Language of document : ECLI:EU:C:2024:272

ORDONNANCE DU VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR

22 mars 2024 (*)

« Pourvoi – Intervention – Politique économique et monétaire – Mécanisme de résolution unique des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement – Décision d’adopter un dispositif de résolution – Société mère – Intérêt à la solution du litige »

Dans l’affaire C‑690/23 P(I),

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 57, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 16 novembre 2023,

Sberbank of Russia PAO, établie à Moscou (Russie), représentée par Mes M. Campa, M. Moretto, M. Pirovano, D. Rovetta et V. Villante, avvocati,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

MeSoFa Vermögensverwaltungs AG, anciennement Sber Vermögensverwaltungs AG, anciennement Sberbank Europe AG, établie à Vienne (Autriche),

partie demanderesse en première instance,

Commission européenne, représentée par MM. F. Erlbacher et D. Triantafyllou, en qualité d’agents,

Conseil de résolution unique (CRU), représenté par Mme H. Ehlers, MM. L. Forestier et J. Rius Riu, en qualité d’agents,

parties défenderesses en première instance,


LE VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR,

l’avocat général, M. M. Szpunar, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Sberbank of Russia PAO demande l’annulation de l’ordonnance de la présidente de la septième chambre du Tribunal de l’Union européenne du 19 octobre 2023, MeSoFa/Commission et CRU (T‑523/22, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2023:712), par laquelle celle-ci a rejeté sa demande d’intervention au soutien des conclusions de MeSoFa Vermögensverwaltungs AG, anciennement Sber Vermögensverwaltungs AG, anciennement Sberbank Europe AG (ci-après « MeSoFa »), partie demanderesse en première instance dans l’affaire T‑523/22.

 Les antécédents du litige

2        Les antécédents du litige sont exposés aux points 2 à 6 de l’ordonnance attaquée. Ils peuvent, pour les besoins de la présente procédure, être résumés comme suit.

3        À la date des faits pertinents, MeSoFa était un établissement de crédit établi en Autriche, sous la dénomination sociale « Sberbank Europe AG ». Sberbank Europe disposait de filiales établies dans des États membres de l’Union européenne ainsi que dans des pays tiers et formait avec elles un groupe (ci-après le « groupe Sberbank Europe »). Parmi ces filiales figurait Sberbank banka d.d. (ci-après « Sberbank Slovénie »), un établissement de crédit établi en Slovénie dont Sberbank Europe détenait 99,99 % des actions.

4        À la suite d’une détérioration de la situation de liquidité de Sberbank Europe et de Sberbank Slovénie, le Conseil de résolution unique (CRU) a arrêté la décision SRB/EES/2022/20, du 1er mars 2022, relative à l’adoption d’un dispositif de résolution à l’égard de Sberbank Slovénie, conformément à l’article 18, paragraphe 6, du règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1, ci-après la « décision litigieuse »).

5        Le 1er mars 2022, la Commission européenne a adopté la décision (UE) 2022/947, approuvant le dispositif de résolution à l’égard de Sberbank banka d.d. (JO 2022, L 164, p. 63).

 La procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

6        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 août 2022, MeSoFa a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

7        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 22 décembre 2022, Sberbank of Russia a demandé à intervenir dans l’affaire T‑523/22 au soutien des conclusions de MeSoFa.

8        Par l’ordonnance attaquée, la présidente de la septième chambre du Tribunal a rejeté cette demande d’intervention, au motif que Sberbank of Russia n’avait pas établi qu’elle avait un intérêt à la solution du litige pendant devant le Tribunal.

9        Aux points 26 et 27 de cette ordonnance, la présidente de la septième chambre du Tribunal a estimé que, dans la mesure où Sberbank of Russia n’était pas actionnaire de Sberbank Slovénie, cette première société n’était pas fondée à soutenir que la décision litigieuse et la décision 2022/947 (ci-après, ensemble, les « décisions de résolution ») affectaient le droit de Sberbank of Russia de disposer des actifs de Sberbank Slovénie, de percevoir des dividendes de cet établissement de crédit et de participer à sa gestion.

