Language of document : ECLI:EU:T:2022:671

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

26 octobre 2022 (*)

« Fonction publique – Agents temporaires – Exercice d’évaluation 2019 – Rapport d’évaluation – Procédure précontentieuse – Recevabilité – Obligation de motivation – Droits de la défense – Devoir de sollicitude – Responsabilité – Préjudice moral »

Dans l’affaire T‑298/20,

KD, représentée par Me S. Pappas, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. K. Tóth, en qualité d’agent, assisté de Me B. Wägenbaur, avocat,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé, lors des délibérations, de M. H. Kanninen (rapporteur), président, Mmes N. Półtorak et M. Stancu, juges,

greffier : M P. Cullen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 10 novembre 2021,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE et introduit le 22 mai 2020, la requérante, KD, demande, d’une part, l’annulation de son rapport d’évaluation pour l’exercice d’évaluation 2019 (ci-après le « rapport litigieux ») et, d’autre part, la réparation du préjudice moral qu’elle aurait subi.

I.      Antécédents du litige

2        Le 16 juillet 2015, la requérante est entrée au service de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) en tant qu’agent temporaire pour une période de cinq ans, en vertu de l’article 2, sous f), du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA »). Elle a été affectée au département « Académie » de l’EUIPO.

3        Le 15 février 2016, la requérante a été nommée cheffe d’équipe.

4        À partir de 2015, la requérante a connu des difficultés personnelles et des problèmes de santé. Ces derniers ont nécessité [confidentiel] (1). La requérante a aussi bénéficié d’un [confidentiel].

5        Au milieu de l’année 2019, la requérante s’est vu notifier un rapport de suivi de milieu d’année. Ce dernier indique notamment qu’elle « a atteint ses objectifs jusque T 2, à l’exception de la mise en œuvre de la banque de talents […] (en suspens pour cause de problèmes liés à la protection des données) et IPDentical (appel d’offres en cours) », qu’elle est « à l’aise dans le rôle de cheffe d’équipe » et qu’elle « a été très active et orientée sur les résultats pendant [le premier] semestre [de l’année 2019] ».

6        En juillet 2019, un dialogue s’est tenu entre la requérante et l’administration.

7        Le 3 février 2020, l’entretien d’évaluation de la requérante pour l’année 2019 a eu lieu.

8        Le 11 mars 2020, la requérante a reçu le rapport litigieux.

9        Le rapport litigieux commence par des rubriques intitulées « Informations générales », « Informations sur l’employé », « Dialogue d’évaluation » et « Observations sur les conditions de travail, y compris télétravail (si applicable) ». La rubrique suivante, intitulée « Évaluation des objectifs », « contient l’évaluation des résultats atteints, y compris la qualité des travaux réalisés et l’engagement du titulaire du poste et les [indicateurs clés de performance] fixés pour la période couverte par la présente évaluation ». Cette rubrique couvre des objectifs d’équipe, dont chacun est accompagné d’une description de la contribution individuelle de la requérante, des indicateurs clés de performance, du domaine stratégique concerné et de l’appréciation « Objectif atteint ». Parmi les indicateurs clés de performance de l’objectif intitulé « Mise en place des activités et projets définis et approuvés [plan stratégique 2020] et [programme de travail annuel] » figure notamment la mise en place, au premier trimestre, de la banque de talents. Suivent les « Observations générales sur les objectifs », dans le cadre desquelles il est indiqué que la requérante a « atteint la plupart des objectifs fixés », la mise en œuvre de la banque de talents ayant cependant été retardée en raison de problèmes de protection des données.

10      La rubrique suivante est intitulée « Conduite dans le service ». Cette rubrique indique que la requérante « [r]épond totalement aux attentes », « interagit bien avec ses collègues de manière directe, franche et honnête » et est « capable de réaliser quand un compromis est nécessaire ».

11      La rubrique qui suit, intitulée « Évaluation des compétences », contient l’« évaluation des compétences du titulaire du poste en lien avec les aptitudes exigées par son groupe de fonctions et grade ». Cette rubrique couvre neuf compétences. Pour chacune d’entre elles, le rapport litigieux mentionne le niveau requis, qui correspond à la note que l’EUIPO attend du titulaire du poste, et la note effectivement obtenue. L’échelle de notation de l’EUIPO compte plusieurs niveaux, dont « en développement » (1), « adéquat » (2) et « avancé » (3).

12      La requérante a obtenu la note requise de 3 pour six compétences. Pour une autre compétence, elle a obtenu une note de 3, supérieure à la note requise de 2. En revanche, pour les compétences « Hiérarchisation des priorités et organisation » et « Résilience », la requérante a obtenu la note de 2, alors que celle requise était de 3. Les « observations générales sur les compétences » expliquent qu’elle « écrit vite, clairement et correctement » et a un « niveau sérieux de connaissances dans le domaine académique et comprend les implications de ces connaissances au niveau de l’[EUIPO] ». Ces observations précisent, néanmoins, s’agissant de « sa hiérarchisation des priorités et [de son] organisation, [que,] à quelques occasions, il lui a été rappelé de respecter les échéances et d’anticiper ».

13      Les rubriques suivantes sont intitulées « Évaluation du programme de développement » et « Note d’évaluation générale ». Pour cette dernière, l’appréciation attribuée à la requérante est « CLR » ou « correspond au niveau requis pour le poste occupé », soit l’antépénultième niveau sur l’échelle de notation générale de six niveaux de l’EUIPO et un niveau satisfaisant au sens de l’article 43 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »). Cette note est suivie des « commentaires d’évaluation généraux du supérieur hiérarchique » suivants :

« Outre ce qui a été formulé lors du dialogue en juillet, et pendant le second semestre, [la requérante] a atteint ses objectifs. […] [La requérante] est une administratrice et doit être vue comme un modèle envers le personnel de l’Académie en démontrant les aptitudes adéquates, en anticipant les tâches, en s’efforçant constamment de maintenir et de délivrer un niveau élevé de prestations et en cherchant à améliorer la qualité en permanence. Dans ce contexte, et à quelques occasions, on a dû lui rappeler de respecter les échéances et de faire preuve de la proactivité dont elle est capable. »

14      Le 1er avril 2020, l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’« AHCC ») a notifié à la requérante sa décision de ne pas renouveler son contrat (ci-après la « décision de non-renouvellement »). Dans cette décision, l’AHCC a précisé avoir tenu compte du rapport litigieux.

II.    Conclusions des parties

15      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le rapport litigieux ;

–        condamner l’EUIPO au versement de la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice moral subi ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

16      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

A.      Sur la recevabilité

17      L’EUIPO invoque des fins de non-recevoir, d’une part, du recours dans son ensemble et, d’autre part, de l’argument pris d’une violation des droits de la défense que la requérante avance dans le cadre de la première branche du premier moyen.

1.      Sur la recevabilité du recours

18      Dans la duplique, l’EUIPO s’interroge quant à la recevabilité du présent recours, sans toutefois formellement soulever d’exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

19      L’EUIPO se demande si, avant de saisir le Tribunal du présent recours, la requérante n’aurait pas dû faire appel du rapport litigieux auprès de l’évaluateur d’appel, conformément à l’article 43 du statut et à l’article 7 de la décision C(2013) 8985 de la Commission, du 16 décembre 2013, relative aux dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut et aux modalités d’application de l’article 44, premier alinéa, du statut (ci-après les « DGE 43 »). En l’absence d’une telle obligation, deux normes différentes s’appliqueraient, à savoir, d’une part, une obligation de former un tel appel avant l’introduction d’une réclamation au sens de l’article 90 du statut et, d’autre part, l’absence d’une telle obligation en cas de saisine directe du Tribunal.

