Language of document : ECLI:EU:T:2013:477

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

16 septembre 2013 (*)

« Concurrence – Ententes – Marchés belge, allemand, français, italien, néerlandais et autrichien des installations sanitaires pour salles de bains – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE – Coordination des hausses de prix et échange d’informations commerciales sensibles – Infraction unique et continue – Charge de la preuve – Amendes – Égalité de traitement – Proportionnalité – Légalité des peines »

Dans l’affaire T‑364/10,

Duravit AG, établie à Hornberg (Allemagne),

Duravit SA, établie à Bischwiller (France),

Duravit BeLux SPRL/BVBA, établie à Overijse (Belgique),

représentées par Mes R. Bechtold, U. Soltész et C. von Köckritz, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par M. F. Castillo de la Torre et Mme A. Antoniadis, en qualité d’agents, assistés de Me P. Thyri, avocat,

partie défenderesse,

soutenue par

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme M. Simm et M. F. Florindo Gijón, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet, à titre principal, une demande d’annulation partielle de la décision C (2010) 4185 final de la Commission, du 23 juin 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39092 – Installations sanitaires pour salles de bains), et, à titre subsidiaire, une demandede réduction du montant de l’amende infligée aux requérantes dans cette décision,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová, président, K. Jürimäe (rapporteur) et M. M. van der Woude, juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 mars 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Par la décision C (2010) 4185 final, du 23 juin 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39092 – Installations sanitaires pour salles de bains)(ci-après la « décision attaquée »), la Commission européenne a constaté l’existence d’une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE et à l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains. Cette infraction, à laquelle 17 entreprises auraient participé, se serait déroulée au cours de différentes périodes comprises entre le 16 octobre 1992 et le 9 novembre 2004 et aurait pris la forme d’un ensemble d’accords anticoncurrentiels ou de pratiques concertées sur les territoires de la Belgique, de l’Allemagne, de la France, de l’Italie,des Pays-Bas et de l’Autriche (considérants 2 et 3 et article 1er de la décision attaquée).

2        Plus précisément, la Commission a indiqué, dans la décision attaquée, que l’infraction constatée consistait, premièrement et principalement, en la coordination, par lesdits fabricants d’installations sanitaires pour salles de bains, des hausses de prix annuelles et d’autres éléments de tarification, dans le cadre de réunions régulières au sein d’associations nationales professionnelles, deuxièmement, en la fixation ou la coordination des prix à l’occasion d’événementsparticuliers tels que l’augmentation du coût des matières premières, l’introduction de l’euro ainsi que la mise en place de péages routiers en Allemagne et, troisièmement, en la divulgation et l’échange d’informations commerciales sensibles. En outre, la Commission a constaté que la fixation des prix dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains suivait un cycle annuel. Dans ce cadre, les fabricants fixaient leurs barèmes de prix, qui restaient généralement en vigueur pendant un an et servaient de base aux relations commerciales avec les grossistes (considérants 152 à 163 de la décision attaquée).

3        Les produits concernés par l’entente sont les installations sanitaires pour salles de bains faisant partie de l’un des trois sous-groupes de produits suivants : les articles de robinetterie, les enceintes de douche et accessoires ainsi que les articles en céramique (ci-après les « trois sous-groupes de produits ») (considérants 5 et 6 de la décision attaquée).

4        Les requérantes, Duravit AG, Duravit SA et Duravit BeLux SPRL/BVBA, fabriquent, s’agissant des trois sous-groupes de produits, des articles en céramique et figurent parmi les destinataires de la décision attaquée. Tout au long de leur participation à l’infraction qui leur est reprochée, les requérantes étaient membres des associations nationales professionnelles de fabricants d’installations sanitaires pour salles de bains suivantes : l’IndustrieForum Sanitär(anciennement Freundeskreis der deutschen Sanitärindustrie) (ci-après l’« IFS ») et le Fachverband Sanitärkeramische Industrie (ci-après le « FSKI »),en Allemagne, le Vitreous China-group (ci-après le « VCG »), en Belgique, et l’Association française des industries de céramique sanitaire (AFICS), en France.

5        Le 15 juillet 2004, Masco Corp. et ses filiales, parmi lesquelles Hansgrohe AG, qui fabrique des articles de robinetterie, et Hüppe GmbH, qui fabrique des enceintes de douche, ont informé la Commission de l’existence d’une entente dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains et ont demandé à bénéficier de l’immunité d’amendes au titre de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci‑après la « communication de 2002 sur la coopération ») ou, à défaut, d’une réduction du montant de ces amendes. Le 2 mars 2005, la Commission a adopté une décision conditionnelle d’immunité d’amendes au profit de Masco, conformément auparagraphe 8, sous a), et au paragraphe 15 de la communication de 2002 sur la coopération(considérants 126 à 128 de la décision attaquée).

6        Les 9 et 10 novembre 2004, la Commission a, en application de l’article 20, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), procédé à des inspections inopinées dans les locaux de plusieurs sociétés et associations nationales professionnelles opérant dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains (considérant 129 de la décision attaquée).

7        Les 15 et 19 novembre 2004, Grohe Beteiligungs GmbH (ci-après « Grohe ») et ses filiales ainsi qu’American Standard Inc. (ci-après « Ideal Standard ») et ses filiales ont, respectivement, sollicité l’immunité d’amendes au titre de la communication de 2002 sur la coopérationou, à défaut, la réduction de leur montant (considérants 131 et 132 de la décision attaquée).

8        Entre le 15 novembre 2005 et le 16 mai 2006, la Commission a adressé des demandes de renseignements, conformément à l’article 18 du règlement n° 1/2003, à plusieurs sociétés et associations opérant dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains, y compris aux requérantes.

9        Les 17, 19 et 20 janvier 2006, Roca SARL, Hansa Metallwerke AG (ci-après « Hansa ») et ses filiales ainsi que Aloys F. Dornbracht GmbH & Co. KG Armaturenfabrik (ci-après « Dornbracht ») ont respectivement demandé à bénéficier de l’immunité d’amendes au titre de la communication de 2002 sur la coopérationou, à défaut, de la réduction de leur montant (considérants 135 à 138 de la décision attaquée).

10      Le 26 mars 2007, la Commission a adopté une communication des griefs (ci-après la « communication des griefs »), laquelle a été notifiée, le 28 mars 2007 à plusieurs entreprises, parmi lesquelles les requérantes. La Commission leur a ensuite donné accès à son dossier, d’une part, sous la forme d’une copie gravée sur DVD-ROM et, d’autre part, en les invitant à consulter sur place les éléments dudit dossier qui n’étaient accessibles que dans ses locaux. Par lettre du 31 juillet 2007, les requérantes ont adressé à la Commission leurs observations sur la communication des griefs.

11      Du 12 au 14 novembre 2007, une audition a été tenue, à laquelle les requérantes ont participé (considérant 143 de la décision attaquée).

12      Le 9 juillet 2009, la Commission a envoyé à plusieurs sociétés, parmi lesquelles les requérantes, une lettre d’exposé des faits, attirant leur attention sur certaines preuves sur lesquelles elle envisageait de se fonder dans le cadre de l’adoption d’une décision finale (considérants 147 et 148 de la décision attaquée).

13      Le 23 juin 2010, la Commission a adopté la décision attaquée.

14      Dans la décision attaquée, en premier lieu, la Commission a considéré que les pratiques décrites au point 2 ci-dessus faisaient partie d’un plan global visant à restreindre la concurrence entre les destinataires de ladite décision et présentaient les caractéristiques d’une infraction unique et continue, dont le champ d’application couvrait les trois sous-groupes de produits et s’étendait aux territoires de la Belgique, de l’Allemagne, de la France, de l’Italie, des Pays-Bas et de l’Autriche (ci-après l’« infraction constatée ») (considérants 778 et 793 de la décision attaquée). À cet égard, elle a notamment souligné le fait que lesdites pratiques avaient été conformes à un modèle récurrent qui s’était avéré être le même dans les six États membres couverts par l’enquête de la Commission (considérants 778 et 793 de la décision attaquée). Elle a également relevé l’existence d’associations nationales professionnelles comprenant des membres dont l’activité avait trait à l’ensemble des trois sous-groupes, qu’elle a nommées « organismes de coordination », d’associations nationales professionnelles comprenant des membres dont l’activité avait trait à au moins deux des trois sous-groupes de produits, qu’elle a nommées « associations multiproduits », ainsi que d’associations spécialisées comprenant des membres dont l’activité avait trait à undes trois sous-groupes de produits (considérants 796 et 798 de la décision attaquée). Enfin, elle a constaté la présence d’un groupe central d’entreprises ayant participé à l’entente dans différents États membres et dans le cadre d’organismes de coordination et d’associations multiproduits (ci-après le « groupe central d’entreprises ») (considérants 796 et 797 de la décision attaquée).

15      S’agissant de la participation des requérantes à l’infraction constatée, premièrement, la Commission a fait état de ce que, bien qu’étant des fabricants d’articles en céramique pendant la durée de l’infraction, elles avaient néanmoins connaissance des différentes gammes de produits faisant l’objet de l’infraction, compte tenu de leur participation aux réunions collusoires de l’organisme de coordination IFS, qui couvraient les trois sous-groupes de produits (considérant 867 de la décision attaquée). Deuxièmement, en ce qui concerne la portée géographique de l’entente en cause (considérant 868 de la décision attaquée), tout d’abord, la Commission a considéré que, durant les périodes de leur participation à celle-ci, les requérantes, étant membres de l’organisme de coordination IFS (organisme de coordination en Allemagne), de l’association spécialisée FSKI (association spécialisée dans le sous-groupe de produits en céramique en Allemagne), de VCG (association spécialisée dans le sous-groupe de produits en céramique en Belgique) et de l’AFICS (association spécialisée dans le sous-groupe de produits en céramique en France), avaient directement participé à l’infraction constatée sur les territoires de la Belgique, de l’Allemagne et de la France. Ensuite, elle a estimé que plusieurs indices objectifs montraient que les requérantes auraient raisonnablement pu se douter de la portée géographique de l’infraction constatée non seulement sur les territoires de la Belgique, de l’Allemagne et de la France, mais aussi de l’Autriche et de l’Italie. S’agissant du territoire des Pays-Bas, la Commission a indiqué qu’elle « ne conclu[ait] pas qu’il [avait] existé une entente aux Pays-Bas après 1999 »(note en bas de page n° 1209de la décision attaquée). Partant, la Commission a conclu que les requérantes ne pouvaient ignorer la portée générale et les grandes caractéristiques de l’infraction en cause (considérant 869 de la décision attaquée).

16      En second lieu, aux fins de fixer le montant de l’amende infligée à chaque entreprise, la Commission s’est fondée sur les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement nº 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 ») (considérant 1184 de la décision attaquée).

17      Dans un premier temps, la Commission a déterminé le montant de base de l’amende. Pour ce faire, elle a précisé, dans la décision attaquée, que ledit calcul était fondé, pour chaque entreprise, sur ses ventes par État membre, multipliées par le nombre d’années de participation à l’infraction constatée dans chaque État membre et pour le sous-groupe de produits concerné, de sorte qu’il avait été tenu compte de ce que certaines entreprises exerçaient leurs activités uniquement dans certains États membres ou uniquement dans un des trois sous-groupes de produits (considérant 1197 de la décision attaquée).

18      Cette précision apportée, la Commission a fixé à 15 % le coefficient lié à la gravité de l’infraction constatée, au sens des paragraphes 20 à 23 des lignes directrices de 2006. À ce titre, elle a tenu compte de quatre critères d’appréciation de ladite infraction, à savoirla nature, les parts de marché combinées, la portée géographique et la mise en œuvre (aux considérants 1210 à 1220 de la décision attaquée).

19      En outre, elle a fixé le coefficient multiplicateur à appliquer, au titre de la durée de l’infraction, au montant de base déterminé pour les requérantes, sur le fondement des dispositions du paragraphe 24 des lignes directrices de 2006, à 4,33 pour l’Allemagne, 3 pour la Belgique, et 0,66 pour la France (considérant 1223 de la décision attaquée).

20      Enfin, la Commission a, sur le fondement des dispositions du paragraphe 25 des lignes directrices de 2006, afin de dissuader les entreprises en cause de participer à des accords horizontaux de fixation de prix semblables aux accords faisant l’objet de la décision attaquée et au regard des quatre critères d’appréciation visés au point 18 ci-dessus, décidé d’augmenter le montant de base de l’amende en appliquant un montant additionnel de 15 % (considérants 1224 et 1225 de la décision attaquée).

21      Il en est résulté un montant de base s’élevant à 34 340 000 euros pour les requérantes, dont 29 600 000 euros pour l’Allemagne, 2 900 000 euros pour la Belgique et 1 840 000 euros pour la France (considérant 1226 de la décision attaquée).

22      Dans un deuxième temps, la Commission a examiné l’existence de circonstances aggravantes ou atténuantes susceptibles de justifier un ajustement du montant de base. Elle n’a retenu aucune circonstance aggravante ou atténuante à l’égard des requérantes (considérants 1227 à 1260 de la décision attaquée).

23      Dans un troisième temps, la Commission a fait application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires, en vertu de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 (ci-après le « plafond de 10 % »). Le montant total de l’amende infligée aux requérantes, après application de ladite limite, était de 29 266 325 euros (considérants 1261 et 1264 de la décision attaquée).

24      Eu égard à ce qui précède, le dispositif de la décision attaquée est formulé de la façon suivante :

« Article premier

(1) Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et, à partir du 1er janvier 1994, l’article 53 de l’accord EEE en participant, pendant les périodes indiquées, à un accord continu ou à des pratiques concertées dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains sur les territoires de l’Allemagne, de l’Autriche, de l’Italie, de la France, de la Belgique et des Pays-Bas :

[…]

8. Duravit AG, du 7 juillet 2000 au 9 novembre 2004, Duravit BeLux SPRL/BVBA, du 30 octobre 2001 au 9 novembre 2004 et Duravit SA, du 25 février 2004 au 9 novembre 2004.

[…]

Article 2

Pour l’infraction visée à l’article 1er, les amendes suivantes sont infligées:

[…]

9.

a)

EUR 25 226 652

à Duravit AG,

 

b)

EUR 2 471 530

[…] solidairement à Duravit BeLux SPRL/BVBA et Duravit AG

 

c)

EUR 1 568 143

[…] solidairement à Duravit SA et Duravit AG

[…]

Article 3

Les entreprises visées à l’article 1er mettent immédiatement fin à l’infraction visée audit article, si elles ne l’ont pas encore fait.

Elles s’abstiennent dorénavant de tout acte ou comportement tels que ceux décrits à l’article 1er, ainsi que de tout acte ou comportement ayant un objet ou un effet identique ou similaire.

[…] »

25      L’article 4 de la décision attaquée énumère les destinataires de la décision attaquée, dont les requérantes.

 Procédure et conclusions des parties

26      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 septembre 2010, les requérantes ont introduit le présent recours.

27      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 14 octobre 2010, le Conseil de l’Union européenne a demandé à intervenir à l’appui des conclusions de la Commission. Par ordonnance du 17 février 2011, le président de la quatrième chambre du Tribunal a fait droit à cette demande.

28      Le 4 avril 2011, le Conseil a déposé son mémoire en intervention. Le 23 mai 2011, les requérantes ont déposé leurs observations au sujet dudit mémoire.

29      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a posé des questions écrites et demandé des documents aux requérantes et à la Commission.

30      Les requérantes ont répondu à ces questions et demandes, dans le délai imparti, par lettre du 28 février 2013.

31      La Commission a quant à elle répondu partiellement à ces questions et demandes, dans le délai imparti, par lettre du 28 février 2013.

32      Par ordonnance du 5 mars 2013, le Tribunal a, d’une part,ordonné à la Commission, dans le cadre d’une mesure d’instruction prévue à l’article 65 du règlement de procédure, de produire un document que celle-ci n’avait pas communiqué à la suite des mesures d’organisation de la procédure mentionnées au point précédent et, d’autre part, autorisé que ce document fût consulté au greffe du Tribunal.

33      La Commission a déféré à cette mesure d’instruction dans le délai imparti, par une première lettre du 12 mars 2013.

34      Par décision du 13 mars 2013, le Tribunal a, conformément à l’ordonnance du 5 mars 2013, accordé un délai aux avocats des requérantes pour consulter le document déposé par la Commission en annexe à sa première lettre du 12 mars 2013. Le 15 mars 2013, lesdits avocats ont consulté ledit document dans les locaux du greffe.

35      Par une seconde lettre du 12 mars 2013, la Commission a formulé des observations sur la lettre des requérantes du 28 février 2013.

36      Le 15 mars 2013, le Tribunal a, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure, demandé des documents à la Commission.

37      La Commission a répondu à cette demande, dans le délai imparti, par lettre du 15 mars 2013.

38      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 20 mars 2013.

39      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’article 1er, paragraphe 1, et les articles 2 et 3 de la décision attaquée pour autant qu’ils les concernent ;

–        à titre subsidiaire, réduire le montant de l’amende qui leur a été infligée à l’article 2, paragraphe 9, de la décision attaquée ;

–        condamner la Commission à supporter les dépens.

40      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

41      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter l’exception d’illégalité de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 ;

–        statuer de manière appropriée sur les dépens.

 En droit

42      À titre liminaire,en premier lieu, il convient de rappeler que le contrôle juridictionnel exercé par le juge de l’Union, s’agissant des décisions adoptées par la Commission afin de sanctionner les infractions au droit de la concurrence, repose sur le contrôle de légalité, prévu à l’article 263 TFUE, qui est complété, lorsqu’il est saisi d’une demande en ce sens, par une compétence de pleine juridiction, reconnue audit juge en vertu de l’article 31 du règlement n° 1/2003, conformément à l’article 261 TFUE (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, non encore publié au Recueil, points 53, 63 et 64). Cette compétence habilite le juge, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, le cas échéant, à supprimer, à réduire ou à majorer le montant de l’amende ou l’astreinte infligée (voir arrêt de la Cour du 8 décembre 2011, KME e.a./Commission, C‑272/09 P, non encore publié au Recueil, point 103, et la jurisprudence citée ; voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 5 octobre 2011, Romana Tabacchi/Commission, T‑11/06, non encore publié au Recueil, point 265).

43      Il importe cependant de souligner que l’exercice de la compétence de pleine juridiction n’équivaut pas à un contrôle d’office. En effet, la procédure devant les juridictions de l’Union est contradictoire. Partant, à l’exception des moyens d’ordre public que le juge est tenu de soulever d’office, telle l’absence de motivation de la décision attaquée, c’est à la partie requérante qu’il appartient de soulever les moyens à l’encontre de cette dernière et d’apporter des éléments de preuve à l’appui de ces moyens (arrêt Chalkor/Commission, point 42 supra, point 64).

44      Cette exigence de nature procédurale ne va pas à l’encontre de la règle selon laquelle, s’agissant d’infractions aux règles de concurrence, c’est à la Commission qu’il appartient d’apporter la preuve des infractions qu’elle constate et d’établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence des faits constitutifs d’une infraction. Ce qui est en effet demandé à un requérant dans le cadre d’un recours juridictionnel, c’est d’identifier les éléments contestés de la décision attaquée, de formuler des griefs à cet égard et d’apporter des preuves, qui peuvent être constituées d’indices sérieux, tendant à démontrer que ses griefs sont fondés (arrêt Chalkor/Commission, point 42 supra, point 65).

45      L’absence de contrôle d’office de l’ensemble de la décision attaquée ne viole pas le principe de protection juridictionnelle effective. Il n’est pas indispensable au respect de ce principe que le Tribunal, certes tenu de répondre aux moyens soulevés et d’exercer un contrôle tant de droit que de fait, soit tenu de procéder d’office à une nouvelle instruction complète du dossier (arrêt Chalkor/Commission, point 42 supra, point 66).

46      En deuxième lieu, en l’espèce, les requérantes ont, par leurs premier et deuxième chefs de conclusions, saisi le Tribunal de deux demandes tendant, d’une part, à titre principal, à ce que la décision attaquée, pour autant qu’elle les concerne, fût annulée et, d’autre part, à titre subsidiaire, à ce que le montant de l’amende qui leur a été infligée fût réduit. Au regard desdits chefs de conclusions, il incombe au Tribunal de contrôler la légalité de la décision attaquée en ce qu’elle concerne les requérantes et de compléter ce contrôle par l’exercice de sa compétence de pleine juridiction s’agissant de la sanction qui leur a été infligée.

47      En troisième lieu, il convient de relever que, au soutien des deux premiers chefs de conclusions visés au point 39 ci-dessus, dans leur requête, les requérantes demandent, d’une part,« qu’il plaise au Tribunal de procéder à un examen d’ensemble de la décision [attaquée] et des faits qui en sont à l’origine dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, conformément àl’article 261 TFUE et à l’article 31 du règlement n° 1/2003 ».Sur le fondement des dispositions de l’article 68 du règlement de procédure,elles demandent, d’autre part, à ce dernier, au regard notamment du droit de citer et d’interroger des témoins à charge et à décharge prévu à l’article 6, paragraphe 3, sous d), de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), d’auditionnerdes témoins, dans le cadre dedifférentes mesures d’instruction,au soutien deplusieurs moyens soulevés dans le cadre du présent recours.

48      À cet égard, premièrement,le Tribunal considère que la demande visant à ce qu’il procède, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, à un examen d’ensemble de la décision attaquée et des faits qui en sont à l’origine, vise, en substance, à ce qu’il procède à un contrôle d’office, en droit comme en fait, de ladite décision. Or, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 43 à 45 ci-dessus, l’exercice par le juge de l’Union de sa compétence de pleine juridiction n’implique pas qu’il procède à un contrôle d’office de l’ensemble de la décision attaquée. Partant, il y a lieu de rejeter ladite demande comme étant irrecevable.

49      Deuxièmement, s’agissant de la demande tendant à ce que le Tribunal adopte plusieurs mesures d’instruction, aux fins d’auditionner différents témoins, il y a lieu de rappeler que le Tribunal est le seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi en ordonnant, sur le fondement des dispositions de l’article 68 de son règlement de procédure, de telles mesures (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 67, et la jurisprudence citée). Les mesures d’instruction ne sauraient avoir pour objet de suppléer la carence de la partie requérante dans l’administration de la preuve (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 juillet 2009, SELEX Sistemi Integrati/Commission, C‑481/07 P, non publié au Recueil, point 44).

50      Ensuite, ainsi que la Cour l’a jugé dans le cadre d’une affaire concernant le droit de la concurrence, même si une demande d’audition de témoins, formulée dans la requête, indique avec précision les faits sur lesquels il y a lieu d’entendre le ou les témoins et les motifs de nature à justifier leur audition, il appartient au Tribunal d’apprécier la pertinence de la demande par rapport à l’objet du litige et à la nécessité de procéder à l’audition des témoins cités (voir arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 49 supra, point 68, et la jurisprudence citée).

51      L’existence d’un pouvoir d’appréciation à cet égard de la part du Tribunal ne saurait être contestée en invoquant le droit à un procès équitable, tel que reconnu à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (JO 2010, C 83, p. 389), qui s’inspire de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH, et, plus particulièrement,le principe général du droit de l’Union, découlant du paragraphe 3, sous d), de ce même article, selon lequel tout accusé a notamment droit d’obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge, principe qui constitue un aspect particulier du droit à un procès équitable (voir, en ce sens, arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 49 supra, point 69).

52      Il ressort en effet de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme que cette dernière disposition ne reconnaît pas à l’accusé un droit absolu d’obtenir la comparution de témoins devant un tribunal et qu’il incombe en principe au juge national de décider de la nécessité ou de l’opportunité de citer un témoin (voir arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 49 supra, point 70, et la jurisprudence citée).

53      Selon cette jurisprudence, l’article 6, paragraphe 3, de la CEDH n’impose pas la convocation de tout témoin, mais vise une complète égalité des armes assurant que la procédure litigieuse, considérée dans son ensemble, a offert à l’accusé une occasion adéquate et suffisante de contester les soupçons qui pesaient sur lui (voir arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 49 supra, point 71, et la jurisprudence citée).

54      Partant, afin de répondre aux différentes demandes d’audition de témoins formulées par les requérantes au soutien de plusieurs des moyens soulevés dans le présent recours, le Tribunal appréciera, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 49 à 53 ci-dessus, la nécessité ou l’opportunité d’ordonner de telles auditions.

55      En quatrième lieu, il convient de préciser que le Tribunal ne saurait, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 43 à 45 ci-dessus, contrôler d’office la légalité des conclusions tirées par la Commission dans la décision attaquée quant à l’objet anticoncurrentiel d’un agissement précis et quant à la participation des requérantes à cet agissement, si elles ne remettent pas en cause lesdites conclusions de manière concrète et circonstanciée. Dans un tel cas, le Tribunal considèrera donc que lebien-fondéde ces conclusions concernant cet agissement n’est pas remis en cause, de sorte qu’elles peuvent être opposées aux requérantes dans le cadre de l’examen de leur recours dans la présente affaire.

56      En cinquième lieu, à l’appui de leur recours, les requérantes soulèvent neuf moyens. Les six premiers moyens visent à obtenir l’annulation de la décision attaquée et sont pris respectivement, le premier, d’une violation des exigences en matière de preuve d’une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, le deuxième, d’une part, d’une violation des droits de la défense des requérantes et, d’autre part, d’une erreur d’appréciation quant à la prétendue participation des requérantes à une entente multiproduits dans le secteur des installations sanitaires pour les salles de bains, le troisième, d’une erreur d’appréciation quant à la prétendue participation des requérantes à une infraction aux règles de la concurrence dans le secteur des articles de céramique en Allemagne, le quatrième, d’une erreur d’appréciation quant à la prétendue participation des requérantes à une concertation sur les prix en France et en Belgique, le cinquième, d’une erreur d’appréciation quant à la qualification des pratiques en cause d’infraction unique et continue et, le sixième, de la violation du droit d’être entenduen raison de la durée de la procédure administrative entre l’audition des requérantes et l’adoption de la décision attaquée.

57      Le septième moyen est pris de l’illégalité des dispositions de l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1/2003 et des lignes directrices de 2006. Il y a lieu de considérer que, au titre du septième moyen, les requérantes soulèvent, en substance, deux exceptions d’illégalité.

