Language of document : ECLI:EU:C:2018:308

Affaire C82/16

K.A. e.a.

contre

Belgische Staat

(demande de décision préjudicielle,
introduite par le Raad voor Vreemdelingenbetwistingen)

« Renvoi préjudiciel – Contrôle aux frontières, asile, immigration – Article 20 TFUE – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Articles 7 et 24 – Directive 2008/115/CE – Articles 5 et 11 – Ressortissant d’un pays tiers faisant l’objet d’une interdiction d’entrée sur le territoire – Demande de séjour aux fins d’un regroupement familial avec un citoyen de l’Union européenne n’ayant jamais exercé sa liberté de circulation – Refus d’examiner la demande »

Sommaire – Arrêt de la Cour (grande chambre) du 8 mai 2018

1.        Procédure juridictionnelle – Procédure orale – Réouverture – Obligation de rouvrir la procédure orale pour permettre aux parties de déposer des observations sur des points de droit soulevés dans les conclusions de l’avocat général – Absence

(Art. 252, al. 2, TFUE ; règlement de procédure de la Cour, art. 83)

2.        Citoyenneté de l’Union – Dispositions du traité – Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres – Citoyen de l’Union n’ayant jamais exercé son droit de libre circulation – Droit de séjour dérivé des membres de sa famille, ressortissants d’un pays tiers – Ressortissant faisant l’objet d’une décision de retour, assortie d’une interdiction d’entrée, et ayant introduit une demande de séjour aux fins d’un regroupement familial – Pratique nationale ne prenant pas en considération une telle demande, en raison de l’interdiction d’entrée – Inadmissibilité

(Art. 20 TFUE)

3.        Contrôles aux frontières, asile et immigration – Politique d’immigration – Retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier – Directive 2008/115 – Décision de retour, assortie d’une interdiction d’entrée, prise à l’encontre d’un ressortissant, membre de la famille d’un citoyen de l’Union n’ayant jamais fait usage de son droit de libre circulation – Introduction d’une demande de séjour aux fins d’un regroupement familial – Pratique nationale ne prenant pas en considération une telle demande, en raison de l’interdiction d’entrée – Admissibilité

(Directive du Parlement européen et du Conseil 2008/115, art. 5 et 11)

4.        Citoyenneté de l’Union – Dispositions du traité – Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres – Citoyen de l’Union n’ayant jamais exercé son droit de libre circulation – Droit de séjour dérivé des membres de sa famille, ressortissants d’un pays tiers – Conditions d’octroi – Existence d’une relation de dépendance pouvant contraindre ledit citoyen à quitter le territoire de l’Union en cas de refus du droit de séjour – Critères d’appréciation

(Art. 20 TFUE ; charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 7 et 24, § 2)

5.        Citoyenneté de l’Union – Dispositions du traité – Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres – Citoyen de l’Union n’ayant jamais exercé son droit de libre circulation – Droit de séjour dérivé des membres de sa famille, ressortissants d’un pays tiers – Ressortissant faisant l’objet d’une décision de retour, assortie d’une interdiction d’entrée, et ayant introduit une demande de séjour aux fins d’un regroupement familial – Conditions d’octroi – Existence d’une relation de dépendance pouvant contraindre ledit citoyen à quitter le territoire de l’Union en cas de refus du droit de séjour – Moment de la naissance de cette relation de dépendance – Absence d’incidence sur le droit de séjour

(Art. 20 TFUE)

6.        Citoyenneté de l’Union – Dispositions du traité – Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres – Citoyen de l’Union n’ayant jamais exercé son droit de libre circulation – Droit de séjour dérivé des membres de sa famille, ressortissants d’un pays tiers – Ressortissant faisant l’objet d’une décision de retour, assortie d’une interdiction d’entrée, et ayant introduit une demande de séjour aux fins d’un regroupement familial – Conditions d’octroi – Existence d’une relation de dépendance pouvant contraindre ledit citoyen à quitter le territoire de l’Union en cas de refus du droit de séjour – Caractère définitif de l’interdiction d’entrée au moment de la demande de séjour – Absence d’incidence sur le droit de séjour

(Art. 20 TFUE)

7.        Citoyenneté de l’Union – Dispositions du traité – Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres – Citoyen de l’Union n’ayant jamais exercé son droit de libre circulation – Droit de séjour dérivé des membres de sa famille, ressortissants d’un pays tiers – Ressortissant faisant l’objet d’une décision de retour, assortie d’une interdiction d’entrée, et ayant introduit une demande de séjour aux fins d’un regroupement familial – Conditions d’octroi – Existence d’une relation de dépendance pouvant contraindre ledit citoyen à quitter le territoire de l’Union en cas de refus du droit de séjour – Motifs de l’interdiction d’entrée – Absence d’incidence sur le droit de séjour – Limite – Appréciation concrète d’une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour l’ordre public

