d’autre part, à permettre au juge d’exercer son contrôle (voir arrêt du 14 décembre 2022, Esedra/Parlement, T‑46/22, non publié, EU:T:2022:803, point 25 et jurisprudence citée).

26      En outre, il importe de rappeler que l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications (voir arrêt du 14 décembre 2022, Esedra/Parlement, T‑46/22, non publié, EU:T:2022:803, point 26 et jurisprudence citée).

27      En l’espèce, il convient donc de préciser, comme l’expose le Parlement en ce qui concerne la motivation des décisions attaquées, que le pouvoir adjudicateur a satisfait à son obligation de motivation en communiquant à la requérante, qui en avait fait la demande, les caractéristiques et les avantages relatifs des offres retenues. Le pouvoir adjudicateur n’était pas tenu à cet égard de lui communiquer les documents fournis par les autres soumissionnaires (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2009, Brink’s Security Luxembourg/Commission, T‑437/05, EU:T:2009:318, point 176).

28      La requérante ne conteste d’ailleurs pas avoir obtenu ces informations, mais vise par ses demandes à obtenir plus d’informations sur les données financières et techniques propres aux offres des autres attributaires. Il en est ainsi de la première et de la deuxième demandes citées aux premier et deuxième tirets du point 22 ci-dessus.

29      Or, il ressort de la jurisprudence qu’il existe une présomption générale selon laquelle l’accès aux offres de soumissionnaires par les autres soumissionnaires porte, en principe, atteinte aux intérêts commerciaux légitimes d’entreprises publiques ou privées ou nuirait à une concurrence loyale entre elles (voir, en ce sens, arrêt du 9 avril 2014, CITEB et Belgo-Metal/Parlement, T‑488/12, non publié, EU:T:2014:195, point 44 et jurisprudence citée).

30      En l’absence de toute argumentation de la part de la requérante visant à exposer les raisons de nature à justifier ces deux demandes conformément à ce que prévoit l’article 88, paragraphe 2, du règlement de procédure, il n’y a pas lieu d’y donner suite.

31      Quant à la troisième demande citée au troisième tiret du point 22 ci-dessus, visant à obtenir la communication de la motivation de l’exclusion de l’entité concernée des lots 3 et 8 du marché PE/ITEC‑ITS 19, il convient de relever qu’il résulte de l’appel d’offres que chaque lot du marché en cause constitue en soi un marché séparé avec son propre objet et l’estimation correspondante du nombre d’heures envisagé pendant la durée du contrat (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, European Dynamics Luxembourg et Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑698/14, non publié, EU:T:2016:476, point 49). Les décisions qui ont été prises en ce qui concerne ces lots tout comme leur motivation ne sont donc pas pertinentes pour la présente affaire et il n’y a pas lieu d’y donner suite.

32      C’est en considération des observations qui précèdent, lesquelles visent à rappeler que la requérante a obtenu, d’une part, au cours de la procédure administrative, des éléments pertinents concernant tant l’évaluation technique et financière des offres que l’examen des offres anormalement basses et, d’autre part, au titre de la présente procédure, des éléments pertinents relatifs à l’examen d’une situation potentielle d’exclusion (voir point 20 ci-dessus), qu’il y a lieu d’examiner les conclusions en annulation des décisions attaquées.

 Sur les conclusions en annulation des décisions attaquées 

33      La requérante invoque trois moyens à l’appui de ses conclusions en annulation.

34      Par son premier moyen, la requérante soutient que le Parlement a violé les critères d’exclusion et de rejet prévus aux articles 136 et 141 du règlement financier 2018/1046 en n’analysant pas correctement la situation de l’entité concernée.

35      Par son deuxième moyen, la requérante avance, en substance, que le Parlement a violé les principes définis par l’article 160 du règlement financier 2018/1046 en ne tenant pas compte du caractère anormalement bas de l’offre présentée par le consortium dont l’offre était classée au premier rang.

36      Par son troisième moyen, la requérante fait part de ses réserves quant à l’évaluation technique dans le respect des principes définis par l’article 160 du règlement financier 2018/1046 des offres présentées par les trois consortiums retenus et de l’offre présentée par le consortium dont elle fait partie.

 Sur la détermination du droit applicable ratione temporis

37      À titre liminaire, la requérante fait valoir que, même si les documents concernant la procédure d’appel d’offres litigieuse publiés le 4 août 2018 visent le règlement (UE, Euratom) n° 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil (JO L 298 du 26 octobre 2012, p. 1), tel que modifié, en dernier lieu, par le règlement (UE, Euratom) 2015/1929 du Parlement européen et du Conseil, du 28 octobre 2015 (JO L 286 du 30 octobre 2015, p. 1) (ci-après le « règlement financier n° 966/2012 »), il y a lieu d’appliquer le règlement financier 2018/1046.

38      En l’espèce, il y a lieu de relever que le Parlement a lancé l’appel d’offres portant la référence PE/ITEC-ITS 19 par procédure ouverte pour la prestation de services informatiques externes le 4 août 2018. Les documents contractuels concernant la procédure d’appel d’offres litigieuse ont été publiés le même jour.

39      À cet égard, il ressort du cahier des charges publié le 4 août 2018 que le Parlement a décidé de lancer cet appel d’offres « conformément aux dispositions du [règlement financier n° 966/2012] ».

40      En particulier, s’agissant de l’évaluation des offres au regard des critères d’exclusion, qui fait l’objet du premier moyen du présent recours, le cahier des charges se réfère aux articles 106 à 108 du règlement financier n° 966/2012 et non aux dispositions correspondantes du règlement financier 2018/1046.

41      De même en ce qui concerne l’évaluation financière ou l’évaluation technique des offres, qui font l’objet des deuxième et troisième moyens, le cahier des charges ne comporte pas de référence à l’article 160 du règlement financier 2018/1046, mais expose plutôt le contenu des principes qui seront appliqués lors de ces évaluations, dont notamment l’utilisation d’un critère mathématique afin de déterminer si le prix d’une offre apparaît anormalement bas.

42      Certes, ainsi que le fait valoir la requérante, il ressort de l’article 282, paragraphe 2, du règlement financier 2018/1046, qui a abrogé le règlement financier n° 966/2012, que ce règlement est applicable à partir du 2 août 2018.

43      Néanmoins, comme l’expose le Parlement et comme cela est expliqué au considérant 244 du règlement financier 2018/1046, il s’avère que, afin de laisser un délai supplémentaire pour l’adaptation aux nouvelles règles, les institutions de l’Union devaient continuer à appliquer le règlement financier n° 966/2012 jusqu’à la fin de l’exercice 2018 pour ce qui est de l’exécution de leurs crédits administratifs respectifs.

