Language of document : ECLI:EU:T:2014:126

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

14 mars 2014 (*)

« Concurrence – Procédure administrative – Décision de demande de renseignements – Caractère nécessaire des renseignements demandés – Principe de bonne administration – Obligation de motivation – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑305/11,

Italmobiliare SpA, établie à Milan (Italie), représentée initialement par Mes M. Siragusa, F. Moretti, L. Nascimbene, G. Rizza et M. Piergiovanni, puis par Mes Siragusa, Moretti, Nascimbene et Rizza, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par MM. B. Gencarelli, L. Malferrari, É. Gippini Fournier et C. Hödlmayr, puis par MM. Malferrari, Gippini Fournier et Hödlmayr, en qualité d’agents, assistés de Me M. Malaguti, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2011) 2364 final de la Commission, du 30 mars 2011, relative à une procédure d’application de l’article 18, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil (affaire 39520 – Ciment et produits connexes),

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. A. Dittrich, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. M. Prek (rapporteur), juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 25 avril 2013,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige et procédure

1        Au cours du mois de novembre 2008, la Commission des Communautés européennes a effectué, en application de l’article 20 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 TFUE] et [102  TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), plusieurs inspections dans les locaux de sociétés actives dans le secteur cimentier, y compris dans les locaux d’Italcementi Fabbriche Riunite Cemento SpA (ci-après « Italcementi »), des Ciments français SA, des Ciments Calcia SA et de la compagnie des Ciments belges SA, sociétés contrôlées directement ou indirectement par la requérante, Italmobiliare SpA. Ces inspections ont été suivies par l’envoi de demandes de renseignements au titre de l’article 18, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003. Italcementi s’est ainsi vu adresser des demandes de renseignements le 30 septembre 2009 (ci-après le « questionnaire initial »), les 20 janvier et 13 avril 2010.

2        Le 4 novembre 2010, la Commission a informé Italcementi de son intention de lui adresser une décision de demande de renseignements au titre de l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003 et lui a communiqué le projet de questionnaire qu’elle envisageait d’annexer à cette décision.

3        Les 15 novembre et 1er décembre 2010, Italcementi a présenté ses observations sur ce projet de questionnaire.

4        Le 6 décembre 2010, la Commission a informé la requérante qu’elle avait décidé d’ouvrir une procédure au titre de l’article 11, paragraphe 6, du règlement n° 1/2003 à son égard et à l’égard de sept autres sociétés actives dans le secteur cimentier, pour des infractions présumées à l’article 101 TFUE visant « des restrictions des flux commerciaux dans l’Espace économique européen (EEE), y compris des restrictions d’importations dans l’EEE en provenance de pays extérieurs à l’EEE, des répartitions de marchés, des coordinations des prix et des pratiques anticoncurrentielles connexes sur le marché du ciment et les marchés des produits connexes » (ci-après la « décision d’ouverture de la procédure »).

5        Le 30 mars 2011, la Commission a adopté la décision C (2011) 2364 final relative à une procédure d’application de l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003 (affaire 39520  – Ciment et produits connexes) (ci-après la « décision attaquée »).

6        Dans la décision attaquée, la Commission indique que, conformément à l’article 18 du règlement n° 1/2003, pour l’accomplissement des tâches qui lui sont assignées par ledit règlement, elle peut, par simple demande ou par voie de décision, demander aux entreprises et associations d’entreprises de fournir tous les renseignements nécessaires (considérant 3 de la décision attaquée). Après avoir rappelé qu’Italcementi avait été informée de son intention d’adopter une décision conformément à l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003 et que celle-ci avait présenté ses observations sur un projet de questionnaire (considérants 4 et 5 de la décision attaquée), la Commission a demandé par voie de décision, à la requérante, ainsi qu’à ses filiales situées dans l’Union européenne et contrôlées directement ou indirectement par elle, de répondre au questionnaire figurant en annexe I, comprenant 78 pages et constitué de dix séries de questions (considérant 6 de la décision attaquée).

7        La Commission a également rappelé la description des infractions présumées, figurant au point 4 ci-dessus (considérant 2 de la décision attaquée).

8        En se référant à la nature et à la quantité des renseignements demandés ainsi qu’à la gravité des infractions présumées aux règles de concurrence, la Commission a estimé qu’il convenait d’accorder à la requérante un délai de réponse de douze semaines (considérant 8 de la décision attaquée).

9        Le dispositif de la décision attaquée se lit comme suit :

« Article premier

[La requérante,] avec ses filiales situées dans l’UE et contrôlées directement ou indirectement par elle, fournira les renseignements mentionnés à l’annexe I de la présente décision, sous la forme demandée à l’annexe II et à l’annexe III de cette dernière, dans un délai de réponse de douze semaines, à compter de la date de notification de la présente décision. Les annexes font toutes deux partie intégrante de la présente décision.

Article 2

[La requérante,] avec ses filiales situées dans l’UE et contrôlées directement ou indirectement par elle, est destinataire de la présente décision […] »

10      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 juin 2011, la requérante a introduit le présent recours, visant l’annulation de la décision attaquée.

11      Les 27 juin et 11 juillet 2011, la requérante a répondu au questionnaire mentionné au point 6 ci-dessus.

12      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 12 juillet 2011, elle a introduit une demande visant à ce que le litige soit tranché selon une procédure accélérée, en application de l’article 76 bis du règlement de procédure du Tribunal.

13      Par décision du 14 septembre 2011, le Tribunal (septième chambre) a rejeté cette demande.

14      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (septième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

15      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal à l’audience du 25 avril 2013.

 Conclusions des parties

16      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler entièrement ou en partie la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

17       La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

18      À l’appui du recours, la requérante avance six moyens, tirés, respectivement, à titre principal, du caractère erroné de la désignation du destinataire de la décision attaquée et, à titre subsidiaire, de l’incompétence de la Commission pour adopter un acte contraignant dans les circonstances de l’espèce, d’une violation du principe de proportionnalité, d’une insuffisance de motivation de la décision attaquée, d’une violation du principe du contradictoire et, d’une violation du principe de bonne administration.

 Sur le premier moyen, tiré du caractère erroné de la désignation de la requérante comme destinataire de la décision attaquée

19      En substance, la requérante conteste le droit de la Commission de lui adresser une décision de demande de renseignements, au motif que l’entreprise éventuellement concernée par la procédure 39520 est Italcementi. Elle souligne n’être qu’une simple holding financière et ne posséder que 60,26 % du capital d’Italcementi, qui joue le rôle d’holding opérationnelle dans le secteur du ciment. Elle en déduit que la Commission a violé l’article 18, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003, les principes du contradictoire, de la confiance légitime et de non-discrimination.

20      Le présent moyen apparaît ainsi composé de trois branches, selon que la requérante allègue une violation, premièrement, de l’article 18, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003, deuxièmement, des principes du contradictoire et de la confiance légitime et, troisièmement, du principe de non-discrimination.

