Language of document : ECLI:EU:T:2012:424

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

13 septembre 2012(*)

« Marque communautaire – Demande de marque communautaire verbale ESPETEC – Motifs absolus de refus – Caractère descriptif – Absence de caractère distinctif – Absence de caractère distinctif acquis par l’usage – Article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et paragraphe 3, du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑72/11,

Sogepi Consulting y Publicidad, SL, établie à Vic (Espagne), représentée initialement par Mes J. de Oliveira Vaz Miranda Sousa, T. Barceló Rebaque et N. Esteve Manasanch, puis par Mes de Oliveira Vaz Miranda Sousa et Esteve Manasanch, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. J. Crespo Carrillo, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 12 novembre 2010 (affaire R 312/2010-2), concernant une demande d’enregistrement du signe verbal ESPETEC comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. A. Dittrich, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. M. Prek (rapporteur), juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 3 février 2011,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 23 mai 2011,

vu la décision du 16 août 2011 refusant d’autoriser le dépôt d’un mémoire en réplique,

à la suite de l’audience du 3 février 2012,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 31 juillet 2008, la requérante, Sogepi Consulting y Publicidad, SL, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal ESPETEC.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 29 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Charcuterie de viande de porc crue et séchée ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 42/2008, du 20 octobre 2008.

5        Par lettre du 25 mars 2009, l’OHMI a informé la requérante que des tiers avaient formulé des observations concernant la publication de la demande de marque communautaire, et lui a indiqué que la marque sollicitée ne pouvait être enregistrée du fait qu’elle se heurtait aux motifs de refus prévus à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et paragraphe 2, du règlement nº 207/2009.

6        Par courriers du 19 mai 2009 et du 24 juillet 2009, la requérante a formulé des observations sur l’objection de l’examinateur.

7        Par décision du 8 janvier 2010, l’examinateur a, en vertu de l’article 37 du règlement n° 207/2009, rejeté la demande d’enregistrement de marque communautaire pour les produits visés au point 3 ci-dessus, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et paragraphe 2, du même règlement, au motif que la marque était descriptive et dépourvue de caractère distinctif.

8        Le 5 mars 2010, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de l’examinateur.

9        Par décision du 12 novembre 2010 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. En particulier, elle a considéré que, en langue catalane, le terme « espetec », signifiant « fouet », c’est-à-dire « une pièce de charcuterie fine et longue ressemblant à un saucisson, typique de Catalogne », était descriptif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, du type du produit concerné, à savoir un produit de « charcuterie de viande crue et de porc ». La chambre de recours a également considéré que la marque demandée était dépourvue de tout caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 et qu’elle n’avait pas acquis de caractère distinctif du fait de son usage, en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du même règlement.

10      À cet égard, la chambre de recours a considéré que « les preuves apportées par la requérante, examinées dans leur ensemble, ne permett[aient] pas de conclure que le mot ESPETEC est perçu par le public pertinent comme une marque[ ; i]l est certain que les marques L’ESPETEC TARRADELLAS, L’ESPETEC/ESPETEC CASA TARRADELLAS (ou DE CASA TARRADELLAS) sont des marques qui, en tant que telles, jouissent d’une renommée en Espagne  [; n]éanmoins, [malgré l’importance manifeste desdites circonstances commerciales de notoriété,] la majorité du public pertinent percevra à travers l’élément ‘espetec’ le type de produit qu’il acquiert, auquel il attribue une origine commerciale déterminée du fait de la présence de l’expression CASA TARRADELLAS apposée sur sa présentation commerciale[ ; l]’identification de cette origine commerciale ne découle en aucun cas, malgré sa position, sa taille et ses caractéristiques figuratives, de l’élément verbal ‘espetec’ considéré de manière isolée, mais de l’ensemble de la combinaison qui forme la marque, au sein de laquelle l’expression CASA TARRADELLAS occupe une place dominante, indépendamment de la taille importante de l’élément non distinctif ‘ESPETEC’ ».

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        octroyer l’enregistrement de la marque demandée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

12      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

1.     Sur la demande de production du dossier relatif à la procédure administrative

13      Dans la requête, la requérante a demandé au Tribunal d’adresser une communication écrite à l’OHMI afin qu’il remette au Tribunal le dossier administratif complet relatif à la demande d’enregistrement de la marque demandée.

14      Toutefois, lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, la requérante a retiré cette demande, ce dont il a été pris acte au procès-verbal d’audience. Par conséquent, le Tribunal constate qu’il n’y a plus lieu de statuer sur la demande de production du dossier relatif à la procédure administrative.

2.     Sur la recevabilité du renvoi global par la requérante aux documents présentés devant l’OHMI

15      La requérante demande que les documents qui font partie du dossier administratif devant l’OHMI soient indiqués en tant que moyens de preuve présentés par elle. Elle demande que soient considérés comme reproduits tous les arguments déjà avancés par elle tant à l’occasion du mémoire d’observations en réponse aux objections soulevées par l’examinateur, présenté le 24 juillet 2009, que lors de l’introduction du recours contre ladite décision le 5 mars 2010, et lors du mémoire d’exposé des motifs du recours, présenté le 4 mai 2010, ainsi que l’abondante documentation produite en ces occasions et tout au long de la procédure.

16      Ainsi, la requérante opère en substance un renvoi global aux arguments exposés dans ses écritures dans le cadre de la procédure devant l’OHMI et souligne que ceux-ci doivent également être considérés comme faisant partie de l’argumentation développée dans le cadre du présent recours.