58      Leshuitième et neuvième moyens visent quant à eux à obtenir une réduction du montant de l’amende. S’agissant du huitième moyen, les requérantes reprochent à la Commission, en substance, l’absence de prise en compte pour déterminer le montant de base de l’amende, de la gravité moindre de leur participation, par rapport à celle des autres participants, à l’infraction constatée. S’agissant du neuvième moyen, les requérantes reprochent à la Commission, en substance, le caractère disproportionné du montant final de l’amende qui leur a été infligée, à la suite de l’application du plafond de 10 %.

59      Au regard des considérations qui précèdent, le Tribunal examinera, dans un premier temps, les deux exceptions d’illégalité soulevées au titre du septième moyen, dans un deuxième temps, dans le cadre du contrôle de la légalité, au regard des six premiers moyens soulevés par les requérantes, leurs conclusions, présentées à titre principal,tendant à l’annulation partielle de la décision attaquée et, dans un troisième temps, au regard notamment des huitième et neuvième moyens soulevés par les requérantes, leurs conclusions, présentées à titre subsidiaire, tendant, en substance, à ce que le Tribunal réduise le montant de l’amende que la Commission leur a infligée.

I –  Sur les exceptions d’illégalité(septième moyen)

60      Ainsi que le Tribunal l’a relevé au point 57 ci-dessus, au titre du septième moyen, les requérantes soulèvent deux exceptions d’illégalité. Premièrement, les requérantes font valoir, en substance, que l’article 23, paragraphes 2et 3, du règlement n° 1/2003, en ce qu’il pose les conditions de fixation des amendes par la Commission, viole le principe d’essentialité qui résulte des dispositions de l’article 290, paragraphe 1, TFUE et qui se distingue du principe de légalité des délits et des peines. Dès lors, deuxièmement, les lignes directrices de 2006 qui se fonderaient sur les dispositions dudit article seraient entachées d’illégalité et inapplicables en l’espèce.

61      La Commission, soutenue par le Conseil, s’oppose aux arguments exposés par les requérantes.

62      Le Tribunal examinera successivement l’exception d’illégalité quant aux dispositions de l’article 23, paragraphes 2et 3, du règlement n° 1/2003 (ci-après la « première exception ») et celle quant aux lignes directrices de 2006 (ci-après la « seconde exception »).

A –  Sur l’exception tirée de l’illégalité de l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1/2003

63      À titre principal, il convient de rappeler que l’article 290, paragraphe 1, TFUE dispose ce qui suit :

« Un acte législatif peut déléguer à la Commission le pouvoir d’adopter des actes non législatifs de portée générale qui complètent ou modifient certains éléments non essentiels de l’acte législatif.

Les actes législatifs délimitent explicitement les objectifs, le contenu, la portée et la durée de la délégation de pouvoir. Les éléments essentiels d’un domaine sont réservés à l’acte législatif et ne peuvent donc pas faire l’objet d’une délégation de pouvoir. »

64      Au regard des dispositions précitées, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, l’article 290 TFUE a pour objet d’encadrer la délégation par le législateur de l’Union à la Commission du pouvoir d’adopter des actes non législatifs de portée générale, et que l’article 23du règlement n° 1/2003 n’est pas une disposition habilitant la Commission à adopter des « actes non législatifs de portée générale » au sens de l’article 290 TFUE (voir ordonnance de la Cour du 13 septembre 2012, Total et Elf Aquitaine/Commission, C‑495/11 P, non encore publiée au Recueil, point 84).

65      Partant, les requérantes ne sauraient se prévaloir des dispositions de l’article 290, paragraphe 1, TFUE pour contester la légalité des dispositions de l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1/2003.

66      À titre surabondant, s’agissant des dispositions de l’article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003, il convient de rappeler que le Tribunal a déjà jugé que ces dispositions, ainsi que le paragraphe 2, du même article, qui doivent être lus de manière conjointe, dès lors qu’ils limitent le pouvoir d’appréciation de la Commission, satisfont aux exigences découlant des principes de légalité des peines et de sécurité juridique (arrêt du Tribunal du 19 mai 2010, Wieland-Werke e.a./Commission, T‑11/05, non publié au Recueil, point 63 à 72).

67      À cet égard, selon la jurisprudence constante, pour satisfaire aux exigences des principes de légalité des peines et de sécurité juridique, il n’est pas exigé que les termes des dispositions en vertu desquelles sont infligées ces sanctions soient à ce point précis que les conséquences pouvant découler d’une infraction à ces dispositions soient prévisibles avec une certitude absolue.

68      D’une part, l’existence de termes vagues dans la disposition n’entraîne pas nécessairement une violation de ces deux principes et le fait qu’une loi confère un pouvoir d’appréciation ne se heurte pas en soi à l’exigence de prévisibilité, à condition que l’étendue et les modalités d’exercice d’un tel pouvoir se trouvent définies avec une netteté suffisante (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 5 avril 2006, Degussa/Commission, T‑279/02, Rec. p. II‑897,point 71, et Wieland-Werke e.a./Commission, point 66 supra, points 62 et 63).

69      D’autre part, la Cour a dit pour droit que la clarté de la loi s’appréciait au regard non seulement du libellé de la disposition pertinente, mais également des précisions apportées par une jurisprudence constante et publiée (arrêt de la Cour du 22 mai 2008, Evonik Degussa/Commission, C‑266/06 P, non publié au Recueil, point 40).

70      Au regard tant des considérations principales que des considérations surabondantes qui précèdent,il convient de rejeter la première exception comme étant non fondée.

B –  Sur l’exception tirée de l’illégalité des lignes directrices de 2006

71      En premier lieu, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, par essence, l’adoption par la Commission de lignes directrices contribue à assurer le respect du principe de légalité des peines. À ce titre, il convient de relever que les lignes directrices déterminent, de manière générale et abstraite, la méthodologie que la Commission s’est imposée aux fins de la fixation du montant des amendes et assurent, par conséquent, la sécurité juridique des entreprises (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 49 supra, points 211 et 213).

72      Cette jurisprudence est applicable en l’espèce. En effet, premièrement, il découle du paragraphe 2 des lignes directrices de 2006 que ces dernières s’inscrivent dans le cadre légal imposé par l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1/2003. Or, il a été établi, aux points 66 à 70ci-dessus, que cet article satisfaisait aux exigences découlant des principes de légalité des peines et de sécurité juridique.Deuxièmement, la Cour a déjà jugé que les critères dégagés par la jurisprudence s’agissant de la méthode de calcul des montants des amendes en droit de la concurrence de l’Union avaient, notamment, été empruntés par la Commission pour la rédaction des lignes directrices et permis à celle-ci de développer une pratique décisionnelle connue et accessible (voir, en ce sens, arrêt Evonik Degussa/Commission, point 69 supra, point 61).

73      En second lieu, il convient de souligner que, en adoptant les lignes directrices de 2006, la Commission n’a pas dépassé les limites de la marge d’appréciation qui lui est attribuée par l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1/2003 (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 49 supra, point 250).

74      En effet, il est prévu, à l’article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003, que la Commission, pour déterminer le montant des amendes, prenne en considération la gravité et la durée de l’infraction. Or, les lignes directrices de 2006 disposent, en leur paragraphe 19, que le montant de base de l’amende sera lié à une proportion de la valeur des ventes, déterminée en fonction du degré de gravité de l’infraction, multipliée par le nombre d’années d’infraction.

75      Plus précisément, s’agissant de la prise en compte de la gravité de l’infraction, selon les paragraphes 21 à 23 des lignes directrices de 2006, la proportion de la valeur des ventes prise en compte (ci-après le ‘coefficient “gravité de l’infraction’ ») est fixée à un niveau pouvant aller jusqu’à 30 %, en tenant compte d’un certain nombre de facteurs, tels que la nature de l’infraction, la part de marché cumulée de toutes les parties concernées, l’étendue géographique de l’infraction et la mise en œuvre ou non de l’infraction, étant entendu que les accords de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production comptent, par leur nature même, parmi les restrictions de concurrence les plus graves. En vertu du paragraphe 25 des lignes directrices de 2006, il est précisé que, dans un but dissuasif, la Commission inclura dans le montant de base une proportion, permettant de calculer un montant additionnel (ci-après le « coefficient ‘montant additionnel’ »), comprise entre 15 et 25 % de la valeur des ventes, en tenant compte des facteurs précités.

76      S’agissant de la prise en compte de la durée de l’infraction, le paragraphe 24 des lignes directrices de 2006 prévoit, aux fins de la multiplication du montant de base par le nombre d’années de participation à l’infraction, que les périodes de moins d’un semestre soient comptées comme une demi-année et que celles de plus de six mois soient comptées comme une année complète.

77      En vertu des paragraphes 27 à 31 des lignes directrices de 2006, le montant de base peut ensuite être ajusté afin de tenir compte de circonstances aggravantes et atténuantes et afin d’assurer un caractère suffisamment dissuasif au montant de l’amende. Aux termes du paragraphe 34 desdites lignes directrices, il peut également être diminué pour tenir compte de la communication de 2002 sur la coopération.

78      Il est encore précisé, au paragraphe 32 des lignes directrices de 2006, que, conformément à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, pour chaque entreprise ou association d’entreprises participant à l’infraction, le montant final de l’amende n’excède en tout état de cause pas 10 % du chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent.

79      Enfin, d’une part, la Commission prévoit, à titre exceptionnel, au paragraphe 35 des lignes directrices de 2006, qu’elle peut tenir compte, aux fins de la fixation du montant de l’amende, de l’absence de capacité contributive d’une entreprise. Contrairement à ce que prétendent les requérantes, cette disposition ne laisse pas une marge d’appréciation illimitée à la Commission, dès lors que les conditions d’octroi d’une réduction du montant de l’amende pour absence de capacité contributive y sont très précisément décrites. Ainsi, il est précisé, audit paragraphe, qu’aucune réduction du montant d’amende n’est accordée sur la seule constatation d’une situation financière défavorable ou déficitaire et qu’une réduction ne peut être accordée que sur le fondement de preuves objectives que l’imposition d’une amende mettrait irrémédiablement en danger la viabilité économique de l’entreprise concernée et conduirait à priver ses actifs de toute valeur.

80      D’autre part, au paragraphe 37 des lignes directrices de 2006, la Commission fait état de ce que les particularités d’une affaire ou la nécessité d’atteindre un niveau dissuasif dans une affaire particulière peuvent justifier qu’elle s’écarte de la méthodologie décrite dans les lignes directrices de 2006. Dès lors que les dispositions dudit point ne l’autorisent pas à s’écarter des principes posés par l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1/2003, il y a lieu de considérer que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, elles ne confèrent pas un pouvoir d’appréciation presque illimité à la Commission et que, partant, ledit paragraphe ne déroge pas au principe de légalité des peines.

81      Il s’ensuit que l’adoption par la Commission des lignes directrices de 2006, dans la mesure où elle s’est inscrite dans le cadre légal imposé par l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1/2003, a contribué à préciser les limites de l’exercice du pouvoir d’appréciation de la Commission résultant de cette disposition (arrêt Degussa/Commission, point 68supra, point 82) et n’a pas enfreint le principe de légalité des peines, mais a contribué à son respect.

82      Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter la seconde exception comme étant non fondée.

83      Par conséquent, les deux exceptions d’illégalité soulevéesau titredu septième moyen devant être rejetées comme étant non fondées, il convient de rejeter ledit moyen pour les mêmes raisons.

II –  Sur les conclusions, présentées à titre principal, tendant à l’annulation partielle de la décision attaquée

84      Ainsi que le Tribunal l’a relevé au point 56ci-dessus, les six premiers moyens soulevés par les requérantes au soutien des conclusions, présentées à titre principal, tendent à l’annulation partielle de la décision attaquée.

85      À titre liminaire, tout d’abord,il y a lieu de relever que, dans le cadre du premier moyen, les requérantes soutiennent que la Commission aurait violé les règles de preuve applicables dans les procédures d’infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE.Ensuite, il y a lieu de constater que les deuxième, troisièmeet quatrième moyens tendent, en substance, à démontrer que, au regard desdites règles, d’une part, la Commission aurait violé les droits de la défense des requérantes et, d’autre part, la décision attaquée serait, en ce que la Commission a conclu à leur participation à l’infraction constatée, entachée d’illégalité. De même, s’agissant du cinquième moyen, il tend à démontrer que, au regard de ces mêmes règles de preuve, la décision attaquée serait entachée d’illégalité, en ce que la Commission a qualifié l’ensemble des pratiques en caused’infraction unique et continue.

86      Par conséquent,à titre principal, le Tribunal examinera, dans un premier temps, le cinquième moyen, à la lumière du premier moyen, dans un deuxième temps, les deuxième, troisièmeetquatrième moyens, à la lumière du premier moyen, et, dans un troisième temps, le sixième moyen.

A –  Sur le cinquième moyen, examiné à la lumière du premiermoyen, tiré d’une erreur d’appréciation, au regard des règles de preuve, quant à la qualification de l’ensemble des pratiques en cause d’infraction unique et continue

87      S’agissant du cinquième moyen, qu’il convient d’examiner à la lumière du premier moyen, les requérantes soulèvent, en substance, une erreur d’appréciation commise par la Commission, au regard des règles de preuve applicables dans le cadre des procédures d’infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, quant à la qualification de l’ensemble des pratiques en cause d’infraction unique et continue couvrant le territoire de six États membres et portant sur les trois sous-groupes de produits. À l’appui de cette argumentation, elles demandent au Tribunal d’auditionner deux témoins.

88      La Commission conteste les arguments exposés par les requérantes.

89      À cet égard, dans un premier temps, le Tribunal rappellera la jurisprudence relative, d’une part, à la notion d’infraction unique et continue et, d’autre part, aux règles de preuve applicables dans le cadre des procédures d’infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Dans un second temps, le Tribunal examinera les arguments qui sous-tendent les premier et cinquième moyens

1.     Rappel de jurisprudence

a)     S’agissant de la notion d’infraction unique et continue

90      Selon la jurisprudence constante, une violation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE peut résulter non seulement d’un acte isolé, mais également d’une série d’actes ou bien encore d’un comportement continu, quand bien même un ou plusieurs éléments de cette série d’actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer en eux-mêmes et pris isolément une violation de ladite disposition (voir arrêt de la Cour du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, non encore publié au Recueil, point 41, et la jurisprudence citée).

91      À ce titre, il appartient à la Commission d’établir que les accords ou les pratiques concertées en cause, tout en portant sur des biens, des services ou des territoires distincts, s’inscrivent dans un plan d’ensemble mis en œuvre sciemment par les entreprises concernées en vue de la réalisation d’un objectif anticoncurrentiel unique (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, points 258 et 260, et arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, Lafarge/Commission, T‑54/03, non publié au Recueil, point 482).

92      Des liens de complémentarité entre des accords ou des pratiques concertées constituent des indices objectifs de l’existence d’un plan d’ensemble. De tels liens existent lorsque lesdits accords ou lesdites pratiques visent à faire face à une ou à plusieurs conséquences du jeu normal de la concurrence et contribuent, par leur interaction, à la réalisation d’un objectif unique anticoncurrentiel. La Commission est tenue d’examiner, à cet égard, tous les éléments factuels susceptibles d’établir ou de remettre en cause ledit plan d’ensemble (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal Lafarge/Commission, point 91supra, point 482, et du 28 avril 2010, Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, T‑446/05, Rec. p. II‑1255, point 92, et la jurisprudence citée).

b)     S’agissant desrègles de preuve applicables dans le cadre des procédures d’infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE

93      En premier lieu,il convient de rappeler que, dans le domaine du droit de la concurrence, en cas de litige sur l’existence d’une infraction, il appartient à la Commission de rapporter la preuve des infractions qu’elle constate et d’établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence des faits constitutifs d’une infraction (arrêts de la Cour du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, Rec. p. I-8417, point 58, et du 6 janvier 2004, BAI et Commission/Bayer, C‑2/01 P et C‑3/01 P, Rec. p. I‑23, point 62).

94      En outre, s’il subsiste un doute dans l’esprit du juge, il doit profiter à l’entreprise destinataire de la décision constatant une infraction (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 février 1978, United Brands et United Brands Continentaal/Commission, 27/76, Rec. p. 207, point 265). En effet, la présomption d’innocence constitue un principe général du droit de l’Union, qui est aujourd’hui énoncé à l’article 48, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux.

95      Or, il résulte de la jurisprudence de la Cour que le principe de la présomption d’innocence s’applique aux procédures relatives à des violations des règles de concurrence concernant les entreprises susceptibles d’aboutir à la prononciation d’amendes ou d’astreintes (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 8 juillet 1999, Hüls/Commission, C‑199/92 P, Rec. p. I‑4287, points 149 et 150, et Montecatini/Commission, C‑235/92 P, Rec. p. I‑4539, points 175 et 176).

96      Certes, si la Commission constate une infraction aux règles de la concurrence en se fondant sur la supposition que les faits établis ne peuvent pas être expliqués autrement qu’en fonction de l’existence d’un comportement anticoncurrentiel, le juge de l’Union sera amené à annuler la décision en question lorsque les entreprises concernées avancent une argumentation qui donne un éclairage différent aux faits établis par la Commission et qui permet ainsi de substituer une autre explication plausible des faits à celle retenue par la Commission pour conclure à l’existence d’une infraction. En effet, dans un tel cas, il ne saurait être considéré que la Commission a apporté la preuve de l’existence d’une infraction au droit de la concurrence (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 28 mars 1984, Compagnie royale asturienne des mines et Rheinzink/Commission, 29/83 et 30/83, Rec. p. 1679, point 16, et du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, C-89/85, C‑104/85, C-114/85, C‑116/85, C‑117/85 et C‑125/85 à C‑129/85, Rec. p. I-1307, points 126 et 127).

97      Toutefois, la Cour a également jugé que, dès lors que la Commission a pu établir qu’une entreprise a participé à des réunions entre entreprises à caractère manifestement anticoncurrentiel, le Tribunal avait pu estimer à juste titre qu’il incombait à cette dernière de fournir une autre explication du contenu de ces réunions. Ce faisant, le Tribunal n’avait pas opéré un renversement indu de la charge de la preuve, ni violé la présomption d’innocence (arrêt Montecatini/Commission, point 95 supra, point 181).

98      De même, lorsque la Commission se fonde sur des éléments de preuve qui sont, en principe, suffisants pour démontrer l’existence de l’infraction, il ne suffit pas à l’entreprise concernée d’évoquer la possibilité qu’une circonstance s’est produite qui pourrait affecter la valeur probante de ces éléments de preuve pour que la Commission supporte la charge de prouver que cette circonstance n’a pas pu affecter la valeur probante de ceux-ci. Au contraire, sauf dans les cas où une telle preuve ne pourrait pas être fournie par l’entreprise concernée en raison du comportement de la Commission elle-même, il appartient à l’entreprise concernée d’établir à suffisance de droit, d’une part, l’existence de la circonstance qu’elle invoque et, d’autre part, que cette circonstance met en cause la valeur probante des éléments de preuve sur lesquels se fonde la Commission.

99      En deuxième lieu,il convient de rappeler que le rôle du juge saisi d’un recours en annulation dirigé contre une décision de la Commission constatant l’existence d’une infraction aux règles de concurrence et infligeant des amendes aux destinataires consiste à apprécier si les preuves et autres éléments invoqués par la Commission dans sa décision sont suffisants pour établir l’existence de l’infraction reprochée (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, dit « PVC II », T‑305/94 à T‑307/94, T‑313/94 à T‑316/94, T‑318/94, T‑325/94, T‑328/94, T‑329/94 et T‑335/94, Rec. p. II‑931, point 891).

100    Ainsi, il est nécessaire que la Commission fasse état de preuves précises et concordantes pour fonder la ferme conviction que l’infraction a été commise (voir, en ce sens, arrêt Compagnie royale asturienne des mines et Rheinzink/Commission, point 96 supra, point 20, et arrêt du Tribunal du 6 juillet 2000, Volkswagen/Commission, T‑62/98, Rec. p. II‑2707, points 43 et 72).

101    Toutefois, il importe de souligner que chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement répondre à ces critères par rapport à chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence (voir, en ce sens, arrêt PVC II, point 99 supra, points 768 à 778, en particulier le point 777, confirmé sur cette question précise par la Cour, sur pourvoi, dans son arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec. p. I-8375, points 513 à 523).

102    En outre, compte tenu du caractère notoire de l’interdiction des accords anticoncurrentiels, il ne saurait être exigé de la Commission qu’elle produise des pièces attestant de manière explicite une prise de contact entre les opérateurs concernés. Les éléments fragmentaires et épars dont pourrait disposer la Commission devraient, en toute hypothèse, pouvoir être complétés par des déductions permettant la reconstitution des circonstances pertinentes. L’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel peut donc être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de concurrence (arrêtAalborg Portland e.a./Commission, point 91 supra, et arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Dresdner Bank e.a./Commission, T‑44/02 OP, T‑54/02 OP, T‑56/02 OP, T‑60/02 OP et T‑61/02 OP, Rec. p. II‑3567, points 64 et 65).

103    En troisième lieu, en ce qui concerne les moyens de preuve qui peuvent être invoqués pour établir l’infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE, le principe qui prévaut en droit de l’Union est celui de la libre administration des preuves (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Dalmine/Commission, T‑50/00, Rec. p. II‑2395, point 72).

104    Par conséquent, l’éventuelle absence de preuves documentaires est uniquement pertinente dans le cadre de l’appréciation globale de la valeur probante du faisceau de preuves présenté par la Commission. En revanche, à elle seule, elle n’a pas pour conséquence que l’entreprise concernée puisse valablement mettre en cause les allégations de la Commission en présentant une explication autre des faits de l’espèce. Tel est seulement le cas lorsque les preuves présentées par la Commission ne permettent pas d’établir l’existence de l’infraction sans équivoque et sans qu’une interprétation soit nécessaire (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Coats Holdings et Coats/Commission, T‑36/05, non publié au Recueil, point 74).

105    Par ailleurs, aucune disposition, ni aucun principe général du droit de l’Union, n’interdit à la Commission de se prévaloir, à l’encontre d’une entreprise, des déclarations d’autres entreprises incriminées. Si tel n’était pas le cas, la charge de la preuve de comportements contraires à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE, qui incombe à la Commission, serait insoutenable et incompatible avec sa mission de surveillance de la bonne application de ces dispositions (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, Rec. p. II‑2501, point 192).

106    Toutefois, la déclaration d’une entreprise inculpée pour avoir participé à une entente, dont l’exactitude est contestée par plusieurs autres entreprises inculpées, ne peut être considérée comme constituant une preuve suffisante de l’existence d’une infraction commise par ces dernières sans être étayée par d’autres éléments de preuve, étant entendu que le degré de corroboration requis peut être moindre, du fait de la fiabilité des déclarations en cause (arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 105 supra, points 219 et 220).

107    Quant à la valeur probante des différents éléments de preuve, le seul critère pertinent pour apprécier les preuves produites réside dans leur crédibilité (arrêt Dalmine/Commission, point 103 supra, point 72).

108    Selon les règles générales en matière de preuve, la crédibilité et, partant, la valeur probante, d’un document dépend de son origine, des circonstances de son élaboration, de son destinataire et du caractère sensé et fiable de son contenu (arrêt du Tribunal du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, Rec. p. II‑491, points 1053 et 1838).

2.     S’agissant du grief pris d’erreurs d’appréciation commises par la Commission quant à la qualification des pratiques en cause d’infraction unique et continue

109    Les requérantes font grief à la Commission d’avoir commis des erreurs d’appréciation s’agissant des critères objectifs et subjectifs sur lesquels elle s’est fondée pour qualifier les pratiques en cause d’infraction unique et continue.

110    La Commission conteste les arguments exposés par les requérantes.

111    D’emblée, il y a lieu d’observer que, en réponse à une question posée lors de l’audience, les requérantes ont formellement indiqué qu’elles ne contestaient pas, dans le présent recours, la qualification par la Commission des pratiques en cause d’infraction unique et continue, mais uniquement sa conclusion quant à leur participation à celle-ci. Toutefois, d’une part, force est de constater que les requérantes n’ont pas pour autant retiré le cinquième moyen soulevé dans la requête. Or, ce dernier a pour objet de contester ladite qualification. D’autre part, il convient de relever que certains des arguments exposés par les requérantes au soutien des quatre premiers moyens nécessitent que le Tribunal procède à un contrôle de cette qualification des pratiques en cause. Partant, il y a lieu d’examiner ce cinquième moyen.

112    À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi que rapporté au point 14 ci-dessus, la Commission a considéré que les pratiques décrites au point 2 ci-dessus, concernant les trois sous-groupes de produits, faisaient partie d’un plan global visant à restreindre la concurrence entre les destinataires de ladite décision et présentaient les caractéristiques d’une infraction unique et continue.

113    Ainsi que cela ressort de la jurisprudence citée au point 92 ci-dessus, c’est au regard de l’ensemble des éléments factuels de chaque espèce qu’il convient de rechercher si les conditions d’existence d’une infraction unique et continue sont remplies. Il importe donc, tout d’abord, d’exposer l’analyse opérée par la Commission dans la décision attaquée, l’ayant conduit à conclure à l’existence d’une infraction unique et continue à laquelle les requérantes avaient participé, avant d’examiner si les requérantes ont rapporté la preuve que la Commission avait commis une erreur d’appréciation à cet égard.

114    Dans un premier temps, il y a lieu de relever que l’analyse ayant conduit la Commission à conclure, d’une part, à l’existence d’une infraction unique dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains et, d’autre part, à la participation des requérantes à celle-ci, se divise, dans la décision attaquée, en deux parties.

115    En premier lieu, la Commission indique, aux considérants 792 et 793 de la décision attaquée, que les pratiques illicites mises en œuvre par les entreprises en cause établissent l’existence d’une infraction unique.

