Language of document : ECLI:EU:T:2021:459

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

14 juillet 2021 (*)

« Fonction publique – Assistants parlementaires accrédités – Résiliation du contrat – Rupture du lien de confiance – Obligation de motivation – Droit d’être entendu – Harcèlement moral – Demande d’assistance – Représailles – Erreurs manifestes d’appréciation – Responsabilité »

Dans l’affaire T‑253/19,

BG, représentée par Mes L. Levi, A. Champetier et A. Tymen, avocates,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par MM. I. Lázaro Betancor et I. Terwinghe, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du Parlement du 18 mai 2018 de résilier le contrat d’assistante parlementaire accréditée de la requérante et, d’autre part, à la réparation du préjudice moral qu’elle aurait prétendument subi,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. J. Svenningsen, président, C. Mac Eochaidh et Mme T. Pynnä (rapporteure), juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 13 octobre 2020,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        La requérante, BG, a été engagée par l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagements (ci-après l’« AHCC ») du Parlement européen, au titre de l’article 5 bis du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA »), en tant qu’assistante parlementaire accréditée (ci-après « APA ») pour assister A, membre du Parlement, au moyen de deux contrats successifs.

2        Du 17 mai au 31 décembre 2013, la requérante a ainsi été classée au grade 5 du groupe de fonctions I.

3        Du 1er janvier 2014 au terme de la législature 2009/2014, la requérante a été classée au grade 10 du groupe de fonctions II.

4        Au terme du mandat de A, la requérante a, à partir du 2 juillet 2014, été engagée par l’AHCC du Parlement en tant qu’APA pour assister B, membre nouvellement élu au Parlement (ci-après le « député »), en vertu d’un contrat devant expirer le 2 août 2015. La requérante a été classée au grade 6 du groupe de fonctions I.

5        Le 23 juillet 2014, le député a sollicité une modification du contrat de la requérante en vue du reclassement de cette dernière au grade 19 du groupe de fonctions II (ci-après le « grade 19 »).

6        À compter du 24 juillet 2014 et sur la base d’un nouveau contrat conclu entre l’AHCC et la requérante, cette dernière a été engagée au grade 19. L’échéance du contrat était fixée au 2 août 2015.

7        Par un avenant, signé par l’AHCC et la requérante, il a été convenu que, avec effet au 3 août 2015, le « contrat d’[APA de la requérante] ayant pris effet le 24 [juillet] 2014 » serait prolongé jusqu’au terme de la législature 2014/2019.

8        Le 9 juin 2017, la requérante a fait part, en substance, au comité consultatif sur le harcèlement et sa prévention sur le lieu de travail traitant des plaintes opposant les APA à des membres du Parlement (ci-après le « comité consultatif spécial “APA” »), mis en place par une décision du bureau du Parlement du 14 avril 2014, de son intention de déposer, selon ses termes, une « plainte pour harcèlement moral » contre le député. Le courriel de la requérante comportait deux phrases, ne relatait aucun fait et n’était accompagné d’aucune annexe.

9        Le 27 juin 2017, la requérante a, au titre de l’article 24 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), applicable par analogie aux APA en vertu de l’article 127 du RAA, introduit auprès de l’AHCC une demande d’assistance (ci-après la « demande d’assistance »). Elle demandait à l’AHCC de la « soutenir de toutes les manières possibles », en relatant un certain nombre de faits concernant le comportement du député à son égard ayant un lien, notamment, avec une procédure pénale nationale engagée contre le député et dans laquelle la requérante était appelée à témoigner. La demande d’assistance n’était accompagnée d’aucune annexe.

10      Par l’intermédiaire d’un formulaire intitulé « Demande de résiliation d’un contrat [APA] » reçu le 30 juin 2017, le député a adressé à l’unité « Recrutement » des agents contractuels et des APA du Parlement une demande de résiliation anticipée du contrat d’APA de la requérante (ci-après la « première demande de résiliation »). À l’appui de cette demande, le député alléguait une rupture du lien de confiance en raison, d’une part, d’un comportement susceptible de nuire à son image et, d’autre part, d’un comportement contraire à la dignité de la fonction d’APA.

