Language of document : ECLI:EU:T:2012:94

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (première chambre)

28 février 2012 (*)

« Union douanière — Importation d’appareils récepteurs de télévision en couleurs assemblés en Turquie — Recouvrement a posteriori de droits à l’importation — Demande de non-prise en compte a posteriori et de remise des droits — Article 220, paragraphe 2, sous b), et article 239 du règlement (CEE) no 2913/92 — Décision de rejet de la Commission — Annulation par le juge national des décisions des autorités nationales de prise en compte a posteriori des droits — Non-lieu à statuer »

Dans l’affaire T‑153/10,

Schneider España de Informática, SA, établie à Torrejón de Ardoz (Espagne), représentée par Mes P. De Baere et P. Muñiz, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. R. Lyal et Mme L. Bouyon, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2010) 22 final de la Commission, du 18 janvier 2010, constatant qu’il est justifié de procéder à la prise en compte a posteriori des droits à l’importation et qu’il n’est pas justifié de procéder à la remise de ces droits dans un cas particulier (affaire REM 02/08),

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. J. Azizi, président, Mme E. Cremona et M. S. Frimodt Nielsen (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        En 1999, 2000 et 2001, la requérante, Schneider España de Informática, SA a importé en Espagne, en vue de leur mise en libre pratique, des appareils récepteurs de télévision en couleurs qu’elle a alors déclarés comme étant originaires de Turquie.

2        Le 28 août 2002, les autorités douanières espagnoles ont indiqué à la requérante qu’elles procédaient à une vérification a posteriori des importations mentionnées au point 1 ci-dessus.

3        Une mission de coopération administrative, effectuée en Turquie, du 29 avril au 2 mai 2003, par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) et par des agents de certains États membres, est parvenue à la conclusion que le fournisseur turc de la requérante avait incorporé dans les téléviseurs importés par celle-ci des tubes cathodiques originaires de Chine ou de Corée du Sud. De telles importations étaient passibles des droits antidumping alors prévus par le règlement (CE) no 710/95 du Conseil, du 27 mars 1995, instituant un droit antidumping définitif sur les importations d’appareils récepteurs de télévision en couleurs originaires de Malaisie, de République populaire de Chine, de République de Corée, de Singapour et de Thaïlande et portant perception définitive du droit provisoire (JO L 73, p. 3), modifié par le règlement (CE) no 2584/98 du Conseil, du 27 novembre 1998 (JO L 324, p. 1).

4        À la suite de cette enquête, par trois décisions du 23 juin 2004 (ci-après les « décisions de prise en compte a posteriori »), les autorités douanières espagnoles ont constaté l’existence d’une dette douanière découlant de l’absence de paiement de droits antidumping lors des importations mentionnées au point 1 ci-dessus et mis à la charge de la requérante les droits de douane éludés, pour un montant de 51 639,89 euros, augmenté d’un montant d’intérêts de 10 008,97 euros, ainsi qu’une régularisation de taxe sur la valeur ajoutée, pour un montant de 8 263,38 euros, augmenté d’un montant d’intérêts de 1 601,44 euros (ci-après les « droits en cause »).

5        Par lettre du 18 mai 2005, la requérante a demandé la non-prise en compte a posteriori de cette dette douanière en application de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire, tel que modifié (JO L 302, p. 1, ci-après le « code des douanes communautaire »), ainsi que la remise de celle-ci en application de l’article 239 du même règlement. Cette demande (ci-après la « demande de la requérante ») a été transmise par le Royaume d’Espagne à la Commission par lettre du 17 mars 2008.

6        Parallèlement à sa demande, la requérante a introduit une procédure devant les autorités administratives et judiciaires nationales visant à obtenir l’annulation des décisions de prise en compte a posteriori.

7        Le 21 novembre 2008, le Tribunal Económico-Administrativo Regional de Madrid (autorité fiscale régionale de Madrid, Espagne) a rejeté le recours de la requérante. Celle-ci a introduit un recours juridictionnel contre cette décision devant le Tribunal Superior de Justicia de Madrid (Cour supérieure de justice de Madrid).

8        Par décision COM (2010) 22 final, du 18 janvier 2010, constatant qu’il est justifié de procéder à la prise en compte a posteriori des droits à l’importation et qu’il n’est pas justifié de procéder à la remise de ces droits dans un cas particulier (affaire REM 02/08) (ci-après la « décision attaquée »), la Commission européenne a rejeté la demande de la requérante présentée par le Royaume d’Espagne.