10      La présidente de la septième chambre du Tribunal a également constaté, au point 28 de ladite ordonnance, que, étant donné que les décisions de résolution ne concernaient pas Sberbank Europe, les droits dont disposait Sberbank of Russia en tant qu’actionnaire de Sberbank Europe n’avaient pas non plus été affectés par ces décisions.

11      En outre, au point 29 de la même ordonnance, la présidente de la septième chambre du Tribunal a rejeté l’argument de Sberbank of Russia tiré de sa qualité de société mère ultime du groupe Sberbank Europe, au motif que le fait que Sberbank of Russia n’était pas actionnaire de Sberbank Slovénie excluait que les décisions de résolution puissent affecter, d’une quelconque manière, la position juridique de Sberbank of Russia.

12      Par ailleurs, au point 31 de l’ordonnance attaquée, la présidente de la septième chambre du Tribunal a relevé que Sberbank of Russia invoquait uniquement sa qualité de société mère ultime du groupe Sberbank Europe et a jugé que les intérêts de Sberbank of Russia, en cette qualité, se confondaient avec ceux de Sberbank Europe, qui est l’actionnaire de Sberbank Slovénie, de sorte qu’ils n’étaient affectés que de manière indirecte par la décision litigieuse et, à titre plus général, par la solution du litige dans l’affaire T‑523/22.

 Les conclusions des parties

13      Sberbank of Russia demande à la Cour :

–        d’annuler l’ordonnance attaquée ;

–        d’accueillir sa demande d’intervention dans l’affaire T‑523/22 au soutien des conclusions de MeSoFa, et

–        de condamner le CRU aux dépens des deux instances.

14      La Commission demande à la Cour :

–        de rejeter l’exception d’illégalité soulevée par Sberbank of Russia comme étant irrecevable ou, en tout état de cause, comme étant non fondée ;

–        de rejeter le pourvoi, et

–        de condamner Sberbank of Russia aux dépens.

15      Le CRU demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi et

–        de condamner Sberbank of Russia aux dépens.

 Sur le pourvoi

16      À l’appui de son pourvoi, Sberbank of Russia présente deux moyens tirés, le premier, d’erreurs de droit dans l’application de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et, le second, d’erreurs de droit et de dénaturation des faits en ce qui concerne l’appréciation du caractère direct des effets de la décision litigieuse sur la position juridique de Sberbank of Russia.

 Sur le premier moyen

 Argumentation

17      Par la première branche de son premier moyen, Sberbank of Russia soutient que la présidente de la septième chambre du Tribunal a interprété de manière erronée la notion d’« intérêt à la solution du litige », au sens de l’article 40 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

18      D’une part, elle aurait assimilé, à tort, cette notion avec la première des deux conditions relatives à la qualité pour agir prévues à l’article 263 TFUE, en subordonnant l’admission de l’intervention à l’existence d’un intérêt direct à la solution du litige. D’autre part, elle aurait ajouté une condition à celles énoncées à cet article 40, en exigeant que l’issue du litige soit de nature à modifier la position juridique du demandeur en intervention.

19      Or, si cette interprétation dudit article 40 correspondrait à celle retenue par la Cour dans sa jurisprudence constante, elle emporterait une restriction excessive du droit à une protection juridictionnelle effective, consacré à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et ne serait pas fidèle à la volonté des auteurs des traités.

20      Par la deuxième branche de son premier moyen, Sberbank of Russia fait valoir que la présidente de la septième chambre du Tribunal a commis une erreur de droit, au point 26 de l’ordonnance attaquée, en ne reconnaissant pas la capacité de Sberbank of Russia, en tant que société mère ultime du groupe Sberbank Europe, de disposer des actifs de Sberbank Slovénie et de participer à la gestion de cette dernière, par l’intermédiaire de Sberbank Europe. En outre, l’interprétation du droit de propriété retenue au point 27 de cette ordonnance serait erronée, dès que les droits de propriété de Sberbank of Russia s’étendraient à l’ensemble du groupe Sberbank Europe, y compris à Sberbank Slovénie. La décision litigieuse aurait donc affecté la position juridique de Sberbank of Russia en la privant de sa propriété sur sa filiale slovène et en dépréciant les actifs dont elle dispose.