116    S’agissant des contours de l’infraction unique retenue en l’espèce, la Commission opère, aux considérants 793 à 795 de la décision attaquée, les quatre constatations suivantes. Premièrement, ladite infraction aurait concerné les trois sous-groupes de produits sur le territoire de six États membres au moins, à savoir la Belgique, l’Allemagne, la France, l’Italie, les Pays-Bas et l’Autriche. Deuxièmement, cette infraction aurait duré du 16 octobre 1992, au moins, jusqu’au 9 novembre 2004. Troisièmement, l’infraction constatée aurait consisté en une série d’agissements anticoncurrentiels « qui étaient révélateurs d’une certaine ligne de conduite ayant pour objet commun de restreindre la concurrence sur les prix au sein du secteur des installations sanitaires pour salles de bains ». Quatrièmement, le groupe central d’entreprises, composé des requérantes et de Grohe, Ide al Standard, Hansa, Sanitec Europe Oy (ci-après « Sanitec »), Duscholux GmbH & Co, Duravit AG et Villeroy & Boch AG, aurait participé de manière directe, décisive et continue à l’infraction constatée.

117    S’agissant des éléments spécifiques l’ayant conduit à conclure à l’existence d’une infraction unique en l’espèce, la Commission retient, au considérant 796 de la décision attaquée, dix facteurs qui sont exposés aux points118à128 ci-après.

118    Premièrement, s’agissant des entreprises auteurs de l’infraction unique, le groupe central d’entreprises aurait participé aux arrangements collusoires dans tout ou partie des six États membres en cause et aurait fait partie d’un organisme de coordination au moins couvrant les trois sous-groupes de produits. Les requérantes, Grohe, Duscholux, Villeroy & Boch, Sanitec et Hansa, auraient notamment participé aux réunions d’au moins un des organismes de coordination suivants : l’IFSen Allemagne, l’Arbeitskreis Sanitär Industrie (ci-après l’« ASI ») en Autriche et Sanitair Fabrikanten Platform aux Pays-Bas (considérant 796, premier tiret, et considérant 797 de la décision attaquée et note en bas de page n° 1075 de ladite décision).

119    Deuxièmement, s’agissant de la coordination des entreprises entre elles, huit associations au total auraient compris des fabricants de deux des trois sous-groupes de produits au moins. Tout d’abord, trois organismes de coordination auraient existé. Ensuite, il aurait existé des associations multiproduits en Italie, à savoir Euroitalia et Michelangelo, et en Belgique, telles que l’Amicale du sanitaire ainsi que le groupe Home Comfort Team. Ce dernier aurait tenté d’étendre ses activités aux trois sous-groupes de produits, étant précisé qu’elles portaient alors sur deux d’entre eux. Enfin, il aurait été fréquent que des discussions touchant à plusieurs des trois sous-groupes de produits se fussent déroulées dans le cadre d’associations spécialisées, comme lors dedeux réunions des associations d’articles en céramique allemandes,leFSKIet l’Arbeitsgemeinschaft Sanitärarmaturenindustrie, qui se seraient tenues en 2002 et en 2003, durant lesquelles les participants auraient également discuté de hausses de prix des articles de robinetterie. Par ailleurs, des contacts bilatéraux entre entreprises confirmeraient l’existence de liens étroits entre les trois sous-groupes de produits. Par exemple, un dirigeant de Hansgrohe aurait admis avoir toujours essayé d’obtenir des informations sur les prix de la part de ses concurrents, mais aussi des informations sur l’industrie toute entière, afin de pouvoir prendre ses décisions « de manière plus sûre ». À la lumière de ces réunions et contacts, la Commission considère que les fabricants concernés jugeaient nécessaire, afin d’assurer l’efficacité du mécanisme mis en place ou de constater son inefficacité, dans leur intérêt commercial, de coordonner leurs hausses de prix respectives dans un cadre commun (considérant 796 et considérants 798 à 802 et 813 de la décision attaquée et note en bas de page n° 1102 de ladite décision).

120    Troisièmement, s’agissant de la structure et des modalités de distribution des trois sous-groupes de produits, le fonctionnement de l’industrie et, en particulier, le rôle joué par les grossistes du système de distribution à trois niveaux attesteraient de l’existence de liens objectifs entre eux. En effet, les grossistes, qui vendent l’ensemble des trois sous-groupes de produits, constitueraient la clientèle commune aux fabricants desdits sous-groupes. Par conséquent, ces fabricants auraient été fortement incités à coordonner leur comportement global et leurs politiques tarifaires à l’égard des grossistes. Les participants aux pratiques collusoires en cause auraient été conscients de participer à des cycles annuels de coordination de prix visant les mêmes clients et suivant généralement un schéma récurrent, afin de pouvoir « répondre plus efficacement dans leurs négociations avec les grossistes » qui se tenaient chaque année. La coordination se serait faite au niveau national, dans la mesure où les grossistes avec lesquels tous les fabricants devaient négocier étaient, la plupart du temps, établis au niveau national (considérant 796, troisième tiret, et considérants 803 à 805 de la décision attaquée).

121    Quatrièmement, s’agissant des mécanismes régissant les pratiques de coordination des hausses de prix, la Commission est parvenue à la conclusion que ces dernières ont été généralement organisées de la même manière et en même temps dans tous les États membres pour les trois sous-groupes de produits. Les fabricants de ces derniers auraient adopté, dans tous les États membres, une pratique commune consistant à échanger systématiquement avec leurs concurrents leurs prévisions de hausses de prix, en pourcentage, pour le cycle de prix à venir, habituellement avant de communiquer ces prix à leurs clients et avant leur entrée en vigueur. Ces pratiques auraient généralement eu lieu dans le cadre de réunions d’associations régulières organisées pendant toute la durée de l’entente et pendant lesquelles les participants communiquaient leurs hausses de prix (considérants 806 à 809 de la décision attaquée).

122    Cinquièmement, s’agissant des pratiques anticoncurrentielles complémentaires à celles consistant en la coordination des hausses de prix, elles auraient consisté en la conclusion soit d’accords en relation avec des événements particuliers, soit en l’échange d’informations commerciales à caractère sensible en même temps et de manière similaire dans le cadre de plusieurs associations situées dans différents États membres. Ces pratiques confirmeraient l’intensité et la stabilité de l’entente. Par exemple, en 2004, les participants se seraient entendus en Belgique, en Allemagne, en France, en Italie et en Autriche pour hausser leurs prix à la suite d’une augmentation du prix des matières premières. En 2002, pour tenir compte de l’introduction de l’euro, les fabricants se seraient entendus sur le calendrier d’introduction des nouveaux barèmes de prix. L’échange d’informations sensibles aurait consisté essentiellement en un échange de données récentes sur les ventes, généralement sous la forme de hausses ou de baisses en pourcentage par rapport à une périodede référence antérieure, et, souvent, de prévisions de vente pour les mois à venir. Ces comportements auraient concerné les mêmes membres que les pratiques de fixation de prix et auraient été organisés dans le cadre des mêmes associations (considérants 810 à 813 de la décision attaquée).

123    Sixièmement, s’agissant des liens transfrontaliers, la Commission relève, tout d’abord, que les discussions sur les prix organisées dans un État membre ont, parfois, déclenché également des discussions sur les hausses de prix dans d’autres États membres. Par exemple, l’accord de hausses de prix relatif aux enceintes de douche conclu par l’association spécialisée allemande l’Arbeitskreis Duschabtrennungenaurait déclenché une coordination des prix au sein del’ASIen 2000. Ensuite, les conditions de marché dans les différents États membres auraient été interconnectées. Par exemple, en Autriche, des tentatives d’alignement de prix avec ceux de l’Allemagne auraient été effectuées en 2001. Enfin, les filiales des grandes entreprises ayant participé à l’entente et situées en Allemagne auraient communiqué non seulement les prix concernant l’État membre dont relevait l’association nationale organisant la réunion, mais aussi ceux concernant les autres États membres (considérants 818 à 823 de la décision attaquée).

124    Par ailleurs, l’existence de liens transfrontaliers ainsi que d’une tarification centrale au sein des entreprises actives dans plusieurs États membres s’expliquerait notamment en raison de l’importance des flux commerciaux entre les États membres, comme c’est le cas dans le domaine des articles de robinetterie. Ces importants flux commerciaux confirmeraient que la mise en œuvre des arrangementsanticoncurrentiels aurait permis de créer des synergies entre les entreprises en cause (considérants 824 à 833 de la décision attaquée).

125    Septièmement, s’agissant de la tarification centrale au sein des entreprises, la majorité des multinationales impliquées dans l’infraction constatée aurait appliqué des politiques tarifaires centralisées et contrôlées par le siège de chaque groupe. En particulier, les sièges de ces entreprises multinationales auraient été chargés de fixer les prix de départ, en prévoyant également des fourchettes de prix permettant aux filiales nationales d’adapter leurs prix en tenant compte des informations dont elles disposaient sur leurs concurrents au niveau national. Par exemple, au sein de Hansgrohe, le bureau stratégique de tarification situé en Allemagne aurait été chargé de fixer les prix en tenant compte des connaissances du marché et des informations recueillies auprès de ses filiales au sein de l’Union. Les petits fabricants indépendants qui participaient à ces réunions d’associations auraient été influencés par les échanges sur les prix qui s’y déroulaient (considérants 834 à 844 de la décision attaquée).

126    Huitièmement, s’agissant des liens objectifs existant entre les trois sous-groupes de produits, il s’agirait, pour chaque sous-groupe, de produits d’installations sanitaires pour salles de bains que Hansgrohe définit comme appartenant aux produits« visibles » dans une salle de bains. Les liens objectifs entre ces trois sous-groupes de produits seraient également implicitement reconnus dans la mesure où les réunions d’associations nationales professionnelles actives dans le secteur des installations sanitaires auraient couvert deux ou trois sous-groupes de produits etles fabricants auraient eu une clientèle commune. Par ailleurs, les entreprises en cause auraient reconnu que ces trois sous-groupes de produits étaient complémentaires, ce qui confirmerait l’existence de liens objectifs entre eux (considérants 845 et 846 de la décision attaquée).

127    Neuvièmement, s’agissant de la stabilité du mécanisme de coordination des prix dans le temps, la Commission fait remarquer que les arrangements collusoires en cause se sont poursuivis, en observant le même mécanisme récurrent, même après le départ de certains membres. À cet égard, la Commission indique, à titre d’exemple, que Hansa a mis fin, en 1999, à sa participation à l’association italienne Michelangelo, qui traitait tant d’articles de robinetterie que d’articles en céramique, tout en continuant à participer à l’association Euroitalia, qui traitait d’articles de robinetterie et, dans une moindre mesure, d’articles en céramique (considérants 801 et 847 de la décision attaquée et note en bas de page n° 1174 de ladite décision).

128    Dixièmement, s’agissant de la participation, de la mobilité et des responsabilités du personnel exécutif, il existerait plusieurs exemples de représentants qui seraient passés d’une entreprise participant à l’infraction constatée à une autre ou qui auraient assumé des responsabilités pour plusieurs États membres ou bien encore qui auraient participé aux réunions collusoires de plusieurs associations organisées dans plusieurs États membres. Ces facteurs confirmeraient les conclusions de la Commission concernant le caractère multiproduits et la portée géographique étendue de ladite infraction. Par exemple, M. V., de Sanitec, aurait été présent aux réunions collusoires de Sanitair Fabrikanten Platform aux Pays-Bas ainsi que lors des réunions collusoires [de l’association spécialisée VCG] en Belgique. Cela lui aurait permis d’informer les autres concurrents des discussions au sein de chaque association. M. D. aurait représenté Ideal Standard au sein de l’ASI et aurait participé aux discussions touchant non seulement les articles en céramique, mais également les articles de robinetterie (considérants 848 et 849 de la décision attaquée et notes en bas de page nos 1175 à 1178 de ladite décision).

129    En second lieu, la Commission examine la participation des entreprises visées par la décision attaquée, dont celle des requérantes, à l’infraction unique en cause (considérant 850 de la décision attaquée).

130    Premièrement, selon la Commission, les faits démontrent que les requérantes, Grohe, Ideal Standard, Sanitec, Hansa, Villeroy & Boch et Duscholux avaient conscience du comportement collusoire global, dans la mesure où elles savaient ou pouvaient raisonnablement prévoir que l’infraction constatée concernait au moins les trois sous-groupes de produits, compte tenu du fait qu’elles étaient membres d’au moins un organisme de coordination, qu’elles étaient également membres de plusieurs associations multiproduits et qu’elles étaient représentées dans au moins trois États membres et associations spécialisées, par l’intermédiaire desquels elles ont noué des contacts avec d’autres entreprises qui étaient également actives, dans le cadre de l’infraction constatée, dans plusieurs États membres (considérant 852 de la décision attaquée).

131    Deuxièmement, s’agissant des requérantes, la Commission a considéré qu’elles avaient connaissance ou auraient raisonnablement pu avoir connaissance de la portée géographique et du champ matériel del’infraction constatée. En effet, s’agissant de leur connaissance de la portée géographique de l’infraction, la Commission a retenu que, d’une part, elles avaient directement participé à cette dernière, dans le cadre d’associations nationales professionnelles, en Allemagne, en Belgique et en France et, d’autre part, un certain nombre d’indices objectifs et cohérents montraient qu’elles auraient pu se douter du fait que l’infraction en cause couvrait également les territoires de l’Autriche et de l’Italie. Au titre desdits indices objectifs, premièrement, la Commission a relevé que les produits des requérantes étaient vendus, d’une part, en Autriche, dans le cadre d’un accord de distribution avec Laufen Austria AG,qui a participé à l’infraction sur le territoire de cet État membre et, d’autre part, en Italie, par le biais d’une entreprise commune avec Laufen Austria. Deuxièmement, la Commission a constaté, en renvoyant aux considérants 824 et 833 de la décision attaquée, d’importants flux commerciaux, dans le secteur des articles en céramique, entre les États membres concernés. Troisièmement, la Commission a relevé que les requérantes appliquaient un système de tarification central et qu’elles avaient cherché à harmoniser les prix dans toute l’Europe (considérants 867 à 869 de la décision attaquée).

132    Dans un second temps, c’est au regard des appréciations de la Commission exposées aux points 116à 131ci-dessus qu’il convient d’examiner si, comme les requérantes le font valoir,elle acommis une erreur d’appréciation en qualifiant les pratiques en cause d’infraction unique et continue.

133    En premier lieu, s’agissant des critères objectifs retenuspar la Commission pour qualifier les pratiques en cause d’infraction unique et continue, les requérantes soulèvent cinq arguments pris de ce que, premièrement, les entreprises qui ont participé aux agissements sur les différents marchés de produits n’étaient pas les mêmes, deuxièmement, les agissements sur lesdits marchés n’étaient pas semblables ou comparables, troisièmement, les prétendues infractions sur ces marchés ont été de durées différentes, quatrièmement, il n’existait pas d’interdépendance ou de complémentarité économique entre les agissements prétendument anticoncurrentiels sur ces mêmes marchés et, cinquièmement, tant les flux commerciaux entre États membres que les synergies en raison de la coordination des comportements dans plusieurs États membres ne sont pas pertinents pour qualifier des pratiques relevées d’infraction unique et continue.

134    À cet égard, premièrement, s’agissant des trois premiers arguments visés au point 133 ci-dessus, ainsi que cela ressort de la jurisprudence rappelée au point 90 ci-dessus, une violation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE peut résulter d’une série d’actes ou bien encore d’un comportement continu, quand bien même un ou plusieurs éléments de cette série d’actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer en eux-mêmes et pris isolément une violation de ladite disposition. Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence rappelée au point 182ci-après qu’une entreprise peut n’avoir directement participé qu’à une partie des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue, mais avoir eu connaissance de l’ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par les autres participants à l’entente dans la poursuite des mêmes objectifs ou avoir pu raisonnablement les prévoir et avoir été prête à en accepter le risque. Partant, le fait que les entreprises ayant participé aux agissements sur les différents marchés concernés n’étaient pas les mêmes, que les agissements sur les différents marchés n’étaient pas semblables ou comparables et qu’ils avaient des durées différentes n’est pas susceptible, en soi, de remettre en cause la qualification retenue par la Commission des pratiques en cause d’infraction unique et continue.

135    Conformément à la jurisprudence rappelée aux points 49 à 53 ci-dessus, au regard de l’objet du recours, des éléments du dossier du Tribunal et des considérations qui précèdent en réponse aux arguments des requérantes, le Tribunal n’estime ni nécessaire ni opportun de donner une suite favorable à la demande d’audition des deux témoins visée au point 87 ci-dessus. Partant, les trois premiers arguments visés au point 133 ci-dessus doivent être rejetés comme étant non fondés.

136    Deuxièmement, s’agissant du quatrième argument visé au point 133 ci-dessus, pris de ce qu’il n’existait pas d’interdépendance ou de complémentarité économique entre les agissements prétendument anticoncurrentiels relevés sur les différents marchés,il y a lieu de constater que, au considérant 845 de la décision attaquée, la Commission a fondé son appréciation quant à l’existence d’une interdépendance et d’une complémentarité entre les trois sous-groupes de produits sur les deux constatations suivantes. D’une part, elle a relevé, en se fondant sur des éléments de preuve visés dans les notes en bas de page nos 1172 et 1173 de la décision attaquée, que ces trois sous-groupes de produits faisaient partie, parmi les produits généraux d’installations sanitaires pour salles de bain, de la même catégorie des produits « visibles ». D’autre part, elle a constaté que plusieurs associations nationales professionnelles actives dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains couvraient au moins deux des trois, voire les trois sous-groupes de produits.

137    Le Tribunal estime que la Commission pouvait valablement, au regard de ces deux constatations, détaillées et étayées, déduire que les trois sous-groupes de produits concernés étaient interdépendants et complémentaires.

138    Dans ces conditions, au regard des règles applicables quant à la charge de la preuve rappelées ci-dessus, il incombait aux requérantes d’établir à suffisance de droit, d’une part, l’existence de la circonstance qu’elles invoquaient et, d’autre part, que cette circonstance mettait en cause la valeur probante des éléments de preuve sur lesquels se fondait la Commission. Or, il convient de relever que les requérantes n’apportent aucun élément de preuve susceptible de démontrer à suffisance de droit qu’il n’existait pas d’interdépendance et de complémentarité entre les trois sous-groupes de produits. Partant, au regard de la jurisprudence rappelée au point 49ci-dessus, dès lors qu’il n’appartient pas au Tribunal de suppléer la carence d’une partie requérante dans l’administration de la preuve, il y a lieu de rejeter le quatrième argument visé au point 133 ci-dessus comme étant non fondé.

139    Troisièmement, s’agissant du cinquième argument visé au point 133 ci-dessus, pris de ce que tant les flux commerciaux entre États membres que les synergies relevées au regard de la coordination des comportements dans plusieurs États membres ne seraient pas pertinents pour qualifier les faits en cause d’infraction unique et continue, il y a lieu de constater que, aux considérants 814 à 833 de la décision attaquée, la Commission a exposé de manière détaillée les constatations qui l’ont amenée à considérer que les liens et les flux commerciaux transfrontaliers participaient à la démonstration de l’existence d’une infraction unique et continue en l’espèce. En substance, s’agissant des liens transfrontaliers (considérants 818 à 823 de la décision attaquée), tout d’abord, elle a relevéque les discussions sur les prix organisées dans un État membre avaient, parfois, également déclenché des discussions sur les hausses de prix dans d’autres États membres. Ensuite, les conditions de marché dans les différents États membres auraient été interconnectées. Enfin, les filiales des grandes entreprises ayant participé à l’entente, situées en Allemagne, auraient communiqué non seulement les prix concernant l’État membre dont relevait l’association nationale professionnelle organisant la réunion, mais aussi ceux concernant les autres États membres. S’agissant des flux commerciaux (considérants 824 à 833 de la décision attaquée), la Commission a considéré que leur importance avait permis de créer des synergies entre les entreprises concernées.

140    Certes, le Tribunal considère que l’existence de liens transfrontaliers ou de flux commerciaux n’est pas, en soi, suffisante pour conclure à l’existence d’une infraction unique et continue. Toutefois, d’une part, ainsi qu’il a été relevé ci-dessus, afin de qualifier les pratiques en cause d’infraction unique et continue, la Commission s’est fondée sur neuf autres facteurs. D’autre part, au regard des appréciations, détaillées et étayées, telles que synthétisées dans le point qui précède,que la Commission a formulées s’agissant des liens et des flux commerciaux transfrontaliers, le Tribunal estime que la Commission pouvait valablement en conclure que lesdits liens et flux montraient que les pratiques anticoncurrentielles en cause avaient une dimension géographique pluriétatique.

141    Dans ces conditions, au regard des règles applicables quant à la charge de la preuve rappelées ci-dessus, il incombait aux requérantes d’établir à suffisance de droit, d’une part, l’existence de la circonstance qu’elles invoquaient et, d’autre part, que cette circonstance mettait en cause la valeur probante des éléments de preuve sur lesquels se fondait la Commission. Or, il convient de relever que les requérantes n’apportent aucun élément de preuve susceptible de démontrer que, ainsi qu’elles l’allèguent, les flux commerciaux et les synergies constatés par la Commission n’étaient pas pertinents aux fins de qualifier les pratiques en cause d’infraction unique et continue. Partant, au regard de la jurisprudence rappelée au point 49ci-dessus, dès lors qu’il n’appartient pas au Tribunal de suppléer la carence d’une partie requérante dans l’administration de la preuve, il y a lieu de rejeter le cinquième argument visé au point 133 ci-dessus comme étant non fondé.

142    En second lieu, les requérantes soutiennent que le critère subjectif, à savoir l’existence d’un « plan global » ou d’un « objectif économique uniforme », requis aux fins de qualifier une infraction d’unique et continue, n’a pas été caractérisé, ni démontré par la Commission. Au soutien de ce grief, les requérantes font valoir que les produits relevant de chacun des trois sous-groupes de produits n’étaient pas substituables et que les fabricants, menant individuellement et indépendamment des négociations avec les grossistes, ne partageaient pas une position commune à l’égard des grossistes.

143    À cet égard, premièrement, il y a lieu de constater de nouveau que, s’agissant du premier argument pris de l’absence de substituabilité des trois sous-groupes de produits, les requérantes méconnaissent la nature même d’une infraction unique et continue. En effet, au regard de la jurisprudence rappelée aux points90 à 92 ci-dessus, force est de constater que la qualification d’unique et continue d’un ensemble d’agissements anticoncurrentiels portant sur des produits différents ne repose pas sur une condition de substituabilité desdits produits, mais sur l’existence d’une complémentarité des agissements relevés, liée à l’interdépendance et à la complémentarité des trois sous-groupes de produits. Or, ainsi que le Tribunal l’a rapporté ci-dessus, la Commission a exposé de manière détaillée et étayée l’ensemble des appréciations sur la base desquelles elle a qualifié les pratiques en cause d’infraction unique et continue. Parmi les dix facteurs qu’elle a retenus à ce sujet, elle a notamment exposé, en se fondant sur plusieurs éléments de preuve, qu’il existait une telle complémentarité entre les agissements relevés.

144    Dans ces conditions, au regard des règles applicables quant à la charge de la preuve rappelées ci-dessus, il incombait aux requérantes d’établir à suffisance de droit, d’une part, l’existence de la circonstance qu’elles invoquaient et, d’autre part, que cette circonstance mettait en cause la valeur probante des éléments de preuve sur lesquels se fondait la Commission. Or, force est de relever que les requérantes n’apportent aucun élément de preuve, au soutien de ce premier argument, afin de démontrer à suffisance de droit que, s’agissant du critère subjectif de l’infraction unique et continue en cause en l’espèce, les constatations effectuées par la Commission, sur le fondement des éléments de preuve qu’elle a retenus pour les étayer, étaient erronées. Partant, au regard de la jurisprudence rappelée au point 49ci-dessus, dès lors qu’il n’appartient pas au Tribunal de suppléer la carence d’une partie requérante dans l’administration de la preuve, il y a lieu de rejeter le premier argument visé au point 142 ci-dessus comme étant non fondé.

145    Deuxièmement, s’agissant du second argument, pris de ce que les fabricants,menant individuellement et indépendamment des négociations avec les grossistes, ne partageaient pas une position commune à l’égard de ces derniers, force est de nouveau de constater que, ainsi que les requérantes l’ont reconnu en réponse à une question posée par le Tribunal lors de l’audience, elles n’ont apporté aucun élément de preuve susceptible d’étayer cet argument. Partant, contrairement à ce que les requérantes ont fait valoir lors de l’audience, au regard de la jurisprudence rappelée au point 49ci-dessus, dès lors qu’il n’appartient pas au Tribunal de suppléer la carence d’une partie requérante dans l’administration de la preuve, il y a lieu de rejeter le second argument visé au point 142 ci-dessus comme étant non fondé.

146    Par conséquent, au regard des motifs détaillés et étayés de la décision attaquée, tels que résumés ci-dessus, relatifs à la qualification des pratiques en cause d’infraction unique et continue, il incombait aux requérantes d’apporter des éléments de preuve au soutien de leur argument pris de l’illégalité de ladite qualification.

147    Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que, sans qu’il soit nécessaire ou opportun de donner une suite favorable à la demande d’audition des deux témoins visée au point 87 ci-dessus, il y a lieu de rejeter le cinquième moyen, tel qu’examiné à la lumière du premier moyen, comme étant non fondé.

B –  Sur les deuxième, troisièmeet quatrième moyens, examinés à la lumière du premier moyen, tirés d’une violation des droits de la défense et, au regard des règles de preuve, de plusieurs erreurs d’appréciation commises par la Commission quant à la conclusion d’une participation des requérantes à l’infraction constatée

148    S’agissant des deuxième, troisièmeet quatrième moyens, qu’il convient d’examiner à la lumière du premier moyen, les requérantes soulèvent, en substance, deux griefs. Premièrement, la Commission aurait violé leurs droits de la défense en retenant, afin de rapporter la preuve de leur participation à l’infraction constatée, plusieurs griefs ou éléments de preuve qui n’auraient pas été mentionnés dans la communication des griefs. Deuxièmement, au regard des éléments de preuve dont elle disposait et dans la mesure où les requérantes ne produisent que des articles en céramique et qu’elles ne distribuent lesdits produits que sur les marchésbelge, allemand et français, la Commission aurait commis plusieurs erreurs d’appréciation en concluant à leur participation à l’infraction constatée.

