Language of document : ECLI:EU:T:2013:548

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (septième chambre)

1er octobre 2013(*)

« Recours en annulation – Financement par l’Union européenne de certains projets en Tunisie, dans le cadre du programme EuropeAid – Développement d’un système informatique intégré pour l’organisation judiciaire tunisienne – Recouvrement par la Commission des créances dues par un tiers à la Tunisie – Note de débit – Actes indissociables du contrat – Acte non susceptible de recours – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑554/11,

Evropaïki Dynamiki – Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE, établie à Athènes (Grèce), représentée par Mes N. Korogiannakis, M. Dermitzakis et N. Theologou, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. A. Bordes et Mme S. Bartelt, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision de la Commission refusant de procéder au règlement des sommes prétendument dues et exigeant le remboursement de la somme de 281 270,00 euros versée dans le cadre de l’exécution du contrat EuropeAid/124378/D/SER/TN (n° 2007/145-464), communiquée à la requérante par courrier daté du 8 août 2011 (C&F/2011/D/001101), ainsi que de la note de débit n° 3241108036 reçue par la requérante le 17 août 2011, et de toutes les décisions afférentes de la Commission,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé, lors du délibéré, de M. A. Dittrich (rapporteur), président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. M. Prek, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        En décembre 2005, la Communauté européenne et la République tunisienne ont conclu une convention de financement sur la base du règlement (CE) n° 1488/96 du Conseil, du 23 juillet 1996, relatif à des mesures d’accompagnement financières et techniques (Meda) à la réforme des structures économiques et sociales dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen (JO L 189, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) n° 2698/2000 du Conseil, du 27 novembre 2000 (JO L 311, p. 1). Cette convention avait pour objet le financement, par la Communauté, d’un projet relatif à la modernisation du système judiciaire en Tunisie.

2        Conformément à l’article 53 quater du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1, ci-après le « règlement financier »), tel que modifié par le règlement (CE) n°  1525/2007 du Conseil, du 17 décembre 2007 (JO L 343, p. 9), le projet relatif à la modernisation du système judiciaire en Tunisie a été mis en œuvre par la Commission des Communautés européennes en gestion décentralisée, ce qui signifie que les tâches d’exécution ont été déléguées à la République tunisienne. Il était prévu que le projet soit réalisé pour le compte de la République tunisienne par le ministère de la Justice et des Droits de l’homme tunisien (ci-après le « ministère de la Justice tunisien »).

3        La requérante est une société active dans le secteur des technologies de l’information.

4        En novembre 2007, à la suite d’un appel d’offres (EuropeAid/124378/D/SER/TN), le ministère de la Justice tunisien a attribué à la requérante le contrat n° 2007/145‑464 (ci-après le « contrat »), portant sur le développement d’un système d’information intégré pour le système judiciaire tunisien.

5        Selon l’article 29.1, option 1, des conditions générales du contrat, le pouvoir adjudicateur effectue les paiements intermédiaires semestriels éventuels ainsi que le paiement final sous certaines conditions, notamment la réception par le pouvoir adjudicateur d’une facture accompagnée d’un rapport d’avancement ou d’un rapport final et d’un rapport de vérification des dépenses sous réserve de l’approbation de ces derniers conformément à l’article 27 des conditions générales du contrat. En vertu de l’article 27.1 de ces conditions, l’approbation par le pouvoir adjudicateur des rapports et documents établis et transmis par le prestataire atteste leur conformité aux clauses contractuelles.

6        Conformément à l’article 31.1 des conditions générales du contrat, le titulaire s’engage à rembourser au pouvoir adjudicateur les montants qui lui auraient été versés en surplus par rapport au montant final dû.

7        La requérante a reçu une avance de 1 030 200 euros.

8        En avril 2008, le ministère de la Justice tunisien a gelé le contrat en raison d’un différend entre les parties. Une procédure de conciliation a eu lieu entre avril et juin 2008 devant la Commission, conformément à l’article 40 des conditions générales du contrat. Le projet a redémarré en juillet 2008. Le 19 novembre 2008, la requérante a émis un rapport d’avancement et une facture pour un montant de 493 500 EUR pour une première période semestrielle, de novembre 2007 à mai 2008.

9        Par lettre du 5 mars 2009, le ministère de la Justice tunisien a informé la délégation de l’Union européenne en Tunisie qu’il approuvait le rapport d’avancement à l’exception de certains services de la requérante. Par la suite, la Commission n’a remboursé à la requérante que 465 230 euros au lieu du montant de 493 500 euros demandé.

