Language of document : ECLI:EU:C:2019:594

CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 11 juillet 2019 (1)

Affaires jointes C355/18 à C357/18 et C479/18

Barbara Rust-Hackner (C‑355/18),

Christian Gmoser (C‑356/18),

Bettina Plackner (C‑357/18)

contre

Nürnberger Versicherung AG Österreich

[demande de décision préjudicielle formée par le Landesgericht Salzburg (tribunal régional de Salzbourg, Autriche)]

et

KL,

LK,

MJ,

NI

contre

UNIQA Österreich Versicherungen,

Allianz Elementar Lebensversicherungs AG,

DONAU Versicherung AG Vienna Insurance Group (C‑479/18)

[demande de décision préjudicielle formée par le Bezirksgericht für Handelssachen Wien (tribunal de district pour les affaires commerciales de Vienne, Autriche)]

« Renvoi préjudiciel – Assurance directe sur la vie – Directives 90/619/CEE, 92/96/CEE, 2002/83/CE et 2009/138/CE – Droit de renonciation – Absence d’information ou information erronée concernant les conditions de l’exercice de ce droit – Extinction du droit de renonciation – Effets juridiques de la renonciation »






I.      Introduction

1.        Dans quelles circonstances et pendant combien de temps un assuré peut-il renoncer à un contrat d’assurance vie en invoquant une absence d’information ou une information inexacte concernant le droit de renonciation ?

2.        D’après les dispositions pertinentes des directives sur l’assurance, l’assuré a le droit de renoncer à un contrat d’assurance vie dans un court délai après la conclusion du contrat. Lors de la phase précontractuelle, l’assureur doit veiller à fournir une information suffisante concernant ce droit.

3.        Dans les présentes affaires, qui ont pour origine quatre demandes de décision préjudicielle de deux juridictions autrichiennes, la Cour doit déterminer en substance dans quels cas une information incorrecte doit être assimilée à une absence d’information, en ce qu’elle ne permet pas d’atteindre l’objectif qu’elle poursuit. Dans de tels cas, il est en outre demandé à la Cour de préciser combien de temps l’assuré peut conserver son droit de renonciation. Enfin, dans le cas où une renonciation tardive exceptionnelle serait permise, ou même requise, par le droit de l’Union, il lui est demandé quelles sont les prescriptions du droit de l’Union applicables à l’aménagement des effets juridiques attachés à une déclaration de renonciation.

II.    Le cadre juridique

A.      Le droit de l’Union

4.        Comme les contrats d’assurance vie litigieux dans les procédures au principal ont été conclus à des moments différents, il y a lieu d’appliquer et d’interpréter des dispositions de différentes directives : alors qu’il convient d’examiner les questions préjudicielles des affaires C‑355/18, C‑356/18 et C‑357/18 ainsi que la deuxième question préjudicielle de l’affaire C‑479/18 à la lumière des directives 90/619/CEE (2) et 92/96/CEE (3) sur l’assurance vie (4), pour les autres questions préjudicielles de l’affaire C‑479/18, les directives ultérieures, 2002/83/CE (5) et 2009/138/CE (6), sont également déterminantes. Toutefois, étant donné que les dispositions des directives à interpréter sont identiques sur le fond, aucune différence ne s’ensuit.

5.        L’article 15, paragraphe 1, de la deuxième directive assurance vie prévoit :

« Chaque État membre prescrit que le preneur d’un contrat d’assurance vie individuelle dispose d’un délai compris entre quatorze et trente jours à compter du moment à partir duquel le preneur est informé que le contrat est conclu pour renoncer aux effets de ce contrat.

La notification par le preneur de sa renonciation au contrat a pour effet de le libérer pour l’avenir de toute obligation découlant de ce contrat.

Les autres effets juridiques et les conditions de la renonciation sont réglés conformément à la loi applicable au contrat, [...] notamment en ce qui concerne les modalités selon lesquelles le preneur est informé que le contrat est conclu. »

L’article 35, paragraphe 1, de la directive 2002/83 et l’article 186, paragraphe 1, de la directive solvabilité II ont un libellé quasiment identique à celui de cette disposition.

6.        L’article 31, paragraphes 1 et 4, de la troisième directive assurance vie dispose :

« 1.      Avant la conclusion du contrat d’assurance, au moins les informations énumérées à l’annexe II point A doivent être communiquées au preneur.

[...]

4.      Les modalités d’application du présent article et de l’annexe II sont arrêtées par l’État membre de l’engagement. »

L’article 36, paragraphe 1, de la directive 2002/83 et l’article 185 de la directive solvabilité II comportent des dispositions identiques.

7.        L’annexe II (« Information des preneurs ») de la troisième directive assurance vie comporte sous A une liste d’informations à communiquer au preneur avant la conclusion de contrat (7). Conformément à la première phrase de l’annexe, les informations à communiquer doivent « être formulées de manière claire et précise, par écrit, et être fournies dans une langue officielle de l’État membre de l’engagement » (8). D’après le point a.13, ces informations comprennent les « [m]odalités d’exercice du droit de renonciation » (9).

B.      Le droit autrichien

8.        L’article 165a du Versicherungsvertragsgesetz (loi relative au contrat d’assurance, ci‑après le « VersVG ») dans la version applicable dans les affaires C‑356/18 et C‑357/18, ainsi que dans les affaires au principal A et B de l’affaire C‑479/18 (10) est libellé comme suit :

« (1)      Le preneur a le droit de renoncer aux effets du contrat au cours d’un délai de deux semaines à compter de la conclusion du contrat. Si l’assureur a fourni une couverture provisoire, il a le droit au paiement de la prime au prorata de la durée de couverture.

(2)      Si l’assureur ne s’est pas conformé à l’obligation de communication de son adresse (article 9a, paragraphe 1, point 1, du [Versicherungsaufsichtsgesetz (loi sur la gestion et la surveillance de l’assurance privée) (VAG)], le délai de renonciation au sens du paragraphe 1 ne commence pas à courir avant que cette adresse soit connue du preneur.

(3)      Les paragraphes qui précèdent ne s’appliquent pas aux contrats de groupe d’assurance ni aux contrats d’une durée maximale de six mois. »

9.        La version de l’article 165a du VersVG applicable à l’affaire au principal dans l’affaire C‑355/18, ainsi qu’à l’affaire au principal C de l’affaire C‑479/18 (11) a prolongé à 30 jours le délai visé au paragraphe 1. La version de l’article 165a du VersVG pertinente pour l’affaire au principal D de l’affaire C‑479/18 comporte l’ajout d’un paragraphe 2a (12) qui est libellé comme suit :

« (2a)      Si le preneur est un consommateur (article 1er, paragraphe 1, point 2, du [Konsumentenschutzgesetz (loi sur la protection des consommateurs) (KSchG)], le délai de renonciation visé aux paragraphes 1 et 2 ne commence à courir qu’à compter de la date à laquelle le preneur a été informé de ce droit de renonciation. »

10.      Les extraits pertinents de l’article 9a, paragraphe 1, du VAG, dans les versions applicables aux affaires au principal (BGBl. I, 447/1996 et BGBl. I, 34/2015) sont libellés comme suit :

« (1)      Lors de la conclusion d’un contrat d’assurance relativement à un risque situé sur le territoire national, le preneur doit recevoir par écrit, avant qu’il ne déclare sa volonté de contracter, des informations concernant

[...]

6.      les circonstances dans lesquelles le preneur peut révoquer le contrat d’assurance ou renoncer à ses effets. »

III. Les faits et les procédures au principal

11.      Les affaires au principal ont toutes pour objet des demandes de remboursement de la totalité des primes d’assurance versées, y compris les intérêts capitalisés, que font valoir des personnes physiques, en tant que preneurs d’assurance contre les différents assureurs vie. Ces demandes sont fondées sur des déclarations de renonciation que les preneurs ont effectuées longtemps après la conclusion du contrat, parfois même après la résiliation du contrat (« renonciation tardive »).

12.      À l’appui de leurs demandes, les requérants des affaires au principal font valoir en substance que les assureurs respectifs ne les auraient pas du tout informés (affaire au principal B de l’affaire C‑479/18) ou en tout cas qu’ils les auraient informés de manière inexacte au sujet de leur droit de renonciation. L’information serait erronée, car les assureurs requerraient que la déclaration de renonciation soit formulée par écrit pour être valide, alors que, conformément au droit national, une déclaration sans forme particulière suffirait. Ainsi, les preneurs d’assurance auraient été empêchés d’exercer leur droit de renonciation garanti par le droit de l’Union, si bien que le délai de déclaration de la renonciation n’aurait pas commencé à courir.