149    La Commission conteste les arguments exposés par les requérantes.

1.     Surle premier grief, pris d’une violation des droits de la défense en ce que la Commission n’aurait pas mentionné, dans la communication des griefs, certains griefs et éléments de preuve retenus contre les requérantes

a)     Sur les griefs prétendument non mentionnés dans la communication des griefs

150    Selon une jurisprudence constante, la communication des griefs doit contenir un exposé des griefs libellés dans des termes suffisamment clairs, seraient-ils sommaires, pour permettre aux intéressés de prendre effectivement connaissance des comportements qui leur sont reprochés par la Commission et de faire valoir utilement leur défense avant que la Commission n’adopte une décision définitive. Cette exigence est respectée dès lors que ladite décision ne met pas à la charge des intéressés des infractions différentes de celles visées dans la communication des griefs et ne retient que des faits sur lesquels les intéressés ont eu l’occasion de s’expliquer (voir arrêt Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, point 92 supra, point 312, et la jurisprudence citée).

151    En l’espèce, s’agissant des griefs retenus dans la décision attaquée à l’encontre des requérantes alors que, selon ces dernières, ils ne figuraient pas dans la communication des griefs, d’une part, ils portent sur certaines des modalités de mise en œuvre des arrangements visant à influencer la fixation des prix, à savoir l’existence d’un calendrier de hausses de prix, d’un rythme de hausses de prix, une concertation régulière, de discussions sur les prix au sein de l’organisme de coordination IFS et de contacts bilatéraux. D’autre part, ainsi que les requérantes l’ont formellement confirmé en réponse à une question posée par le Tribunal lors de l’audience, elles reprochent à la Commission de leur avoir imputé, dans la décision attaquée,la responsabilité d’une participation à une infraction couvrant le territoire des six États membres visés au point 1 ci-dessus, alors que, selon elles, l’infraction à laquelle il leur était reproché, dans la communication des griefs, d’avoir participé, ne couvrait que les territoires de la Belgique, de l’Allemagne et de la France.

152    Premièrement, tout d’abord, il y a lieu de constater qu’il ressort de manière claire des motifs exposés sous le chapitre 4 de la communication des griefs que les entreprises visées notamment au point 179, premier tiret, de ladite communication, comme appartenant au noyau dur, dont faisaient partie les requérantes, se voyaient reprocher une participation à des infractions consistant notamment, ainsi que précisé au point 180, premier tiret, de la même communication, en une coordination régulière dans le cadre de réunions d’organismes de coordination.

153    Ensuite, il convient de constater que, au point 213 de la communication des griefs, la Commission a listé les réunions de l’organisme de coordination IFS lors desquelles de tels agissements ont été constatés.

154    Par ailleurs, au point 303 de la communication des griefs, la Commission a expressément indiqué que les réunions de l’organisme de coordination IFS, auxquelles les requérantes participaient, donnaient lieu à des discussions concernant tous les produits du secteur des salles de bains.

155    Enfin, il y a lieu de relever qu’il ressort du point 149 de la communication des griefs, unique considérant figurant sous le titre 2.4.3intitulé « Déroulement chronologique » qui figure sous le chapitre 2.4 intitulé « Fixation des prix dans le secteur », que la Commission y faisait état de manière claire de l’existence, selon elle, d’un calendrier annuel appliqué aux arrangements sur les prix.

156    Au regard des constatations qui précèdent, il y a lieu de considérer que c’est à tort que les requérantes reprochent à la Commissionde ne pas avoir mentionné dans la communication des griefs qu’elle considérait que les arrangements anticoncurrentiels en cause consistaient notamment en la mise en place d’un calendrier de hausses de prix, d’un rythme de hausses de prix, d’une concertation régulière et de discussions sur les prix au sein, en particulier, de l’organisme de coordination IFS. Il s’ensuit que lesdites caractéristiques des arrangements en cause sont opposables aux requérantes.

157    Deuxièmement, au point 20 de ladite communication, la Commission a indiqué, au titre de la description générale du fonctionnement de l’entente, que les fabricants se réunissaient, soit de manière bilatérale, soit au sein d’associations nationales professionnelles, pour échanger leurs points de vue sur les hausses de prix susceptibles d’être appliquées. De même, s’agissant des agissements en Allemagne, la Commission a de nouveau décrit les pratiques en cause comme intervenant dans le cadre d’échanges bilatéraux ou au sein d’associations nationales professionnelles. Enfin, force est de relever que, aux points 79 et suivants de leur réponse à la communication des griefs, les requérantes ont explicitement répondu au grief pris de l’existence de contacts bilatéraux, de sorte qu’il y a lieu de considérer qu’elles avaient connaissance d’un tel grief retenu par la Commission dans ladite communication. Il s’ensuit que cette caractéristique des arrangements en cause est opposable aux requérantes.

158    Troisièmement, il y a lieu de constater qu’il ressort des points figurant sous le chapitre 5.3 de la communication des griefs (considérants 401 à 436) que la Commission a, d’une part, exposé les raisons pour lesquelles, en l’espèce, elle entendait qualifier les pratiques en cause, en ce qu’elles couvraient notamment le territoire des six États membres mentionnés au point 1 ci-dessus, d’infraction unique et continueet, d’autre part, expressément désigné les requérantes comme faisant partie du groupe central d’entreprises(considérant 409 de la communication des griefs). Partant, il y a lieu de considérer que c’est à tort que les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir fait mention dans la communication des griefs de la portée géographique précise de l’infraction qu’elle envisageait de leur imputer. Il s’ensuit que cette caractéristique de l’infraction constatée est opposable aux requérantes.

159    Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à tort que les requérantes se prévalent d’une violation de leurs droits de la défense au motif que la Commission n’aurait pas mentionné, dans la communication des griefs,les griefs retenus dans la décision attaquée et visés au point 151 ci-dessus. Il s’ensuit que lesdits griefs sont opposables aux requérantes.

b)     Sur les éléments de preuve prétendument non mentionnés dans la communication des griefs

160    Il convient de rappeler que, en sus de la jurisprudence visée au point 150 ci-dessus, la Cour a dit pour droit que, dès lors qu’un documentn’a pas été communiqué à l’entreprise concernée alors que la Commission en a tiré des conclusions, les informations contenues dans ce document ne peuvent pas être utilisées dans le cadre de la procédure (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 3 juillet 1991, AKZO/Commission, C‑62/86, Rec. p. I‑3359, point 21). Il s’ensuit que ce document ne peut être considéré comme un moyen de preuve opposable à l’entreprise concernée (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 25 octobre 1983, AEG-Telefunken/Commission, 107/82, Rec. p. 3151, point 27).

161    En l’espèce, les requérantes font valoir que plusieurs éléments de preuves n’étaient pas mentionnés dans la communication des griefs, de sorte qu’ils ne pourraient pas leur être opposés dans la décision attaquée. Il s’agit, tout d’abord, des notes de M. S. (de Hansgrohe)(ci-après les « notes de Hansgrohe ») concernant la réunion de l’organisme de coordination IFSdu 5 octobre 2000, ensuite, du compterendu de la réunion de l’association spécialisée FSKI du 13 juillet 2001, par ailleurs, du rapport GB Consult et, enfin, de la demande d’Ideal Standard tendant à bénéficier de la communication de 2002 sur la coopérationet de ses déclarations, dans le cadre de ladite demande, concernant la réunion de l’association spécialisée FSKI des 7 et 8 juillet 2000 et, notamment, ses affirmations quant à l’existence de contacts bilatéraux et de discussions aux fins d’une coordination des prix.

162    En premier lieu, s’agissant des notes de Hansgrohe sur la réunion de l’organisme de coordination IFS du 5 octobre 2000,il est constant qu’elles sont référencées dans la décision attaquée sous le numéro de page 112424 du dossier de la Commission.Certes, il convient de constater que, ainsi que la Commission l’a reconnu dans la lettre du 28 février 2013, ces notesne sont pas expressément mentionnées dans la communication des griefs, et ce, notamment, en tant qu’élément de preuve se rapportant à la réunion de l’organisme de coordination IFS du 5 octobre 2000, visée dans le tableau listant les réunions de l’organisme de coordination IFS sous le considérant 213 de ladite communication.

163    Toutefois, premièrement, il y a lieu de relever que le point 213 de la communication des griefs figure sous le titre 4.1.1, consacré au principal comportement anticoncurrentiel retenu par la Commission pour caractériser l’entente en cause, à savoir la coordination régulière des hausses de prix. Aux points 190 à 216 de ladite communication, qui sont consacrés audit comportement sur le territoire de l’Allemagne, la Commission a expressément désigné les associations nationales professionnelles, parmi lesquelles l’organisme de coordination IFS,qui étaient impliquées dans ladite entente.

164    Deuxièmement, il convient de constater que, s’agissant de l’organisme de coordination IFS, d’une part, au point 211 de la communication des griefs, il est indiqué que les fabricants du secteur des installations sanitaires en Allemagne ont échangé des informations sur les haussesfutures de prix. D’autre part, au point 213 de la communication des griefs, dans le paragraphe qui précède le tableau des réunions dudit organisme retenues par la Commission, auxquelles les requérantes avaient, dans la quasi-totalité des cas, participé, il est explicitement indiqué que lesdites réunions, parmi lesquelles la réunion du 5 octobre 2000, ont donné lieu à des comportements anticoncurrentiels. Partant, il ressort des termes de la communication des griefs que la Commission avait expressément retenu les réunions de l’organisme de coordination IFS à l’encontre notamment des requérantes.

165    Troisièmement, il convient de constater que, au point 291 de la communication des griefs, la Commission a indiqué que des discussions concernant l’introduction de l’euro avaient notamment eu lieu lors de la réunion de l’organisme de coordination IFSdu 5 octobre 2000. Au même considérant,la Commission a ajouté qu’il ressortait des éléments de preuve que tous les producteurs d’installation sanitaires de salles de bains, parmi lesquels les requérantes, étaient impliqués. Parmi ces éléments de preuve, la Commission a visé les déclarations orales de Masco du 12 juin 2006 (en revoyant à la page 140578 du dossier de la Commission) et la version non confidentielle de leur transcription (en renvoyant à la page 139963 du dossier de la Commission). Ainsi que la Commission l’a affirmé dans la lettre du 28 février 2013 et dans la première lettre du 12 mars 2013, sans que cela ait été contesté par les requérantes notamment lors de l’audience, celles-ci ont eu accès à la version nonconfidentielle de la transcription de la déclaration de Masco. Or, il y a lieu de constaterque cette version de la transcription, que la Commission a communiquée au Tribunal en annexe à sa réponse à la mesure d’instruction prononcée dans l’ordonnance du 5 mars 2013, renvoie expressément aux notes de Hansgrohe sur la réunion de l’organisme de coordination IFS du 5 octobre 2000 jointes dans une annexe portant le numéro 760 (ci-après l’« annexe 760 »).

166    Quatrièmement, il y a lieu de constater qu’il ressort du tableau d’accès au dossier de la Commission, joint par cette dernière en annexe à la lettre du 28 février 2013, que plusieurs documents relatifs à la réunion de l’organisme de coordination IFS du 5 octobre 2000, figurant aux pages 112423 à 112431 du dossier de la Commission, parmi lesquelles les notes de Hansgrohe (reproduites sur la page 112424 dudit dossier), ont été rendus accessibles aux requérantes sousl’annexe 760. Il convient d’ajouter que l’intitulé de cette annexe visait explicitement des documents supplémentaires concernant ladite réunion. Or, il n’est pas contesté par les requérantes qu’elles ont pu accéder aux documents inclus dans cette annexe.

167    Au regard des considérations qui précèdent,il y a lieu de constater que les notes de Hansgroheont été rendues accessibles aux requérantes en tant qu’éléments de preuve se rapportant à la réunion de l’organisme de coordination IFS du 5 octobre 2000, réunion que la Commission avait explicitement désignée, au point 213 de la communication des griefs, comme ayant donné lieu à des agissements anticoncurrentiels se rapportant à des échanges réguliers sur les hausses de prix. Dès lors, la Commission ayant clairement indiqué dans la communication des griefs les conclusions qu’elle entendait tirer des éléments de preuve dont elle disposait au sujet de ladite réunion, parmi lesquels les notes de Hansgrohe, et les requérantes ayant clairement été identifiées comme ayant participé à cette réunion, il y a lieu de considérer qu’elles ont été mises en mesure de manifester en temps utile leur opinion sur la valeur probante desdits éléments. Il s’ensuit que les notes de Hansgrohe constituent un élément de preuve opposable aux requérantes.

168    En deuxième lieu, s’agissant du compterendu de la réunion de l’association spécialisée FSKI du 13 juillet 2001, il convient de constater, tout d’abord, qu’il était visé dans la communication des griefs, en tant qu’élément de preuve, sous sa référence S 17815 dans le dossier de la Commission, dans la note en bas de page n° 318, aupoint 216 de ladite communication, qui contient un tableau des réunions de l’association spécialisée FSKI. Ensuite, il ressort de la lettre des requérantes du 1er juin 2007, visant à obtenir accès à des éléments du dossier de la Commission, qu’elles ont expressément demandé accès à ce document, en en reprenant la référence susmentionnée. Enfin, par lettre du 6 juin 2007, la Commission a répondu aux requérantes qu’elles pourraient obtenir accès audit document décrit comme intitulé « Ideal Stand Inspection D – Minutes of FSKI meeting held on 13 Jul[y] 2001 (KUN 4) ». Dès lors, il y a lieu de considérer que les requérantes ont été mises en mesure, d’une part, d’identifier dans la communication des griefs les conclusions que la Commission entendait tirer des éléments de preuve dont elle disposait, parmi lesquels le compte rendu de la réunion de l’association spécialisée FSKI du 13 juillet 2001, et, d’autre part, de manifester en temps utile leur opinion sur la valeur probante desdits éléments. Il s’ensuit que ce compte renduconstitue un élément de preuveopposable aux requérantes.

169    En troisième lieu, s’agissant du rapport GB Consult, d’une part, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ressort des considérants 361 et 362 de la communication des griefs que la Commission a expressément indiqué que, lors de réunions de l’association spécialisée VCG auxquelles les requérantes ont participé, les données figurant dans ledit rapport ont été discutées entre les participants. D’autre part, force est de constater que, aux points 153 à 157 de leur réponse à la communication des griefs, les requérantes ont non seulement fait référence aux considérants 361 et 362 de ladite communication, mais, surtout,ont formulé des observations au sujet des données du rapport GB Consult. Dès lors, force est de considérer que les requérantes ont manifestement été mises en mesure, d’une part, d’identifier dans la communication des griefs les conclusions que la Commission entendait tirer des éléments de preuve dont elle disposait, parmi lesquels le rapport GB Consult, et, d’autre part, de manifester en temps utile leur opinion sur la valeur probante desdits éléments. Il s’ensuit que ledit rapport constitue un élément de preuveopposable aux requérantes.

170    En quatrième lieu, s’agissant de la demande d’Ideal Standard tendant à bénéficier de la communication de 2002 sur la coopération et des déclarations d’Ideal Standard, dans le cadre de ladite demande, concernant la réunion de l’association spécialisée FSKI des 7 et 8 juillet 2000 et, notamment, ses affirmations quant à l’existence de contacts bilatéraux et de discussions aux fins d’une coordination des prix, d’une part, il y a lieu de constater quela demande d’Ideal Standard tendant à bénéficier de la communication de 2002 sur la coopération et le compte renduétabli par M. S. (d’Ideal Standard) de la réunion de l’association spécialisée FSKI des 7 et 8 juillet 2000, communiqué par Ideal Standard dans le cadre de ladite demande (ci-après le « compte rendu d’Ideal Standard de la réunion de l’association spécialisée FSKI des 7 et 8 juillet 2000 »), sont expressément visés dans la note en bas de page n° 815, au considérant 296, de la communication des griefs. D’autre part, il convient de relever que, aux considérants 74 à 75 de leur réponse à la communication des griefs, les requérantes citent les déclarations d’Ideal standard, comme ayant été obtenues dans le cadre de la demande d’Ideal Standard tendant à bénéficier de la communication de 2002 sur la coopération. Lesdites citations portent non seulement sur une coordination des prix dans le secteur des articles en céramique (considérants 74 et 75), mais également sur sa forme parfois bilatérale (considérant 75).

171    Dès lors, force est de considérer que les requérantes ont été mises en mesure, d’une part, d’identifier dans la communication des griefs les conclusions que la Commission entendait tirer des éléments de preuve dont elle disposait, parmi lesquels la demande d’Ideal Standard tendant à bénéficier de la communication de 2002 sur la coopération et les déclarations d’Ideal Standard, dans le cadre de ladite demande, concernant la réunion de l’association spécialisée FSKI des 7 et 8 juillet 2000, et, d’autre part, de manifester en temps utile leur opinion sur la valeur probante desdits éléments. Il s’ensuit que lesdites demande et déclarations sont opposables aux requérantes.

172    Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à tort que les requérantes se prévalent d’une violation de leurs droits de la défense au motif que la Commission n’aurait pas mentionné, dans la communication des griefs, les quatre éléments de preuve visés au point 161ci-dessus.

173    Au regard des conclusions tirées aux points 158 à 172 ci-dessus, le premier grief soulevé au soutien des quatre premiers moyens doit être rejeté comme étant non fondé.

2.     Sur le second grief, pris d’erreurs d’appréciation commises par la Commission quant à la conclusion de laparticipation des requérantes à l’infraction constatée

174    S’agissant du second grief, les requérantes soutiennent, en substance que, au regard des règles de preuve applicables dans le cadre des procédures d’infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, ce serait à tort que la Commission a conclu à leur participation à l’infraction constatée, à savoir une infraction unique et continue.

175    La Commission conteste les arguments exposés par les requérantes.

176    À cet égard, ainsi que rapporté au point 24 ci-dessus, il ressort de l’article 1er de la décision attaquée que la Commission a considéré que les requérantes ont participé à une infraction unique et continue dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains sur les territoires de l’Allemagne, de l’Autriche, de l’Italie, de la France, de la Belgique et des Pays-Bas, et ce au cours des périodes suivantes : Duravit AG, du 7 juillet 2000 au 9 novembre 2004, Duravit BeLux, du 30 octobre 2001 au 9 novembre 2004 et Duravit SA, du 25 février au 9 novembre 2004.

177    Au regard du caractère contradictoire de la procédure devant les juridictions de l’Union, à l’exception des moyens d’ordre public que le juge est tenu de soulever d’office, il convient d’effectuer le contrôle de légalité de la décision attaquée sur la base des moyens soulevés et des éléments de preuve apportés par les requérantes.

178    Or,il y a lieu de releverque ce second grief repose sur une contestation, qui vise, d’une part, la crédibilité de certains éléments de preuve retenus par la Commission et, d’autre part, les conclusions tirées par la Commission quant à leur participation à l’infraction constatée sur les territoires de la Belgique, de l’Allemagne, de la France, de l’Italie,des Pays-Bas et de l’Autriche.

179    Dans un premier temps, le Tribunal rappellera la jurisprudence relativeà l’imputation à une entreprise de la responsabilité découlant de sa participation à une infractionunique et continue. Dans un second temps, le Tribunal examinera les arguments qui soutiennent les deux branches dusecond grief, visées au point 178ci-dessus.

a)     Rappel de jurisprudence sur l’imputation à une entreprise de la responsabilité découlant de sa participation à une infraction unique et continue

180    Selon une jurisprudence constante relative à l’imputation à une entreprise de la responsabilité découlant de sa participation à une infraction unique et continue, lorsque les différentes actions s’inscrivent dans un « plan d’ensemble », en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur, la Commission est en droit d’imputer la responsabilité de ces actions en fonction de la participation à l’infraction considérée dans son ensemble (voir arrêt Commission/Verhuizingen Coppens, point 90 supra, point 41, et la jurisprudence citée).

181    Une entreprise ayant participé à une telle infraction unique et continue par des comportements qui lui étaient propres, qui relevaient des notions d’accord ou de pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE et qui visaient à contribuer à la réalisation de l’infraction dans son ensemble, peut ainsi être également responsable des comportements mis en œuvre par d’autres entreprises dans le cadre de la même infraction pour toute la périodede sa participation à ladite infraction. Tel est le cas lorsqu’il est établi que ladite entreprise entendait contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants et qu’elle avait connaissance des comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par d’autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifsou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque (voir arrêt Commission/Verhuizingen Coppens, point 90 supra, point 42, et la jurisprudence citée).

182    Ainsi, une entreprise peut avoir directement participé à l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue, auquel cas la Commission est en droit de lui imputer la responsabilité de l’ensemble de ces comportements et, partant, de ladite infraction dans son ensemble. Une entreprise peut également n’avoir directement participé qu’à une partie des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue, mais avoir eu connaissance de l’ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par les autres participants à l’entente dans la poursuite des mêmes objectifsou avoir pu raisonnablement les prévoir et avoir été prête à en accepter le risque. Dans un tel cas, la Commission est également en droit d’imputer à cette entreprise la responsabilité de l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant une telle infraction et, par suite, de celle-ci dans son ensemble (arrêt Commission/Verhuizingen Coppens, point 90 supra, point 43).

183    Il importe de constater qu’il ressort de la jurisprudence citée aux points 180à 182ci-dessus que la qualification d’infraction unique concerne des accords ou pratiques concertées qui pourraient être considérés comme violant l’article 101 TFUE en relation avec un produit spécifique ou une zone géographique déterminée, mais qui, parce qu’ils s’inscrivent dans un plan d’ensemble, sont pris en considération par la Commission de façon globale. Il s’ensuit que la constatation d’une infraction unique est susceptible de concerner des entreprises non concurrentes.

b)     Sur la crédibilité de certains éléments de preuve retenus par la Commission

 Sur la crédibilité des demandes de Masco et de Grohe tendant à bénéficier de la communication de 2002 sur la coopération

184    D’une part, les requérantes font valoir queles demandes de Masco et de Grohe tendant à bénéficier de la communication de 2002 sur la coopération ne portant que sur les marchés des articles de robinetterie et des enceintes de douche, elles ne sauraient être retenues comme éléments de preuve à l’encontre des fabricants d’articles en céramique dont elles font partie. D’autre part, le document joint par Masco dans le cadre de sa demande tendant à bénéficier de la communication de 2002 sur la coopération, qui figure en page 9182 du dossier de la Commission, aurait été établi par des grossistes et contiendrait leurs prescriptions à l’attention des fabricants s’agissant du calendrier de transmission des prix. Partant, la Commission n’aurait pas démontré la participation des requérantes, en tant que fabricants d’articles en céramique, à un accord général multiproduits.

185    La Commission conteste les arguments exposés par les requérantes.

186    À cet égard, premièrement, il y a lieu de relever que, d’une part, ainsi que rappelé aux points 180 à 183ci-dessus, une infraction unique et continue peut concerner des accords ou des pratiques concertées susceptibles de porter respectivement sur des produits et des territoires différents, qui pourraient être considérés comme violant l’article 101 TFUE, mais qui, parce qu’ils s’inscrivent dans un plan d’ensemble, sont pris en considération par la Commission de façon globale. D’autre part, ainsi que rappelé au point101 ci-dessus, les preuves apportées par la Commission par rapport à chaque élément de l’infraction ne doivent pas nécessairement répondre aux critères de précision et de concordance pour fonder la ferme conviction que l’infraction a été commise. Il suffit que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence. Par conséquent, c’est à tort que les requérantes font valoir que les demandes de Masco et de Grohe tendant à bénéficier de la communication de 2002 sur la coopération, qui ne portaient, selon elles, que sur les marchés des articles de robinetterie et des enceintes de douche, ne pouvaient être retenues, dans le cadre d’une infraction unique et continue, comme des éléments de preuve de la participation des fabricants d’articles en céramique, parmi lesquels les requérantes, à l’infraction constatée.

187    Deuxièmement, en tout état de cause, force est de constater que, s’agissant de la demandede Masco tendant à bénéficier de la communication de 2002 sur la coopération, celle-ci contenait un document, cité au considérant 168 et dans la note en bas de page n° 107 de la décision attaquée, d’où il ressort que les arrangements portant sur le rythme de mise en œuvre des barèmes de prix s’appliquaient à toutes les gammes de produits dans le secteur « Sanitaire, chauffage et climatisation ». Une telle désignation des produits en cause, en ce qu’elle porte, sans aucune réserve, sur des produits dans le secteur des salles de bains, ne permet pas, sans aucune autre preuve, de considérer que les arrangements dénoncés par Masco, dans sa demande tendant à bénéficier de la communication de 2002 sur la coopération, ne couvraient pas le secteur des articles en céramique.

188    De même, s’agissant de la demandede Grohe tendant à bénéficier de la communication de 2002 sur la coopération, il y a lieu de constater qu’il ressort notamment des considérants 131, 221et 1274 à 1282 de la décision attaquée que ladite demande, d’une part, couvrait le champ géographique de l’infraction constatée et, partant, le territoire des États membres concernés sur lesquels les requérantes étaient présentes, et, d’autre part, portait sur la teneur de discussions au sein, par exemple, de l’organisme de coordinationIFS. Or, ainsi que rappelé au point15ci-dessus, cet organisme réunissait des fabricants des trois sous-groupes de produits. Partant, pour autant que les requérantes ont participé aux réunions de l’organisme de coordination IFS, au sujet desquelles Grohe a communiqué des informations dans sa demande tendant à bénéficier de la communication de 2002 sur la coopération, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir retenu ladite demande afin de se prononcer sur l’objet anticoncurrentiel desdites discussions et, par suite, sur la participation des requérantes à l’infraction constatée.

 Sur la crédibilité de la demande d’Ideal Standard tendant à bénéficier de la communication de 2002 sur la coopération

189    Les requérantes font valoir qu’Ideal Standard aurait, dans le cadre de sa demande tendant à bénéficier de la communication de 2002 sur la coopération, effectué des déclarations partiales et inexactes en incriminant les fabricants d’articles en céramique, afin, en tant que troisième demandeur tendant à bénéficier de ladite communication, de conférer à sa demande une valeur ajoutée substantielle par rapport aux deux premières demandes reçues par la Commission à cette fin.C’est ainsi qu’elles reprochent en particulier à la Commission d’avoir tenu compte, s’agissant du marché français, d’un tableau interne d’Ideal Standard,produit par cette dernière, qu’elles ont joint en annexe à la requête, alors qu’il était rédigé en langue italienne et n’avait, selon elles, pas de lien avec ledit marché.