10      Pour une deuxième période semestrielle, de juin 2008 à novembre 2008, la requérante a émis une facture pour un montant de 1 133 080 euros. Par lettre du 15 octobre 2009, la délégation de l’Union en Tunisie a informé la requérante de la suspension du paiement de sa deuxième facture faute d’acceptation du rapport d’avancement par le ministère de la Justice tunisien en tant que pouvoir adjudicateur.

11      Pour une troisième période semestrielle, de décembre 2008 à mai 2009, la requérante a émis une facture pour un montant de 1 560 630 euros. En réponse, le ministère de la Justice tunisien a informé la requérante, par lettre du 22 octobre 2009, que le rapport d’avancement relatif à cette facture n’était pas accepté. Par la suite, la Commission n’a effectué aucun paiement au titre de cette facture.

12      Par lettres du 15 octobre et du 14 décembre 2009, adressées à la requérante, le ministère de la Justice tunisien a suspendu et enfin résilié le contrat en raison du non-respect, par la requérante, de ses obligations contractuelles.

13      Une nouvelle réunion de conciliation a été convoquée le 15 juin 2010 dans les locaux de la délégation de l’Union à Tunis. Par lettre du 29 juillet 2010, la Commission a mis fin à la procédure de conciliation en raison de l’impossibilité de parvenir à un règlement amiable.

14      Par lettre du 29 mars 2011, la délégation de l’Union en Tunisie a informé la requérante qu’elle entendait demander le recouvrement de la somme de 281 270 euros, correspondant à la différence entre les sommes reçues par la requérante (1 495 430 euros) et le montant accepté par le ministère de la Justice tunisien (1 214 160 euros).

15      Par lettre du 20 avril 2011, adressée à la délégation de l’Union en Tunisie, la requérante a observé que la somme fixée par le ministère de la Justice tunisien était arbitraire. En outre, elle a rappelé que le contrat avait la nature d’un « contrat à prix unitaire » et que, par conséquent, tous les services qu’elle avait fournis devaient être payés. La requérante a, dès lors, invité la Commission à lui verser les sommes impayées.

16      Dans sa réponse datée du 18 mai 2011, la délégation de l’Union en Tunisie a informé la requérante que c’était au ministère de la Justice tunisien qu’il revenait de réaliser l’estimation des montants exigibles et qu’il revenait à la requérante de faire valoir auprès de ce dernier sa position concernant les montants qui lui seraient dus.

17      Par courrier daté du 8 août 2011 (C&F/2011/D/001101), reçu par la requérante le 17 août 2011, la délégation de l’Union en Tunisie a fait parvenir à la requérante la note de débit n° 3241108036 (ci-après la « note de débit ») par laquelle un montant de 281 270 euros était réclamé à la requérante.

18      Le 17 août, la requérante a invité la Commission, par courrier électronique et par télécopie, à procéder au remboursement des sommes exigées par compensation des sommes dues à la requérante par ailleurs. Dans un courrier du 26 août 2011, la Commission a refusé de procéder ainsi et a invité la requérante à verser la somme exigée le 31 août 2011 au plus tard, indiquant qu’à défaut elle activerait une garantie bancaire de la requérante. Par transaction du 26 août 2011, la requérante a payé le montant de 281 270 euros.

 Procédure et conclusions des parties

19      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 octobre 2011, la requérante a introduit le présent recours.

20      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de la Commission de refus de procéder au règlement des sommes dues à la requérante dans le cadre de l’exécution du contrat EuropeAid-124378/D/SER/TN (n° 2007/145-464), communiquée à la requérante par courrier daté du 8 août 2011 (C&F/2011/D/001101), et la note de débit n° 3241108036, ainsi que toutes les décisions postérieures afférentes de la Commission ;

–        condamner la Commission à supporter les dépens et autres frais engagés par la requérante se rapportant au présent recours.

21      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter la demande de la requérante tendant à obtenir l’annulation de la note de débit adressée le 8 août 2011 par la Commission afin de recouvrer le montant de 281 270 euros comme irrecevable ou manifestement infondée ;

–        dans la mesure où la requérante accompagne son recours en annulation d’une demande de paiements prétendument exigibles, rejeter cette demande comme irrecevable ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

22      Conformément à l’article 113 de son règlement de procédure, le Tribunal peut, à tout moment, examiner, même d’office, les parties entendues, les fins de non-recevoir d’ordre public et statue, à cet effet, dans les mêmes conditions que celles prévues à l’article 114, paragraphes 3 et 4, dudit règlement.

23      En vertu de l’article 114, paragraphe 3, du règlement de procédure, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal.

