Language of document : ECLI:EU:T:2019:94

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

14 février 2019 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque figurative de l’Union européenne KALON AL CENTRO DELLA FAMIGLIA – Marque verbale de l’Union européenne antérieure CALOON – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑34/18,

Giove Gas Srl, établie à Tarquinia (Italie), représentée par Mes A. Bergonzini et F. Dinelli, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. J. Crespo Carrillo et H. O’Neill, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Compagnie des gaz de pétrole Primagaz, établie à Paris (France), représentée par Me D. Régnier, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 27 novembre 2017 (affaire R 1271/2017-2), relative à une procédure d’opposition entre Compagnie des gaz de pétrole Primagaz et Giove Gas,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de M. S. Gervasoni, président, Mme K. Kowalik-Bańczyk (rapporteur) et M. C. Mac Eochaidh, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 24 janvier 2018,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 1er août 2018,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 1er août 2018,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        Le 28 octobre 2015, la requérante, Giove Gas Srl, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 4, 11, 35 et 38 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, s’agissant plus particulièrement de la classe 11, à la description suivante : « Accessoires de régulation et de sécurité pour les installations d’eau et de gaz ; équipement de cuisson, de réchauffement, de refroidissement et de traitement des aliments et des boissons ; équipement de chauffage, de ventilation, de climatisation et de purification [air ambiant] ; équipement de réfrigération et de congélation ; brûleurs, chaudières et réchauffeurs ; conduits et installations d’évacuation des gaz d’échappement ; éclairage et réflecteurs d’éclairage ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 215/2015, du 12 novembre 2015.

5        Le 12 février 2016, l’intervenante, la Compagnie des gaz de pétrole Primagaz, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour tous les produits et les services visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur la marque de l’Union européenne verbale antérieure CALOON désignant des produits et des services relevant des classes 4, 11, 35, 37, 39, 40 et 42 et correspondant, s’agissant plus particulièrement de la classe 11, à la description suivante : « Appareils d’éclairage, de chauffage, de production de vapeur, de cuisson, de réfrigération, de séchage, de ventilation, de distribution d’eau et installations sanitaires ; appareils ou installations de climatisation ; congélateurs ; lampes de poche ; cafetières électriques ; cuisinières ; appareils d’éclairage pour véhicules ; installations de chauffage ou de climatisation pour véhicules ; appareils et machines pour la purification de l’air ou de l’eau ; stérilisateurs ».

7        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].

8        Le 26 avril 2017, la division d’opposition a fait droit à l’opposition.

9        Le 14 juin 2017, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’opposition, pour autant que celle-ci accueillait l’opposition s’agissant des produits relevant de la classe 11.

10      Par décision du 27 novembre 2017 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. Plus particulièrement, elle a considéré qu’un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, était établi aux motifs, d’une part, que les produits en cause relevant de la classe 11 étaient identiques ou présentaient un degré de similitude élevé et, d’autre part, que les marques en conflit étaient similaires en raison notamment de l’identité phonétique des éléments verbaux « caloon » de la marque antérieure et « kalon » de la marque demandée à l’égard de la partie germanophone du public pertinent et du fait que l’expression « al centro della famiglia » de cette dernière marque serait probablement ignorée par ledit public du fait de la petite taille de caractères utilisée.

II.    Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        réformer en toutes ses dispositions la décision attaquée ;

–        ordonner, après avoir rejeté l’opposition, l’enregistrement de la marque figurative en sa faveur pour toutes les classes mentionnées dans la demande initiale, et en particulier la classe 11 ;

–        se faire communiquer toutes pièces et tous documents de procédure utiles relatifs au contentieux devant la division d’opposition et devant la chambre de recours, tout en se réservant la faculté d’ordonner d’autres mesures d’instruction, après avoir entendu les parties.

12      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

A.      Sur le troisième chef de conclusions de la requérante

13      Par le troisième chef de conclusions, la requérante conclut à ce que le Tribunal se fasse communiquer par l’EUIPO tous documents « utiles » relatifs à la procédure devant la division d’opposition et devant la chambre de recours.

14      Toutefois, il convient de relever que, conformément à l’article 178, paragraphe 5, du règlement de procédure du Tribunal, l’EUIPO a transmis au Tribunal le dossier de la procédure devant la chambre de recours, lequel inclut les documents de procédure devant la division d’opposition, de sorte qu’il n’y a plus lieu de statuer sur ce troisième chef de conclusions.