13.      Dans les affaires au principal, le litige entre les requérants, des preneurs d’assurance, et les défendeurs, des assureurs, porte sur le point de savoir si, au moment où il a été exercé, le droit de renonciation était déjà éteint. Il porte également sur le point de savoir si les droits des preneurs à un remboursement sont limités à la valeur de rachat au jour de la résiliation du contrat, ou s’il convient de restituer tous les versements effectués conformément aux règles applicables en matière d’enrichissement sans cause.

14.      Dans les affaires C‑355/18 à C‑357/18, les assurés font valoir en substance à l’appui de leurs prétentions qu’ils avaient un droit de renonciation tardive, car ils auraient été informés de manière inexacte au sujet de la forme de la déclaration de renonciation. Après que la juridiction de première instance a fait droit à leurs demandes, la juridiction de renvoi, le Landesgericht Salzburg (tribunal régional de Salzbourg, Autriche), en tant que juridiction d’appel, considère qu’il est nécessaire que la Cour interprète les dispositions pertinentes des directives assurance vie, car il s’interroge sur le point de savoir dans quelle mesure une information doit être considérée comme « erronée », lorsqu’elle n’a pas eu pour effet d’induire en erreur le preneur quant à l’existence de son droit de renonciation.

15.      Dans les affaires C‑355/18 et C‑356/18, la renonciation au contrat a été déclarée après sa résiliation ou rachat. En revanche, le contrat d’assurance vie litigieux dans l’affaire C‑357/18 n’avait pas encore été résilié au moment de la déclaration de renonciation.

16.      Quatre affaires – que la juridiction de renvoi, le Bezirksgericht für Handelssachen Wien (tribunal de district pour les affaires commerciales de Vienne, Autriche) appelle les affaires A à D – sont à l’origine de la demande de décision préjudicielle dans l’affaire C‑479/18. Elles ont pour objet des recours comparables de preneurs d’assurance contre les assureurs respectifs en résolution de contrats d’assurance vie. Ces preneurs ont également déclaré leur renonciation longtemps après la conclusion du contrat, pour information erronée ou absence d’information. Dans l’affaire B, le preneur avait déclaré renoncer au contrat après l’avoir résilié et obtenu le versement de la valeur de rachat.

IV.    Demandes de décision préjudicielle et procédure devant la Cour

17.      Dans les affaires C‑355/18 et C‑356/18, le Landesgericht Salzburg (tribunal régional de Salzbourg) a posé à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’article 15, paragraphe 1, de la [deuxième directive assurance vie], dans sa version telle que modifiée par la [troisième directive assurance vie], lu en combinaison avec l’article 31 de la [troisième directive assurance vie], doit-il être interprété en ce sens que l’information relative à la faculté de renonciation doit également contenir une indication mentionnant que la renonciation n’est soumise à aucune forme particulière ?

2)      Est-il encore possible, en raison de la transmission d’une information erronée quant au droit de renonciation, de déclarer renoncer à un contrat d’assurance vie également après que ce contrat a été résilié à la suite de sa dénonciation (et de son rachat) par le preneur ? »

18.      Dans l’affaire C‑357/18, le Landesgericht Salzburg (tribunal régional de Salzbourg) n’a posé à la Cour que la première de ces deux questions préjudicielles.

19.      Par ordonnance du président de la Cour du 22 juin 2018, les affaires C‑355/18, C‑356/18 et C‑357/18 ont été jointes aux fins de la procédure écrite et orale ainsi que de l’arrêt.

20.      Dans l’affaire C‑479/18, le Bezirksgericht für Handelssachen Wien (tribunal de district pour les affaires commerciales de Vienne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’article 15, paragraphe 1, de la [deuxième directive assurance vie], lu en combinaison avec l’article 31 de la [troisième directive assurance vie], ou l’article 35, paragraphe 1, lu en combinaison avec l’article 36, paragraphe 1, de la directive [2002/83], ou encore l’article 185, paragraphe 1, lu en combinaison avec l’article 186, paragraphe 1, de la directive [solvabilité II,] doivent-ils être interprétés en ce sens que – en l’absence de dispositions nationales relatives aux effets de la transmission d’une information erronée quant au droit de renonciation avant la conclusion du contrat – le délai imparti pour l’exercice du droit de renonciation ne commence pas à courir, lorsque la compagnie d’assurances mentionne dans l’information fournie que la renonciation doit être formulée par écrit, alors que la renonciation n’est soumise à aucune forme particulière en vertu du droit national ?

2)      (dans l’hypothèse où la première question appelle une réponse affirmative :) L’article 15, paragraphe 1, de la [deuxième directive assurance vie], lu en combinaison avec l’article 31 de la [troisième directive assurance vie], doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une disposition nationale prévoyant que, en cas d’absence d’information ou de transmission d’une information erronée quant au droit de renonciation avant la conclusion du contrat, le délai imparti pour l’exercice du droit de renonciation commence à courir à compter de la date à laquelle le preneur a eu connaissance – de quelque manière que ce soit – de son droit de renonciation ?

3)      L’article 35, paragraphe 1, lu en combinaison avec l’article 36, paragraphe 1, de la directive [2002/83], doit-il être interprété en ce sens que – en l’absence de dispositions nationales relatives aux effets d’une absence d’information ou de la transmission d’une information erronée quant au droit de renonciation avant la conclusion du contrat – le droit du preneur de renoncer aux effets du contrat s’éteint au plus tard après que la valeur de rachat lui a été versée en raison de sa résiliation du contrat et que les cocontractants ont ainsi entièrement satisfait aux obligations découlant du contrat ?

4)      (dans l’hypothèse où la première question appelle une réponse affirmative et/ou la troisième question appelle une réponse négative :) L’article 15, paragraphe 1, de la [deuxième directive assurance vie] ou l’article 35, paragraphe 1, de la directive [2002/83], ou encore l’article 186, paragraphe 1, de la directive [solvabilité II] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une disposition nationale prévoyant qu’il convient de rembourser au preneur, si celui‑ci exerce son droit de renonciation, la valeur de rachat (à savoir la valeur actuelle de l’assurance, calculée selon les règles actuarielles reconnues) ?

5)      (dans l’hypothèse où il a été procédé à l’examen de la quatrième question et que cette question appelle une réponse affirmative :) L’article 15, paragraphe 1, de la [deuxième directive assurance vie] ou l’article 35, paragraphe 1, de la directive [2002/83], ou encore l’article 186, paragraphe 1, de la directive [solvabilité II] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une disposition nationale prévoyant que, en cas d’exercice du droit de renonciation, le droit au paiement d’intérêts forfaitaires au titre des primes remboursées peut être limité, en raison de la prescription, à la quote-part afférente à la période correspondant aux trois années précédant l’introduction du recours ? »

21.      Par décision de la Cour du 26 février 2019, l’affaire C‑479/18 et les affaires jointes C‑355/18, C‑356/18 et C‑357/18 ont été jointes aux fins de la procédure écrite, de la procédure orale et de l’arrêt.

22.      Dans le cadre de la procédure devant la Cour, les parties des affaires au principal, les gouvernements autrichien, tchèque et italien, ainsi que la Commission européenne, ont présenté des observations écrites. Les mêmes parties, à l’exception du requérant de l’affaire au principal C de l’affaire C‑479/18, ainsi que des gouvernements tchèque et italien, étaient également représentées à l’audience du 11 avril 2019.

V.      Sur la compétence de la Cour et la recevabilité des questions préjudicielles (affaires C355/18, C356/18 et C357/18)

A.      Sur la compétence de la Cour

23.      En faisant valoir que le droit national est pertinent pour apprécier l’information concernant le droit de renonciation, les requérants des affaires C‑355/18, C‑356/18 et C‑357/18 doutent que la Cour soit compétente pour répondre aux questions préjudicielles.

24.      Effectivement, c’est en premier lieu au regard du droit national applicable qu’il convient d’apprécier au cas par cas si une information est correcte (13). Il en est ainsi tout d’abord parce que, conformément à l’article 31, paragraphe 4, de la troisième directive assurance vie, à l’article 36, paragraphe 4, de la directive 2002/83 ou à l’article 185, paragraphe 8, de la directive solvabilité II, les États membres arrêtent les modalités d’application de l’information prescrite par le droit de l’Union. L’information a notamment pour objet « les modalités de l’exercice du droit de renonciation » qui, elles aussi, doivent être déterminées par les États membres conformément à l’article 15, paragraphe 1, troisième alinéa, de la deuxième directive assurance vie, à l’article 35, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive 2002/83 ou à l’article 186, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive solvabilité II.