9        Dans la décision attaquée, la Commission a estimé, premièrement, que, en l’espèce, les autorités douanières n’avaient commis aucune erreur au sens de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes communautaire et que la requérante n’avait pas fait preuve de la diligence requise par cette même disposition. La Commission a également considéré, deuxièmement, qu’il n’existait pas de situation particulière au sens de l’article 239 du code des douanes communautaire.

10      Le 3 mai 2010, statuant en application des articles 869 et suivants et de l’article 908, paragraphe 2, du règlement (CEE) no 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du code des douanes communautaire (JO L 253, p. 1, ci-après le « règlement d’exécution »), dans sa rédaction issue du règlement (CE) no 1335/2003 de la Commission, du 25 juillet 2003 (JO L 187, p. 16), et conformément à la décision attaquée, les autorités douanières espagnoles ont rejeté la demande de la requérante.

 Procédure et conclusions des parties

11      Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 6 avril 2010, la requérante a introduit le présent recours.

12      Par acte séparé, enregistré au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a présenté une demande de mesures d’organisation de la procédure tendant à ce que le Tribunal ordonne à la Commission de produire la copie intégrale de 28 documents. Dans les observations qu’elle a présentées à ce sujet dans les délais qui lui avaient été impartis, la Commission s’est opposée à cette demande.

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

14      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

15      Par courrier enregistré au greffe du Tribunal le 21 septembre 2011, la requérante a transmis au Tribunal copie de l’arrêt no 178/11, rendu le 16 mars 2011 par le Tribunal Superior de Justicia de Madrid (ci-après l’« arrêt du Tribunal Superior de Justicia »). En vertu de cet arrêt du Tribunal Superior de Justicia, lequel n’est pas susceptible de recours, les décisions de prise en compte a posteriori ont été annulées en raison de l’acquisition, à la date de leur communication à la requérante, de la prescription prévue à l’article 221, paragraphe 3, du code des douanes communautaire. Dans la lettre accompagnant la communication de cet arrêt au Tribunal, la requérante reconnaît que, en conséquence de cette annulation, elle ne peut plus être tenue de payer les droits en cause. Elle conclut néanmoins à ce que le Tribunal statue sur le recours ou, à titre subsidiaire, au cas où il déciderait qu’il n’y a plus lieu de statuer, à ce que chaque partie soit condamnée à supporter ses propres dépens.

16      En réponse à une question du Tribunal, la Commission a estimé que, en raison de l’intervention de l’arrêt du Tribunal Superior de Justicia, le présent recours avait perdu son objet. La requérante a présenté des observations sur la prise de position de la Commission dans le délai imparti.

 En droit

17      Aux termes de l’article 113 de son règlement de procédure, le Tribunal peut à tout moment, d’office, les parties entendues, constater que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer. Il résulte de l’article 114, paragraphe 3, du même règlement que, sauf décision contraire du Tribunal, la suite de la procédure est orale.

18      En l’espèce, les parties ayant été entendues (voir points 15 et 16 ci-dessus), le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier pour statuer sans poursuivre la procédure.

19      Par le présent recours, la requérante demande l’annulation de la décision attaquée, par laquelle la Commission a rejeté sa demande, tenant à l’absence de prise en compte a posteriori et à la remise de la dette douanière mise à sa charge par les décisions de prise en compte a posteriori. Il convient donc de déterminer si, à la suite de l’annulation des décisions de prise en compte a posteriori par une décision juridictionnelle définitive, l’annulation de la décision attaquée est encore susceptible de procurer un bénéfice à la requérante. À défaut du maintien d’un tel intérêt en cours d’instance, en effet, il conviendrait de considérer que le présent recours est devenu sans objet et que, par suite, il n’y a plus lieu d’y statuer.

20      L’exigence selon laquelle le recours doit conserver son objet est, en effet, une condition nécessaire pour que le juge puisse exercer son office, tenant à l’existence d’un bénéfice concret que la partie requérante est susceptible de retirer de la décision juridictionnelle mettant fin à l’instance (voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 11 octobre 2007, Wilfer/OHMI, C‑301/05 P, non publiée au Recueil, point 19, et la jurisprudence citée).