 Sur la première branche du moyen, tiré d’une violation de l’article 18, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003

21      Selon la requérante, la décision attaquée viole l’article 18, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003 lu à la lumière du considérant 23 de ce même règlement, en ce que le pouvoir d’exiger des renseignements au titre de cette disposition ne peut être exercé qu’à l’égard de l’entreprise qui les détient, en est le propriétaire et le responsable, ce qui n’est pas son cas.

22      La Commission considère que ni la lettre ni la finalité de l’article 18, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003 ne s’opposent à ce que la décision attaquée ait pour destinataire la requérante.

23      Aux fins d’assurer le respect des interdictions visées aux articles 101 TFUE et 102 TFUE, le règlement n° 1/2003 confère à la Commission un large pouvoir d’investigation et de vérification en disposant, en son article 18, paragraphe 1, que, « [p]our l’accomplissement des tâches qui lui sont assignées par le présent règlement, la Commission peut, par simple demande ou par voie de décision, demander aux entreprises et associations d’entreprises de fournir tous les renseignements nécessaires ». Le considérant 23 dudit règlement précise à cet égard que la Commission « doit disposer dans toute la Communauté du pouvoir d’exiger les renseignements qui sont nécessaires pour déceler les accords, décisions et pratiques concertées interdits par l’article [101 TFUE] ainsi que l’exploitation abusive d’une position dominante interdite par l’article [102 TFUE] ».

24      Ainsi, afin de préserver l’effet utile de l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003, la Commission est en droit d’obliger une entreprise à fournir tous les renseignements nécessaires portant sur des faits dont elle peut avoir connaissance et à lui communiquer, au besoin, les documents s’y rapportant qui sont en sa possession, même si ceux-ci peuvent servir à établir, à son égard ou à l’encontre d’une autre entreprise, l’existence d’un comportement anticoncurrentiel (voir considérant 23 du règlement n° 1/2003 ; voir, également, arrêt du Tribunal du 22 mars 2012, Slovak Telekom/Commission, T‑458/09 et T‑171/10, non encore publié au Recueil, point 41, et la jurisprudence citée).

25      Selon la jurisprudence, la notion de « renseignements nécessaires » doit être interprétée en fonction des finalités en vue desquelles les pouvoirs d’enquête en cause ont été conférés à la Commission. Il est satisfait à l’exigence d’une corrélation entre la demande de renseignements et l’infraction présumée, dès lors que, à ce stade de la procédure, ladite demande peut être légitimement regardée comme présentant un rapport avec l’infraction présumée, en ce sens que la Commission puisse raisonnablement supposer que le document l’aidera à déterminer l’existence de l’infraction alléguée (voir arrêt Slovak Telekom/Commission, point 24 supra, point 42, et la jurisprudence citée).

26      En outre, seule peut être requise par la Commission la communication de renseignements susceptibles de lui permettre de vérifier les présomptions d’infraction qui justifient la conduite de l’enquête et qui sont indiquées dans la demande de renseignements (voir arrêt Slovak Telekom/Commission, point 24 supra, point 43, et la jurisprudence citée). Par ailleurs, eu égard au large pouvoir d’investigation et de vérification de la Commission, c’est à cette dernière qu’il appartient d’apprécier la nécessité des renseignements qu’elle demande aux entreprises concernées (voir arrêt Slovak Telekom/Commission point 24 supra, point 43, et la jurisprudence citée).

27      Il importe finalement de rappeler que la Cour a souligné, à plusieurs reprises, dans le cadre de l’application du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), que l’entreprise faisant l’objet d’une mesure d’investigation est soumise à une obligation de collaboration active, qui implique qu’elle tienne à la disposition de la Commission tous les éléments d’information relatifs à l’objet de l’enquête (voir arrêt de la Cour du 18 octobre 1989, Orkem/Commission, 374/87, Rec. p. 3283, point 27, et arrêt Slovak Telekom/Commission, point 24 supra, point 43, et la jurisprudence citée, point 44).

28      Eu égard au libellé de l’article 18, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003, à sa finalité et conformément à la jurisprudence rappelée aux points 24 à 27 ci-dessus, il y a lieu de considérer que les pouvoirs d’enquête qui sont prévus par cette disposition ne sont subordonnés qu’à l’exigence de la nécessité des renseignements demandés, appréciée par la Commission, aux fins de vérifier les présomptions d’infraction qui justifient la conduite de l’enquête.

29      Dans ces conditions, il doit être conclu que la Commission est en droit d’adresser une décision au titre de l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003, à une entreprise dès lors que celle-ci est à même de fournir des renseignements qui s’avéreraient nécessaires aux fins de vérifier lesdites présomptions d’infractions.

30      Or la qualification que la requérante s’attribue de « simple holding financière » n’ôte rien au fait que certaines de ses filiales – au nombre desquelles figure Italcementi –, sont actives sur les marchés du ciment et des produits connexes visés par les présomptions d’infraction que la Commission entend vérifier. La Commission pouvait dès lors raisonnablement considérer que les renseignements qu’elle cherchait à obtenir étaient en possession de la requérante ou d’entreprises sur lesquelles elle était à même d’exercer un contrôle. Partant, en s’adressant à la requérante aux fins de lui imposer, ainsi qu’à ses filiales situées dans l’Union et contrôlées directement ou indirectement par elle, de fournir les renseignements visés par l’annexe I de la décision attaquée, la Commission n’a pas violé l’article 18, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003.

31      En outre, force est de constater que l’impossibilité éventuelle d’imputer à la requérante le comportement anticoncurrentiel de ses filiales – au motif que celles-ci détermineraient de façon autonome leur comportement sur le marché – n’est pas pertinente. Celle-ci peut effectivement résulter d’une analyse au fond d’une affaire, mais ne permet pas d’interdire à la Commission d’ordonner la fourniture de renseignements, dont l’objet est justement de déterminer le rôle exact des entreprises concernées dans l’infraction en cause. La jurisprudence n’exige pas, en effet, qu’une qualification juridique rigoureuse des infractions présumées soit effectuée dans une décision de demande de renseignements adoptée au titre de l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003 (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 8 mars 2007, France Télécom/Commission, T‑340/04, Rec. p. II‑573, point 63).

32      Il convient, dès lors, de rejeter cette première branche du moyen.

 Sur la deuxième branche du moyen, tirée d’une violation des principes du contradictoire ainsi que de la confiance légitime

33      La requérante allègue que la décision attaquée a été adoptée en violation des principes du contradictoire et de la confiance légitime.

34      Le Tribunal relève que la présente argumentation repose sur la prémisse que la décision attaquée constitue le premier acte notifié à la requérante, l’ensemble des actes et communications antérieurs de la Commission ayant visé Italcementi. Ainsi, en substance, en notifiant à la requérante la décision attaquée dans ces circonstances, la Commission l’aurait privée de son droit d’être entendue avant qu’une décision ne soit prise à son égard.

35      Il ressort de la jurisprudence de la Cour que le principe du contradictoire, qui constitue un principe fondamental du droit de l’Union faisant, en particulier, partie des droits de la défense, exige que l’entreprise concernée ait été mise en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances allégués ainsi que sur les documents retenus par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence d’une infraction au traité FUE (arrêt de la Cour du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, Rec. p. I‑4951 point 61).