11      Le 13 juillet 2017, la requérante a déposé devant le comité consultatif spécial « APA » une plainte pour harcèlement moral contre le député (ci-après la « plainte pour harcèlement »). Il ressort, en substance, de ce document, d’une teneur analogue à celle de la demande d’assistance, que la requérante se plaignait d’être victime de harcèlement moral et d’extorsion de la part du député. Tout d’abord, ce dernier l’aurait forcée à lui reverser une part significative de son salaire d’APA. Ensuite, il l’aurait surchargée de travail, ce qui l’aurait obligée à travailler en dehors de ses heures de service, y compris pendant les week-ends et ses congés. Il lui aurait également demandé d’exécuter des tâches étrangères à ses obligations professionnelles. Enfin, à la suite de révélations parues dans la presse nationale, en février 2017, au sujet de ladite extorsion, il aurait exercé de façon répétée des pressions sur la requérante liées au témoignage que cette dernière devait livrer au procureur national et à l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) dans le cadre de leurs enquêtes respectives concernant les agissements du député.

12      Le 31 juillet 2017, la requérante a informé le comité consultatif spécial « APA » qu’elle avait été informée que sa « plainte » pour harcèlement avait été portée à la connaissance du député.

13      Le 7 novembre 2017, le député a adressé une seconde demande de résiliation anticipée du contrat de travail de la requérante à la même unité et par l’intermédiaire du même formulaire que ceux visés au point 10 ci-dessus (ci-après la « seconde demande de résiliation »). Selon ce document, la résiliation du contrat était demandée pour les motifs de perte de confiance en raison d’un comportement susceptible de nuire à l’image du député, d’un comportement contraire à la dignité de la fonction, d’une insuffisance de professionnalisme et d’attention au travail ainsi que d’un manque de discrétion. À l’appui de ses allégations, le député a présenté une série de courriels échangés entre son ancien conseiller, C, et la requérante (ci-après les « courriels de 2014 »). Cet échange de correspondance a eu lieu entre le 21 juillet et le 22 septembre 2014.

14      Le 18 décembre 2017, le député a déposé, devant une juridiction nationale, une plainte pénale pour fausses accusations, diffamation calomnieuse et instigation de ces actes, dirigée contre « toute personne coupable d’actes de divulgation et d’invocation de faux évènements devant le comité consultatif spécial [“APA”] qui ont été partiellement basés sur le contenu des courriels qui ont prétendument été échangés entre [la requérante] et [C] » (ci-après la « plainte pénale »). La date alléguée de commission des prétendues infractions était le 13 juillet 2017.

15      Le 23 janvier 2018, le comité consultatif spécial « APA » a adopté ses conclusions sur la plainte pour harcèlement moral déposée par la requérante. Il a conclu, dans le cadre de son évaluation du comportement du député, que les actes allégués par la requérante n’étaient pas établis et que la condition de la définition d’un harcèlement moral, au sens de l’article 12 bis du statut, tenant à l’existence de comportements inappropriés, n’était par conséquent pas remplie. En outre, dans la mesure où aucun des actes allégués n’était établi, ce comité a également considéré que la requérante n’avait pas été exposée à des actes excessifs ou répréhensibles, commis de manière répétée et systématique, de la part du député.

16      Par lettre du 19 avril 2018, le président du Parlement a, après avoir pris connaissance des conclusions du comité consultatif spécial « APA », estimé que le premier critère permettant de qualifier une situation de harcèlement moral, à savoir des actes intentionnels, n’était pas satisfait et a indiqué à la requérante qu’il transmettait son dossier à l’AHCC afin qu’elle prenne une décision sur la demande d’assistance. S’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle le député lui avait demandé de lui rétrocéder une partie de son salaire, il a notamment souligné qu’il n’était pas contesté que la requérante procédait à un retrait d’argent de son compte tous les mois, peu de temps après avoir perçu son salaire, mais qu’il n’était pas possible de tirer une conclusion sur ce qu’il advenait de cet argent. À cet égard, il relevait que, alors même que cette situation avait duré deux ans et demi, la requérante n’avait pas alerté les services du Parlement ni déposé de plainte, ni cherché à y mettre un terme.

17      Par décision du 23 avril 2018, le directeur général faisant fonction de la direction générale (DG) « Personnel » du Parlement a informé la requérante que, en conséquence de l’avis du comité consultatif spécial « APA » et de la décision du président du Parlement, il rejetait sa demande d’assistance (ci-après la « décision de refus d’assistance ») et levait la dispense de travail qui lui avait été accordée le temps du traitement de sa demande d’assistance.

18      Par courriel du 24 avril 2018, l’AHCC a informé la requérante que le député lui avait adressé une demande de résiliation anticipée de son contrat de travail, lui a communiqué la seconde demande de résiliation et l’a invitée à un entretien préalable (ci-après l’« invitation à l’entretien préalable »), tel que prévu par les dispositions de l’article 20, paragraphe 4, troisième alinéa, des mesures d’application du titre VII du RAA, adoptées par une décision du bureau du Parlement du 14 avril 2014 et modifiées, en dernier lieu, par une décision du bureau du Parlement du 2 octobre 2017 (ci-après les « mesures d’application du titre VII du RAA »), afin qu’elle puisse faire valoir ses observations sur les motifs allégués par le député dans ladite demande de résiliation du contrat.