17      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, applicable en matière de propriété intellectuelle au titre de l’article 130, paragraphe 1, de ce même règlement, la requête doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Selon une jurisprudence bien établie, si le corps de la requête peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des extraits de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui, en vertu des dispositions rappelées ci-dessus, doivent figurer dans la requête elle-même [voir arrêts du Tribunal du 14 septembre 2004, Applied Molecular Evolution/OHMI (APPLIED MOLECULAR EVOLUTION), T‑183/03, Rec. p. II‑3113, point 11 ; du 19 octobre 2006, Bitburger Brauerei/OHMI – Anheuser-Busch (BUD), T‑350/04 à T‑352/04, Rec. p. II‑4255, point 33, et du 15 octobre 2008, Air Products and Chemicals/OHMI - Messer Group (Ferromix, Inomix et Alumix), T‑305/06 à T‑307/06, non publié au Recueil, point 21].

18      Il n’incombe pas au Tribunal de se substituer aux parties en essayant de rechercher les éléments pertinents dans les documents auxquels elles se réfèrent [arrêt du Tribunal du 17 avril 2008, Dainichiseika Colour & Chemicals Mfg./OHMI – Pelikan (Représentation d’un pélican), T‑389/03, non publié au Recueil, point 19]. Dès lors, la requête, pour autant qu’elle renvoie globalement aux documents et écrits déposés par la requérante devant l’OHMI, est irrecevable et c’est au regard des seuls arguments présentés dans la requête que celle-ci sera examinée.

3.     Sur les pièces présentées pour la première fois devant le Tribunal

19      En annexe à la requête, la requérante a produit un rapport complémentaire, de février 2011, à l’étude d’opinion élaborée par une société en juin 2009. Elle a aussi reproduit, dans le texte de la requête, des passages entiers tirés de ce rapport. Il convient de relever à cet égard que, si l’étude d’opinion datant de 2009 avait déjà été présentée par la requérante lors de la procédure devant l’OHMI, tel n’est pas le cas du rapport complémentaire élaboré par la même société en février 2011, donc postérieurement à l’adoption de la décision attaquée.

20      La requérante a aussi produit différentes pages d’une revue des mois de septembre des années 2005 à 2010 ainsi qu’un article publié dans cette revue le 26 octobre 2009.

21      En outre, elle a présenté un document comportant un avant-projet de décret royal portant approbation de la norme de qualité pour les produits à base de viande du ministère de l’Environnement, du Milieu rural et marin espagnol, datant de novembre 2010. Lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, la requérante a confirmé que ce document n’avait pas été présenté à l’OHMI pendant la procédure administrative.

22      Enfin, lors de l’audience, la requérante a produit une déclaration écrite, du 31 janvier 2012, signée par une personne responsable d’une chaîne de supermarchés et concernant la « marque ESPETEC ».

23      Pour sa part, l’OHMI a produit une copie de l’étiquette d’un fouet faisant mention d’une marque du fabricant Casa Taradellas.

24      Ces documents, produits pour la première fois devant le Tribunal, ne peuvent être pris en considération. En effet, selon une jurisprudence constante, le recours porté devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours au sens de l’article 65 du règlement n° 207/2009, et, dans le contentieux de l’annulation, la légalité de l’acte attaqué doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date à laquelle l’acte a été pris [arrêt du Tribunal du 21 avril 2005, Ampafrance/OHMI – Johnson & Johnson (monBeBé), T‑164/03, Rec. p. II‑1401, point 29]. Dès lors, la fonction du Tribunal n’est pas celle de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des éléments de preuve présentés pour la première fois devant lui [arrêt du Tribunal du 27 octobre 2005, Éditions Albert René/OHMI – Orange (MOBILIX), T‑336/03, Rec. p. II‑4667, point 16]. Il convient donc d’écarter les documents susvisés sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur force probante ainsi que les passages tirés du rapport complémentaire précité et reproduits dans le texte de la requête [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, Rec. p. II‑4891, point 19, et la jurisprudence citée].

4.     Sur le fond

25      À l’appui de son recours, la requérante soulève, en substance, deux moyens, tirés, respectivement, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 et de l’article 7, paragraphe 3, du même règlement.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement nº 207/2009

26      Ce moyen se divise, en substance, en trois branches, tirées, respectivement, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), dudit règlement, et d’une application erronée de l’article 7, paragraphes 1 et 3, du même règlement. Le Tribunal estime qu’il convient d’examiner en premier lieu la deuxième branche du présent moyen.

 Sur la deuxième branche, tirée de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement nº 207/2009

27      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, sont refusées à l’enregistrement « les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci ». Selon le paragraphe 2 du même article, le paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union européenne.

28      Les signes et les indications visés par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 sont ceux qui peuvent servir, dans un usage normal du point de vue du public pertinent, pour désigner soit directement, soit par la mention d’une de ses caractéristiques essentielles, le produit ou le service pour lequel l’enregistrement est demandé [arrêts du Tribunal du 22 juin 2005, Metso Paper Automation/OHMI (PAPERLAB), T‑19/04, Rec. p. II‑2383, point 24, et du 9 juin 2010, Hoelzer/OHMI (SAFELOAD), T‑315/09, non publié au Recueil, point 15].