B.      Sur les premier et deuxième chefs de conclusions de la requérante

1.      Observations liminaires

15      Il y a lieu de considérer que, bien que le premier chef de conclusions de la requérante vise, formellement, la réformation de la décision attaquée, il ressort clairement du contenu de la requête que, par le présent recours, la requérante tend, en substance, à obtenir l’annulation partielle de la décision attaquée au motif que la chambre de recours aurait considéré à tort qu’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 était établi s’agissant des poêles à granulés. En effet, la requérante précise, dans la requête, que « le litige se circonscrit à certains produits spécifiques (poêles à granulés), compris dans les appareils de chauffage » relevant de la classe 11.

16      Toutefois, il convient de relever qu’aucun produit désigné par la marque demandée ne correspond à la description « Poêles à granulés ».

17      Dans ces conditions, dans la mesure où la requérante considère que les poêles à granulés sont compris dans les « appareils de chauffage » relevant de la classe 11, et que la liste des produits relevant de cette classe contenue dans la demande de marque de l’Union européenne inclut des « équipements de chauffage », il y a lieu d’interpréter le premier chef de conclusions de la requérante en ce sens qu’il vise l’annulation partielle de la décision attaquée pour autant que le recours contre la division d’opposition a été rejeté s’agissant desdits équipements de chauffage.

2.      Sur le moyen unique de la requérante, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001

18      Au soutien des premier et deuxième chefs de conclusions, la requérante invoque, en substance, un moyen unique tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

19      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

20      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

21      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des marques et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

22      Lorsque la protection de la marque antérieure s’étend à l’ensemble de l’Union européenne, il y a lieu de prendre en compte la perception des marques en conflit par le consommateur des produits en cause sur ce territoire. Toutefois, il convient de rappeler que, pour refuser l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 existe dans une partie de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 76 et jurisprudence citée].

a)      Sur le public pertinent

23      Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

24      En l’espèce, il convient de relever que la requérante ne conteste pas l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle le public pertinent est le public de l’Union, composé tant du grand public que de professionnels, dont le niveau d’attention est élevé s’agissant des produits relevant de la classe 11. Toutefois, elle reproche, en substance, à la chambre de recours de n’avoir apprécié l’existence d’un risque de confusion que dans certains États membres, dont l’Allemagne et l’Autriche.

25      À cet égard, il convient de relever, conformément à la jurisprudence citée au point 22 ci-dessus, que, dans la mesure où la chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion à l’égard du public germanophone de l’Union, notamment allemand et autrichien, il ne lui était pas nécessaire d’apprécier l’existence d’un tel risque dans d’autres parties de l’Union.

b)      Sur la comparaison des produits en cause

26      Il convient de relever que la chambre de recours a considéré, à juste titre, que les appareils de chauffage désignés par la marque antérieure relevant de la classe 11 et les équipements de chauffage désignés par la marque demandée relevant de cette même classe étaient identiques.

27      À cet égard, la requérante soutient, en substance, qu’elle n’entend commercialiser sous la marque demandée que des poêles à granulés alors que l’intervenante ne commercialise pas de tels poêles, de sorte que le risque de confusion ne saurait être établi s’agissant des poêles à granulés. De plus, elle fait valoir qu’elle avait envoyé à l’intervenante un courrier par lequel elle lui proposait de limiter la liste des produits et des services contenue dans la demande de marque de l’Union européenne « aux seuls “poêles” et machines dans lesquels des combustibles solides tels que des granulés sont utilisés » relevant de la classe 11.

28      Toutefois, d’une part, il convient de rappeler que les modalités de commercialisation particulières des produits et des services désignés par les marques pouvant varier dans le temps et suivant la volonté des titulaires de ces marques, l’analyse prospective du risque de confusion entre deux marques ne saurait dépendre des intentions commerciales, réalisées ou non, et par nature subjectives, des titulaires des marques [arrêts du 15 mars 2007, T.I.M. E. ART/OHMI, C‑171/06 P, non publié, EU:C:2007:171, point 59, et du 9 septembre 2008, Honda Motor Europe/OHMI – Seat (MAGIC SEAT), T‑363/06, EU:T:2008:319, point 63]. Ainsi, est sans pertinence dans ce contexte l’utilisation qu’entend faire la requérante de la marque demandée. En effet, dans le cadre de la procédure d’opposition, l’EUIPO peut seulement prendre en compte la liste de produits et de services demandés telle qu’elle découle de la demande de marque concernée, sous réserve des modifications éventuelles de cette dernière [arrêt du 13 avril 2005, Gillette/OHMI – Wilkinson Sword (RIGHT GUARD XTREME sport), T‑286/03, non publié, EU:T:2005:126, point 33 ; voir également, en ce sens, arrêt du 22 mars 2007, Saint-Gobain Pam/OHMI – Propamsa (PAM PLUVIAL), T‑364/05, EU:T:2007:96, point 89].