44      Ainsi, en vertu de l’article 282, paragraphe 3, sous c), lu conjointement avec l’article 281, paragraphe 2, du règlement financier 2018/1046, les articles 135 à 145 dudit règlement, relatifs au système de détection rapide et d’exclusion, tout comme les articles 160 à 179 de ce même règlement applicables à la passation des marchés, s’appliquaient à partir du 1er janvier 2019 en ce qui concerne l’exécution des crédits administratifs des institutions de l’Union.

45      Dès lors que, comme l’affirme le Parlement sans être contredit par les pièces du dossier, la passation du marché public en cause est une opération d’exécution des crédits administratifs de cette institution, réalisée au titre de l’autonomie administrative et de la capacité juridique conférées par l’article 335 TFUE, conformément à l’article 54, paragraphe 2, sous e), du règlement financier 966/2012, c’est à bon droit que le Parlement a considéré que le règlement financier n° 966/2012 était applicable au moment où l’appel d’offres a été lancé.

46      Une telle conclusion n’est pas remise en cause par les arguments que la requérante oppose au raisonnement qui précède. En effet, le fait que les « crédits administratifs » soient définis dans un autre titre du règlement financier 2018/1046 que celui relatif à « la passation des marchés publics » ne saurait exclure que la seconde notion puisse relever de la première si le marché public en cause satisfait à la définition des crédits administratifs. De même, dans la mesure où la passation du marché public en cause permet au Parlement de satisfaire à ses besoins en matière de télécommunications, que ce soit au sein de ses bâtiments ou pour son personnel, les dépenses y afférentes correspondent à des « crédits administratifs relatifs à des titres individuels » au sens de l’article 47, paragraphe 4, sous c), du règlement financier 2018/1046. En outre, les dispositions évoquées par la requérante quant au fait que les crédits administratifs sont des « crédits non dissociés » qui devraient, en principe, être engagés durant l’exercice budgétaire pertinent (voir article 12, paragraphes 1 et 2, et article 264, paragraphe 1, du règlement financier 2018/1046) n’excluent pas qu’il puisse en être autrement, par exemple en cas de report, quand il s’agit des dépenses relatives à la passation d’un marché public du type ici en cause.

47      Partant, étant donné que la passation d’un marché public est soumise aux règles applicables au moment où la procédure a été lancée, (voir, par analogie, arrêts du 11 juillet 2013, Commission/Pays-Bas, C‑576/10, EU:C:2013:510, point 52 et jurisprudence citée, et du 10 octobre 2017, Solelec e.a./Parlement, T‑281/16, non publié, EU:T:2017:711, points 19 à 21), les règles de fond applicables à l’appel d’offres litigieux sont celles définies par le règlement financier n° 966/2012.

48      Quant aux règles de procédure, applicables notamment à la procédure à suivre pour constater l’existence d’une situation d’exclusion ou de rejet de l’offre conformément aux règles de fond prévues par le règlement financier n° 966/2012, il y a lieu d’appliquer les dispositions dédiées du règlement financier 2018/1046.

49      En effet, il résulte d’une jurisprudence constante que les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à tous les litiges pendants au moment où elles entrent en vigueur, à la différence des règles de fond qui sont habituellement interprétées comme ne visant pas, en principe, des situations acquises antérieurement à leur entrée en vigueur [voir arrêts du 14 février 2008, Varec, C‑450/06, EU:C:2008:91, point 27 et jurisprudence citée, du 27 juin 2017, NC/Commission, T‑151/16, EU:T:2017:437, points 35 et 36, et du 29 juin 2022, LA International Cooperation/Commission, T‑609/20, EU:T:2022:407, point 101 (non publié)].

50      Au vu de cette distinction, il y a lieu d’examiner l’argumentation des parties en considération des indications suivantes.

51      En ce qui concerne le premier moyen, tiré de la violation des dispositions relatives à l’exclusion ou au rejet d’une offre, les décisions attaquées s’apprécient conformément aux règles de procédure définies par le règlement financier 2018/1046 et sur la base des règles de fond définies par le règlement financier n° 966/2012 et citées dans le cahier des charges (ci-après les « dispositions relatives à l’exclusion ou au rejet d’une offre »).

52      S’agissant des deuxième et troisième moyens, tirés respectivement de la violation des dispositions relatives à l’évaluation financière et à l’évaluation technique des offres, il y a également lieu de noter que les règles de fond applicables sont celles du règlement financier n° 966/2012 conjointement avec les règles de procédure du règlement financier 2018/1046. Il peut aussi être relevé, en toute hypothèse, que la portée de l’article 102 du règlement financier n° 966/2012, applicable à la procédure d’appel d’offres lancée le 4 août 2018, et celle de l’article 160 du règlement financier 2018/1046, dont la violation est invoquée par la requérante, sont en substance identiques.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation des dispositions relatives à l’exclusion ou au rejet d’une offre

53      La requérante soutient que le Parlement a violé les dispositions relatives à l’exclusion ou au rejet d’une offre. Elle allègue que, lors du dépôt des offres en septembre 2018, l’entité concernée faisait l’objet des condamnations suivantes :

–        d’une part, par un jugement de juillet 2018, l’Audiencia Nacional (Cour centrale, Espagne) a condamné l’entité concernée pour n’avoir pas respecté ses obligations relatives au paiement des cotisations de sécurité sociale en méconnaissance du droit applicable (ci-après le « jugement de l’Audiencia Nacional ») ;

–        d’autre part, par une décision administrative de juillet 2018, la CNMC a condamné l’entité concernée avec d’autres sociétés pour avoir conclu un accord en vue de fausser la concurrence en violation de l’article 1er de la Ley 15/2007 de Defensa de la Competencia (loi no 15/2007 relative à la protection de la concurrence), du 3 juillet 2007 (BOE no 159, du 4 juillet 2007, p. 28848) et de l’article 101 TFUE (ci-après la « décision de la CNMC »).

54      Du fait de la nullité alléguée de l’attribution du lot litigieux au consortium dont l’offre était classée au premier rang, le consortium dont la requérante faisait partie pourrait alors se voir attribuer ce lot avec les deux autres consortiums.

55      Le Parlement conteste l’argumentation de la requérante. Quant au jugement de l’Audiencia Nacional, il fait valoir qu’il ressort du rectificatif de janvier 2021 de l’arrêt de décembre 2020 du Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne), dont les références sont mentionnées dans le document transmis par la requérante en annexe à la requête, que ce jugement a été cassé et annulé. En ce qui concerne la décision de la CNMC, le Parlement indique que la situation de l’entité concernée a fait l’objet d’une évaluation minutieuse au regard des règles applicables.