21      Par la troisième branche de son premier moyen, Sberbank of Russia soutient que la présidente de la septième chambre du Tribunal a omis, à tort, de tenir compte des arguments présentés dans la demande d’intervention en ce qui concerne un plan de résolution adopté par le CRU en 2021 (ci‑après le « plan de 2021 ») et la participation active de Sberbank of Russia à la préparation de ce plan.

22      Par la quatrième branche de son premier moyen, Sberbank of Russia avance, à titre subsidiaire, que, dans l’hypothèse où la Cour confirmerait l’interprétation de l’article 40 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne retenue dans l’ordonnance attaquée, cette disposition devrait être écartée comme étant illégale, en tant qu’elle assurerait une protection insuffisante aux personnes ayant un intérêt à l’issue d’un litige et priverait de son effet utile le mécanisme de l’intervention que prévoit cette disposition. La plupart des systèmes juridiques des États membres prévoiraient d’ailleurs un mécanisme d’intervention dont peuvent bénéficier toutes les personnes ayant un intérêt caractérisé à l’issue du litige.

23      La Commission estime que le premier moyen doit être rejeté comme étant, pour partie, irrecevable et, pour partie, non fondé. Le CRU soutient que le premier moyen doit être écarté comme étant non fondé.

 Appréciation

24      S’agissant, en premier lieu, de la première branche du premier moyen, il y a lieu de souligner que, conformément à l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, toute personne peut intervenir devant les juridictions de l’Union si elle peut justifier d’un intérêt à la solution du litige soumis à l’une d’entre elles.

25      Comme l’a rappelé la présidente de la septième chambre du Tribunal au point 18 de l’ordonnance attaquée, selon une jurisprudence constante de la Cour, la notion d’« intérêt à la solution du litige », au sens de cet article 40, deuxième alinéa, doit se définir au regard de l’objet même du litige et s’entendre comme étant un intérêt direct et actuel au sort réservé aux conclusions elles-mêmes, et non comme un intérêt par rapport aux moyens ou aux arguments soulevés. En effet, les termes « solution du litige » renvoient à la décision finale demandée, telle qu’elle serait consacrée dans le dispositif de l’arrêt à intervenir [ordonnance du vice-président de la Cour du 22 février 2022, Fastweb/Commission, C‑649/21 P(I), EU:C:2022:171, point 35 et jurisprudence citée].

26      Ainsi qu’il ressort des points 19 à 21 de l’ordonnance attaquée, il convient de vérifier notamment que le demandeur en intervention est touché directement par l’acte attaqué et que son intérêt à l’issue du litige est certain. En principe, un intérêt à la solution du litige ne saurait être considéré comme suffisamment direct que dans la mesure où cette solution est de nature à modifier la position juridique du demandeur en intervention. Par ailleurs, une distinction doit être faite entre les demandeurs en intervention justifiant d’un intérêt direct au sort réservé aux conclusions présentées par les parties dans le cadre de la procédure dans laquelle ils souhaitent intervenir et ceux qui ne justifient que d’un intérêt indirect à la solution du litige en raison de similarités entre leur situation et celle de l’une des parties [voir, en ce sens, ordonnance du vice-président de la Cour du 22 février 2022, Fastweb/Commission, C‑649/21 P(I), EU:C:2022:171, points 36 et 37 ainsi que jurisprudence citée].

27      S’il n’est pas contesté que l’interprétation de l’article 40 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne adoptée par la présidente de la septième chambre du Tribunal dans l’ordonnance attaquée correspond à celle qui a été retenue dans la jurisprudence constante rappelée aux points 25 et 26 de la présente ordonnance, Sberbank of Russia invite néanmoins la Cour à s’écarter de cette interprétation.

