Language of document : ECLI:EU:T:2005:281

ARRÊT DU TRIBUNAL (juge unique)

12 juillet 2005 (*)

« Fonctionnaires − Rapport d’évolution de carrière − Exercice d’évaluation 2001/2002 »

Dans l’affaire T-157/04,

Joël De Bry, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Woluwé-Saint-Lambert (Belgique), représenté par Mes S. Orlandi, A. Coolen, J.‑N. Louis et É. Marchal, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme L. Lozano Palacios et M. H. Kraemer, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision du 26 mai 2003 établissant le rapport d’évolution de carrière du requérant pour la période allant du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2002,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (juge unique),

juge : M. J. Pirrung,

greffier : M. I. Natsinas, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 22 avril 2005,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1       En vertu de l’article 43 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes dans sa rédaction applicable à la présente espèce (ci-après le « statut »), la compétence, le rendement et la conduite dans le service des fonctionnaires autres que ceux de grade A 1 ou A 2 font l’objet d’un rapport périodique établi au moins tous les deux ans dans les conditions fixées par chaque institution, conformément aux dispositions de l’article 110 du statut.

2       Le 26 avril 2002, la Commission a adopté une décision relative aux dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut (ci-après les « DGE 43 »). Un nouveau système de notation a ainsi été introduit.

3       En vertu de la règle de transition consacrée à l’article 4, paragraphe 1, des DGE 43, lors du premier exercice de notation effectué selon le nouveau système, le rapport d’évolution de carrière prévu à l’article 6 des DGE 43 (ci-après le « REC ») couvre la période allant du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2002. Conformément au document intitulé « Système d’évaluation du personnel centré sur l’évolution de carrière – Guide » (ci-après le « guide de l’évaluation »), publié par la Commission en juillet 2002, le REC porte sur les compétences, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire ; il comporte trois échelles distinctes pour les trois rubriques d’évaluation, le nombre maximal de points étant de dix pour le rendement, de six pour les compétences et de quatre pour la conduite dans le service.

4       S’agissant des personnes impliquées dans la procédure d’évaluation, les articles 2 et 3 des DGE 43 prévoient que le fonctionnaire de catégorie A est noté par son chef d’unité en tant qu’évaluateur chargé de rédiger le REC. Le validateur, qui est le supérieur hiérarchique de l’évaluateur, a pour rôle de contresigner le rapport ; en cas de désaccord avec l’évaluateur, c’est au validateur que revient la responsabilité finale du rapport. Si le fonctionnaire non satisfait de sa notation s’adresse au comité paritaire d’évaluation prévu à l’article 8 des DGE 43 (ci-après le « CPE »), l’évaluateur d’appel, qui est le supérieur hiérarchique du validateur, décide du suivi à donner, compte tenu de l’avis du CPE.

5       Quant au déroulement de la procédure d’évaluation, les articles 7 et 8 des DGE 43 disposent que, à la suite d’une « autoévaluation » rédigée par le fonctionnaire noté et d’un dialogue entre ce dernier et l’évaluateur, le REC est établi par l’évaluateur et le validateur. Le fonctionnaire noté a alors le droit de demander un entretien avec le validateur, qui a la faculté soit de modifier, soit de confirmer le REC. Ensuite, le fonctionnaire noté peut demander au validateur de saisir le CPE, dont le rôle consiste à vérifier si le REC a été établi équitablement, objectivement et conformément aux normes d’évaluation habituelles. Le CPE émet un avis motivé sur la base duquel l’évaluateur d’appel soit modifie, soit confirme le REC ; si l’évaluateur d’appel s’écarte des recommandations figurant dans cet avis, il est tenu de motiver sa décision.

6       Les exercices d’évaluation et de promotion sont liés en ce que, conformément aux dispositions combinées de l’article 2, paragraphe 1, dernier alinéa, des DGE 43 et de l’article 3 des dispositions générales d’exécution de l’article 45 du statut adoptées par la Commission le 26 avril 2002 (ci-après les « DGE 45 »), la somme des points de mérite, qui correspondent à la notation chiffrée résultant du REC, d’une part, et des points de priorité attribués aux fonctionnaires dans le cadre de la procédure de promotion, d’autre part, est à prendre en considération aux fins de la promotion. En effet, en vertu de l’article 5, paragraphe 3, des DGE 45, un fonctionnaire est, en principe, promu lorsque la somme de ses points de mérite et de priorité accumulés au cours d’un ou de plusieurs exercices dépasse le « seuil de promotion ».

7       Dans ce contexte, l’article 6, paragraphe 1, des DGE 45 dispose que, pour les directions générales dont le nombre moyen de points de mérite, pour un grade déterminé, dépasse de plus d’un point la moyenne visée pour la Commission, le contingent de points de priorité est réduit d’un montant correspondant à l’excédent à moins que les directions générales justifient valablement l’excédent.

8       Le point 4.4 du guide de l’évaluation oblige l’évaluateur à se référer à la moyenne cible pour la Commission en termes de points de mérite et indique que la moyenne cible pour 2003 s’élève à 14.

9       La communication de la Commission publiée aux Informations administratives n° 99-2002 du 3 décembre 2002 sous le titre « Guide pour l’exercice d’évaluation du personnel 2001-2002 (transition) » (ci-après le « guide de la transition »), précise que, au titre du rendement, l’évaluateur doit porter un jugement d’ensemble sur les tâches effectivement accomplies par le fonctionnaire durant la période de référence, tandis que la compétence et la conduite sont évaluées respectivement sur la base de la « grille des compétences » et des « aspects de conduite » standard.

10     Le guide de la transition rappelle que, pour l’exercice de transition, l’évaluateur est le supérieur hiérarchique direct du fonctionnaire en place au 31 décembre 2002 et que le validateur est le supérieur hiérarchique direct de l’évaluateur en place à la même date. Il invite les directions générales à évaluer leur personnel en respectant la moyenne cible de 14 sur 20 et rappelle qu’une direction générale qui, pour un grade donné, obtient une moyenne supérieure à 15 est pénalisée par une réduction du contingent de points de priorité, à moins que cette direction générale présente des justifications pour le dépassement.

 Faits et procédure

11     Le requérant, fonctionnaire de grade A 5, est affecté, depuis 1988, au secrétariat général de la Commission.

12     S’agissant du REC du requérant pour la période comprise entre le 1er juillet 2001 et le 31 décembre 2002 (ci-après la « période d’évaluation »), il est de fait que, à la suite de l’entretien avec le requérant en date du 30 janvier 2003, l’évaluateur a visé le REC litigieux le 18 février 2003 et que le validateur l’a approuvé par visa du même jour. Un nombre total de 14 points lui a été attribué, à savoir 8 points (« très bien ») pour son rendement, 4 points (« bien ») pour ses aptitudes (compétences) et 2 points (« suffisant ») pour sa conduite dans le service.