56      À titre liminaire, il convient de relever que l’article 110, paragraphe 1, sous b), du règlement financier n° 966/2012 prévoit que les marchés sont attribués sur la base de critères d’attribution, pour autant que le pouvoir adjudicateur ait vérifié que le candidat ou le soumissionnaire n’ait pas été exclu en application de l’article 106 dudit règlement, ni écarté en application de l’article 107 du même règlement.

–       Sur le jugement de l’Audiencia Nacional

57      Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 106, paragraphe 1, sous b), du règlement financier n° 966/2012, cité dans le cahier des charges, le « pouvoir adjudicateur exclut un opérateur économique de la participation aux procédures de passation de marché régies par le présent règlement [s’]il a été établi par un jugement définitif ou une décision administrative définitive que l’opérateur économique n’a pas respecté ses obligations relatives au paiement des impôts ou des cotisations de sécurité sociale conformément au droit du pays où il est établi ».

58      De même, aux termes de l’article 107, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement financier n° 966/2012, également cité dans le cahier des charges, le « pouvoir adjudicateur n’attribue pas de contrat pour une procédure de passation de marché déterminée à un opérateur économique qui se trouve dans une situation d’exclusion établie conformément à l’article 106 [ou qui] a présenté de fausses déclarations en ce qui concerne les informations exigées pour participer à la procédure ou n’a pas communiqué ses informations ».

59      En l’espèce, force est de constater que les documents communiqués par les parties en ce qui concerne le respect par l’entité concernée des obligations relatives au paiement des cotisations de sécurité sociale en Espagne ne permettent pas d’attester de l’existence d’une situation d’exclusion au sens des dispositions précitées.

60      En effet, d’une part, il convient de relever qu’il ressort déjà du jugement de l’Audiencia Nacional, intervenu peu avant le lancement de la procédure d’appel d’offres litigieuse, que celui-ci annule les deux amendes de 626 euros qui, dans la décision statuant sur le recours hiérarchique et en application d’un arrêt du Tribunal Constitucional (Cour constitutionnelle, Espagne), avaient remplacé l’acte d’infraction précédemment établi.

61      Il ressort également du dossier qu’un pourvoi en cassation dirigé contre le jugement de l’Audiencia Nacional a été formé par l’entité concernée antérieurement à l’attribution du lot litigieux. Ledit jugement ne pouvait donc pas être considéré comme définitif.

62      D’autre part, ainsi qu’il ressort du rectificatif de janvier 2021 de l’arrêt du Tribunal Supremo (Cour suprême) de décembre 2020, l’autre partie pertinente du jugement de l’Audiencia Nacional, à savoir celle relative aux « actes de liquidation pour différences de cotisations au régime général de la sécurité sociale pour application incorrecte des rubriques des accidents du travail et des maladies professionnelles pour les années 2008 à 2013 », pour laquelle le moyen d’appel présenté par l’entité concernée avait été rejeté par l’Audiencia Nacional (Cour centrale), a été « cassée et annulée » par le Tribunal Supremo (Cour suprême).

63      Dans ces circonstances, il ne peut être considéré que le pouvoir adjudicateur aurait dû exclure l’entité concernée de la participation à la procédure d’appel d’offres litigieuse en ce qu’il aurait été établi par un jugement définitif ou une décision administrative définitive que celle-ci n’avait pas respecté ses obligations relatives au paiement des cotisations de sécurité sociale en Espagne. Par voie de conséquence, en l’absence d’un tel jugement ou d’une telle décision, il ne saurait également être reproché au pouvoir adjudicateur de n’avoir pas tiré les conséquences prévues par le règlement financier en cas de fausse déclaration ou de non-communication des informations relatives à cette situation.

64      Il s’ensuit que le grief tiré de la violation des dispositions relatives à l’exclusion ou au rejet d’une offre à raison de la situation caractérisée par le jugement de l’Audiencia Nacional doit être rejeté comme étant non fondé.

–       Sur la décision de la CNMC

65      L’article 106, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement financier n° 966/2012 précise que, « [e]n l’absence de jugement définitif ou, le cas échéant, de décision administrative définitive dans les cas visés au paragraphe 1, [sous] c), d) et f), ou dans le cas visé au paragraphe 1, [sous] e), le pouvoir adjudicateur exclut un opérateur économique sur la base d’une qualification juridique préliminaire de la conduite visée dans ces points, compte tenu des faits établis ou d’autres constatations figurant dans la recommandation émise par l’instance visée à l’article 108 ».

66      En particulier, aux termes de l’article 106, paragraphe 1, sous c), ii), du règlement financier n° 966/2012, repris dans le cahier des charges, l’une des conduites visées par la disposition citée au point 65 ci-dessus est la « conclusion d’un accord avec d’autres opérateurs économiques en vue de fausser la concurrence ».

67      L’article 106, paragraphe 3, du règlement financier n° 966/2012 dispose également :

« Toute décision du pouvoir adjudicateur prise en vertu des articles 106 à 108 ou, selon le cas, toute recommandation de l’instance visée à l’article 108 est établie dans le respect du principe de proportionnalité, et compte tenu notamment de la gravité de la situation, y compris l’incidence sur les intérêts financiers et la réputation de l’Union, du temps écoulé depuis la constatation de la conduite en cause, de sa durée et de sa répétition éventuelle, de l’intention ou du degré de négligence, […] ou de toute autre circonstance atténuante, telle que la coopération […] ou la communication de la situation d’exclusion au moyen de la déclaration visée au paragraphe 10 du présent article. »

68      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union soient de nature à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause et ne dépassent pas les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation de ces objectifs, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt du 4 mai 2016, Philip Morris Brands e.a., C‑547/14, EU:C:2016:325, point 165 et jurisprudence citée).

69      Il convient de relever que les dispositions précitées, qui établissent les règles de fond relatives à l’exclusion d’un soumissionnaire en raison de la situation caractérisée, en l’espèce, par la décision de la CNMC, sont reprises, en substance, dans l’article 136, paragraphe 1, sous c), ii), paragraphe 2, premier alinéa, et paragraphe 3, du règlement financier 2018/1046.

70      En ce qui concerne les règles de procédure, il y a lieu de considérer que « l’instance visée à l’article 108 » du règlement financier n° 966/2012, à laquelle se réfère l’article 106, paragraphe 2, premier alinéa, dudit règlement, est « l’instance visée à l’article 143 [du règlement financier 2018/1046] », à laquelle se réfère l’article 136, paragraphe 2, premier alinéa, dudit règlement.