25.      Par conséquent, en l’espèce, il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer si le droit national s’oppose à ce que les informations concernant le droit de renonciation comportent une indication requérant le respect d’une forme déterminée pour que la déclaration de renonciation soit valide.

26.      Toutefois, en adoptant de telles modalités d’application, les États membres sont tenus de veiller « à ce que l’effet utile des [...] directives assurance vie, compte tenu de l’objet de celles‑ci, soit assuré » (14). Dans cette mesure, il incombe à la Cour de contrôler le respect de cette limite générale à la compétence réglementaire des États membres.

27.      De surcroît, dans les affaires C‑355/18, C‑356/18 et C‑357/18, la juridiction de renvoi voudrait savoir en fin de compte quelles prescriptions concernant la forme de la déclaration de renonciation et l’information à ce sujet il convient de déduire des dispositions citées des directives.

28.      Par conséquent, il ne fait aucun doute que la Cour est compétente pour répondre aux questions préjudicielles posées dans les affaires C‑355/18, C‑356/18 et C‑357/18.

B.      Sur la présentation suffisante du cadre juridique

29.      Par ailleurs, les requérants reprochent aux décisions de renvoi dans les affaires C‑355/18, C‑356/18 et C‑357/18 une présentation lacunaire des dispositions pertinentes du droit national, c’est pourquoi ils invitent la Cour à rejeter la demande de décision préjudicielle pour irrecevabilité.

30.      Cet argument des preneurs d’assurance ne saurait convaincre, à plus forte raison encore dans le contexte de répartition des compétences entre la Cour et les juridictions de renvoi que ceux‑ci mettent en avant. Dans la mesure où les questions préjudicielles relatives à la forme des déclarations de renonciation visent en fin de compte à préciser l’étendue de la compétence réglementaire des États membres pour arrêter les modalités d’exercice du droit de renonciation, il est en tout cas suffisant pour se conformer aux prescriptions de l’article 94 du règlement de procédure de la Cour de présenter le libellé de la disposition éventuellement applicable au cas d’espèce ainsi que l’interprétation que lui donnent les juridictions nationales.

31.      Partant, toutes les questions préjudicielles des affaires C‑355/18, C‑356/18 et C‑357/18 sont recevables.

VI.    Sur les questions préjudicielles

32.      Les questions préjudicielles concernent essentiellement les trois questions de droit déjà évoquées en introduction (15).

33.      Dans un premier temps, il convient d’examiner dans quels cas une information concernant le droit de renonciation ne remplit pas davantage sa fonction qu’en cas d’absence d’information (A). Les requérants preneurs d’assurance considèrent qu’il en est ainsi lorsque l’information communiquée avant la conclusion du contrat comporte des indications inexactes ; c’est pourquoi la juridiction de renvoi cherche à savoir, par la première ou unique question préjudicielle des affaires C‑355/18, C‑356/18 et C‑357/18, si, et dans quelle mesure, les directives assurance vie déterminent le contenu des indications à fournir dans l’information concernant le droit de renonciation.

34.      Pour le cas où une information erronée concernant le droit de renonciation devrait être considérée comme équivalant à une absence de l’information requise par le droit de l’Union, il convient, dans un deuxième temps, dans le cadre de l’examen de la seconde question préjudicielle des affaires C‑355/18 et C‑356/18, ainsi que des trois premières dans l’affaire C‑479/18, de déterminer dans quelle mesure les directives assurance vie régissent les incidences d’un tel manquement sur le délai d’exercice du droit de renonciation (B).

35.      Enfin, si le preneur d’assurance était également susceptible d’exercer le droit de renonciation longtemps après la conclusion du contrat, parce que l’information qui lui a été communiquée concernant ce droit n’est pas suffisante au regard des prescriptions du droit de l’Union, il conviendrait de s’interroger sur l’étendue des droits du preneur d’assurance dans le cas d’une telle renonciation tardive (quatrième et cinquième questions préjudicielles de l’affaire C‑479/18) (C).

A.      L’information erronée concernant le droit de renonciation (première ou unique question préjudicielle des affaires C355/18, C356/18 et C357/18)

1.      Sur les prescriptions des directives assurance vie en matière d’information concernant le droit de renonciation (première ou unique question préjudicielle des affaires C355/18, C356/18 et C357/18)

36.      À cet égard, il convient de se demander si, et dans quelle mesure, les directives assurance vie comportent effectivement des prescriptions au regard desquelles il conviendrait d’apprécier les indications que l’assureur doit donner dans le cadre de l’information concernant les modalités d’exercice du droit de renonciation. En effet, les États membres sont en principe compétents pour fixer de telles modalités (16).

37.      Néanmoins, depuis la deuxième directive assurance vie, le preneur qui a souscrit un contrat d’assurance vie individuel dispose pendant un court délai du droit de renoncer à ce contrat (17). Ainsi, le preneur d’assurance se voit accorder la possibilité de résilier un contrat d’assurance vie encore après l’avoir conclu. Le délai court à partir du moment où le preneur est informé de la conclusion du contrat.

38.      Afin que le preneur d’assurance puisse exercer effectivement ce droit qui lui est garanti par le droit de l’Union, avant la conclusion du contrat, l’assureur doit informer le preneur concernant les modalités d’exercice du droit de renonciation.

39.      Dans l’arrêt Endress (18), la Cour a précisé à cet égard que les dispositions pertinentes des deuxième et troisième directives assurance vie s’opposent à une disposition nationale prévoyant qu’un droit de renonciation expire au plus tard un an après le versement de la première prime d’assurance, lorsque le preneur d’assurance n’est pas informé concernant le droit de renonciation.

40.      Lorsque le juge national examine concrètement une information concernant le droit de renonciation, il est essentiel de déterminer si, avec cette information, le preneur d’assurance dispose de toutes les indications nécessaires pour exercer effectivement son droit de renonciation.

41.      Ce sont les dispositions nationales applicables qui prescrivent les indications requises (19). S’agissant de la forme et du contenu de l’information, les dispositions pertinentes des directives assurance vie (20) se contentent d’exiger que ces indications écrites soient « formulées de manière claire et précise » (21).

42.      Partant, l’information concernant le droit de renonciation doit comporter une indication relative à la forme à respecter pour la déclaration de renonciation, en tout cas lorsque, selon le droit national applicable, la validité de cette déclaration est subordonnée au respect d’une certaine forme.

43.      D’après la présentation de la juridiction de renvoi, la disposition du droit national que celle‑ci estime déterminante, l’article 165a du VersVG, dans aucune de ses versions pertinentes pour les affaires au principal, ne subordonnait la validité de la déclaration de renonciation au respect d’une forme particulière (22). Dans ce contexte, la juridiction de renvoi cherche tout d’abord à savoir si, pour informer exactement le preneur d’assurance, il est nécessaire d’indiquer expressément dans l’information préalable à la conclusion du contrat qu’aucune forme particulière n’est requise pour la renonciation.

44.      Elle se demande ensuite si, dans ce contexte, un assureur doit avoir la faculté de prévoir dans l’information préalable à la conclusion du contrat une forme particulière pour remettre une déclaration de renonciation valide.

2.      Sur l’appréciation au regard du droit de l’Union de la possibilité de ne soumettre la renonciation à aucune forme particulière

45.      Le gouvernement autrichien souligne à juste titre que la compétence réglementaire des États membres, reconnue expressément par les directives assurance vie, concernant les modalités d’exercice du droit de renonciation, s’étend également à la question de savoir si la déclaration de renonciation n’est soumise à aucune forme ou doit au contraire respecter une forme particulière.

46.      Lorsque le législateur national ne prescrit pas la forme à respecter pour la déclaration de renonciation, en principe, il convient également de déterminer d’après le droit national si, et le cas échéant dans quelles conditions, il est possible de convenir d’une forme impérative dans le contrat. Les affaires au principal portent sur des indications figurant dans les informations préalables à la conclusion du contrat et subordonnant la validité de la renonciation à une déclaration écrite ou au respect de la forme écrite. D’après les indications de la juridiction de renvoi dans l’affaire C‑479/18, conformément à l’article 886 du Allgemeines Bürgerliches Gesetzbuch (code civil), la forme écrite (23) requiert une signature manuscrite du déclarant ou une signature électronique qualifiée.

47.      Toutefois, les juridictions de renvoi apportent des réponses différentes à cette question d’interprétation du droit national : alors que, au vu du libellé de la première question préjudicielle, la juridiction de renvoi dans l’affaire C‑479/18 considère manifestement qu’une forme impérative, convenue contractuellement par une indication dans les informations concernant le droit de renonciation, est contraire à la loi, qui ne prévoit aucune forme particulière, la juridiction de renvoi dans les affaires C‑355/18 à C‑357/18 souligne que « [l]a stipulation relative à l’exigence de la forme écrite [...] n’est pas interdite en vertu du droit national ».

