Language of document : ECLI:EU:T:2010:375

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

9 septembre 2010 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale ETRAX – Marques nationales figuratives antérieures contenant les éléments verbaux ETRA I+D – Motif relatif de refus – Recevabilité du recours devant la chambre de recours – Règle 49, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 2868/95 et article 59 du règlement (CE) n° 40/94 [devenu article 60 du règlement (CE) n° 207/2009] »

Dans l’affaire T‑70/08,

Axis AB, établie à Lund (Suède), représentée par MJ. Norderyd, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

Etra Investigación y Desarrollo, SA, établie à Valence (Espagne),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 27 novembre 2007 (affaire R 334/2007-2), relative à une procédure d’opposition entre Etra Investigación y Desarrollo, SA et Axis AB,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. M. Vilaras, président, M. Prek et V. M. Ciucă (rapporteur), juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 12 février 2008,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 9 juin 2008,

à la suite de l’audience du 29 avril 2010,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 17 juin 2004, la requérante, Axis AB, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est la marque verbale ETRAX.

3        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent, après limitation intervenue au cours de la procédure devant l’OHMI, des classes 9 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 31/2005, du 1er août 2005.

5        Le 14 octobre 2005, Etra Investigacion y Desarrollo, SA a formé opposition, au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits et services visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur les marques antérieures suivantes :

–        la marque figurative espagnole n° 2194122, déposée le 5 novembre 1998 et enregistrée le 22 novembre 1999, pour les produits relevant de la classe 9 [« Appareils scientifiques, nautiques, géodésiques, électriques, photographiques, cinématographiques, optiques, de pesage, de mesurage, de signalisation, de contrôle (inspection), de secours (sauvetage) et d’enseignement ; appareils pour l’enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images ; supports d’enregistrement magnétiques, disques acoustiques ; distributeurs automatiques et mécanismes pour appareils à prépaiement ; caisses enregistreuses, machines à calculer, équipement pour le traitement de l’information et les ordinateurs ; extincteurs »], représentée ci-après :

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–        la marque figurative espagnole n° 2413572, déposée le 9 juillet 2001 et enregistrée le 8 janvier 2002 pour les produits relevant de la classe 9 [« Appareils scientifiques, nautiques, géodésiques, électriques, photographiques, cinématographiques, optiques, de pesage, de mesurage, de signalisation, de contrôle (inspection), de secours (sauvetage) et d’enseignement ; appareils pour l’enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images ; supports d’enregistrement magnétiques, disques acoustiques ; distributeurs automatiques et mécanismes pour appareils à prépaiement ; caisses enregistreuses, machines à calculer, équipement pour le traitement de l’information et les ordinateurs ; extincteurs »], représentée ci-après :

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–        la marque figurative espagnole n° 2413574, déposée le 9 juillet 2001 et enregistrée le 22 avril 2002 pour les services relevant de la classe 42 (« Services d’ingénierie ; services d’analyses et de recherches industrielles, électriques et électroniques »), représentée ci-après :

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7        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était le risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009].

8        Le 11 décembre 2006, la division d’opposition a rejeté l’opposition dans son intégralité, estimant que les différences entre les signes étaient de nature à écarter l’existence d’un risque de confusion entre les marques antérieures et la marque demandée.

9        Un recours, non daté, formé contre la décision de la division d’opposition, est parvenu à l’OHMI le 21 février 2007.

10      Par décision du 27 novembre 2007 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a fait droit au recours, en annulant la décision de la division d’opposition et en rejetant la demande d’enregistrement dans son intégralité.

11      En particulier, la chambre de recours a, tout d’abord, examiné, la question de la recevabilité et a considéré que, bien que l’acte de recours non daté ait été reçu par l’OHMI le 21 février 2007, c’est-à-dire après l’expiration du délai de recours, le 12 février 2007, le paiement de la taxe de recours par virement bancaire « a[vait] rempli le rôle de l’acte de recours aux fins de recevabilité », étant donné qu’il avait été effectué à temps et qu’il contenait les informations détaillées requises par la règle 48, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1).