29      En l’espèce, la chambre de recours a considéré, au point 20 de la décision attaquée, que la marque demandée était « composée du mot ESPETEC qui, en catalan, signifie ‘fouet’, c’est-à-dire ‘une pièce de charcuterie fine et longue ressemblant à un saucisson, typique de Catalogne’ ». Elle a conclu que le terme « espetec » décrivait sans ambiguïté le type de produit visé par la demande, à savoir la « charcuterie de viande crue et de porc », et que « sa signification ser[ait] facilement perçue par les personnes qui comprennent le catalan, en particulier dans les parties du territoire espagnol où le catalan est généralement utilisé ou compris, telles que la Catalogne, les Îles Baléares et la Communauté autonome de Valence ».

30      La requérante fait valoir que, même si la signification étymologique originaire du terme « espetec » était descriptive, il ressort du dictionnaire en ligne d’un institut d’études que, d’une part, ce terme ne signifie pas seulement fouet, mais a aussi quatre autres significations et, d’autre part, que sous le terme « fouet » ne figure pas le terme « espetec » en tant que synonyme.

31      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, pour que l’OHMI oppose un refus d’enregistrement sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, il n’est pas nécessaire que les signes et indications composant la marque visés à cet article soient effectivement utilisés, au moment de la demande d’enregistrement, à des fins descriptives de produits ou de services tels que ceux pour lesquels la demande est présentée ou des caractéristiques de ces produits ou de ces services. Il suffit, comme l’indique la lettre même de cette disposition, que ces signes et indications puissent être utilisés à de telles fins. Un signe verbal doit ainsi se voir opposer un refus d’enregistrement, en application de ladite disposition, si, en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits ou des services concernés (arrêt de la Cour du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, Rec. p. I‑12447, point 32).

32      La requérante ne conteste pas la conclusion selon laquelle le terme « espetec » décrit aussi le type de produit concerné. Par ailleurs, les précisions de la requérante selon lesquelles ce terme, appartenant au langage catalan ancien et pratiquement oublié en tant que synonyme de fouet, aurait été récupéré par la société Casa Tarradellas pour identifier son propre fouet sur le marché et que ce serait grâce à son effort commercial que ce terme serait maintenant connu par le public en général et perçu comme une marque, ne peuvent pas remettre en cause la conclusion de la chambre de recours figurant dans la décision attaquée. À cet égard, il convient d’observer que, ainsi que la requérante le reconnaît elle-même, ce terme faisait partie de la langue catalane déjà avant l’introduction sur le marché du produit concerné de la requérante.

33      Lors de l’audience, la requérante a fait valoir que l’article 7, paragraphe 1, sous c) et paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 ne saurait lui être opposé, puisque la langue catalane n’est pas une langue officielle d’un État membre de l’Union. Faisant référence à l’arrêt de la Cour du 22 juin 2006, Storck/OHMI (C‑25/05 P, Rec. p. I‑5719), elle soutient qu’une marque verbale peut être refusée à l’enregistrement comme étant descriptive si elle a une signification dans une des langues officielles de l’Union, et, par conséquent, dans le ou les pays dans lesquels cette langue est officielle.

34      Cette argumentation ne saurait être accueillie.

35      Ainsi que l’a jugé la Cour dans son arrêt Storck/OHMI, point 33 supra (point 83), la partie de l’Union visée à l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 peut être constituée, le cas échéant, d’un seul État membre. Toutefois, il ne saurait être déduit de cette jurisprudence, résultant des faits particuliers propres à cette affaire, que le juge de l’Union ait voulu ainsi interpréter les termes « partie de l[‘Union] » de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 dans le sens que celle-ci ne peut pas correspondre à un territoire plus petit que celui d’un État membre.

36      À cet égard, il y a lieu de relever qu’il ressort du choix des termes utilisés par le législateur dans ledit article que celui-ci a voulu rendre impossible l’enregistrement d’un signe pour des motifs de refus qui existent dans une partie de l’Union, laquelle peut consister en une partie d’un ou de plusieurs États membres. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la requérante, la disposition en question ne saurait non plus être comprise comme se référant obligatoirement, dans le cas d’un signe verbal, à une des langues officielles d’un État membre et/ou de l’Union.

37      Lors de l’audience, la requérante a aussi fait valoir que, puisque le terme « espetec » n’a pas de signification en espagnol, langue officielle d’un État membre, la chambre de recours ne pouvait pas valablement conclure au caractère descriptif de la marque demandée en faisant uniquement référence à un dictionnaire de langue catalane. Toutefois, il convient d’observer à cet égard que, dans la décision attaquée, la chambre de recours ne s’est pas uniquement fondée sur le dictionnaire en question, mais a également évoqué d’autres éléments permettant de conclure au caractère descriptif de la marque demandée, à savoir un arrêt du Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne), du 12 novembre 1993, confirmant la nullité de la marque espagnole n° 977402 Espetec, en raison de ce que le terme « espetec » désigne une sorte de saucisse catalane, ainsi qu’un arrêté de la Generalidad de Cataluña (gouvernement régional de Catalogne), du 1er juillet 2005, incluant l’espetec dans la liste des produits de charcuterie traditionnelle (point 20 de la décision attaquée).

38      De ce point de vue, il ne saurait être reproché à l’OHMI d’avoir refusé l’enregistrement de la marque demandée comme marque communautaire.

39      Dès lors, la deuxième branche du premier moyen doit être rejetée.

 Sur la première branche, tirée de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009

40      Il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort de l’article 7, paragraphe 1, du règlement nº 207/2009, il suffit qu’un des motifs absolus de refus s’applique pour que le signe litigieux ne puisse être enregistré comme marque communautaire [voir arrêt du Tribunal du 16 mars 2006, Telefon & Buch/OHMI – Herold Business Data (WEISSE SEITEN), T‑322/03, Rec. p. II‑835, point 110, et la jurisprudence citée].