13     Le 25 février 2003, le requérant a demandé la révision de son évaluation en critiquant, notamment, la présence de certains commentaires incorrects ainsi que l’incohérence entre certains commentaires et les notes chiffrées correspondantes.

14     À la suite d’un entretien avec le requérant en date du 11 mars 2003, le validateur a, le 19 mars 2003, apporté certaines modifications aux commentaires descriptifs, tout en maintenant inchangées les notes attribuées. Dans la rubrique 6.3 (« Conduite dans le service »), le validateur a ajouté au commentaire initial de l’évaluateur les deux phrases suivantes :

« M. De Bry est toujours disponible [pour] finaliser son travail en ayant recours à des heures supplémentaires pendant la semaine, voire le week-end. Toutefois, cette disponibilité en dehors des heures normales de service va souvent de pair avec le non-respect de l’horaire normal. »

15     Le 26 mars 2003, le requérant a fait appel de sa notation, motif pris notamment de l’existence d’un conflit d’intérêts entre l’évaluateur et lui-même. À la suite de l’avis du CPE recommandant le rejet de l’appel, l’évaluateur d’appel a, par décision du 26 mai 2003, rejeté l’appel du requérant et rendu définitif le REC litigieux (ci-après la « décision attaquée »).

16     Par lettre du 26 août 2003, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut.

17     Par décision du 6 janvier 2004, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a rejeté la réclamation. Le requérant a accusé réception de cette décision le 12 janvier 2004.

18     Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 avril 2004, le requérant a introduit le présent recours.

19     Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé, en application des dispositions de l’article 14, paragraphe 2, et de l’article 51, paragraphe 2, de son règlement de procédure, d’attribuer l’affaire à M.  J. Pirrung, siégeant en qualité de juge unique. En outre, il a décidé d’ouvrir la procédure orale et de poser plusieurs questions aux parties.

20     Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 22 avril 2005.

 Conclusions des parties

21     Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       annuler la décision attaquée ;

–       condamner la Commission aux dépens.

22     La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours comme non fondé ;

–       statuer sur les dépens comme de droit.

 En droit

23     À l’appui de ses conclusions en annulation, le requérant soulève, en substance, quatre moyens tirés, respectivement, d’une violation de l’article 14 du statut, d’une violation de l’obligation de motivation, d’une incohérence entre certains commentaires descriptifs et la notation chiffrée correspondante ainsi que d’une violation des droits de la défense.

 Sur le moyen tiré d’une violation de l’article 14 du statut

Arguments des parties

24     Rappelant que l’article 14 du statut oblige tout fonctionnaire à informer l’AIPN lorsqu’il est amené, dans l’exercice de ses fonctions, à se prononcer sur une affaire au traitement ou à la solution de laquelle il a un intérêt personnel de nature à compromettre son indépendance, le requérant affirme que son évaluateur était, comme lui-même, un fonctionnaire de grade A 5, promouvable au grade A 4, de sorte qu’ils se trouvaient en situation de concurrence pour une éventuelle promotion. En effet, l’évaluateur aurait dû se prononcer au sujet des mérites du requérant − le critère déterminant de toute promotion − alors qu’il avait un intérêt personnel lié au résultat de cette évaluation. Selon le requérant, en présence d’un tel conflit d’intérêts manifeste, l’évaluateur ne pouvait pas établir le REC litigieux en toute indépendance.

25     Il ajoute que, à supposer que l’évaluateur ait porté ledit conflit d’intérêts à la connaissance de l’AIPN, cette dernière n’a pris aucune mesure visant à éviter une telle situation dans le cadre de l’établissement du REC litigieux. Selon le requérant, cette inertie de l’AIPN est d’autant plus grave que la Commission a récemment reconnu qu’il existait bien un conflit d’intérêts manifeste lorsque le fonctionnaire noté et l’évaluateur avaient le même grade. En effet, elle aurait modifié les DGE 43 en ce sens que, dans une telle hypothèse, le validateur participe au dialogue si le fonctionnaire noté, l’évaluateur ou le validateur en fait la demande.

26     Contrairement à la thèse défendue par la Commission, le validateur et l’évaluateur auraient des rôles bien distincts. En effet, alors que l’évaluateur est le supérieur hiérarchique direct du fonctionnaire noté et qu’il rédige son REC, le validateur aurait pour fonction, aux termes de l’article 2, paragraphe 3, des DGE 43, de vérifier si les normes d’évaluation ont correctement été appliquées et de procéder à un examen comparatif de plusieurs REC dans la perspective d’éventuelles promotions.

27     Le validateur ne serait notamment pas en mesure de rédiger lui-même le REC du fonctionnaire noté parce qu’il ne connaît pas ce fonctionnaire en tant que supérieur hiérarchique direct. Cette constatation serait particulièrement importante en l’espèce, étant donné que les principaux reproches faits au requérant concernent sa conduite dans le service. En particulier, le validateur ne serait pas en mesure de substituer son pouvoir d’appréciation au jugement de valeur complexe du supérieur hiérarchique du fonctionnaire noté, son contrôle se limitant à censurer une erreur manifeste d’appréciation, un détournement de pouvoir ou des vices de procédure.

28     À l’audience, le requérant a ajouté que l’intervention du validateur est limitée, dans le cadre du nouveau système de notation, à une éventuelle modification des commentaires descriptifs effectués par l’évaluateur. En revanche, il serait empêché, au moins de facto, d’augmenter le nombre de points de mérite alloués par ce dernier, étant donné que le contingent de ces points attribué à chaque direction générale ne peut pas être dépassé.

29     La Commission rétorque que l’article 14 du statut impose au fonctionnaire exposé à un conflit d’intérêts non pas de s’abstenir d’agir, mais d’informer l’AIPN de la situation. Or, il reviendrait à l’AIPN, le cas échéant, d’interdire à ce fonctionnaire, en vertu de son pouvoir hiérarchique, de traiter l’affaire en cause. Le non-respect de cette obligation d’information, par le fonctionnaire concerné, n’entraînerait pas, en tant que tel, l’illégalité de la décision à la préparation de laquelle il aurait participé.