190    La Commission conteste les arguments exposés par les requérantes.

191    À cet égard, premièrement, il ressort de la jurisprudence rappelée aux points 105 et 106 ci-dessus que, d’une part, des déclarations effectuées par des entreprises ayant participé à une infraction, et ce afin de bénéficier de la communication de 2002 sur la coopération, ne sauraient, en soi, être écartées des moyens de preuve qui peuvent être invoqués pour établir une infraction à l’article 101 TFUE. D’autre part, le caractère suffisamment probant de telles déclarations est apprécié au regard des autres éléments de preuve retenus par la Commission afin de les corroborer.

192    Deuxièmement, contrairement à ce que prétendent les requérantes, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir tenu compte, s’agissant du marché français, d’un tableau interne à Ideal Standard en langue italienne, alors quece tableau contenait des données de comparaison de prix de différents produits, au regard d’une « fourchette mini-maxi » de prix, entre la marque Ideal Standard et la marque Porcher. En effet, il ressort des considérants 714 à 726 de la décision attaquée qui portent sur les faits constatés par la Commission sur le territoire de la France que la marque Porcher était distribuée par Ideal Standard sur le marché français. Partant, au regard des données figurant dans le tableau interne d’Ideal Standard qui se rapportaient au marché français, et quelle que soit la langue dans laquelle ledit tableau a été établi, il y a lieu de considérer que la Commission n’a pas commis d’erreur d’appréciation en tenant compte de ce tableau s’agissant dudit marché.

 Sur la crédibilité d’unfaisceau d’indices retenu par la Commission en présence d’une explication alternative

193    Les requérantes soutiennent, en substance, que la Commission ne peut pas se fonder sur un faisceau d’indices pour qualifier un agissement comme violant les règles de la concurrence, lorsqu’il existe une explication alternative.

194    La Commission conteste les arguments exposés par les requérantes.

195    Ce grief ne saurait prospérer. En effet, tout d’abord, ainsi que cela ressort de la jurisprudence rappelée aux points 101à102ci-dessus, si l’existence d’une explication alternative cohérente peut permettre de renverser les conclusions tirées par la Commission sur le fondement d’un faisceau d’indices, elle n’interdit pas,par principe, à celle-ci de recourir à un tel faisceau. Ensuite, lorsque la Commission a procédé à l’examen des éléments de preuve qui composaient le faisceau d’indices et a considéré quece dernier répondait aux exigences de précision et de concordance, il incombe alors aux requérantes, afin de contester la valeur probante dudit faisceau devant le juge de l’Union, d’apporter des éléments de preuve susceptibles de démontrer que leur explication alternative était suffisamment crédible pour le convaincre que le faisceau d’indices retenu par la Commission devait être écarté.

 Sur la crédibilité d’un document établi par des grossistes en ce qui concerne les délais de transition des prix, communiqué par Masco

196    Les requérantes font valoirqu’un des documents communiqués par Masco a été établi par des grossistes, c’est-à-dire des clients, en ce qui concerne les délais de transition des prix. Ainsi les nouveaux barèmes de prix des fabricants, qui étaient envoyés aux grossistes et mis en vigueur, reposeraient uniquement sur les exigences uniformes des grossistes. À l’appui de cette argumentation, elles demandent au Tribunal d’auditionner un témoin.

197    La Commission conteste les arguments exposés par les requérantes.

198    Il y a lieu de considérer que cet argument doit être interprété en ce sens que, en substance, les requérantes reprochent à la Commission d’avoir retenu un tel document à charge contre elles afin de démontrer leur participation à l’infraction constatée, alors que, au contraire, il rapporterait la preuve que les comportements qui leur sont reprochés au titre de ladite infraction résultaient des pressions exercées et des exigences imposées par les grossistes.

199    À cet égard, d’une part, il convient de considérer que, ainsi que la Commission l’a estimé au considérant 657 de la décision attaquée, le fait que les grossistes aient demandé aux fabricants d’adopter un comportement particulier ne saurait dégager ces derniers de la responsabilité qui est la leur du fait de leur participation à des pratiques anticoncurrentielles (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 16 juin 2011, Caffaro/Commission, T‑192/06, Rec. p. II‑3063, points 41 et 52).D’autre part, ainsi que la Commission l’a souligné au considérant 934 de la décision attaquée, si les conditions sur les marchés en amont et en aval du marché visé par l’entente peuvent influencer le comportement des acteurs présents sur ce dernier, cela ne justifie en aucune manière que ces acteurs, au lieu de répondre indépendamment aux conditions du marché, coopèrent avec leurs concurrents (voir, en ce sens, arrêt Caffaro/Commission, précité, point 52). Dès lors, les pressions exercées et les exigences imposées par les grossistes, à les supposer établies, ne peuvent en aucun cas justifier les arrangements collusoires mis en place par les fabricants d’installations sanitaires pour salles de bains.

200    Conformément à la jurisprudence rappelée aux points 49 à 53 ci-dessus, au regard de l’objet du recours, des éléments du dossier du Tribunal et des considérations qui précèdent en réponse aux arguments des requérantes, le Tribunal n’estime ni nécessaire ni opportun de donner une suite favorable à la demande d’audition du témoin visée au point 196ci-dessus.

201    Partant, il y a lieu de considérer que la Commission n’a pas commis d’erreur d’appréciation en tenant compte du document établi par des grossistes en ce qui concerne les délais de transition des prix, communiqué par Masco.

202    Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à tort que les requérantes contestent la crédibilité des éléments de preuve retenus par la Commission et qui ont été examinés aux points184 à 201ci-dessus.

c)     Sur les éléments de preuve retenus s’agissant des agissements anticoncurrentiels en Allemagne

203    Les requérantes se prévalent, en substance, d’une insuffisance de preuves rapportées dans la décision attaquée pour démontrer leur participation à l’infraction constatée sur le territoire de l’Allemagne. Au soutien de cette allégation, elles contestent les appréciations formulées par la Commission s’agissant de l’objet prétendument anticoncurrentiel des réunions de l’organisme de coordination IFS et de l’association spécialisée FSKI.

 S’agissant des réunions de l’organisme de coordination IFS (deuxième moyen)

204    Premièrement, les requérantes soutiennent, en substance, queles éléments de preuve rapportés par la Commission, s’agissant des réunions de l’organisme de coordination IFS des 14 janvier et 23 juin 1997, 5 octobre 2000, 20 novembre 2002et 2 et 9 avril 2003, sont insuffisants pour conclure à la participation des requérantes à l’infraction constatée sur le territoire de l’Allemagne. Deuxièmement, elles n’auraient pas participé à des concertations multiproduits dans ce pays sur les prix lors d’événements particuliers. Troisièmement, elles n’auraient pas participé à des échanges illégaux d’informations dans ledit pays.

205    La Commission conteste les arguments exposés par les requérantes.

206    À cet égard, il y a lieu de relever qu’il ressort de l’annexe 1 de la décision attaquée que la Commission a fait grief aux requérantes, durant la période de leur participation à l’infraction constatée retenue à l’article 1er, paragraphe 1, point 8, de la décision attaquée, à savoir du 7 juillet 2000 au 9 novembre 2004, d’avoir participé, à neuf réunions de l’organisme de coordination IFS, à savoir celles du 5 octobre 2000, des 24 avril et14 novembre 2001, des 11 avril, 4 juillet et 20 novembre 2002, des 9 avril et 15 octobre 2003 et du 27 avril 2004.

–       Sur les éléments de preuve relatifs aux réunions de l’organisme de coordination IFS des 14 janvier et 23 juin 1997, du 5 octobre 2000, du 20 novembre 2002et des 2 et 9 avril 2003

207    En premier lieu, s’agissant des réunions de l’organisme de coordination IFS des 14 janvier et 23 juin 1997, force est de constater qu’elles ne font pas partie des réunions retenues par la Commission afin de démontrer que les requérantes ont participé à l’infraction constatée, durant la période comprise entre le 7 juillet 2000 et le 9 novembre 2004, sur le territoire de l’Allemagne. Partant, dès lors que la Commission n’a retenu aucun grief à l’encontre des requérantes sur le fondement de leur participation à ces deux réunions, les arguments qu’elles exposent aux fins de contester la légalité des constatations de la Commission les concernant doivent être rejetés comme étant inopérants.

208    En deuxième lieu, s’agissant de la réunion de l’organisme de coordination IFSdu 5 octobre 2000, les requérantes soutiennent que les notes de Hansgrohe ne démontrent ni des discussions sur lesprix ni leur participation à une coordination des hausses de prix pour 2001. À l’appui de cette argumentation, elles demandent au Tribunal d’auditionner deux témoins.

209    À cet égard, il y a lieu de constater que cette réunion est visée aux considérants 203, 271, 279 et 280 de la décision attaquée. La Commission y affirme, en substance, que, lors de cette réunion, les participants ont échangé, d’une part, les taux qu’ils envisageaient d’appliquer pour les hausses de prix de 2001 et, d’autre part, l’évolution des ventes pour les trois sous-groupes de produits. Au soutien de son appréciation quant à l’échange des taux de hausses de prix pour 2001, la Commission a visé les notes de Hansgrohe.

210    Tout d’abord, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, l’article 101, paragraphe 1, TFUE s’oppose à toute prise de contact directe ou indirecte entre des opérateurs économiques de nature soit à influer sur le comportement sur le marché d’un concurrent actuel ou potentiel, soit à dévoiler à un tel concurrent le comportement que l’on est décidé à tenir soi-même sur le marché ou que l’on envisage d’adopter sur celui-ci, lorsque ces contacts ont pour objet ou pour effet la restriction de concurrence (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, Rec. p. I‑4125, points 116 et 117, et du 23 novembre 2006, Asnef-Equifax et Administración del Estado, C‑238/05, Rec. p. I‑11125, point 51, et la jurisprudence citée).

211    Ensuite, la Cour a dit pour droit qu’un échange d’informations était contraire aux règles de concurrence lorsqu’il atténuait ou supprimait le degré d’incertitude sur le fonctionnement du marché en cause avec comme conséquence une restriction de la concurrence entre entreprises (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 2 octobre 2003, Thyssen Stahl/Commission, C‑194/99 P, Rec. p. I‑10821, point 81, et la jurisprudence citée).

212    En effet, la divulgation d’informations sensibles élimine l’incertitude relative au comportement futur d’un concurrent et influence ainsi, directement ou indirectement, la stratégie du destinataire des informations (voir, en ce sens, arrêt Asnef-Equifax et Administración del Estado, point 210supra, point 51, et la jurisprudence citée). Tout opérateur économique doit donc déterminer de manière autonome la politique qu’il entend suivre sur le marché intérieur et les conditions qu’il entend réserver à sa clientèle (voir arrêt Thyssen Stahl/Commission, point 211supra, point 82, et la jurisprudence citée).

213    En l’espèce, tout d’abord, ainsi que le Tribunal l’a conclu au point 167ci-dessus, les notes de Hansgrohe constituaient un élément de preuve qui pourrait être opposé aux requérantes. Ensuite, il est constant que ces dernières ont participé à la réunion de l’organisme de coordination du 5 octobre 2000.Enfin, il convient de relever qu’il ressort des notes de Hansgrohe, contemporaines de la réunion de l’organisme de coordination IFS du 5 octobre 2000, que, lors de ladite réunion, les participants sont convenus d’une hausse des prix, au titre de l’année 2001, notamment concernant les articles en céramique (+ 4,5 %), les enceintes de douche (+ 7,5 %) et les articles de robinetterie (+ 4,5 %). Si lesdites notes ne rapportent pas les termes d’une discussion et ne précisent pas les informations échangées entre chacun des participants, parmi lesquelles les requérantes, force est toutefois de constater qu’elles font état de la conclusion d’un accord entre les participants à la réunion du 5 octobre 2000, accord qui, au regard de la jurisprudence rappelée aux points 210 à 212ci-dessus, viole de manière caractérisée les dispositions de l’article 101 TFUE.

214    Conformément à la jurisprudence rappelée aux points 49 à 53 ci-dessus, au regard de l’objet du recours, des éléments du dossier du Tribunal et des considérations qui précèdent en réponse aux arguments des requérantes, le Tribunal n’estime ni nécessaire ni opportun de donner une suite favorable à la demande d’audition des deux témoins visée au point 208ci-dessus.

215    Partant, il y a lieu de considérer que les notes de Hansgroheretenues par la Commission concernant la réunion de l’organisme de coordination IFS du 5 octobre 2000, dont les requérantes ne contestent pas le caractère contemporain, revêtent, en soi, une valeur probante élevée pour démontrer leur participation aux agissements anticoncurrentiels retenus au titre de l’infraction constatée.

216    En troisième lieu, s’agissant de la réunion de l’organisme de coordination IFS du 20 novembre 2002, les requérantes soutiennent que c’est à tort que la Commission a considéré que les fabricants ont discuté du système de tarification et envisagé les moyens de fixer le prix destiné au consommateur final en convenant avec les grossistes d’un coefficient multiplicateur fixe et uniforme.

217    À cet égard,il y a lieu de constater que cette réunion est visée aux considérants 221 et 752 de la décision attaquée. La Commission y affirme, en substance, que, lors de cette réunion, les participants ont discuté du système de tarification et envisagé les moyens de fixer le prix destiné au consommateur final en convenant avec les grossistes d’un coefficient multiplicateur fixe et uniforme. Au soutien de son appréciation, la Commission a visé les documents obtenus dans le cadre des demandes de Masco et de Grohe tendant à bénéficier de la communication de 2002 sur la coopération, dans le cadre des inspections et à la suite d’une réponse de l’IFS à une demande au titre de l’article 18 du règlement n° 1/2003.

218    Il y a lieu de relever que, parmi les nombreux éléments de preuve retenus par la Commission concernant la réunion de l’organisme de coordination IFS du 20 novembre 2002, à laquelle les requérantes ne contestent pas avoir participé, il ressort du procès-verbal de ladite réunion que, si elle n’a pas donné lieu à la conclusion d’un accord quant à une hausse des prix à intervenir, en revanche, elle a été l’occasion pour les participants, d’une part, de constater l’influence des grossistes sur la fixation des prix des produits fabriqués par l’industrie des salles de bains et, d’autre part, s’agissant du futur, de décider « de convenir avec les grossistes d’un coefficient multiplicateur fixe et uniforme ». Au regard de la jurisprudence citée au point 210ci-dessus, il y a lieu de considérer que ces termes dudit procès-verbalrapportent une prise de contact directe entre des opérateurs économiques, quant au comportement qu’ils envisageaient d’adopter à l’avenir, comportement de nature à fausser les règles de la concurrence.

219    Au regard des considérations qui précèdent, le Tribunal estime que le procès-verbal de la réunion de l’organisme de coordination IFS du 20 novembre 2002, dont les requérantes ne contestent pas le caractère contemporain, revêt, en soi, une valeur probante élevée pour démontrer leur participation aux agissements anticoncurrentiels retenus au titre de l’infraction constatée.

220    En quatrième lieu, s’agissant de la réunion de l’organisme de coordination IFS du 2 avril 2003, les requérantes font valoir que la réunion tenue à cette date n’était pas une réunion de l’organisme de coordination IFSet qu’elles n’auraient pas eu connaissance des discussions tenues à cette occasion.

221    À cet égard, il suffit de constater qu’il est constant que les requérantes n’ont pas participé à la réunion de l’organisme de coordination IFS du 2 avril 2003. Par ailleurs, il ne ressort pas des motifs de la décision attaquée que la Commission a fondé sa conclusion quant à la participation des requérantes à l’infraction constatée sur ses constatations exposées au considérant 224 de ladite décision, qui portent sur cette réunion. Partant, l’argumentvisé au point 220ci-dessus doit être écarté comme étant inopérant.

222    En cinquième lieu, s’agissant de la réunion de l’organisme de coordination IFS du 9 avril 2003, les requérantes soutiennent que la « coordination des prix » multisecteurs ne relevait pas des tâches de cet organisme de coordination et que les discussions intervenues lors de cette réunion n’avaient pas pour objet de fixer les prix demandés au consommateur final. Cela ne ressortirait ni du procès-verbal de ladite réunionni des notes d’Ideal Standard y relatives.

223    Il y a lieu de constater que la réunion de l’organisme de coordination IFS du 9 avril 2003 est visée au considérant 224 de la décision attaquée. La Commission y affirme, en substance, que les participants ont, d’une part, évoqué la question de la répartition des tâches entre cet organisme de coordination et les associations spécialisées et, d’autre part, manifesté leur intention de déterminer les prix à facturer au consommateur final. Au soutien de cette appréciation, la Commission s’est fondée sur le procès-verbal de cette réunion et sur les notes d’Ideal Standard, référencées dans la note en bas de page n° 202 de la décision attaquée.

224    À cet égard, premièrement, tout d’abord, il y a lieu de rappeler qu’il est constant que l’organisme de coordination IFS regroupait notamment les fabricants des trois sous-groupes de produits. Partant, il y a lieu de considérer que les discussions intervenues entre les membres de cet organisme couvraient à tout le moins lesdits sous-groupes.Ensuite, ainsi que le Tribunal l’a conclu ci-dessus, c’est à bon droit que la Commission a qualifié les pratiques en cause d’infraction unique et continue. Par ailleurs, les requérantes ne contestent pas avoir participé à la réunion de l’organisme de coordination IFSdu 9 avril 2003.

225    Deuxièmement, s’agissant du procès-verbal de la réunion de l’organisme de coordination IFS du 9 avril 2003, force est de constater qu’il ressort expressément de sa table des matières que l’ordre du jour prévoyait, sous le titre 2 portant sur les questions clés pour l’IFS, de discuter de la répartition des tâches entre cet organisme de coordination et les associations spécialisées. En outre, il ressort clairement dudit procès-verbal qu’il a été rendu compte des résultats de la réunion du 2 avril 2003 et notamment du fait qu’à cette occasion les participants étaient convenus de répartir les tâches entre l’organisme de coordination et les associations spécialisées. Par conséquent, au regard des termes de ce procès-verbal, dont les requérantes ne contestent pas le caractère contemporain, c’est à juste titre que la Commission a considéré, au considérant 224 de la décision attaquée, que des discussions sur la répartition des tâches entre l’organisme de coordination IFS et des associations nationales professionnelles avaient eu lieu lors de la réunion de cet organisme de coordination du 9 avril 2003.

226    Troisièmement, s’agissant des notes d’Ideal Standard relatives à la réunion de l’organisme de coordination du 9 avril 2003, il y a lieu de constater que, contrairement à ce qu’ont prétendu les requérantes dans leur lettre du 28 février 2013, la Commission leur a donné un accès complet à la version non confidentielle desdites notes durant la procédure administrative. En effet, il ressort des pièces du dossier du Tribunal, et notamment de la seconde lettre de la Commission du 12 mars 2013, contenant ses observations sur la lettre des requérantes du 28 février 2013, que, dans le cadre du traitement de la demande d’accès au dossier des requérantes, la Commission a remis aux requérantes une liste « Master access to file », dont elle a communiqué au Tribunal un extrait en annexe à la seconde lettre du 12 mars 2013. Il y a lieu de relever que, dans ledit extrait, la Commission a expressément indiqué que la première page desdites notes était accessible sans restriction et que la version non confidentielle de la seconde page pouvait être consultée dans son dossier dans un classeur, précisément identifié par son numéro.

227    Quatrièmement, tout d’abord, il y a lieu de constater que, dans la note en bas de page n° 202 de la décision attaquée, à laquelle il est renvoyé au considérant 224 de la même décision afin d’étayer la constatation selon laquelle les discussions, qui ont eu lieu lors de la réunion de l’organisme de coordination IFS du 9 avril 2003avaient pour objet de fixer les prix demandés au consommateur final, la Commission a renvoyé aux notes d’Ideal Standard relatives à cette réunion, en mentionnant le numéro de la page de son dossier à partir de laquelle elles étaient reproduites. Ensuite, il y a lieu de relever que, à la page 2 de la version non confidentielle des notes d’Ideal Standard, il est indiqué que « [n]ous voulons parvenir à communiquer les prix au consommateur final ». Cette citation correspond précisément à celle mentionnée par la Commission au considérant 224 de la décision attaquée. Il y a lieu de considérerqu’une telle prise de position permet de rapporter la preuve que, ainsi que la Commission l’a fait valoir au considérant 224 de la décision attaquée, les participants avaient manifesté leur volonté de fixer les prix demandés au consommateur final. Dès lors, au regard de la jurisprudence rappelée au point 210ci-dessus, un tel comportement viole de manière caractérisée les dispositions de l’article 101 TFUE.Enfin, c’est à tort que les requérantes allèguent que, en usant de la première personne du pluriel, l’auteur des notes d’Ideal Standard a rapporté la position de celle-ci et non celle des participants. En effet,il convient d’observer que ces notes visaient manifestement à rapporter les grandes lignes des échanges intervenus lors de cette réunion. Partant, il y a lieu de considérer que le recours à la première personne du pluriel tend à rendre compte de la position commune des participants à la réunion litigieuse. Cette appréciation se trouve confortée à la lecture de la version confidentielle des notes d’Ideal Standard, jointes en annexe à la duplique, puisque l’auteur de ces notes a usé à plusieurs reprises de la première personne du singulier lorsqu’il a souhaité rapporter la teneur des positions qu’il a expriméesau nom d’Ideal Standard lors de cette réunion.

228    Par conséquent, il y a lieu de considérer que tant le procès-verbal de la réunion de l’organisme de coordination IFS du 9 avril 2003que les notes d’Ideal Standard se rapportant à ladite réunion, dont les requérantes ne contestent pas le caractère contemporain, revêtent, en soi, une valeur probante élevée pour démontrer leur participation aux agissements anticoncurrentiels retenus au titre de l’infraction constatée.

229    Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’argument pris de l’absence de valeur probante des éléments de preuve relatifs aux réunions de l’organisme de coordination IFS des 14 janvier et 23 juin 1997, du 5 octobre 2000, du 20 novembre 2002 et des 2 et 9 avril 2003 doit être rejeté comme étant pour partie inopérant et pour partie non fondé.

–       Sur les hausses de prix à l’occasion d’événements particuliers

230    S’agissant des hausses de prix lors de réunions de l’organisme de coordination IFS, dans le contexte d’événements particuliers, les requérantes affirment, en substance,qu’elles n’ont pas participé à des concertations multiproduits sur les prix à l’occasion de l’introduction de l’euro, de la mise en place de péages routiers en Allemagne ou de la hausse des prix des matières premières. Elles ajoutent que, en tout état de cause, n’étant pas des concurrents des entreprises ayant participé aux prétendues discussions ayant eu lieu à l’occasion de rencontres de l’organisme de coordination IFS, elles n’étaient pas tenues de se distancier publiquement de comportements anticoncurrentiels. À l’appui de cette argumentation, elles demandent au Tribunal, concernant chacun de ces trois événements particuliers, d’auditionnerrespectivement un, cinq et trois témoins.

231    À titre liminaire, d’une part, il convient de relever qu’il ressort du considérant 796 de la décision attaquée que la Commission a considéré que l’infraction constatée concernait un système de coordination des hausses de prix annuelles entre les fabricants des trois sous-groupes de produits, complété par des accords anticoncurrentiels conclus lors d’événements particuliers. Cette considération se trouve étayée de manière détaillée par les constatations rapportées par la Commission, aux considérants 633 à 757 de la décision attaquée, quant à chacun des trois événements particuliers qu’elle a retenus.

232    D’autre part, il y a lieu de rappeler que l’organisme de coordination IFS regroupait notamment les fabricants des trois sous-groupes de produits, de sorte qu’il y a lieu de considérer que les discussions intervenues entre les membres de cet organisme couvraient à tout le moins lesdits sous-groupes. Par ailleurs, ainsi que le Tribunal l’a conclu ci-dessus, c’est à bon droit que la Commission a qualifié les pratiques en cause d’infraction unique et continue.

233    À titre principal, en premier lieu, s’agissant des hausses de prix intervenues à l’occasion de l’introduction de l’euro, d’une part, les requérantes soutiennent que l’exigence d’un calendrier d’envoi et d’entrée en vigueur des hausses de prix programmées provenait des grossistes. À cet égard, il suffit de rappeler que, ainsi que le Tribunal l’a dit pour droit au point 199ci-dessus, de telles exigences formulées de la part des grossistes à l’attention des fabricants d’articles sanitaires de salles de bains ne sauraient dégager ces derniers de la responsabilité qui est la leur du fait de leur participation à des pratiques anticoncurrentielles.

234    D’autre part, les requérantes se prévalent de l’absence, au sein de l’organisme de coordination IFS, d’accord ou de concertation sur une approche uniforme dans le contexte de l’introduction de l’euro. Cela ressortirait des termes de la seconde phrase du considérant 635 de la décision attaquée selon laquelle « [c]ependant, comme les fabricants et les grossistes n’ont en fin de compte pas réussi à se mettre d’accord sur le calendrier exact de l’introduction de la majoration, les membres de l’organisme de coordination IFS n’ont finalement pas convenu d’une approche commune ».

235    À cet égard, il y a lieu de constater qu’il ressort clairement des termes de la seconde phrase du considérant 635 de la décision attaquée que les fabricants des articles de salles de bains, membres de l’organisme de coordination IFS, avaient tenté de se mettre d’accord sur le calendrier de l’introduction des hausses de prix. Or, au regard de la jurisprudence citée au point 210ci-dessus, force est de considérer qu’un tel comportement viole les règles de la concurrence.

236    Conformément à la jurisprudence rappelée aux points 49 à 53 ci-dessus, au regard de l’objet du recours, des éléments du dossier du Tribunal et des considérations qui précèdent en réponse aux arguments des requérantes, le Tribunal n’estime ni nécessaire ni opportun de donner une suite favorable à la demande d’audition d’un témoin visée au point 230ci-dessus.

237    Par conséquent, c’est à tort que les requérantes affirment qu’elles n’ont pas participé à des concertations multiproduits sur les prix à l’occasion de l’introduction de l’euro.