19      Le 7 mai 2018, la requérante a été reçue par l’AHCC dans le cadre de l’entretien préalable, en présence de deux observateurs (un administrateur de la DG « Personnel » et une représentante du « comité des APA »). Lors de cet entretien, la requérante a demandé et obtenu la possibilité de soumettre ses observations sur des éléments qui lui avaient été présentés lors de l’entretien préalable.

20      Le 14 mai 2018, la requérante a communiqué à l’AHCC ses observations sur des éléments qui lui avaient été présentés lors de l’entretien préalable (ci-après les « observations du 14 mai 2018 »). Ce document était accompagné de 38 annexes. À cette occasion, un second document intitulé « L’environnement de travail abusif au cabinet du député », comportant 19 annexes, a également été communiqué à l’AHCC.

21      Par décision du 18 mai 2018, l’AHCC a résilié le contrat d’APA de la requérante (ci-après la « décision attaquée »). Cette décision indiquait, après avoir visé, notamment, les première et seconde demandes de résiliation (ci-après, prises ensemble, les « demandes de résiliation »), l’entretien préalable et l’analyse de la position respective des deux parties, que, « [d]ans la mesure où la confiance [était] la base de la relation entre le Membre et son [APA], [l’AHCC avait] décidé de résilier [le] contrat [de la requérante] conformément à l’article 139, paragraphe 1, sous d), du RAA, pour les motifs de rupture du lien de confiance en raison d’un comportement contraire à la dignité de la fonction ». La seconde demande de résiliation du député était annexée à cette décision.

22      Le 30 juillet 2018, la requérante a, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, applicable par analogie aux APA en vertu du renvoi au titre VII du statut figurant à l’article 138 du RAA, introduit une réclamation contre la décision de refus d’assistance.

23      Par lettre du 16 août 2018, adressée à l’AHCC, la requérante a, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, introduit une réclamation à l’encontre de la décision attaquée (ci-après la « réclamation »). Dans la réclamation, elle expliquait notamment que le député aurait souhaité engager son conseiller privé, C, au grade 19, mais que cela n’était pas possible en raison de l’âge de l’intéressé. Ainsi, cela aurait été pour ce motif que le député avait, le 23 juillet 2014, demandé à l’AHCC d’engager la requérante à ce grade, à peine trois semaines après l’avoir recrutée au grade 6 du groupe de fonctions I. Cela aurait permis audit député, selon les dires de la requérante, de lui extorquer un montant mensuel correspondant en substance à l’écart de salaire entre ce grade 19 et le précédent grade de la requérante. À l’appui de cette réclamation, elle a invoqué, en premier lieu, une violation de l’obligation de motivation, telle que visée à l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et par l’article 25 du statut, et, en second lieu, une violation des articles 12 bis et 24 du statut, des erreurs manifestes d’appréciation, une violation du devoir de sollicitude et une violation de l’obligation de coopérer avec les autorités nationales et l’OLAF. S’agissant de la violation de l’obligation de motivation, elle soutenait, notamment, que l’absence de communication de la première demande de résiliation du député ne lui permettait pas de comprendre les raisons motivant la décision attaquée et que, en tout état de cause, l’insuffisance de motivation de la décision attaquée ne lui permettait pas de comprendre pourquoi son argumentation n’était pas suffisante pour contredire celle du député.

24      Le 28 novembre 2018, le secrétaire général du Parlement a annulé la décision de refus d’assistance au motif que la requérante n’avait pas eu la possibilité de faire connaître son point de vue préalablement à l’adoption de cette décision.

25      Le 24 décembre 2018, la requérante a sollicité la communication du rapport établi par le comité consultatif spécial « APA ».