20      L’EUIPO fait aussi valoir que la justification de la faculté réservée aux fonctionnaires et agents de saisir directement le Tribunal d’un recours contre un rapport d’évaluation ne trouve pas à s’appliquer en présence d’une procédure d’appel interne telle que celle prévue par les DGE 43. L’introduction d’une réclamation n’apparaîtrait, en effet, pas comme un préalable nécessaire à l’introduction d’un recours contentieux dirigé contre un rapport d’évaluation, prévu à l’article 43 du statut, qui exprime l’opinion librement formulée des évaluateurs et non l’appréciation de l’AHCC. En revanche, l’appel interne serait, par définition, une étape procédurale faisant intervenir l’évaluateur d’appel et non l’AHCC.

21      En réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal et lors de l’audience, la requérante a, en substance, fait valoir que les DGE 43 ne subordonnaient pas la recevabilité de son recours à l’épuisement des voies de recours internes. Elle a ajouté que l’EUIPO ne pouvait, en tout état de cause, pas appliquer les DGE 43 sans violer l’article 110 du statut.

22      Il ressort d’une jurisprudence constante que, compte tenu de la nature du rapport d’évaluation prévu à l’article 43 du statut, qui exprime l’opinion librement formulée des évaluateurs, et non pas l’appréciation de l’autorité investie du pouvoir de nomination, l’introduction d’une réclamation formelle, au sens de l’article 90 du statut, n’est pas un préalable nécessaire à l’introduction d’un recours contentieux dirigé contre un tel acte. Un recours est dès lors ouvert à partir du moment où le rapport d’évaluation peut être considéré comme étant définitif (arrêts du 3 juillet 1980, Grassi/Conseil, 6/79 et 97/79, EU:C:1980:178, point 15, et du 23 septembre 2020, VE/AEMF, T‑77/18 et T‑567/18, non publié, EU:T:2020:420, point 47).

23      En l’espèce, il est constant entre les parties que le rapport litigieux est définitif. En effet, il ressort du dossier que la requérante n’a pas refusé ce rapport dans le délai de cinq jours ouvrables à compter de la date à laquelle elle a été invitée à le consulter, conformément à l’article 6, paragraphe 8, deuxième alinéa, des DGE 43.

24      L’EUIPO se demande néanmoins si la jurisprudence rappelée au point 22 ci-dessus est applicable dans une situation telle que celle de l’espèce, dans laquelle la requérante a décidé de ne pas recourir à la procédure d’appel interne prévue par les DGE 43, qui lui était pourtant ouverte.

25      L’article 43, premier alinéa, du statut, qui est applicable aux agents temporaires en vertu de l’article 15, paragraphe 2, du RAA, dispose :

« L’autorité investie du pouvoir de nomination de chaque institution arrête des dispositions prévoyant le droit de former, dans le cadre de la procédure de notation, un recours qui s’exerce préalablement à l’introduction d’une réclamation conformément à l’article 90, paragraphe 2. »

26      Ainsi qu’il a déjà été jugé et contrairement à ce que soutient en substance l’EUIPO, en prévoyant que l’appel interne doit s’exercer préalablement à l’introduction d’une réclamation, le Conseil, auteur du statut, n’a pas entendu ajouter une nouvelle condition de recevabilité des réclamations par rapport à celles prescrites à l’article 90, paragraphe 2, du statut, mais seulement préciser à quel stade de la procédure précontentieuse l’appel interne devait, à peine d’irrecevabilité, être présenté (arrêt du 18 mai 2009, Meister/OHMI, F‑138/06 et F‑37/08, EU:F:2009:48, point 139).

27      La réclamation n’étant pas un préalable nécessaire à l’introduction d’un recours juridictionnel (voir point 22 ci-dessus), il ne saurait a fortiori être considéré que le Conseil a ainsi entendu implicitement subordonner la recevabilité d’un tel recours à la formation d’un appel interne.

28      Une telle obligation ne saurait davantage être inférée du libellé des DGE 43, que l’EUIPO applique par analogie afin de mettre en œuvre l’article 43 du statut, conformément à l’article 110, paragraphe 2, deuxième alinéa, dudit statut. Les dispositions pertinentes des DGE 43 ne font même pas référence au recours dont l’intéressé pourrait saisir le Tribunal. L’article 7 des DGE 43 prévoit ainsi ce qui suit :

« 1. Le refus motivé du rapport par le titulaire de poste […] vaut automatiquement saisine de l’évaluateur d’appel […]

[…]

3. Dans un délai de vingt jours ouvrables à compter de la date du refus motivé du rapport et à la suite du dialogue prévu au paragraphe 2, l’évaluateur d’appel confirme le rapport ou le modifie en motivant sa décision.

[…]

4. À la suite de la décision de l’évaluateur d’appel, le rapport devient définitif […] »

29      Les considérations tenant à l’efficacité procédurale et aux justifications sous-tendant la jurisprudence visée au point 22 ci-dessus que l’EUIPO invoque dans ses écritures ne permettent pas davantage de mettre une telle obligation à la charge de l’intéressé. D’une part, interpréter les DGE 43 en ce sens qu’elles subordonnent la recevabilité d’un recours juridictionnel à une obligation de ce type aurait pour effet de restreindre le droit statutaire rappelé au point 22 ci-dessus d’attaquer devant le Tribunal un rapport d’évaluation sans épuiser préalablement des procédures internes (voir, en ce sens, arrêts du 1er décembre 1994, Schneider/Commission, T‑54/92, EU:T:1994:283, point 22, et du 18 mai 2009, Meister/OHMI, F‑138/06 et F‑37/08, EU:F:2009:48, point 140), contrevenant ainsi au principe selon lequel les institutions n’ont pas compétence pour déroger à un droit statutaire au moyen d’une disposition d’exécution (voir, en ce sens, arrêt du 4 mai 2005, Castets/Commission, T‑398/03, EU:T:2005:159, point 32).

30      D’autre part, elle reviendrait à subordonner le droit fondamental de la requérante à un recours effectif et à accéder à un tribunal indépendant à une condition qui ne ressort pas des textes applicables, ni d’une jurisprudence prévisible et accessible, et, partant, enfreindrait les articles 47 et 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne [voir, en ce sens, arrêt du 3 juillet 2019, PT/BEI, T‑573/16, EU:T:2019:481, point 135 (non publié)].

31      L’interprétation des DGE 43 que propose l’EUIPO ne peut donc qu’être écartée. Il s’ensuit que le présent motif d’irrecevabilité doit être rejeté, sans qu’il soit besoin d’examiner l’argument de la requérante tiré de la contrariété à l’article 110 du statut de l’application, par l’EUIPO, des DGE 43.

2.      Sur la recevabilité de l’argument tiré d’une violation des droits de la défense

32      L’EUIPO excipe de l’irrecevabilité de l’argument pris d’une violation des droits de la défense que la requérante invoque dans le cadre de la première branche du premier moyen. Selon l’EUIPO, cet argument n’est pas conforme aux exigences fixées par l’article 76, sous d), du règlement de procédure. La requérante serait, en effet, restée en défaut de fournir un minimum d’indications quant aux raisons pour lesquelles elle aurait été empêchée de formuler des observations sur les critiques dirigées contre elle dans le rapport litigieux.

33      La requérante conteste l’argumentation de l’EUIPO.

34      En vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, toute requête doit indiquer l’objet du litige, les conclusions et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autres informations. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (ordonnance du 28 avril 1993, De Hoe/Commission, T‑85/92, EU:T:1993:39, point 20, et arrêt du 15 juin 1999, Ismeri Europa/Cour des comptes, T‑277/97, EU:T:1999:124, point 29).

35      La requête doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du règlement de procédure. Des exigences analogues s’appliquent lorsqu’un argument est invoqué au soutien d’un moyen (arrêt du 10 octobre 2019, ZM e.a./Conseil, T‑632/18, non publié, EU:T:2019:732, point 49).

36      Or, en l’espèce, la requérante ne s’est pas bornée à énoncer le présent argument de manière abstraite. Elle a explicité à suffisance en quoi il consistait. En effet, au point 35 de la requête, elle a indiqué que les défauts de motivation allégués avaient affecté sa capacité à se défendre adéquatement dans le cadre de la procédure d’évaluation contre toute critique relative à sa conduite. Au point 29 de la réplique, la requérante a précisé que, dans le contexte de l’espèce, la violation des droits de la défense était envisagée comme une extension de la violation de l’obligation de motivation et était donc inextricablement liée à celle-ci.