(Art. 20 TFUE ; charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 7 et 24, § 2)

8.        Contrôles aux frontières, asile et immigration – Politique d’immigration – Retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier – Directive 2008/115 – Décision de retour, assortie d’une interdiction d’entrée, prise à l’encontre d’un ressortissant, membre de la famille d’un citoyen de l’Union n’ayant jamais fait usage de son droit de libre circulation – Introduction d’une demande de séjour aux fins d’un regroupement familial – Pratique nationale adoptant une nouvelle décision de retour sans prendre en compte les éléments familiaux mentionnés dans ladite demande de séjour – Inadmissibilité – Limite – Éléments pouvant être invoqués antérieurement par l’intéressé

(Directive du Parlement européen et du Conseil 2008/115, art. 5)

1.      Voir le texte de la décision.

(voir points 34-36)

2.      À titre liminaire, il importe, tout d’abord, d’indiquer que les situations en cause au principal concernent toutes le refus de l’autorité nationale compétente de prendre en considération une demande de séjour aux fins d’un regroupement familial, introduite en Belgique, par un ressortissant d’un pays tiers, membre de la famille d’un ressortissant belge, en tant que descendant, parent ou partenaire cohabitant légal de ce dernier, au motif que ledit ressortissant d’un pays tiers fait l’objet d’une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire. La juridiction de renvoi indique que, selon le droit national, les parties requérantes au principal doivent, en principe, introduire, dans leur pays d’origine, une demande de levée ou de suspension de l’interdiction d’entrée sur le territoire qui les frappe avant de pouvoir introduire valablement une demande de séjour aux fins d’un regroupement familial.

L’article 20 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une pratique d’un État membre consistant à ne pas prendre en considération une telle demande pour ce seul motif, sans qu’il ait été examiné s’il existe une relation de dépendance entre ce citoyen de l’Union et ce ressortissant d’un pays tiers d’une nature telle que, en cas de refus d’octroi d’un droit de séjour dérivé à ce dernier, ledit citoyen de l’Union serait, dans les faits, contraint de quitter le territoire de l’Union pris dans son ensemble et serait ainsi privé de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par son statut.

En effet, il serait contraire à l’objectif poursuivi par l’article 20 TFUE de contraindre le ressortissant d’un pays tiers à quitter, pour une durée indéterminée, le territoire de l’Union afin d’obtenir la levée ou la suspension de l’interdiction d’entrée sur ce territoire dont il fait l’objet sans qu’il ait été vérifié, au préalable, s’il n’existe pas, entre ledit ressortissant d’un pays tiers et le citoyen de l’Union, membre de sa famille, une relation de dépendance telle qu’elle contraindrait ce dernier d’accompagner le ressortissant d’un pays tiers dans son pays d’origine, alors même que, précisément en raison de cette relation de dépendance, un droit de séjour dérivé devrait, en principe, être reconnu audit ressortissant d’un pays tiers en vertu de l’article 20 TFUE.

À cet égard, la Cour a déjà constaté qu’il existe des situations très particulières dans lesquelles, en dépit du fait que le droit secondaire relatif au droit de séjour des ressortissants de pays tiers n’est pas applicable et que le citoyen de l’Union concerné n’a pas fait usage de sa liberté de circulation, un droit de séjour doit néanmoins être accordé à un ressortissant d’un pays tiers, membre de la famille dudit citoyen, sous peine de méconnaître l’effet utile de la citoyenneté de l’Union, si, comme conséquence du refus d’un tel droit, ce citoyen se voyait obligé, en fait, de quitter le territoire de l’Union pris dans son ensemble, en le privant ainsi de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par ce statut (voir, en ce sens, arrêts du 8 mars 2011, Ruiz Zambrano, C‑34/09, EU:C:2011:124, points 43 et 44, ainsi que du 10 mai 2017, Chavez-Vilchez e.a., C‑133/15, EU:C:2017:354, point 63). Toutefois, le refus d’accorder un droit de séjour à un ressortissant d’un pays tiers n’est susceptible de mettre en cause l’effet utile de la citoyenneté de l’Union que s’il existe, entre ce ressortissant d’un pays tiers et le citoyen de l’Union, membre de sa famille, une relation de dépendance telle qu’elle aboutirait à ce que ce dernier soit contraint d’accompagner le ressortissant d’un pays tiers en cause et de quitter le territoire de l’Union, pris dans son ensemble (voir, en ce sens, arrêts du 15 novembre 2011, Dereci e.a., C‑256/11, EU:C:2011:734, points 65 à 67 ; du 6 décembre 2012, O e.a., C‑356/11 et C‑357/11, EU:C:2012:776, point 56, ainsi que du 10 mai 2017, Chavez-Vilchez e.a., C‑133/15, EU:C:2017:354, point 69).