24      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide qu’il n’y a pas lieu d’entendre les parties en leurs explications orales.

 Arguments des parties

25      Sans soulever formellement une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure, la Commission soutient, d’une part, que le recours en annulation est manifestement irrecevable car la note de débit s’inscrirait dans le cadre des relations contractuelles entre le ministère de la Justice tunisien et la requérante et ne figurait donc pas parmi les actes visés à l’article 288 TFUE, dont l’annulation peut être demandée au Tribunal.

26      Dans la mesure où la requérante demande au Tribunal d’annuler « la décision de refus d’exécution des paiements dus à la requérante », la Commission conteste, d’autre part, l’affirmation de la requérante que la note de débit comporte un élément se rapportant au refus d’un paiement prétendument exigible. Cette note ne comporterait pas une décision implicite de refus d’un paiement prétendument exigible. Un tel refus devrait faire l’objet d’une décision distincte de la Commission. À cet égard, la requérante n’aurait pas justifié sa requête.

27      La requérante considère que son recours est recevable. D’une part, la Commission ne pourrait en aucun cas être considérée comme une partie au contrat conclu avec le ministère de la Justice tunisien et le rôle joué par la Commission serait purement administratif. En outre, il serait incontestable que la note de débit a été adoptée sur la base du règlement financier et qu’il s’agit dès lors d’une décision susceptible de recours.

28      D’autre part, la requérante soutient que, en décidant dans la note de débit qu’elle devait rembourser la somme de 281 270 euros, la Commission a au moins pris une décision implicite par laquelle elle a refusé de procéder au règlement des sommes dues à la requérante.

 Appréciation du Tribunal

29      En vertu de l’article 263 TFUE, les juridictions de l’Union contrôlent la légalité des actes adoptés par les institutions destinés à produire des effets juridiques vis-à-vis des tiers, en modifiant de façon caractérisée leur situation juridique. Cette compétence ne concerne que les actes visés par l’article 288 TFUE que les institutions sont amenées à prendre dans les conditions prévues par le traité. En revanche, les actes adoptés par les institutions qui s’inscrivent dans un cadre purement contractuel dont ils sont indissociables ne figurent pas, en raison de leur nature même, au nombre des actes visés par l’article 288 TFUE, dont l’annulation peut être demandée à la juridiction de l’Union aux termes de l’article 263 TFUE (voir ordonnances du Tribunal du 21 octobre 2011, Groupement Adriano, Jaime Ribeiro, Conduril/Commission, T‑335/09, non encore publiée au Recueil, points 24 à 26, et du 6 septembre 2012, Technion et Technion Research & Development Foundation/Commission, T‑657/11, non publiée au Recueil, points 33 à 35, et la jurisprudence citée).

30      L’acte adopté par une institution dans un contexte contractuel doit être considéré comme détachable de ce dernier lorsqu’il a été adopté par cette institution dans l’exercice de ses prérogatives de puissance publique (ordonnance du Tribunal du 12 octobre 2011, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission, T‑353/10, non encore publiée au Recueil, point 28). À cet égard, le fait que la Commission assure des droits contractuels d’un tiers, sans cependant modifier ces droits de manière unilatérale, ne constitue pas un exercice de ses prérogatives de puissance publique (voir, en ce sens, ordonnance Groupement Adriano, Jaime Ribeiro, Conduril/Commission, précitée, point 33).

31      Dans la mesure où le premier chef de conclusions de la requérante vise le courrier daté du 8 août 2011 « et » la note de débit, il convient de constater que ce courrier n’a pas de portée autonome par rapport à la note de débit. En effet, ce courrier constitue seulement la lettre d’accompagnement de la note de débit dans laquelle la délégation de l’UE en Tunisie a prié la requérante de trouver en annexe la note de débit et l’a invitée à faire le nécessaire pour que le montant de 281 270 euros soit versé sur le compte de la Commission. Il y a lieu de rappeler que la requérante soutient que, par la note de débit, la Commission non seulement lui demande de rembourser un montant de 281 270 euros, mais également refuse implicitement de procéder au règlement des sommes qui sont dues à la requérante. Le premier chef de conclusions de la requérante doit, dès lors, être compris en ce sens que la requérante demande au Tribunal d’annuler la note de débit, premièrement, dans la mesure où elle contient la demande, par la Commission, d’un paiement de 281 270 euros et, deuxièmement, dans la mesure où elle contient implicitement le refus de procéder au règlement des sommes dues à la requérante. Troisièmement, la requérante demande au Tribunal d’annuler « toutes les décisions postérieures afférentes de la Commission ».