36      Il convient cependant de rappeler que l’exercice des droits de la défense s’inscrit principalement dans le cadre des procédures judiciaires ou administratives visant à faire cesser une infraction ou à constater une incompatibilité légale. En revanche, l’article 18 du règlement n° 1/2003 ne vise pas à faire cesser une infraction ou à constater une incompatibilité légale, mais a uniquement pour objet de permettre à la Commission de recueillir la documentation nécessaire pour vérifier la réalité et la portée d’une situation de fait et de droit déterminée. C’est uniquement si la Commission estime que les éléments d’appréciation ainsi réunis justifient l’adoption d’une décision constatant une infraction que l’entreprise concernée doit, avant qu’une telle décision ne soit prise, être entendue, en application de l’article 27, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003. C’est précisément cette différence substantielle entre les décisions prises à l’issue d’une telle procédure et les décisions de vérification qui explique la teneur de l’article 27, paragraphe 1, lequel, en énumérant les décisions que la Commission ne peut prendre avant d’avoir donné aux intéressés la possibilité d’exercer leur droit de la défense, ne mentionne pas celle prévue à l’article 18, paragraphe 3, du même règlement (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 26 juin 1980, National Panasonic/Commission, 136/79, Rec. p. 2033, point 21).

37      Il s’en déduit nécessairement que, s’il peut être souhaitable et utile selon les circonstances que la Commission donne aux entreprises concernées la possibilité de présenter leurs observations sur un projet de décision de demande de renseignements qu’elle entend adopter au titre de l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003, elle n’est soumise à aucune obligation de le faire.

38      Partant, n’étant pas tenue de consulter la requérante préalablement à l’adoption de la décision attaquée, il ne saurait être fait grief à la Commission d’avoir manqué à ses obligations au titre du principe du contradictoire.

39      De plus, il convient de rappeler que l’article 18, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003 se différencie de l’article 11, paragraphe 5, du règlement n° 17, en ce qu’il permet à la Commission de demander des renseignements « par simple demande ou par voie de décision », sans que cette disposition subordonne l’adoption d’une décision à une « simple demande » préalable. Or force est de constater qu’imposer à la Commission de donner aux entreprises concernées la possibilité de présenter leurs observations sur un projet de décision de demande de renseignements aboutirait à priver d’effet cette modification législative.

40       La requérante fait valoir, en outre, que la notification de l’ensemble des actes et communications antérieurs à Italcementi a fait naître en elle une confiance légitime dans le fait qu’Italcementi serait le sujet de droit visé par une décision au titre de l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003.

41      Le droit de se prévaloir de la protection de la confiance légitime s’étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration de l’Union, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître chez lui des espérances fondées [arrêt de la Cour du 15 juillet 2004, Di Lenardo et Dilexport, C‑37/02 et C‑38/02, Rec. p. I‑6911, point 70 ; arrêts du Tribunal du 17 décembre 1998, Embassy Limousines & Services/Parlement, T‑203/96, Rec. p. II‑4239, point 74, et du 15 novembre 2007, Enercon/OHMI (Convertisseur d’énergie éolienne), T‑71/06, non publié au Recueil, point 36].

42      En revanche, une personne ne peut invoquer une violation du principe de protection de la confiance légitime en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration (arrêts du Tribunal du 14 septembre 1995, Lefebvre e.a./Commission, T‑571/93, Rec. p. II‑2379, point 72, et du 29 janvier 1998, Dubois et Fils/Conseil et Commission, T‑113/96, Rec. p. II‑125, point 68). Constituent de telles assurances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués, des renseignements précis, inconditionnels et concordants, émanant de sources autorisées et fiables (arrêt du Tribunal du 21 juillet 1998, Mellett/Cour de justice, T‑66/96 et T‑221/97, RecFP p. I‑A‑449 et II‑1305, points 104 et 107).

43      Certes, la circonstance qu’Italcementi ait été le destinataire de différentes communications antérieures de la Commission – et notamment du projet de questionnaire – a pu amener la requérante à considérer qu’elle ne serait pas destinataire d’une décision de demande de renseignements au titre de l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003.

44      Une telle déduction ne saurait cependant être considérée comme dérivant d’assurances précises au sens de la jurisprudence citée au point 42 ci-dessus, cela d’autant plus que, antérieurement à l’adoption de la décision attaquée, la Commission a informé la requérante, le 6 décembre 2010, qu’elle avait décidé d’ouvrir une procédure au titre de l’article 11, paragraphe 6, du règlement n° 1/2003 à son égard.

45      Il convient donc de conclure que la requérante ne peut se prévaloir, dans les circonstances de l’espèce, de la protection de sa confiance légitime.

46      La deuxième branche du moyen encourt donc également le rejet.

 Sur la troisième branche du moyen, tirée d’une violation du principe de non-discrimination

47      La requérante reproche à la Commission d’avoir violé le principe de non-discrimination, en ce que, parmi les huit groupes cimentiers visés par la procédure 39520, elle serait la seule holding financière à s’être vu adresser une décision de demande de renseignements.

48      Il convient de rappeler que l’objectif visé par l’article 18 du règlement n° 1/2003 est de permettre à la Commission d’obtenir les renseignements qui lui sont nécessaires pour vérifier les présomptions d’infraction qui justifient la conduite de l’enquête.

49      Or, force est de constater que la circonstance alléguée par la requérante, à savoir qu’elle serait la seule holding financière à s’être vu adresser une décision de demande de renseignements, ne permet pas de conclure qu’elle se trouve dans une situation différente de celle des autres entreprises visées par des décisions de demande de renseignements dans le cadre de la procédure 39520, dès lors que certaines de ses filiales sont actives sur les marchés visés par l’enquête de la Commission.

50      Il convient, partant, de rejeter cette troisième branche du moyen et, par voie de conséquence, le moyen dans son ensemble.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

51      La requérante reproche à la Commission d’avoir violé l’article 296, deuxième alinéa, TFUE en ne motivant pas à suffisance de droit la décision attaquée et, partant, d’avoir également violé ses droits de la défense. Elle souligne l’absence d’explicitation des raisons justifiant le choix de recourir à une décision au titre de l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003, l’insuffisance de motivation de l’objet et du but de la décision attaquée ainsi que de la nécessité des renseignements demandés. Elle met en exergue le caractère laconique et vague des mentions figurant dans la décision attaquée et notamment de la définition des présomptions d’infraction, ce qui l’empêche d’apprécier la nécessité des renseignements demandés. Elle ajoute que, à défaut d’explications spécifiques, la nécessité de renseignements d’ordre exclusivement économique portant sur une longue durée et un territoire très étendu, aux fins d’établir l’existence d’un infraction, ne peut être comprise.