(voir points 39, 51, 52, 58, 62, disp. 2)

3.      La directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants d’un pays tiers en séjour irrégulier, en particulier ses articles 5 et 11, doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une pratique d’un État membre consistant à ne pas prendre en considération une demande de séjour aux fins d’un regroupement familial, introduite sur son territoire par un ressortissant d’un pays tiers, membre de la famille d’un citoyen de l’Union qui possède la nationalité de cet État membre et qui n’a jamais exercé sa liberté de circulation, au seul motif que ce ressortissant d’un pays tiers fait l’objet d’une interdiction d’entrée sur ledit territoire.

En particulier, aucune disposition de cette directive ne régit la manière dont doit être traitée une demande de séjour aux fins d’un regroupement familial introduite, comme dans les affaires au principal, après l’adoption d’une décision de retour assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire. En outre, le refus de prendre en considération une telle demande dans les circonstances décrites au point 27 du présent arrêt n’est pas susceptible de faire échec à l’application de la procédure de retour prévue par ladite directive.

(voir points 45, 46, disp. 1)

4.      L’article 20 TFUE doit être interprété en ce sens :

–        que lorsque le citoyen de l’Union est majeur, une relation de dépendance, de nature à justifier l’octroi, au ressortissant d’un pays tiers concerné, d’un droit de séjour dérivé au titre de cet article, n’est envisageable que dans des cas exceptionnels dans lesquels, eu égard à l’ensemble des circonstances pertinentes, la personne concernée ne pourrait, d’aucune manière, être séparée du membre de sa famille dont elle dépend ;

–        que lorsque le citoyen de l’Union est mineur, l’appréciation de l’existence d’une telle relation de dépendance doit être fondée sur la prise en compte, dans l’intérêt supérieur de l’enfant, de l’ensemble des circonstances de l’espèce, notamment, de son âge, de son développement physique et émotionnel, du degré de sa relation affective avec chacun de ses parents, ainsi que du risque que la séparation d’avec le parent ressortissant d’un pays tiers engendrerait pour son équilibre ; l’existence d’un lien familial avec ce ressortissant, qu’il soit de nature biologique ou juridique, n’est pas suffisante et une cohabitation avec ce dernier n’est pas nécessaire aux fins d’établir pareille relation de dépendance.

Plus particulièrement, pour apprécier le risque que l’enfant concerné, citoyen de l’Union, soit contraint de quitter le territoire de l’Union si son parent, ressortissant d’un pays tiers, se voyait refuser l’octroi d’un droit de séjour dérivé dans l’État membre concerné, il incombe à la juridiction de renvoi de déterminer, dans chaque affaire au principal, quel est le parent qui assume la garde effective de l’enfant et s’il existe une relation de dépendance effective entre celui-ci et le parent ressortissant d’un pays tiers. Dans le cadre de cette appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte du droit au respect de la vie familiale, tel qu’il est énoncé à l’article 7 de la Charte, cet article devant être lu en combinaison avec l’obligation de prendre en considération l’intérêt supérieur de l’enfant, reconnu à l’article 24, paragraphe 2, de la Charte (arrêt du 10 mai 2017, Chavez-Vilchez e.a., C‑133/15, EU:C:2017:354, point 70).

La circonstance que l’autre parent, lorsque celui-ci est citoyen de l’Union, est réellement capable de – et prêt à – assumer seul la charge quotidienne et effective de l’enfant constitue un élément pertinent, mais qui n’est pas à lui seul suffisant pour pouvoir constater qu’il n’existe pas, entre le parent ressortissant d’un pays tiers et l’enfant, une relation de dépendance telle que ce dernier serait contraint de quitter le territoire de l’Union si un droit de séjour était refusé à ce ressortissant d’un pays tiers. En revanche, le seul fait qu’il pourrait paraître souhaitable à un ressortissant d’un État membre, pour des raisons économiques ou afin de maintenir l’unité familiale sur le territoire de l’Union, que des membres de sa famille, qui ne disposent pas de la nationalité d’un État membre, puissent séjourner avec lui sur le territoire de l’Union, ne suffit pas en soi pour considérer que le citoyen de l’Union serait contraint de quitter le territoire de l’Union si un tel droit n’est pas accordé (voir, en ce sens, arrêts du 15 novembre 2011, Dereci e.a., C‑256/11, EU:C:2011:734, point 68, et du 6 décembre 2012, O e.a., C‑356/11 et C‑357/11, EU:C:2012:776, point 52).

