Language of document : ECLI:EU:T:2011:706

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

30 novembre 2011 (*)

« Marque communautaire – Demande de marque communautaire verbale Complete – Motifs absolus de refus – Absence de caractère distinctif – Caractère descriptif – Motivation – Produits constituant un groupe homogène – Article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑123/10,

Paul Hartmann AG, établie à Heidenheim an der Brenz (Allemagne), représentée par Me N. Aicher, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté initialement par Mme B. Schmidt, puis par Mme R. Manea et M. R. Pethke, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 20 janvier 2010 (affaire R 601/2009-4), concernant une demande d’enregistrement du signe verbal Complete comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. J. Azizi, président, Mme K. Jürimäe et M. S. Frimodt Nielsen (rapporteur), juges,

greffier : Mme V. Nagy, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 18 mars 2010,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 3 juin 2010,

vu le mémoire en réplique déposé au greffe du Tribunal le 10 août 2010,

vu les questions écrites du Tribunal aux parties,

vu les observations déposées par les parties au greffe du Tribunal les 9 et 10 juin 2011,

à la suite de l’audience du 13 juillet 2011,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 3 décembre 2008, la requérante, Paul Hartmann AG, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal Complete.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 5 et 10 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 5 : « Produits hygiéniques à usage médical ; emplâtres, matériel pour pansements ; désinfectants ; couches, couches absorbantes, couches-culottes et protections absorbantes composées essentiellement de papier, de cellulose ou d’autres matières fibreuses en tant qu’articles à usage unique, culottes de fixation tissées à mailles et/ou tricotées en fils textiles ou composées de cellulose pour fixer des protections absorbantes, tous les produits précités destinés aux soins des incontinents » ;

–        classe 10 : « Articles orthopédiques ; matériel de suture chirurgical ; alèses pour malades et alèses pour incontinents (comprises dans la classe 10) ».

4        Par décision du 7 mai 2009, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement pour tous les produits visés sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

5        Le 27 mai 2009, la requérante a formé un recours contre cette décision auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009.

6        Par lettre du 21 octobre 2009, le rapporteur désigné au sein de la quatrième chambre de recours a informé la requérante que le motif de refus énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 faisait également obstacle à l’enregistrement de la marque, dans la mesure où la marque demandée désigne des produits offrant une protection complète ou parfaite contre les conséquences de l’incontinence.

7        Dans ses observations du 16 décembre 2009, la requérante a indiqué qu’une telle perception de la marque demandée impliquait d’y ajouter mentalement les mots « protection » ou « contre les conséquences de l’incontinence », alors que le mot « complete », pris seul, n’évoquait que vaguement la nature du produit.

8        Par décision du 20 janvier 2010 (affaire R 601/2009-4) (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours a rejeté le recours sur la base des motifs de refus visés, respectivement, à l’article 7, paragraphe 1, sous c), et à l’article 7, paragraphe 1, sous b), lus conjointement avec l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009. En substance, la chambre de recours a relevé que, pour le consommateur anglophone, le terme « complete » a plusieurs significations et, indépendamment de celles-ci, véhicule une idée de complétude. Ensuite, la chambre de recours a considéré que, dans le contexte des produits couverts par la marque demandée destinés aux soins des incontinents, cette idée apparaît sans peine sans nécessiter de raisonnements intermédiaires. Enfin, la chambre de recours a conclu que, comme la marque demandée est une indication descriptive au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, elle est de ce fait nécessairement dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement.

 Conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens, y compris ceux de la procédure de recours devant l’OHMI.

10      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

11      À l’appui de son recours, la requérante soulève deux moyens, tirés, respectivement, d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 et d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement.

 Sur la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009

12      La requérante fait notamment valoir que le terme « complete » ne peut être compris comme décrivant directement les produits visés par la demande de marque sans effort de réflexion. D’une part, les « emplâtres, matériel pour pansements, articles orthopédiques et matériel de suture chirurgical » ne seraient pas destinés à traiter l’incontinence. D’autre part, même pour les produits destinés au traitement de l’incontinence, la marque demandée n’aurait pas un caractère descriptif direct. L’idée de complétude viserait tous les produits et non seulement ceux destinés au traitement de l’incontinence. Le terme « complete » serait vague et ne désignerait pas seulement ce qui est complet.

