Language of document : ECLI:EU:T:2015:224

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

22 avril 2015 (*)

« Marchés publics de services – Procédure d’appels d’offres – Services informatiques, matériel informatique et licences logicielles – Rejet des offres d’un soumissionnaire – Obligation de motivation – Critères de sélection et d’attribution – Erreur manifeste d’appréciation – Responsabilité non contractuelle »

Dans l’affaire T‑554/10,

Evropaïki Dynamiki ― Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE, établie à Athènes (Grèce), représentée par Mes N. Korogiannakis et M. Dermitzakis, avocats,

partie requérante,

contre

Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne (Frontex), représentée par MM. S. Vuorensola et H. Caniard, en qualité d’agents, assistés de Mes J. Stuyck et A.-M. Vandromme, avocats,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation des décisions rejetant les offres de la requérante pour l’appel d’offres Frontex/OP/87/2010, concernant un contrat-cadre pour des « Services TIC » dans le domaine des technologies de gestion et de sécurisation de l’information (JO 2010/S 66-098323), et pour l’appel d’offres Frontex/OP/98/2010, concernant le grand projet pilote Eurosur dans le domaine de la coordination des technologies d’information et des communications (JO 2010/S 90-134098), ainsi que toutes les décisions connexes, y compris celles d’accorder les contrats à d’autres soumissionnaires, et, d’autre part, un recours en indemnité visant à la réparation du préjudice prétendument subi du fait de l’attribution des contrats auxdits soumissionnaires,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. S. Frimodt Nielsen, président, F. Dehousse et A. M. Collins (rapporteur), juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 juillet 2014,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        L’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne (Frontex) a été instituée par le règlement (CE) n° 2007/2004 du Conseil, du 26 octobre 2004, portant création d’une Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne (JO L 349, p. 1). À l’époque des faits, ce règlement avait été modifié par le règlement (CE) n° 863/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 11 juillet 2007, instituant un mécanisme de création d’équipes d’intervention rapide aux frontières et modifiant le règlement n° 2007/2004 pour ce qui a trait à ce mécanisme et définissant les tâches et compétences des agents invités (JO L 199, p. 30).

2        Selon l’article 74, paragraphe 1, du règlement financier de Frontex, dans sa version applicable aux faits de l’espèce, et des modalités d’exécution de Frontex, la passation de marchés de cette agence est assujettie aux dispositions pertinentes du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1, ci-après le « règlement financier »), et à celles prévues sous le titre V du règlement (CE, Euratom) n° 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement financier (JO L 357, p. 1, ci-après les « modalités d’exécution »).

3        L’article 89, paragraphe 1, du règlement financier dispose :

« Tous les marchés publics financés totalement ou partiellement par le budget respectent les principes de transparence, de proportionnalité, d’égalité de traitement et de non-discrimination. »

4        L’article 97 du règlement financier dispose :

« 1. Les critères de sélection permettant d’évaluer les capacités des candidats ou des soumissionnaires et les critères d’attribution permettant d’évaluer le contenu des offres sont préalablement définis et précisés dans les documents d’appel à la concurrence.

2. Le marché peut être attribué par adjudication ou par attribution à l’offre économiquement la plus avantageuse. »

5        L’article 100 du règlement financier prévoit ce qui suit :

« 1. L’ordonnateur compétent désigne l’attributaire du marché, dans le respect des critères de sélection et d’attribution préalablement définis dans les documents d’appel à concurrence et des règles de passation des marchés.

2. Le pouvoir adjudicateur communique à tout candidat ou soumissionnaire écarté les motifs du rejet de sa candidature ou de son offre et, à tout soumissionnaire ayant fait une offre recevable et qui en fait la demande par écrit, les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire.

Toutefois la communication de certains éléments peut être omise dans les cas où elle ferait obstacle à l’application des lois, serait contraire à l’intérêt public, porterait préjudice aux intérêts commerciaux légitimes d’entreprises publiques ou privées ou pourrait nuire à une concurrence loyale entre celles-ci. »

6        L’article 130, paragraphe 3, des modalités d’exécution dispose :

« Le cahier des charges précise au moins :

a)      les critères d’exclusion et de sélection applicables au marché […] ;

b)      les critères d’attribution du marché et leur pondération relative si elle ne figure pas dans l’avis du marché […] »

7        L’article 135, paragraphe 1, des modalités d’exécution prévoit ce qui suit :

« Les pouvoirs adjudicateurs établissent des critères de sélection clairs et non discriminatoires. »

8        Aux termes de l’article 138 des modalités d’exécution, il est prévu ce qui suit :

« 1. […D]eux modalités d’attribution d’un marché sont possibles :

a)      par adjudication, auquel cas le marché est attribué à l’offre présentant le prix le plus bas parmi les offres régulières et conformes ;

b)      par attribution à l’offre économiquement la plus avantageuse.

2. L’offre économiquement la plus avantageuse est celle qui présente le meilleur rapport entre la qualité et le prix, compte tenu de critères justifiés par l’objet du marché tels que le prix proposé, la valeur technique, le caractère esthétique et fonctionnel, les caractéristiques environnementales, le coût d’utilisation, la rentabilité, le délai d’exécution ou de livraison, le service après-vente et l’assistance technique.

3. Le pouvoir adjudicateur précise la pondération relative qu’il confère à chacun des critères choisis pour déterminer l’offre économiquement la plus avantageuse dans l’avis de marché ou dans le cahier des charges ou le document descriptif […] »

9        L’article 149 des modalités d’exécution dispose :

« […]

2. Le pouvoir adjudicateur communique, dans un délai maximal de quinze jours de calendrier à compter de la réception d’une demande écrite, les informations mentionnées à l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier.

3. […] Les soumissionnaires ou candidats évincés peuvent obtenir des informations complémentaires sur les motifs du rejet, sur demande écrite […] et pour tout soumissionnaire ayant fait une offre recevable, sur les caractéristiques et avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire, sans préjudice des dispositions de l’article 100, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement financier. Les pouvoirs adjudicateurs répondent dans un délai maximal de quinze jours de calendrier à compter de la réception de la demande. »

 Antécédents du litige

10      La requérante, Evropaïki Dynamiki – Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE, est une société de droit grec, active dans le domaine de la technologie de l’information et des communications et notamment des programmes informatiques.

 1. Concernant l’appel d’offres TIC

11      Le 3 avril 2010, par un avis de marché publié au Supplément au Journal officiel de l’Union européenne (JO S 66) sous la référence 2010/S 66-098323, Frontex a lancé un appel d’offres pour la fourniture de services informatiques, de matériel informatique et de licences logicielles comportant sept lots (ci-après l’« appel d’offres TIC »). L’objet de cet appel d’offres était de conclure un contrat-cadre avec un maximum de cinq opérateurs pour une durée de quatre ans. Conformément à l’article 97, paragraphe 2, du règlement financier, l’avis de marché et le cahier des charges prévoyaient que le contrat-cadre serait attribué aux offres économiquement les plus avantageuses. La valeur totale estimée des achats pour la durée totale du contrat-cadre s’élevait à 40 000 000 euros.

12      L’avis de marché prévoyait la répartition des services informatiques en cause en sept lots :

–        le lot n° 1, concernant les systèmes d’information ;

–        le lot n° 2, concernant les systèmes d’audio-vidéoconférence ;

–        le lot n° 3, concernant les dispositifs et systèmes de cryptographie ;

–        le lot n° 4, concernant les dispositifs et infrastructures des réseaux dans le domaine de la technologie de l’information et des communications ;

–        le lot n° 5, concernant la gouvernance informatique ;

–        le lot n° 6, concernant les systèmes de gestion de contenu d’entreprise ;

–        le lot n° 7, concernant la gestion de programmes dans le domaine de la technologie de l’information et des communications.

13      Aux termes du cahier des charges, chaque soumissionnaire pouvait présenter des offres pour un ou plusieurs lots, à l’exception du lot n° 7. En raison de la possibilité d’un conflit d’intérêts, le soumissionnaire qui préparait une offre pour le lot n° 7 n’était pas autorisé à participer aux six premiers lots de l’appel d’offres. Les soumissionnaires pour d’éventuels contrats dans chaque lot étaient sélectionnés selon une procédure de cascade (ci-après la « cascade »).

14      Le cahier des charges indiquait, en outre, que la procédure de passation de marchés comportait trois étapes, chacune étant éliminatoire : premièrement, l’examen des conditions de sélection visant à déterminer si le soumissionnaire avait les capacités financières, économiques, techniques et professionnelles pour exécuter le contrat (point III.4 du cahier des charges) ; deuxièmement, l’évaluation de l’offre technique au regard des critères d’attribution énoncés au point III.5 du cahier des charges, troisièmement, l’évaluation de l’offre financière des offres techniquement admissibles visant à identifier l’offre économiquement la plus avantageuse (meilleur rapport « qualité-prix ») (point III.5 du cahier des charges). Seules les offres atteignant le seuil de 70 % de points atteignables lors de l’évaluation technique étaient éligibles pour l’évaluation financière (point III.2 du cahier des charges).

15      Aux termes du cahier des charges, la phase d’évaluation technique s’effectuait, s’agissant du lot n° 1, intitulé « Systèmes d’informations », selon les six critères suivants :

–        « Qualité de la méthodologie de gestion de projet proposée ;

–        procédure de compte rendu proposée pour la surveillance par Frontex ;

–        proposition concernant la gestion du contrat ;

–        proposition d’accord sur le niveau de service (SLA) ;

–        composition de l’équipe proposée ;

–        efficacité et effectivité de la solution informatique hypothétique proposée. »

16      S’agissant du lot n° 6, intitulé « Systèmes de gestion de contenu d’entreprise (ECM) », les critères pour la phase d’évaluation technique des offres étaient les suivants :

–        « Services

–        Qualité de la méthodologie de gestion de projet proposée ;

–        procédure de compte rendu proposée pour la surveillance par Frontex ;

–        niveau de partenariat avec le fabricant ;

–        proposition de maintenance ;

–        proposition concernant la gestion du contrat ;

–        proposition d’accord sur le niveau de service (SLA) ;

–        composition de l’équipe proposée ;

–        efficacité et effectivité de la solution informatique hypothétique proposée ;

–        Produits

–        Qualité des produits proposés selon les critères d’évaluation. »

17      Il était également prévu, au point III.5.2 du cahier des charges, que la note attribuée pour l’évaluation technique résultait de l’addition des points accordés pour les services et les produits. Elle disposait que « les points additionnés pour les critères portant sur les ʽproduitsʼ et chaque catégorie de ʽservicesʼ [devaient] atteindre ou être supérieurs à 70 % de la note maximale afin que l’offre [fût] valable pour chaque lot » et que « les offres se situant en dessous de 70 % du total des points pour les critères portant sur les ʽproduitsʼ et chaque catégorie de ʽservicesʼ ne ser[aie]nt plus prises en considération ».

18      Il ressortait également du cahier des charges que le marché serait attribué à l’offre économiquement la plus avantageuse résultant, pour tous les lots, d’une pondération entre la qualité technique et la proposition financière selon une clé de répartition 60-40.

19      Le 14 juin 2010, la requérante a soumissionné pour les lots nos 1 et 6 de l’appel d’offres TIC.

20      Le 18 octobre 2010, Frontex a pris la décision d’attribution concernant chacun des lots visés par l’appel d’offres TIC. Par deux lettres du 20 octobre 2010, la requérante a été informée que ses offres pour les lots nos 1 et 6 avaient été rejetées lors de la phase d’évaluation technique, car elles n’avaient pas atteint le seuil de 70 % requis dans chaque catégorie des « services » ou des « services et des produits ».

21      Par lettre du 5 novembre 2010, Frontex a communiqué à la requérante, à la suite d’une demande de celle-ci du 22 octobre 2010, les noms des adjudicataires et des soumissionnaires classés deuxième pour les deux lots en précisant où, et dans quelle mesure, il y était proposé de recourir aux sous-traitants. Cette lettre contenait un tableau des notes attribuées pour chaque critère d’attribution à la requérante et pour les soumissionnaires retenus dans la cascade ainsi que les commentaires respectifs du comité d’évaluation. Elle était accompagnée d’une version non confidentielle du rapport d’évaluation à la fin duquel figuraient les noms des membres du comité d’évaluation.