52      La Commission soutient que la décision attaquée est motivée à suffisance de droit.

53      L’obligation de motiver une décision individuelle a pour but de permettre au juge d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision et de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est bien fondée ou si elle est éventuellement entachée d’un vice permettant d’en contester la validité, étant précisé que la portée de cette obligation dépend de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt de la Cour du 25 octobre 1984, Interfacultair Instituut Electronenmicroscopie der Rijksuniversiteit te Groningen, 185/83, Rec. p. 3623, point 38 ; arrêts du Tribunal du 15 juin 2005, Corsica Ferries France/Commission, T‑349/03, Rec. p. II‑2197, points 62 et 63, et du 12 juillet 2007, CB/Commission, T‑266/03, non publié au Recueil, point 35).

54      En application d’une jurisprudence bien établie, les éléments essentiels de la motivation d’une décision de demande de renseignements sont définis par l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003 lui-même (voir arrêt Slovak Telekom/Commission, point 24 supra, points 76 et 77, et la jurisprudence citée).

55      L’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003 prévoit que la Commission « indique la base juridique et le but de la demande, précise les renseignements demandés et fixe le délai dans lequel ils doivent être fournis ». L’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003 précise, en outre, que la Commission « indique également les sanctions prévues à l’article 23 », qu’elle « indique ou inflige les sanctions prévues à l’article 24 » et qu’« elle indique encore le droit de recours ouvert devant la Cour de justice contre la décision ».

56      Cette délimitation de l’obligation de motivation s’explique par le caractère de mesure d’instruction des décisions de demande de renseignements.

57      Il convient, en effet, de garder à l’esprit que la procédure administrative au titre du règlement n° 1/2003, qui se déroule devant la Commission, se subdivise en deux phases distinctes et successives dont chacune répond à une logique interne propre, à savoir une phase d’instruction préliminaire, d’une part, et une phase contradictoire, d’autre part. La phase d’instruction préliminaire, durant laquelle la Commission fait usage des pouvoirs d’instruction prévus par le règlement n° 1/2003 et qui s’étend jusqu’à la communication des griefs, est destinée à permettre à la Commission de rassembler tous les éléments pertinents confirmant ou non l’existence d’une infraction aux règles de concurrence et de prendre une première position sur l’orientation ainsi que sur la suite ultérieure à réserver à la procédure. En revanche, la phase contradictoire, qui s’étend de la communication des griefs à l’adoption de la décision finale, doit permettre à la Commission de se prononcer définitivement sur l’infraction reprochée (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, AC-Treuhand/Commission, T‑99/04, Rec. p. II‑1501, point 47).

58      D’une part, s’agissant de la phase d’instruction préliminaire, elle a pour point de départ la date à laquelle la Commission, dans l’exercice des pouvoirs qui lui sont conférés par les articles 18 et 20 du règlement n° 1/2003, prend des mesures impliquant le reproche d’avoir commis une infraction et entraînant des répercussions importantes sur la situation des entreprises suspectées. D’autre part, ce n’est qu’au début de la phase contradictoire administrative que l’entreprise concernée est informée, moyennant la communication des griefs, de tous les éléments essentiels sur lesquels la Commission se fonde à ce stade de la procédure et que cette entreprise dispose d’un droit d’accès au dossier afin de garantir l’exercice effectif de ses droits de la défense. Par conséquent, c’est seulement après l’envoi de la communication des griefs que l’entreprise concernée peut pleinement se prévaloir de ses droits de la défense. En effet, si ces droits étaient étendus à la phase précédant l’envoi de la communication des griefs, l’efficacité de l’enquête de la Commission serait compromise, puisque l’entreprise concernée serait, déjà lors de la phase d’instruction préliminaire, en mesure d’identifier les informations qui sont connues de la Commission et, partant, celles qui peuvent encore lui être cachées (voir, en ce sens, arrêt AC-Treuhand/Commission, point 57 supra, point 48, et la jurisprudence citée).

59      Toutefois, les mesures d’instruction prises par la Commission au cours de la phase d’instruction préliminaire, notamment les mesures de vérification et les demandes de renseignements, impliquent par nature le reproche d’une infraction et sont susceptibles d’avoir des répercussions importantes sur la situation des entreprises suspectées. Partant, il importe d’éviter que les droits de la défense puissent être irrémédiablement compromis au cours de cette phase de la procédure administrative dès lors que les mesures d’instruction prises peuvent avoir un caractère déterminant pour l’établissement de preuves du caractère illégal de comportements d’entreprises de nature à engager leur responsabilité (voir, en ce sens, arrêt AC-Treuhand/Commission, point 57 supra, points 50 et 51, et arrêt de la Cour du 21 septembre 1989, Hoechst/Commission, 46/87 et 227/88, Rec. p. 2859, point 15).

60      Dans ce contexte, il convient de rappeler que l’obligation imposée par l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003 à la Commission d’indiquer la base juridique et le but de la demande de renseignements constitue une exigence fondamentale en vue de faire apparaître le caractère justifié des informations sollicitées auprès des entreprises concernées, mais aussi de mettre celles-ci en mesure de saisir la portée de leur devoir de collaboration tout en préservant en même temps leurs droits de la défense. Il en découle que seule peut être requise par la Commission la communication de renseignements susceptibles de lui permettre de vérifier les présomptions d’infraction qui justifient la conduite de l’enquête et qui sont indiquées dans la demande de renseignements (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du Tribunal du 12 décembre 1991, SEP/Commission, T‑39/90, Rec. p. II‑1497, point 25, et du 8 mars 1995, Société Générale/Commission, T‑34/93, Rec. p. II‑545, point 40).

61      Ainsi que l’avocat général M. Jacobs l’a souligné au point 30 de ses conclusions sous l’arrêt de la Cour du 19 mai 1994, SEP/Commission (C‑36/92 P, Rec. p. I‑1911, I‑1914), l’obligation d’indiquer le but de la demande signifie « évidemment [que la Commission] doit identifier l’infraction alléguée aux règles de concurrence », « [l]e caractère nécessaire du renseignement doit être apprécié par rapport au but mentionné dans la demande de renseignements » et « [l]e but doit être indiqué avec suffisamment de précision, sans quoi il serait impossible de déterminer si le renseignement est nécessaire et la Cour ne pourrait pas exercer son contrôle ».

62      Il résulte également d’une jurisprudence constante que la Commission n’est pas tenue de communiquer au destinataire d’une telle décision toutes les informations dont elle dispose à propos d’infractions présumées, ni de procéder à une qualification juridique rigoureuse de ces infractions, mais qu’elle doit indiquer clairement les présomptions qu’elle entend vérifier (arrêts Société Générale/Commission, point 60 supra, points 62 et 63, et Slovak Telekom/Commission, point 24 supra, point 77).

63      Il ne saurait cependant être imposé à la Commission d’indiquer, au stade de la phase d’instruction préliminaire, outre les présomptions d’infraction qu’elle entend vérifier, les indices, c’est-à-dire les éléments la conduisant à envisager l’hypothèse d’une violation de l’article 101 TFUE. En effet, une telle obligation remettrait en cause l’équilibre que la jurisprudence établit entre la préservation de l’efficacité de l’enquête et la préservation des droits de la défense de l’entreprise concernée.