37      Le présent grief est donc exposé de manière suffisamment claire et précise pour permettre à l’EUIPO de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur lui. La présente fin de non-recevoir doit, en conséquence, être écartée.

B.      Sur le fond

38      La requérante demande, d’une part, l’annulation du rapport litigieux et, d’autre part, la réparation du préjudice moral qu’elle prétend avoir subi.

1.      Sur les conclusions en annulation

39      Dans sa requête, la requérante invoque trois moyens à l’appui de ses conclusions en annulation. Ces moyens sont tirés, en substance, le premier, d’une violation de l’obligation de motivation et des droits de la défense ainsi que d’une erreur de fait, le deuxième, d’une violation du devoir de sollicitude et, le troisième, d’erreurs manifestes d’appréciation.

40      Lors de l’audience, la requérante a excipé de l’illégalité d’un document intitulé « QSD-0371 – Instructions de service : évaluations au sein de l’EUIPO », que l’EUIPO a annexé à sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure ordonnées par le Tribunal, et a invoqué deux moyens nouveaux, ce dont il a été pris acte au procès-verbal. L’un de ces moyens est tiré d’une violation des DGE 43, tandis que l’autre est tiré d’une violation du statut, du droit à une bonne administration, du principe de transparence et de l’objectif de la procédure d’évaluation.

a)      Sur le premier moyen, tiré de violations de l’obligation de motivation et des droits de la défense ainsi que d’une erreur de fait

41      La requérante articule le présent moyen en deux branches, prises, en substance, la première, d’une violation de l’obligation de motivation et des droits de la défense et, la seconde, d’une erreur de fait.

1)      Sur la première branche du premier moyen, prise d’une violation de l’obligation de motivation et des droits de la défense

42      Dans le cadre de la première branche, la requérante fait valoir que le rapport litigieux est entaché de plusieurs insuffisances de motivation, qui sont, à leur tour, constitutives d’une violation des droits de la défense (voir point 36 ci-dessus). La requérante vise, d’une part, de l’appréciation selon laquelle elle « a atteint la plupart des objectifs fixés » et, d’autre part, des notes qui lui ont été octroyées au titre des compétences « Hiérarchisation des priorités et organisation » et « Résilience ».

43      L’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante.

44      À cet égard, il importe de rappeler que l’obligation de motivation visée à l’article 296 TFUE et rappelée à l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la charte des droits fondamentaux est un principe essentiel du droit de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 24 avril 2017, Dreimane/Commission, T‑618/16, non publiée, EU:T:2017:293, point 36), qui a pour objectif, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de l’acte lui faisant grief et l’opportunité d’introduire un recours juridictionnel tendant à en contester la légalité et, d’autre part, de permettre au juge de l’Union d’exercer son contrôle (voir arrêt du 23 septembre 2004, Hectors/Parlement, C‑150/03 P, EU:C:2004:555, point 39 et jurisprudence citée).

45      Selon la jurisprudence, la motivation d’une décision s’apprécie au regard non seulement de son libellé, mais également de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. Ainsi, une décision est suffisamment motivée dès lors qu’elle est intervenue dans un contexte connu de l’intéressé qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt du 1er avril 2004, N/Commission, T‑198/02, EU:T:2004:101, point 70 et jurisprudence citée).

46      Appliquées à la matière de l’évaluation des fonctionnaires et agents de l’Union, ces exigences imposent à l’évaluateur de motiver tout rapport d’évaluation de façon suffisante et circonstanciée, afin de mettre l’intéressé en mesure de formuler des observations sur les motifs invoqués (arrêt du 31 janvier 2007, Aldershoff/Commission, T‑236/05, EU:T:2007:27, point 55).

47      À cet effet, il suffit, en principe, que l’évaluateur fasse état des traits saillants des prestations de l’intéressé en termes de rendement, de compétences et de conduite dans le service. Aussi l’évaluateur n’est-il pas tenu de spécifier tous les éléments de fait et de droit pertinents qu’il a retenus à l’appui de son évaluation (arrêt du 14 décembre 2018, UC/Parlement, T‑572/17, non publié, EU:T:2018:975, point 58).

48      L’évaluateur n’est pas non plus, en principe, tenu de motiver de manière explicite et spécifique chacune de ses appréciations (voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2019, FV/Conseil, T‑27/18 RENV, non publié, EU:T:2019:621, point 75).

49      Il doit, néanmoins, motiver les appréciations qu’il porte sur le travail de l’intéressé dans les différentes rubriques des appréciations analytiques d’un rapport d’évaluation lorsque des règles impératives que l’institution ou l’agence concernée s’est imposée le prescrivent (voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2019, FV/Conseil, T‑27/18 RENV, non publié, EU:T:2019:621, points 75 et 76).

50      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si la requérante est fondée à soutenir que sont entachés d’un défaut de motivation, d’une part, l’appréciation selon laquelle elle « a atteint la plupart des objectifs fixés » et, d’autre part, les notes qui lui ont été octroyées au titre des compétences « Hiérarchisation des priorités et organisation » et « Résilience ». Le cas échéant, il conviendra également d’examiner si les droits de la défense de la requérante ont été violés.

i)      Sur la réalisation des objectifs assignés à la requérante

51      La requérante reproche à l’EUIPO d’avoir conclu in abstracto que la plupart de ses objectifs avaient été atteints sans spécifier lesquels ne l’avaient pas été, ni fournir d’explication quant à ceux qui ne l’ont été que partiellement, ni examiner les résultats obtenus au regard des objectifs spécifiques et des indicateurs clés de performance. Le retard dans la mise en œuvre de la banque de talents mentionné dans le rapport litigieux ne pourrait pas être considéré comme un objectif que la requérante n’a pas atteint. Il serait imputable à des problèmes de protection des données et non à la requérante. La banque de talents aurait, en tout état de cause, été finalisée au quatrième trimestre de l’année 2019 et l’objectif en cause ainsi atteint.

52      Au stade de la réplique, la requérante ajoute que ses précédents rapports d’évaluation comportaient une mention des objectifs spécifiques qui n’avaient pas été atteints ou l’avaient été, avec succès ou partiellement, voire avaient été dépassés. Elle conteste également que le dialogue avec l’évaluateur – dont aucune trace n’aurait été conservée – puisse pallier la motivation insuffisante du rapport litigieux.

53      L’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante.

54      À cet égard, en premier lieu, il importe de constater que, dans la rubrique du rapport litigieux intitulée « Évaluation des objectifs », l’EUIPO a identifié les différents objectifs assignés à la requérante pour la période de référence et a assorti la description de chacun d’entre eux de la mention « 1. Objectif atteint ». Dans les « observations générales sur les objectifs », qui concluent cette rubrique, l’EUIPO a ajouté que la requérante avait « atteint la plupart des objectifs fixés » et que la mise en œuvre de la banque de talents avait été retardée en raison de problèmes de protection des données.

55      Il s’en déduit que l’évaluateur a estimé que la requérante avait atteint l’ensemble de ces objectifs, à l’exception de la mise en œuvre de la banque de talents, dont le retard ne lui était cependant pas imputable. Cette lecture est corroborée par les « commentaires d’évaluation généraux du supérieur hiérarchique » qui figurent à la fin du rapport litigieux. Dans ces commentaires, l’évaluateur indique, en effet, ce qui suit : « Outre ce qui a été formulé lors du dialogue en juillet, et pendant le second semestre, [la requérante] a atteint ses objectifs ». Or, si, comme le relève la requérante, aucune trace du dialogue de juillet 2019 n’a été conservée, le rapport de suivi de milieu d’année qui lui a servi de base indique ce qui suit : « [A] atteint ses objectifs jusque T 2, à l’exception de la mise en œuvre de la banque de talents […] (en suspens pour cause de problèmes liés à la protection des données) […] »

56      En deuxième lieu, quant à l’argument tiré de l’omission de l’EUIPO de fournir des explications sur les objectifs qui n’ont été atteints que partiellement, il suffit de constater que la requérante n’a pas identifié les objectifs qui auraient, selon elle, dû être qualifiés de la sorte.

