Language of document : ECLI:EU:C:2017:669

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 12 septembre 2017 (1)

Affaires jointes C596/16 et C597/16

Enzo Di Puma

contre

Commissione Nazionale per le Società e la Borsa (Consob) (C‑596/16)

et

Commissione Nazionale per le Società e la Borsa (Consob)

contre

Antonio Zecca (C‑597/16)

[demande de décision préjudicielle formée par la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation, Italie)]

« Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Directive 2003/6/CE – Transmission d’informations privilégiées – Législation nationale prévoyant une sanction administrative et une sanction pénale pour les mêmes faits – Jugement pénal de relaxe constatant que les faits constitutifs de l’infraction ne sont pas établis – Article 50 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Atteinte au principe non bis in idem »






1.        Dans les conclusions que j’ai présentées dans l’affaire Menci (2), lues simultanément aux présentes conclusions, je me penche sur la portée du principe non bis in idem lorsque les législations de certains États membres permettent de cumuler des sanctions administratives et des sanctions pénales pour réprimer les défauts de paiement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Le présent renvoi préjudiciel porte sur cette même problématique, bien que les comportements doublement sanctionnés relèvent, dans la présente espèce, du domaine de l’« abus de marché » et, plus précisément, du trafic d’informations privilégiées.

2.        L’harmonisation des sanctions administratives dans ce domaine a été réalisée par la directive 2003/6/CE (3), ultérieurement abrogée par le règlement (UE) no 596/2014 (4). Ce dernier a complété l’harmonisation du régime de sanctions administratives, en même temps que la directive 2014/57/UE (5) harmonisait également, mais seulement partiellement, les sanctions pénales applicables par les États membres à ces comportements (6).

I.      Le cadre juridique

A.      La CEDH

3.        Le protocole no 7 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci‑après la « CEDH »), signé à Strasbourg le 22 novembre 1984 (ci-après le « protocole no 7 »), régit, dans son article 4, le « droit à ne pas être jugé ou puni deux fois », dans les termes suivants :

« 1.      Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même État en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet État.

2.      Les dispositions du paragraphe précédent n’empêchent pas la réouverture du procès, conformément à la loi et à la procédure pénale de l’État concerné, si des faits nouveaux ou nouvellement révélés ou un vice fondamental dans la procédure précédente sont de nature à affecter le jugement intervenu.

3.      Aucune dérogation n’est autorisée au présent article au titre de l’article 15 de la [CEDH] ».

B.      Le droit de l’Union

1.      La charte des droits fondamentaux de l’Union européenne

4.        En vertu de l’article 50 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») :

« Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l’Union par un jugement pénal définitif conformément à la loi. »

5.        L’article 52 établit la portée et l’interprétation des droits et des principes reconnus dans la Charte :

« 1.      Toute limitation de l’exercice des droits et libertés reconnus par la présente Charte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés. Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui.

[…]

3.      Dans la mesure où la présente Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la [CEDH], leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite convention. Cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le droit de l’Union accorde une protection plus étendue.

4.      Dans la mesure où la présente Charte reconnaît des droits fondamentaux tels qu’ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, ces droits doivent être interprétés en harmonie avec lesdites traditions.

[…]

6.      Les législations et pratiques nationales doivent être pleinement prises en compte comme précisé dans la présente Charte.

[…] »

2.      Droit dérivé en matière d’abus de marché

a)      La directive 2003/6

6.        La directive 2003/6 a harmonisé les dispositions matérielles régissant les comportements constitutifs d’opérations d’initiés et de manipulations du marché, en imposant, de surcroît, aux États membres l’obligation de prévoir des sanctions administratives à l’encontre de ce type de comportements illicites, indépendamment du fait que ceux-ci fassent l’objet de poursuites pénales en vertu de dispositions de droit interne.

7.        Le considérant 38 dispose :

« Afin de garantir au cadre communautaire relatif aux abus de marché une efficacité appropriée, toute infraction aux interdictions ou obligations adoptées en application de la présente directive devra être promptement décelée et sanctionnée. À cette fin, les sanctions devraient être suffisamment dissuasives, proportionnées à la gravité de l’infraction et aux profits réalisés et devraient être appliquées de manière cohérente. »

8.        Au regard des comportements constitutifs d’un trafic d’informations privilégiées, l’article 2, paragraphe 1, de cette directive prévoit :

« Les États membres interdisent à toute personne visée au deuxième alinéa qui détient une information privilégiée d’utiliser cette information en acquérant ou en cédant, ou en tentant d’acquérir ou de céder, pour son compte propre ou pour le compte d’autrui, soit directement, soit indirectement, les instruments financiers auxquels se rapporte cette information.

Le premier alinéa s’applique à toute personne qui détient une telle information :

a)      en raison de sa qualité de membre des organes d’administration, de gestion ou de surveillance de l’émetteur ; ou

b)      en raison de sa participation dans le capital de l’émetteur ; ou

c)      en raison de son accès à l’information du fait de son travail, de sa profession ou de ses fonctions ; ou

d)      en raison de ses activités criminelles. »

9.        L’article 2 est complété par l’article 3, qui prévoit :

« Les États membres interdisent à toute personne soumise à l’interdiction prévue à l’article 2 :

a)      de communiquer une information privilégiée à une autre personne, si ce n’est dans le cadre normal de l’exercice de son travail, de sa profession ou de ses fonctions ;

b)      de recommander à une autre personne d’acquérir ou de céder, ou de faire acquérir ou céder par une autre personne, sur la base d’une information privilégiée, les instruments financiers auxquels se rapporte cette information. »

10.      L’article 14, paragraphe 1, est libellé en ces termes :

« Sans préjudice de leur droit d’imposer des sanctions pénales, les États membres veillent à ce que, conformément à leur législation nationale, des mesures administratives appropriées puissent être prises ou des sanctions administratives appliquées à l’encontre des personnes responsables d’une violation des dispositions arrêtées en application de la présente directive. Les États membres garantissent que ces mesures sont effectives, proportionnées et dissuasives. »

b)      Le règlement no 596/2014

11.      En vertu de son considérant 71 :

« Il convient […] de prévoir un ensemble de sanctions administratives et d’autres mesures administratives afin de garantir une approche commune dans les États membres et de renforcer leur effet de dissuasion. La possibilité d’une interdiction d’exercer des fonctions de gestion dans des entreprises d’investissement devrait être mise à la disposition de l’autorité compétente. Les sanctions infligées dans des cas spécifiques devraient être déterminées en tenant compte, le cas échéant, de facteurs tels que la restitution de tout profit financier détecté, la gravité et la durée de la violation, toute circonstance aggravante ou atténuante, la nécessité d’amendes dissuasives et, le cas échéant, faire l’objet d’une réduction en cas de coopération avec l’autorité compétente. En particulier, le montant réel des amendes administratives à infliger dans un cas spécifique peut atteindre le niveau maximal prévu dans le présent règlement ou un niveau plus élevé prévu par le droit national, en cas de violations très graves, et des amendes significativement moindres que le niveau maximal peuvent être infligées en cas de violations mineures ou de règlement. Le présent règlement ne limite pas la faculté des États membres de prévoir des sanctions administratives plus élevées ou d’autres mesures administratives. »