41      Par conséquent, il n’y a pas lieu de statuer sur la première branche du premier moyen, tirée de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009.

 Sur la troisième branche, tirée d’une application erronée de l’article 7, paragraphes 1 et 3, du règlement n° 207/2009

42      Indépendamment des griefs et des arguments présentés dans le cadre du second moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009, la requérante considère que la chambre de recours a effectué une application incorrecte de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du même règlement en ce qu’elle est parvenue aux conclusions quant à ces deux dernières dispositions avant d’analyser la documentation que la requérante avait produite afin d’établir l’acquisition du caractère distinctif par l’usage de la « marque ESPETEC » au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009. Ce faisant, la chambre de recours aurait erronément appliqué ce dernier article, voire omis de l’appliquer.

43      Il convient de rappeler, à cet égard, que, en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement nº 207/2009, les motifs absolus de refus visés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), du même règlement ne s’opposent pas à l’enregistrement d’une marque si celle-ci, pour les produits ou les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé, a acquis un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait.

44      Il y a lieu également de rappeler que ledit article ne prévoit pas un droit autonome à l’enregistrement d’une marque. Il comporte une exception aux motifs de refus édictés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), de ce règlement. Sa portée doit dès lors être interprétée en fonction de ces motifs de refus [arrêt du Tribunal du 14 septembre 2009, Lange Uhren/OHMI (Champs géométriques sur le cadran d’une montre), T‑152/07, non publié au Recueil, point 121].

45      Ainsi, pour appliquer l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009 et décider, le cas échéant, que l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), ne s’applique pas à une marque demandée, il est nécessaire d’être préalablement parvenu à la conclusion selon laquelle la marque en question se heurte aux motifs de refus prévus à cette dernière disposition.

46      Au vu de tout ce qui précède, il convient de rejeter la troisième branche du premier moyen et, par conséquent, le premier moyen dans son ensemble.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009

47      Le second moyen s’articule, en substance, autour de trois branches, la première étant tirée de l’inadmissibilité de l’exigence d’une utilisation isolée de la marque demandée afin de démontrer l’acquisition du caractère distinctif, la deuxième de la dénaturation et de l’appréciation incorrecte des éléments de preuve de l’usage de la marque demandée et la troisième de l’interprétation erronée de la notion légale de marque notoire et de l’incohérence de la décision attaquée.

 Sur la première branche, tirée de l’inadmissibilité de l’exigence d’une utilisation isolée de la marque demandée afin de démontrer l’acquisition du caractère distinctif

48      La requérante conteste la conclusion de la chambre de recours au point 36 de la décision attaquée, selon laquelle « [l]’utilisation isolée de la marque exclusivement verbale ESPETEC, dépourvue de toute combinaison graphique, n’a pas été suffisamment étayée » et la conclusion de la décision de l’examinateur du 8 janvier 2010, telle que rappelée au point 37 de la décision attaquée, selon laquelle « le produit commercialisé sous la marque sollicitée ESPETEC ne sera pas perçu de manière indépendante et sur la base de ses qualités intrinsèques mais uniquement en combinaison avec l’expression CASA TARRADELLAS, c’est-à-dire en lien avec une origine commerciale déterminée ». Ces conclusions seraient contraires à la jurisprudence selon laquelle un terme faisant partie d’une marque enregistrée peut lui-même acquérir un caractère distinctif par l’usage, bien qu’il ne soit pas utilisé de manière isolée.

49      Selon l’OHMI, le terme « espetec » étant un terme générique qui apparaît comme tel dans les dictionnaires et dans la législation, il semblerait logique d’exiger la preuve de son utilisation isolée afin de constater l’acquisition d’un caractère distinctif tiré de l’usage, et permettre ainsi l’enregistrement du signe demandé.

50      Il ressort de la jurisprudence que l’identification par les milieux intéressés du produit ou du service comme provenant d’une entreprise déterminée doit être effectuée grâce à l’usage de la marque en tant que marque et, donc, grâce à la nature et à l’effet de celle-ci, qui la rendent propre à distinguer le produit concerné de ceux d’autres entreprises (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 18 juin 2002, Philips, C‑299/99, Rec. p. I‑5475, point 64).

51      À cet égard, l’expression l’« usage de la marque en tant que marque » doit être comprise comme se référant seulement à un usage de la marque aux fins de l’identification par les milieux intéressés du produit ou du service comme provenant d’une entreprise déterminée (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 7 juillet 2005, Nestlé, C‑353/03, Rec. p. I‑6135, point 29).

52      Une telle identification, et donc l’acquisition d’un caractère distinctif, peut résulter aussi bien de l’usage, en tant que partie d’une marque enregistrée, d’un élément de celle-ci que de l’usage d’une marque distincte en combinaison avec une marque enregistrée. Dans les deux cas, il suffit que, en conséquence de cet usage, les milieux intéressés perçoivent effectivement le produit ou le service, désigné par la seule marque dont l’enregistrement est demandé, comme provenant d’une entreprise déterminée (voir, par analogie, arrêt Nestlé, point 51 supra, point 30 ; voir aussi arrêt de la Cour du 17 juillet 2008, L & D/OHMI, C‑488/06 P, Rec. p. I‑5725, point 49, et la jurisprudence citée).