26      Par décision du 4 janvier 2019, le secrétaire général du Parlement a rejeté la réclamation contre la décision attaquée (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »). Il a, notamment, observé que le comportement portant atteinte à la dignité de la fonction auquel la décision attaquée se référait était le rôle joué par la requérante dans l’arrangement comprenant sa reclassification au grade 19 et dans les paiements effectués ensuite par la requérante à C. À cet égard, il soulignait qu’elle n’avait pas contesté l’« échange de courriels » intervenu entre elle et C et que, au contraire, elle avait confirmé transférer régulièrement une partie substantielle de son salaire à C. Or, selon lui, le montage lié à son salaire était inapproprié et portait atteinte à la réputation des APA, des députés et du Parlement. Le secrétaire général du Parlement a également considéré n’avoir aucun doute sérieux quant à l’existence d’un arrangement selon lequel la requérante transférait une partie de son salaire à C et qu’il n’y avait pas de preuve que la requérante avait fait l’objet de pressions de la part du député pour prendre part à cet arrangement. En l’absence de toute preuve de la participation du député audit arrangement et au vu des propres aveux de la requérante, la décision attaquée n’était pas, selon lui, entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

27      La première demande de résiliation du député était également annexée à cette décision. À cet égard, le secrétaire général du Parlement a indiqué que ce document n’avait pas été communiqué à la requérante simplement en raison du fait qu’il indiquait deux raisons motivant la perte de confiance, alors que la seconde demande de résiliation ajoutait une troisième et une quatrième raison à celles déjà existantes. Par conséquent, par la communication de la seconde demande de résiliation, la requérante avait été parfaitement renseignée sur tous les motifs invoqués par le député.

II.    Fait postérieur à l’introduction du recours

28      Le 19 novembre 2020, l’OLAF a signifié à la requérante la clôture de son enquête concernant des soupçons de détournement de fonds européens par le député (ci-après la « lettre de notification de l’OLAF »). À cette occasion, la requérante a été informée du fait que l’OLAF avait recommandé au Parlement de lancer une procédure disciplinaire à son égard, dans la mesure où, selon lui, l’action de la requérante, concrétisée par son acceptation de verser une partie de son salaire au député et par le défaut de signalement de ce comportement à l’administration, constituait une violation des articles 11, 12, 21 bis et 22 bis du statut.

III. Procédure et conclusions des parties

29      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 avril 2019, la requérante a introduit le présent recours.

30      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 2 mai 2019, la requérante a demandé le bénéfice de l’anonymat, lequel lui a été accordé en application de l’article 66 du règlement de procédure du Tribunal.

31      Le mémoire en défense a été déposé le 10 juillet 2019.

32      La requérante a déposé la réplique le 5 novembre 2019. Le Parlement a déposé la duplique le 9 janvier 2020.

33      Le 30 juillet 2020, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal a invité les parties à répondre à certaines questions et à produire certains documents. Les parties ont répondu à ces questions et ont produit les documents demandés dans le délai imparti.

34      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 13 octobre 2020.

35      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 4 décembre 2020, la requérante a demandé, en vertu de l’article 113, paragraphe 2, du règlement de procédure, la réouverture de la phase orale de la procédure, en se prévalant de la nature décisive sur l’issue du litige de la lettre de notification de l’OLAF, mentionnée au point 28 ci-dessus.

36      Par ordonnance du 16 décembre 2020, le Tribunal (huitième chambre) a ordonné la réouverture de la procédure orale. Le 17 décembre 2020, la lettre de notification de l’OLAF a été versée au dossier. Invité à déposer ses observations sur ce document, le Parlement a déféré à cette demande dans le délai imparti.

37      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        le cas échéant, annuler la décision de rejet de la réclamation ;

–        ordonner au Parlement de réparer le préjudice moral qu’elle a subi du fait de la faute du Parlement, évalué à un montant de 50 000 euros ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

38      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant partiellement irrecevable et partiellement dénué de fondement ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme étant non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

IV.    En droit

A.      Sur les conclusions en annulation

1.      Sur l’objet des conclusions en annulation 

39      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, des conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision de rejet de la réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée lorsqu’elles sont, en tant que telles, dépourvues de contenu autonome (voir arrêt du 7 novembre 2019, WN/Parlement, T‑431/18, non publié, EU:T:2019:781, point 21 et jurisprudence citée).

40      En l’espèce, étant donné que la décision de rejet de la réclamation ne fait que confirmer la décision attaquée en précisant certains motifs venant au soutien de celle-ci, il y a lieu de constater que les conclusions en annulation de la décision de rejet de la réclamation sont dépourvues de contenu autonome et qu’il n’y a donc pas lieu de statuer spécifiquement sur celles-ci, même si, dans l’examen de la légalité de la décision attaquée, il conviendra de prendre en considération la motivation figurant dans la décision de rejet de la réclamation, cette motivation étant censée coïncider avec celle de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 7 novembre 2019, WN/Parlement, T‑431/18, non publié, EU:T:2019:781, point 22 et jurisprudence citée).