71      L’article 135, paragraphe 4, du règlement financier 2018/1046 (ou auparavant l’article 105 bis, paragraphe 1, du règlement financier n° 966/2012) précise que « dans les situations visées à l’article 136, paragraphe 2 [du règlement financier 2018/1046] » (ou auparavant à l’article 106, paragraphe 2, du règlement financier n° 966/2012) le pouvoir adjudicateur, également appelé ordonnateur, saisit l’instance visée à l’article 143 du règlement financier 2018/1046 (ou auparavant à l’article 108 du règlement financier n° 966/2012), « afin d’assurer une évaluation centralisée de ces situations » et que le pouvoir adjudicateur « ne peut prendre une décision d’exclure […] que sur la base d’une qualification préliminaire [...], après avoir obtenu une recommandation de l’instance visée à l’article 143 [du règlement financier 2018/1046] ».

72      En l’espèce, comme l’affirme le Parlement sans être contredit par les pièces du dossier, premièrement, il s’avère que, à l’occasion du dépôt de l’offre du consortium dont elle fait partie, l’entité concernée a informé le pouvoir adjudicateur de sa situation au regard de la décision de la CNMC et indiqué que cette décision faisait l’objet d’un recours devant l’Audiencia Nacional (Cour centrale).

73      Il s’avère également, et cela était encore le cas au stade du dépôt du mémoire en défense, c’est-à-dire à un moment où le pouvoir adjudicateur a déjà adopté la décision de non-exclusion de l’entité concernée et les décisions attaquées, que le Parlement n’avait pas connaissance du résultat dudit recours.

74      Dans ces circonstances, le Parlement était fondé à considérer, pour les besoins de la mise en œuvre de la procédure prévue en tel cas par le règlement financier, que la décision de la CNMC n’était pas une décision administrative définitive.

75      Deuxièmement, la décision de la CNMC n’étant pas définitive, le Parlement a engagé ladite procédure et saisi l’instance qui est prévue dans ce cadre afin qu’elle puisse notifier les faits et leur qualification juridique préliminaire à l’entité concernée, recueillir ses observations à ce propos et émettre sa recommandation au Parlement, ce qui a été fait le 29 mai 2020 (ci-après la « recommandation de l’Instance »).

76      Troisièmement, au vu des éléments recueillis à cet égard et en considération de la recommandation de l’Instance, le Parlement a pris sa décision sur la situation de l’entité concernée le 10 juillet 2020, ce dont il a informé l’intéressée le 27 juillet 2020.

77      Une copie de la « lettre de notification de la décision à l’entité concernée » a été communiquée à la requérante en annexe du mémoire en défense.

78      Il ressort de la lettre de notification de la décision à l’entité concernée et de ladite décision que, en accord avec la recommandation de l’Instance, le Parlement a considéré dans un premier temps que les mesures correctrices prises n’étaient pas suffisantes en tant que telles pour démontrer la fiabilité de l’entité et écarter une éventuelle exclusion en application des dispositions applicables.

79      Dans une telle situation, le Parlement a indiqué s’être demandé dans un second temps quelle mesure il devait adopter afin de respecter le principe de proportionnalité au regard notamment des différents éléments à prendre en considération pour une telle appréciation (voir point 67 ci-dessus).

80      Il ressort de la lettre de notification de la décision à l’entité concernée ainsi que de la décision en tant que telle transmise par le Parlement en réponse à une mesure d’organisation de la procédure que, à ce stade, le Parlement a décidé de ne pas exclure l’entité concernée. Les éléments pris en considération pour arriver à une telle conclusion étaient les suivants :

–        les mesures correctrices précitées ;

–        l’absence de préjudice financier réel pour l’Union ;

–        la responsabilité relativement limitée de l’entité concernée dans la structure de l’entente, comme cela a été reconnu dans la décision de la CNMC ;

–        la divulgation de la situation potentielle d’exclusion au pouvoir adjudicateur par le biais de la déclaration sur l’honneur ;

–        la coopération subséquente avec le pouvoir adjudicateur ;

–        les promptes réponses à toutes les demandes d’information.

81      La requérante critique la motivation contradictoire et insuffisamment étayée de la décision de non-exclusion de l’entité concernée.

82      En premier lieu, en ce qui concerne le grief pris d’une motivation contradictoire, la requérante fait valoir que le constat effectué dans la décision de non-exclusion, selon lequel les mesures correctrices ne sont pas suffisantes pour démontrer la fiabilité de l’entité concernée, ne peut pas être invoqué pour fonder deux conclusions contraires. En effet, si, le constat précité est invoqué par le pouvoir adjudicateur pour écarter l’application de l’article 106, paragraphe 7, premier alinéa, sous a), du règlement financier n° 966/2012 [devenu article 136, paragraphe 6, premier alinéa, sous a), du règlement financier 2018/1046], qui permet de ne pas exclure un opérateur économique de la procédure de passation de marché en présence de mesures correctrices satisfaisantes, ledit pouvoir adjudicateur ne pourrait pas prendre en compte, sans se contredire, les mesures correctrices ici en cause pour justifier une décision de non-exclusion en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement financier n° 966/2012 [devenu article 136, paragraphe 3, du règlement financier 2018/1046].

83      À cet égard, force est de constater que la requérante confond deux étapes distinctes de l’évaluation de la situation de l’entité concernée au regard des conséquences à tirer de la décision de la CNMC.

84      En effet, au stade de l’évaluation de la situation au regard de l’article 106, paragraphe 7, premier alinéa, sous a), du règlement financier n° 966/2012, il appartient au pouvoir adjudicateur, en considération de la recommandation de l’Instance, de se prononcer sur le point de savoir si les mesures correctrices proposées suffisent pour justifier une décision de non-exclusion.

85      Si tel n’est pas le cas, comme en l’espèce, il appartenait bien au Parlement, comme cela ressort la lettre de notification de la décision à l’entité concernée et de ladite décision, de se prononcer, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement financier n° 966/2012 et au vu de la recommandation de l’Instance, sur les conséquences à tirer de la décision de la CNMC au regard des règles applicables à l’exclusion d’une offre.

86      C’est une telle analyse, au regard notamment du principe de proportionnalité et des différents éléments évoqués dans cette disposition, qui a été menée par le Parlement pour lui permettre d’arriver à la conclusion qu’il n’y avait pas lieu, en l’espèce, d’exclure l’entité concernée de l’appel d’offres relatif au lot litigieux. La liste des circonstances énoncées par de l’article 106, paragraphe 3, du règlement financier n° 966/2012 n’étant pas limitative, il ne saurait donc être reproché au Parlement d’avoir notamment tenu compte à cet égard des mesures correctrices proposées par l’entité concernée.