57      En troisième lieu, il convient de relever que, contrairement à ce que soutient la requérante, l’EUIPO n’est pas resté en défaut d’examiner les résultats obtenus au regard des objectifs spécifiques et des indicateurs clés de performance. En effet, comme le relève à juste titre l’EUIPO, cette évaluation figure, en substance, dans la rubrique du rapport litigieux intitulée « Évaluation des objectifs », dans laquelle sont évalués « les résultats obtenus, y compris la qualité des éléments livrables et l’engagement du titulaire du poste par rapport aux objectifs et aux [indicateurs clés de performance] fixés pour la période couverte par l’évaluation ».

58      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que le rapport litigieux a fourni une indication circonstanciée et suffisante, d’une part, à la requérante pour apprécier, et formuler des observations sur, le bien-fondé de l’appréciation selon laquelle elle a « atteint la plupart des objectifs fixés » et, d’autre part, au Tribunal pour exercer son contrôle. Les allégations de violation des droits de la défense que la requérante invoque procédant de la prémisse que cette appréciation est entachée d’un vice de motivation, il convient de les rejeter par voie de conséquence.

59      Le présent grief doit donc être rejeté.

ii)    Sur l’évaluation des compétences « Hiérarchisation des priorités et organisation » et « Résilience »

60      La requérante fait grief à l’EUIPO de s’être borné à indiquer la note obtenue pour les compétences « Hiérarchisation des priorités et organisation » et « Résilience », sans préciser la raison pour laquelle la note requise n’a pas été obtenue. Le rapport litigieux ne contiendrait ainsi qu’une seule phrase d’explication concernant la première de ces compétences et aucune concernant la seconde. Une explication, qui n’aurait pas été portée à la connaissance de la requérante par d’autres moyens, aurait été d’autant plus nécessaire qu’elle n’a échoué à obtenir la note requise que pour les deux compétences en question.

61      Au stade de la réplique, la requérante précise que ses précédents rapports d’évaluation comportaient une évaluation distincte de l’évaluateur pour chacune des compétences évaluées, accompagnée d’observations et d’exemples spécifiques.

62      La requérante ajoute que l’insuffisance alléguée est d’autant plus apparente que le rapport litigieux contient des commentaires qui présentent un écart caractérisé par rapport à ceux qui figuraient dans un rapport d’évaluation antérieur.

63      L’EUIPO répond que le rapport litigieux comporte une motivation suffisante et adéquate de la notation des compétences « Hiérarchisation des priorités et organisation » et « Résilience ». Ces compétences seraient examinées à deux reprises dans ce rapport, à savoir dans la rubrique intitulée « Observations générales sur les compétences » et dans celle intitulée « Observations d’évaluation générales du supérieur hiérarchique ».

64      L’EUIPO avance également que la requérante n’est pas fondée à se prévaloir d’une obligation de motivation renforcée au motif que le rapport litigieux contient des observations moins favorables que celles figurant dans des rapports d’évaluation antérieurs.

65      En l’espèce, la rubrique « Évaluation des compétences » du rapport litigieux comporte l’instruction suivante à l’adresse des évaluateurs :

« Si les compétences sont évaluées à un niveau inférieur à la note requise, ce niveau affectant les performances, veuillez s’il vous plaît fournir des explications dans la rubrique “Observations générales sur les compétences”. »

66      Le point 3.5.5 de l’annexe A du dossier pratique relatif aux évaluations reprend cette instruction dans les termes suivants :

« Si toutes les compétences sont au niveau requis[,] aucun commentaire n’est nécessaire dans cette rubrique. Un commentaire général doit être inséré dans la rubrique “Commentaires d’évaluation généraux du supérieur hiérarchique” […].

Cependant, au cas où une ou plusieurs compétences sont évaluées en dessous du niveau requis, ce niveau affectant les performances, il est nécessaire de fournir des explications dans la rubrique “Observations générales sur les compétences”. »

67      Bien que le dossier pratique relatif aux évaluations précise être dépourvu de valeur juridique, il ressort de la formulation de l’instruction en cause qu’il s’agit bien d’une règle impérative et non d’un simple conseil à l’attention des évaluateurs ou encore d’une faculté dont l’usage serait laissé à leur entière discrétion.

68      Dans le rapport litigieux, la requérante s’est vue attribuer les notes de 2 au titre des compétences « Hiérarchisation des priorités et organisation » et « Résilience ». Comme indiqué au point 12 ci-dessus, ces notes sont inférieures à la note requise de 3.

69      Conformément à l’instruction décrite aux points 65 et 66 ci-dessus, l’évaluateur était donc tenu d’expliquer dans la rubrique « Observations générales sur les compétences » du rapport litigieux la note de 2 attribuée à la requérante au titre des deux compétences en cause.

70      Or, s’agissant de la compétence « Hiérarchisation des priorités et organisation » du rapport litigieux, l’évaluateur a indiqué ce qui suit dans les « observations générales sur les compétences » : « [À] quelques occasions il […] a été rappelé [à la requérante] de respecter les échéances et d’anticiper. » De même, les « commentaires d’évaluation généraux du supérieur hiérarchique » contiennent l’observation suivante : « [À] quelques occasions on a dû lui rappeler de respecter les échéances et de faire preuve de la proactivité dont elle est capable. »

71      Il s’ensuit que le rapport litigieux était conforme à l’instruction décrite aux points 65 et 66 ci-dessus s’agissant de la compétence « Hiérarchisation des priorités et organisation ». Ledit rapport n’est donc entaché d’aucun défaut de motivation à cet égard.

72      En revanche, s’agissant de la compétence « Résilience », il convient de constater que le rapport litigieux est vierge de toute observation. Ni les « observations générales sur les compétences » ni les « commentaires d’évaluation généraux du supérieur hiérarchique » ne contiennent la moindre référence expresse à cette compétence.

73      Contrairement à ce que soutient l’EUIPO, ces deux rubriques ne contiennent pas non plus d’éléments qui pourraient être interprétés comme se rattachant implicitement à ladite compétence. Il est vrai que, comme le relève l’EUIPO, lesdites rubriques contiennent deux observations selon lesquelles la requérante a dû à quelques occasions se voir adresser des rappels au respect des échéances (voir point 70 ci-dessus). Cependant, tout d’abord, il ressort expressément du rapport litigieux que la première de ces deux observations concerne la compétence « Hiérarchisation des priorités et organisation ». Quant à la seconde, elle est d’une teneur identique. Il doit donc être considéré qu’elle porte, elle aussi, sur cette compétence plutôt que sur la compétence « Résilience ».

74      Ensuite, tant dans le rapport litigieux que dans les rapports d’évaluation précédents de la requérante, les qualités d’anticipation et de proactivité sont principalement associées à l’organisation et au respect des échéances et non à la résilience. Dans le rapport litigieux, le fait de « [r]especter 95 % des délais » et de « porter de manière proactive les problèmes à l’attention de la hiérarchie et [d’]assurer/rappeler à temps à propos des actions en attente » figure parmi les indicateurs clés de performance relatifs à l’objectif consistant à « [a]ssurer le respect des procédures de gestion en cherchant une amélioration continue des opérations du département ». De même, dans le rapport d’évaluation pour l’année 2018, le fait d’« [ê]tre organisée proactivement, [d’]anticiper et [de] respecter les échéances » figure parmi les contributions individuelles de la requérante à la réalisation de l’objectif « Améliorer l’efficacité opérationnelle et la qualité des services ».