29      À cet égard, dans la mesure où il ne saurait être reproché à la chambre de recours de ne pas avoir tenu compte d’un courrier qui n’était adressé qu’à l’intervenante, la chambre de recours a, à juste titre, pris en compte la liste des produits et des services demandés telle qu’elle découlait de la demande de marque concernée aux fins de la comparaison des produits et des services en cause, nonobstant l’allégation de la requérante selon laquelle cette dernière n’entendait commercialiser que des poêles à granulés.

30      D’autre part, il convient de rappeler que la comparaison des produits et des services exigée par l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 doit porter sur le libellé, tel qu’il figure dans l’acte d’enregistrement, des produits et des services désignés par la marque antérieure invoquée en opposition et non sur les produits et les services pour lesquels cette marque est effectivement utilisée, à moins que, à la suite d’une requête à fin de preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure, au sens de l’article 47, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, cette preuve ne soit rapportée que pour une partie des produits ou des services pour lesquels la marque antérieure est enregistrée [voir, en ce sens, arrêts du 7 septembre 2006, Meric/OHMI – Arbora & Ausonia (PAM-PIM’S BABY-PROP), T‑133/05, EU:T:2006:247, point 30, et du 22 mars 2007, PAM PLUVIAL, T‑364/05, EU:T:2007:96, point 85].

31      Par conséquent, en l’absence d’une telle requête à fin de preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure, il y a lieu de noter que la chambre de recours a pris en compte, à juste titre, le libellé des produits et des services désignés par la marque antérieure aux fins de leur comparaison avec les produits et les services désignés par la marque demandée, nonobstant le fait, à supposer qu’il soit établi, que l’intervenante ne commercialise pas de poêles à granulés.

c)      Sur la comparaison des marques en conflit

32      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

33      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 41 et jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêts du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 42, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 43).

34      La chambre de recours a considéré, premièrement, que les marques en conflit présentaient un faible degré de similitude visuelle, deuxièmement, que ces marques étaient identiques sur le plan phonétique pour la partie germanophone du public pertinent et, troisièmement, que la comparaison conceptuelle desdites marques n’était pas possible dans la mesure où la marque antérieure était dénuée de signification.

35      La requérante soutient, en substance, d’une part, que les marques en conflit ne sont pas similaires sur les plans visuel et conceptuel et, d’autre part, que la chambre de recours a surévalué le degré de similitude phonétique de ces marques.

1)      Sur la similitude visuelle des marques en conflit

36      En ce qui concerne la comparaison sur le plan visuel, il convient d’abord de rappeler que rien ne s’oppose à ce que soit vérifiée l’existence d’une similitude visuelle entre une marque verbale et une marque figurative, étant donné que ces deux types de marques ont une configuration graphique capable de donner lieu à une impression visuelle [voir arrêt du 4 mai 2005, Chum/OHMI – Star TV (STAR TV), T‑359/02, EU:T:2005:156, point 43 et jurisprudence citée].

37      La requérante soutient toutefois que les marques en conflit ne sont pas similaires compte tenu du caractère stylisé des lettres « a » et « n » de la marque demandée ainsi que de la représentation d’une flamme sur la partie supérieure de cette lettre « a » et sur la partie inférieure de cette lettre « n ».

38      À cet égard, il y a lieu de constater, à l’instar de la chambre de recours, que l’élément verbal « kalon » constitue, en raison de sa taille, l’élément dominant de la marque demandée. Or, il y a également lieu de constater que toutes les lettres de cet élément verbal sont également présentes, dans le même ordre, dans la marque antérieure, à la seule exception de la première de ces lettres. Dans ces conditions, il convient de relever que les différences identifiées par la requérante ne sont pas suffisantes pour exclure tout rapport de similitude entre les marques en conflit.