53      Le caractère distinctif d’un signe, y compris celui acquis par l’usage qui en a été fait, doit être apprécié par rapport, d’une part, aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandé et, d’autre part, à la perception présumée d’un consommateur moyen de la catégorie des produits ou des services en cause, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir, par analogie, arrêt Philips, point 50 supra, points 59 et 63).

54      Dans ce contexte, la chambre de recours doit apprécier globalement les éléments qui peuvent démontrer que le signe demandé est devenu apte à identifier le produit concerné comme provenant d’une entreprise déterminée (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee, C‑108/97 et C‑109/97, Rec. p. I‑2779, point 49).

55      Il résulte de la jurisprudence rappelée aux points précédents que, pour prouver l’acquisition du caractère distinctif de la marque demandée au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009, il ne saurait être exigé de la part de la requérante la preuve d’une utilisation isolée de ladite marque.

56      Or, il convient de relever qu’il ressort de la décision attaquée que la chambre de recours a, certes, tout d’abord constaté que « les éléments de preuve apportés soulign[aient] que le terme ESPETEC a été utilisé conjointement et en combinaison avec la marque CASA TARRADELLAS, avec des éléments graphiques et verbaux semblables à ceux des marques communautaires détenues par la requérante » et que « [l]’utilisation isolée de la marque exclusivement verbale ESPETEC, dépourvue de toute combinaison graphique, n’a[vait] pas été suffisamment étayée » (point 36).

57      Cependant, la chambre de recours a rappelé, ensuite, la jurisprudence selon laquelle l’acquisition d’un caractère distinctif par une marque peut aussi bien résulter de l’usage d’une partie d’une marque enregistrée que de l’usage d’une marque distincte combinée à une marque enregistrée (point 37 de la décision attaquée). Sur cette base, elle a analysé les éléments de preuve apportés par la requérante pour conclure que ces derniers, examinés dans leur ensemble, « ne permettent pas de conclure que le mot ESPETEC est perçu par le public pertinent comme une marque », et que l’identification de l’origine commerciale « ne découle en aucun cas, malgré sa position, sa taille et ses caractéristiques figuratives, de l’élément verbal ‘espetec’ considéré de manière isolée, mais de l’ensemble de la combinaison qui forme la marque, au sein de laquelle l’expression CASA TARRADELLAS occupe une place dominante, indépendamment de la taille importante de l’élément non distinctif ‘ESPETEC’ » (point 44 de la décision attaquée). La chambre de recours a, en effet, considéré que, « pour la majorité du public pertinent, le terme ESPETEC, qu’il soit considéré de manière isolée ou comme élément verbal d’un ensemble formant une marque telle que les marques appartenant à la requérante, désign[ait] un type de produit » et que « les preuves apportées échou[aient] à démontrer que ce public attribue à l’expression ESPETEC une origine commerciale déterminée susceptible d’une association directe avec la requérante » (point 45 de la décision attaquée).

58      Il convient de conclure que la chambre de recours a, certes, d’abord constaté que l’utilisation isolée de la marque demandée n’avait pas été suffisamment étayée, mais que, par la suite et sur le fondement de la jurisprudence rappelée aux points 52 et 57 ci-dessus, elle a correctement examiné l’ensemble des preuves relatives à l’usage de la marque demandée, en tant que partie des marques enregistrées de la requérante, afin d’analyser l’éventuel caractère distinctif particulier de la marque demandée. Or, elle en a conclu qu’un tel caractère distinctif n’avait pas été prouvé.

59      Dès lors, la première branche doit être rejetée comme non fondée.

 Sur la deuxième branche, tirée de la dénaturation et de l’appréciation incorrecte des éléments de preuve de l’usage de la marque demandée

60      La requérante fait valoir que la chambre de recours a, à tort, conclu que la marque demandée n’avait pas acquis un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait. Notamment, cette dernière aurait effectué une interprétation biaisée et dénaturée de la preuve produite au cours de la procédure devant l’OHMI.

61      À cet égard, il ressort de la jurisprudence que, d’une part, l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage de la marque exige qu’au moins une fraction significative du public pertinent identifie grâce à la marque les produits ou services concernés comme provenant d’une entreprise déterminée [voir arrêt du Tribunal du 15 décembre 2005, BIC/OHMI (Forme d’un briquet à pierre), T­‑262/04, Rec. p. II‑5959, point 61, et la jurisprudence citée].

62      D’autre part, pour faire accepter l’enregistrement d’une marque en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009, le caractère distinctif acquis par l’usage de cette marque doit être démontré dans la partie substantielle de l’Union où elle en était dépourvue au regard de l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), de ce même règlement (voir arrêt Forme d’un briquet à pierre, point 61 supra, point 62, et la jurisprudence citée).

63      En outre, la Cour a jugé, dans l’arrêt Windsurfing Chiemsee, point 54 supra, point 49, que, pour déterminer si une marque a acquis un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait, l’autorité compétente doit apprécier globalement les éléments qui peuvent démontrer que la marque est devenue apte à identifier le produit concerné comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises.

64      À cet égard, il convient de prendre en considération, notamment, la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de l’usage de cette marque, l’importance des investissements faits par l’entreprise pour la promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifie le produit comme provenant d’une entreprise déterminée grâce à la marque, les déclarations de chambres de commerce et d’industrie ou d’autres associations professionnelles ainsi que les sondages d’opinion (voir arrêt Forme d’un briquet à pierre, point 61 supra, point 64, et la jurisprudence citée).