48.      À cet égard il convient de rappeler que, en appliquant le droit national, les juridictions nationales appelées à l’interpréter sont tenues de l’interpréter, dans toute la mesure possible, à la lumière du texte ainsi que de la finalité de la directive en cause (24). Pour autant que le droit national s’oppose à une convention ayant pour objet la détermination d’une forme impérative (ou en l’absence de convention en ce sens), l’obligation d’information prescrite par le droit de l’Union pourrait ne pas atteindre l’objectif qu’elle poursuit. En effet, une simple mention indiquant qu’aucune forme particulière n’est requise aux fins de l’exercice du droit de renonciation ne permet pas au preneur d’assurance d’exercer effectivement ce droit.

49.      Une simple mention indiquant qu’aucune forme particulière n’est requise aux fins de l’exercice du droit de renonciation ne permet pas au preneur d’assurance d’exercer son droit de renonciation en toute sécurité juridique. Ainsi, il est généralement presque impossible de prouver, notamment, le moment et le contenu d’une déclaration de renonciation verbale ou téléphonique. L’insécurité juridique que cela entraîne compromet tout particulièrement la réalisation de l’objectif poursuivi par les directives assurance vie, à savoir permettre au preneur d’assurance, à travers une information exacte, un exercice effectif et juridiquement sûr du droit de renonciation. C’est pourquoi, d’ailleurs, depuis le 1er janvier 2019, le droit autrichien impose expressément la formulation par écrit de la renonciation (25). Cela pourrait également expliquer pourquoi, dans d’autres États membres où la forme de la déclaration de renonciation n’a pas été réglementée par la loi, les indications relatives à la forme de la déclaration de renonciation, figurant dans l’information concernant le droit de renonciation ou dans la proposition d’assurance, sont déterminantes (26).

50.      Enfin, une comparaison avec les dispositions relatives au droit de rétractation prévu à l’article 6 de la directive 2002/65/CE concernant la commercialisation à distance de services financiers (27), au nombre desquels figurent en principe les contrats d’assurance vie (28) lorsque ces derniers sont conclus à distance avec des consommateurs, confirme qu’il doit être permis de convenir d’une forme impérative. En effet, s’agissant de la forme de la déclaration de renonciation, l’article 6, paragraphe 6, première phrase, de la directive 2002/65 prévoit que le consommateur notifie [sa rétractation] « avant l’expiration du délai en suivant les instructions pratiques qui lui ont été données [par le fournisseur], et de manière à ce que la preuve de cette notification puisse être administrée conformément à la législation nationale ». Cela montre en toute hypothèse que le législateur de l’Union accorde une importance particulière à la sécurité juridique en matière d’administration de la preuve de la déclaration de renonciation, tout particulièrement en cas de commercialisation à distance de services financiers au nombre desquels figurent les contrats d’assurance vie individuels.

51.      Il découle des considérations qui précèdent que l’information concernant le droit de renonciation ne garantit pas un exercice effectif du droit de renonciation lorsqu’elle se contente de mentionner la possibilité de renoncer au contrat sans respecter une forme particulière. En effet, seule une détermination juridiquement contraignante de la forme à respecter pour renoncer au contrat permet de garantir un tel exercice effectif. C’est pourquoi une convention imposant le respect d’une forme déterminée est non seulement permise, mais aussi requise par le droit de l’Union. Partant, lorsque la forme à respecter n’a pas été définie par la loi, elle doit l’être par une indication précise dans l’information relative au droit de renonciation à fournir préalablement à la conclusion du contrat.

52.      Certes, il appartient aux juridictions nationales chargées d’interpréter le droit national de décider si une interprétation de ce droit national conforme à la directive est possible. Dans l’affirmative (29), il convient d’interpréter le droit national conformément au droit de l’Union en ce sens qu’il est possible de convenir valablement d’une forme obligatoire à respecter. Il serait alors impossible de déduire de l’existence d’une telle convention que l’information concernant le droit de renonciation est erronée.

53.      Cela ne porte pas atteinte à la compétence des juridictions de renvoi pour vérifier au cas par cas si les indications litigieuses figurant dans l’information concernant le retrait sont rédigées de manière suffisamment claire et précise, et si la forme convenue ne rend pas l’exercice du droit de retrait excessivement difficile pour le preneur d’assurance.

54.      S’agissant des indications litigieuses dans les affaires au principal, le juge national devrait vérifier, par exemple, si les indications respectives sont suffisantes pour que le preneur d’assurance puisse, le cas échéant, faire valablement exercer son droit de renonciation. Lorsque, d’après ces indications, la renonciation requiert une déclaration écrite qui, conformément au droit national, doit sans doute être signée (30), il conviendrait notamment de déterminer si le preneur d’assurance en a été suffisamment informé.

55.      Pour examiner si les indications relatives à la forme à respecter rendent l’exercice du droit de retrait excessivement difficile pour le preneur d’assurance, une comparaison avec d’autres déclarations similaires soumises au respect d’une forme obligatoire serait instructive. Le simple fait que la forme requise soit moins stricte, par exemple la formulation par écrit par comparaison à la forme écrite au sens du droit autrichien (31), ne devrait pas suffire pour présumer que cela rend l’exercice du droit de retrait excessivement difficile.

56.      Partant, il convient de répondre de la manière suivante à la première ou unique question préjudicielle des affaires C‑355/18, C‑356/18 et C‑357/18 : l’article 15, paragraphe 1, de la deuxième directive assurance vie lu en combinaison avec l’article 31 de la troisième directive assurance vie, doit être interprété en ce sens que l’information relative à la faculté de renonciation ne doit pas contenir une indication mentionnant que la renonciation n’est soumise à aucune forme particulière. Au contraire, la mention d’une forme déterminée à respecter est non seulement permise, mais aussi requise.

B.      Sur les conséquences juridiques d’une information erronée concernant le droit de renonciation (première et deuxième questions préjudicielles de l’affaire C479/18)

1.      Les effets juridiques dune information erronée et d’une absence d’information sont-ils les mêmes ? (première question préjudicielle de l’affaire C479/18)

57.      La juridiction de renvoi semble considérer qu’une indication prescrivant la forme écrite, alors que le droit national ne soumet la renonciation au respect d’aucune forme particulière, rend erronée l’information relative au droit de renonciation (32). Nous ne partageons pas cet avis. C’est pourquoi nous n’examinons qu’à titre subsidiaire les effets juridiques d’une information erronée concernant le droit de renonciation. Il s’agit de transposer le constat établi dans l’arrêt du 19 décembre 2013, Endress (C-209/12, EU:C:2013:864), selon lequel le délai de renonciation ne commence pas à courir en cas d’absence d’information concernant le droit de renonciation.

58.      Le droit de l’Union ne détermine les effets juridiques ni d’une absence d’information ni d’une information erronée concernant le droit de renonciation (33).

59.      Selon une présentation concordante de l’une des juridictions de renvoi, le Bezirksgericht für Handelsachen Wien (tribunal de district pour les affaires commerciales de Vienne), et du gouvernement autrichien, le droit autrichien ne régissait pas, dans un premier temps, expressément les conséquences d’une absence d’information concernant le droit de renonciation sur le délai de renonciation (34). Néanmoins, l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche), dans un arrêt du 2 septembre 2015 (35), a appliqué par analogie l’article 165a, paragraphe 2, du VersVG, qui, d’après son libellé, vise seulement le cas de l’absence d’indication de l’adresse de l’assureur, et a jugé, en faisant référence à la jurisprudence de la Cour (36), qu’une information erronée concernant le droit de renonciation, qui consistait en l’espèce en une indication erronée de la durée du droit de renonciation, équivalait à une absence d’information. C’est pourquoi le délai de renonciation n’avait pas pu commencer à courir.

60.      En toute hypothèse, une telle interprétation de dispositions nationales est conforme à l’esprit et à la finalité de la réglementation du droit de renonciation dans les directives assurance vie. En effet, lorsque les indications figurant dans l’information préalable à la conclusion du contrat ne sont pas suffisantes pour garantir que le preneur d’assurance puisse exercer effectivement son droit de renonciation, une telle information erronée est tout aussi contraire à l’objectif poursuivi qu’une absence d’information. Le délai de renonciation ne peut pas commencer à courir.

61.      Néanmoins, le délai commence bien à courir lorsque l’assureur indique précisément dans l’information concernant le droit de renonciation que l’exercice de ce droit est subordonné au respect de la forme écrite, bien que le droit national ne soumette pas la déclaration de retrait au respect d’une forme particulière (37).