39      Il s’ensuit que la chambre de recours a considéré, à juste titre, que le degré de similitude visuelle des marques en conflit était faible.

2)      Sur la similitude phonétique des marques en conflit

40      La requérante soutient, en substance, que la chambre de recours a surévalué le degré de similitude phonétique des marques en conflit.

41      À cet égard, il convient de relever, à l’instar de la chambre de recours, que l’expression « al centro della famiglia » ne sera probablement pas prononcée par le public pertinent en raison, notamment, de la taille de caractères extrêmement réduite utilisée au regard de celle utilisée pour l’élément verbal « kalon ».

42      Par ailleurs, il y a lieu de relever que la requérante, d’une part, ne conteste pas l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle le groupe de lettres « oo » de la marque antérieure et la lettre « o » de la marque demandée seront prononcés de manière identique par la partie germanophone du public pertinent et, d’autre part, n’apporte aucune argumentation circonstanciée, ni aucune preuve au soutien d’une éventuelle surévaluation, par la chambre de recours, du degré de similitude phonétique des marques en conflit.

43      Dans ces conditions, la requérante n’est pas fondée à remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les marques en conflit sont identiques sur le plan phonétique.

3)      Sur la similitude conceptuelle des marques en conflit

44      La requérante soutient, en substance, que les marques en conflit ne sont pas similaires en raison de la signification, d’une part, des expressions italiennes « una promessa di felicità », utilisée dans une campagne publicitaire de la requérante, et « al centro della famiglia », présente dans la marque demandée, et, d’autre part, de l’élément verbal « kalon » présent également dans cette marque et qui signifie « beauté » en grec ancien.

45      À cet égard, il convient de relever que la chambre de recours a considéré, à juste titre, que la comparaison des marques en conflit sur le plan conceptuel était impossible.

46      En effet, d’une part, il n’est pas contesté que l’élément verbal « caloon » est dépourvu de toute signification. D’autre part, il y a lieu de considérer, à l’instar de la chambre de recours, que la partie germanophone du public pertinent ne percevra ni la signification de l’élément verbal « kalon » ni celle des expressions « al centro della famiglia » et « una promessa di felicità » dès lors que ni cet élément verbal ni les mots contenus dans ces expressions ne sont communément utilisés en allemand.

47      De plus, s’agissant plus particulièrement de l’expression « una promessa di felicità », il importe de préciser qu’elle n’est présente dans aucune des deux marques en conflit, de sorte qu’elle ne saurait en tout état de cause être prise en considération aux fins de l’appréciation de la similitude de ces marques.

d)      Sur le risque de confusion

48      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, VENADO avec cadre e.a., T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74).

49      La chambre de recours a considéré que le risque de confusion était établi, en dépit du niveau d’attention élevé du public pertinent, compte tenu, d’une part, de l’identité des produits en cause et, d’autre part, de l’identité phonétique et de la similitude visuelle des marques en conflit. Elle a par ailleurs précisé que l’achat de ces produits se faisait souvent avec l’assistance de vendeurs spécialisés, lesquels conseilleraient les clients oralement, de sorte que la comparaison visuelle ne saurait avoir une importance plus grande que la comparaison phonétique aux fins de l’appréciation du risque de confusion.

50      La requérante soutient, en substance, premièrement, que la comparaison visuelle revêt une importance plus grande aux fins de l’appréciation du risque de confusion que la comparaison phonétique dans la mesure où le public pertinent effectue de plus en plus ses achats sur Internet et, deuxièmement, que le niveau d’attention élevé du public pertinent est de nature à faire obstacle à l’existence d’un risque de confusion.

51      Toutefois, premièrement, il convient de relever que la requérante n’invoque aucun élément de nature à établir qu’une part grandissante du public pertinent achète effectivement les produits en cause sur Internet. De plus, à supposer ce fait établi, la requérante n’indique pas la part des achats de ces produits effectuée sur Internet, de sorte qu’il ne saurait en être déduit que la similitude visuelle possède une importance plus grande que la similitude phonétique aux fins de l’appréciation du risque de confusion.