22      Par lettre du 10 novembre 2010, la requérante a, en substance, fait valoir que le comité d’évaluation avait commis plusieurs erreurs manifestes d’appréciation dans l’évaluation de ses offres et que les décisions de rejet de celles-ci étaient entachées d’un défaut de motivation. Elle a réitéré sa demande relative aux offres financières des attributaires des marchés. Elle a également prétendu que certains des soumissionnaires retenus dans la cascade auraient dû être exclus de l’appel d’offres en vertu des articles 93 et 94 du règlement financier.

23      Le 1er mars 2011, Frontex a signé des contrats-cadres multiples avec les soumissionnaires classés premiers pour les lots nos 1 et 6. Lors du dépôt du mémoire en défense, elle était en train de signer des contrats-cadres avec les entreprises classées deuxièmes pour ces deux lots, contrats-cadres qu’elle envisageait de conclure avant la fin du mois de mars 2011.

 2. Concernant l’appel d’offres pour le grand projet pilote Eurosur

24      Le 8 mai 2010, par un avis de marché publié au Supplément du Journal officiel de l’Union européenne (JO S S90) sous la référence 2010/S 90-134098, Frontex a lancé l’appel d’offres pour le grand projet pilote Eurosur. L’objet de cet appel d’offres était de conclure un contrat pour la fourniture de services informatiques permettant d’établir une connexion persistante entre Frontex et certains centres de coordination nationaux par le biais d’un système d’échange d’informations entièrement extensible. Ce contrat comportait quatre phases, dont la première était obligatoire et les trois autres facultatives. La durée prévue était de 18 mois, avec possibilité de deux renouvellements. Conformément à l’avis de marché et au cahier des charges, le contrat serait attribué à l’offre économiquement la plus avantageuse. La valeur totale estimée des services pour la durée du contrat s’élevait à 2 000 000 d’euros.

25      Le cahier des charges indiquait que la procédure de passation de marché comportait trois étapes, chacune étant éliminatoire : premièrement, l’examen des conditions d’exclusion visant à déterminer si le soumissionnaire était autorisé à participer à la procédure (point III.3 du cahier des charges) ; deuxièmement, l’application des critères de sélection dans le but de déterminer si le soumissionnaire avait les capacités financières, économiques, techniques et professionnelles pour exécuter le contrat (point III.4 du cahier des charges), troisièmement, l’application des critères d’attribution visant à identifier l’offre économiquement la plus avantageuse (point III.5 du cahier des charges). Cette dernière étape comportait une évaluation technique et, pour les offres éligibles (atteignant le seuil de 70 points lors de cette évaluation technique), une évaluation financière.

26      Aux termes du cahier des charges, l’évaluation technique s’effectuait selon les quatre critères énoncés dans la grille d’évaluation qui y était annexée, à savoir :

–        compréhension des besoins du projet ;

–        méthodologie de la mise en œuvre ;

–        capacité du personnel ;

–        plan de gestion du projet.

27      Il était prévu, au point III.5.1 du cahier des charges, que seules les offres ayant obtenu au moins 70 points sur 100 lors de la phase d’évaluation technique seraient admises à la phase d’évaluation finale.

28      Il ressortait également du cahier des charges que le marché serait attribué à l’offre économiquement la plus avantageuse, résultant d’un pourcentage calculé selon une pondération entre les points obtenus lors de la phase technique et le prix proposé multiplié par 100.

29      Le 22 juin 2010, la requérante a soumissionné pour l’appel d’offres Eurosur.

30      Le 16 septembre 2010, Frontex a pris la décision d’attribution concernant cet appel d’offres. Par lettre du même jour, la requérante a été informée que son offre avait été rejetée, car elle se situait en dessous du seuil de 70 points en raison d’une « compréhension limitée de la finalité expérimentale du projet, d’informations limitées sur la compréhension des exigences de l’utilisateur et d’informations limitées sur la gestion d’énormes quantités de données ».

31      Par lettre du 27 septembre 2010, Frontex a communiqué à la requérante, à la suite d’une demande de celle-ci du 21 septembre 2010, le nom de l’adjudicataire du marché et les commentaires du comité d’évaluation sur cette offre et sur celle de la requérante. Cette lettre contenait un tableau des notes attribuées pour chaque critère d’évaluation technique pour ces deux offres. Elle était accompagnée d’une version non confidentielle du rapport d’évaluation où figuraient les noms des membres du comité d’évaluation.

32      Par lettre du 28 septembre 2010, la requérante a, en substance, fait valoir que le comité d’évaluation avait commis plusieurs erreurs manifestes d’appréciation dans l’évaluation de son offre et que la décision de rejet de celle-ci était entachée d’un défaut de motivation. Elle a réitéré sa demande relative à l’offre financière de l’attributaire du marché ainsi que sa demande d’obtention d’une copie détaillée du rapport d’évaluation.

33      Par lettre du 4 octobre 2010, Frontex a indiqué que le prix de l’offre retenue serait rendu public à travers la publication de l’avis d’attribution du marché sur Tenders Electronic Daily uniquement après la signature du contrat. Invoquant le fait que ses lettres des 16 et 24 septembre 2010 avaient déjà fourni des raisons suffisantes à la requérante, Frontex a constaté qu’elle ne pourrait pas suspendre plus longtemps la signature du marché.

34      Par une communication du même jour, la requérante a essentiellement réitéré les demandes contenues dans sa lettre du 28 septembre 2010 en faisant valoir notamment que la publication du prix de l’offre retenue interviendrait trop tardivement pour qu’elle puisse faire valoir ses droits devant le Tribunal.

 Procédure et conclusions des parties

35      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 26 novembre 2010, la requérante a introduit le présent recours.

36      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (sixième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, a demandé à Frontex de produire certains documents et a posé des questions écrites aux deux parties. Ces dernières ont répondu à ces demandes dans les délais impartis.

37      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 16 juillet 2014.

38      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions de Frontex rejetant, d’une part, ses offres pour les lots nos 1 et 6 de l’appel d’offres TIC et, d’autre part, son offre pour l’appel d’offres pour le grand projet pilote Eurosur (ci-après, prises ensemble, les « décisions attaquées »), ainsi que toutes les décisions connexes, y compris celles d’attribuer ces marchés aux soumissionnaires retenus dans la cascade ;

–        condamner Frontex à lui verser la somme de 9 358 915 euros en réparation des dommages subis du fait de la procédure des marchés publics en question ;

–        condamner Frontex à l’indemniser à concurrence d’un montant de 935 891 euros en raison d’une perte de chance et de l’atteinte à sa réputation ;

–        condamner Frontex aux dépens, même en cas de rejet du recours.

39      Frontex conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours en annulation non fondé ;

–        déclarer le recours en indemnité irrecevable ou, à tout le moins, non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 1. Sur la demande en annulation des décisions attaquées

40      À titre liminaire, le Tribunal constate que, par son premier chef de conclusions, la requérante lui demande d’annuler « la décision de Frontex rejetant l’offre soumise par la requérante dans le cadre de [l’appel d’offres pour le grand projet pilote Eurosur], communiquée à la requérante par un courrier en date du 16 septembre 2010, ainsi que toutes les autres décisions connexes de Frontex, y compris celle qui attribue le contrat en cause à l’adjudicataire ». De même, par son deuxième chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal d’annuler « la décision de Frontex rejetant l’offre soumise par la requérante concernant le lot n° 1 et le lot n° 6 de [l’appel d’offres TIC], communiquée à la requérante au moyen de deux courriers distincts en date du 20 octobre 2010, ainsi que toutes les autres décisions connexes de Frontex, y compris celle qui attribue les contrats en cause aux adjudicataires ».

41      La requérante a précisé, lors de l’audience, en réponse à une question posée par le Tribunal, qu’elle se désistait de sa demande visant à l’annulation de toutes les autres décisions connexes, contenue dans les premier et deuxième chefs de conclusions. Il s’ensuit que le présent recours ne vise que les décisions attaquées. Il y a donc lieu de limiter le cadre de la présente demande en annulation à l’examen de la légalité de ces décisions.

42      Au cours de l’audience, la requérante a renoncé au moyen intitulé « Traitement discriminatoire des soumissionnaires, non-respect des critères d’exclusion par les adjudicataires, violation [de l’article] 93, paragraphe 1, sous f), et [de l’article] 94 du règlement financier, ainsi que du principe de bonne administration », dans sa totalité. Elle a également indiqué que ses observations sur le principe de la protection juridictionnelle effective dans le domaine des procédures d’attribution des marchés publics, figurant aux points 20 à 22 de la requête, ne constituaient que le contexte de son recours.

43      Ayant renoncé au moyen mentionné au point 42 ci-dessus, la requérante invoque, tout d’abord, un moyen tiré de ce que « Frontex n’a respecté les dispositions de l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier dans aucun des deux appels d’offres ». Ensuite, par une argumentation intitulée « Erreurs manifestes d’appréciation, défaut de motivation (commentaires du comité d’évaluation vagues et non justifiés), mélange des critères de sélection et d’attribution », elle soutient, en substance, que Frontex a commis des erreurs manifestes d’appréciation dans l’évaluation de son offre pour chaque lot de l’appel d’offres TIC. Par une argumentation intitulée « Erreurs manifestes d’appréciation, défaut de motivation (commentaires du comité d’évaluation vagues et non justifiés) », la requérante, en substance, soutient que Frontex a également commis des erreurs manifestes d’appréciation dans l’évaluation de son offre pour l’appel d’offres pour le grand projet pilote Eurosur, et cela pour chacun des critères d’évaluation. Cette argumentation comprend un grief tiré d’une insuffisance de motivation dans le cadre de toutes les décisions attaquées pour chacun des différents critères d’évaluation.

44      Malgré les recoupements entre le premier moyen commun aux deux marchés litigieux et les arguments relatifs à une prétendue insuffisance de motivation dans le cadre de chacun de ces marchés, le Tribunal estime opportun, en l’espèce, d’examiner l’argumentation présentée par les parties, marché par marché et, dans le cadre de l’appel d’offres TIC, lot par lot.

 a) Sur les moyens relatifs à l’appel d’offres TIC

 Sur le lot n° 1

45      La requérante soulève, en substance, deux moyens à l’appui de son recours, le premier tiré d’une violation de l’obligation de motivation et le second de l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation.

46      Par le premier moyen, la requérante reproche à Frontex d’avoir violé l’obligation de motivation au sens de l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier et de l’article 149 des modalités d’exécution. Elle avance, en substance, que Frontex n’a pas suffisamment motivé le rejet de son offre pour le lot n° 1, ni donné suffisamment d’informations quant aux avantages relatifs des offres sélectionnées.

47      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que Frontex, à l’instar des autres organes de l’Union européenne, dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de prendre la décision de passer un marché sur appel d’offres. Le contrôle juridictionnel appliqué à l’exercice de ce pouvoir d’appréciation se limite, dès lors, à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, ainsi que de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (voir arrêt du 3 mars 2011, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑589/08, EU:T:2011:73, point 24 et jurisprudence citée).

48      Il convient également de relever que, lorsqu’une institution dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale. Parmi ces garanties figure, notamment, l’obligation pour l’institution compétente de motiver de façon suffisante ses décisions. C’est seulement ainsi que le juge de l’Union est en mesure de vérifier si les éléments de fait et de droit dont dépend l’exercice du pouvoir d’appréciation ont été réunis (arrêts du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, Rec, EU:C:1991:438, point 14, et du 9 septembre 2010, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑387/08, EU:T:2010:377, point 31).

49      Pour ce qui concerne une décision rejetant l’offre soumise par un soumissionnaire dans le cadre d’un marché public de services, l’obligation de motivation est concrétisée par l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier et l’article 149 des modalités d’exécution, dont il ressort qu’un pouvoir adjudicateur satisfait à son obligation de motivation s’il se contente, tout d’abord, d’informer immédiatement les soumissionnaires écartés des motifs du rejet de leur offre et fournit, ensuite, aux soumissionnaires qui en font la demande expresse, les caractéristiques et avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire dans un délai de quinze jours à compter de la réception d’une demande écrite.

50      Cette façon de procéder est conforme à la finalité de l’obligation de motivation inscrite à l’article 296 TFUE, selon laquelle il convient de faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte, de façon, d’une part, à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de faire valoir leurs droits et, d’autre part, à permettre au juge d’exercer son contrôle (arrêts du 14 juillet 1995, Koyo Seiko/Conseil, T‑166/94, Rec, EU:T:1995:140, point 103, et Evropaïki Dynamiki/Commission, point 48 supra, EU:T:2010:377, point 38).