28      À cet égard, d’une part, il convient de relever que l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne vise à garantir qu’une décision d’une juridiction de l’Union affectant les intérêts d’un tiers ne pourra pas intervenir sans que celui-ci ait disposé de la possibilité d’exposer sa position quant à cette décision.

29      Pour autant, dans l’intérêt de la bonne administration de la justice, cette disposition doit être interprétée de manière à éviter une multiplicité d’interventions individuelles qui compromettraient l’efficacité et le bon déroulement de la procédure [voir, en ce sens, ordonnances du président de la Cour du 17 juin 1997, National Power et PowerGen/Commission, C‑151/97 P(I) et C‑157/97 P(I), EU:C:1997:307, point 66, ainsi que du 6 avril 2006, An Post/Deutsche Post et Commission, C‑130/06 P(I), EU:C:2006:248, point 11].

30      Or, la distinction entre les demandeurs en intervention ayant un intérêt direct à l’issue du litige et ceux ayant uniquement un intérêt indirect à cette issue permet d’assurer la réalisation de l’objectif poursuivi par ladite disposition, tout en évitant que l’admission à intervenir de tiers ayant, tout au plus, un rapport ténu avec la procédure en cause ne puisse nuire au bon déroulement de celle-ci (voir, en ce sens, ordonnance du 15 novembre 1993, Scaramuzza/Commission, C‑76/93 P, EU:C:1993:881, points 10 et 11).

31      Dès lors, la circonstance, dont se prévaut Sberbank of Russia, que la recevabilité d’un recours en annulation soit subordonnée à l’existence d’un intérêt direct à l’annulation de la décision attaquée n’est pas de nature à remettre en cause l’interprétation de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne exposée aux points 25 et 26 de la présente ordonnance.

32      D’autre part, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 26 de la présente ordonnance, l’exigence selon laquelle l’admission d’une demande d’intervention suppose que la solution du litige en cause soit de nature à modifier la position juridique du demandeur en intervention constitue non pas une condition supplémentaire s’ajoutant à celle prévue à l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, mais uniquement un élément de la définition de la notion d’« intérêt à la solution du litige », au sens de cette disposition.

33      Par ailleurs, dans la mesure où Sberbank of Russia invoque l’article 47 de la charte des droits fondamentaux pour appuyer l’interprétation qu’elle propose de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, il importe de rappeler que la reconnaissance du droit à un recours effectif prévu à cet article 47, dans un cas d’espèce donné, suppose que la personne qui l’invoque se prévale de droits ou de libertés garantis par le droit de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du 22 février 2022, RS (Effet des arrêts d’une cour constitutionnelle), C‑430/21, EU:C:2022:99, point 34 et jurisprudence citée].

34      Dès lors, ledit article 47 ne saurait impliquer qu’une personne qui n’est pas partie à un litige faisant l’objet d’une procédure devant une juridiction de l’Union soit nécessairement admise à intervenir dans cette procédure lorsque l’issue de ce litige n’est pas, en tant que telle, susceptible d’avoir des conséquences pour les droits et les obligations de cette personne.

35      Il s’ensuit que Sberbank of Russia n’a pas établi que les points 18 à 21 de l’ordonnance attaquée sont entachés d’une erreur de droit et qu’il y a donc lieu de rejeter la première branche du premier moyen comme étant non fondée.

36      En deuxième lieu, en ce qui concerne la deuxième branche du premier moyen, il n’est pas contesté que Sberbank of Russia était l’actionnaire unique de Sberbank Europe, dont Sberbank Slovénie constituait une filiale. Partant, Sberbank of Russia est certes fondée à soutenir qu’elle était en mesure d’exercer une certaine influence sur Sberbank Slovénie, par l’intermédiaire de Sberbank Europe.

37      Pour autant, cette influence procédait non pas d’un droit propre de Sberbank of Russia sur Sberbank Slovénie, mais bien, de manière indirecte, du droit de Sberbank of Russia de participer, en tant qu’actionnaire, à la gestion de Sberbank Europe.