21      Cet intérêt de la partie requérante à obtenir une décision juridictionnelle s’apprécie eu égard à l’étendue des pouvoirs du juge, compte tenu de la voie de recours dans le cadre de laquelle celui-ci est saisi (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 24 novembre 2005, Italie/Commission, C‑138/03, C‑324/03 et C‑431/03, Rec. p. I‑10043, point 25).

22      Ainsi, la question de savoir si un recours conserve son objet doit être rapprochée de celle de l’existence de l’intérêt pour agir de l’auteur du recours. Cependant, alors que l’absence d’intérêt pour agir entraîne le rejet du recours comme irrecevable et s’apprécie à la date de l’introduction de celui-ci (arrêt de la Cour du 18 avril 2002, Espagne/Conseil, C‑61/96, C‑132/97, C‑45/98, C‑27/99, C‑81/00 et C‑22/01, Rec. p. I‑3439, point 23), la disparition de l’objet du recours en cours d’instance, laquelle résulte de ce que la décision juridictionnelle à intervenir n’est plus susceptible de procurer un bénéfice à la partie requérante, entraîne qu’il n’y a plus lieu de statuer sur le recours (voir arrêts de la Cour du 15 février 2005, Commission/Tetra Laval, C‑13/03 P, Rec. p. I‑1113, point 23 ; du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, Rec. p. I‑4333, point 42, et ordonnance du Tribunal du 26 juin 2008, Gibtelecom/Commission, T‑433/03, T‑434/03, T‑367/04 et T‑244/05, non publiée au Recueil, point 48, et la jurisprudence citée).

23      Enfin, le constat de la disparition de l’objet du recours se soulève d’office, le cas échéant (voir arrêt de la Cour du 3 décembre 2009, Hassan et Ayadi/Conseil et Commission, C‑399/06 P et C‑403/06 P, Rec. p. I‑11393, point 58, et la jurisprudence citée). Dans un tel cas, la juridiction saisie est tenue de s’abstenir de statuer sur le recours, sans qu’elle dispose d’une marge d’appréciation en ce qui concerne les conséquences susceptibles de découler d’un tel constat (voir, en ce sens, arrêt Wunenburger/Commission, point 22 supra, point 39).

24      Pour apprécier la question de savoir si le présent recours conserve un objet, il convient donc, en premier lieu, d’examiner le rapport qui existe entre les décisions des autorités douanières nationales constatant l’existence d’une dette douanière à la charge d’un importateur, telles, en l’espèce, les décisions de prise en compte a posteriori, d’une part, et les décisions par lesquelles la Commission se prononce sur l’application de l’article 220, paragraphe 2, sous b), et de l’article 239 du code des douanes communautaire à la situation de cet importateur, telles que la décision attaquée, d’autre part.

25      À cet égard, les articles 201 à 205 du code des douanes communautaire précisent les conditions de la naissance d’une dette douanière à l’importation. En l’espèce, il convient de considérer que, en application de l’article 201 du code des douanes communautaire, l’introduction sur le territoire espagnol pour leur mise en libre pratique des téléviseurs mentionnés au point 1 ci-dessus a fait naître, à la charge de la requérante, une dette douanière à la date de l’acceptation par les autorités douanières espagnoles des déclarations en douane souscrites par la requérante lors de ces importations.

26      En vertu des articles 217 à 221 du même code, les autorités douanières nationales sont chargées de prendre en compte les montants de droits correspondants à chaque dette douanière et de communiquer leurs décisions aux importateurs qui n’ont pas correctement déclaré les droits dont ils étaient redevables (article 221, paragraphe 2, du code des douanes communautaire). En l’espèce, en adoptant les décisions de prise en compte a posteriori (voir point 4 ci-dessus), les autorités douanières espagnoles ont réclamé à la requérante les droits en cause, à savoir le paiement de droits antidumping que celle-ci n’avait pas indiqués dans les déclarations qu’elle a déposées lors des importations mentionnées au point 1 ci‑dessus.

27      Toutefois, dans les hypothèses prévues à l’article 220, paragraphe 2, sous b), et à l’article 239 du code des douanes communautaire, alors même que l’existence de la dette douanière a été légalement établie et que le montant des droits exigibles en conséquence de cette dette a été exactement calculé, l’importateur peut se trouver, sur sa demande, dispensé du paiement de ces droits.