75      Enfin, la compétence « Résilience » est définie, dans le rapport litigieux, comme l’aptitude à « [r]ester efficace sous la pression, [à] être flexible et [à s’]adapter à un environnement de travail changeant ». Or, il n’est pas établi que les qualités d’anticipation et de proactivité relèvent du champ de cette définition. Ces qualités ne figuraient, au demeurant, pas parmi celles que dont l’évaluateur a tenu compte au titre de la compétence « Résilience » dans les précédents rapports d’évaluation de la requérante. Ces rapports mettaient, au titre de cette compétence, l’accent sur l’aptitude de la requérante à travailler et à être productive sous la pression, de même que sur sa capacité à assumer de nouvelles tâches et sur son adaptabilité.

76      Il s’ensuit que l’EUIPO est resté en défaut de motiver à suffisance la note qui a été attribuée à la requérante au titre de la compétence « Résilience ».

77      Il y a donc lieu conclure que le rapport litigieux est entaché d’une violation de l’obligation de motivation qui incombait à l’EUIPO, sans qu’il soit besoin de déterminer si ce dernier était, comme le soutient la requérante, tenu à une obligation de motivation renforcée du fait d’une régression par rapport à sa notation antérieure. Le présent grief doit donc être accueilli.

78      En revanche, il ne saurait être considéré que le rapport litigieux est entaché d’une violation des droits de la défense du fait du vice de motivation constaté au point 77 ci-dessus. En effet, la requérante est restée en défaut de démontrer que ce vice l’a privée de la possibilité de défendre utilement ses intérêts préalablement à l’adoption du rapport litigieux ou de former appel contre ce dernier devant l’évaluateur d’appel. L’argument tiré d’une violation des droits de la défense doit donc être rejeté.

79      Il résulte de ce qui précède que la présente branche ne doit être accueillie que pour autant qu’il est reproché à l’EUIPO d’avoir insuffisamment motivé la note de 2 octroyée à la requérante au titre de la compétence « Résilience », qui comptait parmi l’une des deux compétences au titre desquelles elle a obtenu une note inférieure à celle requise et qui a donc pu, au vu des sept compétences au titre desquelles elle a obtenu au moins la note requise et des autres rubriques du rapport litigieux, influer sur la décision de l’évaluateur de ne pas lui attribuer une note globale supérieure à « CLR ».

80      Ce motif suffit à l’annulation du rapport litigieux. La requérante invoquant au soutien de ses conclusions indemnitaires les illégalités alléguées à l’appui de la deuxième branche du présent moyen, du deuxième moyen et du troisième moyen, le Tribunal estime néanmoins qu’il est dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice d’examiner cette branche et ces moyens.

2)      Sur la seconde branche du premier moyen, prise d’une erreur de fait

81      La requérante avance que l’observation selon laquelle elle a fait l’objet de rappels sur le respect des échéances est entachée d’erreur de fait. Pendant la période de référence, la requérante n’aurait fait l’objet d’aucun rappel de ce type et aurait manifestement atteint son niveau habituel de prestations, y compris en matière de « hiérarchisation des priorités et [d’]organisation ». Il aurait d’ailleurs été reconnu dans le rapport de suivi de milieu d’année et lors de l’entretien d’évaluation qu’elle avait été très active.

82      L’EUIPO rétorque que le fait de qualifier de « matériellement incorrecte » la conclusion de l’évaluateur ne prouve pas l’existence d’une erreur et encore moins le caractère manifeste d’une telle erreur. Il s’agirait simplement d’une auto-évaluation, au demeurant dénuée de fondement, par laquelle la requérante chercherait à se substituer à l’évaluateur.

83      Au stade de la duplique, l’EUIPO produit, aux annexes D.1 à D.5, des échanges de courriels dont il ressortirait que le supérieur hiérarchique de la requérante l’a rappelée au respect des échéances.

84      Quant aux références concernant le niveau de performance habituel de la requérante, cette dernière chercherait encore à substituer son appréciation à celle de l’évaluateur et procéderait à des extrapolations dénuées de fondement. Ces références seraient au demeurant inopérantes, le niveau global des rapports d’évaluation pour les années 2018 et 2017 ayant été inférieur à celui du rapport litigieux, tandis que celui de 2016 était identique. Seul le niveau global du rapport d’évaluation pour l’année 2015 lui aurait été supérieur.

85      Il convient d’examiner, dans un premier temps, la recevabilité des annexes D.1 à D.5 et, dans un second temps, le bien-fondé de la présente branche.

i)      Sur la recevabilité des annexes D.1 à D.5

86      La requérante fait valoir que les preuves figurant aux annexes D.1 à D.5 ont été produites tardivement. Elle indique, cependant, ne pas invoquer formellement leur irrecevabilité.

87      L’EUIPO répond que les preuves figurant aux annexes D.1 à D.5 visent à répondre à un argument soulevé dans la réplique. Par ailleurs, ces preuves auraient été connues de la requérante.

88      À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure, les preuves sont présentées dans le cadre du premier échange de mémoires. Toutefois, selon l’article 85, paragraphe 2, du même règlement, les parties peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve dans la réplique et la duplique à l’appui de leur argumentation, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié.

89      Il ressort également de la jurisprudence que la preuve contraire et l’ampliation des offres de preuve fournies à la suite d’une preuve contraire de la partie adverse dans le mémoire en défense ne sont pas visées par la règle de forclusion prévue à l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure. En effet, cette disposition concerne les preuves nouvelles et doit être lue à la lumière de l’article 92, paragraphe 7, dudit règlement, qui prévoit expressément que la preuve contraire et l’ampliation des offres de preuve restent réservées [arrêt du 3 juillet 2019, PT/BEI, T‑573/16, EU:T:2019:481, point 126 (non publié)].

90      En l’espèce, ce n’est qu’au stade de la duplique que l’EUIPO a produit, aux annexes D.1 à D.5, les échanges de courriels tendant à réfuter l’argument de la requérante dirigé contre l’observation selon laquelle le supérieur hiérarchique de cette dernière avait dû la rappeler au respect des échéances. Ces échanges sont tous antérieurs à l’adoption du rapport litigieux et, a fortiori, au dépôt du mémoire en défense.

91      L’EUIPO soutient, certes, que lesdits échanges visaient à démontrer que, contrairement à ce que la requérante a avancé dans la réplique, il n’était pas inexact de considérer qu’elle avait fait l’objet de rappels au respect des échéances.

92      Il convient, cependant, d’observer que la requérante avait déjà soutenu n’avoir fait l’objet d’aucun rappel de cette nature dans la requête. Elle avait réitéré cet argument à l’appui de son troisième moyen au point 48 de la requête.

93      Les échanges de courriels figurant aux annexes D.1 à D.5 auraient donc pu être produits dès le stade du mémoire en défense. Dans la mesure où ils ne l’ont pas été, ils doivent être rejetés comme étant irrecevables.

ii)    Sur le fond

94      Il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation à celle des personnes chargées d’évaluer le travail de la personne notée. En effet, un large pouvoir d’appréciation est reconnu aux évaluateurs dans les jugements relatifs au travail des personnes qu’ils ont la charge de noter. Dès lors, le contrôle juridictionnel exercé par le juge de l’Union sur le contenu des rapports d’évaluation est limité au contrôle de la régularité procédurale, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêts du 1er juin 1983, Seton/Commission, 36/81, 37/81 et 218/81, EU:C:1983:152, point 23, et du 25 octobre 2005, Cwik/Commission, T‑96/04, EU:T:2005:376, point 41).

95      À cet égard, il convient de rappeler que l’évaluateur n’est pas tenu de faire figurer dans le rapport litigieux tous les éléments de fait et de droit pertinents à l’appui de ses observations (voir point 47 ci-dessus) ni d’étayer celles-ci par des exemples concrets, d’autant que la requérante a eu la possibilité de l’interroger à ce sujet lors du dialogue formel (voir, en ce sens, arrêt du 12 septembre 2007, Combescot/Commission, T‑249/04, EU:T:2007:261, point 86).

96      Il n’en demeure pas moins que les éléments de fait et autres exemples concrets que l’évaluateur invoque à l’appui de ses observations doivent être avérés.