51      En outre, il convient de rappeler que l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications (voir arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink's France, C‑367/95 P, Rec, EU:C:1998:154, point 63 et jurisprudence citée ; arrêt du 10 septembre 2008, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑465/04, EU:T:2008:324, point 49).

52      Il convient d’ajouter que le respect de l’obligation de motivation doit être apprécié en fonction des éléments d’information dont la requérante dispose au moment de l’introduction du recours (arrêt du 12 novembre 2008, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑406/06, EU:T:2008:484, point 50 ; voir également, en ce sens, arrêts du 25 février 2003, Strabag Benelux/Conseil, T‑183/00, Rec, EU:T:2003:36, point 58 ; Renco/Conseil, T‑4/01, Rec, EU:T:2003:37, point 96).

53      C’est à la lumière des principes susmentionnés qu’il y a lieu d’examiner si Frontex a violé son obligation de motivation. Pour déterminer si, en l’espèce, il est satisfait aux exigences de l’obligation de motivation prévue par le règlement financier et par les modalités d’exécution, il convient d’examiner les lettres de Frontex des 20 octobre et 5 novembre 2010, envoyées à la requérante à la suite de la demande d’obtention des informations supplémentaires sur l’évaluation de son offre et celles des autres soumissionnaires pour le lot n° 1. Conformément à la jurisprudence citée au point 52 ci-dessus, certaines explications, notamment sur la présentation de l’offre de la requérante, formulées par Frontex dans le mémoire en défense et ne figurant pas dans lesdites lettres ne peuvent être prises en considération par le Tribunal à ce stade de la procédure.

54      En l’espèce, Frontex a informé la requérante, par sa lettre du 20 octobre 2010, qu’elle avait rejeté son offre pour le lot n° 1. Tout d’abord, Frontex s’est limitée, dans cette lettre, à signaler que cette offre avait été rejetée lors de la phase d’évaluation technique, au motif qu’elle n’avait pas atteint le seuil de 70 % pour chaque critère portant sur le « service » visé. Elle y a indiqué les notes obtenues lors de l’évaluation technique de l’offre de la requérante pour chaque critère d’évaluation, à savoir 14 points sur 15 pour le critère n  1, intitulé « Qualité de la méthodologie de gestion de projet proposée », 5 points sur 5 pour le critère n  2, intitulé « Procédure de compte rendu proposée pour la surveillance par Frontex », 5 points sur 5 pour le critère n  3, intitulé « Proposition concernant la gestion du contrat », 3,5 points sur 5 pour le critère n  4, intitulé « Proposition d’accord sur le niveau de service », 18 points sur 20 pour le critère n  5, intitulé « Composition de l’équipe proposée », et 11,2 points sur 20 pour le critère n  6, intitulé « Efficacité et effectivité de la solution informatique hypothétique proposée ». Ensuite, elle a informé la requérante de la possibilité de demander des renseignements additionnels sur les motifs de rejet de son offre, notamment sur les caractéristiques et les avantages relatifs des offres retenues et le nom des soumissionnaires retenus. Enfin, elle a indiqué que certains détails des offres retenues ne seraient pas communiqués si cette communication faisait obstacle à l’application des lois, était contraire à l’intérêt public, portait préjudice aux intérêts commerciaux légitimes d’entreprises publiques ou privées ou pouvait nuire à une concurrence loyale entre celles-ci.

55      À la suite d’une demande de la requérante du 22 octobre 2010 visant à obtenir des informations supplémentaires sur la décision attaquée, Frontex a transmis à cette dernière une deuxième lettre le 5 novembre 2010. Il importe de relever que Frontex a répondu à cette demande dans le respect du délai maximal de quinze jours de calendrier, à compter de la réception de ladite demande, tel que prévu par l’article 149, paragraphe 2, des modalités d’exécution.

56      Force est de constater que Frontex a indiqué les noms des entreprises et des consortiums classés en tête de la cascade pour les lots nos 1 et 6, tel que le prévoit l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier. En effet, la lettre du 5 novembre 2010 contenait, pour chaque lot, sous forme de tableau, les points attribués à l’offre de la requérante et ceux attribués aux deux soumissionnaires mieux classés dans la cascade ainsi que le nombre maximal de points atteignables par critère qualitatif. De plus, cette lettre contenait de brefs commentaires sur les caractéristiques et avantages de chacune de ces trois offres pour chaque critère qualitatif pour les deux lots, ce qui indiquait les raisons pour lesquelles Frontex avait considéré les offres des soumissionnaires retenus comme étant les meilleures.

57      Il convient donc d’examiner si la description des caractéristiques et des avantages des offres retenues contenue dans la lettre du 5 novembre 2010 satisfait aux exigences de l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier.

58      Certes, le tableau portant sur la notation du lot n° 1 permettait à la requérante de comparer directement, pour chaque critère, les notes attribuées par Frontex à son offre et aux offres des soumissionnaires retenus. Ainsi, la lecture de ce tableau indique que l’offre de la requérante a obtenu les mêmes notes que celle retenue en première position dans la cascade pour les critères nos 1 à 3 et n  5, une note légèrement inférieure pour le critère n° 4 (0,5 point d’écart) et une note très basse pour le critère n° 6 (11,2 points par rapport aux 18 points sur 20). En revanche, l’offre de la requérante a obtenu des notes supérieures à celle retenue en deuxième position dans la cascade pour les critères nos 1 à 3 (un point ou 0,5 point d’écart), une note identique pour le critère n° 5 et une note considérablement inférieure pour le critère n° 6 (11,2 points par rapport aux 14,45 points sur 20). Néanmoins, force est de constater que ces notes, en elles-mêmes, ne permettaient pas à la requérante de réellement connaître les raisons pour lesquelles elles avaient été attribuées à son offre, ni aux offres des soumissionnaires retenus.

59      Comme il a été exposé ci-dessus, le corollaire de la marge d’appréciation dont jouit Frontex en matière d’offres publiques est une motivation qui fait état des éléments de fait et de droit sur lesquels elle a fondé son appréciation. Ce n’est qu’à la lumière de ces éléments que la partie requérante est réellement en mesure de comprendre les raisons pour lesquelles ces notes ont été attribuées. Seule une telle motivation lui permet donc de faire valoir ses droits et au Tribunal d’exercer son contrôle (voir, en ce sens, arrêt du 20 octobre 2011, Alfastar Benelux/Conseil, T‑57/09, EU:T:2011:609, points 38 et 39).

60      Par conséquent, il convient d’examiner si la requérante pouvait comprendre la justification des notes attribuées en prenant en compte les commentaires de Frontex sur les offres retenues et sur l’offre de la requérante, ainsi que la version non confidentielle du rapport d’évaluation annexée à la lettre du 5 novembre 2010.

61      Contrairement à ce qu’avance la requérante, l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier n’exige pas nécessairement du pouvoir adjudicateur de mettre le rapport d’évaluation à la disposition du soumissionnaire évincé ou de procéder à une analyse comparative minutieuse de l’offre retenue et de l’offre du soumissionnaire évincé (voir, en ce sens, ordonnance du 20 septembre 2011, Evropaïki Dynamiki/Commission, C‑561/10 P, EU:C:2011:598, points 25 et 27). En effet, cette disposition ne s’oppose pas, par principe, à ce qu’un pouvoir adjudicateur s’acquitte de son obligation de motivation par des commentaires succincts sur l’offre retenue et sur l’offre rejetée.

62      À cet égard, il convient de relever que la décision de rejet de l’offre de la requérante pour le lot n° 1 ne se fonde pas sur une comparaison de ses prestations et de celles des soumissionnaires retenus dans la cascade, mais sur le fait que son offre n’a pas obtenu le nombre minimal des points requis (70 % selon le point III.5.2 du cahier des charges) pour le n  6 critère d’évaluation technique, pour lequel elle n’a obtenu que 56 % des points atteignables. Néanmoins, il découle des informations contenues dans la lettre du 5 novembre 2010 que l’offre présentée par la requérante a souvent obtenu des points et des commentaires analogues aux deux offres des soumissionnaires retenus pour certains critères du lot n° 1. Par exemple, les trois offres ont toutes obtenu 18 points sur 20 pour le critère n° 5 relatif à la composition de l’équipe proposée et les commentaires y afférents sont hautement similaires. En revanche, en ce qui concerne les critères pour lesquels l’offre de la requérante a obtenu un nombre de points significativement inférieur aux offres retenues, les commentaires « négatifs » indiquent les défaillances de cette offre.

63      Ainsi, contrairement à ce que fait valoir la requérante, Frontex ne lui a pas communiqué uniquement de « simples commentaires négatifs » sur ses offres. Ces commentaires sont certes succincts, mais ils ne sauraient être considérés comme « imprécis [et] de nature télégraphique ». En effet, pour chaque lot, la requérante était en mesure de comparer directement son offre avec celles retenues et de comprendre que, même si toutes les offres proposaient les meilleures pratiques, celles retenues n’étaient pas atteintes par les démérites de son offre. Eu égard au fait que son offre a été éliminée non à l’issue d’une comparaison avec les autres offres et, en particulier, avec les deux offres retenues, mais au motif que le seuil minimal requis pour l’un des critères n’avait pas été atteint, c’est donc à tort que la requérante prétend que Frontex était obligée de lui communiquer l’intégralité du rapport du comité d’évaluation et des copies des offres retenues en l’espèce (voir, en ce sens, ordonnance Evropaïki Dynamiki/Commission, point 61 supra, EU:C:2011:598, point 25).

64      S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel le fait que Frontex ne lui ait pas communiqué une copie intégrale du rapport du comité d’évaluation et une copie des offres retenues viole les principes de transparence et d’égalité de traitement, il rejoint en substance le grief tiré de la prétendue violation par Frontex de son obligation de divulguer les avantages relatifs des soumissionnaires retenus dans la cascade. De plus, la requérante n’invoque aucune discrimination commise en tant que telle à son égard, et ce à quelque stade de la procédure que ce soit. Dès lors, ce grief doit être écarté.

65      Il en va de même pour l’argument de la requérante selon lequel Frontex a violé l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier en ne lui communiquant pas les prix proposés par les soumissionnaires retenus dans la cascade. C’est à tort qu’elle invoque des arrêts qui se fondent sur des circonstances factuelles différentes de celles de la présente affaire, à savoir les cas des marchés où l’offre litigieuse avait fait l’objet d’une comparaison avec d’autres offres recevables et où le pouvoir adjudicateur s’était contenté d’indiquer qu’elle n’avait pas présenté le meilleur rapport qualité-prix, afin de prétendre que les prix des offres retenues faisaient partie des caractéristiques et avantages de ces offres. En l’espèce, la décision de rejet n’est pas fondée sur une comparaison des prestations des différents soumissionnaires ni sur le rapport qualité-prix de l’offre de la requérante pour le lot n° 1, mais sur le fait que cette offre n’a pas obtenu le nombre minimal de points requis lors de l’application des critères d’évaluation technique. Ainsi, il ressort du rapport d’évaluation que quatre soumissionnaires ‒ dont la requérante ‒ avaient fait des offres recevables pour l’évaluation technique, mais que seuls deux d’entre eux ont dépassé le seuil minimal pour être admis à l’étape suivante. Or, aux termes de l’appel d’offres, seules les offres ayant obtenu au minimum 70 % des points au regard de chaque critère d’évaluation technique étaient ensuite examinées pour déterminer l’offre économiquement la plus avantageuse. Dès lors, il ne saurait être reproché à Frontex d’avoir refusé de communiquer les prix des offres retenues à la requérante.

66      S’agissant, ensuite, de l’argument de la requérante selon lequel Frontex n’a pas examiné correctement ses offres pour les lots nos 1 et 6, en les rejetant sur la base d’une mauvaise interprétation, commettant ainsi une erreur et faisant preuve d’un manque de diligence, force est de constater que la requérante confond le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation et celui tiré des erreurs manifestes d’appréciation dans le cadre de chaque lot.