87      Il résulte de ce qui précède que le grief pris de la motivation contradictoire de la décision de non-exclusion doit être rejeté comme manquant en fait.

88      En second lieu, en ce qui concerne le grief pris du caractère insuffisamment étayé de la motivation exposée dans la décision de non‑exclusion, la requérante se limite à indiquer que les différents éléments invoqués à cet égard rappelés au point 80 ci‑dessus ne seraient pas documentés, comme la déclaration sur l’honneur de l’entité concernée, sa coopération dans le cadre de l’instruction, ou la recommandation de l’Instance.

89      Dans un premier temps, force est ainsi de relever qu’au soutien du grief tiré d’une insuffisante motivation de la décision de non-exclusion, qui au demeurant n’est pas la décision attaquée, la requérante se borne à contester l’exactitude matérielle des motifs de cette décision de sorte que ce grief ne peut qu’être écarté dans la mesure où l’argument présenté à son soutien ne concerne pas le caractère suffisant de la motivation, mais son bien-fondé.

90      Dans un second temps, il doit aussi être relevé, quant à l’exactitude matérielle des motifs concernés, qu’aucun élément du dossier ne permet de douter de la réalité des indications factuelles exposées dans la recommandation de l’Instance puis dans la décision de non-exclusion.

91      Le résultat de la mesure d’organisation de la procédure décidée à ce propos a permis de s’assurer que ces actes administratifs évoquaient ces éléments, actes à l’encontre desquels la requérante n’a d’ailleurs pas présenté d’observations.

92      Il y a également lieu de relever que la requérante n’établit pas en quoi l’analyse effectuée par le Parlement ne respecte pas le principe de proportionnalité, alors que cette analyse évoque précisément différents éléments pour permettre de comprendre pour quelles raisons, le Parlement considère approprié de ne pas exclure l’entité concernée en raison de la décision de la CNMC.

93      Il résulte de ce qui précède que le grief pris de l’insuffisante motivation de la décision de non-exclusion et de l’inexactitude matérielle de ses motifs doit être rejeté comme non fondé.

94      Dans ces circonstances, il ne peut être considéré que le pouvoir adjudicateur n’a pas respecté les règles de fond et de procédure applicables à l’examen des conséquences à tirer de la décision de la CNMC.

95      En outre, compte tenu de la communication de la situation de l’entité concernée au regard de la décision de la CNMC au moyen de la déclaration visée à l’article 137, paragraphe 1, du règlement financier 2018/1046, il ne saurait également être reproché au pouvoir adjudicateur de n’avoir pas tiré les conséquences prévues par le règlement financier 2018/1046 en cas de fausse déclaration ou de non-communication des informations relatives à cette situation.

96      Il s’ensuit que le grief tiré de la violation des dispositions relatives à l’exclusion ou au rejet d’une offre à raison de la situation caractérisée par la décision de la CNMC doit être rejeté comme étant non fondé.

97      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le premier moyen doit être écarté comme étant non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation des dispositions relatives aux offres anormalement basses

98      La requérante soutient, en substance, que le Parlement a violé les dispositions relatives aux offres anormalement basses, notamment celles mentionnant les principes de transparence, de proportionnalité, d’égalité de traitement et de non-discrimination ainsi que l’obligation de motivation, laquelle serait stéréotypée. En particulier, elle fait valoir que le prix de l’offre du consortium classée au premier rang est bien inférieur à la moyenne des prix des trois offres retenues. Il existerait également une différence de prix conséquente entre le prix de cette offre et le prix de l’offre du consortium classée au troisième rang. Le prix de l’offre du consortium classée au premier rang serait d’autant plus anormal que les marges se seraient érodées au fil du temps du fait des reports de la période de validité des offres. La requérante soutient également qu’il ressort de son estimation des différentes composantes de l’offre du consortium classée au premier rang que certains résultats sont « aberrants ». Pour arriver au prix proposé, il faudrait ainsi avoir un coût de 30 euros par heure pour un « chef de projet senior sur site » ou de 80 euros par heure pour un « architecte de solution senior sur site » dans la zone Bruxelles/Luxembourg/Strasbourg. La requérante allègue aussi que l’entité concernée a été écartée, vraisemblablement pour offre anormalement basse, de deux autres lots du marché public en cause. De la même manière, l’entité concernée aurait aussi dû être écartée pour l’attribution du lot litigieux.

99      Le Parlement conteste l’argumentation de la requérante.

100    À titre liminaire, il convient de relever que l’article 102, paragraphe 1, du règlement financier n° 966/2012 dispose que « [t]ous les marchés publics financés totalement ou partiellement par le budget respectent les principes de transparence, de proportionnalité, d’égalité de traitement et de non-discrimination ». Cette disposition, invoquée par la requérante, est reprise à l’identique dans l’article 160, paragraphe 1, du règlement financier 2018/1046.

101    Il y a également lieu de relever que, dans sa description des critères d’attribution, le cahier des charges précise ce qui suit en ce qui concerne l’évaluation du critère financier dans un encart qui comporte en gras l’avertissement « important » :

« Veuillez noter qu’afin d’éviter les offres présentant des prix anormalement bas pouvant compromettre la bonne réalisation des prestations, pour toute offre dont le prix global (offre financière) est inférieur à 50 % de la moyenne des prix globaux (offres financières) de toutes les autres offres ou pour toute offre dont le prix horaire donné est inférieur à 50 % de la moyenne des (mêmes) prix horaires de toutes les autres offres, le Parlement demande par écrit des précisions sur les éléments constitutifs de l’offre jugés pertinents et vérifie ces éléments constitutifs, après toute évaluation jugée nécessaire, en tenant compte des explications reçues ainsi que des prix du marché en vigueur. Ces précisions peuvent porter notamment sur le respect des dispositions relatives à la protection de l’emploi et aux conditions de travail en vigueur au lieu d’exécution des prestations. »

102    En effet, si le droit de l’Union ne s’oppose pas, en principe, à ce qu’un critère mathématique soit utilisé aux fins de déterminer quelles offres apparaissent anormalement basses, ce n’est toutefois que pour autant que le résultat auquel aboutit l’application de ce critère ne soit pas intangible et que l’exigence d’une vérification contradictoire de ces offres soit respectée (voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 2013, Espagne/Commission, T‑402/06, EU:T:2013:445, point 74 et jurisprudence citée).

103    Quant aux règles de procédure applicables à la règle de fond exposée dans le cahier des charges, selon laquelle les « offres présentant des prix anormalement bas », c’est-à-dire en l’espèce toute offre dont le prix global ou un prix horaire donné est inférieur à 50 % de la moyenne des autres prix correspondants, ne doivent pas compromettre la bonne réalisation des prestations demandées au titre du marché public, il y a lieu de relever que leur contenu a été précisé par le règlement financier 2018/1046.