13      L’OHMI soutient que le terme « complete » est directement compréhensible par le public pertinent quelle que soit sa signification. Il donnerait une idée précise de la qualité ou de la finalité des produits en cause. Les couches et autres protections absorbantes, comme les alèses pour malades et les alèses pour incontinents, permettraient d’offrir une protection complète contre les conséquences de l’incontinence. Les autres produits visés par la demande de marque concerneraient des produits de soins généraux et des produits hygiéniques qui serviraient à la prévention de l’incontinence et joueraient un rôle important dans le cadre d’une offre de soins complète. Le commerce spécialisé offrirait également, sous le terme générique d’« articles orthopédiques », des matelas et des coussins spéciaux spécialement conçus pour les soins aux personnes incontinentes. Par conséquent, le consommateur concerné devrait comprendre le terme « complete » en ce sens que les produits visés sont tels qu’ils offrent une protection ou une gamme de soins complète en cas d’incontinence sans nécessiter de produits additionnels.

14      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci. Selon le paragraphe 2 du même article, le paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union européenne.

15      À cet égard, il y a lieu de rappeler de manière générale que l’examen des motifs absolus de refus doit porter sur chacun des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandé et que la décision par laquelle l’autorité compétente refuse cet enregistrement doit en principe être motivée pour chacun desdits produits ou desdits services (voir ordonnance de la Cour du 18 mars 2010, CFCMCEE/OHMI, C‑282/09 P, Rec. p. I‑2395, point 37, et la jurisprudence citée).

16      Cependant, à l’égard de cette dernière exigence, l’autorité compétente peut se limiter à une motivation globale pour tous les produits ou services concernés lorsque le même motif de refus est opposé pour une catégorie ou un groupe de produits ou de services (voir ordonnance CFCMCEE/OHMI, point 15 supra, point 38, et la jurisprudence citée).

17      Au demeurant, cette faculté de l’autorité compétente ne saurait notamment porter atteinte à l’exigence essentielle que toute décision refusant le bénéfice d’un droit reconnu par le droit communautaire puisse être soumise à un contrôle juridictionnel destiné à assurer la protection effective de ce droit et qui, de ce fait, doit porter sur la légalité des motifs (voir ordonnance CFCMCEE/OHMI, point 15 supra, point 39 et la jurisprudence citée).

18      De cette jurisprudence, il peut être déduit que la faculté précitée ne s’étend qu’à des produits et à des services présentant entre eux un lien suffisamment direct et concret, au point qu’ils forment une catégorie ou un groupe de produits ou de services d’une homogénéité suffisante. Il peut aussi être constaté que le seul fait que les produits ou les services concernés relèvent de la même classe au sens de l’arrangement de Nice n’est pas suffisant pour conclure à une telle homogénéité, ces classes contenant souvent une grande variété de produits ou de services qui ne présentent pas nécessairement entre eux un tel lien suffisamment direct et concret. En outre, le défaut de motivation constituant un moyen d’ordre public, le Tribunal peut avoir à vérifier si la chambre de recours avait examiné et motivé à suffisance l’existence du motif absolu de refus en cause par rapport aux produits et aux services pour lesquels l’enregistrement du signe demandé en tant que marque communautaire a été refusé (voir, en ce sens, ordonnance CFCMCEE/OHMI, point 15 supra, points 40 et 41). En l’espèce, il y a lieu d’observer que les parties ont été interrogées par le Tribunal sur les différents produits concernés par la demande d’enregistrement, sur l’idée d’une gamme de soins complète en cas d’incontinence, et sur les conséquences qu’elles tirent, aux fins du présent litige, de l’ordonnance CFCMCEE/OHMI, point 15 supra, où la Cour envisage la question de l’homogénéité des produits.