67      Lors de l’audience, en réponse à une question posée par le Tribunal, la requérante, tout en maintenant l’ensemble de ses arguments tirés de l’insuffisance de motivation (relative aux critères d’évaluation nos 1, 2, 4 et 5) et d’erreurs manifestes d’appréciation (pour le critère d’évaluation n° 4) pour le lot n° 1, a reconnu que seule son argumentation relative au critère n° 6 était pertinente en l’espèce. En effet, l’offre de la requérante a obtenu des notes suffisantes, voire très bonnes, pour chacun des autres critères, ainsi que pour son score total et c’est en raison de la note attribuée pour le critère n° 6, intitulé « Efficacité et effectivité de la solution informatique hypothétique proposée », que son offre a été écartée au stade de l’évaluation technique. Par ailleurs, la requérante a, lors de l’audience, concentré ses plaidoiries relatives au lot n° 1 sur ce critère. À cet égard, il convient de rappeler que la requérante a obtenu, pour tous les autres critères d’évaluation technique, soit la note maximale, soit la même note que l’offre retenue en première place selon la cascade, à l’exception de la note attribuée pour le critère n° 4 qui était légèrement inférieure à celle attribuée à l’offre retenue en première position (voir points 54 et 58 ci-dessus). Il convient donc, conformément à la jurisprudence citée au point 59 ci-dessus, d’examiner si elle est réellement en mesure de comprendre les raisons pour lesquelles la note de 11,20 points sur 20 lui a été attribuée pour ce dernier critère.

68      Dans la lettre du 5 novembre 2010, Frontex indique ce qui suit en ce qui concerne la réponse donnée à ce critère dans l’offre de la requérante :

« Efficacité : Les meilleures pratiques sont appliquées ; la grande interaction et les quelques chevauchements avec d’autres services de lots ne se reflètent pas dans le plan de livraison du projet proposé ; aucune gestion n’est proposée en vue d’une harmonisation avec d’autres lots concernés ; la solution proposée tient pour acquis que des contrats sont actifs dans d’autres lots afin de déployer la solution ; la solution est basée sur une architecture de matériel informatique/logicielle basée sur sTESTA, principalement pour l’administration publique et les institutions de l’UE. sTESTA est utilisé, mais n’est pas cité dans l’offre financière.

Effectivité : Il y a une mauvaise compréhension des services du lot n° 7 qui mène à certaines interprétations inexactes en ce qui concerne l’interaction avec d’autres lots concernés dans la proposition ; néanmoins, le ratio utilisateur (administratif/opérationnel) n’a pas été dûment pris en considération. »

69      Il en ressort que le comité d’évaluation n’a fait qu’un seul commentaire positif sur l’offre de la requérante pour le critère n° 6, à savoir que les meilleures pratiques étaient appliquées. Selon le point III.5.1 du cahier des charges, les notes les plus élevées pour ce critère seraient attribuées à la valeur la plus élevée, calculée par la multiplication du score attribué pour l’effectivité (la meilleure utilisation des ressources pour la réalisation des objectifs) par celui attribué pour l’efficacité (le meilleur champ d’application des objectifs) de la solution proposée. La requérante ne pouvait s’attendre à une note élevée, dès lors que son offre, pour l’élément « efficacité », avait reçu quatre commentaires négatifs et un seul commentaire positif, et deux commentaires négatifs pour l’élément « effectivité ».

70      S’agissant de l’élément « efficacité », il ressort des trois premiers commentaires négatifs du comité d’évaluation que ce dernier reproche à la requérante de ne pas avoir proposé une solide structure de gestion de programme, alors que la solution proposée présupposait soit la collaboration entre plusieurs lots, soit qu’elle s’intègre dans les solutions entreprises par ces autres lots. Ensuite, le comité d’évaluation critique cette offre, en ce qu’elle proposait le sTESTA, comme étant inappropriée en l’espèce et constate que cela n’avait pas été mentionné dans l’offre financière.

71      Il est évident, contrairement à ce que semble soutenir Frontex, que l’offre financière de la requérante a été invoquée dans la lettre du 5 novembre 2010 comme motivation pour la note attribuée à son offre pour le critère n° 6. Cependant, l’offre financière des soumissionnaires ne figure pas parmi les critères pour l’évaluation technique des offres du lot n° 1, tels qu’énoncés au point III.5 du cahier des charges. En outre, il ressort clairement de l’extrait du rapport d’évaluation que l’offre de la requérante a été éliminée au stade de l’évaluation technique et que son nom ne figure pas parmi les soumissionnaires dont les offres financières et listes des prix ont été évaluées.

72      De plus, les mémoires écrits et les plaidoiries de Frontex font apparaître des incohérences graves et manifestes par rapport à ce commentaire.

73      Au point 117 du mémoire en défense, Frontex constate que « [l]e fait que sTESTA ait été mentionné dans l’offre de la requérante sans toutefois être cité dans sa proposition financière a été mentionné par le [comité d’évaluation] uniquement comme une information complémentaire, et en aucun cas cela n’a eu d’impact positif ou négatif sur l’évaluation du comité. Dans tous les cas, cette omission était étrange et le comité ne pouvait que la remarquer. » Au point 52 de la duplique, répondant à l’argument de la requérante selon lequel Frontex avait tenu compte des informations financières au cours de la phase d’évaluation technique, elle indique que « cet examen portait uniquement sur des informations supplémentaires incluses après l’évaluation financière afin de mettre en évidence l’incohérence de l’offre de la requérante » et que « Frontex n’a[vait] pas tenu compte des coûts sTESTA au cours de la phase d’évaluation des critères d’attribution étant donné qu’il n’exist[ait] aucun critère ni instrument dans le cahier des charges de Frontex pour les examiner ou les calculer. »

74      Il convient d’observer que les deux points susmentionnés concernent le lot n° 1, même s’ils ont été évoqués, lors de l’audience, dans le cadre d’un commentaire analogue relatif au lot n° 6. En effet, dans sa réponse à une question écrite posée par le Tribunal, Frontex a constaté que « le point 117 du mémoire en défense concern[ait] les lots nos 6 et 1 ».

75      Lors de l’audience, Frontex a reconnu, en réponse à une question du Tribunal, que ces deux points de ses mémoires semblaient incohérents, voire contradictoires par rapport au cahier des charges. Elle a soutenu, pour la première fois, qu’ils résultaient d’une erreur typographique. Ainsi, selon Frontex, la phrase litigieuse devait se lire comme suit : « sTESTA est utilisé, mais n’est pas cité dans l’offre technique. » Or, non seulement cette explication n’avait jamais été donnée auparavant, mais en plus elle ne contribue pas à éclairer le Tribunal sur les raisons qui ont amené Frontex à pénaliser l’offre de la requérante pour ce critère crucial, dont la note a eu pour conséquence son exclusion de la phase d’évaluation suivante. Force est de constater que, Frontex, qui, en tant que pouvoir adjudicateur, a pris la décision de rejeter l’offre de la requérante pour le lot n° 1, a fait référence, dans sa lettre du 5 novembre 2010, au contenu de son offre financière.

76      En toute hypothèse, il n’est pas possible de comprendre pour quelle raison, à ce stade de la procédure, Frontex a fait référence à cette offre financière, alors qu’elle ne devait être ni ouverte ni examinée lors de la phase d’évaluation technique. Cela semble d’ailleurs contredit par le déroulement des faits présenté dans l’extrait du rapport d’évaluation. Ce rapport ne contient aucun indice selon lequel l’offre financière de la requérante a été ouverte par le comité d’évaluation, tandis qu’il en ressort que, pour les offres recevables pour l’étape suivante de l’évaluation, leurs offres financières ont été vérifiées par les évaluateurs. Dès lors, le Tribunal se trouve dans l’impossibilité d’établir si l’offre financière de la requérante a été ouverte par le comité d’évaluation.

77      Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que la motivation de la décision attaquée dans le cadre du lot n° 1, ainsi que cela ressort d’une lecture combinée des lettres des 20 octobre et 5 novembre 2010, a empêché tant la requérante que le Tribunal de connaître, avec suffisamment de certitude, les critères d’évaluation retenus et donc les raisons pour lesquelles son offre n’avait obtenu que 11,2 sur 20 points pour le critère n° 6.

78      Par conséquent, il convient de conclure que les commentaires de Frontex dans sa lettre du 5 novembre 2010 ne constituaient pas une motivation suffisante, même lus en combinaison avec les notes figurant dans le tableau.

79      Il résulte de ce qui précède que la décision attaquée dans le cadre du lot n° 1 est entachée d’une insuffisance de motivation. En effet, la motivation de la décision attaquée est une forme substantielle visant notamment à garantir le droit de la personne, à laquelle l’acte fait grief, à un recours effectif (voir, en ce sens, arrêts du 28 octobre 1975, Rutili, 36/75, Rec, EU:C:1975:137, points 37 à 39, et du 15 octobre 1987, Heylens e.a., 222/86, Rec, EU:C:1987:442, points 15 et 16).

80      Selon la jurisprudence de la Cour, peuvent être considérées comme substantielles les formes conçues pour entourer les mesures de toutes les garanties de circonspection et de prudence (arrêt du 21 mars 1955, Pays-Bas/Haute Autorité, 6/54, Rec, EU:C:1955:5, p. 219 à 220). Dans le cadre de la passation d’un marché public, le droit d’un soumissionnaire évincé à un recours effectif contre la décision qui attribue le marché public à un autre soumissionnaire de même que l’obligation corrélative qui incombe au pouvoir adjudicateur de lui communiquer, sur demande, les motifs de sa décision doivent être regardés comme des formes substantielles au sens de la jurisprudence précitée, dans la mesure où celles-ci entourent l’élaboration de la décision d’attribution de garanties qui permettent l’exercice d’un contrôle effectif sur l’impartialité de la procédure d’appel d’offres qui a abouti à cette décision (arrêt du 20 septembre 2011, Evropaïki Dynamiki/BEI, T‑461/08, Rec, EU:T:2011:494, point 130).

81      Conformément à la jurisprudence portant sur la violation d’une forme substantielle, il convient de constater que le non-respect par Frontex des formes substantielles entourant la décision attaquée doit entraîner l’annulation de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 30 mars 1995, Parlement/Conseil, C‑65/93, Rec, EU:C:1995:91, point 21), sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens invoqués par la requérante dans le cadre du lot n° 1.

 Sur le lot n° 6

82      La requérante invoque, en substance, deux moyens à l’appui de son recours, le premier tiré d’une violation de l’obligation de motivation et le second de l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation. En ce qui concerne l’application du critère n° 7, elle soulève un grief tiré de la confusion des critères d’attribution et de sélection à la fois dans le cadre du second moyen et sous un titre séparé.

83      Par le premier moyen, qui se recoupe largement avec les arguments présentés dans le cadre du lot n° 1, la requérante reproche à Frontex d’avoir violé l’obligation de motivation au sens de l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier et de l’article 149 des modalités d’exécution. Elle avance, en substance, que Frontex n’a pas suffisamment motivé le rejet de son offre pour le lot n° 6, ni donné suffisamment d’informations quant aux avantages relatifs des offres sélectionnées.

84      À la lumière des principes mentionnés aux points 47 à 52 ci-dessus, il y a lieu d’examiner si, dans le cadre du lot n° 6, il est satisfait aux exigences de l’obligation de motivation prévues par le règlement financier et par les modalités d’exécution. Il convient, en l’espèce, d’examiner les lettres de Frontex des 20 octobre et 5 novembre 2010, envoyées à la requérante à la suite de sa demande d’informations supplémentaires sur l’évaluation de son offre et de celles des autres soumissionnaires pour le lot n° 6. Conformément à la jurisprudence citée au point 52 ci-dessus, certaines explications, notamment sur la présentation de l’offre de la requérante, données par Frontex dans le mémoire en défense et ne figurant pas dans lesdites lettres ne peuvent être prises en considération par le Tribunal à ce stade de la procédure.