104    En effet, aux termes de l’annexe I, chapitre 1, section 2, point 23.1, premier alinéa, du règlement financier 2018/1046, « [s]i, pour un marché donné, le prix ou les coûts proposés dans l’offre apparaissent anormalement bas, le pouvoir adjudicateur demande, par écrit, les précisions qu’il juge opportunes sur la composition du prix ou des coûts et donne au soumissionnaire la possibilité de présenter ses observations ». Aux termes de l’annexe I, chapitre 1, section 2, point 23.2, premier alinéa, dudit règlement, « [l]e pouvoir adjudicateur ne rejette l’offre que si les éléments de preuve fournis n’expliquent pas de manière satisfaisante le prix ou les coûts bas proposés ».

105    En conséquence, premièrement, il convient de relever que la notion d’« offre anormalement basse » n’est définie ni dans les dispositions du règlement financier n° 966/2012, ni dans celles du règlement délégué no 1268/2012. À cet égard, en l’absence d’une définition de cette notion ou de règles permettant l’identification d’une telle offre, il appartient au pouvoir adjudicateur de déterminer la méthode utilisée pour identifier les offres anormalement basses, sous réserve que cette méthode soit objective et non discriminatoire (voir arrêt du 19 octobre 2017, Agriconsulting Europe/Commission, C‑198/16 P, EU:C:2017:784, point 55 et jurisprudence citée). Ainsi, il a été jugé que le caractère anormalement bas d’une offre devait être apprécié par rapport à la composition de l’offre et à la prestation en cause (voir, en ce sens, arrêts du 28 janvier 2016, Agriconsulting Europe/Commission, T‑570/13, EU:T:2016:40, point 55, et du 13 juin 2019, Strabag Belgium/Parlement, T‑299/18, non publié, EU:T:2019:411, point 60).

106    Deuxièmement, il apparaît que l’appréciation, par le pouvoir adjudicateur, de l’existence d’offres anormalement basses s’opère en deux temps (voir, en ce sens, arrêts du 4 juillet 2017, European Dynamics Luxembourg e.a./Agence de l’Union européenne pour les chemins de fer, T‑392/15, EU:T:2017:462, point 87, et du 13 juin 2019, Strabag Belgium/Parlement, T‑299/18, non publié, EU:T:2019:411, point 61).

107    Dans un premier temps, le pouvoir adjudicateur doit apprécier si les offres soumises « apparaissent » anormalement basses. L’usage du verbe « apparaître » implique que le pouvoir adjudicateur procède à une appréciation prima facie du caractère anormalement bas d’une offre. L’obligation d’examen des offres anormalement basses n’impose dès lors pas au pouvoir adjudicateur de procéder d’office à une analyse détaillée de la composition de chaque offre afin d’établir qu’elle ne constitue pas une offre anormalement basse. Ainsi, dans un premier temps, le pouvoir adjudicateur doit uniquement déterminer si les offres soumises contiennent un indice de nature à éveiller le soupçon qu’elles pourraient être anormalement basses (voir, en ce sens, arrêts du 4 juillet 2017, European Dynamics Luxembourg e.a./Agence de l’Union européenne pour les chemins de fer, T‑392/15, EU:T:2017:462, point 88, et du 13 juin 2019, Strabag Belgium/Parlement, T‑299/18, non publié, EU:T:2019:411, point 62).

108    De tels doutes peuvent exister, notamment, s’il apparaît incertain, d’une part, qu’une offre respecte la législation du pays dans lequel les services devraient être exécutés, en matière de rémunération du personnel, de contribution au régime de sécurité sociale, de respect des normes de sécurité et de santé au travail, de vente à perte et, d’autre part, que le prix proposé intègre tous les coûts induits par les aspects techniques de l’offre. Il en va de même lorsque le prix proposé dans une offre soumise est considérablement inférieur à celui des autres offres soumises ou au prix habituel du marché [voir arrêt du 16 mai 2019, Transtec/Commission, T‑228/18, EU:T:2019:336, point 72 (non publié) et jurisprudence citée].

109    Dans un second temps, s’il existe des indices de nature à éveiller le soupçon qu’une offre pourrait être anormalement basse, le pouvoir adjudicateur doit procéder à la vérification de la composition de l’offre afin de s’assurer que celle-ci n’est pas anormalement basse. Lorsque le pouvoir adjudicateur procède à cette vérification, il a l’obligation de donner au soumissionnaire de ladite offre la possibilité d’exposer pour quelles raisons il estime que son offre n’est pas anormalement basse. Par la suite, le pouvoir adjudicateur doit apprécier les explications fournies et déterminer si l’offre en question présente un caractère anormalement bas, auquel cas il est dans l’obligation de la rejeter (voir, en ce sens, arrêts du 4 juillet 2017, European Dynamics Luxembourg e.a./Agence de l’Union européenne pour les chemins de fer, T‑392/15, EU:T:2017:462, point 89, et du 13 juin 2019, Strabag Belgium/Parlement, T‑299/18, non publié, EU:T:2019:411, point 63).

110    Troisièmement, il convient de rappeler que les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de la prise d’une décision de passer un marché sur appel d’offres et le contrôle du Tribunal doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur grave et manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (voir arrêt du 13 juin 2019, Strabag Belgium/Parlement, T‑299/18, non publié, EU:T:2019:411, point 65 et jurisprudence citée).

111    Ainsi, afin d’établir que, dans l’appréciation des faits, le pouvoir adjudicateur a commis une erreur à ce point manifeste qu’elle est de nature à justifier l’annulation de la décision attaquée, les éléments de preuve apportés par la partie requérante doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations retenues dans la décision en cause. En d’autres termes, le moyen tiré de l’erreur manifeste doit être rejeté si, en dépit des éléments avancés par la partie requérante, l’appréciation mise en cause peut être admise comme vraie ou valable (voir arrêt du 9 février 2022, Companhia de Seguros Índico/Commission, T‑672/19, non publié, EU:T:2022:64, point 52 et jurisprudence citée).

112    En l’espèce, il y a lieu de relever que le Parlement a suivi les règles précitées quand il a examiné les différentes offres qui lui ont été soumises pour le lot litigieux. Les éléments pertinents relatifs à la mise en œuvre de la procédure relative à l’examen des offres anormalement basses sont exposés par le Parlement à la requérante dans la lettre qui lui a été adressée le 12 octobre 2022.