12.      Au considérant 72, on peut lire :

« Même si rien n’empêche les États membres d’établir des règles prévoyant à la fois des sanctions administratives et des sanctions pénales pour les mêmes infractions, il ne devrait pas être exigé d’eux d’établir des règles concernant les sanctions administratives applicables à des infractions au présent règlement qui sont déjà passibles de sanctions en vertu du droit pénal national au 3 juillet 2016 au plus tard. Conformément au droit national, les États membres ne sont pas tenus d’infliger à la fois des sanctions administratives et pénales pour la même infraction, mais ils en ont le loisir si leur droit national l’autorise. Toutefois, le maintien de sanctions pénales au lieu de sanctions administratives en cas de violation du présent règlement ou de la directive 2014/57/UE ne saurait limiter ou porter autrement atteinte à la faculté qu’ont les autorités compétentes de coopérer avec les autorités compétentes d’autres États membres, d’accéder à leurs informations et d’échanger des informations avec elles en temps utile aux fins du présent règlement, y compris après la saisine des autorités judiciaires compétentes aux fins de poursuites pénales pour les infractions concernées. »

13.      En vertu du considérant 77 :

« Le présent règlement respecte les droits fondamentaux et observe les principes consacrés par la [Charte]. En conséquence, le présent règlement devrait être interprété et appliqué conformément à ces droits et principes […] »

14.      L’article 14 porte sur l’interdiction des opérations d’initiés et de la divulgation illicite d’informations privilégiées, et dispose :

« Une personne ne doit pas :

a)      effectuer ou tenter d’effectuer des opérations d’initiés ;

b)      recommander à une autre personne d’effectuer des opérations d’initiés ou inciter une autre personne à effectuer des opérations d’initiés ; ou

c)      divulguer illicitement des informations privilégiées. »

15.      En ce qui concerne les opérations d’initiés et le fait de recommander à des tiers d’effectuer de telles opérations, l’article 8 prévoit :

« 1.      Aux fins du présent règlement, une opération d’initié se produit lorsqu’une personne détient une information privilégiée et en fait usage en acquérant ou en cédant, pour son propre compte ou pour le compte d’un tiers, directement ou indirectement, des instruments financiers auxquels cette information se rapporte. […]

2.      Aux fins du présent règlement, le fait de recommander à une autre personne d’effectuer une opération d’initié, ou le fait d’inciter une autre personne à effectuer une opération d’initié, survient lorsque la personne qui dispose d’une information privilégiée :

a)      recommande, sur la base de cette information, qu’une autre personne acquière ou cède des instruments financiers auxquels cette information se rapporte, ou incite cette personne à procéder à une telle acquisition ou à une telle cession ; ou

b)      recommande, sur la base de cette information, qu’une autre personne annule ou modifie un ordre relatif à un instrument financier auquel cette information se rapporte, ou incite cette personne à procéder à une telle annulation ou à une telle modification.

3.      L’utilisation des recommandations ou des incitations visées au paragraphe 2 constitue une opération d’initié au sens du présent article lorsque la personne qui utilise la recommandation ou l’incitation sait, ou devrait savoir, que celle-ci est basée sur des informations privilégiées.

[…] »

16.      En ce qui concerne la communication illicite d’informations privilégiées, l’article 10 établit :

« 1.      Aux fins du présent règlement, une divulgation illicite d’informations privilégiées se produit lorsqu’une personne est en possession d’une information privilégiée et divulgue cette information à une autre personne, sauf lorsque cette divulgation a lieu dans le cadre normal de l’exercice d’un travail, d’une profession ou de fonctions.

[…] »

17.      L’article 30 régit les sanctions et autres mesures administratives dans les termes suivants :

« 1.      Sans préjudice de toute sanction pénale et des pouvoirs de surveillance des autorités compétentes au titre de l’article 23, les États membres, conformément au droit national, font en sorte que les autorités compétentes aient le pouvoir de prendre les sanctions administratives et autres mesures administratives appropriées en ce qui concerne au moins les violations suivantes :

a)      violations des articles 14 et 15, de l’article 16, paragraphes 1 et 2, de l’article 17, paragraphes 1, 2, 4, 5 et 8, de l’article 18, paragraphes 1 à 6, de l’article 19, paragraphes 1, 2, 3, 5, 6, 7 et 11, et de l’article 20, paragraphe 1 ; et

b)      défaut de coopérer ou de se soumettre à une enquête ou une inspection ou à une demande visées à l’article 23, paragraphe 2.

Les États membres peuvent décider de ne pas établir de règles concernant des sanctions administratives visées au premier alinéa lorsque les violations visées au point a) ou b) dudit alinéa sont déjà passibles de sanctions pénales dans leur droit national au plus tard le 3 juillet 2016. Dans ce cas, les États membres notifient d’une manière détaillée à la Commission [européenne] et à [l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF)] les parties de leur droit pénal concernées.

Au plus tard le 3 juillet 2016, les États membres notifient de façon détaillée à la Commission et à l’AEMF les règles visées au premier et au deuxième alinéa. Ils notifient, sans retard, à la Commission et à l’AEMF toute modification ultérieure de ces règles.

2.      Les États membres, conformément à leur droit national, font en sorte que les autorités compétentes aient le pouvoir d’infliger au moins les sanctions administratives suivantes et de prendre au moins les mesures administratives suivantes, en cas de violations visées au paragraphe 1, premier alinéa, point a) […] »

c)      La directive 2014/57

18.      En vertu des considérants 22, 23 et 27 :

« (22)      Les obligations dans la présente directive de prévoir, dans leur droit national, des sanctions pour les personnes physiques et morales ne dispensent pas les États membres de l’obligation de prévoir dans le droit national des sanctions administratives et d’autres mesures pour les violations prévues par le règlement (UE) no 596/2014, à moins que les États membres n’aient décidé, conformément au règlement (UE) no 596/2014, de ne prévoir que des sanctions pénales pour lesdites violations dans leur droit national.

(23)      Le champ d’application de la présente directive est déterminé de manière à compléter le règlement (UE) no 596/2014 et à en assurer la mise en œuvre efficace. Si, en vertu de la présente directive, les infractions devraient être punissables lorsqu’elles sont commises intentionnellement et au moins dans les cas graves, les sanctions pour les violations du règlement (UE) no 596/2014 n’exigent pas que l’intention soit démontrée ou qu’elles soient qualifiées de graves. Lors de l’application du droit national transposant la présente directive, les États membres devraient veiller à ce que l’application de sanctions pénales en cas d’infractions conformément à la présente directive et de sanctions administratives conformément au règlement (UE) no 596/2014 n’entraîne pas une violation du principe non bis in idem.

[…]

(27)      La présente directive respecte les droits fondamentaux et observe les principes reconnus par la [Charte] tels qu’ils sont reconnus dans le traité sur l’Union européenne. Plus particulièrement, elle devrait être appliquée dans le respect du droit à la protection des données à caractère personnel (article 8), de la liberté d’expression et d’information (article 11), de la liberté d’entreprise (article 16), du droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial (article 47), de la présomption d’innocence et des droits de la défense (article 48), des principes de légalité et de proportionnalité des délits et des peines (article 49), ainsi que du droit à ne pas être jugé ou puni pénalement deux fois pour une même infraction (article 50). »

19.      Au regard des opérations impliquant un trafic d’informations privilégiées et la recommandation ou l’incitation d’autres personnes à effectuer de telles opérations, l’article 3 prévoit :

« 1.      Les États membres prennent les mesures nécessaires pour faire en sorte qu’une opération d’initié, le fait de recommander à une autre personne ou de l’inciter à effectuer une opération d’initié comme indiqué aux paragraphes 2 à 8 constituent des infractions pénales, au moins dans les cas graves et lorsque ces actes sont commis intentionnellement.

2.      Aux fins de la présente directive, une opération d’initié se produit lorsqu’une personne détient des informations privilégiées et en fait usage lors de l’acquisition ou de la cession, pour son propre compte ou pour le compte d’un tiers, directement ou indirectement, d’instruments financiers auxquels ces informations se rapportent.