85      En l’espèce, Frontex a informé la requérante, par sa lettre du 20 octobre 2010, qu’elle avait rejeté son offre pour le lot n° 6. Frontex s’est limitée à y signaler que cette offre avait été rejetée lors de la phase d’évaluation technique, au motif qu’elle n’avait pas atteint le seuil de 70 % prévu pour chaque critère portant sur les « service et produit » visés. Elle y a indiqué les notes obtenues lors de l’évaluation technique pour chaque critère d’évaluation, à savoir 12 points sur 15 pour le critère n  1, intitulé « Qualité de la méthodologie de gestion de projet proposée », 15 points sur 15 pour le critère n  2, intitulé « Procédure de compte rendu proposée par la surveillance par Frontex », 22 points sur 30 pour le critère n  3, intitulé « Niveau de partenariat avec le fabricant », 16 points sur 20 pour le critère n  4, intitulé « Proposition de maintenance », 12 points sur 15 pour le critère n  5, intitulé « Proposition concernant la gestion du contrat », 14 points sur 20 pour le critère n  6, intitulé « Proposition d’accord sur le niveau de service (SLA) », 18 points sur 25 pour le critère n  7, intitulé « Composition de l’équipe proposée », 14,7 points sur 30 pour le critère n  8, intitulé « Efficacité et effectivité de la solution informatique hypothétique proposée », et 33,2 points sur 40 pour le critère n  9, intitulé « Qualité des produits proposés selon les critères d’évaluation ». Comme pour le lot n° 1 (voir point 54 ci-dessus), Frontex a informé la requérante de la possibilité de demander des renseignements additionnels sur les motifs de rejet de son offre et sur la non-communication de certains détails des offres retenues.

86      À la suite de la demande de la requérante du 22 octobre 2010 visant à obtenir des informations supplémentaires sur la décision attaquée, Frontex a transmis à cette dernière une deuxième lettre le 5 novembre 2010. Frontex a répondu à cette demande écrite dans le respect du délai maximal de quinze jours de calendrier prévu par l’article 149, paragraphe 2, des modalités d’exécution. Ainsi qu’il a été constaté au point 56 ci-dessus, elle a indiqué les noms des entreprises et des consortiums classés en tête de la cascade, tel que le prévoit l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier. Il convient de rappeler que cette lettre contenait, pour les lots nos 1 et 6, sous forme de tableau, les points attribués à l’offre de la requérante et ceux attribués aux deux soumissionnaires mieux classés dans la cascade ainsi que le nombre maximal de points atteignables par critère qualitatif (voir point 56 ci-dessus). De plus, elle contenait de brefs commentaires sur les caractéristiques et avantages de chacune de ces trois offres pour chaque critère qualitatif pour les deux lots, indiquant ainsi les raisons pour lesquelles Frontex avait considéré les offres des soumissionnaires retenus comme étant les meilleures.

87      Il convient donc d’examiner si la description des caractéristiques et des avantages des offres retenues contenue dans la lettre du 5 novembre 2010 satisfait aux exigences de l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier en ce qui concerne le lot n° 6.

88      Tout d’abord, il y a lieu de relever que le tableau portant sur la notation du lot n° 6 permettait à la requérante de comparer directement, pour chaque critère, les notes attribuées par Frontex à son offre et à celles des soumissionnaires retenus. Ainsi, il ressort de ce tableau que l’offre de la requérante a obtenu soit les mêmes notes (pour les critères nos 2 et 9), soit des notes inférieures (pour tous les autres critères) à celles attribuées à l’offre retenue en première position dans la cascade. Ensuite, la lecture du tableau indique que l’offre de la requérante a obtenu soit les mêmes notes (pour les critères nos 5 et 9), soit des notes inférieures (pour tous les autres critères) à celles attribuées à l’offre retenue en deuxième position dans la cascade. Enfin, il en ressort que l’offre de la requérante a reçu une note très inférieure pour le critère n° 8 (14,7 points sur 30) aux notes des offres retenues dans la cascade (24,0 points chacun). Néanmoins, conformément aux principes énoncés aux points 59 et 61 ci-dessus, il y a lieu de considérer que les notes contenues dans le tableau, en elles-mêmes, ne permettaient pas à la requérante de réellement comprendre les raisons pour lesquelles elles avaient été attribuées à son offre, ni aux offres des soumissionnaires retenus.

89      Il convient donc d’examiner si la requérante pouvait comprendre la justification des notes attribuées en prenant en compte les commentaires de Frontex sur son offre et sur les offres retenues, ainsi que la version non confidentielle du rapport d’évaluation annexés à la lettre du 5 novembre 2010.

90      Il ressort de ces deux documents que la décision de rejet de l’offre de la requérante pour le lot n° 6 ne se fonde pas sur une comparaison entre ses prestations et celles des soumissionnaires retenus dans la cascade. En effet, son offre a été éliminée à l’issue de l’évaluation technique en raison du fait qu’elle n’avait pas obtenu le nombre minimal des points requis (70 % selon le point III.5.2 du cahier des charges) pour le critère n  8, pour lequel elle n’a obtenu que 49 % des points atteignables. Néanmoins, il découle des informations contenues dans la lettre du 5 novembre 2010 que l’offre présentée par la requérante a reçu des points et des commentaires identiques aux deux offres des soumissionnaires retenus pour les critères nos 2 et 9. Par contre, pour tous les autres critères, pour lesquels l’offre de la requérante a reçu un nombre de points inférieur aux offres retenues, les commentaires « négatifs » indiquent les défaillances de cette offre, tandis que les commentaires « positifs », portant notamment sur le niveau de description et de structuration, indiquent les avantages des offres retenues.

91      Certes, ces commentaires sont succincts, mais la requérante était en mesure de comparer directement son offre avec celles retenues et de comprendre que, même si toutes les offres proposaient les meilleures pratiques, celles retenues ne présentaient pas les défauts de son offre. Eu égard au fait que son offre a été éliminée non à l’issue d’une comparaison avec les autres offres, mais au motif que le seuil minimal requis pour l’un des critères n’avait pas été atteint, c’est à tort que la requérante prétend que Frontex était obligée de lui communiquer l’intégralité du rapport du comité d’évaluation, des copies des offres retenues et les prix proposés dans ces dernières offres (voir points 63 à 66 ci-dessus).

92      Lors de l’audience, en réponse à une question posée par le Tribunal, la requérante, tout en maintenant l’ensemble de ses arguments tirés de l’insuffisance de motivation (relatifs aux critères d’évaluation nos 2, 4à 6 et 8) et d’erreurs manifestes d’appréciation (pour les critères d’évaluation nos 1, 4, 7 et 8) pour le lot n° 6, a reconnu que seule son argumentation relative au critère n° 8 était pertinente en l’espèce. En effet, l’offre de la requérante a obtenu des notes suffisantes pour chacun des autres critères ainsi que pour son score total. C’est en raison de la note attribuée pour le critère n° 8 que son offre a été écartée au stade de l’évaluation technique. Ainsi, la requérante a, lors de l’audience, concentré ses plaidoiries relatives au lot n° 6 sur ce critère. Il convient donc, conformément à la jurisprudence citée au point 59 ci-dessus, d’examiner si elle est réellement en mesure de comprendre les raisons pour lesquelles la note de 14,7 points sur 30 lui a été attribuée pour ce dernier critère.

93      Dans la lettre du 5 novembre 2010, Frontex indique ce qui suit en ce qui concerne la réponse donnée à ce critère dans l’offre de la requérante :

« Efficacité : Les meilleures pratiques sont appliquées ; de nombreuses interactions et certains recoupements avec les services d’autres lots ne se retrouvent pas dans la planification de l’exécution du projet proposé ; aucune gestion n’est proposée pour assurer une harmonisation avec d’autres lots impliqués ; la solution proposée tient pour acquis que les contrats sont actifs dans les autres lots pour déployer la solution ; la solution est basée sur une architecture matériel informatique/logiciel basée sur sTESTA, principalement à l’usage de l’administration publique et des institutions de l’UE.

Effectivité : Les services du lot n  7 ont été l’objet d’une incompréhension qui donne lieu à certaines interprétations erronées concernant l’interaction avec d’autres lots impliqués dans la proposition ; néanmoins, le ratio utilisateur (administratif/opérationnel) n’a pas été suffisamment pris en considération ; sTESTA et Windows 2003 Server sont utilisés, mais ne sont pas comptabilisés dans l’offre financière. »

94      Les commentaires de Frontex pour le lot n° 6 sont quasi identiques à ceux relatifs au même critère du lot n° 1 (voir point 68 ci-dessus). À l’instar de ce qui est indiqué aux points 69 et 70 ci-dessus, la requérante ne pouvait s’attendre à une note très élevée dès lors que son offre n’avait reçu qu’un seul commentaire positif sur huit pour ce critère. À la différence du lot n° 1, l’offre financière de la requérante a été évoquée sous l’élément « effectivité », mais elle fait clairement partie de la motivation pour la note qui lui a été attribuée, contrairement aux exigences du cahier des charges (voir point 71 ci-dessus).

95      De nouveau, les mémoires écrits et les plaidoiries de Frontex font apparaître des incohérences graves et manifestes par rapport au commentaire selon lequel « sTESTA et Windows 2003 Server sont utilisés, mais ne sont pas comptabilisés dans l’offre financière ».

96      Au point 133 du mémoire en défense, Frontex s’est contentée de renvoyer aux arguments relatifs au même critère du lot n° 1, dont le point 117 dudit mémoire (détaillé au point 73 ci-dessus). Dans la duplique, elle ne formule pas d’argument particulier relatif à ce critère pour le lot n° 6. Cependant, dans sa réponse à une question écrite posée par le Tribunal, elle a cité le point 117 du mémoire en défense et a indiqué que ce commentaire constituait également une information complémentaire pour le lot n° 6, mais que cela n’avait pas eu d’impact sur l’évaluation de l’offre de la requérante.

97      Lors de l’audience, Frontex a soutenu, pour la première fois, que la référence à l’offre financière de la requérante résultait d’une erreur typographique et que le commentaire litigieux aurait dû indiquer que « sTESTA et Windows 2003 Server [étaie]nt utilisés, mais [n’étaient] pas comptabilisés dans son offre technique ». Selon elle, la requérante n’avait pas fourni une description des produits et des solutions proposés tels qu’exigés par le cahier des charges. Malgré une certaine confusion dans les plaidoiries, Frontex a insisté sur le fait que l’enveloppe contenant l’offre financière de la requérante pour le lot n° 6 n’avait pas été ouverte et qu’il n’y a pas eu d’évaluation financière de celle-ci.

98      À l’instar de l’analyse contenue au point 75 ci-dessus, cette explication n’avait jamais été précisée auparavant, ni dans les deux tours de mémoires ni dans la réponse aux questions écrites posées par le Tribunal. En raison de cette inconsistance, le Tribunal ne peut pas établir si l’offre financière de la requérante a été examinée dans le cadre de l’évaluation technique, ce qui semble ressortir du commentaire litigieux même si le déroulement des faits présenté dans l’extrait du rapport d’évaluation semble indiquer le contraire. En toute hypothèse, la requérante n’est pas en mesure de connaître les raisons pour lesquelles son offre a obtenu une note très basse pour le critère n° 8, ce qui a eu pour conséquence son exclusion de la phase d’évaluation suivante.

99      Par conséquent, il convient de conclure que les commentaires de Frontex dans sa lettre du 5 novembre 2010 relatifs au lot n° 6 ne constituent pas une motivation suffisante, même lus en combinaison avec les notes figurant dans le tableau. Ce non-respect des formes substantielles entourant la décision attaquée doit entraîner l’annulation de celle-ci, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens et griefs invoqués par la requérante pour le lot n° 6.

100    Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu d’accueillir le premier moyen du recours qui soutient la demande en annulation dans le cadre de l’appel d’offres TIC. Partant, il convient de faire droit à cette demande et d’annuler les décisions attaquées qui rejettent, respectivement, les offres de la requérante pour les lots nos 1 et 6.

 b) Sur les moyens relatifs à l’appel d’offres pour le grand projet pilote Eurosur

101    En ce qui concerne le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation, la requérante renvoie aux arguments mentionnés au point 43 ci-dessus, communs aux deux marchés litigieux. Ensuite, elle soulève une argumentation distincte intitulée « Considérations relatives à l’appel d’offres [pour le grand projet pilote Eurosur] – Erreurs manifestes d’appréciation, défaut de motivation (commentaires du comité d’évaluation vagues et non justifiés) », qui comporte, notamment, un grief tiré de la motivation insuffisante de toutes les notes attribuées à son offre pour ce marché et donc mélange les premier et second moyens. L’ensemble de cette argumentation est présentée ci-après, telle qu’elle figure dans les écritures.