28      Il en est ainsi, premièrement, lorsque le montant des droits légalement dus n’avait pas été pris en compte par suite d’une erreur des autorités douanières elles-mêmes, qui ne pouvait raisonnablement être décelée par le redevable, ce dernier ayant pour sa part agi de bonne foi et observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne la déclaration en douane. De telles circonstances justifient l’absence de prise en compte a posteriori des droits éludés [article 220, paragraphe 2, sous b), premier alinéa, du code des douanes communautaire].

29      Il en va de même, deuxièmement, lorsque le redevable démontre l’existence d’une situation particulière et l’absence de négligence manifeste et de manœuvre de sa part, justifiant la remise ou, le cas échéant, le remboursement de sa dette douanière (article 239 du code des douanes communautaire). L’article 239 du code des douanes communautaire constitue de la sorte une clause générale d’équité [voir, par analogie, s’agissant de l’interprétation de l’article 13 du règlement (CEE) no 1430/79 du Conseil, du 2 juillet 1979, relatif au remboursement ou à la remise des droits à l’importation ou à l’exportation (JO L 175, p. 1), arrêt de la Cour du 15 décembre 1983, Papierfabrik Schoellershammer/Commission, 283/82, Rec. p. 4219, point 7]. Pour en bénéficier, le redevable doit démonter qu’il se trouve dans une situation exceptionnelle par rapport aux autres opérateurs exerçant une même activité et qu’il ne pouvait raisonnablement déceler les erreurs commises dans l’application de la réglementation douanière (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 10 mai 2001, Kaufring e.a./Commission, T‑186/97, T‑187/97, T‑190/97 à T‑192/97, T‑210/97, T‑211/97, T‑216/97 à T‑218/97, T‑279/97, T‑280/97, T‑293/97 et T‑147/99, Rec. p. II‑1337, points 217 à 219, et la jurisprudence citée).

30      Il s’ensuit que les éléments pris en considération dans le cadre de l’application de l’article 220, paragraphe 2, sous b), et de l’article 239 du code des douanes communautaire sont étrangers à la question de savoir si l’existence d’une dette douanière a été légalement constatée et si les droits mis à la charge de l’importateur ont été exactement calculés et que les décisions prises en application de ces articles n’ont en principe ni pour objet ni pour effet de statuer sur ce point (voir, en ce sens et par analogie, arrêts de la Cour du 14 mai 1996, Faroe Seafood e.a., C‑153/94 et C‑204/94, Rec. p. I‑2465, points 66 à 68, et du 24 septembre 1998, Sportgoods, C‑413/96, Rec. p. I‑5285, points 41 à 43 ; arrêts du Tribunal du 16 juillet 1998, Kia Motors et Broekman Motorships/Commission, T‑195/97, Rec. p. II‑2907, point 36, et du 11 juillet 2002, Hyper/Commission, T‑205/99, Rec. p. II‑3141, points 98 et 99, et la jurisprudence citée).

31      En l’espèce, la requérante a présenté aux autorités douanières espagnoles une demande tendant à ce qu’il lui soit fait application de l’article 220, paragraphe 2, sous b), et de l’article 239 du code des douanes communautaire et à ce que, en conséquence, elle soit dispensée de l’obligation de payer les droits en cause (voir point 5 ci-dessus). En vertu de l’article 871, paragraphe 1, et de l’article 905, paragraphe 1, du règlement d’exécution, la demande de la requérante, dès lors que celle-ci alléguait que la Commission avait commis une erreur au sens de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes communautaire et un manquement à ses obligations, d’une part, et que les circonstances de l’espèce étaient liées au résultat d’une enquête communautaire (voir point 3 ci-dessus), d’autre part, a été transmise par les autorités espagnoles à la Commission, laquelle a adopté la décision attaquée.

32      Néanmoins, les décisions prises en application de l’article 220, paragraphe 2, sous b), et de l’article 239 du code des douanes communautaire, telles que la décision attaquée, dans la mesure où elles présupposent l’existence d’une dette douanière et se prononcent sur la question de savoir si, en dépit de celle-ci, le paiement des droits éludés peut ne pas être mis à la charge de l’importateur, ne produisent d’effet sur la situation juridique de l’importateur en cause que pour autant que les droits qui lui sont réclamés ont été légalement mis à sa charge. En effet, il découle de l’article 871, paragraphe 6, quatrième tiret, et de l’article 905, paragraphe 6, quatrième tiret, du règlement d’exécution que, lorsque l’existence de la dette douanière n’est pas établie, la Commission est tenue de renvoyer le dossier à l’autorité douanière et, par conséquent, de s’abstenir de statuer. De plus, la procédure administrative conduite par la Commission est considérée comme n’ayant jamais débuté.