38      Il s’ensuit que l’existence de ladite influence n’implique pas que la présidente de la septième chambre du Tribunal a commis une erreur de qualification juridique des faits en jugeant, au point 26 de l’ordonnance attaquée, que Sberbank of Russia n’était pas titulaire du droit de disposer des actifs de Sberbank Slovénie, de percevoir des dividendes de cet établissement de crédit et de participer à sa gestion.

39      Dans ces conditions, il ne saurait pas non plus être considéré que Sberbank of Russia a démontré, en se prévalant de l’influence qu’elle pouvait avoir sur la gestion de Sberbank Slovénie, que l’appréciation, figurant au point 27 de cette ordonnance, selon laquelle Sberbank of Russia ne disposait pas de droits de propriété sur Sberbank Slovénie, est entachée d’une erreur de droit.

40      En outre, pour autant que la deuxième branche du premier moyen doit être comprise comme étant tirée de ce que la décision litigieuse est susceptible d’entraîner une dépréciation des actifs de Sberbank Europe détenus par Sberbank of Russia, il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’une atteinte, même importante, portée aux intérêts économiques et financiers des actionnaires d’une société qui est l’une des parties principales dans une affaire pendante devant le Tribunal ne saurait être considérée comme une atteinte directe portée aux intérêts de ces actionnaires, dès lors qu’elle ne modifie pas la position juridique de ceux-ci [voir, en ce sens, ordonnance du vice-président de la Cour du 6 octobre 2015, Cap Actions SNCM/Commission, C‑418/15 P(I), EU:C:2015:671, point 20 et jurisprudence citée].

41      En conséquence, la deuxième branche du premier moyen doit être écartée comme étant non fondée.

42      En troisième lieu, dès lors que, par la troisième branche de son premier moyen, Sberbank of Russia fait grief à la présidente de la septième chambre du Tribunal d’avoir omis de répondre à ses arguments tirés du plan de 2021 ou de sa participation active à la préparation de ce plan, il convient de rappeler, d’une part, que, dans le cadre du pourvoi, le contrôle de la Cour a pour objet, notamment, de vérifier si le Tribunal a répondu à suffisance de droit à l’ensemble des arguments invoqués par le requérant et, d’autre part, que le moyen tiré d’un défaut de réponse du Tribunal à des arguments invoqués en première instance revient, en substance, à invoquer une violation de l’obligation de motivation qui découle de l’article 36 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable au Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, de ce statut, et de l’article 117 du règlement de procédure du Tribunal [ordonnance du vice-président de la Cour du 17 août 2022, SJM Coordination Center/Magnetrol International et Commission, C‑4/22 P(I), EU:C:2022:626, point 19 ainsi que jurisprudence citée].

43      En l’espèce, ainsi que le souligne Sberbank of Russia, les motifs de l’ordonnance attaquée ne comportent pas d’appréciation des conséquences de l’issue du litige dans l’affaire T‑523/22 sur l’application du plan de 2021 ou sur la participation active de Sberbank of Russia à la préparation de ce plan.

44      Cependant, il ressort de la demande d’intervention de Sberbank of Russia que cette dernière ne s’est pas explicitement prévalue, en première instance, de telles conséquences de la décision litigieuse.

45      Partant, il ne saurait être valablement reproché à la présidente de la septième chambre du Tribunal de ne pas avoir pris position, dans l’ordonnance attaquée, sur ces conséquences.

46      Il s’ensuit que la troisième branche du premier moyen doit être rejetée comme étant non fondée.

47      En ce qui concerne, en quatrième lieu, l’exception d’illégalité soulevée à titre subsidiaire par Sberbank of Russia, il convient, en tout état de cause, de rappeler que, conformément à l’article 256, paragraphe 1, TFUE, à l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et à l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure de la Cour, un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt ou de l’ordonnance dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande [ordonnance du vice-président de la Cour du 24 mai 2022, Puigdemont i Casamajó e.a./Parlement et Espagne, C‑629/21 P(R), EU:C:2022:413, point 106].

48      Or, le pourvoi ne comporte aucune précision quant aux dispositions de droit de l’Union sur lesquelles est fondée l’exception d’illégalité qui constitue la quatrième branche du premier moyen.