64      En l’espèce, il est clairement indiqué dans la décision attaquée qu’elle est adoptée sur le fondement de l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003 et que les pratiques sous investigation pourraient constituer une violation de l’article 101 TFUE. Ses considérants 10 et 11 se réfèrent expressément aux sanctions et au droit de recours visés au point 55 ci-dessus.

65      Le caractère suffisamment motivé ou non de la décision attaquée dépend donc exclusivement du point de savoir si les présomptions d’infraction que la Commission entend vérifier sont précisées avec suffisamment de clarté.

66      La motivation de la décision attaquée sur ce point est constituée par la mention figurant au considérant 2 de la décision attaquée selon laquelle « [l]es infractions présumées concernent des restrictions des flux commerciaux dans l’Espace économique européen (EEE), y compris des restrictions d’importations dans l’EEE en provenance de pays extérieurs à l’EEE, des répartitions de marchés, des coordinations des prix et des pratiques anticoncurrentielles connexes sur le marché du ciment et les marchés des produits connexes ».

67      Par ailleurs, la décision attaquée renvoie explicitement à la décision d’ouverture de la procédure mentionnée au point 4 ci-dessus, laquelle contient des informations supplémentaires sur l’étendue géographique des présomptions d’infraction ainsi que sur le type de produits visés.

68      Le Tribunal relève que la motivation de la décision attaquée est rédigée en des termes très généraux qui auraient mérité d’être précisés et encourt donc la critique à cet égard. Il peut néanmoins être considéré que la référence à des restrictions d’importations dans l’Espace économique européen (EEE), à des répartitions de marchés ainsi qu’à des coordinations des prix sur le marché du ciment et les marchés des produits connexes, lue en combinaison avec la décision d’ouverture de la procédure, équivaut au degré minimal de clarté permettant de conclure au respect des prescriptions de l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003.

69      Il doit en être déduit que la décision attaquée est motivée à suffisance de droit.

70      Cette conclusion n’est pas infirmée par la critique de la requérante tirée de l’absence de motivation de la nécessité des renseignements demandés. Il suffit de souligner que la Commission n’est pas tenue, en application de l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003, de fournir une motivation spécifique sur ce point. C’est, en effet, au travers de l’indication des présomptions d’infraction que l’entreprise concernée peut apprécier la nécessité des renseignements demandés et, le cas échéant, contester la décision de demande de renseignements devant le Tribunal.

71      En ce qui concerne la critique de la requérante portant sur l’absence d’explication des raisons justifiant le choix de recourir à une décision de demande de renseignements, il suffit de souligner que l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003 n’impose pas non plus à la Commission d’exposer le motif pour lequel elle a décidé de recourir à une décision plutôt qu’à une simple demande de renseignements.

72      Le quatrième moyen doit, par conséquent, être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de ce que la Commission aurait agi ultra vires en adoptant la décision attaquée

73      La requérante estime que la Commission n’avait pas le pouvoir d’adopter la décision attaquée, à défaut d’indices tendant à démontrer l’existence d’une infraction à l’article 101 TFUE, ce qui serait attesté par le caractère particulièrement large et imprécis de l’enquête ouverte par la Commission et l’ampleur des renseignements demandés. Ainsi, la Commission aurait agi illégalement en adoptant une décision de demande de renseignements dépourvue de toute précision quant aux comportements concrets auxquels ladite décision se référait.

74      La Commission conclut au rejet de ce moyen.

75      Le Tribunal relève que, pour autant que le présent moyen conteste le caractère prétendument imprécis des explicitations fournies dans la décision attaquée, il se confond avec l’argumentation présentée dans le cadre du quatrième moyen, tiré d’une insuffisance de motivation de la décision attaquée, et doit, dès lors, être rejeté pour les raisons exposées aux points 52 à 70 ci-dessus.

76      Force est de constater que le présent moyen pourrait également être compris comme contenant une critique de l’absence d’indices tendant à démontrer l’existence d’une infraction au droit de la concurrence en la possession de la Commission préalablement à l’adoption de la décision attaquée et, partant, comme une contestation du caractère arbitraire de la décision attaquée. Au soutien de son argumentation, la requérante semble faire valoir que la quantité de renseignements demandés donnerait l’impression que la décision attaquée revêt un caractère exploratoire.

77      Il est, certes, exact que l’exigence d’une protection contre des interventions de la puissance publique dans la sphère d’activité privée d’une personne, qu’elle soit physique ou morale, qui seraient arbitraires ou disproportionnées, constitue un principe général du droit de l’Union (arrêts Slovak Telekom/Commission, point 24 supra, point 81).

78      Cependant, l’éventuel caractère arbitraire de la décision attaquée ne saurait être établi en fonction de l’étendue de la demande de renseignements, la Commission pouvant légitiment conduire une enquête disposant d’un large champ d’investigation, dès lors qu’elle est en possession d’indices suffisamment sérieux de la participation de l’entreprise aux différentes présomptions d’infractions qu’elle entend vérifier. Il importe, en effet, que la décision de demande de renseignements vise à recueillir la documentation nécessaire pour vérifier la réalité et la portée de situations de fait et de droit déterminées à propos desquelles la Commission dispose déjà d’informations, faute de quoi elle méconnaîtrait le principe général mentionné au point 77 ci-dessus.

79      Ainsi, à défaut d’une demande explicite et motivée de la requérante, il n’y a pas lieu pour le Tribunal de vérifier de sa propre initiative, et sur la seule base de l’allégation générale tirée du caractère large de la demande de renseignements, si la Commission disposait d’indices suffisamment sérieux justifiant l’adoption de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 mars 2013, Viega/Commission C‑276/11 P, non publié au Recueil, points 41 à 43).

80      Le présent moyen doit, dès lors, être rejeté.

  Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité

81      La requérante soutient que la Commission a violé le principe de proportionnalité à l’occasion de l’adoption de la décision attaquée. Elle fait valoir que, en l’absence de renseignements suffisamment détaillés quant à l’existence d’une infraction, l’adoption d’une décision au titre de l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003 n’apparaît pas approprié, la Commission devant plutôt intervenir par le biais d’une enquête sectorielle au titre de l’article 17 de ce même règlement. Elle allègue également que la Commission n’a pas correctement mis en balance l’intérêt à effectuer l’enquête et le préjudice causé aux entreprises concernées, au vu du caractère manifestement excessif de la charge de travail impliquée par la décision attaquée qui impose d’obtenir, d’inventorier et de transmettre un nombre particulièrement important de renseignements sous un format très contraignant – alors que certains de ces renseignements relèvent du domaine public ou pouvaient directement être obtenus par la Commission –, et ce dans un contexte d’imprécision, le contenu et la portée de ses questions ayant été constamment modifiés. Enfin, elle considère que la décision attaquée ne satisfait pas à l’exigence de nécessité en ce qu’un examen complet des renseignements fournis à la suite des demandes effectuées au titre de l’article 18, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 ainsi que, le cas échéant, l’envoi d’une autre demande sur ce fondement auraient permis à la Commission d’obtenir une réponse complète, cohérente et consolidée.