19      Par ailleurs, en ce qui concerne plus particulièrement le motif absolu de refus ici en cause, il ressort de la jurisprudence que l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 empêche que les signes ou indications visés par lui soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque. Cette disposition poursuit ainsi un but d’intérêt général, lequel exige que de tels signes ou indications puissent être librement utilisés par tous [arrêt de la Cour du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, Rec. p. I‑12447, point 31 ; arrêts du Tribunal du 7 juin 2005, Münchener Rückversicherungs-Gesellschaft/OHMI (MunichFinancialServices), T‑316/03, Rec. p. II‑1951, point 25, et du 7 juillet 2011, Cree/OHMI (TRUEWHITE), T‑208/10, non publié au Recueil, point 12].

20      En outre, des signes ou des indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner des caractéristiques du produit ou du service pour lequel l’enregistrement est demandé sont, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, réputés incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service, afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix, si l’expérience s’avère positive, ou de faire un autre choix, si elle s’avère négative (voir arrêt TRUEWHITE, point 19 supra, point 13, et la jurisprudence citée)

21      Il en résulte que, pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée par cette disposition, il faut qu’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public ciblé de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques (voir arrêt TRUEWHITE, point 19 supra, point 14, et la jurisprudence citée).

22      Enfin, il importe de rappeler que l’appréciation du caractère descriptif d’un signe ne peut être opérée que, d’une part, par rapport à la compréhension qu’en a le public concerné et, d’autre part, par rapport aux produits ou aux services concernés (arrêt MunichFinancialServices, point 19 supra, point 25).

23      En l’espèce, s’agissant du public par rapport auquel il convient d’apprécier le motif absolu de refus en cause, la chambre de recours a considéré que le public concerné par la perception du caractère descriptif du signe demandé était le « consommateur anglophone en général concerné par les produits en cause ».

24      Cette définition n’est pas contestée en tant que telle et, au vu des considérations qui sont exposées dans la décision attaquée, il n’y a pas lieu de la remettre en cause dans la présente affaire. À cet égard, il importe ici de rappeler qu’il ressort de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 que les motifs absolus de refus énoncés au paragraphe 1 sont applicables même s’ils n’existent que dans une partie de l’Union.

25      En ce qui concerne la compréhension par le public concerné du signe visé par la demande de marque, la chambre de recours a indiqué au point 10 de la décision attaquée que le terme « complete » est un mot de la langue anglaise dont bon nombre de significations sont attestées dans le lexique, notamment « having all its parts or members; entire, full; perfect in nature or quality; without defect » (Oxford English Dictionary online 2009), soit, en allemand, « volllständig, komplett » (Collins, German Dictionary, 1ère édition, 1995). Indépendamment de sa signification concrète dans chaque cas, la chambre de recours a considéré que ce terme véhicule en tout état de cause une « idée de complétude ».

26      Une telle appréciation n’est pas contestée en tant que telle par la requérante, qui relève plutôt qu’il existe d’autres interprétations du terme « complete » que celle choisie par la chambre de recours. Cependant, en présence d’une signification susceptible de constituer un motif absolu de refus au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, le fait que d’autres interprétations soient envisageables n’est pas pertinent pour l’analyse. En effet, un signe verbal doit se voir opposer un refus d’enregistrement si, en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits ou des services concernés (arrêt OHMI/Wrigley, point 19 supra, point 32). Telle est l’approche retenue par la chambre de recours dans la décision attaquée. En l’espèce, il convient donc de considérer que le terme « complete » traduit bien pour le public anglophone une « idée de complétude », au sens de ce qui est complet ou achevé.