238    En deuxième lieu, s’agissant de la prise en compte de la mise en place de péages routiers en Allemagne, les requérantes soutiennent que les discussions au sein de l’organisme de coordination IFS, quant aux conséquences de cet événement, n’avaient pas d’objet anticoncurrentiel et qu’il n’y aurait pas eu d’accord ou de concertation multiproduits visant à répercuter les coûts y afférents. Cela ressortirait, d’une part, de la note en bas de page n° 1007 de la décision attaquée où il est indiqué que « [n]éanmoins les entreprises ne se sont pas mises d’accord sur une majoration uniforme en Allemagne » et, d’autre part, du procès-verbal de la réunion de l’organisme de coordination IFS du 20 novembre 2002.

239    À cet égard, il y a lieu de constater qu’il ressort clairement des termes de la note en bas de page n° 1007 de la décision attaquée cités par les requérantes que, si les fabricants d’articles sanitaires pour salles de bains ne se sont pas mis d’accord, au sein de l’organisme de coordination IFS, sur une majoration uniforme des prix appliqués en Allemagne à la suite de la mise en place de péages routiers, lesdits fabricants avaient tenté de le faire. Partant, au regard de la jurisprudence citée au point 210ci-dessus, force est de considérer qu’un tel comportement viole les règles de la concurrence.

240    Conformément à la jurisprudence rappelée aux points 49 à 53 ci-dessus, au regard de l’objet du recours, des éléments du dossier du Tribunal et des considérations qui précèdent en réponse aux arguments des requérantes, le Tribunal n’estime ni nécessaire ni opportun de donner une suite favorable à la demande d’audition de cinq témoins visée au point 230ci-dessus.

241    Par conséquent, c’est à tort que les requérantes affirment qu’elles n’ont pas participé à des concertations multiproduits sur les prix à l’occasion de la mise en place de péages routiers en Allemagne.

242    En troisième lieu, s’agissant des hausses de prix en raison d’une augmentation des coûts des matières premières, les requérantes soutiennent qu’elles n’étaient pas concernées par la discussion sur ce sujet. En effet, celle-ci serait intervenue entre certains fabricants, en marge de la réunion de l’organisme de coordination du 27 avril 2004.

243    À cet égard, il y a lieu de constater que, au considérant 667 de la décision attaquée, la Commission a considéré que la question des hausses de prix en raison de l’augmentation des coûts des matières premières a été discutée, concernant les trois sous-groupes de produits, lors de la réunion de l’organisme de coordination IFS du 27 avril 2004. À cette occasion, les fabricants d’enceintes de douche et d’articles en céramique, contrairement aux fabricants de robinetterie, auraient indiqué qu’ils ne voyaient pas la nécessité d’augmenter les prix. Enfin, la Commission a constaté que la discussion s’est poursuivie par la suite entre Grohe, Ideal Standard et Hansgrohe et a débouché sur un accord d’augmentation de prix à compter du 1er juin 2004.

244    Contrairement à ce qu’affirment les requérantes, il ne ressort pas des termes du considérant 667 de la décision attaquée de contradiction entre le constat, d’une part, d’une discussion, lors de la réunion de l’organisme de coordination IFS du 27 avril 2004, entre les fabricants des trois sous-groupes de produits et, d’autre part, de la conclusion d’un accord entre Grohe, Ideal Standard et Hansgrohe. En effet, il convient de relever que, audit considérant, la Commission a rapporté de manière chronologique, l’évolution des discussions intervenues lors de cette réunions’agissant des hausses futures de prix à la suite de l’augmentation des coûts des matières premières. Or, force est de constater que les requérantes ne remettent pas en cause la constatation opérée par la Commission quant au fait que les fabricants d’articles en céramique ont déclaré, lors de la réunion de l’organisme de coordination du 27 avril 2004, qu’ils ne voyaient pas la nécessité d’augmenter les prix. Il y a lieu de considérer qu’une telle déclaration, dans le cadre d’une réunion d’une association nationale professionnelle regroupant les fabricants des trois sous-groupes de produits, permet d’établir que les requérantes avaient connaissance de la volonté des fabricants de produits de robinetterie de s’entendre sur les hausses futures de prix à la suite de la hausse des coûts des matières premières. Par conséquent, dans la mesure où c’est à bon droit que la Commission a qualifié les pratiques en cause d’infraction unique et continue, il convient de considérer, au regard de la jurisprudence rappelée ci-dessus, que les éléments de preuve retenus par la Commission s’agissant de la réunion de l’organisme de coordination IFS du 27 avril 2004, revêtent une valeur probante élevée pour démontrer la participation des requérantes aux agissements anticoncurrentiels retenus au titre de l’infraction constatée.

245    Conformément à la jurisprudence rappelée aux points 49 à 53 ci-dessus, au regard de l’objet du recours, des éléments du dossier du Tribunal et des considérations qui précèdent en réponse aux arguments des requérantes, le Tribunal n’estime ni nécessaire ni opportun de donner une suite favorable à la demande d’audition de trois témoins visée au point 230ci-dessus.

246    Par conséquent, c’est à tort que les requérantes affirment qu’elles n’ont pas participé à des concertations multiproduits sur les prix à la suite de l’augmentation des coûts des matières premières.

247    En quatrième lieu, il y a lieu de considérer que c’est de manière erronée que les requérantes soutiennent que, en tout état de cause, elles n’étaient pas tenues, lors des réunions de l’organisme de coordination IFS, par l’obligation de se distancier des discussions anticoncurrentielles, auxquelles elles assistaient, entre des entreprises dont elles n’étaient prétendument pas concurrentes.

248    En effet, ainsi que cela ressort de la jurisprudence rappelée au point 183ci-dessus, la constatation d’une infraction unique est susceptible de concerner des entreprises non concurrentes.

249    En outre, selon une jurisprudence constante, il suffit que la Commission démontre que l’entreprise concernée a participé à des réunions au cours desquelles des accords de nature anticoncurrentielle ont été conclus, sans s’y être manifestement opposée, pour prouver à suffisance la participation de ladite entreprise à l’entente. Lorsque la participation à de telles réunions a été établie, il incombe à cette entreprise d’avancer des indices de nature à prouver que sa participation auxdites réunions était dépourvue de tout esprit anticoncurrentiel, en démontrant qu’elle avait indiqué à ses concurrents qu’elle participait à ces réunions dans une optique différente de la leur (voir, par analogie, arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 91 supra, point 81, et la jurisprudence citée).

250    Or, en l’espèce, tout d’abord, ainsi que rappelé au point 224ci-dessus, l’organisme de coordination IFS regroupait des fabricants des trois sous-groupes de produits et l’infraction constatée par la Commission est une infraction unique et continue.

251    Ensuite, il ressort de l’annexe 1 de la décision attaquée que la Commission a identifié neuf réunions de l’organisme de coordination IFS auxquelles les requérantes ont participé durant la périodede leur participation à l’infraction constatée retenue par la Commission à l’article 1er, paragraphe 1, point 8, de la décision attaquée. Il ressort de la même annexe que, lors des neuf réunions de l’organisme de coordination IFS auxquelles les requérantes ont participé, non seulement des fabricants des sous-groupes de produits de robinetterie ou d’enceintes de douches, mais aussi des fabricants d’articles en céramique, à savoir Ideal Standard, Villeroy & Boch ou Keramag, étaient présents. Partant, ces neuf réunions ont confronté les fabricants des trois sous-groupes de produits.

252    Dans ces conditions, eu égard à la jurisprudence rappelée au point 181ci-dessus, l’infraction constatée étant une infraction de nature unique et continue, il y a lieu de considérer que, lorsque des discussions au sein de l’organisme de coordination IFS auxquelles les requérantes ont participé n’ont, en présence des fabricants des trois sous-groupes de produits, porté, totalement ou partiellement, que sur l’un desdits sous-groupes, les requérantes étaient tenues, conformément à la jurisprudence rappelée au point 249ci-dessus, de rapporter la preuve qu’elles s’en étaient publiquement distancées.

253    Au regard des considérations qui précèdent, sans qu’il soit nécessaire ou opportun de donner une suite favorable aux demandes d’audition de témoins visées au point 230ci-dessus, il y a lieu de rejeter l’argument pris de l’absence de participation des requérantes à des concertations multiproduits sur les prix au sein de l’organisme de coordination IFS, à l’occasion d’événements particuliers, comme étant non fondé.

–       Sur les échanges d’informations

254    Les requérantes reconnaissent certes avoir participé, au sein de l’organisme de coordination IFS, à des échanges d’informations d’ordre général sur les évolutions du chiffre d’affaires. Toutefois, elles soutiennent, en substance, que, dès lors que la Commission n’a pas rapporté la preuve d’ententes sur les hausses de prix au sein de l’organisme de coordination IFS, de tels échanges d’informations n’ont pas eu de fonction utile aux fins d’une éventuelle restriction de la concurrence et n’ont pas réduit l’incertitude des participants quant au comportement futur de leurs concurrents sur le marché. Selon elles, lesdits échanges visaient uniquement à obtenir une vue d’ensemble de l’évolution économique du secteur des articles sanitaires de salles de bains.

255    Ces arguments ne sauraient prospérer. En effet, premièrement, il y a lieu de constater, tout d’abord, que, aux considérants 950 à 958 de ladécision attaquée, qui figurent sous le titre 5.2.4.6 intitulé « Qualification juridique des arrangements spécifiques – Arguments des destinataires et appréciation de la Commission », la Commission a appréhendé lesdits échanges d’informations comme venant compléter le comportement principal reproché au titre de l’infraction unique et continue poursuivie par les fabricants de produits sanitaires de salles de bains, à savoir la coordination régulière des hausses des prix. Partant, la Commission n’a pas prétendu qualifier lesdits échanges, en tant que tels, d’infraction aux règles de la concurrence.

256    Ensuite, il ressort des considérants 951 et 954 de la décision attaquée que la Commission a étayé ses appréciations quant aux échanges supplémentaires d’informations commerciales sensibles intervenus lors des réunions des associations nationales professionnelles entre les membres de l’entente en cause, en renvoyant de manière précise à la section 4 de ladite décision sous laquelle la Commission a exposé de manière circonstanciée et motivée, au regard des éléments de preuve à sa disposition, les faits qu’elle a constatés, pays par pays, et qui caractérisent l’infraction unique et continue en cause.

257    Enfin, ainsi que cela ressort explicitement des considérants 955 et 957 de la décision attaquée, la Commission a constaté que les informationsen cause étaient actualisées, échangées de manière régulière et systématique, consolidées et ventilées pour chaque membre. Partant, elle a considéré, en renvoyant à l’arrêt Thyssen Stahl/Commission, point 211supra, que lesdits échanges d’informations ont entraîné une transparence artificielle du marché et donc une distorsion des conditions du marché.

258    Deuxièmement, tout d’abord,contrairement à ce que soutiennent les requérantes, le Tribunal a jugé ci-dessus que c’était à bon droit que la Commission a considéré que les réunions de l’organisme de coordination IFS auxquelles les requérantes ont participé avaient un objet anticoncurrentiel. Ensuite, ainsi qu’il a déjà été conclu ci-dessus, c’est à bon droit que la Commission a qualifié les pratiques en cause d’infraction unique et continue. Enfin, il ressort de la jurisprudence rappelée ci-dessus, que, afin de tenir les requérantes pour responsables de leur participation à l’infraction constatée, à savoir une infraction unique et continue, la Commission était fondée à prendre en compte des échanges d’informations commerciales sensibles, selon elle, pour démontrer notamment que les requérantes avaient connaissance de l’ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par les autres participants à l’entente dans la poursuite des mêmes objectifs de ladite infraction.

259    Par conséquent, il y a lieu de rejeter le présent argument comme étant non fondé.

260    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que les arguments exposés par les requérantes afin de contester les conclusions tirées par la Commission, s’agissant des agissements, au sein ou en marge, de l’organismede coordination IFS, doivent tous être rejetés.

261    Au regard des conclusions tirées ci-dessus s’agissant des arguments exposés par les requérantes, il y a lieu de considérer qu’elles n’ont pas démontré que la Commission a commis une erreur d’appréciation en tenant compte, à la lumière des éléments de preuve qu’elle a rapportés, de leur participation à neuf réunions de l’organisme de coordination IFS, à savoir, celles du 5 octobre 2000, des 24 avril et 14 novembre 2001, des 11 avril, 4 juillet et 20 novembre 2002, des 9 avril et 15 octobre 2003 et du 27 avril 2004, afin de démontrer leur participation à l’infraction constatée.

 S’agissant des réunions de l’association spécialisée FSKI (troisième moyen)

262    Les requérantes soutiennent que, en substance, s’agissant des réunions de l’association spécialisée FSKI, les éléments de preuve rapportés par la Commission ne démontrent pas qu’elles ont participé ni à une coordination, régulière ou à l’occasion d’événements particuliers,des hausses de prixni à des échanges d’informations commerciales sensibles.

263    La Commission conteste les arguments exposés par les requérantes.

264    À cet égard, il y a lieu de relever qu’il ressort de l’annexe 4 de la décision attaquée que la Commission a fait grief aux requérantes d’avoir participé à sept réunions de l’association spécialisée FSKI, à savoir celles des 7 et 8 juillet 2000, des 23 janvier et 13 juillet 2001, des 23 janvier et 5 juillet 2002, des 17 janvier et des4 et 5 juillet 2003.

–       S’agissant de l’absence de participation des requérantes à une coordination régulière des hausses de prix lors des réunions de l’association spécialisée FSKI

265    Les requérantes soutiennent, en substance, que les éléments de preuve retenus par la Commission, s’agissant des réunions de l’association spécialisée FSKI des 7 et 8 juillet 2000 et du 13 juillet 2001, seraient insuffisants pour démontrer leur participation à une coordination régulière des hausses de prix.

266    En premier lieu, les requérantes se prévalent d’une insuffisance de preuves quant à l’existence de concertations bilatérales sur les prix des articles en céramique en Allemagne. À l’appui de cette argumentation, elles demandent au Tribunal d’auditionner quatre témoins.

267    À cet égard, tout d’abord, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il a été rapporté au point 2 ci-dessus, l’infraction constatée consistait principalement en la coordination, par les fabricants d’installations sanitaires pour salles de bains, des hausses de prix annuelles, dans le cadre de réunions régulières au sein d’associations nationales professionnelles.

268    Ensuite, il ressort de manière claire des termes du considérant 175 de la décision attaquée que, s’agissant du marché allemand des articles en céramique, la Commission a fondé les griefs formulés à l’encontre des requérantes sur leur prétendue participation aux réunions de l’organisme de coordination IFS etde l’association spécialisée FSKI.

269    Enfin, il convient de relever que, s’agissant des réunions de cette dernière association nationale professionnelle, auxquelles les requérantes ont participé,la Commission a notamment constaté des pratiques de coordination régulières des hausses des prix. En aucun cas elle n’a fait grief aux requérantes, afin de démontrer leur participation à l’infraction constatée, d’avoir participé à un contact bilatéral avec d’autres fabricants d’articles en céramique.

270    Conformément à la jurisprudence rappelée aux points 49 à 53 ci-dessus, au regard de l’objet du recours, des éléments du dossier du Tribunal et des considérations qui précèdent en réponse aux arguments des requérantes, le Tribunal n’estime ni nécessaire ni opportun de donner une suite favorable à la demande d’audition des quatre témoins visée au point 266ci-dessus.

271    Partant, dans la mesure où l’argument des requérantes quant à l’insuffisance des éléments de preuve concernant les contacts bilatéraux ne repose que sur des constatationsaccessoires formulées par la Commission, s’agissant de la coordination des prix sur le marché des articles en céramique en Allemagne, il y a lieu de le rejeter comme étant inopérant.

272    En deuxième lieu, les requérantes allèguent une insuffisance de preuves quant à l’existence d’une coordination, lors des réunions de l’association spécialisée FSKI, des prix des articles en céramique en Allemagne. À ce titre, elles contestent la valeur probante des déclarations d’Ideal Standard tendant à bénéficier de la communication de 2002 sur la coopération, du compte rendu d’Ideal Standard de la réunion de l’association spécialisée FSKI des 7 et 8 juillet 2000 et du compte rendu de la réunion du 13 juillet 2001.

273    À cet égard, premièrement, s’agissant de la valeur probante des déclarations d’Ideal Standard dans le cadre de sa demande tendant à bénéficier de la communication de 2002 sur la coopération, les requérantes font valoir qu’elles seraient imprécises et contradictoires. À ce titre, elles citent les trois passages suivants des transcriptions effectuées sur la base de l’enregistrement de deux déclarations :

–        « Pour le secteur des articles en céramique, il existe aussi un groupe de travail, le FSKI […]Lors des rencontres officielles dudit FSKI, il n’y a pas eu d’échange de hausses de prix. Il y a eu un échange tout à fait général sur l’état de l’activité – ainsi s’exprime M. [S. d’Ideal Standard] –, afin d’obtenir une vue d’ensemble de la situation générale du marché […] » ;

–        « Tant pour les articles en céramique que pour la robinetterie, les fabricants ont participé à un échange d’informations sur le chiffre d’affaires et à un signalement précoce des hausses de prix envisagées avant les annonces aux clients[…] En ce qui concerne les articles en céramique, ces échanges d’informations ont eu lieu dans le cadre de réunions du FSKI, mais également de façon bilatérale entre les principaux fournisseurs […] » ;

–        « Des informations relatives à des hausses ou à des niveaux de prix tels que des hausses n’étaient normalement pas échangées lors de réunions du FSKI. Toutefois, M. [S. d’Ideal Standard] a déclaré que de telles informations étaient échangées de façon bilatérale […] ».

274    Il y a lieu de constater que ces trois passages ne permettent pas de constater de manière précise et concordante que les échanges d’informations sur le chiffre d’affaires et sur des hausses futures de prix avaient lieu spécifiquement à l’occasion des réunions officielles de l’association spécialisée FSKI. Partant, il convient de considérer que ces déclarations revêtent, en soi, une valeur probante faible aux fins de rapporter la preuve de la participation des requérantes à l’infraction constatée.

275    Deuxièmement, s’agissant de la réunion de l’association spécialisée FSKI des 7 et 8 juillet 2000, les requérantes contestent la valeur probante du compte rendu d’Ideal Standard au sujet de ladite réunion et, à ce titre, font valoir que leur représentant n’aurait pas formulé la recommandation qui est rapportée dans ledit compte rendu. À l’appui de cette argumentation, elles demandent au Tribunal d’auditionner six témoins.

276    À cet égard, il y a lieu de constater que cette réunion est visée aux considérants 200, 270, 278 et 279 de la décision attaquée. La Commission y affirme, en substance, que, lors de cette réunion, le représentant des requérantes aurait recommandé, au regard d’une hausse de prix inhabituelle de 3 % en France, de maintenir la hausse des prix habituelle de 4 % en Allemagne. Au soutien de cette appréciation, la Commission se fonde sur le compte rendu d’Ideal Standard au sujet de la réunion de l’association spécialisée FSKI des 7 et 8 juillet 2000.

277    Il convient d’observer que, d’un côté, les requérantes se contentent de nier les propos qu’aurait tenuleur représentant lors de cette réunion sans parvenir à démontrer, par d’autres moyens qu’une simple dénégation ou qu’une invitation au Tribunal à auditionner leur représentant, qu’il n’avait pas formulé la recommandation reproduite dans les notes d’Ideal Standard.

278    En revanche, d’un autre côté, ainsi que cela ressort des considérants 277 à 282 de la décision attaquée, il y a lieu d’observerque l’indication dans le compte rendu d’Ideal Standard, dont les requérantes ne contestent pas le caractère contemporain, quant à une recommandation de maintenir une hausse habituelle de 4 %, dans le secteur des articles en céramique en Allemagne, est corroborée par d’autres éléments de preuve du dossier de la Commission.

279    C’est ainsi qu’il y a lieu de constater que, au considérant 277 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que les requérantes avaient annexé à leur réponse à la communication des griefs un document censé démontrer que l’augmentation de leurs prix en 2001 se situait entre 0 et 8 %, au lieu des 4 % visés dans le compte rendu d’Ideal Standard. Ledit document est référencé dans la note en bas de page n° 290 de la décision attaquée comme figurant à l’annexe 7 de à la réponse des requérantes à la communication des griefs. Or, au considérant 279 de la décision attaquée, la Commission a considéré qu’il ressortait selon elle dudit document que la majorité des hausses de prix appliquées en 2001 aux séries de produits qui y sont visés se situaient bien dans une fourchette de hausse des prix entre 4 et 5 %. Cette considération n’a pas été contestée par les requérantes dans la présente affaire.

280    À cet égard, d’une part, il y a lieu de releverque, au considérant 78 de leur réponse à la communication des griefs, les requérantes ont renvoyé à une « liste des prix 30 », reproduite dans l’annexe 7 à ladite réponse. Il convient de constater qu’il est indiqué, en haut de la page où est reproduite la « Liste des prix 30 », que l’augmentation des prix des séries de produits de la marque Duravit qu’elle vise était applicable à partir du 1erjanvier 2001. Ensuite, il y a lieu de constater que, sur les 24 séries de produits de la marque Duravit mentionnéesdans la première colonne de gauche du premier tableau de la « Liste des prix 30 », il ressort de la seconde colonne de gauche dudit tableau quedeux ont fait l’objet d’une augmentation de 0, deux de 3 %, deux de 3,5 %, huit de 4 %, cinq de 5 %, deux de 6 %, deux de 8 % et une de 10 %. Partant, il convient de constater, d’une part, que le taux médian des augmentations de prix concernant ces 24 séries de produits mentionnées dans cette liste est de 4 % et que la moyenne des taux est de 4,5 % et, d’autre part, que la fourchette des taux compris entre 4 et 5 % représente plus de 54 % de l’ensemble des augmentations prévues au titre de l’année 2001. Il convient de conclure que la Commission n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant qu’il ressortait de la « Liste des prix 30 » que la majorité des hausses de prix appliquées aux séries de produits concernées se situait dans une fourchette de 4 à 5 %.

281    D’autre part, il ressort des notes de Hansgrohe, communiquées dans le cadre de la demandede Masco tendant à bénéficier de la communication de 2002 sur la coopérationque, s’agissant de la réunion de l’organisme de coordination IFSdu 5 octobre 2000, les fabricants d’articles en céramique avaient prévu une hausse de prix de 4,5 % en 2001.

282    Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, force est de constater que la « Liste des prix 30 » et les notes de Hansgrohe corroborent l’indication dans le compte rendu d’Ideal Standard d’une recommandation d’augmentation des prix des articles en céramique de 4 %.

283    Conformément à la jurisprudence rappelée aux points 49 à 53 ci-dessus, au regard de l’objet du recours, des éléments du dossier du Tribunal et des considérations qui précèdent en réponse aux arguments des requérantes, le Tribunal n’estime ni nécessaire ni opportun de donner une suite favorable à la demande d’audition des six témoins visée au point 275ci-dessus.

284    Partant, il y a lieu de considérer que le compte rendu d’Ideal Standard de la réunion de l’association spécialisée FSKI des 7 et 8 juillet 2000, dont les requérantes ne contestent pas le caractère contemporain, revêt,en soi, une valeur probante élevée pour démontrer leur participation aux agissements anticoncurrentiels retenus au titre de l’infraction constatée.

285    Troisièmement, s’agissant de la réunion de l’association spécialisée FSKI du 13 juillet 2001, les requérantes contestent l’interprétation retenue par la Commission du compte rendu de ladite réunion ainsi que sa valeur probante. En effet, le pourcentage d’environ 3 % mentionné dans ledit compte rendu ne se référerait pas, ainsi que l’a considéré la Commission, au niveau maximal des hausses de prix concernant le commerce de détail à compter de 2002, mais au niveau maximal des exceptions qui pouvaient éventuellement être accordées quant auxdites hausses.À l’appui de cette argumentation, elles demandent au Tribunal d’auditionner six témoins.

286    À cet égard, il y a lieu de constater que la réunion du 13 juillet 2001est visée aux considérants 215, 270, 278, 279 et 644 de la décision attaquée. La Commission y affirme notamment, en substance, que les participants sont convenus, d’une part, d’accorder un seul taux de remise de 50 % aux grossistes pour les expositions et, d’autre part, d’appliquer, à partir du 1er janvier 2002, une hausse de prix s’agissant du commerce de détail d’un niveau maximal d’environ 3 %. Au soutien de ces deux appréciations, la Commission s’est notamment fondée sur un compte rendu de ladite réunion, référencé dansles notes en bas de page nos 183 et 184 de la décision attaquée.

287    Tout d’abord, s’agissant de la constatation par la Commission d’un accord entre les participants quant au taux de remise unique de 50 % accordé aux grossistes dans le cadre d’expositions, force est de constater que les requérantes ne la contestent pas.

288    Ensuite, s’agissant de la constatation par la Commission d’un accord sur un niveau maximal d’environ 3 % de hausse de prix concernant le commerce de détail, applicable à partir du 1er janvier 2002, il ressort du considérant 215 de la décision attaquée que la Commission a retenu le passage suivant du compte rendu de la réunion de l’association spécialisée FSKI du 13 juillet 2001 :

« La hausse de prix communiquée au commerce est valable à compter du 01/01/2002. Les éventuelles exceptions qui pourraient s’avérer nécessaires devraient être accordées sous forme d’un pourcentage pour le premier trimestre de 2002. Taux maximal : environ 3 %. »

289    À ce sujet, il y a lieu de constater que, ainsi que le soutiennent les requérantes, la Commission a commis une erreur d’appréciation en considérant que la mention d’un taux maximal d’environ 3 % dans ce passage du compte rendu de ladite réunion rapportait l’existence d’un accord entre les participants sur le niveau maximal des hausses de prix concernant le commerce de détail. En effet, il ressort clairement du libellé du passage du compte rendu cité au point précédent, dans sa version originale en langue allemande, que ledit taux mentionné dans ledit passage se rapportait au montant maximal, exprimé en pourcentage, des exceptions susceptibles d’être accordées.

290    Partant, sans qu’il soit ni nécessaire ni opportun de donner une suite favorable à la demande d’audition des six témoins visée au point 285 ci-dessus, il convient de considérer que le passage ducompte rendu de la réunion de l’association spécialisée FSKI du 13 juillet 2001, cité au point 288ci-dessus, tel qu’interprété à tort par la Commission, ne permet pas de démontrer que les requérantes ont participé aux agissements anticoncurrentiels retenus au titre de l’infraction constatée.