3.      Le présent article s’applique à toute personne qui détient des informations privilégiées parce qu’elle :

[…]

c)      a accès aux informations grâce à l’exercice de tâches résultant d’un emploi, d’une profession ou de fonctions ; ou

[…]

Le présent article s’applique également à toute personne qui a obtenu des informations privilégiées dans des circonstances autres que celles visées au premier alinéa, lorsque cette personne sait qu’il s’agit d’informations privilégiées. »

20.      Aux termes de l’article 4, paragraphe 1 :

« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour faire en sorte que la divulgation illicite d’informations privilégiées comme visé aux paragraphes 2 à 5 constitue une infraction pénale, au moins dans les cas graves et lorsqu’elle est commise intentionnellement. »

21.      Aux termes de l’article 7 relatif aux sanctions pénales à l’encontre des personnes physiques :

« 1.      Les États membres prennent les mesures nécessaires pour faire en sorte que les infractions visées aux articles 3 à 6 soient passibles de sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives.

2.      Les États membres prennent les mesures nécessaires pour faire en sorte que les infractions visées aux articles 3 et 5 soient passibles d’une peine d’emprisonnement maximale d’au moins quatre ans.

3.      Les États membres prennent les mesures nécessaires pour faire en sorte que l’infraction visée à l’article 4 soit passible d’une peine d’emprisonnement maximale d’au moins deux ans. »

22.      Conformément à l’article 13, paragraphe 1, les États membres adoptent et publient, au plus tard le 3 juillet 2016, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive.

C.      Le droit italien

23.      Le decreto legislativo n. 58/1998 – Testo unico delle disposizioni in materia di intermediazione finanziaria (décret législatif no 58/1998 – texte unique des dispositions en matière d’intermédiation financière ; ci-après le « TUF ») disposait en son article 184, dans la version applicable aux faits de l’espèce :

« 1.      Est puni d’une peine de réclusion de un an à six ans et d’une amende allant de [20 000] euros à trois millions d’euros quiconque, en possession d’informations privilégiées en raison de sa qualité de membre des organes d’administration, de direction ou de contrôle de l’émetteur, de la participation au capital de l’émetteur ou de l’exercice d’un emploi, d’une profession ou d’une fonction, également publique, ou d’une charge :

a)      achète, vend ou effectue d’autres opérations, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte de tiers, sur des instruments financiers en utilisant ces informations ;

b)      communique ces informations à d’autres personnes, en dehors du cadre normal de l’exercice de son emploi, de sa profession, de sa fonction ou de sa charge ;

c)      recommande à d’autres personnes, sur la base de ces informations, d’effectuer l’une des opérations indiquées sous a) ou les incite à le faire.

2.      Il y a lieu d’appliquer la sanction prévue au paragraphe 1 à quiconque, en possession d’informations privilégiées en raison de la préparation ou de l’exécution d’activités délictueuses, effectue l’une des opérations indiquées au même paragraphe 1. »

24.      Le TUF a été modifié par la legge n. 62 – Disposizioni per l’adempimento di obblighi derivanti dall’appartenenza dell’Italia alle Comunità europee, legge comunitaria 2004 (loi no 62 – Dispositions d’exécution d’obligations découlant de l’appartenance de [la République italienne] aux Communautés européennes, loi communautaire 2004), du 18 avril 2005, dans le but de renforcer les compétences de la Commissione Nazionale per le Società e la Borsa (Commission nationale pour les sociétés et la bourse, Italie) (Consob), en lui attribuant, entre autres, une faculté de sanction autonome à caractère administratif à l’encontre du trafic d’informations privilégiées. Concrètement, cette loi a inséré dans le TUF l’article 187 bis, dont le libellé est le suivant :

« 1.      Sans préjudice des sanctions pénales lorsque les faits sont constitutifs d’une infraction pénale, est puni d’une amende administrative de cent mille à quinze millions d’euros quiconque, en possession d’informations privilégiées en raison de sa qualité de membre des organes d’administration, de direction ou de contrôle de l’émetteur, de la participation au capital de l’émetteur ou de l’exercice d’un emploi, d’une profession ou d’une fonction, également publique, ou d’une charge :

a)      achète, vend ou effectue d’autres opérations, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte de tiers, sur des instruments financiers en utilisant ces informations ;

b)      communique des informations à d’autres personnes, en dehors du cadre normal de l’exercice de son emploi, sa profession, sa fonction ou sa charge ;

c)      recommande à d’autres personnes, sur la base de ces informations, d’effectuer l’une des opérations indiquées sous a) ou les incite à le faire,

est puni d’une sanction administrative pécuniaire de [100 000] euros à quinze millions d’euros.

2.      Il y a lieu d’appliquer la sanction prévue au paragraphe 1 à quiconque, en possession d’informations privilégiées en raison de la préparation ou de l’exécution d’activités délictueuses, effectue l’une des opérations indiquées au paragraphe 1.

[…]

4.      La sanction prévue au paragraphe 1 s’applique également à quiconque, en possession d’informations privilégiées, ayant connaissance ou qui aurait pu, en faisant preuve d’une diligence normale, avoir connaissance du caractère privilégié de ces informations, effectue certains des actes décrits dans ce paragraphe. »

25.      En vertu de l’article 187 duodecies, paragraphe 1, du TUF :

« La procédure administrative de contrôle et la procédure d’opposition au sens de l’article 187 septies ne peuvent être suspendues au motif qu’est en cours une procédure pénale portant sur les mêmes faits ou sur des faits dont la constatation est déterminante pour l’issue de la procédure. »

26.      L’article 187 terdecies, paragraphe 1, du TUF précise :

« Lorsque, pour les mêmes faits, une sanction administrative pécuniaire au sens de l’article 187 septies a été infligée à l’auteur de l’infraction ou à l’entité, le recouvrement de la peine pécuniaire et de la sanction pécuniaire relevant de l’infraction pénale est limité à la partie excédant le montant perçu par l’autorité administrative. »

27.      Conformément à l’article 654 du codice di procedura penale (code de procédure pénale), un jugement pénal irrévocable de condamnation, de relaxe ou d’acquittement a force de chose jugée dans le procès civil ou administratif à l’égard de la personne poursuivie, de la partie civile et de la partie civilement responsable qui aurait comparu ou serait intervenue au procès pénal.

II.    Le litige au principal et les questions préjudicielles

28.      Selon l’exposé des faits pour lesquels ils ont été sanctionnés par la Consob (7), M. Antonio Zecca et M. Enzo Di Puma ont acquis certaines actions en utilisant des informations privilégiées. Concrètement, M. Zecca, en sa qualité de directeur de la section « Transaction services » de Deloitte Financial Advisory Services SpA, disposait de ces informations concernant un projet d’offre publique d’achat des actions de Guala Closures SpA. Il disposait également d’informations confidentielles sur un projet de prise de contrôle de la Permasteelisa SpA.

29.      M. Zecca a transmis, en 2008, ces informations à M. Di Puma, en l’incitant à acheter des actions des sociétés en question. Ce dernier a acheté, en effet, le 30 septembre 2008, 4 000 actions de Guala Closures et, avec le concours de M. Zecca, 2 375 actions de Permasteelisa, les 14 et 17 décembre 2008.

30.      Après avoir ouvert une procédure administrative, le 17 septembre 2009, la Consob, par décision du 7 novembre 2012, a sanctionné M. Zecca en tant qu’auteur d’une infraction au titre de l’article 187 bis, paragraphe 1, sous a) et c), du TUF, en lui infligeant : i) une amende de 100 000 euros pour avoir incité M. Di Puma à acheter des actions de Guala Closures ; ii) une autre amende de 100 000 euros pour avoir communiqué à M. Di Puma des informations privilégiées sur le projet de prise de contrôle de Permasteelisa ; iii) une troisième amende de 100 000 euros pour l’acquisition de 2 375 actions de Permasteelisa ; et iv) une incapacité temporaire, pendant six mois, d’exercer certaines charges dans des sociétés cotées en bourse (8).