82      La Commission conclut au rejet du présent moyen.

83      Il ressort d’une jurisprudence constante que le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes des institutions ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante, et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (arrêt de la Cour du 12 juillet 2001, Jippes e.a., C‑189/01, Rec. p. I‑5689, point 81).

84      En premier lieu, la requérante conteste le caractère approprié de l’adoption d’une décision de demande de renseignements en lieu et place d’une enquête sectorielle sur la base de l’article 17 de ce même règlement.

85      Le contrôle du caractère approprié de la décision attaquée implique de vérifier qu’elle soit apte à réaliser l’objectif visé (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 13 décembre 2012, Maatschap L.A. en D.A.B. Langestraat en P. Langestraat-Troost, C‑11/12, non encore publié au Recueil, point 39, et la jurisprudence citée).

86      Le Tribunal relève que la contestation du caractère approprié de la décision attaquée repose sur le postulat que la Commission ne serait pas en possession d’indices révélateurs de l’existence d’une infraction. Toutefois, pour les raisons exposées aux points 78 et 79 ci-dessus, un tel postulat ne saurait être considéré comme établi.

87      En outre, il n’est pas inutile de souligner que le recours à une enquête sectorielle au titre de l’article 17 du règlement n° 1/2003 ne revêtirait pas nécessairement un caractère moins contraignant pour la requérante qu’une décision de demande de renseignements adoptée au titre de l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003. En effet, en application de l’article 23, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1/2003, la Commission est en droit d’infliger une amende en cas de fourniture d’un renseignement inexact, incomplet ou dénaturé ou si la requérante ne fournit pas un renseignement dans le délai prescrit, à la suite d’une décision prise sur le fondement de l’article 17 du règlement n° 1/2003. Il en va de même de la possibilité d’infliger des astreintes en application de l’article 24, paragraphe 1, sous d), de ce même règlement. La Commission dispose, dès lors, de moyens de coercition identiques dans le cadre des procédures de l’article 17 et de l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003.

88      En deuxième lieu, la requérante conteste le caractère nécessaire de la décision attaquée, au motif que, dans les circonstances de l’espèce, la Commission aurait dû rechercher les renseignements manquants ou nouveaux par la voie d’une simple demande au titre de l’article 18, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003.

89      Certes, le choix que la Commission doit opérer entre une simple demande de renseignements au titre de l’article 18, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 et une décision de demande de renseignements au titre de l’article 18, paragraphe 3, relève du contrôle de proportionnalité. Cela ressort nécessairement de la définition même du principe de proportionnalité figurant au point 83 ci-dessus, en ce qu’il y est mentionné que, « lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante ». De même, il peut être observé que le choix offert à la Commission par l’article 18, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003 présente une analogie certaine avec celui existant entre la vérification par simple mandat et la vérification ordonnée par voie de décision sous l’empire de l’article 14 du règlement n° 17 et de l’article 20 du règlement n° 1/2003. Or l’exercice de ce choix fait l’objet d’un contrôle par le juge de l’Union au titre du principe de proportionnalité (arrêts de la Cour National Panasonic/Commission, point 36 supra, point 29, et du 22 octobre 2002, Roquette Frères, C‑94/00, Rec. p. I‑9011, point 77 ; arrêt France Télécom/Commission, point 31 supra, point 147).

90      Au vu de l’approche privilégiée dans la jurisprudence à l’égard du contrôle de proportionnalité du recours à une vérification ordonnée par voie de décision, il apparaît qu’un tel contrôle, à l’égard du choix à opérer entre une simple demande de renseignements et une décision, doit dépendre des nécessités d’une instruction adéquate, eu égard aux particularités de l’espèce (arrêts National Panasonic/Commission, point 36 supra, point 29 ; Roquette Frères, point 89 supra, point 77, et France Télécom/Commission, point 31 supra, point 147).

91      À cet égard, il convient de prendre en compte la circonstance que la décision attaquée s’inscrit dans le cadre d’une enquête portant sur des pratiques restrictives de concurrence impliquant, outre la requérante, sept autres groupes d’entreprises actives dans le secteur cimentier.

92      Une décision se distingue d’une simple demande de renseignements par le fait qu’il est possible à la Commission d’infliger une amende ou des astreintes en cas de fourniture de renseignements incomplets ou tardifs, en application, respectivement, de l’article 23, paragraphe 1, sous b), et de l’article 24, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 1/2003.

93      Au vu de la quantité des renseignements à recueillir et à recouper, il n’apparaît ni inapproprié ni démesuré de la part de la Commission de procéder directement à l’égard de la requérante par le biais de l’instrument juridique lui offrant la plus grande assurance que celle-ci fournira une réponse complète et dans les délais.

94      Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que la décision attaquée ne revêt pas un caractère nécessaire, en raison de la possibilité offerte à la Commission de procéder par la voie d’une simple demande au titre de l’article 18, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003.

95      En troisième lieu, la requérante met en exergue le caractère manifestement démesuré de la charge de travail impliquée par la réponse à la décision attaquée.

96      En application de la jurisprudence citée au point 83 ci-dessus, pour qu’un acte soit conforme au principe de proportionnalité il ne suffit pas qu’il dispose d’un caractère approprié et nécessaire, il convient également qu’il ne cause pas d’inconvénients démesurés par rapport aux buts visés.

97      À l’égard des demandes de renseignements, cette exigence est rappelée par la jurisprudence constante selon laquelle, pour qu’une décision de demande de renseignements respecte le principe de proportionnalité, il ne suffit pas que l’information demandée soit liée à l’objet de l’enquête. Il importe également que l’obligation de fournir un renseignement, imposée à une entreprise, ne représente pas pour cette dernière une charge disproportionnée par rapport aux nécessités de l’enquête (arrêt du 12 décembre 1991, SEP/Commission, point 60 supra, point 51).

98      En l’espèce, ne sauraient, certes, être valablement contestés l’importance des renseignements demandés au titre du questionnaire ainsi que son degré très élevé de précision. Il en résulte indéniablement que la réponse à ce questionnaire a impliqué une charge de travail particulièrement importante.

99      Il ne saurait, cependant, être conclu que cette charge de travail revêt un caractère démesuré au vu des nécessités de l’enquête liées notamment aux présomptions d’infraction que la Commission entend vérifier et aux circonstances de la présente procédure.

100    À cet égard, il convient de rappeler que la décision attaquée s’inscrit dans une procédure visant « des restrictions des flux commerciaux dans l’Espace économique européen (EEE), y compris des restrictions d’importations dans l’EEE en provenance de pays extérieurs à l’EEE, des répartitions de marchés, des coordinations des prix et des pratiques anticoncurrentielles connexes sur le marché du ciment et les marchés des produits connexes ». Elle dispose, partant, d’un champ d’application large de nature à justifier la fourniture d’un nombre élevé de renseignements.

101    En outre, la circonstance relevée au point 93 ci-dessus, tirée du nombre important de groupes de sociétés visés par l’enquête de la Commission est également de nature à justifier que la Commission impose la fourniture de renseignements sous un format contraignant même si cela est à l’origine d’une charge de travail particulièrement importante pour les entreprises concernés.