27      En ce qui concerne l’appréciation du caractère descriptif du signe visé par la demande de marque par rapport aux produits concernés, la chambre de recours a relevé au point 11 de la décision attaquée que « le contenu du signe apparaîtra sans peine dans le contexte des produits de la demande destinés aux soins des incontinents ». À ce propos, la chambre de recours a distingué deux sous-catégories de produits : d’une part, les « produits qui servent directement à prévenir les conséquences d’une incontinence, tels que les couches, couches absorbantes, couches-culottes, protections absorbantes, culottes de fixation, alèses pour malades et alèses pour incontinents » ; d’autre part, les « produits de soins et de prévention en général en cas d’incontinence, tels que des produits hygiéniques à usage médical, des emplâtres, du matériel pour pansements, des désinfectants, des articles orthopédiques et du matériel de suture chirurgical ». Dans ce contexte, la chambre de recours a considéré que « [l]e mot ‘complete’ décrit ces produits en ce sens qu’ils offrent une gamme de soins complète en cas d’incontinence ».

28      Au point 12 de la décision attaquée, la chambre de recours a indiqué que « [c]ette description du signe comme étant descriptif résulte directement de son rapport avec les produits litigieux sans nécessiter des ajouts ou des raisonnements intermédiaires », que « [l]e consommateur anglais en général concerné par les produits en cause connaît la pathologie de l’incontinence et les conséquences fâcheuses de soins incomplets et donc insuffisants » et que, « par conséquent, le public ciblé établira spontanément un rapport entre la notion de complétude et les soins en cas d’incontinence en tant que destination des produits en cause ». La chambre de recours a également précisé qu’« [i]l est sans importance, dans ce cadre, que le mot ‘complete’ soit compris comme une référence à la qualité matérielle des produits au sens d’une imperméabilité parfaite ou [comme une référence] à la complétude des soins en cas d’incontinence rendant superflue l’utilisation de produits complémentaires ». En effet, pour la chambre de recours, le terme « complete » a, en tout état de cause, un contenu conceptuel descriptif de la qualité et de la destination des produits litigieux.

29      S’agissant tout d’abord de l’idée selon laquelle le public ciblé serait à même de considérer que tous les produits visés par la demande d’enregistrement forment une « gamme de soins complète en cas d’incontinence », ce qui constituerait une catégorie suffisamment homogène au sens défini par la Cour (voir points 15 à 18 ci-dessus), il est effectivement manifeste que, pour certains produits concernés, le consommateur anglophone sera à même de percevoir immédiatement et sans autre réflexion que ces produits sont destinés au traitement de l’incontinence.

30      Pour l’essentiel, ces produits correspondent aux produits énumérés dans la première sous-catégorie définie par la chambre de recours, à savoir les « produits qui servent directement à prévenir les conséquences d’une incontinence » (voir point 27 ci-dessus). En ce qui concerne les couches, couches absorbantes, couches-culottes, protections absorbantes et culottes de fixation, qui relèvent de la classe 5 au sens de l’arrangement de Nice, le constat effectué au point 29 ci-dessus est étayé par le contenu même de la demande d’enregistrement, où la requérante a expressément précisé que ces produits étaient destinés aux soins des incontinents. En revanche, en ce qui concerne les « alèses pour malades » et les « alèses pour incontinents », il y a lieu de relever que ces deux types de produits ne sont pas destinés au même usage, comme cela a été souligné par la requérante lors de l’audience. En l’absence de toute explication fournie à ce propos dans la décision attaquée, il ne saurait donc être considéré que les « alèses pour malades » soient immédiatement et sans autre réflexion perçues par le consommateur anglophone comme un produit destiné au traitement de l’incontinence.

31      En ce qui concerne les autres produits visés par la demande d’enregistrement, qui correspondent à la seconde sous-catégorie définie par la chambre de recours, c’est-à-dire les « produits hygiéniques à usage médical », les « emplâtres », le « matériel pour pansements », les « désinfectants », les « articles orthopédiques » et le « matériel de suture chirurgical » (voir point 27 ci-dessus), force est de constater que la relation avec le traitement de l’incontinence n’est pas suffisamment avérée du point de vue du consommateur anglophone. En effet, comme cela a été exposé à juste titre par la requérante, ces produits ne sont pas directement et concrètement destinés à être utilisés pour le traitement de l’incontinence et aucune autre de leurs caractéristiques ne permet d’établir une telle relation sans effort de réflexion de la part du public concerné.

