Language of document : ECLI:EU:T:2018:365

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (troisième chambre)

19 juin 2018 (*)

« Procédure – Taxation des dépens »

Dans l’affaire T‑79/13 DEP,

Alessandro Accorinti, demeurant à Nichelino (Italie), et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe (1), représentés par Mes S. Sutti et R. Spelta, avocats,

parties requérantes,

contre

Banque centrale européenne (BCE), représentée par M. K. Laurinavičius et par Mme M. Szablewska, en qualité d’agents, assistés de Me H.-G. Kamann, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de taxation des dépens à rembourser par les parties requérantes à la Banque centrale européenne (BCE) à la suite de l’arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti e.a./BCE (T‑79/13, EU:T:2015:756),

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. M. Prek, faisant fonction de président, Mme I. Labucka et M. V. Kreuschitz (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 février 2013, le requérant M. Alessandro Accorinti et les autres requérants dont les noms figurent en annexe ont introduit un recours ayant pour objet une demande fondée sur l’article 268 TFUE, lu conjointement avec l’article 340, troisième alinéa, TFUE, et tendant à obtenir réparation du préjudice subi par les requérants à la suite, notamment, de l’adoption par la BCE de la décision 2012/153/UE, du 5 mars 2012, relative à l’éligibilité des titres de créance négociables émis ou totalement garantis par la République hellénique dans le cadre de l’offre d’échange d’obligations par la République hellénique (JO 2012, L 77, p. 19), ainsi que d’autres mesures de la BCE liées à la restructuration de la dette publique grecque.

2        Par arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti e.a./BCE (T‑79/13, EU:T:2015:756, ci-après l’« arrêt Accorinti »), le Tribunal a rejeté le recours comme non fondé et a condamné les requérants aux dépens. Cet arrêt est devenu définitif.

3        Par lettre du 6 juillet 2016, la BCE a invité les requérants à régler au plus tard le 21 juillet 2016, notamment, les frais indispensables exposés par la BCE au titre de cette procédure à hauteur de 310 206,26 euros, y compris les dépens pour l’étude de l’arrêt Accorinti et l’élaboration du relevé de frais.

4        Par lettre du 21 juillet 2016, les représentants légaux des requérants ont informé la BCE du fait qu’ils n’avaient pas encore reçu d’indications précises de la part de tous leurs clients concernant le paiement des frais exposés par la BCE, mais que, en tout état de cause, ils contestaient le montant demandé, notamment au motif que, premièrement, les informations fournies n’étaient ni suffisamment précises ni étayées, deuxièmement, tant le tarif horaire des avocats ayant représenté la BCE que le nombre d’heures indiqué étaient disproportionnés et excessifs, troisièmement, certains frais devaient être considérés comme n’étant pas indispensables, et, quatrièmement, la quote-part de paiement demandée à chacun des requérants n’était pas précisée, ce qui serait contraire au droit à un recours effectif garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), eu égard notamment à la différence de capacité contributive des requérants.

5        Par lettre du 23 février 2017, la BCE a avancé des explications supplémentaires quant au bien-fondé de sa demande tout en proposant d’exclure du montant total demandé les frais encourus au titre de l’étude de l’arrêt Accorinti et en fixant aux requérants un nouveau délai de paiement jusqu’au 15 mars 2017.

6        À la suite d’un ultime échange de courriels intervenu les 24 mars et 20 avril 2017, les requérants sont restés en défaut de payer le montant demandé.

 Procédure et conclusions des parties

7        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 14 août 2017, la BCE a introduit, en application de l’article 170, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, la présente demande de taxation des dépens.

8        La BCE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        fixer le montant total des dépens récupérables à 307 064,66 euros, taxe sur la valeur ajoutée (TVA) comprise, incluant des honoraires d’avocat à hauteur de 302 273,40 euros, des frais de voyage à hauteur de 4 578,56 euros, des frais relatifs à l’élaboration du relevé de frais à hauteur de 2 731,05 euros, ainsi que des frais relatifs à la préparation de la présente demande de taxation des dépens à hauteur de 404,60 euros ;

–        déclarer que les requérants sont responsables conjointement et solidairement des dépens dont le paiement est demandé ;

–        délivrer à la BCE une copie de l’ordonnance de taxation de dépens aux fins de l’exécution forcée.