62.      C’est pourquoi nous proposons à la Cour de répondre de la manière suivante à la première question préjudicielle de l’affaire C‑479/18 :

L’article 15, paragraphe 1, de la deuxième directive assurance vie, lu en combinaison avec l’article 31 de la troisième directive assurance vie, l’article 35, paragraphe 1, lu en combinaison avec l’article 36, paragraphe 1, de la directive 2002/83, et l’article 185, paragraphe 1, lu en combinaison avec l’article 186, paragraphe 1, de la directive solvabilité II, doivent être interprétés en ce sens que – en l’absence de dispositions nationales relatives aux effets de la transmission d’une information erronée quant au droit de renonciation avant la conclusion du contrat – le délai imparti pour l’exercice du droit de renonciation commence à courir, lorsque la compagnie d’assurances mentionne dans l’information fournie que la renonciation doit être déclarée par écrit, alors que la renonciation n’est soumise à aucune forme particulière en vertu du droit national.

2.      Quand le délai commence-t-il à courir lorsque le preneur a eu connaissance d’une autre manière de son droit de renonciation ? (deuxième question préjudicielle de l’affaire C479/18)

63.      Par sa deuxième question préjudicielle, qui, d’après une indication de la juridiction de renvoi, n’est pertinente que pour l’affaire A, celle‑ci cherche à savoir si le délai de renonciation commence déjà à courir à partir du moment où, malgré une absence d’information ou une information erronée, le preneur d’assurance a eu connaissance de son droit de renonciation. Cette question est posée seulement pour le cas où le délai ne commencerait pas de toute façon à courir dans le cas de figure en question (« dans l’hypothèse où la première question appelle une réponse affirmative »). Comme nous partons du principe que le délai a commencé à courir (38), nous examinerons seulement à titre subsidiaire la question de savoir quand le délai commence à courir lorsque le preneur d’assurance a eu connaissance de son droit de renonciation d’une autre manière.

64.      D’après le libellé des directives assurance vie, l’obligation d’information concernant le droit de renonciation incombe exclusivement à l’assureur, l’information ayant pour objet non seulement le droit de renonciation, mais aussi les modalités d’exercice de ce droit (39). Justement parce que l’information doit permettre un exercice effectif du droit de renonciation, le simple fait d’avoir eu connaissance de ce droit ne saurait en aucun cas suffire à faire courir le délai de renonciation (40).

65.      De surcroît, lorsque l’assureur n’a pas dûment informé le preneur d’assurance, l’incertitude quant au moment où celui‑ci a eu connaissance de son droit de renonciation et à l’administration de la preuve à cet égard s’oppose à une prise en compte de cette connaissance. Partant, pour que le délai commence à courir, il ne suffit pas que le preneur d’assurance ait eu connaissance de son droit de renonciation d’une autre manière.

66.      Qui plus est, la juridiction de renvoi et la Commission font observer à juste titre que les assureurs ne seraient pas incités à respecter l’obligation d’information qui leur incombe en vertu du droit de l’Union si le fait que le preneur d’assurance ait eu connaissance du droit de renonciation, bien qu’il n’ait pas été dûment informé, et justement pas concernant les modalités d’exercice de ce droit, suffisait pour que le délai de renonciation commence à courir (41).

67.      C’est pourquoi nous proposons à la Cour, à titre subsidiaire, de répondre de la manière suivante à la deuxième question de l’affaire C‑479/18 : l’article 15, paragraphe 1, de la deuxième directive assurance vie, lu en combinaison avec l’article 31 de la troisième directive assurance vie, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une disposition nationale prévoyant que, en cas d’absence d’information ou de transmission d’une information erronée quant au droit de renonciation avant la conclusion du contrat, le délai imparti pour l’exercice du droit de renonciation commence à courir à compter de la date à laquelle le preneur a eu connaissance – de quelque manière que ce soit – de son droit de renonciation.

3.      Est-il possible de renoncer au contrat après la résiliation de celuici et le versement de la valeur de rachat ? (deuxième question préjudicielle dans les affaires C355/18 et C356/18, troisième question préjudicielle dans l’affaire C479/18)

68.      Par leurs questions préjudicielles, les juridictions de renvoi cherchent à savoir en substance si les directives assurance vie requièrent de permettre au preneur d’assurance d’exercer son droit de renonciation également après la résiliation du contrat suivie du versement de la valeur de rachat.

69.      Dans toutes les affaires au principal ayant pour objet un contrat déjà résilié, les assureurs contestent le droit de renonciation, au motif qu’il serait impossible de renoncer à un contrat déjà résilié auparavant pour la simple raison qu’un contrat déjà résilié ne pourrait plus faire naître aucune obligation pour l’avenir. Selon eux, l’article 15, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la deuxième directive assurance vie, qui prévoit que le preneur est libéré pour l’avenir de toute obligation découlant du contrat, serait sinon sans objet.

70.      Le gouvernement autrichien se rallie à cette argumentation et fait en outre référence à l’arrêt Hamilton et à l’article 5 de la directive 85/577/CEE (42), selon lesquels l’expression « [l]e consommateur a le droit de renoncer aux effets de son engagement » suppose logiquement que l’engagement en cause existe encore au moment de l’exercice du droit de renonciation (43).

71.      Certes, cette argumentation peut paraître convaincante à première vue. Normalement, lorsqu’un contrat a déjà été résolu, il n’est plus possible d’exercer des droits extinctifs comme le droit de renonciation. Cependant, les effets juridiques distincts que le droit national attache à la résiliation et à la renonciation (44) empêchent de se limiter à une approche aussi formelle et superficielle. En effet, au contraire, plusieurs raisons plaident en faveur du maintien du droit de renonciation, même après une résiliation, en cas d’absence d’information ou d’information erronée. Le preneur d’assurance a alors droit, le cas échéant, à la différence entre le montant dû à raison des restitutions consécutives à une renonciation selon les règles de droit national et la valeur de rachat déjà versée.

72.      En effet, d’une part, l’arrêt Endress peut être interprété en ce sens qu’en cas d’absence d’information une renonciation doit être permise même après une résiliation. Certes, le dispositif indique seulement qu’en cas d’absence d’information, le délai ne commence pas à courir. Or, M. Endress avait déjà résilié le contrat, et la valeur de rachat du contrat lui avait été versée (45). C’est pourquoi, si une renonciation n’avait plus été envisageable a priori, la Cour aurait dû tout simplement rejeter la question préjudicielle comme hypothétique.

73.      En l’espèce, il n’y a pas lieu de se prononcer sur les conséquences à tirer de l’arrêt Hamilton, relatif à la directive 85/577 (46). En effet, cet arrêt concerne la question de la compatibilité avec cette directive d’une disposition nationale prévoyant une telle extinction du droit de renonciation un mois après l’exécution par les deux parties au contrat de la totalité de leurs obligations. Toutefois, en l’espèce tout comme dans l’arrêt du 19 décembre 2013, Endress (C‑209/12, EU:C:2013:864), ce n’est pas une telle disposition qui est en cause, puisque le législateur national n’en a pas édicté concernant les contrats d’assurance vie. Au contraire, le droit autrichien est manifestement dépourvu de disposition relative au maintien du droit de renonciation, ainsi que cela ressort déjà du libellé de la troisième question préjudicielle de l’affaire C‑479/18 (47).

74.      En outre, les directives assurance vie garantissent au preneur d’assurance qu’il peut exercer effectivement son droit de renonciation, selon les modalités prévues par l’ordre juridique national. Cela comprend également une faculté de choix entre renonciation et résiliation. Or, un preneur d’assurance qui n’a pas connaissance de son droit de renonciation et des modalités exactes d’exercice de ce droit ne peut pas user de cette faculté.

75.      Le preneur d’assurance ne peut alors pas non plus perdre son droit de renonciation, pour ainsi dire par inadvertance, en résiliant le contrat. Dans ce cas, le preneur qui a usé de la seule possibilité dont il croyait, à tort, disposer serait plus mal loti que celui qui n’a rien fait. En effet, cela serait particulièrement contraire à l’objectif poursuivi par le droit de l’Union avec le droit de renonciation, qui est de permettre à un preneur d’assurance de dénoncer aisément un contrat qui ne correspond pas à ses attentes, ses besoins ou ses moyens financiers (48).