30     En l’espèce, l’AIPN aurait bien été informée de la situation de l’évaluateur. En effet, ainsi qu’il ressort déjà du REC litigieux, le requérant aurait lui-même fait état du prétendu conflit d’intérêts dans la motivation de l’appel de sa notation devant le CPE et dans sa réclamation. Dans ces circonstances, il n’aurait pas été nécessaire que l’évaluateur informe l’AIPN du fait qu’il détenait le même grade que le requérant, dès lors que celle-ci avait déjà connaissance de ce fait.

31     En tout état de cause, selon le nouveau système de notation mis en place par les DGE 43, l’évaluateur et le validateur seraient des notateurs au sens plein du terme. Dès lors, un éventuel conflit d’intérêts existant en la personne de l’évaluateur serait susceptible d’être neutralisé par l’intervention du validateur. L’article 8, paragraphe 5, de la décision de la Commission du 3 mars 2004 relative aux dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut, auquel le requérant se réfère dans sa requête, ne ferait que renforcer cette intervention en prévoyant la participation du validateur au premier dialogue avec le fonctionnaire noté.

Appréciation du Tribunal

32     Il est constant que l’AIPN ne pouvait ignorer que le requérant et son évaluateur étaient tous deux classés au grade A 5 durant la période d’évaluation et remplissaient, l’un comme l’autre, les conditions pour pouvoir être promus au grade A 4. Dans la mesure où le requérant considère que cette situation de concurrence était de nature à créer un conflit d’intérêts dans le chef de son évaluateur, il convient de constater que l’objectif poursuivi par les dispositions de l’article 14 du statut, en ce qu’il obligeait ce dernier à en informer l’AIPN, a été atteint. Par conséquent, le requérant ne saurait utilement prétendre que ces dispositions auraient été méconnues en l’espèce.

33     Toutefois, eu égard au caractère fondamental des objectifs d’indépendance et d’intégrité poursuivis par l’article 14 du statut, il est de jurisprudence bien établie que cette disposition a un champ d’application large. Celui-ci couvre toute circonstance dont le fonctionnaire qui est amené à se prononcer sur une affaire doit raisonnablement comprendre qu’elle est de nature à apparaître, aux yeux de tiers, comme étant susceptible d’affecter son impartialité en la matière (voir arrêt du Tribunal du 11 septembre 2002, Willeme/Commission, T‑89/01, RecFP p. I‑A‑153 et II‑803, point 47).

34     Il y a lieu d’en conclure qu’une décision adoptée en violation de ladite exigence d’impartialité et d’intégrité peut être considérée comme étant entachée d’illégalité.

35     Dans ce contexte, il a cependant été jugé que l’existence de relations professionnelles entre un fonctionnaire et un tiers ne saurait, en principe, impliquer que l’indépendance du fonctionnaire est compromise ou apparaît comme telle lorsque le fonctionnaire est appelé à se prononcer sur une affaire dans laquelle le tiers intervient, l’existence de tels contacts n’étant pas, à elle seule, de nature à établir à suffisance de droit que les relations existant entre ces deux personnes aient excédé le cadre normal (arrêt Willeme/Commission, précité, point 58).

36     C’est à la lumière de ce qui précède qu’il convient d’examiner si, dans les circonstances du cas d’espèce, l’évaluateur devait raisonnablement comprendre que son impartialité en matière de notation du requérant était compromise ou apparaissait comme telle, aux yeux de tiers, du fait qu’il était classé au même grade que le requérant et qu’ils avaient tous deux vocation à être promus au grade supérieur.

37     À cet égard, il importe de constater que le requérant n’a produit aucun élément de fait concret permettant de conclure que l’évaluateur aurait méconnu, par des actes spécifiques, l’obligation d’impartialité et d’intégrité lui incombant, soit au cours de la période d’évaluation, soit lors de la procédure d’évaluation. Il ne fait pas non plus état de relations généralement conflictuelles qui existeraient, sur le plan personnel, entre lui et son évaluateur. S’agissant plus particulièrement de la notation litigieuse, il convient de relever que, en attribuant au requérant 14 points de mérite, l’évaluateur s’est conformé à la moyenne cible indiquée dans le guide de l’évaluation, dont le respect a expressément été recommandé par le guide de la transition (voir points 8 et 10 ci-dessus).

38     Le requérant se borne donc à fonder la prétendue violation de l’article 14 du statut sur l’existence d’un risque purement abstrait de conflit d’intérêts dans lequel serait placé, au regard d’une éventuelle promotion, son évaluateur du seul fait qu’ils sont classés à un même grade.

39     Or, cette situation ne suffit pas, en tant que telle, pour conclure que le REC du requérant a été établi en violation de l’exigence d’impartialité et d’intégrité prescrite par l’article 14 du statut.

40     D’une part, en effet, le requérant a été placé dans une unité dont le chef occupait le même grade que lui-même, sans avoir contesté cette mesure. Il n’était donc pas sans savoir que ce chef d’unité était son supérieur hiérarchique direct et assumerait aussi, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, des DGE 43, la fonction d’évaluateur à son égard. Cependant, le requérant ne s’est pas manifesté avant le commencement de la procédure d’évaluation, en janvier 2003, pour remettre en cause l’impartialité de son supérieur hiérarchique ou pour exciper de l’illégalité de cette disposition en invoquant le conflit d’intérêts susmentionné. Ce n’est qu’au cours de la procédure d’évaluation qu’il a, pour la première fois, soutenu que ce conflit aurait dû empêcher l’évaluateur d’établir son REC.

41     Par ce comportement, le requérant a omis d’attirer, en temps utile, l’attention de la Commission sur la valeur qu’il attachait à ce que le risque abstrait de conflit d’intérêts susmentionné soit évité et à ce que ses performances lors de la période d’évaluation soient notées, en connaissance de cause, par une autre personne de sa hiérarchie capable d’évaluer sa manière de servir.

42     D’autre part, le fait pour la Commission d’avoir placé le requérant dans une unité dont le chef occupait le même grade tout en assumant, en sa qualité de supérieur hiérarchique direct, la tâche d’évaluateur du requérant relève de la liberté dont disposent les institutions pour organiser leurs services en fonction de leurs missions. En effet, la Commission a adopté une politique du personnel relative au pourvoi des emplois d’encadrement intermédiaire permettant aux fonctionnaires de grade A 5 d’exercer les fonctions de chef d’unité. Le Tribunal a confirmé le bien-fondé de cette politique dans ses arrêts du 17 mai 1995, Kratz/Commission (T‑10/94, Rec. p. II‑1455, point 53), et du 21 septembre 2004, Soubies/Commission (T‑325/02, non encore publié au Recueil, point 60).