97      En l’espèce, la requérante se prévaut formellement d’une erreur manifeste d’appréciation, ce qui suppose qu’elle apporte des éléments de preuve qui suffisent à priver de plausibilité les appréciations retenues par l’administration (voir, en ce sens, arrêt du 12 mars 2020, QB/BCE, T‑215/18, non publié, EU:T:2020:92, point 102).

98      Il convient, cependant, de rappeler que le Tribunal n’est pas lié par la qualification donnée par les parties à leurs moyens et arguments (arrêt du 15 décembre 1999, Freistaat Sachsen e.a./Commission, T‑132/96 et T‑143/96, EU:T:1999:326, point 96).

99      Or, il y a lieu de constater que c’est de l’inexactitude matérielle de l’observation selon laquelle elle aurait fait l’objet de rappels au respect des échéances au cours de la période de référence, c’est-à-dire d’une erreur de fait, et non d’une erreur manifeste d’appréciation que se plaint, en réalité, la requérante. Elle conteste, en effet, la réalité même de ces rappels.

100    Dans le mémoire en défense, l’EUIPO s’est contenté de reprocher à la requérante de ne pas avoir démontré l’existence d’une erreur manifeste et de vouloir substituer son appréciation à celle de l’évaluateur. Ce n’est qu’au stade de la duplique qu’il a ajouté que les dénégations de la requérante n’étaient « pas conformes à la réalité ». Il est, cependant, resté en défaut d’apporter le moindre élément de preuve recevable tendant à établir la réalité des rappels en cause.

101    Les éléments au dossier mettent d’ailleurs en doute la réalité de ces rappels. Ainsi, comme le relève la requérante, le rapport de suivi de milieu d’année la décrit comme ayant été « très active et orientée sur les résultats pendant [le premier] semestre [de l’année 2019] ».

102    C’est donc à juste titre que la requérante invoque l’inexactitude matérielle de l’observation en cause, qui est la seule dans le rapport litigieux à revêtir un caractère négatif et dont il ne saurait, par conséquent, être exclu qu’elle ait eu une influence négative sur la note globale de la requérante.

103    La présente branche doit donc être accueillie.

b)      Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation du devoir de sollicitude

104    La requérante reproche à l’EUIPO d’avoir manqué à son devoir de sollicitude renforcé en omettant de prendre en considération les circonstances individuelles pertinentes, à savoir l’incidence qu’aurait sur elle le rapport litigieux en période de crise sanitaire, les graves problèmes de santé qu’elle a subis et les efforts qu’elle a déployés pour les surmonter tout en gérant son travail. Le rapport litigieux se focaliserait sur un manquement mineur tenant au respect des échéances et omettrait de reconnaître ses efforts et ses mérites et de tenir compte des aspects positifs de ses prestations et des projets qu’elle a menés à bien malgré ses problèmes de santé.

105    Au stade de la réplique, la requérante ajoute que ses problèmes médicaux, qui auraient été pris en compte dans ses précédents rapports d’évaluation, étaient encore d’actualité pendant la période de référence. Elle précise que ce n’est qu’en décembre 2019 qu’elle a commencé à se remettre [confidentiel]. À l’appui de son argumentation, elle présente en annexe C.1 un rapport médical du 26 mai 2020.

106    L’absence de sollicitude de l’EUIPO envers la requérante serait également illustrée par plusieurs incidents dont l’évaluateur aurait eu connaissance, mais dont il n’aurait pas tenu compte. Premièrement, il s’agirait de l’attitude à son égard du service médical, qui ne se serait jamais montré compréhensif, ne se serait jamais soucié de son état de santé et se serait borné à insister sur l’importance de soumettre à temps les certificats médicaux.

107    Deuxièmement, l’EUIPO aurait empêché la requérante de partir en mission.

108    Le manque de soutien de l’EUIPO ressortirait d’ailleurs des résultats de l’exercice de suivi de l’EUIPO pour 2020.

109    La requérante ajoute que la violation du devoir de sollicitude est d’autant plus sérieuse que le rapport litigieux pourrait avoir un impact préjudiciable sur elle et sur sa carrière, alors même qu’elle vient de se remettre de ses problèmes de santé et que fait rage une crise sanitaire aux conséquences économiques considérables.

110    L’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante. En premier lieu, il fait valoir que le point de vue de la requérante n’est pas plausible, la note globale retenue dans le rapport litigieux étant supérieure à celle retenue dans ses deux rapports d’évaluation précédents.

111    En deuxième lieu, l’EUIPO avance, en substance, que le devoir de sollicitude ne va pas jusqu’à obliger l’évaluateur à tenir compte de problèmes rencontrés pendant des périodes antérieures à la période d’évaluation. Or, les problèmes personnels et de santé auxquels la requérante ferait référence dateraient des années 2015 à 2018. Le simple fait que la requérante [confidentiel] n’impliquerait pas nécessairement qu’elle a continué de souffrir des mêmes symptômes que lors des années précédentes. La déclaration de la requérante selon laquelle elle se serait pleinement remise à la fin de l’année 2019 le confirmerait, de même que [confidentiel]. Quant au rapport médical du 26 mai 2020 que la requérante a présenté en annexe C.1 à la requête, il serait irrecevable du fait de sa production inexpliquée au stade de la réplique.

112    L’EUIPO ajoute que, s’il fallait interpréter le devoir de sollicitude de manière aussi large que le propose la requérante, l’évaluateur serait tenu de spéculer sur l’éventuelle incidence de problèmes de santé passés sur la capacité de l’intéressé à exercer ses fonctions pendant la période de référence.

113    En troisième lieu, les différentes illustrations de l’absence de sollicitude de l’EUIPO dont la requérante se prévaut ne se rapporteraient ni au rapport litigieux ni à l’évaluateur.

114    Quant à la crise sanitaire, qui n’existait pas pendant la période de référence, la requérante présenterait une observation spéculative.

115    Il y a lieu de rappeler que le devoir de sollicitude reflète l’équilibre des droits et des obligations réciproques que le statut, et, par analogie, le RAA, a créé dans les relations entre l’autorité publique et les agents du service public. À l’instar du droit à une bonne administration, cet équilibre implique notamment que, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un agent, l’autorité prenne en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi, notamment, de celui de l’agent concerné (arrêts du 16 mars 2004, Afari/BCE, T‑11/03, EU:T:2004:77, point 42, et du 7 mai 2019, WP/EUIPO, T‑407/18, non publié, EU:T:2019:290, point 58).

116    En l’espèce, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que soutient la requérante, l’évaluateur ne s’est pas focalisé sur la seule question du respect des échéances, mais a pris en considération plusieurs des éléments qu’elle lui reproche d’avoir ignorés. Ainsi, premièrement, il ressort des points 54 à 59 ci-dessus que l’évaluateur a reconnu que la requérante avait atteint les objectifs qui lui avaient été assignés pendant la période en cause. Il a également pris en considération la qualité de son travail, puisqu’il lui a attribué la note de 3 au titre de la compétence « Qualité et résultats » et a consacré une partie substantielle de la rubrique « Observations d’évaluation générales du supérieur hiérarchique » à la description de projets qu’elle avait menés à bien. Deuxièmement, l’évaluateur a tenu compte de la conduite de la requérante dans le service, dont elle a jugé qu’elle correspondait pleinement aux attentes. Il a aussi attribué à la requérante la note de 3 au titre des compétences « Communication » et « Travailler avec autrui ». Troisièmement, l’évaluateur a tenu compte du développement personnel de la requérante, retenant qu’elle avait « investi le temps et les efforts nécessaires dans le développement de ses compétences et aptitudes, conformément au programme de formation individuel convenu ». Il a également attribué à la requérante la note de 3 au titre de la compétence « Formation et développement ». Quatrièmement, l’évaluateur a pris en compte les aptitudes analytiques et d’encadrement de la requérante, puisqu’il lui a attribué la note de 3 au titre des compétences « Analyse de résolution de problèmes » et « Leadership ». Cinquièmement, l’évaluateur a tenu compte des connaissances et de l’expérience professionnelles de la requérante, relevant que cette dernière avait un « niveau de connaissance solide de son travail en matière académique et comprenait ses implications au niveau de l’[EUIPO] ».