65      En outre, et comme il a été rappelé aux points 51 et 52 ci-dessus, l’expression « l’usage qui en a été fait » utilisée dans l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009 doit être comprise comme se référant seulement à un usage de la marque aux fins de l’identification par les milieux intéressés du produit ou du service comme provenant d’une entreprise déterminée. Une telle identification, et donc l’acquisition d’un caractère distinctif, peut résulter aussi bien de l’usage, en tant que partie d’une marque enregistrée, d’un élément de celle-ci que de l’usage d’une marque distincte en combinaison avec une marque enregistrée. Dans les deux cas, il suffit que, en conséquence de cet usage, les milieux intéressés perçoivent effectivement le produit ou le service, désigné par la seule marque dont l’enregistrement a été demandé, comme provenant d’une entreprise déterminée.

66      Enfin, l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage doit avoir eu lieu antérieurement au dépôt de la demande de marque [arrêt du Tribunal du 12 décembre 2002, eCopy/OHMI (ECOPY), T‑247/01, Rec. p. II‑5301, point 36, et arrêt Forme d’un briquet à pierre, point 61 supra, point 66].

67      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si, en l’espèce, la chambre de recours a commis une erreur en estimant que la marque demandée ne pouvait pas être enregistrée en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009.

68      Ainsi qu’il a été relevé au point 29 ci-dessus, concernant la marque demandée, la chambre de recours a considéré, en substance, que le motif absolu de refus visé à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 existait à l’égard des personnes qui comprennent le catalan, en particulier dans les parties du territoire espagnol où le catalan est généralement utilisé ou compris.

69      Dès lors, il incombait à la requérante de prouver, devant la chambre de recours, que le signe ESPETEC avait acquis avant la date du dépôt de la demande d’enregistrement, intervenue le 31 juillet 2008, un caractère distinctif par l’usage qui en avait été fait, dans les parties de l’Union où ledit signe avait été considéré comme descriptif, à savoir sur les territoires où le catalan est généralement utilisé ou compris.

70      Il convient de relever que, dans le cadre du présent recours, les critiques de la requérante portent essentiellement sur la conclusion, dans la décision attaquée, selon laquelle les preuves qu’elle a apportées ne permettent pas de considérer que la marque demandée est perçue par le public pertinent comme une marque. À cet égard, la requérante fait référence à trois groupes de documents présentés.

–        Sur les rapports de notoriété d’un institut

71      La requérante fait valoir que, puisque ces rapports ont un caractère nettement complémentaire et auxiliaire, leur appréciation doit s’effectuer conjointement avec le reste de la documentation produite. Plus généralement, la requérante affirme que la chambre de recours a omis d’effectuer un examen global des éléments pouvant démontrer le caractère distinctif de la marque demandée.

72      À cet égard, quant à l’obligation d’effectuer un examen global des éléments de preuve présentés par la requérante, il convient de relever qu’il ressort de la décision attaquée que la chambre de recours a, tout d’abord, analysé chacun de ces éléments aux points 39 à 43 de ladite décision, pour ensuite conclure, au point 44, que, « examiné[s] dans leur ensemble, [ces éléments] ne permettent pas de conclure que le mot ESPETEC est perçu par le public pertinent comme une marque ».

73      En outre, en ce qui concerne plus particulièrement les rapports de notoriété, la chambre de recours a considéré, au point 40 de la décision attaquée, que ceux-ci « sembl[aient] dotés d’une valeur probante faible et seraient en tout état de cause, peu pertinents au regard de l’article 7, paragraphe 3, du [règlement n° 207/2009], même lorsqu’ils sont analysés en combinaison avec les autres éléments de preuve versés au dossier ». Or, la requérante n’avance pas davantage d’arguments permettant d’établir que le raisonnement et la conclusion développés à propos de ces rapports par la chambre de recours sont erronés. Dès lors, l’argumentation de la requérante concernant l’appréciation des rapports de notoriété dans le cadre d’un examen global des éléments présentés doit être rejetée.

–       Sur l’étude d’opinion élaborée en juin 2009

74      La quasi-totalité des arguments invoqués par la requérante concernant cette étude concerne les conclusions du rapport complémentaire de 2011 qui a été écarté comme irrecevable en l’espèce (voir points 19 et 24 ci-dessus).

75      En ce qui concerne les arguments pouvant être rattachés à l’étude d’opinion réalisée en juin 2009 et présentée dans le cadre de la procédure administrative, il convient de relever que les sondages dont fait état cette étude ont été réalisés entre le 15 et le 22 mai 2009, donc postérieurement à la demande d’enregistrement de la marque demandée, à savoir le 31 juillet 2008. La pertinence de cette étude, s’agissant de la perception de la marque demandée au stade du dépôt de la demande de marque, se trouve donc réduite [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 11 février 2010, Deutsche BKK/OHMI (Deutsche BKK), T‑289/08, non publié au Recueil, point 83].

76      En effet, selon la jurisprudence de la Cour, des éléments de preuve de l’usage de la marque qui ont été établis postérieurement à la date du dépôt ne peuvent être pris en compte que s’ils permettent de tirer des conclusions sur l’usage de la marque tel qu’il se présentait à cette même date (voir arrêt Forme d’un briquet à pierre, point 61 supra, point 82, et la jurisprudence citée).