113    S’agissant du premier temps, le pouvoir adjudicateur a relevé que, si aucune des quatre offres examinées n’avait un prix global inférieur à 50 % de la moyenne des prix globaux de toutes les autres offres, deux de ces offres avaient des prix horaires inférieurs à 50 % de la moyenne des prix horaires correspondants de toutes les autres offres. Il s’agissait en l’occurrence des offres proposées par le consortium dont l’offre était classée au premier rang et le consortium dont fait partie la requérante.

114    À ce stade, le Parlement a demandé à chacun de ces soumissionnaires des précisions sur les éléments constitutifs de l’offre, ce à qui a été fait par l’un et l’autre de ces soumissionnaires.

115    À titre indicatif, le Parlement a communiqué, en annexe du mémoire en défense, une copie de la demande de précisions adressée au consortium dont l’offre était classée au premier rang, ainsi qu’une copie de la demande de précisions adressée au consortium dont fait partie la requérante.

116    Il ressort d’une comparaison de ces demandes de précisions que ce type de document est relativement standard. Il vise à appeler l’attention du destinataire sur le résultat de l’examen effectué dans un premier temps en application du critère mathématique indiqué dans le cahier des charges. En l’occurrence, il ressort de la lettre adressée à la requérante le 12 octobre 2022 que, tout comme pour le consortium dont elle fait partie, le résultat de l’examen effectué dans un premier temps en ce qui concerne le consortium dont l’offre était classée au premier rang identifiait certains prix horaires proposés pour certaines affectations.

117    L’examen des documents produits en ce qui concerne le déroulement de cette première étape au vu des dispositions applicables et des arguments de parties ne permet pas d’identifier d’erreur manifeste d’appréciation commise par le pouvoir adjudicateur à cet égard.

118    Pour ce qui est du second temps, il ressort du dossier que, après avoir détecté des prix horaires par profil apparaissant anormalement bas, le Parlement a demandé des précisions aux soumissionnaires concernés.

119    Il ressort de la lettre adressée à la requérante le 12 octobre 2022 ainsi que des informations transmises à cet égard par le Parlement dans ses écritures que, tout comme pour le consortium dont la requérante fait partie, le consortium dont l’offre était classée au premier rang a apporté des précisions quant à son infrastructure, son expertise et les outils dont il dispose déjà à la suite de l’exécution d’autres contrats du même type, la détermination de la marge, le respect des salaires minimaux, la méthodologie du calcul et les détails chiffrés relatifs aux coûts directs et indirects, la stratégie de soumission, le partage des risques, l’organisation des services off-site.

120    Le Parlement fait également observer à ce propos que les précisions qui lui ont été communiquées par le consortium dont l’offre était classée au premier rang sont de même nature que celles transmises par le consortium dont la requérante fait partie.  

121    Il ressort également du dossier que, après avoir analysé ces réponses, le Parlement a conclu que, pour l’une comme pour l’autre offre examinée, les soumissionnaires en cause avaient démontré à suffisance que leur offre intégrait les coûts pertinents et respectaient la législation applicable dans les pays d’exécution de services en matière de salaire minimal, de sécurité sociale, de standards de sécurité et de santé au travail.

122    En conclusion, à l’issue de son examen des offres au regard des dispositions applicables, le pouvoir adjudicateur a considéré qu’il n’existait pas d’éléments permettant de considérer que les offres financières étaient anormalement basses.

123    Force est de constater que l’analyse effectuée par le Parlement ne repose pas ou plus, au second temps de l’analyse, sur l’application du critère mathématique indiqué dans le cahier des charges. À cet égard, il y a lieu d’observer que les autres critères proposés par la requérante, qui se prévaut d’une comparaison du prix de l’offre du consortium classée au premier rang avec la moyenne des prix des trois offres retenues ou de « la différence de prix énorme » entre le prix de cette offre et le prix de l’offre du consortium classée au troisième rang, ne sont pas pertinents pour écarter le bien-fondé de l’analyse menée par le Parlement au second temps de l’analyse.

124    De même, dans la mesure où aucun élément du dossier ne permet d’attester que le Parlement n’a pas traité de la même manière tous les prix proposés, qu’ils soient globaux ou horaires, l’éventuelle prise en compte de l’incidence de l’inflation sur le montant des marges due à l’écoulement du temps était la même d’une offre à l’autre. La requérante ne fournit à cet égard aucun élément permettant d’expliquer à quel titre sa situation serait différente de celle du consortium dont l’offre était classée au premier rang.

125    En outre, il convient de relever que le seul fait que le prix de l’offre retenue soit plus bas que celui de l’offre de la requérante ou d’un autre soumissionnaire n’est pas, par lui-même, susceptible de démontrer le caractère anormalement bas de l’offre retenue (voir arrêt du 13 juin 2019, Strabag Belgium/Parlement, T‑299/18, non publié, EU:T:2019:411, point 89 et jurisprudence citée).

126    Il convient également de considérer que les deux estimations de prix horaires proposées par la requérante en ce qui concerne l’offre du consortium classée au premier rang, lesquelles ne reposent sur aucune autre donnée que celle proposée par la requérante sans autre forme d’explication, ne sauraient suffire à remettre en cause la plausibilité de la conclusion qui précède ainsi que des appréciations qui la fondent.

127    Il y a lieu, à cet égard, de rappeler que la jurisprudence reconnaît que les coûts des différents opérateurs économiques peuvent fortement varier, pour un même service ou pour un même travail, en fonction de circonstances qui leur sont propres (voir arrêt du 13 juin 2019, Strabag Belgium/Parlement, T‑299/18, non publié, EU:T:2019:411, point 90 et jurisprudence citée). Ainsi, contrairement aux travaux ou aux biens, les soumissionnaires ont plus d’influence sur les éléments constituant le prix de services. Partant, des écarts constatés dans une procédure de mise en concurrence entre ces prix ne seront pas nécessairement de nature à soulever des doutes quant à la fiabilité des offres ni à démontrer le caractère anormalement bas d’une des offres (voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2019, Strabag Belgium/Parlement, T‑299/18, non publié, EU:T:2019:411, point 92). En effet, l’un des objectifs du système de passation de marchés publics est d’obtenir les meilleures conditions aux meilleurs prix possibles. Il est donc inhérent au système de passation de marchés sur la base de l’offre économiquement la plus avantageuse que les soumissionnaires s’efforcent de proposer les prix les plus compétitifs possibles (arrêt du 15 septembre 2016, European Dynamics Luxembourg et Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑698/14, non publié, EU:T:2016:476, point 66).

128    Quant à la comparaison faite par la requérante avec les décisions adoptées en ce qui concerne deux autres lots du marché PE/ITEC‑ITS 19, il convient de rappeler, comme l’expose le Parlement, que chaque lot du marché en cause constitue en soi un marché séparé (voir point 31 ci-dessus). Les décisions qui ont été prises en ce qui concerne ces lots tout comme leur motivation ne sont donc pas pertinentes pour le présent litige.