117    Pour ce qui est de la crise sanitaire, il suffit d’observer qu’il n’appartenait pas à l’évaluateur de la prendre en compte aux fins d’évaluer la compétence, le rendement et la conduite dans le service de la requérante pendant la période d’évaluation. Cette crise est, en effet, postérieure à cette période.

118    Quant au manque de compréhension du service médical de l’EUIPO et à la décision de ne pas autoriser la requérante à partir en mission, la requérante n’explique pas en quoi ils présentent un lien avec le rapport litigieux ou avec ses performances pendant la période d’évaluation.

119    S’agissant enfin de l’exercice de suivi de l’EUIPO pour 2020, il suffit d’observer qu’il ne concerne pas spécifiquement la situation de la requérante, ni a fortiori ses performances pendant la période d’évaluation.

120    Il reste donc à déterminer si la requérante est fondée à reprocher à l’EUIPO de ne pas avoir tenu compte de ses problèmes de santé dans le rapport litigieux.

121    À cet égard, il convient de rappeler que l’administration est tenue par des obligations substantiellement renforcées au titre du devoir de sollicitude dès lors qu’est en cause la situation d’un fonctionnaire dont il est avéré que la santé, physique ou mentale, est affectée. En pareille hypothèse, l’administration doit dûment tenir compte de ces problèmes de santé en vue de l’adoption de l’acte en cause (voir, en ce sens, arrêt du 7 novembre 2019, WN/Parlement, T‑431/18, non publié, EU:T:2019:781, points 106 et 107).

122    Il est constant entre les parties que la requérante a connu entre 2015 et 2018 des problèmes de santé qui ont exigé [confidentiel]. Le désaccord entre la requérante et l’EUIPO porte sur la question de savoir si ces problèmes ont perduré pendant la période de référence, l’EUIPO soutenant, dans le cadre du présent moyen, qu’ils ont cessé en 2018.

123    À cet égard, d’une part, il y a lieu de constater que la requérante n’a à aucun moment indiqué avoir surmonté ses problèmes de santé en 2018. D’autre part, il convient de constater que l’EUIPO ne conteste pas que la requérante a connu des problèmes de santé en 2019. Elle indique ainsi ce qui suit dans le mémoire en défense : « Entre 2015 et 2019, [la requérante] a souffert de divers problèmes de santé et [confidentiel]. » Il ressort en outre des certificats médicaux que la requérante a transmis au service médical de l’EUIPO en 2019 qu’elle [confidentiel], ce que l’évaluateur ne pouvait pas ignorer en tant que supérieur hiérarchique de la requérante.

124    L’EUIPO reste d’ailleurs en défaut d’avancer le moindre argument tendant à démontrer que les problèmes de santé de la requérante auraient cessé en 2018 ou que l’évaluateur ignorait leur persistance pendant la période de référence. D’une part, contrairement à ce que soutient l’EUIPO, il ne ressort pas de l’affirmation de la requérante devant le Tribunal selon laquelle elle se serait pleinement remise en décembre 2019 que ces problèmes ont cessé en 2018. D’autre part, quant [confidentiel], il ne démontre aucunement qu’elle s’était déjà remise à la fin de l’année 2018. En effet, la requérante [confidentiel], sans que l’EUIPO mette en doute qu’elle a souffert de problèmes de santé pendant ces trois années.

125    Il y a donc lieu de constater que les problèmes de santé de la requérante ont perduré pendant la période en cause et que l’EUIPO en avait connaissance. Ce dernier était par conséquent assujetti à des obligations substantiellement renforcées au titre du devoir de sollicitude et devait à ce titre dûment tenir compte des problèmes de santé de la requérante en vue de l’adoption du rapport litigieux.

126    Or, le rapport litigieux ne contient pas la moindre référence à ces problèmes, ce que l’EUIPO n’a d’ailleurs aucunement contesté devant le Tribunal. L’EUIPO n’a pas non plus démontré avoir, de quelque manière que ce soit, tenu compte desdits problèmes au cours de la procédure d’évaluation.

127    Dans le mémoire en défense, l’EUIPO s’est défendu en invoquant le caractère facultatif de l’augmentation des appréciations attribuées à un fonctionnaire au titre du rendement aux fins de prendre en compte les conditions dans lesquelles il a exercé ses fonctions en dépit du fait qu’il a disposé de moins de temps effectif de travail en raison d’absences pour cause de maladie. Lors de l’audience, il a même fait valoir que la prise en compte de telles absences dans un rapport d’évaluation avait été « de manière répétée invalidée par la Cour ».

128    Il convient, cependant, d’observer que la requérante ne reproche pas à l’EUIPO d’avoir omis de tenir compte de ses absences pour cause de maladie ou du fait qu’elle a disposé de moins de temps effectif de travail en raison de celles-ci. Elle lui fait grief de ne pas avoir tenu compte de son état de santé en général.

129    La requérante est donc fondée à soutenir que l’EUIPO n’a pas accordé la considération requise à ses problèmes de santé dans le rapport litigieux et a, par suite, violé le devoir de sollicitude. Le présent moyen doit, en conséquence, être accueilli pour autant qu’il concerne ces problèmes, sans qu’il soit besoin de prendre en compte l’annexe C.1. Il doit être rejeté pour le surplus.

c)      Sur le troisième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation

130    La requérante soutient que le rapport litigieux est entaché d’une incohérence manifeste entre la notation qui lui a été octroyée et les commentaires censés justifier son évaluation. En effet, bien que tous les objectifs aient été atteints et que l’évaluation de la conduite dans le service, de la compétence et du programme de développement ait généralement été réellement positive, la notation globale serait médiocre.

131    La requérante avance à l’appui de cette thèse deux griefs, relatifs, le premier, à l’évaluation des objectifs qui lui ont été assignés et, le second, à l’évaluation des compétences « Hiérarchisation des priorités et organisation » et « Résilience ».

1)      Sur l’évaluation des objectifs assignés à la requérante

132    La requérante reproche à l’EUIPO d’avoir, dans la rubrique « observations générales sur les objectifs », retenu qu’elle avait atteint la plupart de ses objectifs, tout en indiquant, dans d’autres rubriques, qu’elle les avait tous atteints. Aussi, à défaut d’identification des objectifs qui n’auraient pas été atteints et dans la mesure où le retard dans la mise en œuvre de la banque de talents ne serait pas imputable à la requérante, ledit commentaire ne serait pas étayé et revêtirait un caractère plutôt vague. La référence à ce retard créerait de fausses impressions et laisserait la place aux insinuations.

133    L’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante.

134    À cet égard, il suffit de renvoyer à l’examen de la première branche du premier moyen (voir points 54 à 59 ci-dessus), dont il ressort que l’EUIPO n’a pas entaché le rapport litigieux d’incohérence ni n’est resté en défaut d’identifier l’objectif qui n’a pas été atteint. S’agissant spécifiquement de la banque de talents, il est expressément indiqué dans le rapport litigieux que le retard dans sa mise en œuvre est dû à des problèmes de protection des données. La référence à ce retard n’est donc pas de nature à créer de fausses impressions ni à laisser la place à des insinuations.

135    Le présent grief doit donc être rejeté.

2)      Sur l’évaluation des compétences « Hiérarchisation des priorités et organisation » et « Résilience »

136    La requérante se plaint, en substance, du caractère injustifié de l’évaluation des compétences « Hiérarchisation des priorités et organisation » et « Résilience » et de l’allégation selon laquelle elle a fait l’objet de certains rappels au respect des échéances. D’une part, la requérante n’aurait jamais fait l’objet de tels rappels ni n’aurait manqué la moindre échéance. D’autre part, pour ce qui est de la compétence « Résilience », la requérante avance que suffit à démontrer son efficacité sous la pression et sa flexibilité le fait qu’elle est parvenue à mener à bien toutes ses missions dans les délais et qu’elle a atteint tous ses objectifs, tout en faisant face à une charge de travail importante.