43     Or, le pouvoir d’organiser leurs services reconnu aux institutions serait gravement affecté si, afin d’éviter un risque purement abstrait de conflit d’intérêts tel que celui allégué par le requérant, l’administration était obligée de subordonner l’organisation de ses services en matière d’encadrement intermédiaire à des exigences prétendument inhérentes à l’impartialité de la notation en ne formant que des unités dont les chefs occupent un grade plus élevé que celui de leurs subordonnés.

44     Cela étant, la prévention du risque de conflit d’intérêts en cause doit être conciliée avec le pouvoir d’organisation susmentionné. À cet effet, le nouveau système de notation mis en place par la Commission prévoit que l’évaluateur réalise l’évaluation en étroite association avec le validateur (article 3, paragraphe 1, des DGE 43) et que l’évaluateur et le validateur établissent ensemble le REC, étant précisé que le validateur a la faculté, à la suite de l’entretien demandé par le fonctionnaire noté, soit de modifier, soit de confirmer le REC (article 7, paragraphes 4 et 5 des DGE 43). De plus, ainsi qu’il ressort de la rubrique 7.2 du « formulaire REC » annexé aux DGE 43, le validateur est invité à approuver, ou à désapprouver, les observations et les appréciations exprimées par l’évaluateur.

45     Se référant au point 3.1 du guide de l’évaluation (voir point 3 ci-dessus), le requérant a lui-même fait valoir dans sa réplique que le validateur devait veiller non seulement à ce que l’évaluateur le tienne régulièrement informé des prestations fournies par le fonctionnaire à noter, mais aussi à prendre connaissance d’un nombre suffisant d’exemples du travail de l’intéressé pour se former sa propre opinion.

46     C’est donc à juste titre que la Commission a qualifié le validateur de notateur au sens plein du terme. Par conséquent, le régime prévoyant l’intervention du validateur dans le processus d’évaluation doit être considéré comme une garantie de nature à neutraliser un éventuel risque abstrait de conflit d’intérêts en la personne de l’évaluateur. Par ailleurs, le validateur a effectivement apporté certaines modifications aux commentaires descriptifs figurant dans le REC litigieux (voir point 14 ci-dessus), ce qui démontre que la garantie d’impartialité de la notation constituée par l’intervention du validateur a rempli son rôle en l’espèce.

47     Dans la mesure où le requérant a soutenu que le nouveau système de notation a, en vertu de son mécanisme de pénalisation susmentionné, − consistant en la réduction du contingent de points de mérite alloué à chaque direction générale en cas de dépassement de la moyenne cible de plus d’un point (voir points 7 et 10 ci-dessus) − empêché le validateur d’augmenter le nombre de 14 points alloués par l’évaluateur, de sorte que son intervention était inutile, cette argumentation méconnaît la réglementation pertinente et doit, dès lors, être rejetée.

48     En effet, s’il est vrai que les 14 points alloués correspondent à la moyenne cible, il n’en reste pas moins que le mécanisme de pénalisation n’aurait pas empêché l’attribution au requérant d’un nombre de points plus élevé aussi longtemps que la direction générale dont il relevait n’avait pas dépassé, pour l’ensemble des fonctionnaires de grade A 5, la moyenne de 15 au titre de la période d’évaluation. Or, le requérant n’a pas établi, ni même affirmé, que tel avait été le cas en l’espèce. De plus, à supposer même que la moyenne de 15 ait été dépassée, une pénalisation aurait pu être évitée sur présentation de raisons justifiant valablement l’excédent.

49     Par conséquent, le requérant n’est pas parvenu à remettre en cause le rôle joué par le validateur dans le cadre de la procédure d’évaluation. Il ne saurait donc soutenir que son évaluateur aurait raisonnablement dû comprendre que son impartialité en matière de notation du requérant était compromise ou apparaissait comme telle, aux yeux de tiers, du seul fait qu’il était classé au même grade que le requérant et qu’ils avaient tous deux vocation à être promus au grade supérieur.

50     Il s’ensuit que le moyen tiré d’une violation de l’article 14 du statut doit être écarté.

 Sur le moyen tiré d’une violation de l’obligation de motivation

 Arguments des parties

51     Le requérant rappelle que son rapport de notation 1999-2001 comportait les appréciations analytiques suivantes : deux « exceptionnel », quatre « supérieur » et quatre « normal », soit 30 points, son notateur lui ayant attribué une note qui le situait légèrement au-dessus de la notation moyenne des fonctionnaires de grade A 5 de la Commission. En revanche, dans le REC litigieux au titre de la période d’évaluation 2001/2002, il n’aurait obtenu que 14 points de mérite, cette note le situant en dessous de la notation moyenne attribuée aux fonctionnaires de grade A 5 de la Commission, à savoir 14,57 points, et du secrétariat général, à savoir 14,87 points. En particulier, l’appréciation « bien » pour ses « Aptitudes (compétences) » et l’appréciation « suffisant » pour sa « Conduite dans le service », portées dans le REC litigieux, ne seraient pas justifiées au regard de l’appréciation « exceptionnel » qui lui avait été attribuée dans son rapport de notation 1999-2001 pour ses connaissances liées à la fonction, pour son sens des responsabilités et pour sa conscience professionnelle.

52     Selon l’arrêt du Tribunal du 21 octobre 1992, Maurissen/Cour des comptes (T‑23/91, Rec. p. II‑2377, point 41), tout abaissement de l’évaluation du fonctionnaire noté par rapport à l’exercice de notation précédent devrait être dûment motivé. Or, en l’espèce, ni l’évaluateur, ni le validateur, ni l’évaluateur d’appel ne justifieraient la diminution de l’évaluation du requérant au regard de la notation qui lui avait été attribuée pour l’exercice de notation précédent.

53     Ce défaut de motivation serait aggravé par le manque de soin avec lequel l’évaluateur d’appel a donné suite à l’avis du CPE qui constatait qu’un « problème déontologique » se posait dès lors que l’évaluateur et le fonctionnaire noté avaient le même grade. L’évaluateur d’appel aurait tout simplement ignoré cette constatation du CPE.

54     La Commission conclut au rejet de ce moyen.

 Appréciation du Tribunal

55     Il y a lieu de rappeler que le REC litigieux est, pour le requérant, le premier rapport de notation établi en application du nouveau système d’évaluation que la Commission a instauré en 2002 avec l’adoption des DGE 43. Ce faisant, la Commission a substitué une méthode de notation à une autre. Ainsi, à titre d’exemple, dans le nouveau système, pour l’évaluation des « Aptitudes (compétences) » du fonctionnaire, les éléments d’appréciation ont changé par rapport à l’ancien système : alors que dans le cadre de ce dernier, les compétences avaient été évaluées sur la base des connaissances liées à la fonction, de la méthode, de la capacité de jugement et du sens de l’organisation, les éléments d’appréciation des « Aptitudes (compétences) » selon le nouveau système comportent aussi, notamment, les « Aptitudes à la communication », les « Aptitudes à la réalisation de résultats » et les « Aptitudes à la résolution de problèmes ».