–       S’agissant de l’absence de participation des requérantes à une coordination, à l’occasion d’événements particuliers, des hausses de prix lors des réunions de l’association spécialisée FSKI

291    Les requérantes soutiennent, en substance, que les discussions ayant eu lieu au sein de l’association spécialisée FSKI au sujet de l’introduction de l’euro et de la mise en place de péages routiers en Allemagne n’avaient pas d’objet anticoncurrentiel.

292    D’emblée, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, conformément à l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut, et à l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, la requête doit, notamment, contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Elle doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du statut de la Cour et du règlement de procédure (arrêt du Tribunal du 1er juillet 2009, ThyssenKrupp Stainless/Commission, T‑24/07, Rec. p. II‑2309, point 156). Des exigences analogues sont requises lorsqu’un grief est invoqué au soutien d’un moyen (voir arrêt du Tribunal du 14 décembre 2005, Honeywell/Commission, T‑209/01, Rec. p. II‑5527, point 55, et la jurisprudence citée). En effet, le requérant doit indiquer dans la requête les griefs précis sur lesquels le Tribunal est appelé à se prononcer ainsi que, de manière à tout le moins sommaire, les éléments de droit et de fait sur lesquels ces griefs sont fondés (voir arrêt de la Cour du 31 mars 1992, Commission/Danemark, C‑52/90, Rec. p. I‑2187, point 17, et la jurisprudence citée).

293    En l’espèce, en premier lieu, s’agissant de l’introduction de l’euro, il y a lieu de considérer que ce troisième argument est exposé de manière abstraite. En effet, force est de relever que les requérantes se contentent de renvoyer à leurs arguments exposés s’agissant de l’absence d’objet anticoncurrentiel des discussions sur l’introduction de l’euro à l’occasion des réunions de l’organisme de coordination IFS.En revanche, à aucun moment, elles ne précisent, d’une part, lesquelles des réunions de l’association spécialisée FSKI auraient donné lieu à des discussions sur l’introduction de l’euro, dont elles contestent l’objet anticoncurrentiel et, d’autre part, lesquels des éléments de preuve rapportés par la Commission, concernant lesdites réunions, seraient dépourvus de valeur probante.

294    Par conséquent, conformément à la jurisprudence rappelée au point 292ci-dessus, il y a lieu de rejeter cet argument comme étant irrecevable.

295    En second lieu, s’agissant de la mise en place de péages routiers en Allemagne, les requérantes soutiennentque, ainsi que cela ressort du procès-verbalde la réunion de l’association spécialisée FSKI du 4 juillet 2003, les discussions intervenues à ce sujet lors de ladite réunionn’avaient, faute d’accord conclu, pas d’objet anticoncurrentiel.À l’appui de cette argumentation, elles demandent au Tribunal d’auditionner sept témoins.

296    Il y a lieu de constater que, dans la note en bas de page n° 1007 de la décision attaquée, s’agissant des discussions aux fins d’une coordination des hausses de prix dans le cadre de la mise en place de péages routiers en Allemagne, la Commission a renvoyé notamment au procès-verbal de la réunion de l’association spécialisée FSKI du 4 juillet 2003, tout en indiquant que « [n]éanmoins les entreprises ne s’étaient pas mises d’accord sur une majoration uniforme en Allemagne ».

297    À cet égard, au regard de la jurisprudence rappelée au point 210ci-dessus, l’argument soulevé par les requérantes, pris de l’absence d’accord conclulors de la réunion de l’association spécialisée FSKI du 4 juillet 2003, doit être rejeté comme non fondé.

298    En tout état de cause,il y a lieu de constater que les éléments de preuve visés aux considérants 753 et 754 de la décision attaquée, obtenus dans le cadre d’inspections, à savoir le procès-verbal relatif à chacune des réunions de l’association spécialisée FSKI des 17 janvier et 4 juillet 2003, rapportent de manière claire que, lors de ces réunions, les participants ont tenté de se mettre d’accord quant aux conséquences en termes de hausse de prix à tirer de la mise en place de péages routiers en Allemagne.

299    C’est ainsi que, premièrement, s’agissant de la réunion du 17 janvier 2003, au considérant 753 de la décision attaquée, la Commission a retenu du procès-verbal de ladite réunion le passage suivant :

« […] l’opinion générale est que ces coûts, qui n’ont pas été engendrés par l’industrie des articles sanitaires en céramique et sur lesquels l’industrie n’a aucune influence, doivent être répercutés sur les prix. »

300    Il y a lieu de constater qu’il ressort clairement des termes dudit procès-verbal que les discussions ont débouché sur une opinion majoritaire selon laquelle les coûts engendrés par la mise en place des péages routiers en Allemagne devaient être répercutés sur les prix. Au regard de la jurisprudence citée au point 210ci-dessus, il y a lieu de considérer que de telles discussions avaient un objet anticoncurrentiel. Partant, il y a lieu de considérer que le procès-verbal de cette réunion, dont les requérantes ne contestent pas le caractère contemporain, revêt, en soi, une valeur probante élevée pour démontrer leur participation aux agissements anticoncurrentiels retenus au titre de l’infraction constatée.

301    Deuxièmement, s’agissant de la réunion du 4 juillet 2003, au considérant 754 de la décision attaquée, la Commission a retenu du procès-verbal de ladite réunion le passage suivant :

« Les participants sont d’accord pour dire que cette charge supplémentaire, qui correspond à une augmentation de taxes, ne peut pas être supportée de manière unilatérale par l’industrie ; toutefois, la répercussion sur le commerce doit être faite avec précaution puisque la charge supplémentaire réelle pour les entreprises du secteur des articles sanitaires en céramique ne dépasse pas, d’après les déclarations des participants, 0,2 à 0,4 % du chiffre d’affaires. »

302    Au sujet de ce passage du procès-verbal, les requérantes, qui n’en contestent ni la matérialité ni le caractère contemporain, soutiennent toutefois qu’il ne permet pas de rapporter la preuve d’une concertation entre les participants à la réunion du 4 juillet 2003 « sur la question de savoir si et dans quelle mesure il y a lieu de répercuter effectivement les coûts ».

303    À cet égard, il y a lieu de relever que, ainsi que cela ressort du premier alinéa du considérant 754 de la décision attaquée, qui précède la citation du passage du procès-verbal reproduit au point 301ci-dessus, la Commission n’a retenu ledit passage que pour démontrer que le problème lié aux conséquences à tirer sur les prix de la mise en place des péages routiers en Allemagne, abordé lors de la réunion de l’association spécialisée FSKI du 17 janvier 2003, « a également été évoqué lors de la réunion des fabricants d’articles en céramique [de la même association] du 4 juillet 2003 […] »

304    Or, ainsi que le Tribunal l’a relevéau point 300ci-dessus,le procès-verbal de la réunion du 17 janvier 2003 revêt une valeur probante élevée pour démontrer la participation des requérantes à l’infraction constatée. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la Commission n’a pas commis d’erreur d’appréciation en estimant, sur le fondement du passage du procès-verbal de la réunion du 4 juillet 2003, reproduit au point 301ci-dessus, d’où il ressort clairement que les participants ont apprécié le niveau des répercussions sur le commerce au regard de la proportion que représente la charge supplémentaire liée à cette nouvelle taxe sur leur chiffre d’affaires, que le problème lié à la mise en place des péages routiers en Allemagne a été de nouveau évoqué lors de cette seconde réunion.

305    Conformément à la jurisprudence rappelée aux points 49 à 53 ci-dessus, au regard de l’objet du recours, des éléments du dossier du Tribunal et des considérations qui précèdent en réponse aux arguments des requérantes, le Tribunal n’estime ni nécessaire ni opportun de donner une suite favorable à la demande d’audition des sept témoins visée au point 295ci-dessus.

306    Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de considérer que le procès-verbal de la réunion de l’association spécialisée FSKI du 4 juillet 2003, revêt, en soi, une valeur probante élevée pour démontrer la participation des requérantes aux agissements anticoncurrentiels retenus au titre de l’infraction constatée.

–       S’agissant de l’absence de participation des requérantes à des échanges illégaux d’informations lors des réunions de l’association spécialisée FSKI

307    Les requérantes soutiennent que, en substance, les échanges d’informations, intervenus dans le cadre des réunions de l’association spécialisée FSKI, n’avaient pas d’objet anticoncurrentiel, ni de répercussions anticoncurrentielles sur le marché.

308    À cet égard, il y a lieu de constater que, conformément à la jurisprudence rappelée au point 292ci-dessus et pour des motifs semblables à ceux développés au point293ci-dessus, ce troisième argument est exposé de manière abstraite. En effet, il convient de relever que les requérantes se contentent d’affirmer que, d’une part, les échanges d’informations au sein de l’association spécialisée FSKI n’avaient pas pour objet de restreindre la concurrence et, d’autre part, au regard de la nature des informations échangées, à savoir l’évolution du chiffre d’affaires globaldes différents participants, qu’ils n’ont pas eu de répercussions anticoncurrentielles sur le marché. En revanche, à aucun moment, elles ne précisent, d’une part, lesquelles des réunions ont donné lieu à des échanges d’informations dont elles contestent l’objet et les effets anticoncurrentiels et, d’autre part, lesquels des éléments de preuve rapportés par la Commission, concernant lesdites réunions, seraient dépourvus de valeur probante.

309    Par conséquent, il y a lieu d’écarter cet argument comme étant irrecevable.

310    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que, à l’exception des arguments se rapportant à la réunion de l’association spécialisée FSKI du 13 juillet 2001,tous les autres arguments exposés par les requérantes afin de contester les conclusions tirées par la Commission, s’agissant des agissements, au sein ou en marge, de l’association spécialisée FSKI, doivent être rejetés comme étant pour partie irrecevables, pour partie inopérants et pour partie non fondés.

311    Au regard de l’ensemble des conclusions tirées ci-dessus, il y a lieu de considérerque, à l’exception de la réunion de l’association spécialisée FSKI du 13 juillet 2001, les requérantes n’ont pas démontré que la Commission a commis une erreur d’appréciation en tenant compte de leur participationaux six autres réunions de ladite association, à savoir celles des 7 et 8 juillet 2000, du 23 janvier 2001, des 23 janvier et 5 juillet 2002, des 17 janvier et des 4 et 5 juillet 2003, afin de démontrer leur participation à l’infraction constatée.

 Conclusion s’agissant de la participation des requérantes à l’infraction constatée sur le territoire de l’Allemagne

312    Il ressort des conclusions tirées aux points261et 311ci-dessus que les requérantes n’ont pas démontré que c’est à tort que la Commission, afin de rapporter la preuve de leur participation à l’infraction constatée sur le territoire de l’Allemagne, a retenu les réunions de l’organisme de coordination IFS ou de l’association spécialisée FSKI suivantes :

–        la réunion de l’association spécialisée FSKI des 7 et 8 juillet 2000 ;

–        la réunion de l’organisme de coordination IFS du 5 octobre 2000 ;

–        la réunion de l’association spécialisée FSKI du 23 janvier 2001 ;

–        la réunion de l’organisme de coordination IFS du 24 avril 2001 ;

–        la réunion de l’organisme de coordination IFS du 14 novembre 2001 ;

–        la réunion de l’association spécialisée FSKI du 23 janvier 2002 ;

–        la réunion de l’organisme de coordination IFS du 11 avril 2002 ;

–        la réunion de l’organisme de coordination IFS du 4 juillet 2002 ;

–        la réunion de l’association spécialisée FSKI du 5 juillet 2002 ;

–        la réunion de l’organisme de coordination IFS du 20 novembre 2002 ;

–        la réunion de l’association spécialisée FSKI du 17 janvier 2003 ;

–        la réunion de l’association spécialisée FSKI des 4 et 5 juillet 2003 ;

–        la réunion de l’organisme de coordination IFS du 9 avril 2003 ;

–        la réunion de l’organisme de coordination IFS du 15 octobre 2003 ;

–        la réunion de l’organisme de coordination IFS du 27 avril 2004.

313    Au regard de la valeur probante élevée que revêt la quasi-totalité des éléments de preuve se rapportant aux réunions listées au point qui précède, tenues en 2000, en 2001, en 2002, en 2003 et en 2004, il convient de constater que c’est à tort que les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir rapporté à suffisance de droit la preuve de leur participation à l’infraction constatée, durant ces cinq années sur le territoire de l’Allemagne, à savoir entre le 7 juillet 2000 et le 9 novembre 2004.

314    Cette dernière conclusion ne saurait être remise en cause au regard de l’argument des requérantes pris d’une erreur d’appréciation commise par la Commission quant aux constatations qu’elle aurait formulées, dans la note en bas de page n° 294 de la décision attaquée, sur une lettre de 1998 relative à des accessoires de salles de bains, pour rapporter la preuve de leur participation à l’infraction constatée, sur le territoire de l’Allemagne.

315    En effet, il y a lieu de constater que le renvoi à la note en bas de page n° 294 figure à la fin du considérant 282 de la décision attaquée. Or, audit considérant, qui clôtl’examen par la Commission des arguments des requérantes exposés durant la procédure administrative s’agissant de l’Allemagne, la Commission a expressément conclu qu’elles avaient « bel et bien participé à des discussions anticoncurrentielles en Allemagne depuis au moins 2000 ». Il en découle que c’est de manière superfétatoire que la Commission a fait part de ses appréciations quant au contenu de cette lettre de 1998. Cela ressort du reste des termes mêmes de ladite note dans laquelle la Commission reconnaît qu’elle ne porte pas, d’une part, sur les trois sous-groupes de produits, mais sur les accessoires de salles de bains pour une gamme spécifique de produits et, d’autre part, sur la période durant laquelle les requérantes sont tenues pour responsables de l’infraction constatée. Partant, le Tribunal ayant conclu, au point 313ci-dessus, que la Commission n’a pas commis d’erreur d’appréciation en tenant les requérantes pour responsables d’une participation à l’infraction constatée sur le territoire de l’Allemagne entre le 7 juillet 2000 et le 9 novembre 2004, l’argument pris d’une éventuelle erreur d’appréciation de la Commission s’agissant des constatations quant à la lettre de 1998 visée dans la note en bas de page n° 294 doit être rejeté comme inopérant.

d)     Sur les éléments de preuve retenus s’agissant des agissements anticoncurrentiels en France et en Belgique (quatrième moyen)

316    Premièrement, s’agissant des agissements relevés par la Commission sur les territoires de la Belgique et de la France, les requérantes font valoir que, si elles ne contestent pas avoir participé à des réunions d’associations nationales professionnelles sur lesdits territoires, en revanche, dès lors que les décisions prises au sein de chaque entreprise l’étaient au niveau de la société mère, leurs représentants lors des réunions nationales en France et en Belgique ne disposaient pas de marge de négociation. Partant, elles affirment que les échanges d’informations sur les prix, intervenus à ces occasions, n’avaient pas d’objet anticoncurrentiel.

317    La Commission conteste les arguments exposés par les requérantes.

318    À cet égard, il y a lieu de considérer que la circonstance que les décisions au sein d’un groupe de sociétésactives sur différents marchés nationaux sur le territoire de l’Union, qui constitue une entreprise, au sens de l’article 101 TFUE, soient prises au niveau de la société mère dudit groupe, ne saurait dégager les filiales de leur responsabilité au titre de la participation à des agissements anticoncurrentielsde l’entreprise qu’elles composent avec leur société mère sur les marchés nationaux sur lesquels elles sont respectivement actives. Il convient donc de rejeter ce premier argument comme étant non fondé.

319    Deuxièmement, concernant les agissements reprochés aux requérantes sur les territoires de la Belgique, les requérantes soutiennentque la Commission n’a pas rapporté la preuve de leur participation à une infraction sur ce marché avant le 17 septembre 2002.

320    La Commission conteste les arguments exposés par les requérantes.

321    À cet égard, il convient de relever que les requérantes ne contestent pas avoir participé notamment à la réunion du 30 octobre 2001 de l’association spécialiséeVCG. Or, il ressort du considérant 507 de la décision attaquée que la Commission a constaté que, lors de cette réunion, des discussions ont eu lieuet ont débouché sur la fixation des remises aux clients à un taux unique de 3 % en cas de paiement rapide, précisé de manière détaillée selon les entreprises concernées. À ce titre, il est indiqué que les requérantes accorderont « 3 % de remise pour un paiement à 10 jours, 60 jours sur facture ». La Commission a considéré que de telles discussions avaient un objet anticoncurrentiel. Or, force est de constater que les requérantes n’ont soulevé aucun grief à l’encontre de cette constatation. Partant, il convient de rejeter ce deuxième argument comme étant non fondé.

322    Troisièmement, s’agissant du marché français, les requérantes font grief à la Commission de s’être fondée sur leur participation à la seule réunion de l’association spécialisée AFICS du 25 février 2004, pour conclure à leur participation à l’infraction en cause, en France, sur une durée de huit mois. En outre, dès lors que la discussion ayant eu lieu lors de cette réunion aurait porté sur le segment des prix bas des articles en céramique, segment qui ne relèverait pas de leurs activités, elle serait dénuée de pertinence pour apprécier leur participation à l’infraction constatée.

323    La Commission conteste les arguments exposés par les requérantes.

324    À cet égard, d’une part, il convient de relever qu’il est constant que la Commission a fait grief aux requérantes d’avoir participé à une coordination des hausses futures de prix des trois sous-groupes de produits, applicables au cours de l’année civile suivante. D’autre part, afin de démontrer que c’est à tort que la Commission leur a fait grief d’avoir participé à l’infraction constatée sur le territoire de la France, les requérantes se contentent d’affirmer que la discussion intervenue lors de la réunion de l’association spécialisée AFICS du 25 février 2004ne les intéressait pas dès lors qu’elle portait sur les prix pratiqués sur un segment du marché des articles en céramique qui ne relevait pas de leurs activités de production. Or, il y a lieu de considérer que, au regard de l’objet anticoncurrentiel dela discussion intervenue lors de la réunion de l’association spécialisée AFICS du 25 février 2004, objet que les requérantes ne contestent pas, le fait qu’elle ait porté sur le segment des prix bas de ces articles ne saurait priver de pertinence la décision de la Commission de retenir cette réunion comme élément de preuve de la participation des requérantes à l’infraction constatée. En effet, une telle constatation permet à tout le moins, dans le cadre d’une infraction unique et continue couvrant le territoire de plusieurs États membres, de démontrer que les requérantes ne pouvaient ignorer que des pratiques anticoncurrentielles comparables, en substance, à celles pratiquées en Allemagne et en Belgique existaient sur le territoire français. Partant, il convient de rejeter cet argument comme étant non fondé.

325    Au regard des considérations qui précèdent, il convient de constater que c’est à tort que les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir rapporté à suffisance de droit la preuve de leur participation à l’infraction constatée, sur les territoires de la Belgique et de la France.

e)     Sur les éléments de preuve retenus s’agissant des agissements anticoncurrentiels en Autriche, en Italie et aux Pays-Bas

326    Les requérantes soutiennent que la Commission a commis une erreur d’appréciation en leur reprochant d’avoir participé à l’infraction constatée, sur les marchés italiens, autrichiens et néerlandais. À ce titre, d’une part, elles font valoir qu’elles n’étaient pas membres des associations multiproduits ou des associations spécialisées présentes sur lesdits marchés. Ensuite, elles affirment qu’elles n’avaient pas connaissance d’éventuels comportements anticoncurrentiels en Italie,en Autriche et aux Pays-Bas. En effet, s’agissant de l’Autriche, la Commission se serait, à tort, fondée sur un accord de distribution des produits des requérantes sur ce marché avec Laufen Austria, et sur l’existence de flux commerciaux entre États membres, pour conclure à leur participation à l’infraction en cause sur ledit marché. S’agissant de l’Italie, la Commission se serait, à tort, fondée sur l’existence d’une entreprise commune entre les requérantes et Laufen Austria sur ce marché et sur l’existence de flux commerciaux entre États membres, pour conclure à leur participation à l’infraction en cause sur ce marché. Elles rappellent notamment que Laufen Austria (par le biais de sa société mère Roca Sanitario SA)n’a pas été tenue pour responsable de l’infraction commise en Italie. S’agissant des Pays-Bas, les requérantes relèvent que l’infraction constatée dans cet État membre ayant pris fin dès 1999, elle ne pouvait en avoir eu connaissance.

327    La Commission conteste les arguments exposés par les requérantes.

328    À cet égard, en premier lieu, il y a lieu de constater que, s’agissant des Pays-Bas, ainsi que rapporté au point 15ci-dessus, il ressort du considérant 868 de la décision attaquée que la Commission a estimé, en substance, que, concernantles requérantes, l’infraction à laquelle elle leur a reproché d’avoir participé ne couvrait pas le territoire des Pays-Bas. À ce titre, elle a précisé, dans la note en bas de page n° 1209 de la décision attaquée, à laquelle il est renvoyé au considérant 868 de ladite décision, qu’elle n’a pas conclu à l’existence d’une entente dans ce pays après 1999. Cette précision doit être comprise comme rappelant, implicitement, que le début de la participation des requérantes à l’infraction constatée est intervenu ultérieurement, en 2000.

329    Néanmoins, ainsi que cela ressort de l’article 1er de la décision attaquée, la Commission a conclu à la participation des requérantes à l’infraction constatée sur le territoire de six États membres, parmi lesquels celui des Pays-Bas.

330    Au regard de cette contradiction manifeste entre les motifs et le dispositif de la décision attaquée, il y a lieu de considérer que c’est à bon droit que les requérantes reprochent à la Commission d’avoir conclu à leur participation à l’infraction constatée, sur le territoire des Pays-Bas.

331    En deuxième lieu, s’agissant du marché autrichien, il ressort du considérant 868 de la décision attaquée que la Commission s’est fondée sur l’existence, premièrement, d’un accord de distribution des produits des requérantes entre ces dernières et Laufen Austria sur le marché autrichien, deuxièmement, de flux commerciaux entre les États membres concernés par l’infraction et, troisièmement, d’un système de tarification central pratiqué par les requérantes.

332    Le Tribunal estime que, bien que ces deux derniers critères présentent une certaine pertinence aux fins de qualifier les pratiques en cause d’infraction unique et continue, ils ne sauraient suffire pour rapporter la preuve de la participation des requérantes à une telle infraction. En outre, le Tribunal estime que le premier critère retenu par la Commission, à savoir l’existence d’un accord de distribution des produits des requérantes entre ces dernières et Laufen Austria sur le marché autrichien, repose sur une simple spéculation de la part de la Commission quant à ses effets éventuels sur ce marché. En effet, force est de relever que cette appréciation n’est étayée par aucun élément de preuve susceptible de démontrer que ledit accord de distribution a permis aux requérantes de participer à l’infraction constatée, sur le territoire de l’Autriche ou, à tout le moins, d’avoir connaissance de ladite infraction.

333    Au regard des considérations qui précèdent, il y a lieu de considérer que c’est à bon droit que les requérantes reprochent à la Commission d’avoir conclu à leur participation à l’infraction constatée sur le territoire de l’Autriche.

334    En troisième lieu, s’agissant du marché italien, il ressort du considérant 868 de la décision attaquée que la Commission s’est fondée sur l’existence, premièrement, d’une entreprise commune entre les requérantes et Laufen Austria, distribuant les produits des premières en Italie, deuxièmement, de flux commerciaux importants entre les États membres concernés par l’infraction et, troisièmement, d’un système de tarification central pratiqué par les requérantes.

335    Premièrement, de nouveau, le Tribunal estime que, bien que ces deux derniers critères présentent une certaine pertinence aux fins de qualifier les pratiques en cause d’infraction unique et continue, ils ne sauraient suffire pour rapporter la preuve de la participation des requérantes à une telle infraction. En outre, il y a lieu de considérer que le premier critère retenu par la Commission, à savoir l’existence d’une entreprise commune entre les requérantes et Laufen Austria sur ce marché, repose de nouveau sur une simple spéculation de la part de la Commission quant à ses effets éventuels sur le marché. En effet, force est de relever que cette appréciation n’est étayée par aucun élément de preuve susceptible de démontrer que ladite entreprise commune aurait permis aux requérantes de participer à l’infraction constatée, sur le territoire de l’Italie, ou, à tout le moins d’avoir connaissance de ladite infraction. Partant, le constat de l’existence d’une telle entreprise commune ne saurait suffire pour démontrer, même en tenant compte des deux autres critères, la participation des requérantes à l’infraction en cause sur le marché italien.

336    Deuxièmement, il y a,tout d’abord, lieu de releverqu’il ressort des considérants 396 et 591, ainsi que de l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, que Laufen Austria n’a pas été tenue pour responsable de la participation à l’infraction en cause sur le marché italien. Ensuite, force est de constater que, au considérant 493 de la décision attaquée, la Commission n’a désigné ni les requérantes ni Laufen Austria, comme ayant été impliquées dans la coordination des hausses futures de prix de l’un des trois sous-groupes de produits en Italie.

337    Au regard des considérations qui précèdent, il y a lieu de considérer que c’est à bon droit que les requérantes reprochent à la Commission d’avoir conclu à leur participation à l’infraction constatée sur le territoire de l’Italie.

338    Il résulte de l’ensemble des considérations exposées aux points 174 à 338 ci-dessus que la Commission a commis une erreur d’appréciation en concluant à la participation des requérantes à l’infraction constatéesur les territoires de l’Autriche, de l’Italie et des Pays-Bas. Partant, l’article 1er de la décision attaquée, en ce qu’il y est conclu à la participation des requérantes à l’infraction constatéesur les territoires de l’Italie, de l’Autriche et des Pays-Bas, est entaché d’illégalité.En revanche, c’est à bon droit que la Commission a conclu à leur participation à ladite infractionsur les territoires de l’Allemagne, de la Belgique et de la France.

3.     Conclusion concernant les deuxième, troisième et quatrième moyens, examinés à la lumière du premier moyen

339    Au regard des conclusions tirées aux points 313, 325 et 338ci-dessus, il y a lieu d’accueillir partiellement les deuxième, troisième et quatrième moyens, examinés à la lumière du premier moyen, en ce que la Commission a commis une erreur d’appréciation en concluant que les requérantes ont participé à l’infraction constatéesur les territoires de l’Italie, de l’Autriche et des Pays-Bas. Lesdits moyens doivent être rejetés pour le surplus.