77      En tout état de cause, ces arguments de la requérante ne sauraient remettre en cause la conclusion de la chambre de recours figurant dans la décision attaquée. En effet, quant aux réponses à la première question posée dans le cadre de cette étude, la requérante se borne à affirmer que, selon la société qui a effectué le sondage, le chiffre de 37 % correspondant aux personnes interrogées associant spontanément le terme « espetec » à l’origine commerciale du fouet de CASA TARRADELLAS représente un pourcentage très largement supérieur au critère (benchmark) d’études similaires que cette société a mené au cours des dix années et plus d’expérience dans le domaine.

78      Or, la chambre de recours a correctement relevé (point 42 de la décision attaquée) qu’il ressortait de cette étude que, pour la majorité du public pertinent (environ 60 %), le mot « espetec » n’était pas associé à une quelconque marque, mais représentait en premier lieu un terme utilisé pour désigner un aliment précis, à savoir un produit de charcuterie. À cet égard, la remarque de la requérante selon laquelle seulement 11 % des personnes interrogées associent la marque demandée au fouet n’est pas de nature à remettre en cause cette conclusion de la chambre de recours, puisque ce chiffre ne prend pas en compte, notamment, le pourcentage total des personnes associant la marque demandée à une signification générique et/ou semblable au fouet. Par ailleurs, il convient d’observer qu’il ressort de cette même étude que, en ce qui concerne le territoire espagnol où la langue catalane est parlée et qui est le seul pouvant être pris en compte, le pourcentage des personnes associant la marque demandée au fouet est de 23 % (11 % étant le chiffre concernant l’ensemble du territoire espagnol).

79      Quant aux conclusions sur les réponses aux deuxième à quatrième questions posées dans le cadre de cette étude, il y a lieu de relever que la chambre de recours a notamment considéré que lesdites questions suggéraient, quand elles n’induisaient pas, une réponse déterminée (point 41 de la décision attaquée) et n’a, par conséquent, pas pris en considération les résultats ainsi obtenus. Toutefois, en dehors des citations des passages du rapport complémentaire de 2011 qui ne peuvent pas être pris en considération par le Tribunal, la requérante ne formule pas d’arguments concrets permettant de remettre en cause la conclusion de la chambre de recours.

80      De la même manière, s’agissant de la cinquième et de la sixième questions, qui se réfèrent à la relation entre la marque demandée et les différentes marques du fouet, la requérante fait valoir uniquement que les résultats obtenus n’ont pas été évalués par l’examinateur et souhaite mettre en évidence l’importance de ceux-ci dans le cas d’espèce, mais n’avance pas d’autres arguments, en dehors des citations des passages du rapport complémentaire de 2011, concernant la pertinence et l’importance des réponses dans le cas d’espèce.

81      Dans ce cadre, la jurisprudence invoquée par la requérante ne saurait remettre en cause les conclusions de la décision attaquée concernant les résultats de cette étude. La requérante affirme que le chiffre obtenu par les réponses à la deuxième question dans le cadre de l’étude d’opinion, à savoir que 76 % des personnes sondées associent la marque demandée, de façon spontanée, à la société Casa Tarradellas, « dépasse largement les niveaux que [cette] jurisprudence a considérés [comme] acceptables » aux fins d’établir qu’une marque a acquis un caractère distinctif. Or, il convient de rappeler que, pour les motifs rappelés au point 79 ci-dessus, ce chiffre de 76 % n’a pas été pris en considération par la chambre de recours et que la requérante n’a pas réussi à démontrer une quelconque erreur de la part de la chambre de recours dans ce cadre. En effet, ainsi qu’il ressort des points précédents, le seul chiffre que la chambre de recours a pris en considération dans la décision attaquée est celui résultant des réponses à la première question et montrant que 38 % des personnes interrogées associent spontanément le terme « espetec » soit à la « marque Casa Tarradellas », soit à une autre marque, soit au slogan « Espetec de Casa Tarradellas ». Or, ce chiffre est en toute hypothèse inférieur à ceux que la requérante a relevés comme ayant été considérés suffisants par la jurisprudence afin de démontrer le caractère distinctif acquis par la marque.

–       Sur les attestations des chambres de commerce

82      La requérante fait valoir que, dans le cadre de l’évaluation de ces attestations (point 43 de la décision attaquée), la chambre de recours a, tout d’abord, reconnu la notoriété de la marque, puis dénié son caractère de marque et le caractère distinctif acquis par celle-ci. Un tel raisonnement serait contradictoire. Or, ces attestations, émises par différents organes administratifs de caractère autonome, complèteraient les éléments de preuve qu’elle aurait présentés afin d’établir le caractère distinctif acquis par la marque demandée.

83      À cet égard, il ressort de la décision attaquée que la chambre de recours avait des doutes quant à la valeur probante de ces attestations en l’absence d’information concernant les éléments de fait qui ont conduit aux conclusions présentées par les chambres de commerce, dans leurs attestations, notamment en ce qui concerne les conditions de réalisation de l’enquête. Par conséquent, celle-ci a considéré que, « sur un plan général, et compte tenu du caractère descriptif évident du signe demandé, ces attestations, même si elles sont pertinentes en ce qui concerne la notoriété des marques de la requérante, ne sembl[aient] pas suffisantes pour prouver le caractère distinctif acquis de la dénomination ESPETEC, pour les produits sollicités ».