32      À titre d’exemple, la relation entre les « articles orthopédiques » et le traitement de l’incontinence n’est aucunement établie par la chambre de recours. À première vue, ces produits ne paraissent pas avoir d’applications dans ce domaine et la décision attaquée n’expose pas le moindre argument à ce propos. De ce point de vue, l’explication fournie par l’OHMI dans son mémoire en réponse, réitérée lors de l’audience, aux termes de laquelle le terme générique « articles orthopédiques » serait utilisé par le commerce spécialisé pour proposer notamment des produits spécialement conçus pour le soin des personnes incontinentes, tels des matelas ou des coussins, n’est pas convaincante et ne peut, en tout cas, être présumée connue du consommateur anglophone qui envisagera certainement bien d’autres utilisations pour les articles orthopédiques visés dans la demande d’enregistrement que le traitement de l’incontinence.

33      Certes, il parait envisageable, comme l’expose la chambre de recours dans la décision attaquée, que ces produits, qui sont au premier regard des « produits de soins et de prévention en général » puissent également être utilisés en cas d’incontinence. Cependant, le raisonnement présenté sur ce point dans la décision attaquée ne permet pas de comprendre à quel titre une telle limitation pourrait se déduire de la demande d’enregistrement. En particulier, aucune analogie ne peut être tirée de la limitation expressément utilisée dans la demande d’enregistrement, laquelle, si elle se réfère à « tous les produits précités destinés aux soins des incontinents », ne vaut que pour les « couches, couches absorbantes, couches-culottes et protections absorbantes composées essentiellement de papier, de cellulose ou d’autres matières fibreuses en tant qu’articles à usage unique, culottes de fixation tissées à mailles et/ou tricotées en fils textiles ou composées de cellulose pour fixer des protections absorbantes ». En l’espèce, la chambre de recours n’expose pas d’éléments probants pour étayer l’idée que les produits hygiéniques à usage médical, les emplâtres, le matériel pour pansements, les désinfectants, les articles orthopédiques et le matériel de suture chirurgical visés par la demande d’enregistrement sont à même d’être perçus immédiatement et sans effort de réflexion par le consommateur anglophone comme des éléments d’une « gamme de soins complète en cas d’incontinence ». En tout état de cause, ces produits, tout comme les « alèse pour malades », ne peuvent donc être rassemblés dans une même catégorie – suffisamment homogène – comprenant les produits visés par la première sous-catégorie définie par la chambre de recours examinée au point 30 ci-dessus.

34      Au demeurant, quelles que soient les sous-catégories de produits envisagées, le raisonnement de la chambre de recours repose globalement sur l’idée que, confronté au signe visé par la demande de marque et aux produits concernés, le consommateur anglophone considérera directement – sans raisonnement intermédiaire – que ce signe décrit la qualité et la destination de ces produits du fait du rapport entre la signification du signe, l’« idée de complétude », et les produits litigieux, une « gamme de soins complète en cas d’incontinence ».

35      Interrogé sur ce point lors de l’audience, l’OHMI a fait valoir que les règles dégagées par la Cour en ce qui concerne la catégorisation des produits (voir points 15 à 18 ci-dessus) permettraient en substance de considérer que le caractère descriptif du terme envisagé par la requérante pourrait se déduire du seul fait qu’il désignerait dans l’esprit du public concerné une « gamme de soins complète en cas d’incontinence ». Ce terme aurait, « en tout état de cause[, u]n contenu conceptuel descriptif de la qualité et de la destination des produits litigieux ». Il ne serait donc pas nécessaire d’établir ce caractère descriptif produit par produit. Une telle interprétation ne peut être suivie dans la présente affaire, dès lors que l’analyse demandée par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 doit être effectuée produit par produit ou, à supposer qu’il existe entre eux une homogénéité suffisante, en considération d’une ou de plusieurs catégories de produits. Les motifs invoqués pour fonder l’existence de telles catégories valent pour chacun de ces produits, pris individuellement, et non pour tous ces produits considérés ensemble. En l’espèce, la chambre de recours reste en défaut d’établir en quoi le terme « complete » serait à même de présenter pour chaque produit visé un rapport suffisamment direct et concret qui permettrait au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, que ledit produit s’intègre dans une « gamme de soins complète en cas d’incontinence » ou dans un groupe de produits d’une homogénéité suffisante au sens défini par ordonnance CFCMCEE/OHMI, point 15 supra.