C –  Sur le sixième moyen, tiré d’une violation du droit d’être entendu, au regard de la durée de la procédure entre l’audition des requérantes et l’adoption de la décision attaquée

340    Les requérantes soutiennent, en substance, que la durée excessivement longue de la procédure administrative comprise entre leur audition du 12 au 14 novembre 2007 et l’adoption de la décision attaquée le 23 juin 2010, à savoir presque trois ans, viole l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux et leur droit d’être entendu.

341    La Commission conteste les arguments exposés par les requérantes.

342    À titre liminaire, il y a lieu de relever que les requérantes ne se prévalent pas d’une durée excessive de l’ensemble de la procédure administrative ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée. En effet, ainsi qu’elles l’ont confirmé en réponse à une question posée par le Tribunal lors de l’audience, il y a lieu d’interpréter le sixième moyen comme visant à démontrer que, au regard de la durée de ladite procédure entre leur audition et l’adoption de la décision attaquée, la Commission aurait violé leur droit d’être entendu.

343    À titre principal, premièrement, les requérantes soutiennent que, après l’écoulement de presque trois ans entre leur audition et l’adoption de la décision attaquée, les participants à ladite audition n’étaient plus en mesure de se souvenir de son contenu.

344    À cet égard, il y a lieu de relever que, ainsi que les requérantes l’ont confirmé en réponse à une question posée par le Tribunal lors de l’audience, il est constant que, d’une part, un procès-verbal de l’audition des requérantes a été établi et versé au dossier de la Commission et, d’autre part, conformément aux dispositions de l’article 14, paragraphe 8, du règlement (CE) n° 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO L 123, p. 18), leur audition a fait l’objet d’un enregistrement.

345    Or, il y a lieu de considérer quetant l’établissement d’un procès-verbal d’audition que l’enregistrement d’une audition ont notamment pour objet de figer les échanges intervenus lors de telles discussions. Ilsgarantissent ainsi, si nécessaire, que tout agent de la Commission impliqué dans le processus décisionnel en cause, qu’il ait participé ou non à ladite audition, pourra tenir compte des échanges intervenus à cette occasion, et ce de manière complète et fiable.

346    Deuxièmement, les requérantes font observer que les agents de la Commission ayant participé à la procédure administrative ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée ont tous été remplacés entre leur audition et l’adoption de la décision attaquée. Dès lors, elles allèguent que leur droit à l’audition aurait été privé de son effet utile dans la mesure où le remplacement total de l’équipe en charge de l’affaire entre leur audition et l’élaboration de la décision attaquée n’aurait pas permis de tenir compte de leur argumentation.

347    À cet égard, tout d’abord, il y a lieu de constater que les requérantes ne contestent pas avoir pu, lors de l’audition, conformément aux dispositions de l’article 12 du règlement n° 773/2004, développer leur argumentation.

348    Ensuite, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la modification de la composition d’une institution n’affecte pas la continuité de l’institution elle-même, dont les actes définitifs ou préparatoires conservent, en principe, tous leurs effets (voir arrêt du Tribunal du 17 décembre 2009, Solvay/Commission, T‑58/01, Rec. p. II‑4781, point 188, et la jurisprudence citée).

349    Par ailleurs, il n’existe aucun principe général du droit de l’Union imposant la continuité dans la composition de l’organe administratif saisi d’une procédure pouvant aboutir à une amende (voir arrêt Solvay/Commission, point 348supra, point 189, et la jurisprudence citée).

350    Enfin, ainsi que le Tribunal l’a déjà relevé au point 344ci-dessus, les requérantes ne contestent pas que leur audition a donné lieu à l’établissement d’un procès-verbal d’audition et a fait l’objet d’un enregistrement conformément à la réglementation applicable. Partant, de nouveau, force est de considérer quetoute personne habilitée à intervenir au sein de la Commission dans le cadre du processus décisionnel a pu, même si elle n’avait pas assisté à l’audition des requérantes, d’une part, prendre connaissance de leur argumentation développée à cette occasion et, d’autre part, en tenir compte.

351    Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que le sixième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

D –  Conclusion sur la demande d’annulation partielle de la décision attaquée

352    Il ressort de l’examen des six premiers moyens, sur lesquels se fonde la demande d’annulation partielle de la décision attaquée, que, d’une part, c’est à bon droit que la Commission a qualifié les pratiques en cause d’infraction unique et continue et a conclu à la participation des requérantes à ladite infractionsur les territoires de la Belgique, de l’Allemagne et de la France et, d’autre part, c’est à tort qu’elle a conclu à leur participation à la même infraction sur les territoires de l’Italie, de l’Autriche et des Pays‑Bas.

353    Partant, il y a lieu d’accueillir lesdits moyens, pour autant que la Commission a conclu à la participation à l’infraction constatée sur les territoires de l’Italie, de l’Autriche et des Pays-Bas,et de les rejeter pour le surplus.

354    S’agissant des conséquences à tirer au titre des conclusions, présentées à titre principal, tendant à l’annulation partielle de la décision attaquée en ce qu’elle concerne les requérantes, en premier lieu, il y a lieu de conclure que, s’agissant de l’article 1er, paragraphe 1, point 8, de la décision attaquée, dans lequel la Commission a conclu que les requérantes ont participé à l’infraction constatée sur les territoires de la Belgique, de l’Allemagne, de la France, de l’Italie, des Pays-Bas et de l’Autriche, il y a lieu d’annuler ledit article, pour autant que la conclusion qui y est tirée porte sur les territoires de l’Italie, de l’Autriche et des Pays-Bas.

355    En second lieu, s’agissant de l’article 2de la décision attaquée, premièrement, compte tenu de la conclusion tirée au point 354ci-dessus, d’où il ressort que les requérantes ont commis une infraction aux dispositions de l’article 101 TFUE, c’est à bon droit que, sur le fondement des dispositions de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 visé au considérant 1182 de la décision attaquée, la Commission a, à l’article 2, paragraphe 9, de ladite décision, décidé d’infliger une amende aux requérantes. Dans cette mesure, il y a donc lieu de rejeter les conclusions tendant à l’annulation partielle de la décision attaquée pour autant qu’elles visent l’article 2, paragraphe 9, de ladite décision.

356    Deuxièmement, pour autant que l’article 2, paragraphe 9, de la décision attaquée fixe le montant de l’amende à infliger aux requérantes, le Tribunal tirera les conséquences, s’agissant de la détermination dudit montant, des illégalités constatées au point338ci-dessus, dans le cadre de l’examen du deuxième chef de conclusions par lequel les requérantes demandent, à titre subsidiaire, de réduire le montant de l’amende qui leur a été infligée.

357    Il ressort des considérations figurant aux points 352à 356ci-dessus qu’il convient d’accueillir partiellement les conclusions présentées, à titre principal, tendant à l’annulation partielle de la décision attaquée.

III –  Sur les conclusions, présentées à titre subsidiaire, tendant à la réduction du montant de l’amende infligée aux requérantes

358    Compte tenu du deuxième chef de conclusions par lequel les requérantes demandent au Tribunal de réduire le montant de l’amende qui leur a été infligée, le Tribunal décide, au titre de sa compétence de pleine juridiction qu’il tire des dispositions de l’article 261 TFUE et de l’article 31 du règlement n° 1/2003, de substituer, s’agissant du calcul du montant de l’amende infligée aux requérantes, son appréciation à celle de la Commission (voir, en ce sens, arrêt KME e.a./Commission, point 42 supra, point 103, et la jurisprudence citée, et arrêt Romana Tabacchi/Commission, point 42 supra, point 265).

359    À cet égard, il convient de rappeler que, bien que les lignes directrices de 2006 ne préjugent pas de l’appréciation de l’amende par le juge de l’Union lorsque celui-ci statue en vertu de sa compétence de pleine juridiction (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 27 juillet 2005, Brasserie nationale e.a./Commission, T‑49/02 à T‑51/02, Rec. p. II‑3033, point 169), le Tribunal estime approprié, en l’espèce, de s’en inspirer pour recalculer le montant de l’amende, notamment en raison du fait qu’elles permettent de prendre en considération tous les éléments pertinents de l’espèce et d’imposer des amendes proportionnées à l’ensemble des entreprises ayant participé à l’infraction constatée.

360    À titre principal,s’agissant de la détermination du montant de l’amende infligée aux requérantes, le Tribunal examinera, dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, d’une part, les conséquences à tirerdes illégalités qui entachent la décision attaquéeet, d’autre part, les arguments additionnels que ces dernières avancent, visant à obtenir que le Tribunal réduise ledit montant.

A –  Sur les conséquences à tirer, s’agissant du montant de l’amende, des illégalités qui entachent la décision attaquée

361    Ainsi que le Tribunal l’a relevéau point 338ci-dessus, la décision attaquée est entachée d’illégalité en ce que la Commission a retenu laparticipation des requérantes à l’infraction constatéesur les territoires de l’Italie, de l’Autriche et des Pays-Bas.

362    D’emblée, il convient de relever que, ainsi que rapporté au point 21 ci-dessus, il ressort du considérant 1226 de la décision attaquée que, aux fins du calcul du montant de l’amende infligée aux requérantes, la Commission n’a pas tenu compte de leurs ventes en Italie, en Autriche et aux Pays-Bas, mais uniquement et à juste titre de leurs ventes sur les territoires de la Belgique, de l’Allemagne et de la France. Partant, il n’y a pas lieu de modifier le montant total des chiffres de ventes pris en compte par la Commission pour calculer le montant de l’amende qui leur a été infligée.

363    S’agissant des éventuelles conséquences à tirer de ladite illégalité quant à l’appréciation de la gravité de l’infraction constatée à laquelle les requérantes ont effectivement participé, il y a lieu de les examiner dans le cadre du huitième moyen, tiré d’erreurs de droit et d’appréciation qui entacheraient le calcul du montant de base de l’amende.

B –  Sur les arguments additionnels soulevés par les requérantes au soutien de leur demande, présentée à titre subsidiaire, de réduction du montant de l’amende

364    Il importe de rappeler que, dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, le Tribunal doit effectuer sa propre appréciation, en tenant compte de toutes les circonstances de l’espèce. Tout d’abord, cette appréciation doit se faire dans le respect des principes généraux du droit de l’Union, tels que le principe de proportionnalité (voir, en ce sens, arrêt Romana Tabacchi/Commission, point 42 supra, points 179 et 280) ou encore le principe d’égalité de traitement (arrêt de la Cour du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C‑125/07 P, C‑133/07 P, C‑135/07 P et C‑137/07 P, Rec. p. I‑8681, point 187).

365    En l’espèce, ainsi que le Tribunal l’a considéré au point58 ci-dessus, les huitième et neuvième moyens tendent, en substance, à obtenir une réduction du montant de l’amende infligée et sont respectivement pris, s’agissant du huitième moyen, d’erreurs de droit et d’appréciation qui entachent le calcul du montant de l’amende infligée aux requérantes et, s’agissant du neuvième moyen, d’une violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement au regard du montant de ladite amende.

1.     Sur le huitième moyen, tiré d’erreurs de droit et d’appréciation qui entacheraient le calcul du montant de base de l’amende infligée

366    Les requérantes soutiennent que, en substance, leur participation à l’infraction constatée est d’une gravité moindre par rapport à celle des autres participants. Or, en leur appliquant le même taux unique de 15 %,au titre du coefficient « gravité de l’infraction », afin de calculer le montant de base de l’amende, la Commission n’aurait pas tenu compte de cette circonstance.Partant, la méthode de calcul du montant de basede l’amende qui leur a été infligée ne respecterait pas les principes d’égalité de traitement et de personnalité des peines.

367    La Commission s’oppose aux arguments des requérantes.

368    Premièrement, s’agissant du coefficient « gravité de l’infraction », il y a tout d’abord lieu de considérerque, conformément aux principes dégagés aux points 79 à 82 de l’arrêt Commission/Verhuizingen Coppens, point 90supra, il convient d’apprécier le huitième moyen au regard des conclusions tirées aux points 352et 355ci-dessus. Il ressort desdites conclusions que, d’une part, c’est à bon droit que la Commission a qualifié les pratiques en cause d’infraction unique et continue et a conclu à la participation des requérantes à ladite infractionsur les territoires de la Belgique, de l’Allemagne et de la France et, d’autre part, c’est à tort qu’elle a conclu à leur participation à la même infraction sur les territoires de l’Italie, de l’Autriche et des Pays‑Bas.

369    Ensuite,il importe de souligner qu’il ne ressort nullement des éléments du dossier que les arrangements collusoires s’agissant des articles en céramique ont été moins intensifs que ceux s’agissant des articles de robinetterie et des enceintes de douche. Ainsi, en ce qui concerne tant les articles en céramique que les articles de robinetterie et des enceintes de douche, il convient de constater que la Commission disposait d’éléments de preuve démontrant à suffisance de droit que, sur ces trois marchés de produits, les fabricants d’installations sanitaires pour salles de bains ont participé à des restrictions de concurrence qui comptaient parmi les plus graves, à savoir la coordination des hausses annuelles de prix ainsi que la coordination des hausses de prix à l’occasion d’événements particuliers.

370    Enfin, et en tout état de cause, selon les paragraphes 21 à 23 des lignes directrices de 2006, la proportion de la valeur des ventes prise en compte, aux fins d’apprécier la gravité de l’infraction commise, est fixée à un niveau pouvant aller jusqu’à 30 %, en tenant compte d’un certain nombre de facteurs, tels que la nature de l’infraction, la part de marché cumulée de toutes les parties concernées, l’étendue géographique de l’infraction et la mise en œuvre ou non de l’infraction, étant entendu que les accords de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production comptent, par leur nature même, parmi les restrictions de concurrence les plus graves.

371    En l’espèce, compte tenu non seulement de la nature même de l’infraction à laquelle il est reproché aux requérantes d’avoir participé, à savoir principalement une coordination régulière des hausses de prix futures, mais aussi de sa portée géographique, sur le territoire de trois États membres, il y a lieu de considérer que cette infraction compte parmi les plus graves.

372    Or, compte tenu du fait que, en vertu du paragraphe 23 des lignes directrices de 2006, ces dernières restrictions justifient que soit retenue une proportion de la valeur des ventes en haut de l’échelle de 0 à 30 %, il y a lieu de considérer que la proportion retenue en l’espèce, à savoir 15 %, correspond à un minimum au regard de la nature de l’infraction en cause (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 16 juin 2011, Team Relocations/Commission, T‑204/08 et T‑212/08, Rec. p. II‑3569, points 94, 100 et 118).

373    Partant, le Tribunal estime qu’un taux de 15 %, au titre du coefficient « gravité de l’infraction », doit être considéré comme un montant approprié au regard des caractéristiques de l’infraction en cause.

374    Deuxièmement, s’agissant de la détermination du montant de base de l’amende infligée aux requérantes, ainsi que relevé au point 17ci-dessus, la Commission a fondé son calcul sur la valeur totale des ventes, par État membre,des sous-groupes de produits concernés, multipliée par le nombre d’années de participation à l’infraction dans chaque État membre (considérant 1197 de la décision attaquée). Par conséquent, force est constater que la Commission a veillé, conformément aux dispositions des lignes directrices de 2006, à tenir compte de ce que certaines entreprises, telles que les requérantes, exerçaient leurs activités, durant la période de leur participation à l’infraction constatée, sur des marchés géographiques et de produits limités.

375    Or, dans la mesure où, s’agissant des requérantes, d’une part, il est constant que la Commission n’a tenu compte que de leurs ventes en Allemagne, en Belgique et en France et, d’autre part, que, ainsi qu’il a été conclu au point 353ci-dessus, la Commission a rapporté la preuve de leur participation à une infraction unique et continue qui couvre le territoire de ces trois États membres, le Tribunal estime qu’il n’est pas opportun, au titre de sa compétence de pleine juridiction, de réduire le montant de l’amende qui leur a été infligée sur le fondement des arguments exposés au soutien du huitième moyen.

376    Au regard des considérations qui précèdent, c’est à tort que les requérantes soutiennent que la méthode de calcul du montantde base de l’amende qui leur a été infligée ne respecte pas les principes d’égalité de traitement et de personnalité des peines. Partant, il y a lieu de rejeter le huitième moyen.

2.     Sur le neuvième moyen, tiré du caractère disproportionné et inégalitaire du montant final de l’amende infligée

377    Les requérantes soutiennent, en substance, que, en leur infligeant une amende équivalente à 10 % du chiffre d’affaires annuel du groupe, la Commission a retenu le montant maximal autorisé et, partant, n’a pas pu tenir compte de leur taille, de leurs ressources limitées, ainsi que de leur participation moins grave à l’infraction constatée par rapport aux autres entreprises concernées.

378    La Commission s’oppose aux arguments exposés par les requérantes.

379    À cet égard, il suffit de rappeler que, selon la jurisprudence constante, seul le montant final de l’amende infligée doit respecter le plafond de 10 % prévu à l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 1/2003 et que cette disposition n’interdit pas à la Commission de parvenir, au cours des différentes étapes du calcul du montant de l’amende, à un montant intermédiaire supérieur à cette limite, pour autant que le montant final de l’amende n’excède pas ladite limite (voir arrêt de la Cour du 12 juillet 2012, Cetarsa/Commission, C‑181/11 P, non encore publié au Recueil, point 80, et la jurisprudence citée).

380    Ainsi, s’il s’avère que, au terme du calcul, le montant final de l’amende doit être réduit à concurrence du montant dépassant ladite limite, le fait que certains facteurs tels que la gravité et la durée de l’infraction ne se répercutent pas de façon effective sur le montant de l’amende infligée n’est qu’une simple conséquence de l’application de cette limite audit montant final (voir arrêt Cetarsa/Commission, point 379supra, point 81, et la jurisprudence citée).

381    En effet, ladite limite vise à éviter que soient infligées des amendes dont il est prévisible que les entreprises, au vu de leur taille, telle que déterminée par leur chiffre d’affaires global, fût-ce de façon approximative et imparfaite, ne seront pas en mesure de s’acquitter (voir arrêt Cetarsa/Commission, point 379supra, point 82, et la jurisprudence citée).

382    Il s’agit donc d’une limite, uniformément applicable à toutes les entreprises et articulée en fonction de la taille de chacune d’elles, visant à éviter des amendes d’un montant excessif et disproportionné. Cette limite a ainsi un objectif distinct et autonome par rapport à celui des critères de gravité et de durée de l’infraction (voir arrêt Cetarsa/Commission, point 379supra, point 83, et la jurisprudence citée).

383    Ladite limite a comme seule conséquence possible que le montant de l’amende calculé sur la base de ces critères est réduit jusqu’au niveau maximal autorisé. Son application implique que l’entreprise concernée ne paie pas l’amende qui, en principe, serait due au titre d’une appréciation fondée sur lesdits critères (voir arrêt Cetarsa/Commission, point 379supra, point 84, et la jurisprudence citée).

384    Il résulte de la jurisprudence citée aux points 379à 383ci-dessus que c’est à tort que les requérantes se prévalent d’une violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement qui résulterait de l’application du plafondde 10 % aux fins de calculer le montant de l’amende qui leur a été infligée. Partant, il y a lieu de rejeter le neuvième moyen comme étant non fondé.

C –  Sur les conclusions présentées à titre subsidiaire,tendant à la réduction du montant de l’amende infligée aux requérantes

385    D’une part, le Tribunal estime, en vertu de sa compétence de pleine juridiction, qu’aucun des éléments invoqués à un quelconque titre par les requérantes dans la présente affaire, ni aucun motif d’ordre public, ne justifie qu’il fasse usage de ladite compétence, pour réduire le montant total de l’amende de 29 266 325 eurosà infliger aux requérantes.

386    D’autre part, il y a lieu de considérer que, compte tenu de l’ensemble des éléments avancés devant lui, une amende d’un montant total de 29 266 325 euros constitue, au regard de la durée et de la gravité de l’infraction à laquelle les requérantes ont participé, une sanction qui permet de réprimer, de manière appropriée et dissuasive, leur comportement anticoncurrentiel.

387    À la lumière de l’ensemble des considérations figurant aux points354, 355 et 356ci-dessus, il y a lieu, premièrement, d’annuler partiellement l’article 1er, paragraphe 1, point 8, de la décision attaquée, en ce que la Commission conclut à la participation des requérantes à l’infraction constatéesur les territoiresde l’Italie, de l’Autriche et des Pays-Bas et, deuxièmement, de rejeter le recours pour le surplus.

 Sur les dépens

388    Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs de conclusions.

389    Le recours ayant été partiellement accueilli, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que les requérantes supporteront les trois quarts de leurs propres dépens. La Commission supportera un quart des dépens exposés par les requérantes ainsi que ses propres dépens.

390    S’agissant des dépens exposés par le Conseil, il convient de rappeler que, en vertu des dispositions de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs dépens. Partant, le Conseil, en tant que partie intervenante, supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      L’article 1er, paragraphe 1, point 8, de la décisionC (2010) 4185 final de la Commission, du 23 juin 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39092 – Installations sanitaires pour salles de bains), est annulé pour autant que la Commission européenne y conclut que Duravit AG, Duravit BeLux SPRL/BVBA et Duravit SA ont participé à une infraction sur les territoires de l’Italie, de l’Autriche et des Pays-Bas.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Duravit AG, Duravit BeLux et Duravit SA supporteront les trois quarts de leurs dépens.

4)      La Commission supportera un quart des dépens exposés par Duravit AG, Duravit BeLux et Duravit SA, ainsi que ses propres dépens.

5)      Le Conseil de l’Union européenne supportera ses propres dépens.

Pelikánová

Jürimäe

Van der Woude

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 septembre 2013.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

I –  Sur les exceptions d’illégalité(septième moyen)

A –  Sur l’exception tirée de l’illégalité de l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1/2003

B –  Sur l’exception tirée de l’illégalité des lignes directrices de 2006

II –  Sur les conclusions, présentées à titre principal, tendant à l’annulation partielle de la décision attaquée

A –  Sur le cinquième moyen, examiné à la lumière du premiermoyen, tiré d’une erreur d’appréciation, au regard des règles de preuve, quant à la qualification de l’ensemble des pratiques en cause d’infraction unique et continue

1.  Rappel de jurisprudence

a)  S’agissant de la notion d’infraction unique et continue

b)  S’agissant desrègles de preuve applicables dans le cadre des procédures d’infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE

2.  S’agissant du grief pris d’erreurs d’appréciation commises par la Commission quant à la qualification des pratiques en cause d’infraction unique et continue

B –  Sur les deuxième, troisièmeet quatrième moyens, examinés à la lumière du premier moyen, tirés d’une violation des droits de la défense et, au regard des règles de preuve, de plusieurs erreurs d’appréciation commises par la Commission quant à la conclusion d’une participation des requérantes à l’infraction constatée

1.  Surle premier grief, pris d’une violation des droits de la défense en ce que la Commission n’aurait pas mentionné, dans la communication des griefs, certains griefs et éléments de preuve retenus contre les requérantes

a)  Sur les griefs prétendument non mentionnés dans la communication des griefs

b)  Sur les éléments de preuve prétendument non mentionnés dans la communication des griefs

2.  Sur le second grief, pris d’erreurs d’appréciation commises par la Commission quant à la conclusion de laparticipation des requérantes à l’infraction constatée

a)  Rappel de jurisprudence sur l’imputation à une entreprise de la responsabilité découlant de sa participation à une infraction unique et continue

b)  Sur la crédibilité de certains éléments de preuve retenus par la Commission

Sur la crédibilité des demandes de Masco et de Grohe tendant à bénéficier de la communication de 2002 sur la coopération

Sur la crédibilité de la demande d’Ideal Standard tendant à bénéficier de la communication de 2002 sur la coopération

Sur la crédibilité d’unfaisceau d’indices retenu par la Commission en présence d’une explication alternative

Sur la crédibilité d’un document établi par des grossistes en ce qui concerne les délais de transition des prix, communiqué par Masco

c)  Sur les éléments de preuve retenus s’agissant des agissements anticoncurrentiels en Allemagne

S’agissant des réunions de l’organisme de coordination IFS (deuxième moyen)

–  Sur les éléments de preuve relatifs aux réunions de l’organisme de coordination IFS des 14 janvier et 23 juin 1997, du 5 octobre 2000, du 20 novembre 2002et des 2 et 9 avril 2003

–  Sur les hausses de prix à l’occasion d’événements particuliers

–  Sur les échanges d’informations

S’agissant des réunions de l’association spécialisée FSKI (troisième moyen)

–  S’agissant de l’absence de participation des requérantes à une coordination régulière des hausses de prix lors des réunions de l’association spécialisée FSKI

–  S’agissant de l’absence de participation des requérantes à une coordination, à l’occasion d’événements particuliers, des hausses de prix lors des réunions de l’association spécialisée FSKI

–  S’agissant de l’absence de participation des requérantes à des échanges illégaux d’informations lors des réunions de l’association spécialisée FSKI

Conclusion s’agissant de la participation des requérantes à l’infraction constatée sur le territoire de l’Allemagne

d)  Sur les éléments de preuve retenus s’agissant des agissements anticoncurrentiels en France et en Belgique (quatrième moyen)

e)  Sur les éléments de preuve retenus s’agissant des agissements anticoncurrentiels en Autriche, en Italie et aux Pays-Bas

3.  Conclusion concernant les deuxième, troisième et quatrième moyens, examinés à la lumière du premier moyen

C –  Sur le sixième moyen, tiré d’une violation du droit d’être entendu, au regard de la durée de la procédure entre l’audition des requérantes et l’adoption de la décision attaquée

D –  Conclusion sur la demande d’annulation partielle de la décision attaquée

III –  Sur les conclusions, présentées à titre subsidiaire, tendant à la réduction du montant de l’amende infligée aux requérantes

A –  Sur les conséquences à tirer, s’agissant du montant de l’amende, des illégalités qui entachent la décision attaquée

B –  Sur les arguments additionnels soulevés par les requérantes au soutien de leur demande, présentée à titre subsidiaire, de réduction du montant de l’amende

1.  Sur le huitième moyen, tiré d’erreurs de droit et d’appréciation qui entacheraient le calcul du montant de base de l’amende infligée

2.  Sur le neuvième moyen, tiré du caractère disproportionné et inégalitaire du montant final de l’amende infligée

C –  Sur les conclusions présentées à titre subsidiaire,tendant à la réduction du montant de l’amende infligée aux requérantes

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’allemand.