2.      Sur le fond

41      La requérante soulève deux moyens au soutien de ses conclusions en annulation : le premier, tiré d’une violation de l’obligation de motivation et des règles de procédure ; le second, tiré d’une violation des articles 12 bis et 24 du statut, d’une violation du droit de voir ses affaires traitées impartialement et équitablement ainsi que d’une violation du devoir de diligence et d’erreurs manifestes d’appréciation. 

a)      Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation et des règles de procédure

42      Le premier moyen s’articule, en substance, autour de deux griefs : le premier, tiré d’une violation de l’obligation de motivation et, le second, tiré de la violation du droit d’être entendu.

1)      Sur le premier grief, tiré de la violation de l’obligation de motivation

43      La requérante invoque au soutien de ce grief, en substance, quatre arguments. Premièrement, elle fait valoir que le Parlement aurait violé son obligation de motivation en se référant dans la décision attaquée à la première demande de résiliation, sans pour autant la lui communiquer. Deuxièmement, elle indique que les raisons justifiant qu’il soit mis fin à son contrat, exposées dans la première demande de résiliation, auraient dû rester identiques durant l’entière procédure administrative et qu’une telle évolution est contraire à l’obligation de motivation. Troisièmement, elle ajoute que les deux demandes de résiliation étaient lapidaires et n’expliquaient pas dans quelle mesure la confiance avec le député aurait été irrémédiablement détruite. Quatrièmement, elle fait valoir que l’AHCC n’aurait pas tenu compte de son argumentation exposée dans ses observations du 14 mai 2018. En n’expliquant pas les raisons pour lesquelles ses arguments ne seraient pas de nature à infirmer le bien-fondé de la « demande de [résiliation] » du député, le Parlement aurait violé son obligation de motivation.

44      À cet égard, il convient de rappeler que le droit à une bonne administration comporte notamment, conformément à l’article 41, paragraphe 2, de la Charte, l’obligation pour l’administration de motiver ses décisions. Cette obligation a la même portée que celle découlant de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE ainsi que celle prévue à l’article 25, deuxième alinéa, du statut, applicable par analogie aux APA en vertu de l’article 127 du RAA. La motivation exigée par ces dispositions doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution auteure de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt du 7 novembre 2019, WN/Parlement, T‑431/18, non publié, EU:T:2019:781, points 28 et 29 et jurisprudence citée).

45      L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte est satisfaite doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 7 novembre 2019, WN/Parlement, T‑431/18, non publié, EU:T:2019:781, point 29 et jurisprudence citée).

46      S’agissant des règles juridiques régissant la résiliation du contrat des APA avant l’échéance pour le motif de rupture du lien de confiance, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 139, paragraphe 1, du RAA :

« Indépendamment du cas de décès de l’assistant parlementaire accrédité, l’engagement de ce dernier prend fin :

[…]

d)      compte tenu du fait que la confiance est à la base de la relation professionnelle entre le député et son assistant parlementaire accrédité, à l’issue du préavis fixé dans le contrat, qui doit donner à l’assistant parlementaire accrédité ou au Parlement européen, agissant à la demande du ou des députés au Parlement européen que l’assistant parlementaire accrédité a été engagé pour assister, le droit de résiliation avant l’échéance […] »

47      Ainsi qu’il a déjà été jugé, s’il est vrai que le simple constat de l’existence d’une rupture du lien de confiance peut suffire à justifier l’adoption d’une décision de licenciement d’un APA et que, si une telle décision ne se fonde que sur un tel constat, l’exigence de précision quant à la présentation, dans les motifs de la décision, des circonstances factuelles révélant ou justifiant cette rupture du lien de confiance ne peut être que restreinte, il n’en demeure pas moins que la simple référence à la rupture du lien de confiance, sans aucune précision quelconque quant aux circonstances factuelles révélant ou justifiant cette rupture, n’est pas suffisante pour faire savoir à l’APA si cette décision est bien fondée et pour permettre au juge de l’Union européenne d’exercer son contrôle de légalité (voir arrêt du 7 novembre 2019, WN/Parlement, T‑431/18, non publié, EU:T:2019:781, point 31 et jurisprudence citée).

48      En l’espèce, la décision attaquée indique que la résiliation du contrat d’APA de la requérante était motivée par la rupture du lien de confiance entre la requérante et le député en raison d’un comportement contraire à la dignité de la fonction. Une telle motivation, même si elle est succincte, est suffisamment explicite dans un contexte particulièrement bien connu des protagonistes et compte tenu des discussions ayant eu lieu dans le cadre de la réunion préalable, qui ont été complétées par des observations de la requérante témoignant d’une compréhension des éléments de son comportement qui lui étaient reprochés.