9        Le 26 septembre 2017, les requérants ont soumis leurs observations sur la demande de taxation des dépens.

10      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        suspendre la procédure en raison du décès, en cours d’instance, des requérants MM. Filippo Caracciolo di Melito, Denis Dotti et Benito Colangelo jusqu’à ce que leurs héritiers se soient constitués parties à la présente procédure ;

–        rejeter la demande de taxation de dépens ;

–        à titre subsidiaire, condamner les requérants à payer un montant jugé équitable en le répartissant au prorata entre eux.

11      La BCE entendue dans ses observations, le Tribunal a, le 13 novembre 2018, décidé de ne pas suspendre la procédure.

 En droit

 Rappel des dispositions et de la jurisprudence pertinentes

12      En vertu de l’article 170 du règlement de procédure, s’il y a contestation sur les dépens récupérables, le Tribunal statue par voie d’ordonnance non susceptible de recours à la demande de la partie intéressée, après avoir mis la partie concernée par la demande en mesure de présenter ses observations.

13      Au terme de l’article 140, sous b), du règlement de procédure, sont considérés comme des dépens récupérables les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure, notamment les frais de déplacement et de séjour et la rémunération d’un agent, d’un conseil ou d’un avocat. Il en découle que les dépens récupérables sont limités, d’une part, à ceux exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal et, d’autre part, à ceux qui ont été indispensables à ces fins [voir, en ce sens, ordonnance du 12 janvier 2016, Boehringer Ingelheim International/OHMI – Lehning entreprise (ANGIPAX), T‑368/13 DEP, non publiée, EU:T:2016:9, point 11 et jurisprudence citée].

14      Conformément à l’article 19, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, les institutions de l’Union, dont la BCE, sont libres de recourir à l’assistance d’un avocat. La rémunération de ce dernier entre alors dans la notion de frais indispensables exposés aux fins de la procédure, sans que cette institution soit tenue de démontrer que l’intervention de cet avocat était objectivement justifiée (voir, en ce sens, ordonnances du 24 octobre 2013, Internationaler Hilfsfonds/Commission, C‑554/11 P‑DEP, non publiée, EU:C:2013:706, points 15 et 16 et jurisprudence citée ; du 23 mars 2012, Kerstens/Commission, T‑498/09 P DEP, EU:T:2012:147, point 20, et du 11 décembre 2014, Longinidis/Cedefop, T‑283/08 P–DEP, EU:T:2014:1083, point 24).

15      En outre, il est de jurisprudence constante que le juge de l’Union n’est pas habilité à taxer les honoraires dus par les parties à leurs propres avocats, mais à déterminer le montant à concurrence duquel ces émoluments peuvent être récupérés auprès de la partie condamnée aux dépens. En statuant sur la demande de taxation des dépens, le Tribunal n’a pas à prendre en considération un tarif national fixant les honoraires des avocats ni un éventuel accord conclu à cet égard entre la partie intéressée et ses agents ou conseils (ordonnance du 28 juin 2004, Airtours/Commission, T‑342/99 DEP, EU:T:2004:192, point 17).

16      À défaut de dispositions du droit de l’Union de nature tarifaire ou relatives au temps de travail nécessaire, le Tribunal est libre d’apprécier les données de la cause, en tenant compte de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit de l’Union ainsi que des difficultés de la cause, de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu causer aux agents ou aux conseils intervenus et des intérêts économiques que le litige a présentés pour les parties [voir, en ce sens, ordonnances du 20 mai 2010, Tetra Laval/Commission, C‑12/03 P‑DEP et C‑13/03 P‑DEP, non publiée, EU:C:2010:280, point 44 ; du 24 octobre 2013, Internationaler Hilfsfonds/Commission, C‑554/11 P‑DEP, non publiée, EU:C:2013:706, point 18, et du 16 octobre 2014, Since Hardware (Guangzhou)/Conseil, T‑156/11 DEP, non publiée, EU:T:2014:930, point 17 et jurisprudence citée].