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

13      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

14      Lors de l’audience, à la suite d’une question posée par le Tribunal, l’OHMI a indiqué qu’il lui demandait soit de rejeter le recours sur le fond soit de réformer la décision attaquée sur la base du rapport de transmission de télécopie envoyé par l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours.

 En droit

15      A l’appui de son recours, la requérante invoque, en substance, deux moyens, tirés, respectivement, de la violation de la règle 49, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 2868/95 et de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

16      Il y a d’abord lieu d’examiner le premier moyen, tiré de la violation de la règle 49, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 2868/95.

 Arguments des parties

17      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir violé la règle 49, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 2868/95. En particulier, elle fait valoir que la chambre de recours a considéré à tort que le recours était recevable conformément à la règle 49, paragraphe 1, du règlement n° 2868/95, alors que le relevé du virement bancaire effectué en règlement de la taxe de recours était rédigé en espagnol, contrairement à ce que prévoit la règle 48, paragraphe 2, du règlement n° 2868/95, selon laquelle l’acte de recours doit être déposé dans la langue de procédure de la décision qui est attaquée, à savoir en l’espèce l’anglais.

18      L’OHMI reconnaît que la chambre de recours a enfreint la règle 49, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 2868/95. Cependant, l’OHMI soutient que, selon un principe de droit de l’Union européenne, l’erreur commise par la chambre de recours ne suffit pas pour justifier l’annulation de la décision attaquée, car cette « irrégularité de procédure » n’aurait pas pu avoir une « incidence décisive » sur la recevabilité du recours devant la chambre de recours.

19      Selon l’OHMI, le recours devant la chambre de recours était recevable au motif que l’opposante avait déposé le 21 février 2007 un rapport de transmission de télécopie attestant qu’un acte de recours, satisfaisant pleinement aux conditions visées par la règle 48 du règlement n° 2868/95, avait été envoyé le 8 février de la même année. Or, bien que l’OHMI n’ait pas trouvé trace de la réception de cette télécopie, selon la jurisprudence [arrêt du Tribunal du 19 avril 2005, Success-Marketing/OHMI – Chipita (PAN & CO), T‑380/02 et T‑128/03, Rec. p. II‑1233], la date de réception d’un document pourrait être établie par un rapport de transmission de télécopie.

 Appréciation du Tribunal

20      Il convient tout d’abord d’examiner le grief tiré de la violation de la règle 49, paragraphe 1, du règlement n° 2868/95.

21      Il ressort de la règle 49, paragraphe 1, du règlement n° 2868/95 que, si le recours ne remplit pas, notamment, les conditions énoncées à l’article 59 du règlement n° 40/94 (devenu article 60 du règlement n° 207/2009), la chambre de recours doit le rejeter comme irrecevable, à moins qu’il ait été remédié à ces irrégularités avant l’expiration du délai prévu dans ce dernier article, à savoir dans les deux mois à compter du jour de la notification de la décision attaquée.

22      En vertu de l’article 59 du règlement n° 40/94, le recours doit être formé par écrit auprès de l’OHMI dans un délai de deux mois à compter du jour de la notification de la décision et n’est considéré comme formé qu’après paiement de la taxe de recours.

23      À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence du Tribunal que, si, selon l’article 59 du règlement n° 40/94, le recours n’est considéré comme formé qu’après paiement de la taxe de recours, le seul virement de la somme correspondante ne saurait être considéré comme équivalent à l’acte requis par ledit article [arrêt du Tribunal du 31 mai 2005, Solo Italia/OHMI – Nuova Sala (PARMITALIA), T‑373/03, Rec. p. II‑1881, point 58].

24      En l’espèce, la chambre de recours a considéré que, bien que l’acte de recours non daté ait été reçu par l’OHMI le 21 février 2007, c’est-à-dire après l’expiration du délai de recours, le 12 février 2007, le paiement de la taxe de recours par virement bancaire « a[vait] rempli le rôle de l’acte de recours aux fins de recevabilité », étant donné qu’il avait été effectué à temps et qu’il contenait les informations détaillées requises par la règle 48, paragraphe 1, du règlement n° 2868/95.

25      Dès lors, la chambre de recours a méconnu la condition relative à l’existence d’un acte de recours au sens de l’article 59 du règlement n° 40/94, telle qu’elle a été interprétée par la jurisprudence précitée, et a donc méconnu la règle 49, paragraphe 1, du règlement n° 2868/95.