(voir points 71, 72, 74, 76, disp. 2)

5.      L’article 20 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il est indifférent que la relation de dépendance invoquée par le ressortissant d’un pays tiers à l’appui de sa demande de séjour aux fins d’un regroupement familial soit née après l’adoption à son encontre d’une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire.

À cet égard, il convient de rappeler, d’une part, que le droit de séjour reconnu aux ressortissants de pays tiers, membres de la famille d’un citoyen de l’Union, en vertu de l’article 20 TFUE, est un droit de séjour dérivé, qui vise à protéger les libertés de circulation et de séjour du citoyen de l’Union, et, d’autre part, que c’est en raison de la relation de dépendance entre ce citoyen de l’Union et le membre de sa famille, ressortissant d’un pays tiers, au sens énoncé au point 52 du présent arrêt, que doit être reconnu à ce dernier un droit de séjour sur le territoire de l’État membre dont ledit citoyen de l’Union est ressortissant. Dans ces conditions, l’effet utile de la citoyenneté de l’Union serait méconnu si une demande de séjour aux fins d’un regroupement familial devait être automatiquement rejetée lorsqu’une telle relation de dépendance entre le citoyen de l’Union et le membre de sa famille, ressortissant d’un pays tiers, est née à un moment où ce dernier avait déjà fait l’objet d’une décision de retour assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire et se savait donc en séjour irrégulier. En effet, dans un tel cas, l’existence d’une telle relation de dépendance entre le citoyen de l’Union et le ressortissant d’un pays tiers, n’a, par hypothèse, pas pu être prise en compte lors de la décision de retour, assortie d’une interdiction d’entrée, dont ce dernier a fait l’objet.

(voir points 78, 79, 81, disp. 2)

6.      L’article 20 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il est indifférent que la décision d’interdiction d’entrée sur le territoire dont le ressortissant d’un pays tiers fait l’objet soit devenue définitive au moment où celui-ci introduit sa demande de séjour aux fins d’un regroupement familial.

À cet égard, ainsi qu’il ressort des points 57 à 61 du présent arrêt, l’effet utile de l’article 20 TFUE impose de lever ou de suspendre une telle interdiction d’entrée, même lorsqu’elle est devenue définitive, s’il existe, entre ledit ressortissant d’un pays tiers et le citoyen de l’Union, membre de sa famille, une relation de dépendance telle qu’elle justifie l’octroi à ce ressortissant d’un droit de séjour dérivé, au titre de cet article 20, sur le territoire de l’État membre concerné.

(voir points 83, 84, disp. 2)

7.      L’article 20 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il est indifférent que la décision d’interdiction d’entrée dont fait l’objet le ressortissant d’un pays tiers ayant introduit une demande de séjour aux fins d’un regroupement familial soit justifiée par le non-respect d’une obligation de retour ; lorsque des raisons d’ordre public ont justifié une telle décision, ces dernières ne peuvent conduire au refus d’octroi à ce ressortissant d’un pays tiers d’un droit de séjour dérivé au titre de cet article que s’il ressort d’une appréciation concrète de l’ensemble des circonstances de l’espèce, à la lumière du principe de proportionnalité, de l’intérêt supérieur du ou des éventuels enfants concernés et des droits fondamentaux, que l’intéressé représente une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour l’ordre public.