129    Il résulte de ce qui précède que l’évaluation des offres apparaissant anormalement basses s’est faite conformément aux dispositions applicables et a permis au pouvoir adjudicateur de conclure, à juste titre, que l’offre du consortium classée au premier rang ne présentait pas un caractère anormalement bas.

130    Ainsi, contrairement à ce que fait valoir la requérante, le Parlement n’a pas violé les dispositions relatives à l’examen des offres anormalement basses.

131    Le deuxième moyen doit donc être écarté comme étant non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré de réserves quant à l’évaluation technique des offres

132    La requérante soutient qu’elle n’a pas pu apprécier les « analyses techniques des différentes offres », dont le contenu ne lui a pas été communiqué. Il lui serait alors impossible de savoir s’il est correct d’affirmer, comme le fait le Parlement dans sa présentation des caractéristiques et des avantages des offres retenues, qu’« [une] méthodologie décrite est excellente » ou qu’« [un] diagramme de Gantt communiqué est détaillé et clair ». Elle affirme également que « les critères utilisés » pour l’évaluation technique étaient « vagues, aléatoires [et] imprécis » et « confér[aient] au pouvoir adjudicateur une liberté inconditionnée de choix ». Dans ces circonstances, la requérante se limite à faire valoir sans autre précision qu’elle « réserve ses droits quant au présent moyen » et à invoquer la violation de l’article 160 du règlement financier 2018/1046 dans l’intitulé de ce moyen.

133    Le Parlement fait observer que la requérante se borne à critiquer de manière globale et sans précision l’évaluation technique des offres et que ce moyen devrait être déclaré irrecevable.

134    À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, dudit statut, et à l’article 76, sous d), du règlement de procédure, toute requête doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Indépendamment de toute question de terminologie, cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu’un recours soit recevable au regard des dispositions susmentionnées, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible de la requête elle-même (ordonnance du 28 avril 1993, De Hoe/Commission, T‑85/92, EU:T:1993:39, point 20).

135    Plus particulièrement, s’il convient d’admettre, d’une part, que l’énonciation des moyens du recours n’est pas liée à la terminologie et à l’énumération du règlement de procédure et, d’autre part, que la présentation de ces moyens, par leur substance plutôt que par leur qualification légale, peut suffire, c’est à la condition toutefois que lesdits moyens se dégagent de la requête avec suffisamment de netteté. En outre, la seule énonciation abstraite des moyens dans la requête ne répond pas aux exigences du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et du règlement de procédure, et les termes « exposé sommaire des moyens », employés dans ces textes, signifient que la requête doit expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé (voir ordonnance du 28 avril 1993, De Hoe/Commission, T‑85/92, EU:T:1993:39, point 21 et jurisprudence citée).

136    En l’espèce, l’énoncé du troisième moyen s’avère laconique. Les reproches de la requérante à l’égard de l’évaluation technique ne présentent pas le degré requis de clarté et de précision.

137    En particulier, les reproches de la requérante à l’égard de l’évaluation technique ne tiennent pas compte du fait que, par lettre du 10 octobre 2022, le Parlement lui a communiqué les informations relatives aux caractéristiques et aux avantages des offres retenues. Cette présentation comporte pour chacune de ces trois offres une appréciation détaillée sur plusieurs pages des différents éléments pris en considération pour noter et évaluer les trois études de cas examinées au stade de l’évaluation technique. Au vu du contenu de cette motivation et de celle correspondante communiquée par le Parlement à la requérante, le 3 octobre 2022, en ce qui concerne l’évaluation technique de son offre, il ne peut être allégué sans autre forme d’explication que « les critères utilisés » pour l’évaluation technique étaient vagues, aléatoires et imprécis ou qu’ils conféraient une liberté inconditionnée de choix au pouvoir adjudicateur.

138    De même, la requérante ne convainc pas quand elle se réfère aux deux premières phrases d’une partie seulement des informations transmises par le Parlement à propos de l’évaluation technique. De telles références restent insuffisantes pour permettre au Tribunal de comprendre en quoi consiste le présent moyen. En effet, il s’avère que les deux affirmations du Parlement critiquées par la requérante, sans d’ailleurs mentionner des pièces produites en annexe, à savoir, d’une part, dans sa version complète « [l]a méthodologie décrite est excellente [et fait référence à la méthodologie reconnue en termes de management de projet] » et, d’autre part, « [l]e diagramme de Gantt communiqué est détaillé et clair », ne font qu’exposer qu’une partie des appréciations positives du pouvoir adjudicateur sur seulement un des critères pris en compte pour apprécier le premier des trois cas examinés en ce qui concerne chacune des offres retenues. En l’espèce, la note de 3,97 sur 7 attribuée à cet égard sur cette partie de l’offre examinée ne peut se comprendre qu’à la lecture de l’ensemble des huit phrases que comporte l’appréciation positive et doit également prendre en considération les onze phrases qui constituent l’appréciation négative.

139    En outre, il ressort de l’exposé du troisième moyen que la requérante entend plutôt « réserver » ses reproches à un moment ultérieur où elle pourrait se prononcer en considération du contenu des « analyses techniques des différentes offres ». Or, ainsi qu’il a déjà été précisé (voir points 22 à 31 ci-dessus), il ressort du dossier que le Parlement a satisfait à ses obligations en ce qui concerne la communication à la requérante des informations pertinentes pour comprendre les décisions attaquées en ce qui concerne, d’une part, le rejet de l’offre du consortium dont la requérante fait partie et, d’autre part, l’attribution du lot litigieux aux autres soumissionnaires, les demandes supplémentaires de la requérante visant à obtenir plus d’informations sur les données financières et techniques propres aux offres des autres soumissionnaires étant ainsi rejetées par le Tribunal pour les raisons précitées.

140    Dans ces circonstances, dans la mesure où le Tribunal ne peut procéder par voie de conjectures pour comprendre les points de l’évaluation technique des offres qui constitueraient une violation des dispositions invoquées par le requérante (voir, en ce sens, arrêt du 13 mai 2020, Agmin Italy/Commission, T‑290/18, non publié, EU:T:2020:196, point 98), il y a lieu de déclarer le troisième moyen irrecevable.

141    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

142    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Parlement, y compris les dépens afférents à la procédure de référé, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Westpole Belgium supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Parlement européen, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

Marcoulli

Valasidis

Spangsberg Grønfeldt

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 mars 2024.

Le greffier

 

Le président

V. Di Bucci

 

S. Papasavvas


*      Langue de procédure : le français.