 Arguments des parties

102    Par son premier moyen, la requérante prétend, premièrement, que les explications contenues dans le rapport du comité d’évaluation étaient de nature « télégraphique » et imprécises et se limitaient à de simples commentaires négatifs. Elles ne satisferaient donc pas aux obligations découlant de l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier, de l’article 149 de ses modalités d’exécution et de la jurisprudence y afférente. Deuxièmement, elle soutient qu’il est indispensable que l’intégralité de ces rapports ainsi que les offres des attributaires des marchés lui soient transmises afin de comprendre les motifs de rejet de son offre par Frontex. En ne communiquant pas ces documents, Frontex aurait violé les principes de transparence et d’égalité de traitement. Troisièmement, la requérante fait valoir que, eu égard au fait qu’elle avait fait une offre recevable, Frontex était tenue de lui communiquer le prix proposé par les adjudicataires des marchés litigieux en tant qu’une des caractéristiques et un des avantages relatifs à leurs offres.

103    Par son second moyen, la requérante conteste, en premier lieu, l’appréciation du comité d’évaluation concernant le critère n° 1 intitulé « Compréhension des besoins du projet », pour lequel elle a obtenu la note de 21 sur 30. Elle conteste le commentaire selon lequel son offre « démontre une compréhension limitée de l’objectif expérimental du projet », qui serait incorrect et comporterait un défaut de motivation. Tout d’abord, son offre aurait été strictement conforme au cahier des charges et aux exigences de ce critère. Ensuite, elle reproche au comité de ne pas avoir indiqué ce que l’adjudicataire avait proposé de plus ou de mieux qu’elle. Enfin, elle invoque les points 3.4.2.1, 2.2, 2.3.2, 2.3.3 et 3.4 ainsi que les schémas 13, 19, 22 et 24 de son offre, qui démontreraient sa prise en considération de la nature expérimentale du projet. Dès lors, Frontex aurait commis des erreurs manifestes d’appréciation.

104    Dans la réplique, la requérante ajoute qu’il n’y a pas d’article 10.6 dans le cahier des charges, contrairement à ce que prétend Frontex. En outre, à supposer même que Frontex ait entendu invoquer le point 10.6 des termes de référence, en exigeant que les soumissionnaires auraient dû présenter des « activités de recherche et de développement liées à la communication, la sécurité, la présentation de l’information, etc., du réseau principal », elle aurait introduit un critère a posteriori.

105    En deuxième lieu, la requérante conteste, en substance, l’appréciation du comité d’évaluation concernant le critère n° 2, intitulé « Méthodologie de la mise en œuvre », pour lequel elle a obtenu la note de 15 sur 30.

106    Tout d’abord, elle prétend que ce comité ne justifie pas la constatation selon laquelle son offre était « insuffisante sur certains sujets », ni n’indique ce que l’adjudicataire avait proposé de plus ou de mieux qu’elle. Dès lors, il aurait entaché son appréciation d’un défaut de motivation. Ensuite, le seul exemple cité par le comité, relatif à la gestion d’un volume considérable de données, serait erroné en ce que le document intitulé « Réponse au critère d’attribution n° 2 ‒ Méthodologie de mise en œuvre », en particulier les points 2 et 2.2 et la page 40, répondrait parfaitement à cette exigence. Le comité aurait ainsi commis une erreur manifeste d’appréciation. Enfin, dans la réplique, la requérante ajoute que l’exigence de traitement d’énormes quantités de données relève de l’implémentation du système, laquelle était clairement détaillée dans son offre.

107    En troisième lieu, la requérante conteste, en substance, l’appréciation du comité d’évaluation concernant le critère n° 3, intitulé « Capacité du personnel », pour lequel elle a obtenu la note de 16 sur 20. Elle conteste le commentaire selon lequel « une quantité insuffisante d’informations est fournie concernant le lieu d’affectation du personnel ». D’une part, ces informations ne seraient pas requises par le cahier des charges au titre de ce critère. D’autre part, le document intitulé « Réponse au critère d’attribution n° 4 ‒ Plan de gestion du projet », ainsi que les points 3.2 et 6.2.1 de son offre, indiqueraient le lieu d’affectation des membres de l’équipe proposée. Dès lors, le comité d’évaluation aurait commis une erreur manifeste d’appréciation.

108    En quatrième et dernier lieu, la requérante conteste, en substance, l’appréciation du comité d’évaluation concernant le critère n° 4, intitulé « Plan de gestion du projet », pour lequel elle a obtenu la note de 13 sur 20. Elle conteste le commentaire selon lequel « [son offre] contient également des conclusions potentiellement incohérentes pour la gestion du budget ».

109    D’une part, la requérante prétend que le comité a retiré sept points de son offre sur la base de considérations arbitraires et dénuées de fondement. Il n’aurait identifié aucun défaut, ni précisé ce que les autres soumissionnaires avaient proposé de plus ou de mieux que son offre. De plus, les incohérences viciant prétendument l’offre n’existeraient que « potentiellement ».

110    D’autre part, son offre aurait clairement présenté la méthodologie pour la gestion du budget strictement conforme au cahier des charges dans le document intitulé « Réponse au critère d’attribution n° 4 ‒ Plan de gestion du projet », dont le point 6.2 et les modèles détaillés pour la surveillance du budget.

111    Dans la réplique, la requérante rejette la constatation de Frontex selon laquelle son offre indiquait qu’une partie de l’étendue estimée des travaux pourrait être limitée en raison de fonds insuffisants. Elle avance que la proposition de budget qui y est contenue est une partie de son approche méthodologique pour assurer la surveillance et le contrôle des coûts du projet et n’indique pas qu’elle a l’intention de limiter une partie des travaux en raison de fonds insuffisants.

112    Frontex rejette les arguments de la requérante relatifs à la motivation de la décision attaquée en rappelant qu’elle jouit d’un large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de la prise de décision de passer un marché sur appel d’offres. D’une part, elle soutient avoir parfaitement rempli son obligation de motivation en l’espèce. D’autre part, elle défend l’ensemble des appréciations du comité d’évaluation relatives à l’offre de la requérante pour le marché concernant le grand projet pilote Eurosur et affirme avoir respecté les termes du cahier des charges.

 Appréciation du Tribunal

113    La requérante fonde sa demande en annulation, en substance, sur un moyen tiré d’une violation de l’obligation de motivation et sur un moyen tiré de l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation.

114    Il convient, en premier lieu, d’examiner les arguments de la requérante relatifs à la motivation de la décision de rejet de son offre pour ce marché.

115    À titre liminaire, il y a lieu de constater que, par son premier grief, la requérante entend critiquer le refus opposé par Frontex de débattre avec elle des mérites de son offre par rapport à ceux de l’offre retenue. Or, à cet égard, il suffit de rappeler que le pouvoir adjudicateur n’est pas tenu, au titre de son obligation de motivation d’une décision de rejet d’une offre, de mener un tel débat (voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2008, AWWW/FEACVT, T‑211/07, EU:T:2008:240, point 43). Par ailleurs, cette circonstance ne saurait remettre en cause, à elle seule, la légalité de ladite décision (arrêt du 12 juillet 2007, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑250/05, EU:T:2007:225, point 78). La requérante ne saurait, dès lors, reprocher à Frontex d’avoir manqué à son obligation de motivation du fait d’avoir refusé de répondre aux questions et aux demandes d’éclaircissements qu’elle lui avait adressées après avoir reçu la lettre du 27 septembre 2010 (voir point 31 ci-dessus).

116    Pour déterminer si Frontex a satisfait à son obligation de motivation, il convient d’examiner, à l’aune des principes énoncés aux points 47 à 52 ci-dessus, la lettre du 16 septembre 2010 (voir point 30 ci-dessus) ainsi que la lettre du 27 septembre 2010 et le rapport d’évaluation joint à celle-ci que Frontex a adressés à la requérante en réponse à sa demande expresse visant à obtenir des informations supplémentaires sur l’évaluation de son offre et celle de l’attributaire du marché.

117    En l’espèce, il convient de noter que la méthode appliquée par Frontex pour l’évaluation technique des offres était énoncée de manière claire dans le cahier des charges relatif à l’appel d’offres litigieux. En particulier, selon le point III.5.1 du cahier des charges, les offres ne dépassant pas le seuil de 70 points pour cette évaluation seront éliminées sans autre considération. Ainsi, il spécifiait, dans une grille d’évaluation technique, les quatre critères d’attribution et leur poids respectif dans l’évaluation, c’est-à-dire dans le calcul du score total.

118    Premièrement, en ce qui concerne le courrier du 16 septembre 2010, Frontex y a indiqué que l’offre de la requérante avait été rejetée au motif qu’elle n’avait pas dépassé le seuil de 70 % en raison d’une compréhension limitée de l’objectif expérimental du projet, d’une insuffisance d’informations relatives à la compréhension des besoins d’utilisateurs et d’une insuffisance d’informations relatives à la gestion d’un volume considérable de données. Ensuite, elle a informé la requérante de la possibilité de demander des renseignements supplémentaires sur les motifs de rejet de son offre, notamment sur les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue et le nom du soumissionnaire retenu. Enfin, elle a indiqué que certains détails ne seraient pas communiqués si cette communication faisait obstacle à l’application des lois, était contraire à l’intérêt public, portait préjudice aux intérêts commerciaux légitimes d’entreprises publiques ou privées ou pouvait nuire à une concurrence loyale entre celles-ci.

119    Deuxièmement, à la suite de la lettre de la requérante du 21 septembre 2010, comportant une demande d’informations supplémentaires sur, notamment, les caractéristiques et avantages relatifs de l’offre de l’adjudicataire du marché, Frontex lui a répondu par lettre du 27 septembre 2010. Dans celle-ci, Frontex a fourni les informations supplémentaires demandées ainsi que la version non confidentielle du rapport d’évaluation, et ce dans le délai de quinze jours imparti par l’article 149, paragraphe 2, des modalités d’exécution, à savoir le 27 septembre 2010.

120    Force est de constater que Frontex a indiqué le nom de l’entreprise retenue, tel que le prévoit l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier. En outre, sa lettre contenait de brefs commentaires sur les caractéristiques et avantages de l’offre de la requérante et de l’offre retenue. Elle comportait également un tableau indiquant les notes maximales atteignables pour chaque critère d’évaluation ainsi que les notes obtenues pour chacun de ces critères par l’offre de la requérante et par celle de l’adjudicataire du marché et leurs scores finals.

121    Il ressort du tableau contenu dans cette lettre que les notes obtenues par la requérante n’étaient, pour aucun de ces quatre critères, supérieures à celles de l’attributaire. En effet, l’offre de la requérante avait obtenu 21 points sur 30 pour le critère n  1, intitulé « Compréhension des besoins du projet », 15 points sur 30 pour le critère n  2, intitulé « Méthodologie de la mise en œuvre », 16 points sur 20 pour le critère n  3, intitulé « Capacité du personnel », et 13 points sur 20 pour le critère n  4, intitulé « Plan de gestion du projet ». En revanche, l’offre retenue a obtenu presque le maximum des points atteignables pour chaque critère, à savoir 28 points sur 30 pour le critère n  1, 26 points sur 30 pour le critère n  2, 18 points sur 20 pour le critère n  3 et 18 points sur 20 pour le critère n  4. L’offre de la requérante n’avait donc pas obtenu le minimum des points requis par le point III.5.1 du cahier des charges pour être admise à l’étape suivante, à savoir l’évaluation financière. En effet, elle n’avait obtenu qu’un total de 65 points sur 100, tandis que l’attributaire avait obtenu un total de 90 points sur 100.

122    La lettre du 27 septembre 2010 contenait également les commentaires spécifiques du comité d’évaluation sur l’offre de la requérante et celle du soumissionnaire retenu pour chacun des quatre critères d’attribution. Ainsi, il ressort notamment de ces commentaires, lus en combinaison avec le tableau mentionné au point 121 ci-dessus, que l’offre retenue présentait des avantages par rapport à l’offre de la requérante. En particulier, le comité avait systématiquement identifié des défaillances dans l’offre de la requérante, relatives soit à sa compréhension des besoins du projet, soit à sa mise en œuvre. En revanche, l’offre de l’attributaire du marché avait été considérée comme « excellente » pour l’ensemble de ces critères.