76.      D’ailleurs, dans un tel cas de figure, le preneur d’assurance n’a pas été déchu de son droit de renonciation. Il y a déchéance d’un droit lorsque celui‑ci n’a pas été invoqué pendant une longue période et que la survenance de circonstances particulières fait apparaître l’invocation tardive comme contraire à la bonne foi, parce qu’il n’y avait plus lieu de s’y attendre. En l’espèce, en tout état de cause, il manque une confiance légitime de l’assureur. En effet, il a provoqué la situation en cause en n’informant pas dûment le preneur d’assurance concernant son droit de renonciation (49).

77.      Qui plus est, la valeur de rachat (50) d’un contrat d’assurance à verser en cas de résiliation, même pour des contrats anciens, est nettement inférieure à la valeur de la somme des primes d’assurance versées. Or, une extinction du droit de renonciation après une résiliation du contrat suivie d’un versement de la valeur de rachat empêcherait justement l’application d’une réglementation nationale des effets juridiques de la renonciation relative au remboursement de primes déjà versées et conduirait à un alignement des effets juridiques de la renonciation sur ceux de la résiliation (51). Cela rendrait sans objet le droit de renonciation garanti par le droit de l’Union.

78.      Pour toutes ces raisons, nous proposons à la Cour de répondre de la manière suivante à la seconde question préjudicielle des affaires C‑355/18 et C‑356/18, ainsi qu’à la troisième question préjudicielle de l’affaire C‑479/18 : l’article 15, paragraphe 1, de la deuxième directive assurance vie, lu en combinaison avec l’article 31 de la troisième directive assurance vie, et l’article 35, paragraphe 1, lu en combinaison avec l’article 36, paragraphe 1, de la directive 2002/83, doivent être interprétés en ce sens que le preneur peut encore exercer son droit de renonciation en raison d’une absence d’information ou d’une information erronée après que la valeur de rachat lui a été versée lorsque le droit national ne réglemente pas les effets juridiques d’une absence d’information ou d’une information erronée concernant le droit de renonciation.

C.      Sur les prescriptions du droit de l’Union concernant la résolution du contrat en cas d’exercice tardif du droit de renonciation (quatrième et cinquième questions préjudicielles de l’affaire C479/18)

79.      Les quatrième et cinquième questions préjudicielles de l’affaire C‑479/18 visent à savoir dans quelle mesure les droits du preneur d’assurance peuvent être limités lorsqu’il exerce un droit de renonciation en raison d’une absence d’information ou d’une information erronée.

80.      Les directives assurance vie prévoient les effets de la renonciation uniquement lorsque le preneur en a été dûment informé. L’article 15, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la deuxième directive assurance vie, et les dispositions qui lui ont succédé, qui sont identiques à cet égard (52), se contentent de préciser que la notification par le preneur de sa renonciation au contrat a pour effet de le libérer « pour l’avenir de toute obligation découlant de ce contrat », alors que, concernant « les autres effets juridiques et les conditions de la renonciation », le troisième alinéa renvoie à la loi applicable aux contrats.

81.      Ni le libellé ni la genèse des directives assurance vie ne permettent de conclure que le renvoi à la loi applicable aux contrats pour régler les effets juridiques d’une renonciation immédiatement après la conclusion du contrat vaut aussi pour le cas de figure d’une renonciation tardive en raison d’une absence d’information ou d’une information erronée (53).

82.      Par conséquent, aux fins de l’appréciation des dispositions nationales en cause, relatives aux effets juridiques d’une renonciation, il convient uniquement de vérifier si ces dispositions assurent suffisamment l’effet utile des directives assurance vie compte tenu de l’objectif qu’elles poursuivent.

1.      Sur la limitation des droits du preneur d’assurance au versement de la valeur de rachat (quatrième question préjudicielle de l’affaire C479/18)

83.      Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi cherche à savoir si le droit de l’Union s’oppose à une disposition nationale prévoyant que, si le preneur d’assurance exerce son droit de renonciation, il convient de lui verser la valeur de rachat.

84.      Nous avons montré dans les présentes conclusions que le preneur d’assurance doit conserver son droit de renonciation en cas d’absence d’information ou d’information erronée même après une résiliation du contrat et le versement de la valeur de rachat de celui‑ci (54). En fin de compte, cela est justifié par les effets juridiques différents de la résiliation et de la renonciation, quelles que soient les modalités prévues dans les ordres juridiques nationaux. Il n’est pas inhabituel qu’en principe les résiliations produisent des effets ex nunc ou pro futuro, alors que les renonciations conduisent à une obligation de restitution ex tunc. Certes, les directives assurance vie disposent que, en cas de renonciation après avoir été dûment informé, le preneur est libéré « pour l’avenir de toute obligation découlant de ce contrat » (55). Cependant, les directives assurance vie laissent au législateur national le soin de réglementer les autres effets juridiques de la renonciation, et donc les effets sur les prestations déjà exécutées, sous réserve de préserver leur effet utile.

85.      Ainsi, le législateur national ne peut pas neutraliser le droit de résiliation garanti par le droit de l’Union en attachant aux renonciations tardives en raison d’une absence d’information ou d’une information erronée des effets correspondant à ceux que le droit national prévoit pour la résiliation (56). En effet, il ne s’agirait plus, en fin de compte, d’un droit de renonciation effectif, mais d’un droit de résiliation extraordinaire.

86.      Pour autant qu’un tel régime des effets juridiques limite les droits du preneur d’assurance par rapport à des restitutions selon les règles applicables en matière d’enrichissement sans cause, il ne doit pas aller jusqu’à priver l’exercice du droit de renonciation d’intérêt pratique en raison des conséquences financières à attendre.

87.      Il pourrait en aller ainsi en cas de renonciation tardive, si les effets juridiques de la renonciation étaient alignés sur ceux de la résiliation. En effet, plus le temps passe après la conclusion du contrat, plus est élevée la somme des primes versées, dont une partie importante (57) est irrémédiablement perdue pour le preneur d’assurance à cause de cet alignement sur les effets de la résiliation. Cela est contraire à l’objectif des directives assurance vie, qui est de garantir au preneur d’assurance l’exercice effectif de son droit de renonciation.

88.      Une telle limitation générale des droits du preneur d’assurance ne se justifie pas non plus par une garantie d’égalité de traitement de tous les preneurs d’assurance. En effet, des preneurs d’assurance qui renoncent au contrat en raison d’une absence d’information ou d’une information erronée ne sont pas dans une situation comparable à celle de preneurs d’assurance qui n’ont pas exercé leur droit de renonciation après avoir été dûment informés et cherchent à obtenir par la suite une résiliation anticipée du contrat (58).

89.      En tout état de cause, il est loisible au juge national de prendre en compte au cas par cas un risque d’abus indéniable (particulièrement marqué en ce qui concerne les contrats d’assurance vie en unités de compte) (59).

90.      C’est ce qu’a déjà fait par exemple la Cour de cassation (France) dans son arrêt du 7 février 2019 (60) relatif à l’exercice tardif d’un droit de renonciation en raison d’une information prétendument erronée. Elle a constaté que l’instance précédente ne pouvait exclure un exercice abusif du droit de renonciation sans suffisamment apprécier la date d’exercice de la faculté de renonciation au regard de la situation concrète du preneur d’assurance, de sa qualité d’assuré averti ou profane et des informations dont il disposait réellement, ainsi que de la finalité concrète de l’exercice de son droit de renonciation.

91.      Partant, il convient de répondre comme suit à la quatrième question préjudicielle posée dans l’affaire C‑479/18 : l’article 15, paragraphe 1, de la deuxième directive assurance vie, l’article 35, paragraphe 1, de la directive 2002/83, et l’article 186, paragraphe 1, de la directive solvabilité II doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une disposition nationale prévoyant qu’il convient de rembourser au preneur, si celui‑ci exerce son droit de renonciation, la valeur de rachat (à savoir la valeur actuelle de l’assurance, calculée selon les règles actuarielles reconnues).

2.      Sur la prescription du droit au paiement d’intérêts (cinquième question préjudicielle de l’affaire C479/18)

92.      Par cette question, pour le cas où, après l’exercice tardif d’un droit de renonciation, un contrat d’assurance vie doit être résolu conformément aux règles applicables en matière d’enrichissement sans cause, la juridiction de renvoi cherche à savoir si le droit de l’Union s’oppose à une limitation du droit au paiement d’intérêts à la quote-part afférente à la période correspondant aux trois années précédant l’introduction du recours en raison d’un délai de prescription général.

93.      Cette question se pose parce qu’une disposition du code civil (article 1480) prévoit que « les créances de prestations annuelles impayées, notamment d’intérêts, de pensions, de contributions à caractère alimentaire, de prestations aux ascendants, d’amortissement du capital d’annuités convenues, s’éteignent à l’expiration d’un délai de trois ans ; le droit lui‑même se prescrit par un non-usage pendant trente ans ».