49      Il s’ensuit que cette quatrième branche doit être rejetée comme étant irrecevable et, en conséquence, que le premier moyen doit être écarté dans son ensemble.

 Sur le second moyen

 Argumentation

50      Par la première branche de son second moyen, Sberbank of Russia fait valoir que la décision litigieuse produit directement des effets sur sa position juridique, notamment sur son droit, par l’intermédiaire de Sberbank Europe, de participer à la gestion de Sberbank Slovénie et de décider de la stratégie à suivre au niveau du groupe Sberbank Europe.

51      Ainsi, la décision litigieuse aurait privé Sberbank of Russia de son droit de céder l’ensemble des actifs du groupe Sberbank Europe, puisqu’elle aurait exclu l’adoption d’un dispositif de résolution au niveau de ce groupe, alors qu’une telle adoption aurait été envisagée dans le plan de 2021. Les motifs de cette décision évoqueraient d’ailleurs ce plan et indiqueraient que l’adoption d’un dispositif de résolution de Sberbank Europe n’est pas nécessaire au regard de la possibilité de mettre en œuvre des mesures de résolution séparées au niveau de ses filiales.

52      Par la deuxième branche de son second moyen, Sberbank of Russia soutient que les motifs énoncés aux points 26 à 28 de l’ordonnance attaquée sont entachés d’une erreur de droit et d’une dénaturation des faits. D’une part, en empêchant Sberbank of Russia de disposer de l’ensemble des actifs de Sberbank Europe et de ses filiales, la décision litigieuse affecterait négativement son droit de définir la stratégie du groupe Sberbank Europe, lequel serait l’expression du droit de propriété et de la liberté d’entreprise de Sberbank of Russia. D’autre part, étant donné que cet effet de la décision litigieuse découlerait directement du libellé de cette décision, la présidente de la septième chambre du Tribunal aurait jugé à tort qu’il incombait à Sberbank of Russia de démontrer que ladite décision aurait eu un tel effet et qu’elle avait ainsi porté atteinte à sa liberté d’entreprise.

53      Par la troisième branche de son second moyen, Sberbank of Russia avance que la présidente de la septième chambre du Tribunal a commis une erreur de droit en appliquant par analogie, aux points 26 et 27 de l’ordonnance attaquée, l’arrêt du 5 novembre 2019, BCE e.a./Trasta Komercbanka e.a. (C‑663/17 P, C‑665/17 P et C‑669/17 P, EU:C:2019:923). En effet, alors que la décision litigieuse aurait modifié la position juridique de Sberbank of Russia, la décision en cause dans cet arrêt n’aurait pas eu un tel effet sur la position juridique des actionnaires de l’entreprise visée par ledit arrêt.

54      Par la quatrième branche de son second moyen, Sberbank of Russia fait valoir que la présidente de la septième chambre du Tribunal a commis une erreur de droit et une dénaturation des faits en affirmant, au point 28 de cette ordonnance, que les décisions de résolution ne concernaient pas Sberbank Europe et n’affectaient aucun droit dont dispose Sberbank of Russia à l’égard de Sberbank Europe. En effet, cette affirmation ne tiendrait pas compte du fait que la décision litigieuse a privé Sberbank Europe des actions de Sberbank Slovénie dont elle était propriétaire.

55      Par la cinquième branche de son second moyen, Sberbank of Russia critique l’appréciation, figurant au point 29 de ladite ordonnance, selon laquelle le fait qu’elle n’est pas actionnaire de Sberbank Slovénie empêche de considérer que la décision litigieuse puisse affecter sa position juridique. Elle estime ainsi que la présidente de la septième chambre du Tribunal aurait dû écarter cette appréciation, dès lors que cette décision empêche Sberbank of Russia de disposer de l’ensemble des actifs du groupe Sberbank Europe.

56      Par la sixième branche de son second moyen, Sberbank of Russia conteste le bien-fondé du point 31 de la même ordonnance. Il serait en effet erroné de considérer que la décision litigieuse affecte uniquement les intérêts économiques de Sberbank of Russia et que les intérêts de cette dernière se confondent avec ceux de Sberbank Europe, alors que cette décision produirait des effets négatifs de nature économique sur Sberbank of Russia et que Sberbank Europe serait en liquidation.