31.      Par la même décision, la Consob a infligé à M. Di Puma, en application de l’article 187 bis, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 4, du TUF : i) une amende de 100 000 euros pour l’achat des actions de Guala Closures ; ii) une autre amende de 100 000 euros pour l’achat des actions de Permasteelisa ; et iii) une incapacité temporaire, pendant trois mois, d’exercer certaines charges dans des sociétés cotées en bourse.

32.      MM. Di Puma et Zecca ont attaqué, avec des résultats différents, la décision de la Consob devant la Corte d’appello di Milano – Sezione Civile (cour d’appel de Milan, chambre civile, Italie). Le recours de M. Di Puma a été rejeté (arrêt du 4 avril 2013), tandis que celui de M. Zecca a été accueilli (arrêt du 23 de août 2013), ladite juridiction ayant relevé un vice de forme dans la communication des accusations, de sorte qu’elle a déclaré caduques les sanctions qui lui avaient été infligées.

33.      Les deux arrêts ont été attaqués en cassation, le premier sur pourvoi de M. Zecca et le second sur pourvoi de la Consob. La Corte suprema di cassazione (Cour de cassation, Italie), avant de statuer sur les pourvois respectifs, a saisi la Cour de deux questions préjudicielles dans chacune des procédures.

34.      La Consob, en outre, a transmis, le 2 décembre 2011, au ministère public un rapport contenant le résultat de son enquête sur les agissements de MM. Zecca et Di Puma. Dans la procédure pénale ouverte sur la base de cette communication, le Tribunale di Milano – Sezione penale (tribunal de Milan, chambre pénale, Italie) a relaxé les prévenus de l’infraction visée à l’article 184 du TUF, au motif que les faits qui leur étaient imputés n’étaient pas établis. Cet arrêt (no 6625 de 2014) n’a pas été attaqué par le ministère public, de sorte qu’il est devenu définitif (9).

35.      MM. Zecca et Di Puma ont renvoyé à cet arrêt de relaxe dans leurs pourvois en cassation dirigés contre les sanctions de la Consob. Ils font valoir, en particulier, que le Tribunale di Milano – Sezione penale (tribunal de Milan – chambre pénale) les a relaxés de l’infraction visée à l’article 184 du TUF au motif que les faits reprochés n’étaient pas établis et que l’arrêt en question est devenu définitif. Étant donné que le comportement visé par cette disposition est identique à la qualification de l’infraction administrative prévue à l’article 187 bis du TUF (10), sur le fondement duquel la Consob leur a infligé les sanctions, ils estiment faire l’objet de deux procédures pour un même fait, ce qui entraîne une violation du principe non bis idem énoncé à l’article 4 du protocole nº 7 et à l’article 50 de la Charte.

36.      La Corte suprema di cassazione (Cour de cassation), après avoir admis le renvoi à l’arrêt pénal de relaxe en vue de statuer sur son éventuelle force de chose jugée au regard des sanctions infligées par la Consob, rappelle que, dans l’arrêt du 4 mars 2014, Grande Stevens et autres c. Italie (11), la Cour européenne des droits de l’homme a déclaré que les dispositions italiennes qui sanctionnent en tant qu’infraction administrative la manipulation du marché sont incompatibles avec le droit de ne pas être condamné deux fois pour des comportements identiques du point de vue matériel.

37.      Malgré cela, la juridiction a quo a des doutes quant à l’extension de cette jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme à l’article 50 de la Charte, à la lumière de l’arrêt de la Cour du 26 février 2013, Åkerberg Fransson (12).

38.      Dans ce contexte, la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation) a saisi la Cour des deux questions préjudicielles suivantes, identiques dans les deux procédures :

« 1)      L’article 50 de la [Charte] doit-il être interprété en ce sens que, dès lors qu’une décision définitive a constaté que les faits constitutifs de l’infraction pénale n’étaient pas établis, et sans qu’il soit besoin d’une nouvelle appréciation du juge national, aucune autre procédure visant à l’adoption de sanctions qui, par leur nature et leur gravité, doivent être qualifiées de sanctions pénales ne peut être ouverte ou poursuivie au titre des mêmes faits ?

2)      Le juge national, dans le cadre de son appréciation du caractère effectif, proportionné et dissuasif des sanctions, aux fins de la constatation de la violation du principe ne bis in idem visé à l’article 50 de la [Charte], doit-il tenir compte des limites de peine qui ressortent de la directive 2014/57 ? »

39.      M. Zecca, M. Di Puma, les gouvernements italien, allemand et portugais, ainsi que la Commission ont déposé des observations. Les deux affaires ont été jointes et attribuées à la grande chambre de la Cour, l’audience ayant été tenue le 30 mai 2017, conjointement avec l’audience dans les affaires Menci (C‑524/15) et Garlsson Real State e.a. (C‑537/16). Lors de l’audience, ont présenté des observations orales concernant ces affaires jointes les représentants de MM. Zecca et Di Puma, la Consob, les gouvernements italien et allemand, ainsi que la Commission.

III. Analyse des questions préjudicielles

40.      Par sa première question, la juridiction de renvoi souhaite savoir si, au regard de l’article 50 de la Charte, les décisions pénales définitives constatant que les faits constitutifs de l’infraction pénale d’abus de marché ne sont pas établis excluent, a priori, l’ouverture ou la poursuite de toute autre procédure visant à l’adoption de sanctions pour les mêmes faits, lorsque cette procédure peut donner lieu à des sanctions qui, par leur nature et leur gravité, doivent être qualifiées de sanctions pénales.

41.      Dans sa deuxième question, la même juridiction soulève des doutes quant à la question de savoir si, pour apprécier le caractère effectif, proportionné et dissuasif des sanctions, le juge national doit tenir compte des limites fixées par la directive 2014/57.

42.      Avant de suggérer une réponse à ces questions, j’estime qu’il convient de formuler trois précisions. La première est qu’il ne fait aucun doute que l’article 50 de la Charte est applicable à la présente affaire, étant donné que la réglementation nationale sur les abus de marché, sur le fondement de laquelle ont été infligées les sanctions litigieuses, a été adoptée par l’État italien aux fins de la transposition, en droit interne, de la directive 2003/6.

43.      Le champ d’application de la Charte, en ce qui concerne l’action des États membres, est défini à son article 51, paragraphe 1, en vertu duquel les dispositions de la Charte s’adressent à ces derniers uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. Les droits fondamentaux garantis par la Charte doivent être respectés en appliquant les dispositions de droit interne qui, à leur tour, reflètent ou découlent de dispositions du droit de l’Union (13). A contrario, la Cour n’est pas compétente pour statuer sur une situation juridique ne relevant pas de ce domaine, et les dispositions de la Charte ne sauraient fonder, à elles seules, une telle compétence (14).

44.      Une deuxième précision concerne le choix opéré par le législateur italien lorsqu’il a introduit, en 2005, un système prévoyant une double voie de procédures et de sanctions (administratives et pénales) pour réprimer les comportements constitutifs d’abus de marché, en application de la directive 2003/6.

45.      Ledit système de double voie, administrative et pénale (doppio binario sanzionatorio), présente des caractéristiques qui le rendent difficilement compatible avec le principe non bis in idem de l’article 50 de la Charte, comme l’expose la juridiction de renvoi. Si ce système avait été instauré par la directive 2003/6, on pourrait s’interroger sur sa possible nullité, précisément en raison de l’éventuelle violation de l’article 50 de la Charte.

46.      À mon sens, toutefois, la directive 2003/6 n’impose pas aux États membres d’appliquer un système de double voie, administrative et pénale, pour réprimer ce genre de comportements illicites, de sorte que je ne considère pas que la directive soit incompatible avec l’article 50 de la Charte.