17      C’est en fonction de ces critères qu’il convient d’évaluer le montant des dépens récupérables en l’espèce.

 Sur l’objet et sur la nature du litige, sur son importance sous l’angle du droit de l’Union ainsi que sur les difficultés de la cause

18      S’agissant de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit de l’Union, ainsi que des difficultés de son traitement, les faits à l’origine de l’arrêt Accorinti revêtaient une importance politique particulière et présentaient un degré élevé de complexité économique, en ce qu’ils avaient trait à l’adoption, notamment par la BCE, d’une série de mesures en matière de politique monétaire destinées à gérer la crise de la dette publique grecque déclenchée en 2009, mesures dont les requérants ont contesté la légalité. Eu égard à l’objectif poursuivi par ces mesures de préserver la solvabilité de l’État grec, cette affaire, qui était la première d’envergure en la matière, présentait une importance très élevée tant pour la BCE que pour les requérants sur les plans politique, économique et juridique en général.

19      En outre, les questions juridiques soulevées dans le cadre du recours des requérants, en particulier celles relevant du fond, bien qu’encadrées par une jurisprudence établie en matière de responsabilité non contractuelle de l’Union, présentaient un caractère, pour partie, nouveau et complexe en ce qui concerne l’appréciation des illégalités alléguées. En effet, premièrement, le Tribunal était appelé à préciser, pour la première fois dans la jurisprudence des juridictions de l’Union, les critères régissant l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la BCE au titre de l’article 340, troisième alinéa, TFUE, en tenant compte de son large pouvoir d’appréciation en matière de politique monétaire qui lui est dévolu en vertu des articles 127 et 282 TFUE (arrêt Accorinti, points 64 à 69). Deuxièmement, le Tribunal devait se livrer à un examen approfondi de la question de savoir si les conditions d’une violation du principe de la protection de la confiance légitime étaient réunies (arrêt Accorinti, points 73 à 84). Troisièmement, il était nécessaire de procéder à une analyse détaillée du respect par la BCE du principe d’égalité de traitement et de la clause pari passu, ce qui exigeait un examen approfondi de la comparabilité des situations respectives des banques centrales de la zone euro, y compris de la BCE, et des investisseurs privés, en tant que détenteurs de titres de créance émis et garantis par l’État grec, à l’aune des objectifs de politique monétaire poursuivis par les mesures en cause (arrêt Accorinti, points 85 à 103). Enfin, le Tribunal devait se prononcer sur les conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de la BCE du fait d’un acte normatif licite (arrêt Accorinti, points 117 à 122). Il en résulte que, contrairement à ce qu’avancent les requérants, les questions juridiques traitées dans l’arrêt Accorinti présentaient une complexité et des difficultés supérieures à la moyenne.

 Sur l’ampleur du travail que le litige a pu causer et sur les intérêts économiques impliqués

20      Concernant l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu causer aux agents ou aux conseils intervenus et les intérêts économiques que le litige a présentés pour les parties, il découle du point précédent que les enjeux économiques tant pour les parties que pour la République hellénique, voire pour l’ensemble de la zone euro et de l’Union européenne, étaient majeurs. D’une part, il s’agissait de préserver la solvabilité de l’État grec et d’éviter un défaut de paiement de sa part qui risquait de porter atteinte au bon fonctionnement et à la stabilité des systèmes de paiement de la zone euro que la BCE est chargée de promouvoir et de garantir en vertu de l’article 127, paragraphes 1 et 2, quatrième tiret, TFUE. D’autre part, les requérants prétendaient avoir subi des préjudices financiers substantiels dans le cadre de la restructuration de la dette publique grecque moyennant, notamment, leur implication dans le Private Sector Involvement (PSI), qui les ont amenés à demander, dans le cadre de leur recours, une indemnisation à hauteur d’un montant total d’environ 12,5 millions d’euros. Dans ces conditions, considérée conjointement avec la complexité juridique supérieure à la moyenne du litige, contrairement à ce que font valoir les requérants, la défense des intérêts économiques et d’ordre politique monétaire sous-tendant les mesures contestées, ainsi que l’importance des intérêts économiques ayant conduit les requérants à saisir le Tribunal pouvaient justifier une quantité de travail largement supérieure à la moyenne.