102    Cette conclusion n’est pas infirmée par les différents arguments présentés par la requérante, tirés de ce que la Commission n’aurait pas entièrement analysé les réponses antérieures d’Italcementi avant de lui adresser la décision attaquée et aurait imposé la communication de renseignements qui étaient déjà en sa possession ou étaient aisément accessibles.

103    Par ces arguments, la requérante cherche à démontrer l’absence de nécessité des renseignements demandés et, partant, le caractère démesuré de la charge de travail impliquée par leur fourniture.

104    Premièrement, en ce qui concerne la contestation de la nécessité des renseignements demandés au motif qu’ils seraient déjà en possession de la Commission, il convient de relever qu’il est précisé au considérant 6 de la décision attaquée, que « [le questionnaire] prend en compte dans la mesure nécessaire les réponses aux lettres mentionnées au [considérant 4] de la présente décision et les soumissions effectuées par les entreprises sous investigation tout au long de l’enquête ». Le considérant 6 indique également que « [c]ertains renseignements ont déjà été réclamés à Italcementi en vertu de l’article 18, paragraphe 2, mais le sont à nouveau dans l’annexe 1 en vue d’obtenir une réponse exhaustive, cohérente et consolidée ». Il ajoute que, « [e]n outre, au questionnaire […] sont demandés des renseignements supplémentaires également nécessaires pour pouvoir apprécier la compatibilité des pratiques sous investigation avec les règles de concurrence de l’UE en ayant pleinement connaissance des faits et de leur contexte économique exact ».

105    Il en découle que la Commission avance essentiellement deux justifications au soutien de sa demande de renseignements : d’une part, la volonté « d’obtenir une réponse exhaustive, cohérente et consolidée » et, d’autre part, la recherche de renseignements supplémentaires par rapport à ceux fournis antérieurement.

106    En ce qui concerne la première justification avancée par la Commission, force est de constater que la décision attaquée semble effectivement avoir été, au moins en partie, adoptée aux fins d’obtenir, notamment, de la requérante une version consolidée des réponses antérieures fournies par Italcementi.

107    À cet égard, il convient d’observer que les questions 1A, 1Ei) à 1Eiii), 1F, 2 à 5, 9A, 9B et 10 de l’annexe I de la décision attaquée disposent d’un objet proche, respectivement, de celui des questions 8, 31, 39, 10, 18, 17, 28, de la question 40, sous a) et b), et de la question 7 du questionnaire initial adressé à Italcementi.

108    Il convient, en outre, de relever, ainsi que la Commission l’a admis lors de l’audience, que les dix premières questions du questionnaire figurant à l’annexe I de la décision attaquée sont identiques à celles figurant en annexe aux décisions adressées aux sept autres entreprises concernées par la procédure mentionnée au point 4 ci-dessus. Il ne peut qu’en être déduit que la Commission n’a pas procédé à une individualisation des questions adressées à chacune des entreprises concernées, en fonction du degré de précision et de la qualité des réponses antérieures.

109    Partant, il pourrait être considéré que la décision attaquée a, au moins en partie, pour objectif d’obtenir une version consolidée des renseignements antérieurement fournis. Cette impression est renforcée par le caractère excessivement précis des prescriptions du questionnaire relatives à la forme sous laquelle les réponses doivent être présentées. Il y a donc indéniablement une volonté de la Commission d’obtenir des réponses sous un format permettant une plus grande facilité dans la comparaison des données recueillies auprès des entreprises concernées.

110    Il convient cependant de rappeler que le Tribunal, dans son arrêt du 30 septembre 2003, Atlantic Container Line e.a./Commission (T‑191/98, T‑212/98 à T‑214/98, Rec. p. II‑3275, point 425), a souligné que des demandes de renseignements visant à obtenir des informations sur un document déjà en possession de la Commission ne pouvaient être considérées comme justifiées par les nécessités de l’enquête.

111    Ainsi, il doit être déduit de la jurisprudence citée aux points 95 et 110 ci-dessus qu’une décision imposant au destinataire de fournir à nouveau des renseignements antérieurement demandés au motif que certains d’entre eux seulement seraient, de l’avis de la Commission, incorrects pourrait apparaître comme représentant une charge démesurée par rapport aux nécessités de l’enquête. Il est en effet loisible à la Commission, dans une telle configuration, de cerner avec précision les informations qu’elle estime devoir être corrigées par l’entreprise concernée.

112    De même, la recherche d’une facilité de traitement des réponses fournies par les entreprises ne saurait justifier qu’il soit imposé audites entreprises de fournir sous un nouveau format des renseignements déjà en possession de la Commission. Si les entreprises sont sous une obligation de collaboration active, qui implique qu’elles tiennent à la disposition de la Commission tous les éléments d’information relatifs à l’objet de l’enquête (arrêts Orkem/Commission, point 27 supra, point 27, et Société Générale/Commission, point 60 supra, point 72), cette obligation de collaboration active ne saurait aller jusqu’à la mise en forme de renseignements déjà en possession de la Commission.

113    Il y a donc lieu, dans les circonstances de l’espèce, de vérifier le bien-fondé de la seconde justification avancée par la Commission, tirée de la nécessité d’obtenir des renseignements supplémentaires.

114    Au vu de la jurisprudence citée aux points 24 et 26 ci-dessus, il convient de considérer qu’une décision de la Commission demandant la fourniture de renseignements plus précis que ceux qui l’ont été jusqu’alors doit être considérée comme justifiée par les nécessités de l’enquête. En effet, la recherche de tous les éléments pertinents confirmant ou infirmant l’existence d’une infraction aux règles de concurrence peut impliquer que la Commission demande aux entreprises de préciser ou de détailler certains renseignements d’ordre factuel qui lui ont été précédemment communiqués.

115    À cet égard, il convient de relever que certaines questions concernent des renseignements non demandés au titre des demandes de renseignements antérieures. Il en est ainsi des séries de questions 1B, 1C, 1G, 6A, 6B, 7, 8A à 8C, 9C et 11.

116    En outre, en ce qui concerne les questions 1A, 1Ei) à 1Eiii), 1F, 2 à 5, 9A, 9B et 10 de l’annexe I de la décision attaquée, force est de constater qu’elles impliquent, en réalité, la fourniture d’informations supplémentaires par rapport à celles fournies au titre des demandes de renseignements antérieures, en ce qu’elles présentent un niveau de précision supérieur, en raison de la modification de leur champ d’application ou de l’ajout de variables supplémentaires.

117    Partant, il convient de conclure que la circonstance que le questionnaire constituant l’annexe I de la décision attaquée vise à obtenir soit de nouveaux renseignements, soit des renseignements plus détaillés est à même de justifier le caractère nécessaire des renseignements demandés.