94.      Toutefois, des droits ne peuvent pas être prescrits avant d’être nés et pas non plus avant que leur titulaire n’ait eu connaissance de leur existence. Par conséquent, le délai de prescription ne peut commencer à courir qu’après l’exercice du droit de renonciation.

95.      En particulier, le droit de renonciation garanti par le droit de l’Union ne peut pas être effectivement exercé si les droits qui en résultent s’amenuisent avant même que le preneur d’assurance ait été informé de son droit.

96.      Partant, il convient de répondre de la manière suivante à la cinquième question préjudicielle de l’affaire C‑479/18 : l’article 15, paragraphe 1, de la deuxième directive assurance vie, ou l’article 35, paragraphe 1, de la directive 2002/83, ou encore l’article 186, paragraphe 1, de la directive solvabilité II doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une disposition nationale prévoyant que, en cas d’exercice du droit de renonciation, le droit au paiement d’intérêts forfaitaires au titre des primes remboursées peut être limité, en raison de la prescription, à la quote-part afférente à la période correspondant aux trois années précédant l’introduction du recours.

VII. Conclusion

97.      Au vu des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de répondre de la manière suivante aux questions préjudicielles du Landesgericht Salzburg (tribunal régional de Salzbourg, Autriche) (affaires C‑355/18, C‑356/18 et C‑357/18), ainsi qu’aux questions préjudicielles du Bezirksgericht für Handelssachen Wien (tribunal de district pour les affaires commerciales de Vienne, Autriche) (affaire C‑479/18) :

1)      L’article 15, paragraphe 1, de la deuxième directive 90/619/CEE du Conseil, du 8 novembre 1990, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l’assurance directe sur la vie, fixant les dispositions destinées à faciliter l’exercice effectif de la libre prestation de services et modifiant la directive 79/267/CEE, telle que modifiée par la directive 92/96/CEE du Conseil, du 10 novembre 1992, lu en combinaison avec l’article 31 de la directive 92/96, doit être interprété en ce sens que l’information relative à la faculté de renonciation ne doit pas contenir une indication mentionnant que la renonciation n’est soumise à aucune forme particulière. Au contraire, la mention d’une forme déterminée à respecter est non seulement permise, mais aussi requise (première question préjudicielle des affaires C‑355/18 et C‑356/18, unique question préjudicielle de l’affaire C‑357/18).

2)      L’article 15, paragraphe 1, de la directive 90/619, telle que modifiée par la directive 92/96, lu en combinaison avec l’article 31 de la directive 92/96, l’article 35, paragraphe 1, de la directive 2002/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 novembre 2002, concernant l’assurance directe sur la vie, lu en combinaison avec l’article 36, paragraphe 1, de cette directive, et l’article 185, paragraphe 1, de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l’accès aux activités de l’assurance et de la réassurance et leur exercice (solvabilité II), lu en combinaison avec l’article 186, paragraphe 1, de cette directive, doivent être interprétés en ce sens que – en l’absence de dispositions nationales relatives aux effets de la transmission d’une information erronée quant au droit de renonciation avant la conclusion du contrat – le délai imparti pour l’exercice du droit de renonciation commence à courir, lorsque la compagnie d’assurances mentionne dans l’information fournie que la renonciation doit être déclarée par écrit, alors que la renonciation n’est soumise à aucune forme particulière en vertu du droit national (première question préjudicielle de l’affaire C‑479/18),

et, pour autant qu’il y ait lieu d’y répondre,

3)      l’article 15, paragraphe 1, de la directive 90/619, telle que modifiée par la directive 92/96, lu en combinaison avec l’article 31 de la directive 92/96, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une disposition nationale prévoyant que, en cas d’absence d’information ou de transmission d’une information erronée quant au droit de renonciation avant la conclusion du contrat, le délai imparti pour l’exercice du droit de renonciation commence à courir à compter de la date à laquelle le preneur a eu connaissance – de quelque manière que ce soit – de son droit de renonciation (deuxième question préjudicielle de l’affaire C‑479/18).

4)      L’article 15, paragraphe 1, de la directive 90/619, telle que modifiée par la directive 92/96, lu en combinaison avec l’article 31 de la directive 92/96, et l’article 35, paragraphe 1, de la directive 2002/83, lu en combinaison avec l’article 36, paragraphe 1, de cette directive, doivent être interprétés en ce sens que le preneur peut encore faire une déclaration de renonciation en raison d’une absence d’information ou d’une information erronée après que la valeur de rachat lui a été versée lorsque le droit national ne réglemente pas les effets juridiques d’une absence d’information ou d’une information erronée concernant le droit de renonciation (deuxième question préjudicielle dans les affaires C‑355/18 et C‑356/18, troisième question préjudicielle dans l’affaire C‑479/18).

5)      L’article 15, paragraphe 1, de la directive 90/619, telle que modifiée par la directive 92/96, l’article 35, paragraphe 1, de la directive 2002/83 et l’article 186, paragraphe 1, de la directive 2009/138 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une disposition nationale prévoyant qu’il convient de rembourser au preneur, si celui‑ci exerce son droit de renonciation, la valeur de rachat (à savoir la valeur actuelle de l’assurance, calculée selon les règles actuarielles reconnues) (quatrième question préjudicielle de l’affaire C‑479/18).

6)      L’article 15, paragraphe 1, de la directive 90/619, telle que modifiée par la directive 92/96, l’article 35, paragraphe 1, de la directive 2002/83 et l’article 186, paragraphe 1, de la directive 2009/138 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une disposition nationale prévoyant que, en cas d’exercice du droit de renonciation, le droit au paiement d’intérêts forfaitaires au titre des primes remboursées peut être limité, en raison de la prescription, à la quote-part afférente à la période correspondant aux trois années précédant l’introduction du recours (cinquième question préjudicielle de l’affaire C‑479/18).


1      Langue originale : l’allemand.


2      Deuxième directive du Conseil du 8 novembre 1990 portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l’assurance directe sur la vie, fixant les dispositions destinées à faciliter l’exercice effectif de la libre prestation de services et modifiant la directive 79/267/CEE (JO 1990, L 330, p. 50), telle que modifiée par la directive 92/96/CEE du Conseil, du 10 novembre 1992 (JO 1992, L 360, p. 1) (ci-après la « deuxième directive assurance vie »).


3      Directive du Conseil du 10 novembre 1992 portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l’assurance directe sur la vie, et modifiant les directives 79/267/CEE et 90/619/CEE (JO 1992, L 360, p. 1, ci-après la « troisième directive assurance vie »).


4      Lorsque par la suite nous faisons référence à des dispositions de la directive 90/619 telle que modifiée par la directive 92/96, nous les appelons dispositions de la « deuxième directive assurance vie ».


5      Directive du Parlement européen et du Conseil du 5 novembre 2002 concernant l’assurance directe sur la vie (JO 2002, L 345, p. 1).


6      Directive du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l’accès aux activités de l’assurance et de la réassurance et leur exercice (solvabilité II) (JO 2009, L 335, p. 1). Lorsque par la suite nous faisons référence sans distinction à la deuxième directive assurance vie, à la troisième directive assurance vie, à la directive 2002/83 et à la directive solvabilité II, nous les appelons, ensemble, « directives assurance vie ».


7      Voir également annexe III, sous A, de la directive 2002/83 et article 185 de la directive solvabilité II.


8      Voir également annexe III, sous A, de la directive 2002/83 et article 185, paragraphe 6, de la directive solvabilité II.


9      Voir également annexe III, sous A, a.13, de la directive 2002/83 et article 185, paragraphe 3, sous j), de la directive solvabilité II.


10      BGBl. I, 6/1997.


11      BGBl. I, 95/2006.


12      BGBl. I, 34/2012.


13      Voir, déjà, arrêt du 19 décembre 2013, Endress (C‑209/12, EU:C:2013:864, point 20), dans lequel, en faisant référence à l’exposé de faits de la juridiction de renvoi, la Cour a précisé qu’elle était tenue de partir de l’hypothèse que le preneur d’assurance concerné n’a pas été informé ou pas suffisamment.


14      Arrêt du 19 décembre 2013, Endress (C‑209/12, EU:C:2013:864, point 23).


15      Voir point 3 des présentes conclusions.


16      Voir dispositions citées au point 24 des présentes conclusions.


17      Selon les modalités de transposition arrêtées par les États membres, ce délai peut être de 14 à 30 jours.


18      Arrêt du 19 décembre 2013, Endress (C‑209/12, EU:C:2013:864, points 25 et 26).


19      Voir point 24 des présentes conclusions.


20      Article 31, lu conjointement avec l’annexe II, sous A, de la troisième directive assurance vie, article 36, lu conjointement avec l’annexe III, sous A, de la directive 2002/83 et article 185, paragraphe 6, premier alinéa, de la directive solvabilité II.