 Sur le caractère indispensable de la quantité du travail effectué et des tarifs horaires appliqués

21      S’agissant de la quantité du travail effectué par les avocats de la BCE et des tarifs horaires appliqués, la BCE demande la rémunération d’un total de 999,8 heures de travail à un taux horaire moyen de 350 euros, tout en excluant les frais de traduction et ceux encourus lors de l’étude de l’arrêt Accorinti, soit le remboursement d’un montant net de 254 190 euros, majoré de 42 296,10 euros au titre de la TVA allemande au taux de 19 %.

22      Les requérants contestent, notamment, le caractère indispensable des heures prestées et demandent à ce que les dépens récupérables soient taxés à un montant « bien en-dessous de 100 000 euros, à diviser au prorata entre les parties qui succombent ».

23      Il ressort des factures d’avocat et des relevés de facturation horaire (time sheets) produits par la BCE, qui exposent de manière détaillée le temps de travail afférent à chaque tâche accomplie et dont le caractère correct n’est pas contesté en tant que tel par les requérants, que, aux fins de la procédure contentieuse, ont été prestés :

–        231,1 heures de travail par trois avocats associés (partners) au taux horaire de 450 euros ;

–        157,4 heures de travail par deux avocats collaborateurs expérimentés (senior associates) au taux horaire de 350 euros ;

–        260,4 heures de travail par trois avocats collaborateurs (junior associates) au taux horaire de 200 euros ; ainsi que

–        480,3 heures de travail par onze avocats stagiaires au taux horaire de 150 euros.

24      S’agissant des heures de travail accomplies, les caractéristiques propres de l’affaire, telles qu’exposées aux points 18 à 20 ci-dessus, pouvaient, certes, justifier le recours par la BCE à l’assistance de plusieurs avocats, établis à différents endroits, en fonction de leur expertise respective et de leurs capacités linguistiques spécifiques. Il n’en demeure pas moins que le nombre total d’heures de travail pouvant apparaître comme objectivement indispensable aux fins de la procédure contentieuse doit être déterminé indépendamment du nombre d’avocats entre lesquels les prestations effectuées ont pu être réparties (voir, en ce sens, ordonnances du président de la Cour du 1er octobre 2013, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P‑DEP, EU:C:2013:644, point 22, et du 15 septembre 2010, Huvis/Conseil, T‑221/05 DEP, non publiée, EU:T:2010:402, point 30). À cet égard, il y a également lieu de tenir compte du fait que l’assistance par des avocats moins expérimentés aux avocats ayant une responsabilité principale dans une procédure contentieuse complexe se limite normalement à faciliter la tâche de ces derniers (voir, en ce sens, ordonnance du 21 septembre 2017, Christodoulou et Stavrinou/Commission et BCE, T‑332/13 DEP, non publiée, EU:T:2017:680, point 35). En outre, la répartition du travail de préparation des mémoires entre différents avocats implique nécessairement une certaine duplication des efforts entrepris, de sorte que le Tribunal ne saurait reconnaître la totalité des heures de travail réclamées (voir, en ce sens, ordonnance du 21 octobre 2014, Foshan City Nanhai Golden Step Industrial/Conseil, T‑410/06 DEP, non publiée, EU:T:2014:917, point 27 et jurisprudence citée).

25      En l’espèce, en dépit de l’exigence d’une certaine répartition de la charge de travail entre plusieurs avocats, qui était pour partie liée au fait que la langue de procédure était l’italien, à l’instar de ce qu’avancent les requérants, la participation de 19 avocats relevant de quatre niveaux d’expérience différents apparaît disproportionnée et a nécessairement donné lieu, dans une large mesure, à une duplication des efforts entrepris. En revanche, contrairement à ce que supposent les requérants, il ne ressort pas du dossier que ces avocats ont pu se fonder sur des travaux préparatoires effectués par des agents de la BCE.