49      Cette motivation a en outre été complétée par la décision de rejet de la réclamation (points 26 et 40 ci-dessus). Dans cette décision, en réponse aux arguments soulevés par la requérante dans la réclamation, tirés notamment de la violation de l’obligation de motivation, l’AHCC a apporté des précisions s’agissant du motif du licenciement. L’AHCC a ainsi indiqué les circonstances factuelles susceptibles de révéler ou de justifier la rupture du lien de confiance en raison du comportement contraire à la dignité de la fonction adopté par la requérante. La première demande de résiliation du député était jointe à cette décision.

50      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que la motivation fournie, dans la décision attaquée, telle que complétée par la décision de rejet de la réclamation, fait apparaître de façon claire et non équivoque le motif du licenciement, ainsi que le raisonnement suivi par l’AHCC, et que ces deux décisions sont intervenues dans un contexte connu de la requérante. Cette dernière a donc été mise en mesure d’en comprendre la portée et le juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de ces décisions.

51      Aucun des arguments de la requérante ne permet de remettre en cause cette conclusion.

52      En premier lieu, la requérante soutient que la référence à la première demande de résiliation dans la décision attaquée sans communication de cette demande constituerait une violation de l’obligation de motivation.

53      À cet égard, ainsi qu’il est expliqué aux points 76 et 77 ci-après, s’il n’est pas contesté que la requérante n’a eu connaissance de ce document qu’avec la décision de rejet de la réclamation, il n’en reste pas moins que l’AHCC ne s’est fondée dans cette décision sur aucun élément nouveau, tiré de ce document, puisque, en prenant connaissance de la seconde demande de résiliation, annexée à l’invitation à l’entretien préalable, la requérante a été informée de toutes les raisons invoquées par le député pour demander la résiliation de son contrat de travail.

54      En deuxième lieu, c’est à tort que la requérante soutient, pour tenter de démontrer la violation de son obligation de motivation par l’AHCC, que les raisons avancées par le député pour justifier la résiliation de son contrat n’auraient pas dû évoluer au cours de la procédure administrative et que la communication tardive de la première demande de résiliation l’aurait empêchée de comprendre les raisons de cette évolution.

55      En effet, le fait que la décision attaquée fonde la rupture du lien de confiance sur un comportement contraire à la dignité de la fonction ne constitue pas un reproche nouveau dont la requérante n’aurait pas eu connaissance. Cette décision est intervenue dans un contexte suffisamment connu de la requérante et cette dernière a été mise en mesure de comprendre la portée de la mesure envisagée à son endroit ainsi que le motif et les circonstances factuelles sur la base desquels était envisagée l’adoption d’une telle mesure, ainsi qu’il ressort du point 48 ci-dessus. De plus, la motivation fournie dans la décision de rejet de la réclamation coïncide avec celle figurant dans la décision attaquée.

56      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, s’il appartient au député concerné d’introduire une demande de résiliation du contrat d’un APA pour rupture du lien de confiance, seule l’AHCC est compétente, conformément à l’article 20, paragraphe 5, des mesures d’application du titre VII du RAA, pour prononcer ladite résiliation et déterminer les motifs de cette décision (arrêt du 7 novembre 2019, WN/Parlement, T‑431/18, non publié, EU:T:2019:781, point 36). La requérante effectue ainsi un amalgame entre le motif et la raison retenus par l’AHCC pour fonder la résiliation de son contrat de travail avec les raisons motivant la rupture du lien de confiance avancées par le député à l’appui de ses deux demandes de résiliation. Seuls les premiers fondent l’acte faisant grief à la requérante.

57      En tout état de cause, ainsi qu’il a déjà été indiqué au point 53 ci-dessus, en prenant connaissance de la seconde demande de résiliation, annexée à l’invitation à l’entretien préalable, la requérante a été informée de toutes les raisons invoquées par le député pour demander la résiliation de son contrat de travail.

58      En troisième lieu, si la requérante fait valoir que les demandes de résiliation étaient lapidaires, force est de constater que ces demandes avançaient au total quatre raisons susceptibles de justifier la rupture du lien de confiance et que celles-ci ont toutes été portées à la connaissance de la requérante par le biais de la lettre d’invitation à l’entretien préalable et explicitées à la requérante lors de l’entretien préalable (voir, en ce sens, arrêt du 7 novembre 2019, WN/Parlement, T‑431/18, non publié, EU:T:2019:781, point 48).