52      Deuxièmement, contrairement à ce que considère la requérante, il ne saurait être admis qu’il existe des cas où, en raison du niveau d’attention dont fait preuve le public concerné, tout risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, et, partant, toute possibilité d’application de cette disposition peuvent, a priori, être exclus [voir arrêt du 13 mars 2018, Kiosked/EUIPO – VRT (K), T‑824/16, EU:T:2018:133, point 72 et jurisprudence citée]. Il y a lieu, au contraire, de procéder, dans chaque cas individuel, à une appréciation globale de ce risque, comme le requiert la jurisprudence constante citée au point 21 ci-dessus. Dans le cadre de cette appréciation globale, le niveau d’attention du public concerné ne constitue qu’un des différents éléments à prendre en considération [arrêt du 21 novembre 2013, Equinix (Germany)/OHMI – Acotel (ancotel.), T‑443/12, non publié, EU:T:2013:605, point 53].

53      Par ailleurs, il importe de noter, ainsi que le relève, à juste titre, l’EUIPO, que, compte tenu de l’identité des produits en cause et des conditions de commercialisation de ces produits identifiées par la chambre de recours, l’identité phonétique et le faible degré de similitude visuelle des marques en conflit permettent d’établir l’existence d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, nonobstant le niveau d’attention élevé du public pertinent.

54      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments de la requérante.

55      En effet, en premier lieu, les arguments de la requérante fondés, d’une part, sur une disposition du code civil italien relatif aux actes de concurrence déloyale pouvant entraîner un risque de confusion et, d’autre part, sur le renvoi, sans autre précision, à la jurisprudence des juridictions italiennes relative à cette disposition ne sont pas de nature à remettre en cause l’appréciation du risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, effectuée par la chambre de recours. En effet, il convient de rappeler que le régime des marques de l’Union européenne est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national (voir arrêt du 6 septembre 2018, Bundesverband Souvenir – Geschenke – Ehrenpreise/EUIPO, C‑488/16 P, EU:C:2018:673, point 72 et jurisprudence citée).

56      En deuxième lieu, la requérante se fonde sur les points 40 et 43 de l’arrêt du 14 novembre 2013, Environmental Manufacturing/OHMI (C‑383/12 P, EU:C:2013:741), relatif au standard de preuve pour pouvoir constater le préjudice ou le risque de préjudice porté au caractère distinctif d’une marque antérieure renommée au titre de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001. Or, il suffit de relever que la chambre de recours n’est pas tenue de constater un préjudice ou un risque de préjudice porté au caractère distinctif de la marque antérieure pour établir l’existence d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, de ce règlement.

57      En troisième lieu, la référence, dans la décision attaquée, au point 48 de l’arrêt du 16 juillet 2014, Endoceutics/OHMI – Merck (FEMIVIA) (T‑324/13, non publié, EU:T:2014:672), selon lequel même un public faisant preuve d’un niveau d’attention élevé doit se fier à l’image imparfaite qu’il a gardée en mémoire des différentes marques en cause n’est pas contradictoire avec le constat, en l’espèce, par la chambre de recours, que le risque de confusion est établi s’agissant des marques en conflit. En effet, compte tenu de la similitude de ces marques, et notamment de leur identité sur le plan phonétique, le fait que le public pertinent n’en garde en mémoire qu’une image imparfaite est de nature à rendre plus probable ce risque.

58      En quatrième lieu, la requérante soutient que la chambre de recours s’est fondée sur « une analyse purement linguistique contraire aux principes généraux relatifs à la libre concurrence proclamés et consacrés à maintes reprises au niveau communautaire ». Toutefois, elle n’identifie ni l’« analyse purement linguistique » ni les « principes généraux relatifs à la libre concurrence » auxquels elle fait référence et n’explique pas en quoi cette analyse aurait conduit la chambre de recours à interpréter l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 de manière contraire à ces principes.

59      En cinquième lieu, la requérante n’apporte aucun élément de nature à établir un « détournement de pouvoir » ou une « dénaturation des faits » dans l’application, par la chambre de recours, de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/001.

60      Dès lors, il résulte de ce qui précède, qu’il y a lieu d’écarter le moyen unique de la requérante comme non fondé et de rejeter le recours dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions de celui-ci.

 Sur les dépens

61      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens de l’EUIPO et de l’intervenante, conformément aux conclusions de ceux-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Giove Gas Srl est condamnée aux dépens.

Gervasoni

Kowalik-Bańczyk

Mac Eochaidh

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 février 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.