56     Or, un changement de méthode de notation implique nécessairement que la correspondance entre l’ancienne et la nouvelle méthode de notation ne peut être effectuée par le biais d’un mécanisme corrélationnel fixe (arrêt du Tribunal du 22 février 1990, Turner/Commission, T‑40/89, Rec. p. II‑55, publication sommaire). La modification des paramètres d’appréciation rend donc particulièrement difficile une comparaison entre l’ancienne et la nouvelle évaluation du requérant.

57     Il convient d’ajouter que, ainsi qu’il ressort de son dossier individuel, le requérant a fait l’objet de changements d’affectation avec effet au 1er octobre 2001 et au 15 février 2002. Ainsi, il s’est vu confier, pendant la plus grande partie de la période d’évaluation 2001/2002, certaines tâches nouvelles par rapport à la période de notation précédente. Ces changements d’affectation sont de nature à rendre encore plus difficile toute comparaison entre les deux évaluations.

58     En l’absence d’identité des fonctions du requérant et des méthodes de notation, il ne saurait donc être question d’un abaissement, au sens strict, de l’évaluation du requérant dans le REC litigieux en comparaison avec le rapport de notation précédent. Par ailleurs, le requérant a lui-même indiqué, dans sa réplique, que la notation chiffrée figurant dans le rapport de notation 1999-2001 (à savoir 30 points) se situait « légèrement au-dessus de la moyenne » (à savoir 29,9 points, tant pour l’ensemble des fonctionnaires de grade A 5 de la Commission que pour les fonctionnaires de grade A 5 affectés au secrétariat général de la Commission). Or, sa notation chiffrée figurant dans le REC litigieux (à savoir 14 points) n’était que légèrement en dessous de la notation moyenne attribuée aux fonctionnaires de grade A 5 de la Commission (à savoir 14,57 points) et aux fonctionnaires de grade A 5 affectés au secrétariat général de la Commission (à savoir 14,87 points). La différence dans les notations chiffrées du requérant ne saurait donc être qualifiée que de minime.

59     Dans ces circonstances, la légère régression de la note chiffrée obtenue par le requérant ne devait pas, en tant que telle, être spécifiquement motivée de la part de l’évaluateur, du validateur et de l’évaluateur d’appel.

60     Dans la mesure où le requérant reproche encore à l’évaluateur d’appel d’avoir ignoré la constatation du CPE selon laquelle la présente affaire soulevait un « problème déontologique », la Commission a rappelé, à juste titre, que l’article 8, paragraphe 7, troisième phrase, des DGE 43 oblige l’évaluateur d’appel à fournir une motivation spécifique dans la seule hypothèse où celui-ci s’écarte des recommandations figurant dans l’avis du CPE. Or, la remarque susmentionnée relative au « problème déontologique », à savoir la circonstance que le requérant et son évaluateur occupaient le même grade, n’a pas donné lieu à une recommandation concrète visant à modifier le REC litigieux. Le CPE a, au contraire, recommandé le rejet de l’appel introduit par le requérant. Par conséquent, il ne saurait être reproché à l’évaluateur d’appel d’avoir méconnu son obligation de motivation.

61     Il s’ensuit que ce moyen doit également être rejeté.

 Sur le moyen tiré d’une incohérence entre certains commentaires descriptifs et la notation chiffrée correspondante

Arguments des parties

62     Le requérant fait valoir que le REC litigieux contient plusieurs contradictions entre des commentaires descriptifs et la notation chiffrée correspondante.

63     Premièrement, il y aurait une contradiction entre, d’une part, le commentaire descriptif relatif à sa « Conduite dans le service » selon lequel le requérant, souvent, ne respecte pas l’horaire normal et, d’autre part, le fait qu’il lui a été attribué la mention « très bien » pour son rendement. Selon le requérant, un non-respect de l’horaire normal se traduirait par des problèmes d’organisation du travail. Or, l’appréciation « très bien » ne lui aurait pas été attribuée pour son rendement s’il avait réellement des problèmes d’organisation de son travail. En outre, il ressortirait du commentaire susmentionné que le requérant est toujours disponible et qu’il finalise son travail en ayant recours à des heures supplémentaires la semaine, voire le week-end.

64     Deuxièmement, dans la rubrique 6.4 (« Synthèse ») du REC litigieux, l’évaluateur exposerait que le requérant fournit des résultats de très haute qualité. Si cette appréciation est cohérente avec l’appréciation de son « Rendement », à savoir « très bien », elle serait incohérente avec la mention « bien » pour ses « Aptitudes (compétences) ».

65     Troisièmement, une incohérence entre les commentaires descriptifs et la notation chiffrée résulterait du fait que le validateur, tout en supprimant quelques remarques péjoratives, a cependant laissé inchangées les notes chiffrées y afférentes. Or, dès lors que ces notes ont été attribuées sur la base des précédents commentaires, le validateur, en s’abstenant de les adapter aux nouveaux commentaires, aurait accentué l’incohérence entre les notes et les commentaires.

66     La Commission conclut au rejet du moyen.

Appréciation du Tribunal

67     Il y a lieu de rappeler que les commentaires descriptifs figurant dans un rapport de notation ont pour objet de justifier les appréciations analytiques (arrêt Maurissen/Cour des comptes, précité, point 41). Ces commentaires servent d’assise à l’établissement de la notation et permettent au fonctionnaire de comprendre la notation obtenue. Par conséquent, eu égard à leur rôle prédominant dans l’établissement du REC, les commentaires doivent être cohérents avec les notes allouées, à tel point que la notation doit être considérée comme une transcription chiffrée ou analytique des commentaires.

68     S’agissant du grief visant la rubrique 6.4 (« Synthèse ») du REC litigieux, il suffit de constater que cette partie du REC, loin de se limiter à une appréciation des seules « Aptitudes (compétences) », comporte le résumé de l’appréciation portée sur toutes les rubriques d’évaluation. Or, il apparaît que les commentaires figurant sous la rubrique « Synthèse » expriment certaines réserves. Ainsi, si des capacités exceptionnelles ne sont attestées au requérant que pour son domaine de spécialisation (exceptional capacities within his specialist areas of competence), des améliorations dans les domaines de l’organisation et de la gestion de son travail ainsi que de sa conduite dans le service sont considérées comme nécessaires (improvements could be made in terms of better respect of deadlines and priorities of the unit, as well as communication and conduct). Dès lors, aucune incohérence ne saurait être identifiée entre les commentaires figurant sous la rubrique « Synthèse » et la mention « bien » attribuée aux « Aptitudes (compétences) » du requérant.