84      À cet égard, premièrement, il convient d’observer que la requérante n’apporte pas plus d’informations sur les conditions de réalisation des enquêtes ayant mené à ces attestations. Deuxièmement, il convient de préciser que la chambre de recours ne mentionne pas la notoriété de la marque demandée, mais celle des « marques de la requérante ». En effet, il convient de lire cette affirmation dans le contexte général de la décision attaquée et notamment en combinaison avec le point 44 de celle-ci où la chambre de recours a reconnu la notoriété et la renommée des marques de la requérante précédemment enregistrées (voir points 87 à 92 ci-après). Par ailleurs, conformément à la jurisprudence rappelée au point 52 ci-dessus, le caractère distinctif d’une marque ou d’un signe peut être acquis en raison de son usage prolongé et de sa notoriété en tant que partie d’une autre marque enregistrée, pour autant que le public ciblé perçoive la marque comme indiquant la provenance des produits d’une entreprise déterminée (voir, en ce sens, arrêts Nestlé, point 51 supra, points 30 et 32). À cet égard, la chambre de recours a considéré à bon droit que les attestations concernées n’étaient pas suffisantes pour prouver un tel caractère.

85      En outre, ainsi qu’il a été observé au point 72 ci-dessus, ces attestations ont bien été évaluées sur un plan général, notamment compte tenu du caractère descriptif de la marque demandée et du fait que celle-ci fait, dans le commerce, partie des autres marques enregistrées de la requérante. Ainsi, la chambre de recours a estimé que les preuves apportées par la requérante, « examinées dans leur ensemble, ne permett[aient] pas de conclure que le mot ESPETEC est perçu par le public pertinent comme une marque » (point 44 de la décision attaquée).

86      Il résulte de tout ce qui précède que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en concluant que la requérante n’avait pas établi que la marque demandée avait acquis, avant le dépôt de la demande d’enregistrement et à l’égard du public pertinent, un caractère distinctif résultant de son usage.

 Sur la troisième branche, tirée de l’interprétation erronée de la notion légale de marque notoire et de l’incohérence de la décision attaquée

87      Au point 44 de la décision attaquée, la chambre de recours a conclu qu’« il [était] certain que les marques L’ESPETEC TARRADELLAS, L’ESPETEC/ESPETEC CASA TARRADELLAS (ou DE CASA TARRADELLAS) sont des marques qui, en tant que telles, jouissent d’une renommée en Espagne » et a, ensuite, mentionné « l’importance manifeste des […] circonstances commerciales de notoriété » des marques de la requérante.

88      La requérante soutient que la décision attaquée est entachée d’une contradiction manifeste en ce qu’elle reconnaîtrait la notoriété des marques enregistrées qui contiennent le terme « espetec » ainsi que la notoriété et la renommée de la marque non enregistrée ESPETEC (ou L’ESPETEC) et, de ce fait, implicitement leur condition de marque, tout en déniant par la suite le caractère distinctif acquis dudit terme.

89      Cette argumentation doit être rejetée. En effet, contrairement à ce que fait valoir la requérante, dans la décision attaquée, la chambre de recours ne mentionne pas la notoriété ou la renommée de la marque ESPETEC, mais celle des marques de la requérante déjà enregistrées, à savoir L’ESPETEC TARRADELLAS, L’ESPETEC/ESPETEC CASA TARRADELLAS (ou DE CASA TARRADELLAS). Le signe de la barre oblique / est utilisé simplement pour indiquer qu’il s’agit de l’une ou l’autre mention (« L’ESPETEC » ou « ESPETEC »), chacune accompagnée de la mention (DE) CASA TARRADELLAS.

90      Aucun des autres arguments de la requérante ne saurait remettre en cause cette conclusion.

91      La référence effectuée par la requérante à la décision de l’examinateur du 8 janvier 2010 qui, effectivement, affirme que les marques L’ESPETEC DE CASA TARRADELLAS, L’ESPETEC ou ESPETEC DE CASA TARRADELLAS sont largement connues sur le marché espagnol ne saurait être prise en considération, puisque le contrôle du Tribunal doit se limiter à l’examen de la légalité de la décision attaquée. En outre, cette affirmation est clairement prise hors du contexte de la décision du 8 janvier 2010 qui conclut, elle aussi, à l’absence de caractère distinctif acquis par l’usage de la marque demandée.

92      De même, le contrôle de la légalité de la décision attaquée doit être opéré sur la base du règlement n° 207/2009 et non de la législation nationale invoquée par la requérante.

93      Dès lors, il y a lieu de rejeter la troisième branche du second moyen et, par conséquent, le second moyen dans son ensemble.

94      Au vu de tout ce qui précède, le recours doit être rejeté dans son intégralité sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions visant à ce que le Tribunal octroie l’enregistrement de la marque demandée.

5.     Sur la demande d’audition de témoin

95      La requérante a demandé l’audition, en tant que témoin, d’un expert de la société ayant élaboré l’étude d’opinion de juin 2009 et le rapport complémentaire à ladite étude de février 2011, afin d’expliquer leur contenu, portée et résultats.

96      Il convient de rejeter cette demande d’audition sans qu’il y ait lieu de s’interroger sur sa recevabilité. En effet, il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que le Tribunal a pu utilement se prononcer sur la base des conclusions, des moyens et des arguments développés au cours de la procédure tant écrite qu’orale et au vu des documents produits.

 Sur les dépens

97      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

98      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Sogepi Consulting y Publicidad, SL est condamnée aux dépens.

Dittrich

Wiszniewska-Białecka

Prek

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 septembre 2012.

Signatures


* Langue de procédure : l’espagnol.