 Sur la demande d’annuler la note de débit dans la mesure où elle contient la demande, par la Commission, d’un paiement de 281 270 euros

32      En ce qui concerne la première partie du premier chef de conclusions, force est de constater que, en demandant le remboursement de la somme de 281 270 euros, la Commission ne s’est pas prévalue de ses prérogatives de puissance publique, mais a seulement assuré les droits contractuels du ministère de la justice tunisien à la place duquel elle a agi, sans cependant modifier ces droits de manière unilatérale.

33      En effet, la demande de remboursement de 281 270 euros est fondée sur l’article 31.1 des conditions générales du contrat. Cette disposition prévoit que le titulaire s’engage à rembourser au pouvoir adjudicateur les montants qui lui auraient été versés en surplus par rapport au montant final dû. Dans sa lettre du 29 mars 2011, la délégation de l’Union en Tunisie a informé la requérante que la Commission avait l’intention de procéder au recouvrement de la somme de 281 270 euros « en application de l’article 31.1 » des conditions générales du contrat.

34      La demande de remboursement des paiements effectués en surplus est donc basée sur un fondement contractuel. Certes, le créancier des sommes qui ont été versées à la requérante en surplus est le ministère de la Justice tunisien et non la Commission. Lorsque cette dernière recouvre des paiements effectués en surplus, elle agit donc seulement à la place du ministère de la Justice tunisien.

35      Or, contrairement à ce que prétend la requérante, ni le fait que la Commission n’est pas elle-même partie au contrat ni le fait que la Commission a agi sur la base du règlement financier ne sauraient justifier la qualification de la demande de rembourser les paiements effectués en surplus d’acte relevant de l’exercice des prérogatives de puissance publique de la Commission. En effet, le droit de demander le remboursement des paiements versés en surplus constitue un droit né du contrat. Le fait que ce droit n’est pas assuré par son titulaire, à savoir en l’espèce le ministère de la Justice tunisien, mais par la Commission à la place de ce dernier, ne remet pas en cause sa nature contractuelle car la Commission ne crée ou ne modifie pas unilatéralement ce droit.

36      À cet égard, il y a lieu de relever que, conformément à l’article 71, paragraphe 2, du règlement financier, toute créance identifiée comme certaine, liquide et exigible doit être constatée par un ordre de recouvrement donné au comptable, suivi d’une note de débit adressée au débiteur. En vertu de l’article 72, paragraphe 2, de ce même règlement, l’institution peut formaliser la constatation d’une créance à charge de personnes autres que des États dans une décision qui forme titre exécutoire au sens de l’article 299 TFUE.

37      Par ailleurs, il convient de relever que l’article 78, paragraphe 3, du règlement (CE, Euratom) n° 2342/2002, de la Commission du 23 décembre 2002 établissant les modalités d’exécution du règlement financier (JO L 357, p. 1), dispose :

« 3. La note de débit est l’information donnée au débiteur que :

a)      les Communautés ont constaté cette créance ; [...]

f)      si, à l’issue des étapes qui précèdent, le recouvrement intégral n’a pu être obtenu, l’institution procède au recouvrement par l’exécution forcée du titre obtenu, soit conformément à l’article 72, paragraphe 2, du règlement financier, soit par la voie contentieuse. »

38      Il ressort de ces dispositions que, en envoyant la note de débit à la requérante, la Commission n’a pas modifié unilatéralement les droits et obligations des parties au contrat. En effet, d’une part, ces dispositions indiquent que la note de débit n’est que la constatation d’une créance existante. Elle ne modifie donc unilatéralement ni le niveau ni le caractère de la créance, qui est seulement constatée. En l’espèce, le caractère et le niveau de la créance sont déterminés uniquement par les droits et obligations du contrat. D’autre part, il résulte de l’article 72, paragraphe 2, du règlement financier lu en combinaison avec l’article 78, paragraphe 3, sous f), du règlement n° 2342/2002, qui mentionnent une décision exécutoire distincte et postérieure à la note de débit dans le cadre de la procédure de recouvrement, que la note de débit n’a pas de caractère exécutoire (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 17 avril 2008, Cestas/Commission, T‑260/04, Rec. p. II‑701, point 76). En conséquence, l’envoi de cette note ne saurait pas être considéré comme un exercice des prérogatives de puissance publique de la Commission.