69     Quant au grief visant la rubrique 6.2 [« Aptitudes (compétences) »] du REC litigieux, il n’y a pas non plus d’incohérence entre la notation chiffrée (4 points sur 6) et les commentaires y afférents. En effet, ces commentaires, s’ils comportent des appréciations élogieuses, expriment aussi des réserves quant à certains aspects des aptitudes et compétences du requérant, notamment dans le domaine de la communication (he could usefully reduce the level of detail and better focus and synthesize his communication), de la réalisation des résultats (his performance reflects his personal views on priorities) ainsi que de la résolution de problèmes et du jugement (his excellent capacities for diagnostics could be accompanied by more pro-active problem resolution and by more attention to the realism and feasibility of solutions).

70     De plus, le fait que le validateur a supprimé quelques commentaires péjoratifs formulés par l’évaluateur sans pour autant changer les notes chiffrées y afférentes n’est pas, à lui seul, constitutif d’une incohérence. La question pertinente à cet égard est de savoir s’il existe une incohérence manifeste, en ce qui concerne chaque rubrique d’évaluation, entre la notation chiffrée et les commentaires descriptifs dans leur version modifiée par le validateur. Or, ainsi qu’il vient d’être exposé ci-dessus, tel n’est pas le cas pour les rubriques 6.2 et 6.4 faisant l’objet du présent moyen.

71     Enfin, s’agissant du point de savoir si la constatation, faite dans la rubrique 6.3 du REC, d’un non-respect de l’horaire normal est en contradiction avec celle de l’accomplissement d’heures supplémentaires, la réponse à cette question dépend de l’examen préalable du moyen subséquent par lequel le requérant soutient que cette constatation a été illégalement, à savoir en violation de ses droits de la défense, insérée dans le REC litigieux.

72     Sous cette dernière réserve, le moyen tiré d’une incohérence entre certains commentaires descriptifs et la notation chiffrée correspondante doit être écarté.

 Sur le moyen tiré d’une violation des droits de la défense

Arguments des parties

73     Le requérant soutient qu’aucune remarque ne lui a été adressée au cours de la période d’évaluation à propos de la question du respect de l’horaire de travail mentionné dans les commentaires relatifs à sa conduite dans le service (voir point 14 ci-dessus). Pourtant, cette prétendue absence de ponctualité aurait dû donner lieu, au moment où elle s’est produite, à des rappels à l’ordre permettant au requérant de faire valoir son point de vue. En l’absence de tels rappels à l’ordre, le requérant ne serait pas en mesure de comprendre le commentaire du validateur en ce qui concerne ses horaires de travail.

74     Le requérant précise que le reproche d’un non-respect de l’horaire de travail ne peut servir de base à un REC que si le fonctionnaire noté a eu l’occasion de formuler préalablement ses observations sur ce reproche, ce qui n’aurait pas été le cas en l’espèce. Selon le requérant, c’est donc en violation des droits de la défense que cet élément a été pris en considération pour établir le REC litigieux.

75     La Commission estime que la portée des droits de la défense se limite à obliger les notateurs à ne fonder un REC que sur des éléments sur lesquels le fonctionnaire noté a eu la possibilité de faire connaître son point de vue. Or, les droits de la défense du requérant auraient été pleinement respectés en l’espèce, ce dernier ayant été entendu le 11 mars 2003 par le validateur. En outre, le requérant aurait eu l’occasion de saisir le CPE et lui aurait effectivement transmis des observations. En revanche, les notateurs ne seraient pas tenus de donner, sous la forme d’un avertissement préalable, au fonctionnaire la possibilité d’améliorer des prestations pouvant donner lieu à une appréciation défavorable.

76     La Commission admet que l’article 26, deuxième alinéa, du statut est une concrétisation du droit d’être entendu. Toutefois, cette disposition ne s’adresserait qu’à « l’institution » appelée à prendre, par l’intermédiaire de l’AIPN, une décision à l’égard du fonctionnaire. En revanche, le REC exprimerait l’opinion librement formulée des notateurs et non celle de l’AIPN. En outre, l’article 26, deuxième alinéa, du statut établirait clairement une différence entre, d’une part, les pièces régissant la situation administrative du fonctionnaire et, d’autre part, les rapports de notation. Cette disposition ne saurait donc être interprétée en ce sens qu’un REC ne peut faire état d’éléments négatifs que si ces éléments ont préalablement fait l’objet d’un avertissement écrit, adressé au fonctionnaire noté et versé au dossier individuel de celui-ci.

77     De manière générale, en ce qui concerne les REC, il conviendrait d’interpréter l’article 26 du statut en combinaison avec l’article 43 du statut en préservant un effet utile à chacune de ces dispositions. Or, une interprétation de l’article 26, deuxième alinéa, du statut dans le sens voulu par le requérant reviendrait, en substance, à revendiquer une obligation, dans le chef des notateurs du fonctionnaire, de formuler de manière continue, au cours de la période d’évaluation, des appréciations au sujet des prestations du fonctionnaire. Ainsi serait privé d’effet utile l’article 43 du statut en ce qu’il prévoit expressément une appréciation périodique des fonctionnaires, sous la forme d’un rapport de notation.

78     À l’audience, la Commission a ajouté que, s’il était demandé aux notateurs d’entrer dans un dialogue continu, s’ensuivrait une formalisation des relations professionnelles entre les fonctionnaires et leurs supérieurs hiérarchiques qui rendrait le système tout à fait impraticable. Si l’on voulait exiger en plus que ces appréciations soient toujours versées aux dossiers individuels des fonctionnaires concernés, la tenue de ces dossiers deviendrait en pratique impossible.

Appréciation du Tribunal

79     Selon une jurisprudence constante, le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle-ci constitue un principe fondamental du droit communautaire. Ce principe, qui répond aux exigences d’une bonne administration, exige que la personne visée soit mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet des éléments retenus à sa charge pour fonder un tel acte (voir arrêt du Tribunal du 8 mars 2005, Vlachaki/Commission, T‑277/03, non encore publié au Recueil, point 64, et la jurisprudence citée).