33      Or, les décisions relatives à la constatation de dettes douanières et au calcul des droits de douane exigibles peuvent faire l’objet, devant les autorités administratives et judiciaires nationales, des recours prévus à l’article 243 du code des douanes communautaire. En l’espèce, la requérante a fait usage de ces voies de recours en contestant les décisions de prise en compte a posteriori devant les autorités administratives et juridictionnelles espagnoles et obtenu l’annulation de ces décisions en raison de l’acquisition, à la date de leur communication à la requérante, de la prescription prévue à l’article 221, paragraphe 3, du code des douanes communautaire (voir points 6, 7 et 15 ci-dessus).

34      Dès lors, ainsi que les parties en sont convenues, l’annulation des décisions de prise en compte a posteriori a pour conséquence que le paiement des droits en cause ne peut plus être réclamé à la requérante. En conséquence, la décision attaquée se trouve privée d’objet et n’est pas susceptible d’entraîner des effets sur la situation juridique de la requérante. Ainsi, celle-ci ne pourrait retirer aucun bénéfice de l’annulation de cette décision.

35      Il convient cependant, en second lieu, d’examiner les allégations de la requérante selon lesquelles, en dépit de la constatation qui vient d’être faite au point 34 ci-dessus, le présent recours conserve un objet justifiant que le Tribunal statue.

36      Premièrement, la requérante soutient que, si l’annulation de la décision attaquée n’est pas susceptible d’entraîner des effets sur sa situation juridique en ce qui concerne le paiement de la dette douanière qui avait été mise à sa charge par les décisions de prise en compte a posteriori, un arrêt du Tribunal statuant sur la légalité de la décision attaquée serait néanmoins susceptible de produire des effets à l’égard des autres importateurs sur la situation desquels, en application de l’article 905, paragraphe 2, du règlement d’exécution, la Commission n’a pas statué, renvoyant les autorités douanières nationales à la décision attaquée pour ces autres cas qu’elle a estimés comparables.

37      Il convient, à cet égard, d’observer que, en vertu des articles 874, 875 et 908 du règlement d’exécution, les décisions de la Commission relatives à l’application de l’article 220, paragraphe 2, sous b), et de l’article 239 du code des douanes communautaire telles que la décision attaquée sont notifiées à l’État membre concerné et portées à la connaissance des autres États membres, lesquels sont tenus de statuer sur les demandes présentées par les opérateurs conformément aux décisions adoptées par la Commission, que celle-ci se soit prononcée sur la situation particulière de l’auteur de la demande de non-prise en compte a posteriori ou de remise dont les autorités douanières nationales sont saisies ou sur d’autres cas présentant des éléments de fait et de droit comparables.

38      La requérante est donc fondée à soutenir que la décision attaquée est susceptible de produire des effets à l’égard d’autres importateurs. Elle produit, par ailleurs, des éléments de preuve attestant l’existence de procédures concernant d’autres importateurs dans lesquelles la Commission a renvoyé les autorités nationales à la décision attaquée. Cette circonstance, cependant, ne suffit pas pour établir que le présent recours conserve un objet.

39      D’une part, en vertu d’une jurisprudence constante (voir points 20 à 22 ci-dessus), la question de savoir si le recours conserve un objet s’apprécie par rapport à l’intérêt de la partie requérante à obtenir une décision juridictionnelle, compte tenu de la voie de recours exercée. L’intérêt en cause est, en principe, le même que celui dont la partie requérante doit démontrer l’existence pour assurer la recevabilité de son recours (voir arrêt Wunenburger/Commission, point 22 supra, point 42, et la jurisprudence citée).