47.      Dans mes conclusions présentées dans l’affaire Garlsson Real State e.a. (15), j’analyse la compatibilité de la directive 2003/6 avec l’article 50 de la Charte. Je fais également référence au nouveau régime de sanctions applicables aux abus de marché, introduit par le règlement no 596/2014 et par la directive 2014/57, lesquels n’imposent pas non plus aux États membres de prévoir la double voie pour réprimer les abus de marché et ne sont pas, de ce fait, incompatibles avec le principe non bis in idem.

48.      La troisième précision porte sur la référence à la directive 2014/57 et à l’éventuelle irrecevabilité de la deuxième question préjudicielle. Le gouvernement italien fait valoir que cette directive n’est pas applicable ratione temporis à la présente espèce au motif que les faits sanctionnés se sont produits en 2008, alors que le délai de transposition de la directive 2014/57 dans les droits internes expirait le 3 juillet 2016.

49.      La juridiction de renvoi est, évidemment, consciente que la directive 2014/57 ne s’applique pas aux affaires en question pour des raisons chronologiques. Il s’ensuit que sa (deuxième) question préjudicielle posée à la Cour porte non pas sur l’interprétation de cette directive, mais sur la possibilité de tirer du nouveau cadre réglementaire (directive 2014/57 et règlement no 596/2014) des données utiles pour examiner le caractère effectif, proportionné et dissuasif des sanctions, s’agissant d’apprécier la violation du principe non bis in idem (16). Ainsi expliquée, j’estime que la deuxième question préjudicielle est recevable.

A.      Première question préjudicielle : application du principe non bis in idem visé à l’article 50 de la Charte à la répétition de procédures pénales et administratives pour trafic d’informations privilégiées

50.      Dans les conclusions Menci, j’ai développé de manière exhaustive mes réflexions sur :

–        l’application de l’article 50 de la Charte au cumul de sanctions fiscales et pénales, à la lumière de la jurisprudence de la Cour et, notamment, de l’arrêt du 26 février 2013, Åkerberg Fransson (C‑617/10, EU:C:2013:105), et d’autres arrêts antérieurs (17) ;

–        la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme sur le principe non bis in idem, en ce qui concerne tant l’identité des faits que la répétition des procédures de sanction (18) ;

–        l’incidence de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, du 15 novembre 2016, A et B c. Norvège (19), sur le droit de l’Union (20) ;

–        la possibilité d’explorer la voie de l’article 52, paragraphe 1, première phrase, de la Charte pour limiter le droit de ne pas être jugé ou condamné pénalement deux fois pour une même infraction (21).

51.      Je pense que ces mêmes réflexions peuvent être transposées, mutatis mutandis, pour interpréter la portée de la protection que confère l’article 50 de la Charte contre la dualité de procédures et de sanctions, pénales et administratives, pour un même fait pouvant être qualifié de trafic d’informations privilégiées. Je renvoie, partant, auxdites conclusions.

52.      La juridiction de renvoi, par sa première question préjudicielle, souhaite savoir si l’article 50 de la Charte permet que soit menée une procédure administrative pour sanctionner les auteurs de comportements illicites constitutifs d’un trafic d’informations privilégiées, lorsqu’une décision pénale définitive a constaté, précédemment, que l’existence de ces comportements n’était pas établie.

53.      L’application du principe non bis in idem assurée par l’article 50 de la Charte exige la réunion de quatre conditions : 1) l’identité de la personne poursuivie ou sanctionnée ; 2) l’identité des faits visés par la procédure (idem) ; 3) le cumul des procédures de sanction (bis) ; et 4) le caractère définitif d’une des deux décisions.

54.      Dans le présent litige, la juridiction de renvoi semble ne pas douter de la coïncidence (identité) des deux personnes poursuivies ou sanctionnées pour trafic d’informations privilégiées, c’est‑à‑dire MM. Zecca et Di Puma. Les procédures pénales qui ont abouti à l’arrêt de relaxe étaient dirigées contre eux, de même que les procédures administratives à l’issue desquelles la Consob leur a infligé les sanctions d’amende et d’incapacité susmentionnées.

55.      Le caractère définitif des décisions mettant fin à l’une des procédures (en l’espèce, la procédure pénale) n’est pas davantage en question. Dans la procédure pénale introduite par le ministère public à l’encontre de MM. Zecca et Di Puma, le Tribunale di Milano – Sezione penale (tribunal de Milan, chambre pénale) les a relaxés de l’infraction visée à l’article 184 du TUF. L’arrêt en question a acquis force de chose jugée (22).

56.      L’identité matérielle des faits reprochés (idem) ne semble pas non plus sujette à caution, pas plus qu’elle ne suscite des doutes pour la juridiction de renvoi. Les faits pour lesquels MM. Zecca et Di Puma ont été poursuivis et relaxés pénalement sont les mêmes (opérations d’initiés) que ceux pour lesquels la Consob leur a infligé les sanctions administratives.

57.      Les doutes du juge de renvoi se concentrent, par conséquent, sur la dualité ou la répétition des procédures de sanction (bis). Il s’agit de savoir s’il est porté atteinte à l’article 50 de la Charte lorsque, après la relaxe pénale définitive au motif que les faits sanctionnés n’étaient pas établis, la personne relaxée peut encore être soumise, pour les mêmes faits, à la procédure de sanction de la Consob (ou si la procédure déjà instaurée peut être poursuivie), procédure qui, éventuellement, peut donner lieu à des sanctions ayant formellement un caractère administratif, mais constituant, en réalité, de véritables peines.

58.      Comme je l’ai indiqué dans les conclusions présentées dans l’affaire Menci (23), la Cour de justice a utilisé, dans le cadre de l’article 50 de la Charte, les critères dits critères Engel en tant que paramètres visant à déterminer à partir de quand une procédure ou une sanction, qui a en principe un caractère administratif, acquiert une nature pénale (24).

59.      Le premier critère Engel (la qualification juridique de l’infraction en droit interne) est fort peu pertinent dans la présente espèce puisque le droit italien qualifie d’administratives les procédures et les sanctions de la Consob. Cela n’empêche pas, toutefois, d’ apprécier celles-ci ultérieurement à la lumière des deux autres critères (25).

60.      Le deuxième critère Engel porte sur la nature juridique de l’infraction. Une infraction identifiée formellement comme administrative aura, en réalité, un caractère pénal lorsqu’elle remplit une série de critères que j’ai évoquée dans les conclusions Menci (entre autres, le fait que sa sanction obéisse à des finalités de répression et de prévention, qu’elle ne se borne pas à la réparation de préjudices patrimoniaux et qu’elle vise à sauvegarder des intérêts juridiques dont la protection est généralement garantie moyennant des dispositions de droit pénal) (26).

61.      Pour la juridiction de renvoi, compte tenu de la nature des comportements incriminés, les infractions administratives punies par la Consob sont de nature substantiellement pénale, conformément au deuxième critère Engel. Je partage cet avis. Les intérêts protégés par celles-ci (article 187 bis du TUF) sont identiques à ceux protégés par les types d’infractions pénales homonymes (article 184 du TUF). L’une comme l’autre tendent à sauvegarder l’intégrité des marchés financiers et la confiance du public dans la sécurité des transactions. L’attribution à la Consob d’un pouvoir de sanction visant à réprimer ce type d’infractions a des finalités tant préventives (dissuader de potentiels contrevenants de commettre des agissements illicites constitutifs de trafic d’informations privilégiées) que répressives (sanctionner ceux qui ont commis ce type de faits et éviter leur récidive) (27).