57      La Commission et le CRU soutiennent que le second moyen doit être écarté comme étant non fondé.

 Appréciation

58      En premier lieu, d’une part, dans la mesure où la première branche du second moyen est fondée sur une atteinte supposée au droit de Sberbank of Russia de participer à la gestion de Sberbank Slovénie, il convient de rappeler qu’il ressort du point 38 de la présente ordonnance que la présidente de la septième chambre du Tribunal a considéré, sans commettre d’erreur de qualification juridique des faits, que Sberbank of Russia n’était pas titulaire d’un tel droit.

59      La première branche du second moyen doit donc être rejetée comme étant non fondée en tant qu’elle est tirée d’une atteinte supposée à ce droit.

60      D’autre part, l’argumentation présentée à l’appui des deux premières branches du second moyen repose, pour le reste, sur l’allégation selon laquelle la décision litigieuse prive Sberbank of Russia de son droit de disposer de l’ensemble des actifs du groupe Sberbank Europe ainsi que sur l’invocation d’une contradiction entre cette décision et le plan de 2021.

61      Or, il ressort de la jurisprudence de la Cour que permettre à une partie de soulever pour la première fois devant la Cour un moyen qu’elle n’a pas soulevé devant le Tribunal reviendrait à lui permettre de saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal. Dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est donc limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant les premiers juges [ordonnance du vice-président de la Cour du 22 février 2022, Fastweb/Commission, C‑649/21 P(I), EU:C:2022:171, point 30].

62      En l’espèce, dans sa demande d’intervention devant le Tribunal, Sberbank of Russia ne s’est pas prévalue de son droit de disposer de l’ensemble des actifs du groupe Sberbank Europe. En outre, cette demande ne comportait aucune référence au plan de 2021, aux mesures qui aurait dû être adoptées par Sberbank of Russia en application de ce plan ou encore aux rapports entre ledit plan et la décision litigieuse.

63      Il apparaît ainsi que les deux premières branches du second moyen invitent, pour partie, la Cour à se prononcer sur un moyen qui n’a pas été soulevé par Sberbank of Russia devant le Tribunal, tiré de ce que la demande d’intervention aurait dû être accueillie en tant que la décision litigieuse la privait de son droit de disposer de l’ensemble des actifs du groupe Sberbank Europe et impliquait une dégradation de sa position juridique par rapport à celle qui aurait été la sienne en vertu du plan de 2021.

64      Les deux premières branches du second moyen doivent, en conséquence, être rejetées comme étant irrecevables dans la mesure où celles-ci sont tirées d’une atteinte supposée au droit de Sberbank of Russia de disposer de l’ensemble des actifs du groupe Sberbank Europe ainsi que d’une contradiction entre la décision litigieuse et le plan de 2021.

65      Il s’ensuit que la première branche du second moyen doit être rejetée comme étant, pour partie, irrecevable ainsi que, pour partie, non fondée et que la deuxième branche de ce moyen doit être rejetée comme étant irrecevable.

66      En deuxième lieu, il convient de relever, en ce qui concerne la troisième branche du second moyen, que, au point 26 de l’ordonnance attaquée, la présidente de la septième chambre du Tribunal s’est bornée à constater que Sberbank of Russia n’était pas actionnaire de Sberbank Slovénie et qu’elle n’avait donc aucun droit de disposer des actifs de cet établissement de crédit, de percevoir des dividendes de celui-ci et de participer à sa gestion.

67      Or, Sberbank of Russia ne conteste pas le fait qu’elle n’est pas actionnaire de Sberbank Slovénie. En outre, si Sberbank of Russia avance qu’elle est en droit de disposer des actifs de Sberbank Slovénie et de participer à la gestion de cette dernière, il ressort du point 38 de la présente ordonnance que la présidente de la septième chambre du Tribunal a décidé, sans commettre d’erreur de qualification juridique des faits, que Sberbank of Russia n’était pas titulaire d’un tel droit.