59      En outre, s’il est vrai, comme le laisse entendre la requérante dans le prolongement de cette idée, que la décision attaquée ne précise pas les circonstances factuelles justifiant la rupture du lien de confiance, l’AHCC peut également, le cas échéant, compléter cette motivation au stade de la réponse à la réclamation formée par l’intéressée (arrêt du 22 mars 2018, HJ/EMA, T‑579/16, non publié, EU:T:2018:168, point 62).

60      Enfin, en tant que la requérante conteste la motivation de la décision de rejet de la réclamation, il y a lieu de rappeler que l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond de la décision, mais non sa motivation, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés. Il s’ensuit que les griefs et les arguments visant à contester le bien-fondé d’un acte sont dénués de pertinence dans le cadre d’un moyen tiré du défaut ou de l’insuffisance de motivation (voir arrêt du 6 février 2019, TN/ENISA, T‑461/17, non publié, EU:T:2019:63, point 40 et jurisprudence citée).

61      Ainsi, étant donné que la requérante conteste, dans le cadre du premier moyen, le bien-fondé de certaines appréciations et l’absence de lien clair entre ces appréciations et la rupture du lien de confiance, ses arguments se confondent avec ceux invoqués au soutien de la troisième branche du second moyen. Ces arguments seront ainsi examinés dans le cadre de l’analyse de ce moyen.

62      En quatrième lieu, la requérante soutient qu’aucune attention n’aurait été portée à ses observations du 14 mai 2018 en faisant explicitement référence, à cette occasion, à l’obligation de motivation du Parlement. Par cet argument, la requérante entend donc soutenir, en substance, que la motivation de la décision attaquée était insuffisante.

63      Dans ce contexte, il suffit de rappeler que, comme il a été exposé aux points 48 à 50 ci-dessus, d’une part, la motivation de la décision attaquée, telle que complétée par la décision de rejet de la réclamation, apparaît suffisante et, d’autre part, l’AHCC n’avait aucune obligation de répondre à tous les arguments soulevés par la requérante.

64      En effet, une motivation ne doit pas être exhaustive, mais, au contraire, doit être considérée comme suffisante dès lors qu’elle expose les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (voir arrêt du 13 décembre 2017, CJ/ECDC, T‑692/16, non publié, EU:T:2017:894, point 116 et jurisprudence citée). L’administration n’est ainsi pas tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle (voir arrêt du 8 juillet 2020, EP/Commission, T‑605/19, non publié, EU:T:2020:326, point 31 et jurisprudence citée).

65      Par ailleurs, le fait que l’AHCC a résilié le contrat de la requérante ne démontre aucunement, à lui seul, qu’elle n’a pas tenu compte des faits invoqués et des éléments de preuve apportés par la requérante. En effet, le fait de prendre en considération les observations de la requérante ne signifie pas pour autant que l’AHCC doive nécessairement les valider (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2019, BP/FRA, T‑888/16, non publié, EU:T:2019:493, point 163).

66      Par suite, le grief tiré de la violation de l’obligation de motivation doit être écarté.

2)      Sur le second grief, tiré de la violation du droit d’être entendu

67      La requérante soutient, en substance, que le Parlement aurait violé ses droits de la défense et, en particulier, son droit d’être entendue en raison de l’impossibilité pour elle de prendre position, premièrement, sur la première demande de résiliation ; deuxièmement, sur l’analyse du député à laquelle la décision attaquée se réfère ; troisièmement, sur le procès-verbal de l’entretien préalable et, quatrièmement, sur les courriels de 2014, produits par le député à l’appui de sa seconde demande de résiliation.

68      Le Parlement conteste la recevabilité de ce grief au motif qu’il ne figurait pas dans la réclamation, ce qui serait contraire à la règle de concordance. En tout état de cause, ce grief serait non fondé.

69      À cet égard, ainsi que le soutient le Parlement, la requérante n’avait pas, dans sa réclamation, reproché à l’AHCC une méconnaissance de son droit d’être entendue tel que visé à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte. Dans ces conditions, la présentation du second grief du premier moyen uniquement au stade contentieux méconnaît la règle de concordance, justifiant son rejet comme étant irrecevable (voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 2020, XH/Commission, T-511/18, EU:T:2020:291, point 57 et jurisprudence citée). En tout état de cause, le Tribunal relève que, pour les raisons qui suivent, ce grief est de toute façon non fondé.