62.      Le troisième critère Engel porte sur la nature et le degré de sévérité de la sanction, devant être appréciés en fonction des critères auxquels j’ai également fait allusion dans les conclusions Menci (28). Étant donné la variété des sanctions que la Consob a le pouvoir d’imposer et, en particulier, le montant élevé des amendes qu’elle peut infliger, la juridiction de renvoi reconnaît qu’il s’agit de sanctions ayant une coloration clairement pénale.

63.      La gravité des sanctions doit être appréciée en fonction de la sanction dont est, a priori, passible la personne concernée, et non de celle finalement infligée ou exécutée : une possible réduction ultérieure de la peine ou le fait qu’elle ne soit pas accomplie en raison d’une amnistie seraient sans pertinence (29). De la même manière, l’application de l’article 50 de la Charte n’est pas subordonnée au fait qu’une des procédures ait abouti à une décision définitive déclarant la responsabilité de la personne concernée pour l’infraction et infligeant la sanction. Comme l’expose précisément la juridiction de renvoi, dans son ordonnance, l’efficacité de la sanction se mesure en fonction de l’infraction constatée, de sorte que, s’il a été constaté que ladite infraction n’est pas établie, la question de l’effectivité des sanctions ne devrait pas se poser.

64.      À mon avis, l’application du principe non bis in idem de l’article 50 de la Charte s’oppose à l’ouverture ou à la poursuite d’une procédure administrative de sanction pour les mêmes faits, après la relaxe des auteurs de l’infraction par une décision définitive dans une procédure pénale. Le contenu essentiel de l’article 50 de la Charte serait amoindri si l’on ne prenait en considération que les décisions infligeant des sanctions et non celles qui disculpent, s’agissant d’apprécier les violations du principe non bis in idem.

65.      Si l’on n’accordait aucune pertinence aux décisions qui disculpent, en ce qui concerne le principe non bis in idem, personne ne bénéficierait de la sécurité juridique conférée par ce droit, lequel comprend la garantie de ne pas être poursuivi ou sanctionné après une décision pénale définitive de relaxe ou d’acquittement. L’État ne saurait engager une seconde fois, pour les mêmes faits, son pouvoir de répression à l’encontre d’une personne définitivement disculpée par la voie pénale. De plus, cette interdiction vaut aussi bien pour une nouvelle procédure pénale que pour une procédure administrative aboutissant à des sanctions matériellement pénales.

66.      En ce sens, la Cour européenne des droits de l’homme a confirmé que la garantie inhérente au principe non bis in idem est applicable non seulement aux cas de double condamnation, mais également à ceux de double incrimination, c’est‑à‑dire en présence d’accusations qui n’aboutissent pas à une condamnation. Elle a affirmé, de la même manière, qu’il est sans importance que la procédure administrative précède ou suive la procédure pénale, que la première sanction soit compensée par celle appliquée dans la seconde, ou que la personne ait été mise hors de cause à l’issue de la première ou de la seconde procédure (30).

67.      D’un autre point de vue, le principe non bis in idem de l’article 50 de la Charte sauvegarde la sécurité juridique des particuliers de manière à ce que les décisions définitives dont ils ont bénéficié ne soient pas contredites par des agissements ultérieurs de l’administration donnant lieu à des sanctions. Le respect de la force de chose jugée propre aux décisions pénales (définitives) de relaxe ou d’acquittement serait faussé si une autorité administrative, comme la Consob, pouvait les ignorer, considérant comme établis les mêmes faits que le juge pénal avait déclarés non établis.

68.      La juridiction de renvoi fait elle-même référence, dans son ordonnance, à cette interaction entre le principe non bis in idem et la force de chose jugée. Elle souligne le risque de décisions contradictoires au regard des agissements de MM. Zecca et Di Puma si l’arrêt définitif de relaxe du juge pénal n’empêchait pas la Consob d’adopter à leur encontre des sanctions administratives, en réponse aux mêmes faits constitutifs d’un trafic d’informations privilégiées (31).

69.      Sur ce point, il convient de rappeler la jurisprudence constante de la Cour concernant l’importance que revêt, dans l’ordre juridique de l’Union et dans les ordres juridiques nationaux, le principe de la chose jugée. En vue de garantir aussi bien la stabilité du droit et des relations juridiques qu’une bonne administration de la justice, il importe que des décisions juridictionnelles devenues définitives après épuisement des voies de recours disponibles ou après expiration des délais prévus pour ces recours ne puissent plus être remises en cause (32).

70.      Le droit de l’Union n’impose pas dans tous les cas à une juridiction nationale d’écarter l’application des règles de procédure internes conférant l’autorité de la chose jugée à une décision, même si cela permettrait de remédier à une violation du droit de l’Union par la décision en cause (33). En l’absence de réglementation de l’Union en la matière, les modalités de mise en œuvre du principe de l’autorité de la chose jugée relèvent de l’ordre juridique interne des États membres en vertu du principe de l’autonomie procédurale de ces derniers (34).

71.      Cette jurisprudence de la Cour corrobore l’idée précédente, selon laquelle le principe non bis in idem de l’article 50 de la Charte renforce le respect du principe de la chose jugée au regard des décisions pénales nationales en empêchant l’adoption de sanctions ultérieures, au contenu opposé, pour les mêmes faits. On ne saurait admettre, dès lors, que la nécessité d’appliquer des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives, comme l’indique l’article 14, paragraphe 1, de la directive 2003/6 ou la jurisprudence de la Cour, puisse se traduire, pour les juges nationaux, en une obligation de ne pas respecter l’effet de la chose jugée d’une décision pénale définitive de relaxe ou d’acquittement.

72.      Il convient, enfin, de mentionner l’incidence éventuelle que pourrait avoir dans le présent litige le revirement de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’arrêt A et B c. Norvège (35), rendu postérieurement à la présente demande de décision préjudicielle. Selon cet arrêt, le cumul d’une procédure de sanction administrative et d’une procédure pénale n’enfreint pas l’article 4 du protocole no 7 lorsqu’il existe un lien matériel et temporel suffisamment étroit entre celles-ci. Certaines des parties, dans leurs observations écrites et orales, ont entendu extrapoler cette jurisprudence à l’application de l’article 50 de la Charte pour justifier le modèle italien de double voie dans la répression des abus de marché.

73.      Je ne souscris pas à cet argument, pour les raisons que j’ai exposées dans les conclusions Menci (36). Je persiste à dire que la Cour ne devrait pas admettre l’interprétation restrictive du principe non bis in idem de l’article 50 de la Charte et devrait refuser de suivre le changement jurisprudentiel initié par la Cour européenne des droits de l’homme concernant l’article 4 du protocole no 7. Il convient, au contraire, de maintenir un niveau plus élevé de protection de ce droit, dans la ligne des arrêts rendus jusqu’à présent sur l’article 50 de la Charte.

74.      Dans la présente affaire, la juridiction de renvoi, qui est mieux à même de déterminer si les sanctions administratives soumises à son jugement ont, véritablement, un caractère pénal, affirme que celles appliquées par la Consob à MM. Zecca et Di Puma revêtent un tel caractère et que les infractions qu’elles punissent poursuivent le même objectif que les infractions pénales d’abus de marché. Dans ces circonstances, l’application des critères Engel au litige au principal aboutirait à constater la violation de l’article 50 de la Charte.

75.      Eu égard à cette prémisse, la déduction la plus cohérente est qu’une disposition interne comme la disposition italienne sur l’abus de marché permet la double répression, administrative (mais matériellement pénale) et pénale, du même comportement illicite, sans mettre en place un mécanisme procédural clair en vue d’éviter la double incrimination et la double sanction infligée aux auteurs des faits. Elle porte ainsi atteinte au principe non bis in idem protégé par l’article 50 de la Charte, en autorisant à mener une procédure administrative pour sanctionner les auteurs de comportements illicites de trafic d’informations privilégiées, alors qu’une décision pénale définitive a constaté préalablement que lesdits comportements n’étaient pas établis.