26      Dès lors, l’ensemble des heures prestées ne saurait être reconnu comme ayant été objectivement indispensable aux fins de la procédure. Ainsi que l’avancent les requérants, cela est particulièrement vrai des heures prestées en rapport avec la demande d’intervention de la société Nausicaa Anadyomène SAS, rejetée par ordonnance du Tribunal du 13 décembre 2013, telle que rectifiée par ordonnance du 14 février 2014, dont les dépens sont exclusivement à charge de cette société. En outre, il y a lieu de déduire du nombre total des heures de travail demandées dans une très large mesure celles prestées par des avocats stagiaires (480,3 heures), dont les tâches consistaient essentiellement à effectuer des travaux subordonnés de lecture, de recherche, de collecte d’informations et d’autres travaux préparatoires non indispensables à la procédure, et de les réduire à 20 heures.

27      Pour des raisons analogues, mais applicables dans une moindre mesure, il y a lieu de réduire substantiellement le temps de travail facturé des avocats collaborateurs moins expérimentés (260,4 heures), dont la tâche consistait essentiellement à fournir des travaux préparatoires et d’assistance non indispensables, destinés à la rédaction des mémoires de la BCE et à la préparation des plaidoiries d’audience. En outre, compte tenu du fait que, dans la lettre du 6 juillet 2016, la BCE avait demandé le remboursement de seulement 198 heures de travail prestées par ces avocats collaborateurs, le temps de travail pouvant être reconnu comme indispensable doit être fixé à 80 heures.

28      Ne saurait non plus être reconnu comme indispensable l’ensemble des heures de travail prestées par les trois avocats associés particulièrement expérimentés (231,2 heures) et par les deux avocats collaborateurs plus expérimentés (157,4 heures) pour, notamment, la rédaction de deux mémoires d’une longueur respective de 46 (mémoire en défense) et de 50 (mémoire en duplique) pages avec 21 annexes au total, la préparation de l’audience de plaidoiries, y compris le travail de coordination requis entre les avocats et les agents de la BCE, ainsi que la présence de deux avocats associés à l’audience. À cet égard, il y a lieu de préciser que, dans la lettre du 6 juillet 2016, la BCE avait réclamé le remboursement de seulement 212,2 heures de travail des avocats associés. Compte tenu de la duplication nécessaire de certains des efforts entrepris à cet effet, de l’objet, de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit de l’Union, des difficultés juridiques posées et des intérêts économiques impliqués (voir points 18 à 20 ci-dessus), il sera fait une juste appréciation du temps de travail indispensable à cet effet en le fixant à 200 heures.

29      Eu égard à cette limitation du nombre total d’heures de travail indispensable aux fins de la procédure contentieuse et au fait que, en l’espèce, plus que la moitié des heures réclamées, au titre de prestations de professionnels admis au barreau, ont été prestés soit par des avocats associés particulièrement expérimentés (partners), soit par des avocats expérimentés (senior associates), il apparaît justifié d’appliquer un taux horaire moyen de 300 euros, un tel taux pouvant être considéré comme étant approprié pour rémunérer les services de tels avocats qui sont capables de travailler de façon très efficace et rapide (voir, en ce sens, ordonnance du 20 novembre 2012, Al Shanfari/Conseil et Commission, T‑121/09 DEP, non publiée, EU:T:2012:607, point 40 et jurisprudence citée).

30      Il en résulte que les dépens récupérables au titre d’honoraires d’avocat doivent être fixés au montant de 90 000 euros, majorés de la TVA au taux de 19 %, soit un montant de 17 100 euros.