80     Il est également de jurisprudence bien établie que l’article 26, premier et deuxième alinéas, du statut − aux termes duquel le dossier individuel du fonctionnaire doit contenir « a) toutes pièces intéressant sa situation administrative et tous rapports concernant sa compétence, son rendement ou son comportement […] l’institution ne [pouvant lui] opposer […] ni alléguer contre lui des pièces visées [sous] a), si elles ne lui ont pas été communiquées avant classement » − a, quant à lui, pour objectif d’assurer le respect des droits de la défense du fonctionnaire, en évitant que des décisions de l’administration affectant sa situation administrative et sa carrière ne soient fondées sur des faits concernant son comportement, non mentionnés dans son dossier individuel et non communiqués à l’intéressé (voir arrêt de la Cour du 12 novembre 1996, Ojha/Commission, C‑294/95 P, Rec. p. I‑5863, point 57, et la jurisprudence citée).

81     S’agissant du point de savoir si cette jurisprudence couvre aussi les procédures d’évaluation, il convient de relever que la décision qui rend définitif un REC constitue un acte faisant grief, dès lors que le fonctionnaire noté estime, comme le requérant en l’occurrence, avoir fait l’objet d’une notation entachée d’illégalité en raison d’appréciations défavorables injustifiées. Une telle décision peut affecter la situation administrative et la carrière du fonctionnaire concerné dans la mesure où elle est susceptible d’exercer une influence négative sur ses perspectives d’avenir professionnel. Par conséquent, l’intéressé doit être mis en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet des éléments retenus à sa charge pour fonder ladite décision.

82     Si la Commission soutient que le fonctionnaire noté peut suffisamment faire valoir son point de vue au cours de la procédure d’évaluation avant que son REC ne devienne définitif, il y a lieu de constater que cette thèse ne peut être retenue qu’au regard des seuls jugements de valeur proprement dits. Il s’agit là des commentaires descriptifs et de la notation en tant que transcription chiffrée de ces commentaires (voir point 67 ci-dessus), dont la synthèse constitue la substance du REC lui-même et qui sont caractérisés par le très large pouvoir d’appréciation des notateurs dans les jugements relatifs au travail des personnes qu’ils ont la charge de noter, de tels jugements n’étant, par leur nature même, pas susceptibles d’une vérification objective, sauf en cas d’erreurs de fait manifestes (voir arrêts du Tribunal du 24 janvier 1991, Latham/Commission, T‑63/89, Rec. p. II‑19, point 19, et du 7 mai 2003, den Hamer/Commission, T‑278/01, RecFP p. I‑A‑139 et II‑665, point 58, et la jurisprudence citée). Il suffit donc que le fonctionnaire noté prenne connaissance desdits jugements de valeur pour la première fois lors de la procédure d’évaluation, c’est-à-dire au stade du REC provisoire au sens de l’article 7, paragraphe 4, des DGE 43.

83     En revanche, il en va autrement pour ce qui est des éléments factuels qui ont servi de fondement à des jugements de valeur défavorables pour le fonctionnaire noté, tels que la constatation énoncée en l’espèce (voir point 14 ci-dessus) selon laquelle le requérant faisait « souvent » preuve de « non-respect de l’horaire normal », cette constatation ayant terni, par l’utilisation du terme « toutefois », l’appréciation élogieuse selon laquelle le requérant était « toujours disponible [pour] finaliser son travail en ayant recours à des heures supplémentaires pendant la semaine, voire le week-end ». Le respect des droits de la défense du fonctionnaire noté implique que de tels éléments factuels, pour lui être opposables, aient été consignés dans des « pièces », au sens de l’article 26, premier et deuxième alinéas, du statut, préalablement versées à son dossier individuel ou, au moins, ayant préalablement été portées à sa connaissance (voir, en ce sens, arrêt Ojha/Commission, précité, point 68).

84     Dans ce contexte, il y a lieu de préciser que le terme « pièce », au sens de cette disposition, doit recevoir une définition large et englober tout document qui trouve sa source dans l’application d’une disposition statutaire, quelle que soit l’autorité dont il émane, dès lors qu’il peut intéresser et, le cas échéant, affecter la situation administrative et la carrière de l’intéressé (conclusions de l’avocat général M. Darmon sous l’arrêt de la Cour du 7 octobre 1987, Strack/Commission, 140/86, Rec. p. 3939, 3947, point 9). Ainsi, la Cour a jugé que même des constatations factuelles de caractère médical devaient être consignées au dossier individuel du fonctionnaire dès lors que les faits qu’elles relataient étaient à la base de rapports concernant la compétence, le rendement ou le comportement du fonctionnaire intéressé (arrêt Strack/Commission, précité, point 13).

85     Par conséquent, contrairement à la thèse défendue par la Commission, la circonstance que les REC sont rédigés non pas par l’AIPN, mais par les évaluateurs, les validateurs et les évaluateurs d’appel n’est de nature à soustraire les éléments factuels ayant servi de fondement à ces actes ni au respect des droits de la défense des fonctionnaires concernés ni à l’application de l’article 26 du statut.

86     Quant au cas d’espèce, il résulte de ce qui précède que le requérant, sous peine de voir violer les droits de la défense qui lui sont garantis par l’article 26 du statut, aurait dû être confronté, par un avertissement écrit, à la constatation de son absence de ponctualité, et ce en temps utile, c’est-à-dire dans un délai raisonnable à partir du fait reproché. En effet, seule une telle manière d’agir lui aurait permis, d’une part, de comprendre que cet élément factuel pouvait être retenu contre lui comme un reproche sérieux de nature à servir de fondement au REC litigieux et, d’autre part, de défendre utilement ses intérêts soit en contestant ce reproche, soit en le prenant en considération pour améliorer sa conduite dans le service, ne serait-ce qu’en vue d’obtenir une bonne notation.

87     En particulier, ce n’est que par des avertissements écrits concrets, adressés au requérant en temps utile, que les supérieurs hiérarchiques du requérant auraient pu éviter le caractère vague et imprécis du reproche formulé à la fin de la période d’évaluation selon lequel il négligeait « souvent » l’horaire de travail au cours de cette période, reproche au regard duquel le requérant a déclaré, à juste titre, qu’il n’était pas en mesure de le comprendre.

88     Même dans l’hypothèse où ce reproche aurait été objectivement justifié − en ce que le requérant aurait réellement eu tendance à compenser par le non-respect de l’horaire normal de travail sa disponibilité pour faire des heures supplémentaires en dehors des heures de service normales −, ses supérieurs hiérarchiques auraient dû attirer, dès la première manifestation de cette pratique lors de la période d’évaluation litigieuse, son attention sur le fait qu’ils ne toléreraient pas, ou qu’ils ne toléreraient plus, une telle méthode de compensation personnelle et unilatérale. Ainsi, le requérant aurait été en mesure de réagir, en temps utile, soit en expliquant les raisons du non-respect, soit en respectant l’horaire de travail normal dès le premier avertissement, et ce, le cas échéant, en refusant d’accomplir des heures supplémentaires.