123    En outre, il découle de la version non confidentielle du rapport d’évaluation, annexée à la lettre du 27 septembre 2010, que, sur les quatorze soumissionnaires dont l’offre technique a été évaluée, neuf n’ont pas atteint le seuil de 70 points, dont la requérante. Parmi les neuf offres écartées, les points obtenus par celle de la requérante (65) n’étaient ni les plus bas (55) ni les plus élevés (68). En particulier, il convient de noter que, pour l’offre ayant obtenu 55 points, le comité d’évaluation a, notamment, fait des commentaires substantiellement analogues à ceux relatifs à l’offre de la requérante en ce qu’elles présentaient les mêmes défaillances. Il convient également d’observer que le commentaire de ce comité, relatif à une compréhension limitée de la finalité expérimentale du projet, a été formulé pour sept des neuf offres écartées, dont celle de la requérante, mais pour aucune des cinq offres qui ont obtenu des notes au-delà du seuil minimal prévu par le cahier des charges.

124    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de constater que Frontex a, dans ses lettres, fourni une motivation suffisamment détaillée des raisons pour lesquelles elle n’avait pas retenu l’offre de la requérante et exposé les caractéristiques et avantages relatifs de celle du soumissionnaire retenu (voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑591/08, EU:T:2012:522, point 86 et jurisprudence citée). Malgré la brièveté des commentaires, la requérante pouvait immédiatement identifier, à la lecture de la lettre du 27 septembre 2010, les raisons pour lesquelles son offre avait été rejetée et les comparer avec les propositions du soumissionnaire retenu. Les commentaires spécifiques formulés pour chacun des quatre critères d’attribution fournissaient des précisions sur les éléments considérés comme imparfaits par Frontex. Dès lors, le grief tiré du caractère vague et imprécis de la motivation ne saurait être accueilli.

125    Il s’ensuit que, en ce qui concerne l’évaluation de l’offre de la requérante pour l’appel d’offres pour le grand projet pilote Eurosur, Frontex a répondu aux exigences prescrites à l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier et à l’article 149 des modalités d’exécution.

126    Cette conclusion ne saurait être infirmée par l’allégation de la requérante selon laquelle le comité d’évaluation n’aurait pas précisé clairement ce qui ne figurait pas dans son offre ou ce qui n’était pas suffisamment décrit dans celle-ci, ni combien de points il avait retiré à l’offre pour ce motif et pour quelle raison. Ainsi qu’il ressort du point 124 ci-dessus, la motivation en l’espèce était suffisante pour satisfaire à l’obligation de motivation dans les termes prescrits par le législateur et la jurisprudence, dès lors qu’elle a permis à la requérante de faire valoir ses droits devant le Tribunal.

127    En ce qui concerne les deuxième et troisième griefs du premier moyen, il convient d’observer que l’offre de la requérante a été éliminée non à l’issue d’une comparaison avec les autres offres, mais au motif que le seuil minimal requis pour être admis à l’évaluation suivante n’avait pas été atteint. Eu égard aux considérations exposées aux points 63 à 66 ci-dessus, il convient de constater que c’est à tort que la requérante prétend que Frontex était obligée de lui communiquer l’intégralité du rapport du comité d’évaluation, une copie de l’offre retenue et le prix proposé dans cette dernière offre.

128    Il y a lieu de conclure que la motivation avancée par Frontex, d’une part, a permis à la requérante de faire valoir ses droits devant le Tribunal et, d’autre part, permet à ce dernier d’exercer son contrôle de légalité. Dès lors, il convient de rejeter le présent moyen comme non fondé.

129    En second lieu, il convient d’examiner le moyen tiré de l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation. Dans le cadre de ce moyen, la requérante conteste, en substance, la validité des appréciations faites par le comité d’évaluation au regard de chacun des critères d’évaluation technique.

130    À cet égard, il y a lieu de rappeler que les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de décider de passer un marché sur appel d’offres et que le contrôle juridictionnel appliqué à l’exercice de ce pouvoir d’appréciation se limite, dès lors, à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, ainsi que l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (voir point 47 ci-dessus).

131    Il y a également lieu de rappeler que tous les griefs de la requérante concernant le caractère vague et lapidaire de certains commentaires du comité d’évaluation et le défaut de communication des caractéristiques et des avantages relatifs de l’offre retenue ont été examinés dans le cadre du premier moyen d’annulation. L’obligation de motivation doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (voir arrêt Evropaïki Dynamiki/Commission, point 124 supra, EU:T:2012:522, point 157 et jurisprudence citée).

132    S’agissant du critère d’évaluation n  1, le cahier des charges exige que chaque soumissionnaire indique, d’une part, pourquoi il estime être le mieux placé pour entreprendre le projet « pilote » et, d’autre part, quelle approche il prendra. La requérante a obtenu pour ce critère la note de 21 points sur 30. Dans la lettre du 27 septembre 2010, Frontex indique ce qui suit en ce qui concerne la réponse donnée à ce critère dans son offre :

« Votre proposition témoigne d’une bonne compréhension des exigences de Frontex en termes de prestations et d’équipement ; elle montre néanmoins une compréhension limitée de l’objectif expérimental du projet. »

133    La requérante conteste le dernier commentaire.

134    Premièrement, il convient d’écarter son argument selon lequel l’exigence de prendre en considération le caractère expérimental du projet serait arbitraire et que Frontex aurait ainsi introduit « de nouvelles exigences imaginaires » pour l’appel d’offres pour le grand projet pilote Eurosur. Force est de constater que ce caractère expérimental ressortait même du titre de cet appel d’offres relatif à un projet « pilote » et l’avis de marché indiquait que seule la première phase de marché était « confirmée ». De plus, les termes de référence du projet annexés au cahier des charges démontrent que le projet sera effectué à titre d’expérience. Par exemple, la description de l’arrière-plan, figurant tout au début des termes de référence, souligne l’établissement au fur et à mesure du cadre technique selon les besoins identifiés après les essais et l’incertitude existant à cet égard. Ainsi que le relève à juste titre Frontex, le caractère expérimental du projet ressort du point 10.6 des termes de référence, qui, en indiquant « l’approche ʽascendanteʼ spécifique choisie pour mettre en place le réseau principal de partage d’informations Eurosur et du caractère expérimental, de recherche et développement, du projet dans son ensemble », reproduit, en grande partie, la description de l’arrière-plan du projet. Il s’ensuit que Frontex était en droit de s’attendre à ce que les offres des soumissionnaires mentionnent cet objectif dans leur documentation et qu’ils en tiennent compte dans les activités de recherche et de développement liées à la communication, la sécurité et à la présentation de l’information du réseau principal. Le grief tiré de l’introduction des exigences a posteriori ne saurait donc prospérer.

135    Deuxièmement, la requérante invoque cinq points (et leurs quatre schémas) de son offre au soutien de son grief selon lequel Frontex a erronément conclu qu’elle n’avait pas tenu compte du caractère expérimental du projet.

136    En premier lieu, le point 3.4.2.1, intitulé « Eurosur bureau technique », concerne l’établissement et l’opération d’un bureau technique à Frontex aux fins de la gestion du projet. Force est de constater que ce point ne contient qu’une seule référence évidente relative à l’expérimentation, à savoir lorsqu’il prévoit des « interactions ad hoc avec le personnel de Frontex destinées à l’expérimentation et à l’extension du système ». C’est donc à tort que la requérante prétend que ce document, de moins de deux pages, mentionne « de manière extensive des activités de recherche et de développement associées à l’exécution du projet ».

137    En deuxième lieu, le point 2.2 de l’offre de la requérante, intitulé « Le concept Eurosur », consiste, en grande partie, en la description du projet. Certes, ce point indique que la mise en œuvre du projet comporte trois étapes dont la seconde vise « la recherche et le développement destinés à améliorer la performance des outils de surveillance et des détecteurs (tels que satellites, véhicules aériens non pilotés/UAV, etc.) et à développer une application commune des outils de surveillance ». Toutefois, contrairement à ce que prétend la requérante, une telle constatation n’indique pas en soi que le système de surveillance sera amélioré à travers les leçons apprises par la pratique et ne répond pas particulièrement à la nature novatrice du projet.

138    En troisième lieu, le point 2.3.2, intitulé « Étape II – Outils communs », évoque les possibilités d’améliorer la performance des outils de surveillance, mais sans décrire des activités de recherche et l’analyse des résultats expérimentaux à cet égard. La requérante y propose de « faciliter » les interactions avec les fournisseurs potentiels de nouveaux outils pour l’échange des informations obtenues par surveillance et évoque la possibilité de récolter des informations d’autres sources. Toutefois, elle n’identifie pas comment ces « outils communs » pourraient concrètement se produire.

139    En quatrième lieu, le point 2.3.3, intitulé « Étape III – Réseau », précise que le réseau hypothétique de partage d’informations qui y est évoqué ne concerne que le domaine maritime. Certes, il contient certaines références à la nature pilote dudit projet. Cependant, et contrairement à ce que prétend la requérante, il ne fournit pas d’informations sur la façon dont les résultats expérimentaux seront utilisés pour étendre la fonctionnalité de l’outil dans le domaine maritime, il évoque plutôt les applications potentielles de l’outil proposé.

140    En cinquième lieu, le point 3.4, intitulé « Phases du projet », comporte les quatre schémas invoqués par la requérante afin de démontrer une description de « la façon dont les résultats expérimentaux de chaque phase seront exploités en vue de la phase suivante ». En effet, ce point décrit un processus itératif alimenté par l’information acquise pour chaque phase du projet, mais la nature expérimentale de ce projet n’est pas mise en évidence.

141    Il convient de conclure de ce qui précède que les points et schémas invoqués par la requérante incluent, certes, des éléments liés au fait que le projet Eurosur est un projet pilote, mais que celle-ci n’a pas démontré la nature erronée du commentaire du comité d’évaluation au regard du premier critère d’attribution, selon lequel son offre démontrait une compréhension limitée de l’objectif expérimental de ce projet. Eu égard au large pouvoir d’appréciation dont dispose Frontex en ce qui concerne les éléments à prendre en considération quant au fait de passer un marché sur appel d’offres (voir point 130 ci-dessus), il convient d’écarter la première branche du présent moyen.

142    S’agissant du critère d’évaluation n  2, le cahier des charges indique que les offres seront examinées au regard de la qualité de l’implémentation proposée ainsi que de leur consistance méthodologique par rapport aux six sous-critères qui y sont énumérés, dont la gestion d’un volume considérable de données. La requérante a obtenu pour ce critère la note de 15 points sur 30. Dans la lettre du 27 septembre 2010, Frontex indique ce qui suit en ce qui concerne la réponse donnée à ce critère dans son offre :

« Votre offre fait ressortir une qualité de mise en œuvre et une cohérence méthodologique satisfaisantes dans les domaines identifiés comme pertinents pour l’exécution du projet, mais est insuffisante sur certains sujets tels que les informations fournies sur la gestion d’un volume considérable de données. »

143    La requérante conteste cette appréciation.

144    Tout d’abord, il convient d’accueillir l’argument de Frontex selon lequel il était clairement précisé dans les termes de référence que les soumissionnaires étaient tenus de fournir une explication détaillée de l’approche adoptée pour tenir compte de chacun des points figurant dans la grille d’évaluation pour ce critère, dont le sous-critère e), relatif au traitement d’énormes quantités de données.

145    Ensuite, il convient d’examiner si, ainsi qu’elle le prétend, la requérante a fourni une telle explication dans son offre. Elle invoque le point 2 de son offre à cet égard sans préciser où se trouve ce document dans les annexes volumineuses à la requête. Il n’appartient au Tribunal ni de rechercher, ni d’identifier, dans les annexes, les moyens et les arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale, ni de procéder par voie de conjectures quant au raisonnement et aux considérations précises, tant factuelles que juridiques, de nature à sous-tendre les contestations du recours (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2010, Evropaïki Dynamiki/OEDT, T‑63/06, EU:T:2010:368, point 80).

146    À supposer que la requérante souhaite invoquer la partie de presque trente pages, figurant aux pages 558 à 584 de l’annexe A.5 de son offre, il convient d’observer que, si cette partie détaille les méthodologies proposées pour le partage d’informations et l’accès aux données pour des utilisateurs, toutefois, il ne mentionne pas la quantité de ces données, tel que l’exige le cahier des charges. Ni le point 2.2 ni la page 40 mentionnées dans la requête ne comportent d’importantes quantités de données. La page 40 se borne à indiquer la capacité du système à traiter les « volumes de données prévus ». En outre, ainsi que le relève Frontex, l’offre de la requérante n’indique pas le processus proposé pour gérer ces quantités importantes de données.