B.      Deuxième question préjudicielle : exigence d’effectivité des sanctions en tant que limite possible du principe non bis in idem de l’article 50 de la Charte

76.      Par sa deuxième question, la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation) souhaite savoir si un juge national doit tenir compte des limites de peine établies par la directive 2014/57 en vue d’apprécier le caractère effectif, proportionné et dissuasif des sanctions, et de déterminer, si, eu égard à ces limites, on est en présence d’une violation de l’article 50 de la Charte.

77.      La juridiction de renvoi interprète l’arrêt du 26 février 2013, Åkerberg Fransson (C‑617/10, EU:C:2013:105) dans le sens que le juge national, appelé à statuer sur l’article 50 de la Charte, serait tenu d’apprécier le caractère effectif, proportionné et dissuasif des sanctions « restantes » à la suite de l’application du principe non bis in idem. Aux fins d’une telle appréciation, il est nécessaire de savoir si l’on peut prendre comme référence les limites de peines prévues par la directive 2014/57 (37).

78.      À partir de cette lecture de l’arrêt du 26 févier 2013, Åkerberg Fransson (C‑617/10, EU:C:2013:105), la juridiction de renvoi considère que, de la même manière qu’une décision pénale de relaxe ou d’acquittement (comme celle ayant visé MM. Zecca et Di Puma) entraîne la non-application de sanctions dans les procédures pénales, l’article 50 de la Charte pourrait ne pas s’opposer à l’imposition ultérieure de sanctions administratives (à caractère pénal) comme celles appliquées par la Consob (38).

79.      Je ne partage pas cette interprétation de l’arrêt du 26 février 2013, Åkerberg Fransson (C‑617/10, EU:C:2013:105). D’après moi, on ne saurait tirer de son point 36 (39) que le champ d’application du principe non bis in idem de l’article 50 de la Charte serait soumis à la condition que, en cas de décision pénale de relaxe ou d’acquittement, il soit possible d’infliger d’autres peines effectives, proportionnées et dissuasives pour les mêmes faits. La soumission à une telle condition ne découle pas davantage de l’article 14, paragraphe 1, de la directive 2003/6 ni de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2014/57.

80.      À l’instar de la Commission, j’estime que l’exigence d’effectivité des sanctions ne constitue pas une limitation du principe non bis in idem de l’article 50 de la Charte. L’obligation d’appliquer des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives pèse sur les États de manière générale, indépendamment du fait que ces derniers adoptent un système de double voie (pénale et administrative) ou de voie unique (pénale) pour sanctionner les abus de marché. Quel que soit le mécanisme choisi, le régime de sanctions doit être effectif et, en tout état de cause, respecter le principe non bis in idem protégé par l’article 50 de la Charte.

81.      Comme je l’ai exposé dans mes conclusions dans l’affaire Menci (40) et dans l’affaire Garlsson Real State e.a. (41), seule la clause horizontale de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte permettrait de déterminer si l’effectivité des sanctions contre le trafic d’informations privilégiées peut être qualifiée d’« objectif d’intérêt général » susceptible de justifier des exceptions à l’article 50 de la Charte (42).

82.      En vertu de la clause de l’article 52, paragraphe 1, première phrase, de la Charte, la limitation du droit au principe non bis in idem devra être prévue par la loi et respecter son contenu essentiel. En vertu de la deuxième phrase du même paragraphe, dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations au principe non bis in idem ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui (43).

83.      Des quatre conditions indispensables pour justifier la limitation du droit fondamental en cause, la première et la dernière ne présenteraient, dans le présent cas, aucune difficulté particulière. La loi nationale couvrirait la double incrimination et celle-ci répondrait à un objectif d’intérêt général admis par le droit de l’Union lui-même (à savoir la protection des marchés financiers).

84.      Je doute, cependant, que le contenu essentiel du droit de ne pas être jugé ou condamné pénalement deux fois pour la même infraction soit respecté dans ces circonstances. Quoi qu’il en soit, et c’est là ce qui importe, la limitation que je viens d’analyser ne me paraît pas nécessaire, au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte.

85.      Le fait que les réglementations des États membres prévoient des solutions différentes dans ce domaine démontre, en soi, de mon point de vue, que cette limitation n’est pas nécessaire. Si elle était réellement inévitable, conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, cette limitation le serait pour tous les États membres, et pas uniquement pour certains d’entre eux. Certains États membres ont prévu des systèmes avec une voie unique pour la répression des abus de marché, alors que d’autres ont maintenu la double voie, mais en instaurant des mécanismes procéduraux (comme l’« aiguillage » en France) qui empêchent le cumul de sanctions (44).

86.      La capacité de dissuasion d’une sanction dépend de sa gravité : il est certain que les peines de prison (c’est-à-dire celles prévues pour les infractions pénales) dissuadent davantage que celles pécuniaires (propres au régime administratif). Un système combinant, sans les dupliquer, ces dernières pour les infractions les moins graves avec les premières qui seraient réservées aux plus graves respecterait l’objectif visant à prévenir la multiplication de ces abus.

87.      Pour ce qui est de l’effectivité, je ne vois pas pourquoi, en présence de sanctions matériellement pénales, et donc soumises aux garanties inhérentes au droit punitif, les actes des organes de l’administration devraient être forcément plus expéditifs que ceux des organes judiciaires. Il incombera aux États membres de prévoir les moyens (législatif, administratif et juridictionnel) adéquats pour faire face à la lutte contre les abus de marché en conciliant leur efficacité avec le respect des droits garantis par la Charte.

88.      Par conséquent, le caractère effectif, proportionné et dissuasif des sanctions ne constitue pas une limitation du champ d’application du droit au principe non bis in idem protégé par l’article 50 de la Charte.

IV.    Conclusion

89.      Eu égard aux raisonnements exposés ci-dessus, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation, Italie) dans les termes suivants :

L’article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne :

1)      s’oppose à une réglementation nationale qui permet de mener une procédure en vue d’infliger des sanctions administratives à caractère matériellement pénal aux auteurs d’un abus de marché, alors qu’une décision pénale antérieure, de relaxe ou d’acquittement et définitive, a constaté, au regard des mêmes faits et des mêmes personnes, que les faits n’étaient pas établis ;

2)      ne saurait être limité, dans des circonstances comme celles de l’affaire au principal, par l’exigence que les sanctions applicables aux abus de marché aient un caractère effectif, proportionné et dissuasif.


1      Langue originale : l’espagnol.


2      C‑524/15, EU:C:2017:667.


3      Directive du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 sur les opérations d’initiés et les manipulations de marché (abus de marché) (JO 2003, L 96, p. 16).


4      Règlement du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les abus de marché (règlement relatif aux abus de marché) et abrogeant la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil et les directives 2003/124/CE, 2003/125/CE et 2004/72/CE de la Commission (JO 2014, L 173, p. 1). Le règlement no 596/2014 a remplacé la directive 2003/6 à compter du 3 juillet 2016.


5      Directive du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relative aux sanctions pénales applicables aux abus de marché (directive relative aux abus de marché) (JO 2014, L 173, p. 179).


6      Ni le règlement no 596/2014 ni la directive 2014/57 ne sont applicables ratione temporis à la présente affaire, dont les faits remontent à l’année 2005.


7      Comme je l’expliquerai plus loin, la juridiction pénale italienne a relaxé les deux prévenus au titre de l’infraction d’abus de marché.


8      Elle a, en outre, ordonné la confiscation de ses biens pour une valeur de 23 106,25 euros, équivalant au bénéfice généré par les infractions commises, conformément à l’article 187 bis, paragraphe 4, du TUF.