 Sur les frais de déplacement et de séjour aux fins de l’audience

31      La BCE demande la rémunération des frais de déplacement et de séjour d’un montant total de 4 578,56 euros. Conformément au point 2.4 de la lettre du 6 juillet 2016, ce montant inclut les frais d’un montant de 3 008,68 euros concernant le voyage de deux avocats associés et d’un avocat collaborateur aux fins d’une réunion de consultation avec les agents de la BCE, le 17 février 2015, ainsi que le voyage de deux avocats associés à Luxembourg aux fins d’une réunion préparatoire et de l’audience de plaidoiries, les 24 et 25 février 2015. Par ailleurs, cette demande comprend les frais de voyage et de séjour de deux agents de la BCE ayant participé à ces réunion et audience d’un montant de 1 569,88 euros. Les requérants contestent tant le caractère étayé de ces frais que leur caractère indispensable, le déplacement d’un seul avocat pour assister à l’audience ayant suffi.

32      À cet égard, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur le caractère indispensable de la participation de plusieurs avocats ou agents à l’audience de plaidoiries, à l’instar des requérants, il suffit de constater que la BCE a omis d’étayer à suffisance les frais de voyage et de séjour demandés, sa demande se limitant à exposer les montants forfaitaires visés au point 31 ci-dessus, sans les préciser de manière plus détaillée par personne concernée ou produire des copies, notamment, des titres de transport ou des factures d’hôtel à l’appui. En tout état de cause, les frais de voyage non spécifiés de trois avocats pour se réunir avec les agents de la BCE, probablement à Francfort, le 17 février 2015, ne sauraient en aucun cas être reconnus comme indispensables aux fins de la procédure.

33      Dès lors, dans la mesure où la demande de taxation vise les frais de voyage et de séjour, elle doit être rejetée dans sa totalité.

 Sur l’exclusion des frais de traduction et de ceux relatifs à l’étude de l’arrêt Accorinti

34      Ainsi que le confirme explicitement la BCE, les frais de traduction ainsi que ceux liés à l’étude de l’arrêt Accorinti, demandés par elle dans sa lettre du 6 juillet 2016, ne font pas l’objet de la demande de taxation des dépens, de sorte que, dans cette mesure, le Tribunal ne saurait en tenir compte et la contestation des requérants à cet égard est inopérante.

 Sur les dépens exposés au titre de la procédure de taxation de dépens

35      La BCE demande aussi la reconnaissance comme étant indispensables des dépens exposés aux fins de la présente procédure de taxation à hauteur d’un montant net 2 635 euros, soit de 3 135,65 euros, TVA comprise, ce montant se composant, d’une part, des frais relatifs à l’élaboration du relevé de frais à hauteur de 2 731,05 euros, et, d’autre part, de ceux relatifs à la préparation de la présente demande de taxation des dépens à hauteur de 404,60 euros, TVA comprise respectivement.

36      Les requérants contestent cette demande.

37      En premier lieu, en ce qui concerne les frais d’élaboration du relevé de frais lié à la procédure ayant abouti à l’arrêt Accorinti, le montant de 2 731,05 euros – qui correspond à 5,1 heures de travail d’un avocat associé rétribué au taux horaire de 450 euros – est censé ne représenter que la moitié du montant de 5 462,10 euros que la BCE avait réclamé au point 3 de la lettre du 6 juillet 2016. Conformément aux principes appliqués aux points 28 et 29 ci-dessus, il sera fait une juste appréciation des frais indispensables à cet effet en les fixant à 5 heures de travail au taux horaire de 300 euros, soit un montant de 1 500 euros.

38      En second lieu, quant à l’ampleur du travail que la présente procédure de taxation des dépens a pu causer aux avocats de la BCE, celle-ci réclame au titre des honoraires d’avocat, facture à l’appui, le montant de 340 euros pour une heure de travail accomplie par un avocat associé très expérimenté, majorés de la TVA, soit un montant de 404,60 euros. Eu égard aux considérations exposées aux points 21 à 30 ci-dessus, ni ce temps de travail ni ce taux horaire, fondé sur un nouveau contrat de fourniture de services légaux entre la BCE et son avocat la représentant dans le cadre de la présente procédure, ne peuvent être qualifiés d’excessifs et doivent être considérés comme étant indispensables aux fins de la rédaction de la demande de taxation des dépens (voir, en ce sens, ordonnance du 21 septembre 2017, Christodoulou et Stavrinou/Commission et BCE, T‑332/13 DEP, non publiée, EU:T:2017:680, point 50).