137    L’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante.

138    Il convient d’emblée d’observer que l’argumentation de la requérante quant à l’évaluation de la compétence « Hiérarchisation des priorités et organisation » est tirée non d’erreurs manifestes d’appréciation, mais d’une erreur de fait, dont le Tribunal a déjà constaté que le rapport litigieux était entaché aux points 94 à 103 ci-dessus, auxquels il est renvoyé.

139    Pour ce qui est de la compétence « Résilience », il suffit de constater que, à défaut de motivation suffisante dans le rapport litigieux (voir points 72 à 77 ci-dessus), le Tribunal est privé de toute possibilité d’exercer son contrôle des erreurs manifestes alléguées.

140    Au vu de l’ensemble de ce qui précède, il convient d’annuler le rapport litigieux pour défaut de motivation, erreur de fait et violation du devoir de sollicitude, sans qu’il soit besoin d’examiner les deux moyens nouveaux et l’exception d’illégalité invoqués lors de l’audience (voir point 40 ci-dessus), dont la requérante n’a pas allégué qu’elles lui avaient causé un quelconque préjudice.

2.      Sur les conclusions indemnitaires

141    La requérante fait valoir que le rapport litigieux lui a causé un préjudice moral, qu’elle évalue à 3 000 euros.

142    À l’appui de son argumentation, en premier lieu, la requérante soutient avoir souffert d’un sentiment de détresse, d’anxiété et d’injustice du fait que le rapport litigieux comporte de fausses déclarations, n’illustre pas ses points forts et ses atouts, ne prend pas en considération sa situation personnelle, est incohérent et insuffisamment motivé et est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.

143    La requérante ajoute que le renouvellement de son contrat était à l’étude au moment de l’adoption du rapport litigieux. Alors que ce dernier aurait revêtu une importance capitale dans ce contexte, la requérante aurait été privée de la possibilité de l’évoquer lors du dialogue sur son renouvellement et dans ses commentaires à ce sujet. Au stade de la réplique, la requérante précise qu’elle continue d’invoquer la décision de non-renouvellement pour souligner que cette dernière a accentué les sentiments de détresse, d’anxiété et d’injustice causés par le rapport litigieux.

144    En second lieu, eu égard à la décision de non-renouvellement, le rapport litigieux, qui serait voué à demeurer dans le dossier personnel de la requérante, inspirerait à cette dernière un sentiment de crainte et d’incertitude quant à ses emplois futurs, en particulier compte tenu des conséquences économiques graves de la crise sanitaire.

145    Dans le même temps, il aurait été porté atteinte à la réputation professionnelle de la requérante, puisqu’elle serait à tort décrite comme étant incapable de s’adapter à différents environnements, à composer avec la pression, à hiérarchiser les priorités et à respecter les échéances.

146    La requérante ajoute que, le préjudice moral prétendument subi étant distinct de l’illégalité du rapport litigieux, l’annulation de ce dernier ne constitue pas une réparation suffisante.

147    L’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante.

148    À titre liminaire, il convient d’observer que la requérante demande, en substance, réparation de trois préjudices. Le premier tient au sentiment de détresse, d’anxiété et d’injustice que les erreurs et omissions entachant le rapport litigieux lui auraient causé. Les deuxième et troisième correspondent au dommage que le rapport litigieux aurait causé, respectivement, à ses perspectives et à sa réputation professionnelles.

149    Il y a lieu de rappeler que l’engagement de la responsabilité de l’Union suppose la réunion d’un ensemble de conditions en ce qui concerne l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué (arrêts du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C‑136/92 P, EU:C:1994:211, point 42, et du 21 février 2008, Commission/Girardot, C‑348/06 P, EU:C:2008:107, point 52). Ces conditions devant être cumulativement remplies, il suffit que l’une d’entre elles fasse défaut pour que soit rejeté un recours en indemnité (arrêt du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, C‑257/98 P, EU:C:1999:402, point 14).

150    En l’espèce, il y a d’emblée lieu de constater que les allégations d’illégalité auxquelles la requérante attribue le troisième préjudice procèdent d’une lecture erronée du rapport litigieux. En effet, contrairement à ce que soutient la requérante, ce rapport ne la décrit pas comme étant incapable de s’adapter à différents environnements, à composer avec la pression, à hiérarchiser les priorités ou encore à respecter les échéances. Il se limite à constater qu’il a dû lui être rappelé, « à quelques occasions », de respecter les échéances, de faire preuve de la proactivité dont elle était capable et d’anticiper. Quant à la question de savoir comment la requérante compose avec la pression, le rapport litigieux ne comporte aucune observation quant à ses capacités ou à leur absence, se limitant à lui attribuer la note de 2 au titre de la compétence « Résilience » (voir points 72 à 77 ci-dessus).

151    La première condition de l’engagement de la responsabilité de l’Union n’est donc pas satisfaite s’agissant du troisième préjudice. Les conclusions indemnitaires doivent, par conséquent, être rejetées en tant qu’elles tendent à sa réparation.

152    Quant aux premier et deuxième préjudices, à supposer même que leur caractère réel et certain soit avéré et que les illégalités constatées aux points 77, 102 et 129 ci-dessus les aient causés, il y a lieu de rappeler que l’annulation d’un acte entaché d’illégalité peut constituer en elle-même la réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que cet acte peut avoir causé. Tel n’est, cependant, pas le cas lorsque la partie requérante démontre avoir subi un préjudice moral insusceptible d’être intégralement réparé par cette annulation (voir, en ce sens, ordonnance du 3 septembre 2019, FV/Conseil, C‑188/19 P, non publiée, EU:C:2019:690, point 26, et arrêt du 28 avril 2021, Correia/CESE, T‑843/19, EU:T:2021:221, point 86).

153    Or, en l’espèce, la requérante se borne à soutenir que les préjudices allégués sont distincts de l’illégalité du rapport litigieux et que ses intérêts n’ont pas été pris en compte. Elle n’explique pas en quoi ces préjudices sont insusceptibles d’être intégralement réparés par l’annulation du rapport litigieux. Sa propre argumentation démontre même le contraire s’agissant du deuxième préjudice. La réalisation de ce préjudice suppose, en effet, que le rapport litigieux demeure dans le dossier personnel de la requérante. Or, l’annulation de ce rapport aura pour effet de l’éliminer rétroactivement de l’ordre juridique (voir, en ce sens, arrêt du 31 mars 2004, Girardot/Commission, T‑10/02, EU:T:2004:94, point 84) et, par suite, du dossier personnel de la requérante.

154    S’agissant enfin des illégalités dont la requérante s’est prévalue dans le cadre des deux moyens nouveaux et de l’exception d’illégalité invoqués lors de l’audience (voir point 40 ci-dessus), il suffit de rappeler qu’il n’a pas été allégué qu’elles lui avaient causé un quelconque préjudice (voir point 140 ci-dessus).

155    Il y a donc lieu de considérer que l’annulation du rapport litigieux constitue en elle-même la réparation adéquate et suffisante des premier et deuxième préjudices que la requérante prétend avoir subis. Les conclusions indemnitaires doivent, dès lors, être rejetées dans leur ensemble.

IV.    Sur les dépens

156    Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Toutefois, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, le Tribunal peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie.

157    En l’espèce, la demande en annulation ayant été accueillie et la demande en indemnité rejetée, il y a lieu de décider que l’EUIPO supportera, outre ses propres dépens, les trois quarts de ceux de la requérante et que celle-ci supportera un quart de ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le rapport d’évaluation de KD pour l’exercice d’évaluation 2019 est annulé.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      L’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) supportera, outre ses propres dépens, trois quarts des dépens exposés par KD.

4)      KD supportera le quart de ses propres dépens.

Kanninen

Półtorak

Stancu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 octobre 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.


1      Données confidentielles occultées.