En ce qui concerne, premièrement, le non-respect de l’obligation de retour, il convient de relever qu’il est indifférent que l’interdiction d’entrée sur le territoire ait été adoptée pour un tel motif. En effet, pour les raisons exposées aux points 53 à 62 ainsi qu’aux points 79 et 80 du présent arrêt, un État membre ne peut refuser de prendre en considération une demande de séjour aux fins d’un regroupement familial, introduite sur son territoire par un ressortissant d’un pays tiers, au seul motif que, n’ayant pas respecté son obligation de retour, ce ressortissant séjourne irrégulièrement sur ledit territoire, sans avoir au préalable examiné s’il n’existe pas entre ce ressortissant d’un pays tiers et le citoyen de l’Union, membre de sa famille, une relation de dépendance telle qu’elle impose de reconnaître audit ressortissant un droit de séjour dérivé au titre de l’article 20 TFUE. En outre, il y a lieu de rappeler, d’une part, que le droit de séjour dans l’État membre d’accueil, reconnu par l’article 20 TFUE au ressortissant d’un pays tiers, membre de la famille d’un citoyen de l’Union, découle directement de cet article et ne suppose pas que le ressortissant d’un pays tiers dispose déjà d’un autre titre de séjour sur le territoire de l’État membre concerné et, d’autre part, que, le bénéfice de ce droit de séjour devant être reconnu audit ressortissant d’un pays tiers dès la naissance de la relation de dépendance entre ce dernier et le citoyen de l’Union, ce ressortissant ne peut plus être considéré, dès ce moment et tant que dure cette relation de dépendance, comme en séjour irrégulier sur le territoire de l’État membre concerné, au sens de l’article 3, point 2, de la directive 2008/115.

En ce qui concerne, deuxièmement, la circonstance que l’interdiction d’entrée sur le territoire découle de raisons d’ordre public, la Cour a déjà jugé que l’article 20 TFUE n’affecte pas la possibilité pour les États membres d’invoquer une exception liée, notamment, au maintien de l’ordre public et à la sauvegarde de la sécurité publique. En revanche, cette conclusion ne saurait être tirée de manière automatique sur la seule base des antécédents pénaux de l’intéressé. Cette appréciation doit ainsi notamment prendre en considération le comportement personnel de l’individu concerné, la durée et le caractère légal du séjour de l’intéressé sur le territoire de l’État membre concerné, la nature et la gravité de l’infraction commise, le degré de dangerosité actuel de l’intéressé pour la société, l’âge des enfants éventuellement en cause et leur état de santé, ainsi que leur situation familiale et économique (arrêts du 13 septembre 2016, Rendón Marín, C‑165/14, EU:C:2016:675, point 86, et du 13 septembre 2016, CS, C‑304/14, EU:C:2016:674, point 42).

(voir points 87-90, 93, 94, 97, disp. 2)

8.      L’article 5 de la directive 2008/115 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une pratique nationale en vertu de laquelle une décision de retour est adoptée à l’encontre d’un ressortissant d’un pays tiers, qui a déjà fait l’objet d’une décision de retour, assortie d’une interdiction d’entrée, encore en vigueur, sans que soient pris en compte les éléments de sa vie familiale, et notamment l’intérêt de son enfant mineur, mentionnés dans une demande de séjour aux fins d’un regroupement familial introduite après l’adoption d’une telle interdiction d’entrée, sauf lorsque de tels éléments auraient pu être invoqués antérieurement par l’intéressé.

Plus particulièrement, en application de l’article 5 de la directive 2008/115, intitulé « Non-refoulement, intérêt supérieur de l’enfant, vie familiale et état de santé », lorsque les États membres mettent en œuvre cette directive, ceux-ci doivent, d’une part, dûment tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, de la vie familiale et de l’état de santé du ressortissant concerné d’un pays tiers ainsi que, d’autre part, respecter le principe de non-refoulement (arrêt du 11 décembre 2014, Boudjlida, C‑249/13, EU:C:2014:2431, point 48). Il s’ensuit que, lorsque l’autorité nationale compétente envisage d’adopter une décision de retour, elle doit nécessairement respecter les obligations imposées par l’article 5 de la directive 2008/115 et entendre l’intéressé à ce sujet. À cet égard, il incombe à ce dernier de coopérer avec l’autorité nationale compétente lors de son audition afin de lui fournir toutes les informations pertinentes sur sa situation personnelle et familiale et, en particulier, celles pouvant justifier qu’une décision de retour ne soit pas prise (arrêt du 11 décembre 2014, Boudjlida, C‑249/13, EU:C:2014:2431, points 49 et 50).

Ce devoir de coopération loyale lui impose d’informer, dans les meilleurs délais, ladite autorité de toute évolution pertinente de sa vie familiale. Ainsi, lorsque, comme dans les affaires au principal, le ressortissant d’un pays tiers a déjà fait l’objet d’une décision de retour, et pour autant que, au cours de cette première procédure, il a pu faire valoir les éléments de sa vie familiale, qui existaient déjà à cette époque et qui fondent sa demande de séjour aux fins d’un regroupement familial, il ne saurait être reproché à l’autorité nationale compétente de ne pas tenir compte, au cours de la procédure de retour entamée ultérieurement, desdits éléments, lesquels auraient dû être invoqués par l’intéressé à un stade antérieur de la procédure.

(voir points 102, 103, 105-107, disp. 3)