89     Toujours dans cette hypothèse, la nécessité d’adresser au requérant de tels avertissements aurait encore été renforcée par la circonstance que son rapport de notation pour la période 1999-2001 faisait l’éloge, au titre de sa conduite dans le service, « d’un sens des responsabilités et d’une conscience professionnelle très élevés » en précisant que le requérant, « grâce à une capacité de travail peu commune », s’impliquait entièrement dans les tâches qui lui étaient attribuées et qu’il mettait en œuvre « selon un style personnel, qu’il s’agisse des horaires ou des méthodes de travail ». Ce commentaire a servi de fondement à l’appréciation « exceptionnel », la notation la plus élevée possible, qui lui a été attribuée au titre de son « sens des responsabilités [et de sa] conscience professionnelle », à l’intérieur de la rubrique « Conduite dans le service ». Dans ces circonstances, le requérant aurait eu le droit d’être informé le plus tôt possible de ce que, au regard de la nouvelle période d’évaluation, ses supérieurs hiérarchiques, loin de considérer son « style personnel en matière d’horaires de travail » non seulement comme irréprochable, mais comme justifiant même la meilleure notation, allaient désormais qualifier son comportement de « non-respect de l’horaire normal ».

90     Enfin, dans la mesure où la Commission considère une pratique d’avertissements écrits comme impraticable et comme contraire au principe de périodicité consacré par l’article 43 du statut, force est de souligner que de pareilles considérations ne sauraient porter atteinte aux droits de la défense tels qu’ils viennent d’être définis. En particulier, rien ne permet de supposer que l’obligation pour les supérieurs hiérarchiques d’un fonctionnaire de consigner par écrit et en temps utile tout élément factuel susceptible d’être retenu à sa charge dans le REC à établir compromettrait le bon fonctionnement du service.

91     Par ailleurs, cette argumentation présentée par la Commission en l’espèce est contredite par le guide de l’évaluation (voir point 8 ci-dessus) que la Commission s’est imposée à elle-même en tant que règle de conduite (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 10 septembre 2003, McAuley/Conseil, T‑165/01, RecFP p. I‑A‑193 et II‑963, points 44 et 45, et la jurisprudence citée). En effet, aux chapitres 3 et 4 de ce guide, la Commission, loin de s’en tenir à la périodicité du REC, considère comme très important qu’un retour d’informations constructif tout au long de la période d’évaluation soit donné régulièrement et en temps voulu, ce processus permettant aux supérieurs hiérarchiques de réagir rapidement à toute difficulté. La Commission poursuit en soulignant qu’aucun élément de l’évaluation annuelle ne doit constituer une surprise pour l’intéressé. Au point 3.1 du même guide, les évaluateurs, au lieu de pouvoir se retrancher derrière le caractère prétendument impraticable d’avertissements écrits, sont invités à veiller, tout au long de la période d’évaluation, à collecter des exemples de travaux, à en conserver des copies ou à rédiger des notes. Aux termes du point 3.2 du guide, le retour d’informations doit se référer à des éléments précis du comportement et, pour être efficace, intervenir aussi rapidement que possible après un travail, idéalement dans la journée ou dans les deux jours qui suivent, afin que les intéressés sachent régulièrement que penser de leur manière de procéder.

92     S’agissant de la question de savoir si l’illégalité commise à l’encontre du requérant a pu avoir une incidence décisive sur la décision litigieuse (voir, en ce sens, arrêt Ojha/Commission, précité, point 67, et la jurisprudence citée), il convient de rappeler que le reproche fondé sur le non-respect de l’horaire de travail figure dans la rubrique « Conduite dans le service » du REC litigieux au titre de laquelle le requérant s’est vu attribuer la mention « suffisant » (deux sur quatre points), la moins bonne de tout le REC. Or, il ne saurait être exclu que les notateurs lui auraient attribué la mention « bien » (trois sur quatre points) si ledit reproche n’avait pas été pris en considération. En effet, ce reproche se distingue par sa gravité des autres remarques, légèrement défavorables, qui figurent parallèlement aux appréciations élogieuses dans la rubrique en cause.

93     À cet égard, la Commission ne peut utilement affirmer que l’absence dudit reproche aurait été sans influence sur l’évaluation du requérant du fait que le REC comportait encore d’autres remarques défavorables. En effet, elle ne peut savoir combien de points de mérite auraient été alloués au requérant si le REC litigieux avait été expurgé du reproche illégal, l’administration n’étant pas autorisée à s’immiscer dans les jugements de valeur exprimés en toute indépendance par les évaluateurs, les validateurs et les évaluateurs d’appel. Du reste, la Commission n’a pas soutenu que l’attribution au requérant de 15 au lieu de 14 points de mérite aurait excédé le cadre tracé par le nouveau système d’évaluation (voir points 7, 8, 10 et 48 ci-dessus).

94     Par conséquent, il y a lieu de relever que l’illégalité constatée ci-dessus a pu avoir une incidence décisive sur le contenu du REC litigieux. Il s’ensuit que le moyen tiré d’une violation des droits de la défense garantis par l’article 26 du statut doit être retenu.

95     S’agissant du moyen tiré d’une incohérence entre certains commentaires descriptifs et la notation chiffrée correspondante (voir points 71 et 72 ci-dessus), il convient d’ajouter que, la constatation d’un manque de ponctualité ayant été déclarée illégale, le reproche fondé sur cette constatation doit être considéré comme ne figurant pas dans le texte du REC litigieux. Or, la suppression de cette mention affecte de manière non négligeable la cohérence entre la note « suffisant » et les commentaires relatifs à la rubrique « Conduite dans le service », dans la mesure où ces commentaires se présentent désormais d’une manière beaucoup moins défavorable.

96     Dès lors, en l’absence de cohérence entre les commentaires descriptifs et la note allouée au titre de la rubrique « Conduite dans le service », le moyen tiré de l’incohérence susmentionnée doit également être déclaré fondé sur ce point.

97     Il résulte de tout ce qui précède que la décision attaquée doit être annulée.

 Sur les dépens

98     Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du requérant.

Par ces motifs,



LE TRIBUNAL (juge unique)

déclare et arrête :

1)      La décision du 26 mai 2003 établissant le rapport d’évolution de carrière du requérant pour la période allant du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2002 est annulée.

2)      La Commission est condamnée à supporter les dépens.

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 juillet 2005.

Le greffier

 

Le juge



H. Jung

 

J. Pirrung


* Langue de procédure : le français.