39      Par conséquent, les dépens récupérables au titre d’honoraires d’avocat relatifs à la présente procédure de taxation des dépens peuvent être fixés à 1 904,60 euros.

 Conclusion sur les dépens récupérables

40      Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il sera fait une juste appréciation de l’intégralité des dépens récupérables par la BCE en fixant leur montant à 109 004,60 euros, laquelle somme inclut la TVA, ce qui tient compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’à la date d’adoption de la présente ordonnance.

 Sur les demandes relatives à l’allocation des dépens récupérables

41      Par son deuxième chef de conclusions, la BCE demande au Tribunal de déclarer les requérants conjointement et solidairement responsables du remboursement du montant des dépens récupérables. À l’appui de cette demande, elle relève, en substance, être en droit de faire valoir la responsabilité conjointe et solidaire des requérants, leur situation économique ne relevant pas des critères à l’aune desquels le montant des dépens récupérables est fixé (voir, en ce sens, ordonnance du 11 décembre 2014, Longinidis/Cedefop, T‑283/08 P‑DEP, EU:T:2014:1083, point 67).

42      Les requérants contestent cette demande, le Tribunal ne les ayant pas condamnés, dans l’arrêt Accorinti, à supporter solidairement les dépens. En outre, compte tenu de leur grand nombre et de leur capacité contributive restreinte et hétérogène, il y aurait lieu de fixer les dépens récupérables « à titre partiel » en les répartissant au prorata entre eux, en fonction de leur situation individuelle et de leur capacité économique respective. Toute autre approche serait contraire au droit à une protection juridictionnelle effective, tel que garanti par l’article 47 de la Charte, en ce qu’elle serait susceptible de dissuader les particuliers à saisir le Tribunal de peur de devoir supporter des frais de justice excessifs. Ainsi, les requérants demandent au Tribunal de répartir le montant des dépens remboursables au prorata entre eux.

43      À ce sujet, il suffit de relever que, en vertu de l’article 170, paragraphe 1, lu conjointement avec l’article 140, sous b), du règlement de procédure, le pouvoir du Tribunal, saisi d’une demande de taxation des dépens, est limité à constater le montant des dépens récupérables. Dans le cadre de la présente ordonnance, il n’est donc pas appelé à statuer sur les demandes des parties relatives à l’allocation des dépens récupérables, de sorte que ces demandes doivent être rejetées.

 Sur la demande d’expédier une copie de la présente ordonnance aux fins de l’exécution forcée

44      Enfin, il n’y a pas lieu de statuer sur le troisième chef de conclusions de la BCE visant à ce qu’il lui soit délivré une copie de la présente ordonnance aux fins de l’exécution forcée, l’obligation inconditionnelle du Tribunal d’expédier une telle copie découlant immédiatement de l’article 170, paragraphe 4, du règlement de procédure. En effet, une telle demande est de nature purement administrative et se situe en dehors de l’objet du présent litige portant sur la taxation des dépens récupérables de la BCE (voir, en ce sens, ordonnances du 14 novembre 2016, von Storch e.a./BCE, T‑492/12 DEP, non publiée, EU:T:2016:668, point 28, et du 21 septembre 2017, Christodoulou et Stavrinou/Commission et BCE, T‑332/13 DEP, non publiée, EU:T:2017:680, point 52).

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

ordonne :

Le montant total des dépens à rembourser par M. Alessandro Accorinti et par les parties requérantes dont les noms figurent en annexe à la Banque centrale européenne (BCE) est fixé à 109 004,60 euros.

Fait à Luxembourg, le 19 juin 2018.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

M. Prek


*      Langue de procédure : l’italien.


1      La liste des autres parties requérantes n’est annexée qu’à la version notifiée aux parties.