147    Enfin, il convient de constater que, par son argument figurant au point 47 de la réplique, selon lequel le traitement d’importantes quantités de données est lié à l’implémentation du système, la requérante cherche à réinterpréter l’étendue du sous-critère e) des termes de référence. Or, la portée de ce critère, ainsi qu’il ressort du point 142 ci-dessus, est claire et incontournable.

148    Dès lors, la deuxième branche du présent moyen doit être rejetée.

149    S’agissant du critère d’évaluation n  3, le cahier des charges exige que les soumissionnaires décrivent la composition de l’équipe proposée ainsi que leur rôle au sein du projet. La requérante a obtenu pour ce critère la note de 16 points sur 20. Dans la lettre du 27 septembre 2010, Frontex indique ce qui suit en ce qui concerne la réponse donnée à ce critère dans l’offre de la requérante :

« En outre, votre équipe démontre qu’elle dispose de la formation et de l’expérience nécessaires pour pouvoir mener à bien le projet, mais une quantité insuffisante d’informations est fournie concernant le lieu d’affectation du personnel. »

150    La requérante conteste cette dernière appréciation.

151    Tout d’abord, il convient d’écarter l’argument de cette dernière selon lequel de telles informations n’étaient pas requises par le cahier des charges. Il ressort du point II.2.1 de ce cahier que l’évaluation technique sera effectuée conformément à l’annexe II, à savoir aux termes de référence. Il découle du point 10.4 des termes de référence relatif au bureau technique d’Eurosur, qui exige la présence des membres spécifiques de l’équipe pour certaines phases du projet, que les soumissionnaires devaient indiquer le lieu d’affectation de travail du personnel proposé.

152    Ensuite, il convient d’observer que la requérante invoque sa réponse au critère n° 4 et non celle apportée au critère n° 3 (le critère pertinent en l’espèce), afin de démontrer que son offre indiquait le lieu d’affectation des membres de l’équipe proposée. En tout état de cause, les parties invoquées dans ce document contiennent très peu de précisions sur l’affectation géographique des membres de l’équipe. En effet, dans la grande majorité des cas, la requérante spécifie le lieu de la fourniture d’un service particulier et non l’affectation du personnel responsable. Même dans le point intitulé « Couverture géographique », elle se contente d’indiquer que « [l]e contractant prestera les services pour le projet à la fois hors site […] et sur place [à Frontex] » et que « le système implémenté sera en outre déployé dans les [centres nationaux des États membres] participants ». Dès lors, il convient également d’accueillir l’argument de Frontex selon lequel, dans l’offre de la requérante, l’affectation du personnel est présentée uniquement selon l’activité et par profil et sans indication de l’endroit où il sera affecté pendant toute la durée du contrat.

153    Enfin, il convient de relever que Frontex ne reproche pas à la requérante une absence d’informations sur le lieu d’affectation du personnel proposé, mais une insuffisance d’informations à ce sujet. Une telle appréciation relève du large pouvoir d’appréciation reconnu à l’attributaire du marché pour lequel la requérante n’a établi aucune erreur manifeste.

154    S’agissant du critère d’évaluation n  4, le cahier des charges exige que la méthodologie de gestion proposée décrive les mesures envisagées afin d’atteindre les résultats souhaités dans tous les domaines du projet, à savoir la collecte de renseignements, les interactions avec les utilisateurs finaux, Frontex et ses représentants et le planning pour le déroulement de chaque phase du projet. La requérante a obtenu pour ce critère la note de 13 points sur 20. Dans la lettre du 27 septembre 2010, Frontex indique ce qui suit en ce qui concerne la réponse donnée à ce critère dans l’offre de la requérante :

« Votre proposition fait état d’une méthodologie de gestion pour la coordination de projet satisfaisante, mais qui contient également des conclusions potentiellement incohérentes pour la gestion du budget. »

155    Il convient de relever que tous les arguments de la requérante relatifs à ce critère visent à contester, en substance, le bien-fondé de la constatation du comité d’évaluation selon lequel son offre présentait des incohérences pour la gestion du budget du projet.

156    L’argument de la requérante selon lequel son offre présentait une méthodologie pour la gestion du budget strictement conforme au cahier des charges est dénué de pertinence. Le fait d’avoir respecté les exigences de ce cahier est le minimum requis pour les soumissionnaires et il n’empêche pas que soient constatées des incohérences dans la proposition.

157    Ainsi que le relève Frontex, dans sa réponse au critère n° 4, l’offre de la requérante indique ce qui suit :

« Si les fonds totaux disponibles sont inférieurs au coût total estimé, il convient dans ce cas :

–      de recalculer le coût du projet ;

–      de supprimer les exigences inutiles ou excessives jusqu’à ce que le coût estimé entre dans les limites des fonds restants ;

–      d’informer la direction exécutive que l’étendue actuellement estimée des travaux pour le projet s’avère être plus importante que celle initialement estimée. »

158    Il convient de rappeler que le budget du projet, ainsi que les besoins de Frontex, ont été précisés, d’une part, dans l’avis de marché et, d’autre part, dans le cahier des charges tel que complété par les termes de référence qui y sont annexés. C’est donc sans commettre d’erreur que Frontex prétend que le soumissionnaire pour le marché concernant le grand projet pilote Eurosur n’a pas la possibilité de réduire le budget au cours de l’exécution du contrat en éliminant des exigences, car les éléments livrables et le budget du projet étaient clairement spécifiés dans la documentation relative à l’appel d’offres. La requérante n’a pas répondu à ces arguments, se limitant à évoquer la nature « potentielle » des problèmes identifiés.

159    Au vu de tout ce qui précède, il convient de conclure que la requérante n’a pas démontré l’existence de commentaires du comité d’évaluation qui seraient erronés au regard du critère d’évaluation n  4 et, partant, susceptibles de constituer une erreur manifeste d’appréciation dans l’évaluation de son offre.

160    Eu égard aux développements qui précèdent, le moyen tiré d’erreurs manifestes d’appréciation doit être rejeté comme étant non fondé.

161    La requérante ayant succombé en l’ensemble de ses moyens d’annulation en ce qui concerne l’appel d’offres pour le grand projet pilote Eurosur, le présent recours doit être rejeté en ce qu’il vise l’annulation de la décision de rejet de l’offre de la requérante pour ce marché.

 2. Sur la demande en indemnité

162    Sur le fondement des articles 268 TFUE et 340 TFUE, la requérante demande en substance que, dans l’hypothèse où le Tribunal conclurait à l’illégalité du comportement de Frontex en rejetant ses offres, lui soit versée une indemnité de 9 358 915 euros correspondant au bénéfice brut qu’elle aurait pu tirer des contrats pour le lot n° 1 (6 000 000 d’euros) et le lot n° 6 (3 000 000 d’euros) de l’appel d’offres TIC, ainsi que du contrat pour l’appel d’offres Eurosur (358 915 euros). Elle demande, en outre, que lui soit versé un montant de 935 891 euros pour la perte d’une chance et l’atteinte portée à sa réputation et à sa crédibilité.

163    La requérante prétend, ensuite, que l’évaluation du comité d’évaluation est fondée sur de multiples erreurs manifestes d’appréciation et que les règles et les principes fondamentaux régissant les marchés publics ont été violés par le pouvoir adjudicateur. La demande en indemnité serait dès lors fondée.

164    Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union en vertu de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, suppose la réunion d’un ensemble de conditions en ce qui concerne le caractère illégal du comportement reproché à l’institution, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre ce comportement et le préjudice allégué (arrêts du 11 juillet 1996, International Procurement Services/Commission, T‑175/94, Rec, EU:T:1996:102, point 44 ; du 16 octobre 1996, Efisol/Commission, T‑336/94, Rec, EU:T:1996:148, point 30, et du 11 juillet 1997, Oleifici Italiani/Commission, T‑267/94, Rec, EU:T:1997:113, point 20).

165    Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C‑146/91, Rec, EU:C:1994:329, points 19 et 81).

166    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si les conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union sont remplies.

167    Il convient également de relever que la demande en indemnité est fondée sur les mêmes illégalités que celles invoquées au soutien de la demande en annulation des décisions attaquées.

168    S’agissant de l’appel d’offres TIC, il est, certes, vrai que les décisions attaquées relatives aux lots nos 1 et 6 sont entachées d’une insuffisance de motivation et doivent être annulées pour ce motif. Toutefois, force est de constater que l’insuffisance de motivation n’établit pas pour autant que l’attribution des marchés aux soumissionnaires retenus constitue une faute, ni qu’il existe un lien de causalité entre ce fait et la perte invoquée par la requérante (voir, en ce sens, arrêt Renco/Conseil, point 52 supra, EU:T:2003:37, point 89). En effet, rien ne permet de considérer que Frontex aurait attribué les marchés en cause à la requérante si les décisions attaquées avaient été suffisamment motivées. Il s’ensuit que la demande en indemnité pour le prétendu dommage subi du fait des décisions attaquées dans le cadre de l’appel d’offres TIC doit être rejetée comme non fondée dans la mesure où elle est fondée sur l’insuffisance de motivation de ces mêmes décisions.

169    S’agissant de l’appel d’offres Eurosur, la requérante n’a ni démontré ni fourni les éléments qui permettraient au Tribunal de conclure, de manière certaine, que son offre aurait dû être admise à l’étape de l’évaluation financière des offres. Dès lors que tous les arguments que la requérante a invoqués pour démontrer l’illégalité de la décision rejetant son offre pour le grand projet pilote Eurosur ont été examinés et rejetés, la demande en indemnité en ce qui concerne l’appel d’offres pour le grand projet pilote Eurosur doit, conformément à la jurisprudence citée au point 165 ci-dessus, être rejetée comme non fondée.

170    Il s’ensuit que la demande en indemnité doit être rejetée dans son intégralité.

 Sur les dépens

171    La requérante soutient que Frontex doit être condamnée aux dépens tant dans l’hypothèse où le Tribunal ferait droit à son recours que dans celle où elle le rejetterait. Elle affirme avoir été contrainte de former un recours du fait de l’évaluation incorrecte de Frontex, du défaut de motivation et de son refus de répondre aux demandes de motivation et à ses observations.

172    Frontex rétorque qu’elle n’a pas fait exposer à la requérante des frais frustratoires ou vexatoires et que cette demande doit dès lors être rejetée. Elle conclut à ce que la requérante soit condamnée à tout ou partie des frais exposés pour la préparation du mémoire en défense, dans la mesure où la requête était excessivement et inutilement complexe.

173    En application de l’article 87, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels.

174    Le recours ayant été partiellement accueilli, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que la requérante supportera 50 % de ses propres dépens et 50 % des dépens exposés par Frontex, cette dernière supportant 50 % de ses propres dépens et 50 % des dépens exposés par la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne (Frontex) du 18 octobre 2010, rejetant l’offre soumise par Evropaïki Dynamiki – Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE dans le cadre de l’appel d’offres 2010/S 66-098323, pour le lot n° 1 (systèmes d’information), pour la fourniture de services informatiques, de matériel informatique et de licences logicielles, est annulée.

2)      La décision de Frontex du 18 octobre 2010, rejetant l’offre soumise par Evropaïki Dynamiki – Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE dans le cadre de l’appel d’offres 2010/S 66-098323, pour le lot n° 6 (systèmes de gestion de contenu d’entreprise), pour la fourniture de services informatiques, de matériel informatique et de licences logicielles, est annulée.

3)      Le recours est rejeté pour le surplus.

4)      Evropaïki Dynamiki – Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE supportera 50 % de ses propres dépens et 50 % des dépens exposés par Frontex, cette dernière supportant 50 % de ses propres dépens et 50 % des dépens exposés par Evropaïki Dynamiki – Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis.

Frimodt Nielsen

Dehousse

Collins

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 avril 2015

Signatures

Table des matières


Cadre juridique

Antécédents du litige

1. Concernant l’appel d’offres TIC

2. Concernant l’appel d’offres pour le grand projet pilote Eurosur

Procédure et conclusions des parties

En droit

1. Sur la demande en annulation des décisions attaquées

a) Sur les moyens relatifs à l’appel d’offres TIC

Sur le lot n° 1

Sur le lot n° 6

b) Sur les moyens relatifs à l’appel d’offres pour le grand projet pilote Eurosur

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

2. Sur la demande en indemnité

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.