36      En conséquence, c’est à tort que la chambre de recours a conclu que le signe visé par la marque demandée doit être refusé à l’enregistrement en application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009.

 Sur la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

37      La requérante fait valoir que la chambre de recours a conclu à l’absence de caractère distinctif au motif qu’il s’agirait d’une indication descriptive, ce qui serait erroné pour les raisons exposées dans le premier moyen.

38      L’OHMI soutient que le signe en cause étant une indication descriptive, il est, de ce fait, nécessairement dépourvu du caractère distinctif requis et, partant ne pourrait pas être enregistré. La chambre de recours n’avait aucune raison d’examiner les arguments exposés par l’examinateur dans la décision du 7 mai 2009 qui a rejeté la demande d’enregistrement pour d’autres raisons que celles retenues par la chambre de recours. Ces arguments, exposés aux points 2 et 3 de la décision attaquée, ne seraient toutefois pas formellement rejetés. Ils feraient partie du contexte dans lequel la décision attaquée a été adoptée et permettraient au juge d’exercer pleinement son contrôle en ce qui concerne l’exactitude de l’appréciation relative à l’absence de caractère distinctif du signe visé par la demande de marque.

39      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif. À cet égard, il y a lieu tout d’abord de rappeler que, même s’il existe un certain chevauchement entre les champs d’application respectifs des motifs absolus de refus d’enregistrement d’une marque énoncés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), du règlement n° 207/2009, il n’en demeure pas moins que chacun des motifs de refus d’enregistrement énumérés par cette disposition est indépendant des autres et exige un examen séparé (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 8 mai 2008, Eurohypo/OHMI, C‑304/06 P, Rec. p. I‑3297, point 54 et la jurisprudence citée).

40      La Cour a également eu l’occasion de préciser qu’il convient d’interpréter lesdits motifs de refus à la lumière de l’intérêt général qui sous-tend chacun d’entre eux. L’intérêt général pris en considération lors de l’examen de chacun de ces motifs de refus peut, voire doit, refléter des considérations différentes, selon le motif de refus en cause (voir, par analogie, arrêt Eurohypo/OHMI, point 39 supra, point 55, et la jurisprudence citée).

41      À ce propos, il convient de relever que la notion d’intérêt général sous-jacente à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009 se confond avec la fonction essentielle de la marque qui est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance (voir, par analogie, arrêt Eurohypo/OHMI, point 39 supra, point 56, et la jurisprudence citée).

42      En l’espèce, la chambre de recours a consacré un seul point de son exposé des motifs à cette question. Pour conclure à l’existence d’un motif absolu de refus d’enregistrement au motif que la marque demandée est dépourvue de caractère distinctif, la chambre de recours a indiqué en effet au point 15 de la décision attaquée que, « [l]e signe visé par la demande étant une indication descriptive, il est, de ce fait, nécessairement dépourvu du caractère distinctif requis de sorte qu’il est également refusé à l’enregistrement en application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du [règlement n° 207/2009] ».

43      Un tel raisonnement procède d’une interprétation incorrecte des principes rappelés aux points 39 à 41 ci-dessus. En effet, la chambre de recours a apprécié le caractère distinctif du signe visé par la demande en se limitant à la seule analyse de son caractère descriptif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009. Par conséquent, la décision attaquée ne contient aucun examen individuel du motif de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement, sur le fondement duquel la chambre de recours a pourtant conclu à l’existence d’un second motif absolu de refus d’enregistrement.