68      Il en découle que la circonstance que la présidente de la septième chambre du Tribunal se serait référée à tort, au point 26 de l’ordonnance attaquée, aux points 110 et 111 de l’arrêt du 5 novembre 2019, BCE e.a./Trasta Komercbanka e.a. (C‑663/17 P, C‑665/17 P et C‑669/17 P, EU:C:2019:923), à la supposer établie, ne serait, en tout état de cause, pas de nature à démontrer que l’appréciation figurant à ce point 26 devrait être considérée comme étant erronée.

69      Partant, la troisième branche du second moyen doit être écartée comme étant inopérante.

70      En troisième lieu, s’agissant de la quatrième branche du second moyen, il est certes constant que les décisions de résolution emportent l’adoption d’un dispositif de résolution à l’égard de Sberbank Slovénie.

71      Cependant, contrairement à ce que soutient Sberbank of Russia, il ne saurait être considéré que, au point 28 de l’ordonnance attaquée, la présidente de la septième chambre du Tribunal a jugé que ces décisions étaient dépourvues de tout effet sur les droits dont était titulaire Sberbank Europe en tant qu’actionnaire de Sberbank Slovénie.

72      En effet, en vue de se prononcer sur la demande d’intervention introduite par Sberbank of Russia, la présidente de la septième chambre du Tribunal était appelée à se prononcer non pas sur les droits de Sberbank Europe, en tant qu’actionnaire de Sberbank Slovénie, mais sur ceux de Sberbank of Russia, en tant qu’actionnaire de Sberbank Europe.

73      Dans ce contexte, l’affirmation, figurant au point 28 de l’ordonnance attaquée, que les décisions de résolution « ne concernent pas Sberbank Europe » doit être comprise, au regard notamment de la précision selon laquelle cette dernière constitue une personne morale distincte de Sberbank Slovénie et de la seconde phrase de ce point 28, comme impliquant simplement que ces décisions ne portent pas directement sur la résolution de Sberbank Europe ou sur la gestion de cette dernière.

74      Il s’ensuit que la quatrième branche du second moyen repose sur une lecture erronée du point 28 de l’ordonnance attaquée et qu’elle doit, en conséquence, être écartée comme étant non fondée.

75      En quatrième lieu, la cinquième branche du second moyen étant tirée de ce que la présidente de la septième chambre du Tribunal a omis, à tort, de tenir compte du fait que la décision litigieuse empêche Sberbank of Russia de disposer de l’ensemble des actifs du groupe Sberbank Europe, celle-ci doit être rejetée comme étant irrecevable, eu égard au caractère nouveau de cet argument, ainsi qu’il ressort déjà des points 62 à 64 de la présente ordonnance.

76      En cinquième lieu, il convient de relever, s’agissant de la sixième branche du second moyen, que le motif figurant au point 31 de l’ordonnance attaquée, selon lequel les intérêts de Sberbank of Russia se confondent avec ceux de Sberbank Europe, présente un caractère surabondant, dès lors que, même si les intérêts de ces deux sociétés étaient effectivement distincts, cette circonstance ne serait pas de nature, en tant que telle, à établir que l’issue du litige dans l’affaire T‑523/22 est susceptible de modifier directement la position juridique de Sberbank of Russia.

77      Il s’ensuit que la sixième branche du second moyen doit être écartée comme étant inopérante.

78      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le second moyen et, partant, le pourvoi dans son ensemble.

 Sur les dépens

79      En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, celle-ci statue sur les dépens.

80      Conformément à l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

81      La Commission et le CRU ayant conclu à la condamnation de Sberbank of Russia et cette dernière ayant succombé dans son pourvoi, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens afférents à la présente procédure, ceux exposés par la Commission et par le CRU.


Par ces motifs, le vice-président de la Cour ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Sberbank of Russia PAO est condamnée à supporter, outre ses propres dépens afférents à la procédure de pourvoi, ceux exposés par la Commission européenne et par le Conseil de résolution unique (CRU).

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.