9      La Consob, qui a pris part à la procédure pénale en tant que partie civile, a formé un pourvoi, mais celui-ci, selon la juridiction de renvoi, n’affecte pas le caractère définitif de l’arrêt.


10      Les deux dispositions sanctionnent, en tant qu’infraction pénale et comme infraction administrative, le fait d’acquérir et de revendre des actions d’une société, après avoir eu connaissance d’informations privilégiées sur celle‑ci.


11      Cour EDH, CE:ECHR:2014:0304JUD001864010.


12      C‑617/10, EU:C:2013:105.


13      Arrêt du 26 février 2013, Åkerberg Fransson (C‑617/10, EU:C:2013:105, points 18 à 22).


14      Ainsi, en Italie, les sanctions fiscales et pénales pour défaut de paiement de l’impôt sur le revenu ne supposent pas l’application du droit de l’Union, au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte. Pour ce motif, la Cour s’est déclarée incompétente pour répondre à une question préjudicielle dans l’ordonnance du 15 avril 2015, Burzio (C‑497/14, EU:C:2015:251).


15      Conclusions présentées le 12 septembre 2017, C‑537/16, EU:C:2017:668, points 41 à 51.


16      En ce sens, elle signale que, s’il existe une norme de droit interne prévoyant une sanction pénale supérieure, dans sa limite maximale, à celle indiquée par la directive, l’effectivité du droit de l’Union demeure assurée et que, par conséquent, une sanction administrative supplémentaire serait contraire à l’article 50 de la Charte.


17      Voir mes conclusions dans l’affaire Menci (C‑524/15, EU:C:2017:667, points 27 à 34).


18      Voir mes conclusions dans l’affaire Menci (C‑524/15, EU:C:2017:667, points 35 à 56).


19      CE:ECHR:2016:1115JUD002413011.


20      Voir mes conclusions dans l’affaire Menci (C‑524/15, EU:C:2017:667, points 57 à 77).


21      Voir mes conclusions dans l’affaire Menci (C‑524/15, EU:C:2017:667, points 78 à 94).


22      La Consob, en tant que partie civile, a certes formé un pourvoi, mais la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation) indique clairement que « l’arrêt pénal de relaxe est devenu définitif » (point 8 de l’ordonnance de renvoi).


23      C‑524/15, EU:C:2017:667, point 31.


24      Arrêts du 26 février 2013, Åkerberg Fransson (C‑617/10, EU:C:2013:105, point 35), et du 5 juin 2012, Bonda (C‑489/10, EU:C:2012:319, point 37).


25      Voir mes conclusions dans l’affaire Menci (C‑524/15, EU:C:2017:667, points 46 et 111).


26      C‑524/15, EU:C:2017:667, points 47 et 112 à 115.


27      Voir, en ce sens, Cour EDH, 4 mars 2014, Grande Stevens et autres c. Italie, CE:ECHR:2014:0304JUD001864010, point 96.


28      C‑524/15, EU:C:2017:667, points 48 et 119.


29      Cour EDH, 4 mars de 2014, Grande Stevens et autres c. Italie, CE:ECHR:2014:0304JUD001864010, points 97 et 98.


30      La Cour européenne des droits de l’homme a considéré qu’il y avait atteinte au principe non bis in idem au motif que les autorités fiscales avaient infligé une amende alors que les juges pénaux avaient mis les personnes concernées hors de cause dans des procédures parallèles ou ultérieures (Cour EDH, 30 avril 2015, Kapetanios et autres c. Grèce, CE:ECHR:2015:0430JUD000345312, et Cour EDH, 9 juin 2016, Sismanidis et Sitaridis c. Grèce, CE:ECHR:2016:0609JUD006660209.


31      La juridiction de renvoi signale que, si la deuxième procédure se poursuivait, même en présence du constat définitif de ce que les faits constitutifs de l’infraction ne sont pas établis, afin de permettre l’application de sanctions supplémentaires, le résultat pourrait être un risque de décisions contradictoires au sein de l’État membre, du moment qu’un arrêt pénal de relaxe pourrait être suivi d’une décision de condamnation pour les mêmes faits, en ce qui concerne l’infraction administrative et les sanctions correspondantes.


32      Voir, entre autres, arrêts du 3 septembre 2009, Fallimento Olimpiclub (C‑2/08, EU:C:2009:506, point 22) ; du 6 octobre 2015, Târșia (C‑69/14, EU:C:2015:662, point 28), et du 11 novembre 2015, Klausner Holz Niedersachsen (C‑505/14, EU:C:2015:742, point 38).


33      Arrêts du 16 mars 2006, Kapferer (C‑234/04, EU:C:2006:178, point 22) ; du 3 septembre 2009, Fallimento Olimpiclub (C‑2/08, EU:C:2009:506, point 23) ; du 10 juillet 2014, Impresa Pizzarotti (C‑213/13, EU:C:2014:2067, point 59), et du 6 octobre 2015, Târșia (C‑69/14, EU:C:2015:662, point 29).


34      Ces modalités d’application ne doivent cependant pas être moins favorables que celles régissant des situations similaires de nature interne (principe d’équivalence) ni être aménagées de manière à rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (principe d’effectivité). Voir arrêts cités dans la note en bas de page 33s et arrêt du 11 novembre 2015, Klausner Holz Niedersachsen (C‑505/14, EU:C:2015:742, point 40).


35      Cour EDH, 15 novembre 2016, CE:ECHR:2016:1115JUD002413011.


36      C‑524/15, EU:C:2017:667, points 63 à 73.


37      Même si cette directive n’est pas applicable ratione temporis à la présente espèce, elle peut être utilisée comme élément herméneutique complémentaire (voir points 49 et 50 des présentes conclusions).


38      Le doppio binario sanzionatorio (double voie de sanctions) serait justifié par la nécessité d’assurer des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives, en réponse aux comportements constitutifs d’abus de marché. Les gouvernements italien, allemand et portugais, à l’instar de la Consob, ont fait valoir, dans leurs observations, que ces caractéristiques des sanctions permettent de limiter le champ d’application de l’article 50 de la Charte, de sorte que la double répression, pénale et administrative, favoriserait une lutte plus efficace contre les abus de marché.


39      « Il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier, à la lumière de ces critères, s’il y a lieu de procéder à un examen du cumul de sanctions fiscales et pénales prévu par la législation nationale par rapport aux standards nationaux au sens du point 29 du présent arrêt, ce qui pourrait l’amener, le cas échéant, à considérer ce cumul comme contraire auxdits standards, à condition que les sanctions restantes soient effectives, proportionnées et dissuasives […] »


40      C‑524/15, EU:C:2017:667, points 78 à 93.


41      C‑537/16, EU:C:2017:668, points 74 à 80.


42      Voir arrêt du 27 mai 2014, Spasic (C‑129/14 PPU, EU:C:2014:586, point 55).


43      Voir arrêt du 27 mai 2014, Spasic (C‑129/14 PPU, EU:C:2014:586, point 56).


44      Voir la vaste étude de droit comparé menée par plusieurs auteurs dans le volume monographique de la Revue internationale des services financiers/International Journal for Financial Services, 2015, no 1 ; ainsi que Lecoqc, A., Principe non bis in idem : vers l’esquisse d’une standardisation de l’Una Via procédural : expériences belges et françaises, Tijdschrift voor rechtspersoon en vennootschap/Revue pratique des sociétés 2016, no 6, p. 645 à 668 ; Club des juristes, Poursuite et sanction des abus de marché :le droit français à l’épreuve des textes communautaires et des jurisprudences récentes (CEDH, CJUE, Conseil constitutionnel), mai 2015, www.leclubdesjuristes.com/les-commissions/rapport-poursuite-et-sanction-des-abus-de-marche/