44      Ce faisant, la chambre de recours a analysé le signe visé par la marque demandée en omettant, en particulier, de prendre en compte l’intérêt public que l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009 vise spécifiquement à protéger, à savoir la garantie de l’identité d’origine du produit désigné par la marque.

45      En outre, dans son analyse, la chambre de recours a utilisé un critère erroné afin d’apprécier si le signe visé par la demande de marque pouvait être enregistré au regard de la disposition précitée. Selon ce critère, un terme qui véhicule une idée de complétude décrit les produits demandés en ce sens qu’ils offrent une gamme de soins complète en cas d’incontinence et fournit un contenu conceptuel descriptif de la qualité et de la destination des produits en cause. Or, en tout état de cause, il ressort de ce qui précède qu’un tel critère ne permet pas en l’espèce d’établir l’existence d’un motif absolu de refus d’enregistrement sur la base de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009. Ce critère ne peut donc être utilisé pour établir l’absence du caractère distinctif du signe visé par la demande de marque au regard de l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement au motif qu’il ne serait pas descriptif.

46      Par ailleurs, il convient de relever que, dans la décision attaquée, la chambre de recours a remplacé la motivation exposée auparavant par l’examinateur dans la décision du 7 mai 2009, qui est évoquée aux points 2 et 3 de la décision attaquée dans la partie consacrée au résumé des faits, par la motivation succincte indiquée au point 15 de la décision attaquée (voir point 42 ci-dessus). L’OHMI ne peut donc se prévaloir devant le Tribunal d’un raisonnement qui n’a pas été repris par la chambre de recours pour prétendre qu’il s’agirait là de la motivation permettant d’expliquer l’existence d’un motif absolu de refus d’enregistrement en application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

47      En toute hypothèse et à titre surabondant, il peut être relevé que ce qui importe au regard d’un examen mené dans le cadre de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 tient au fait de rechercher, dans le cadre d’un examen concret des capacités potentielles du signe dont l’enregistrement est demandé, s’il apparaît exclu que ce signe puisse être apte à distinguer, aux yeux du public ciblé, les produits ou les services revendiqués de ceux d’une autre provenance, étant entendu qu’un minimum de caractère distinctif suffit à faire obstacle à l’application du motif absolu de refus prévu par cette disposition [voir arrêt du Tribunal du 13 juin 2007, IVG Immobilien/OHMI (I), T‑441/05, Rec. p. II‑1937, point 42, et la jurisprudence citée]. Force est de constater qu’une telle analyse, qui aurait pu permettre au Tribunal de prendre position sur le bien-fondé du refus d’enregistrement en application de la disposition précitée, n’a pas été réalisée par la chambre de recours dans la présente affaire.

48      En conséquence, la décision attaquée est viciée au regard de l’analyse menée sur la base de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 comme de l’analyse menée sur la base de l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement.

49      En conclusion, aucun des motifs absolus de refus d’enregistrement invoqués par la chambre de recours n’étant fondé, il y a lieu d’annuler la décision attaquée dans sa totalité.

 Sur les dépens

50      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’OHMI ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante. En outre, la requérante a conclu à la condamnation de l’OHMI aux dépens qu’elle a exposés dans la procédure de recours devant l’OHMI. À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 136, paragraphe 2, du règlement de procédure, les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables. Il n’en va toutefois pas de même des frais exposés aux fins de la procédure devant la division d’opposition. Partant, la demande de la requérante tendant à ce que l’OHMI, ayant succombé en ses conclusions, soit condamné aux dépens de la procédure administrative devant lui ne peut être accueillie que s’agissant des seuls dépens indispensables exposés par la requérante aux fins de la procédure devant la chambre de recours.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 20 janvier 2010 (R 601/2009-4) est annulée.

2)      L’OHMI supportera ses propres dépens ainsi que les dépens exposés par Paul Hartmann AG, y compris les dépens indispensables exposés par cette dernière aux fins de la procédure devant la chambre de recours.

Azizi

Jürimäe

Frimodt Nielsen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 novembre 2011.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.