40      Or, il est de jurisprudence constante que l’intérêt pour agir doit être personnel et qu’une partie requérante ne peut pas introduire un recours en annulation dans l’intérêt général des tiers ou de la légalité (voir arrêt du Tribunal du 27 janvier 2000, BEUC/Commission, T‑256/97, Rec. p. II‑101, point 33, et la jurisprudence citée). Cet intérêt propre, en outre, doit être suffisamment direct (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 31 mars 1998, France e.a./Commission, C‑68/94 et C‑30/95, Rec. p. I‑1375, point 67). Le seul fait que persiste l’intérêt de tiers par rapport à la requérante à obtenir l’annulation de la décision attaquée ne saurait suffire, dans ces conditions, pour conclure que le présent recours n’a pas perdu son objet.

41      D’autre part, il est vrai que, dans sa réponse aux observations présentées par la Commission sur son courrier mentionné au point 15 ci-dessus, la requérante a précisé qu’elle n’entendait pas se prévaloir de l’intérêt propre des autres importateurs pour soutenir que le présent recours n’avait pas perdu son objet. En tout état de cause, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Wunenburger/Commission, point 22 supra (points 50 à 52), la Cour a jugé qu’un requérant pouvait conserver un intérêt à demander l’annulation d’un acte d’une institution ou d’un organe de l’Union pour permettre d’éviter que l’illégalité dont celui-ci est prétendument entaché ne se reproduise à l’avenir, mais dans la mesure seulement où l’illégalité alléguée était susceptible de se reproduire indépendamment des circonstances de l’affaire ayant donné lieu au recours formé par ce requérant.

42      Cependant, les trois moyens invoqués par la requérante sont relatifs, le premier, à des griefs procéduraux qui la concernent personnellement et, les deux autres, à des erreurs que la Commission aurait commises en appliquant l’article 220, paragraphe 2, sous b), l’article 236 et l’article 239 du code des douanes communautaire aux faits de l’espèce. Quant à la décision attaquée, elle statue sur l’application de l’article 220, paragraphe 2, sous b), et de l’article 239 du code des douanes communautaire à la situation particulière de la requérante dans des circonstances de fait déterminées. Les illégalités alléguées par la requérante ne sont donc pas de celles qui sont susceptibles de se reproduire indépendamment des circonstances de la présente affaire.

43      À cet égard, la seule circonstance que la Commission a pu estimer que d’autres importateurs pouvaient se trouver dans une situation comparable n’infirme pas ce constat. En effet, ceux-ci ne peuvent se voir opposer ce que la Commission a décidé dans la décision attaquée que dans le cadre d’une décision nationale prise en application des articles 874, 875 et 908 du règlement d’exécution (voir point 37 ci-dessus) et tenant compte de leur situation particulière. Or, à l’appui des recours que ces autres importateurs peuvent former devant les juridictions nationales contre les décisions qui les concernent, ils peuvent, le cas échéant, contester la légalité de la décision attaquée en sollicitant que la Cour rende une décision préjudicielle en appréciation de validité (voir, en ce sens, arrêt Hyper/Commission, point 30 supra, point 98).

44      Quant au grief tiré de ce que, selon la requérante, les autres importateurs ne disposent pas d’un recours direct devant le juge de l’Union à l’encontre de la décision attaquée, il relève d’une application des conditions de recevabilité prévues à l’article 263 TFUE dont le Tribunal n’est pas saisi dans le cadre du présent litige. En tout état de cause, même à supposer que ces autres opérateurs ne puissent être considérés comme directement et individuellement concernés par la décision attaquée, une telle circonstance serait sans incidence sur la question de savoir si la requérante conserve un intérêt personnel à l’annulation de celle-ci (voir point 40 ci-dessus).

45      Il s’ensuit que le premier argument de la requérante doit être écarté.

46      Deuxièmement, la requérante soutient que le présent recours est en état d’être jugé, alors que les autres procédures dans lesquelles la légalité de la décision attaquée est susceptible d’être mise en cause seraient en cours.

47      Toutefois, de telles considérations, relatives à l’économie de procédure, supposeraient qu’une appréciation en opportunité puisse être effectuée en l’espèce. Or, en vertu d’une jurisprudence constante (voir point 23 ci-dessus), en cas de disparition de l’objet du recours, la juridiction saisie est tenue de s’abstenir de statuer sur celui-ci, sans qu’elle dispose d’une marge d’appréciation en ce qui concerne les conséquences susceptibles de découler d’un tel constat.