21      Voir également arrêt du 19 décembre 2013, Endress (C‑209/12, EU:C:2013:864, point 25), selon lequel le preneur d’assurance doit recevoir une information « exacte » concernant, notamment, son droit de renonciation.


22      Voir versions successives de l’article 165a du VersVG susmentionnées aux points 8 et 9. L’article 165a du VersVG a été abrogé à compter du 31 décembre 2018 par le Gesetz zur Änderung des Versicherungsgesetzes, des Konsumentsschutzgesetzes und des Versicherungsaufsichtsgesetzes 2018 (loi de 2018 portant modification de la loi relative au contrat d’assurance, de la loi sur la protection des consommateurs et de la loi sur la gestion et la surveillance de l’assurance privée, BGBl. I, 51/2018). Depuis le 1er janvier 2019, il est désormais prévu à l’article 5c, paragraphe 4, du VersVG, que la renonciation doit faire l’objet d’une « formulation par écrit ».


23      Qu’il convient de distinguer de la « formulation par écrit » au sens de l’article 1d du VersVG, qui requiert seulement que la déclaration « permette de reconnaître » la personne du déclarant.


24      Voir notamment arrêt du 19 avril 2016, DI (C‑441/14, EU:C:2016:278, point 31 et jurisprudence citée).


25      Voir note 22 des présentes conclusions.


26      Voir notamment article 177, paragraphe 2, du Codice delle Assicurazioni Private (code des assurances privées), prévoyant que « I termini e le modalità per l’esercizio dello stesso devono essere espressamente evidentziati nella proposta e nel contratto di assicurazione ». Il en va de même au Royaume‑Uni dans l’Insurance Conduct of Business Sourcebook (ICOBS, https://www.handbook.fca.org.uk/handbook/ICOBS/), voir règle 6.3.1, paragraphe 2, lue conjointement avec la règle 7.1.


27      Directive du Parlement européen et du Conseil du 23 septembre 2002 concernant la commercialisation à distance de services financiers auprès des consommateurs, et modifiant les directives 90/619/CEE du Conseil, 97/7/CE et 98/27/CE (JO 2002, L 271, p. 16).


28      Sauf exceptions prévues à l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la directive 2002/65, qui concernent notamment les contrats d’assurance vie liés à des parts dans des entreprises de placement collectif.


29      Voir en ce sens, au point 47 des présentes conclusions, la supposition de la juridiction de renvoi dans les affaires jointes C‑355/18 à C‑357/18.


30      Voir point 46 des présentes conclusions.


31      Voir note 23 des présentes conclusions.


32      Voir nos considérations exposées sous A des présentes conclusions.


33      Concernant le cas d’absence d’information, voir arrêt du 19 décembre 2013, Endress (C‑209/12, EU:C:2013:864, point 22).


34      Une telle disposition a été insérée à compter du 1er juillet 2012 à l’article 165a du VersVG (nouveau paragraphe 2a). Voir point 9 des présentes conclusions.


35      Référence : 7 Ob 107/15h.


36      L’Oberster Gerichtshof (Cour suprême) fait référence à cet égard aux arrêts du 10 avril 2008, Hamilton (C‑412/06, EU:C:2008:215), et du 19 décembre 2013, Endress (C‑209/12, EU:C:2013:864).


37      Voir notre proposition de réponse à la première ou unique question des affaires jointes C‑355/18, C‑356/18 et C‑357/18, point 56 des présentes conclusions.


38      Voir point 61 des présentes conclusions.


39      Article 31, paragraphe 1, de la troisième directive assurance vie lu conjointement avec l’annexe II, sous A, a.13 ; article 36, paragraphe 1, de la directive 2002/83, lu conjointement avec l’annexe III, sous A, a.13 ; article 185, paragraphe 3, sous j), de la directive solvabilité II.


40      Voir en ce sens également conclusions de l’avocate générale Sharpston dans l’affaire Endress (C‑209/12, EU:C:2013:472, point 47).


41      Il en va ainsi également lorsque, en droit national, le manquement à l’obligation d’information de l’assureur est passible de mesures prises par les autorités de surveillance (comme des sanctions administratives).


42      Directive du Conseil du 20 décembre 1985 concernant la protection des consommateurs dans le cas de contrats négociés en dehors des établissements commerciaux (JO 1985, L 372, p. 31). Cette directive a été abrogée et remplacée par la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs (JO 2011, L 304, p. 64).


43      Arrêt du 10 avril 2008, Hamilton (C‑412/06, EU:C:2008:215, point 42).


44      Dans ses observations écrites dans l’affaire C‑479/18, le gouvernement autrichien, à l’instar de la juridiction de renvoi, précise que, lorsque le preneur d’assurance renonce au contrat après avoir été dûment informé, tous les versements qu’il a déjà effectués lui sont remboursés, après déduction des parties des primes correspondant à une couverture éventuelle.


45      Arrêt du 19 décembre 2013, Endress (C‑209/12, EU:C:2013:864, point 14).


46      Arrêt du 10 avril 2008, Hamilton (C‑412/06, EU:C:2008:215)


47      En effet, la question est posée « en l’absence de dispositions nationales relatives aux effets d’une absence d’information ou de la transmission d’une information erronée quant au droit de renonciation avant la conclusion du contrat ».


48      Voir notamment Binon, J.-M., Droit des assurances de personnes – Aspects civils, techniques et sociaux, 2e éd., 2016, Larcier, Bruxelles, point 379. Ainsi, la renonciation contribue à permettre de profiter pleinement de la diversité des produits proposés dans le marché intérieur de l’assurance. Voir à cet égard le considérant 23 de la troisième directive assurance vie et le considérant 52, presque identique, de la directive 2002/83, ainsi que le considérant 46 de cette dernière.


49      Voir déjà arrêt du 19 décembre 2013, Endress (C‑209/12, EU:C:2013:864, point 30), selon lequel l’assureur ne « saurait valablement invoquer des motifs de sécurité juridique pour remédier à une situation causée par son propre défaut de se conformer à l’exigence, découlant du droit de l’Union, de communiquer [des] informations [...] relatives au droit du preneur de renoncer au contrat ».


50      En Autriche, la valeur de rachat est définie à l’article 176, paragraphe 3, du VersVG comme la valeur actuelle de l’assurance qui doit être calculée « selon les règles actuarielles reconnues, en se fondant sur les bases de calcul relatives à la détermination des primes à l’échéance de la période d’assurance en cours ».


51      S’agissant des limites de la compétence réglementaire des États membres concernant les effets juridiques de la renonciation, voir également sous C des présentes conclusions.


52      L’article 35, paragraphe 1, de la directive 2002/83 et l’article 186 de la directive solvabilité II.


53      Voir en ce sens l’arrêt du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne) dans l’affaire Endress (BGH IV ZR 76/11, point 42) qui fait référence à l’arrêt de la Cour dans cette affaire (arrêt du 19 décembre 2013, C‑209/12, EU:C:2013:864, point 22).


54      Voir point 78 des présentes conclusions.


55      Article 15, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la deuxième directive assurance vie, article 35, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2002/83 et article 186, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive solvabilité II.


56      Dans la version en vigueur avant le 31 décembre 2018, l’article 176, paragraphe 1, du VersVG prévoyait que l’assureur devait rembourser la valeur de rachat due au titre de l’assurance : « s’il est mis fin, par renonciation, résiliation ou contestation, à une assurance capital-décès souscrite de telle manière que la naissance de l’obligation de l’assureur au paiement du capital convenu est certaine, l’assureur doit rembourser la valeur de rachat due au titre de l’assurance ».


57      Certes, cette perte est plus ou moins importante selon le moment de la renonciation. Cependant, la réglementation des effets juridiques en cause renonce justement à toute distinction. En l’espèce, il n’y a pas lieu d’aborder la nouvelle version de l’article 176 du VersVG, en vigueur depuis le 1er janvier 2019, qui introduit une réglementation des effets juridiques différenciée selon le moment de la renonciation, car elle n’est pas applicable ratione temporis aux faits des affaires au principal.


58      Voir point 76 des présentes conclusions.


59      L’interdiction de l’abus de droit fait partie des principes généraux du droit de l’Union. Voir, dernièrement, arrêt du 6 février 2018, Altun e.a. (C‑359/16, EU:C:2018:63, point 49).


60      Arrêt de la 2e chambre civile de la Cour de cassation (France) du 7 février 2019, F‑P+B+I. no 17-27.223.