39      La requérante invoque l’arrêt du Tribunal du 17 janvier 2007, Grèce/Commission (T‑231/04, Rec. p. II‑63, point 73 et 74). Cet arrêt concerne le recouvrement, par la Commission, de sommes dues par la République hellénique et relevant du budget communautaire bien que relatives à la politique étrangère et de sécurité commune. Le traité UE, dans sa version résultant du traité d’Amsterdam, ne prévoyait aucune compétence des juridictions de l’Union dans le cadre des dispositions relatives à la politique étrangère et de sécurité commune. Le Tribunal a toutefois considéré le recouvrement, par la Commission, des sommes dues par la République hellénique comme acte susceptible de recours, étant donné que ce recouvrement était fondé sur le règlement financier.

40      Or, force est de constater que la jurisprudence invoquée par la requérante n’est pas transposable au cas d’espèce. En effet, comme l’a souligné la Commission à juste titre, cette jurisprudence concerne une situation dans laquelle, en l’absence de relations contractuelles sous-jacentes, la Commission a agi dans le cadre de ses prérogatives de puissance publique, de sorte que l’acte de recouvrement était susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation. En revanche, dans la présente affaire, la Commission n’a pas adopté la note de débit litigieuse dans le cadre de ses prérogatives de puissance publique, mais afin d’assurer les droits contractuels du ministère de la Justice tunisien, à la place duquel elle a agi.

41      Partant, rien ne permet de conclure que la Commission a agi, en l’espèce, en faisant usage de ses prérogatives de puissance publique, lorsqu’elle a demandé le remboursement de la somme de 281 270 euros. Au contraire, cette demande s’inscrit de manière indissociable dans le cadre des relations contractuelles entre la requérante et le ministère de la Justice tunisien. La première partie du premier chef de conclusions de la requérante doit, dès lors, être déclarée irrecevable du fait de l’absence d’acte attaquable.

 Sur la demande d’annuler la note de débit dans la mesure où elle contiendrait le prétendu refus implicite de procéder au règlement des sommes dues à la requérante

42      S’agissant de la deuxième partie du premier chef de conclusions de la requérante, il n’est pas nécessaire, en l’espèce, de trancher la question de savoir si la note de débit contient un refus implicite d’effectuer les paiements exigés par la requérante et si la requérante a justifié sa requête de manière suffisante à cet égard. En effet, force est de constater que, également en s’abstenant d’effectuer au bénéfice de la requérante les paiements supplémentaires exigés pour ses services, la Commission ne s’est pas prévalue de ses prérogatives de puissance publique.

43      La demande, par la requérante, de paiements supplémentaires pour ses services est fondée sur l’article 29.1, option 1, des conditions générales du contrat. Selon cet article, le pouvoir adjudicateur effectue les paiements sous certaines conditions. La demande, par la requérante, des paiements supplémentaires revêt donc une nature contractuelle. Le débiteur des sommes devant être payées pour les services de la requérante est le ministère de la Justice tunisien et non la Commission. Lorsque cette dernière effectue des paiements ou s’abstient de le faire, elle agit à la place du ministère de la Justice tunisien. Toutefois, cette circonstance ne saurait remettre en cause la nature contractuelle du fondement de la demande de la requérante et du refus de la Commission d’y faire droit. En s’abstenant d’effectuer au bénéfice de la requérante les paiements supplémentaires exigés, la Commission n’a pas modifié unilatéralement les droits contractuels de la requérante. Il restait possible pour la requérante de faire valoir ces droits auprès du ministère de la Justice tunisien.

44      Partant, rien ne permet de conclure que la Commission a agi, en l’espèce, en faisant usage de ses prérogatives de puissance publique, lorsqu’elle s’est abstenue d’effectuer au bénéfice de la requérante les paiements supplémentaires exigés. Au contraire, ce refus s’inscrit de manière indissociable dans le cadre des relations contractuelles entre la requérante et le ministère de la Justice tunisien. La deuxième partie du premier chef de conclusions de la requérante doit, dès lors, également être déclarée irrecevable du fait de l’absence d’acte attaquable.

 Sur la demande d’annuler « toutes les décisions postérieures afférentes de la Commission »

45      Force est de constater que la requérante ne précise pas quels actes sont visés par la troisième partie de son premier chef de conclusions et ne développe aucune argumentation au soutien de sa demande. Par conséquent, le recours de la requérante doit être rejeté comme étant irrecevable dans la mesure où il vise l’annulation de « toutes les décisions postérieures afférentes de la Commission » (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 22 mai 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑17/09, non publié au Recueil, points 31 et 32).

 Conclusion

46      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité comme irrecevable.

  Sur les dépens

47      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Evropaïki Dynamiki – Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.

Fait à Luxembourg, le 1er octobre 2013.

Le greffier

 

       Le président

E.  Coulon

 

       A. Dittrich


* Langue de procédure : l'anglais.