118    Deuxièmement, en ce qui concerne la contestation de la nécessité de certains renseignements au motif qu’ils seraient accessibles à la Commission, la requérante observe qu’elle est obligée de fournir un certain nombre de codes postaux, d’évaluer certaines distances ou d’identifier le pays d’assujettissement à la TVA de ses acheteurs. Force est cependant de constater que les renseignements ne revêtent pas le caractère public allégué ou constituent le complément logique de renseignements en la seule possession de la requérante.

119    Au vu de ce qui précède il y a lieu de rejeter le présent moyen.

  Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation du principe du contradictoire

120    La requérante considère qu’elle disposait du droit d’être entendue avant l’adoption de la décision attaquée et qu’elle n’a pas été en mesure d’exercer ce droit en raison de la brièveté du délai de quelques jours, accordé par la Commission pour formuler des observations sur le projet de questionnaire. En outre, elle estime que le contenu de ce projet de questionnaire diffère de manière importante de celui de l’annexe I de la décision attaquée et en conclut que, s’agissant des nouveaux éléments figurant dans le questionnaire, les destinataires n’ont pas été en mesure de faire valoir leurs observations. Enfin, elle estime que les observations émises ont été ignorées par la Commission, notamment celles portant sur l’impossibilité de fournir une réponse à certaines questions. Elle en conclut que la décision attaquée n’a pas été adoptée à la suite d’une procédure contradictoire et que, dès lors, ses droits de la défense n’ont pas été respectés.

121    La Commission conclut au rejet du présent moyen.

122    Le Tribunal relève que, dans la mesure où le présent moyen repose sur le postulat que la requérante disposait du droit d’être entendue antérieurement à l’adoption de la décision attaquée, il doit d’emblée être rejeté pour des raisons analogues à celles décrites aux points 33 à 39 ci-dessus. En effet, la Commission n’étant sous aucune obligation de donner aux entreprises concernées la possibilité de présenter leurs observations sur un projet de décision de demande de renseignements qu’elle entend adopter au titre de l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003, les griefs portant sur la manière dont elle a organisé cette consultation sont manifestement dépourvus de fondement.

 Sur le sixième moyen, tiré d’une violation du principe de bonne administration

123    La requérante fait valoir que la Commission a manqué à ses obligations au titre du principe de bonne administration et que ce manquement a pu avoir des incidences sur la décision attaquée. Au soutien de ce moyen, elle se réfère à la duplication du travail ayant pour origine l’absence de coordination entre les demandes de renseignements adoptée au titre de l’article 18, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, le projet de questionnaire et la décision attaquée, aboutissant à poser sous des formats différents des questions essentiellement identiques. Elle met en exergue également la prolongation significative de la durée de l’instruction, au-delà des limites du raisonnable, qui en a résulté et ses incidences négatives pour les entreprises concernées, ainsi qu’une attitude générale de désintérêt de la Commission pour le respect du principe de bonne administration.

124    La Commission nie avoir violé le principe de bonne administration.

125    Il convient de rappeler que le considérant 37 du règlement n° 1/2003 précise que celui-ci « respecte les droits fondamentaux et les principes reconnus en particulier par la charte des droits fondamentaux » et qu’il « doit être interprété et appliqué dans le respect de ces droits et principes ». En outre, depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne a, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, TUE, la même valeur juridique que les traités.

126    L’article 41 de la charte des droits fondamentaux, intitulé « Droit à une bonne administration », dispose, en son paragraphe 1, que « [t]oute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l’Union ».

127    Selon la jurisprudence relative au principe de bonne administration, dans les cas où les institutions de l’Union disposent d’un pouvoir d’appréciation, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale. Parmi ces garanties figure, notamment, l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (arrêt de la Cour du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, Rec. p. I‑5469, point 14, et arrêt Atlantic Container Line e.a./Commission, point 110 supra, point 404).

128    En premier lieu, en ce qui concerne l’allégation tirée du caractère essentiellement identique des questions posées par la Commission, elle doit être rejetée pour des raisons analogues à celles mentionnées aux points 104 à 117 ci-dessus. En effet, le questionnaire, tout en disposant d’un objet proche de celui des demandes de renseignements antérieures, se différencie par le degré de précision de ses questions ou par la présence de nouvelles interrogations. En outre, il convient de relever que l’ampleur de l’enquête diligentée par la Commission et le nombre d’entreprises concernées ainsi que la technicité du marché de produits concerné sont à même de justifier que la Commission adopte successivement plusieurs demandes de renseignements se recoupant partiellement, sans violer le principe de bonne administration.

129    En second lieu, en ce qui concerne l’allégation tirée du caractère excessif de la durée de la procédure, il convient de rappeler que l’observation d’un délai raisonnable dans la conduite des procédures administratives en matière de politique de concurrence constitue un principe général du droit de l’Union dont le juge assure le respect (arrêt du Tribunal du 14 avril 2011, Visa Europe et Visa International Service/Commission, T‑461/07, Rec. p. II‑1729, point 231).

130    La violation de ce principe ne peut cependant conduire à l’annulation d’une décision qu’à condition qu’elle ait affecté la capacité des entreprises en cause à défendre leur position et, partant, ait porté atteinte à leurs droits de la défense (voir arrêt Visa Europe et Visa International Service/Commission, point 129 supra, point 232, et la jurisprudence citée).

131    S’agissant plus particulièrement d’une allégation tirée du caractère excessif de la phase d’instruction préliminaire, elle n’est susceptible d’entraîner l’annulation d’une décision qu’à condition que cette durée excessive ait pu avoir une incidence sur l’exercice des droits de la défense de l’entreprise concernée au cours de la seconde phase de la procédure administrative, à savoir après l’envoi de la communication des griefs (arrêt de la Cour du 21 septembre 2006, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, C‑105/04 P, Rec. p. I‑8725, points 48 à 51).

132    C’est donc à l’occasion d’un recours à l’encontre d’une éventuelle décision constatant une violation de l’article 101 TFUE à son égard qu’il appartiendra à la requérante d’invoquer le caractère excessif de la durée de la phase d’instruction préliminaire et de démontrer que cette durée excessive a été susceptible de faire obstacle à l’établissement de preuves visant à réfuter l’existence de comportements de nature à engager sa responsabilité.

133    Le sixième moyen doit, dès lors, être rejeté et, par voie de conséquence, le recours dans son entièreté.

  Sur les dépens

134    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Italmobiliare SpA est condamnée aux dépens.

Dittrich

Wiszniewska-Białecka

Prek

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 mars 2014.

Signatures

Table des matières


Faits à l’origine du litige et procédure

Conclusions des parties

En droit

Sur le premier moyen, tiré du caractère erroné de la désignation de la requérante comme destinataire de la décision attaquée

Sur la première branche du moyen, tiré d’une violation de l’article 18, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003

Sur la deuxième branche du moyen, tirée d’une violation des principes du contradictoire ainsi que de la confiance légitime

Sur la troisième branche du moyen, tirée d’une violation du principe de non-discrimination

Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

Sur le deuxième moyen, tiré de ce que la Commission aurait agi ultra vires en adoptant la décision attaquée

Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité

Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation du principe du contradictoire

Sur le sixième moyen, tiré d’une violation du principe de bonne administration

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’italien.