48      Le deuxième argument de la requérante doit donc être écarté comme inopérant.

49      Troisièmement, la requérante fait valoir que la décision attaquée continue de produire des effets juridiques sur sa situation, et ce en dépit de l’extinction de la dette douanière.

50      D’une part, la requérante soutient que les autorités douanières espagnoles ont adopté une décision la concernant sur le fondement de la décision attaquée (voir point 10 ci-dessus) et qu’un recours est toujours pendant contre cette décision.

51      Néanmoins, le constat de la nullité des décisions de prise en compte a posteriori entraîne que la requérante ne peut plus être tenue au paiement des droits en cause, de sorte que le rejet de sa demande par les autorités douanières espagnoles est sans effet sur sa situation juridique et qu’elle ne saurait, dès lors, se prévaloir de l’existence de cette décision pour alléguer qu’elle conserve un intérêt à ce que le Tribunal statue sur la légalité de la décision attaquée.

52      D’autre part, la requérante soutient que la décision attaquée comporte des appréciations qui lui sont préjudiciables et pourraient faire obstacle à ce qu’elle obtienne le statut d’opérateur économique agréé, prévu à l’article 5 bis du code des douanes communautaire, au cas où elle envisagerait de demander à bénéficier de ce statut.

53      L’appréciation du comportement de la requérante fait l’objet des considérants 46 à 58 de la décision attaquée. La Commission a, en substance, indiqué que la question de l’origine non préférentielle des téléviseurs couleur importés par la requérante ne présentait pas un caractère complexe (considérants 48 à 54), que la requérante devait être considérée comme un importateur expérimenté (considérant 55), que la requérante ne pouvait se justifier en invoquant des difficultés techniques auxquelles elle aurait pu remédier en se rapprochant des autorités douanières nationales (considérant 56) et que, dans ces conditions, le comportement de la requérante ne pouvait être considéré comme ayant été diligent (considérant 57).

54      Contrairement à ce qu’estime la requérante, le passage en cause de la décision attaquée ne constitue pas une atteinte à son image. En particulier, en dépit des allégations de la requérante, la Commission n’a nullement mis en cause sa bonne foi, mais elle s’est bornée à considérer que, eu égard au degré de complexité de la législation douanière applicable en l’espèce, un opérateur diligent ayant acquis le degré d’expérience élevé de la requérante aurait dû éviter l’erreur de déclaration que la requérante a commise. Ainsi, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas porté un jugement de valeur sur la requérante ou sur son comportement, mais elle s’est plutôt attachée à rechercher si les circonstances exonératoires prévues à l’article 220, paragraphe 2, sous b), et à l’article 239 du code des douanes communautaire pouvaient bénéficier à la requérante, les erreurs de déclaration commises par celle-ci n’ayant raisonnablement pu être évitées par elle, ou si la responsabilité de ces erreurs devait au contraire lui être imputée.

55      Quant aux difficultés que la requérante prétend redouter de rencontrer au cas où elle souhaiterait demander à bénéficier du statut d’opérateur économique agréé au sens de l’article 5 bis du code des douanes communautaire, il convient de relever d’emblée que cet argument présente un caractère purement hypothétique. En tout état de cause, il convient de tirer les conséquences, en l’espèce, de la déclaration de la Commission selon laquelle l’annulation de la décision attaquée ne saurait procurer le moindre bénéfice à la requérante. Dans ces conditions, la décision attaquée ne saurait exclure à elle seule que les antécédents de la requérante en matière de respect des exigences douanières puissent être considérés comme « satisfaisants », ce qui constitue la condition requise à l’article 5 bis, paragraphe 2, du code des douanes communautaire.

56      Le troisième argument de la requérante doit donc également être écarté.

57      Il résulte de ce qui précède que l’annulation de la décision attaquée ne saurait procurer aucun bénéfice à la requérante et que, en conséquence, le présent recours est devenu dépourvu d’objet. Par suite, il n’y a plus lieu d’y statuer, ni de se prononcer sur la demande de mesures d’organisation de la procédure présentée par la requérante, laquelle se trouve également privée d’objet.

 Sur les dépens

58      Aux termes de l’article 87, paragraphe 6, du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.

59      Le Tribunal estime justifié, dans les circonstances de l’espèce, que chaque partie supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

ordonne :

1)      Il n’y a plus lieu de statuer sur le recours.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 28 février 2012.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      J. Azizi


* Langue de procédure : l’anglais.