26      Quant aux prétentions de l’OHMI selon lesquelles cette erreur commise par la chambre de recours doit être considérée comme une irrégularité qui n’entraîne pas l’annulation de la décision attaquée, car, en son absence, la décision n’aurait pas eu un contenu différent, il y a lieu de relever que, dans le mémoire en réponse, l’OHMI a seulement conclu au rejet du recours de la requérante. Ce n’est que, lors de l’audience, qu’il a déclaré qu’il demandait au Tribunal soit le rejet du recours soit la réformation de la décision attaquée sur la base du rapport de transmission de télécopie envoyé par l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours.

27      Si cette déclaration doit être comprise comme la présentation, pour la première fois lors de l’audience, d’un chef de conclusions en réformation, un tel chef de conclusions doit, indépendamment même de son caractère éventuellement tardif, être rejeté comme irrecevable. En effet, si l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal dispose qu’« [u]n intervenant […] peut, dans son mémoire en réponse […], formuler des conclusions visant à l’annulation ou à la réformation de la décision de la chambre de recours sur un point non soulevé dans la requête », il découle, a contrario, de cette disposition que l’OHMI ne peut pas, quant à lui, formuler de telles conclusions (arrêt de la Cour du 12 octobre 2004, Vedial/OHMI, C‑106/03 P, Rec. p. I–9573, point 34).

28      Dans la mesure où, par une telle argumentation, l’OHMI invite le Tribunal à rejeter le recours et, ainsi, à confirmer la décision attaquée, tout en procédant à une substitution de ses motifs, cette argumentation ne saurait non plus prospérer.

29      En effet, il y a lieu de rappeler que le Tribunal effectue un contrôle de légalité des décisions des instances de l’OHMI. S’il conclut qu’une telle décision, mise en cause dans un recours formé devant lui, est entachée d’une illégalité, il doit l’annuler. Il ne peut pas rejeter le recours en substituant sa propre motivation à celle de l’instance compétente de l’OHMI, qui est l’auteur de l’acte attaqué [arrêt du Tribunal du 25 mars 2009, Kaul/OHMI – Bayer (ARCOL), T‑402/07, Rec. p. II‑737, point 49].

30      En l’espèce, il a déjà été relevé que la conclusion de la chambre de recours quant à la recevabilité du recours dont elle a eu à connaître était exclusivement fondée sur le relevé de virement bancaire, celle-ci l’ayant assimilé à un acte de recours. Il a également été relevé que cette conclusion de la chambre de recours dans la décision attaquée était entachée d’une erreur de droit (voir point 25 ci-dessus).

31      En revanche, la chambre de recours ne s’est nullement fondée sur le rapport de transmission de télécopie, évoqué par l’OHMI dans le cadre de son argumentation. Au point 9 de la décision attaquée, la chambre de recours s’est bornée à relever, à cet égard, ce qui suit :

« L’opposante soutient que le recours a été déposé le 8 février 2007, avant la date limite, et fournit un rapport de transmission de télécopie pour appuyer cet argument. L’O[HMI] ne retrouve toutefois pas la trace de ce document censé avoir été reçu à la date susmentionnée. »

32      Dans ces conditions, la décision attaquée doit être annulée. Il revient, le cas échéant, à la chambre de recours d’apprécier si et dans quelle mesure le document susvisé, évoqué par l’OHMI dans le cadre de son argumentation, est susceptible d’avoir une influence sur la recevabilité du recours de l’opposante devant elle.

33      À la lumière des considérations qui précèdent, il y a lieu d’accueillir le premier moyen de la requérante et d’annuler la décision attaquée sur ce fondement, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le grief tiré de la violation de la règle 49, paragraphe 2, du règlement n° 2868/95, ni le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

 Sur les dépens

34      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’OHMI ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (OHMI) (marques, dessins et modèles) du 27 novembre 2007 (affaire R 334/2007-2), relative à une procédure d’opposition entre Etra Investigación y Desarrollo, SA et Axis AB, est annulée.

2)      L’OHMI supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Axis.

Vilaras

Prek

Ciucă

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 septembre 2010.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.