70      En effet, une décision de licenciement d’un APA pour rupture du lien de confiance ne peut être ainsi adoptée sans qu’ait été préalablement respecté le droit de celui-ci d’être entendu (arrêt du 7 novembre 2019, WN/Parlement, T‑431/18, non publié, EU:T:2019:781, point 41 ; voir également, en ce sens, arrêt du 10 janvier 2019, RY/Commission, T‑160/17, EU:T:2019:1, point 40), étant entendu que, lorsqu’une décision de l’AHCC est fondée sur plusieurs motifs et que l’intéressé n’a pas été entendu sur l’ensemble de ces motifs, une violation du droit d’être entendu sur certains des motifs n’est pas susceptible d’entraîner l’annulation de la décision en cause lorsque cette décision se fonde sur un motif valable pour lequel l’intéressé a été dûment entendu (voir, en ce sens, arrêt du 19 juillet 2017, Parlement/Meyrl, T‑699/16 P, non publié, EU:T:2017:524, point 16).

71      S’agissant des règles juridiques régissant la résiliation du contrat des APA avant l’échéance pour le motif de rupture du lien de confiance, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 20 des mesures d’application du titre VII du RAA :

« 1. Le contrat de l’[APA] prend fin dans les conditions prévues à l’article 139, paragraphes 1 à 3, du RAA […]

2. En particulier, lorsque l’[APA], le député ou le groupement de députés entendent mettre fin au contrat avant son échéance, conformément au paragraphe 1, sous d), […] de l’article 139 du RAA, l’[APA] ou le député de référence adresse à l’AHCC une demande écrite, en indiquant le(s) motif(s) pour le(s)quel(s) la résiliation anticipée du contrat est demandée.

3. À la réception de la demande de résiliation, l’AHCC communique à l’[APA] ou au député de référence l’intention de l’autre partie de mettre fin au contrat […]

4. En cas de demande de résiliation introduite par le député de référence, l’AHCC convoque l’[APA] intéressé à un entretien dans les locaux du Parlement […]

Lors de l’entretien, l’AHCC communique à l’[APA] le(s) motif(s) évoqué(s) par le député de référence dans la demande de résiliation et entend les commentaires éventuels de l’[APA], qui sont consignés dans un compte rendu […] »

72      En l’espèce, l’adoption de la décision attaquée a été précédée d’un entretien préalable. Or, en premier lieu, la lettre d’invitation à l’entretien préalable informait la requérante que le député avait introduit une demande de résiliation anticipée de son contrat pour rupture du lien de confiance, et la seconde demande de résiliation, qui précisait que la résiliation du contrat était sollicitée au titre de la perte de confiance en raison d’un comportement susceptible de nuire à l’image du député, d’un comportement contraire à la dignité de la fonction, d’une insuffisance de professionnalisme et d’attention au travail ainsi que d’un manque de discrétion, était jointe à cette lettre.

73       À cet égard, contrairement à ce que soutient la requérante, la circonstance qu’elle ne disposait pas, à ce stade de la procédure, de la première demande de résiliation est inopérante. En effet, outre le fait que l’AHCC n’a pas immédiatement donné suite à cette première demande du député, il apparaît que les deux raisons visées dans cette demande coïncidaient avec deux des quatre raisons invoquées à l’appui de la seconde demande de résiliation du contrat. Ainsi, en vertu de la jurisprudence rappelée au point 70 ci-dessus et nonobstant la référence, dans la décision attaquée, aux deux demandes de résiliation, il suffit de constater qu’une seule des raisons invoquées par le député était suffisante pour justifier la rupture du lien de confiance et que, en l’occurrence, la requérante a eu la possibilité de faire valoir ses observations à l’égard du motif retenu par l’AHCC dans la décision attaquée.

74      En second lieu, et, plus généralement, au cours de cet entretien, la requérante a eu effectivement la possibilité de faire valoir ses observations au sujet des quatre raisons invoquées par le député pour mettre fin à son contrat et pour lesquelles il avait coché les cases correspondantes dans la seconde demande de résiliation. Il ressort également des pièces du dossier, notamment de la teneur des observations du 14 mai 2018, formulées par la requérante, que les raisons et les circonstances factuelles sur lesquelles s’appuyait le député pour établir l’existence d’un comportement de la requérante contraire à la dignité de sa fonction ont été exposées à cette dernière dans le cadre de cet entretien et que la requérante a également répondu aux mises en cause ainsi portées à sa connaissance, non seulement au cours de cet entretien, mais également, ultérieurement, en soumettant des observations écrites complémentaires.

75      Dans ce contexte, premièrement, la requérante fait valoir qu’elle n’aurait eu aucune possibilité de faire connaître son point de vue sur la première demande de résiliation avant l’adoption de la décision attaquée. Cela serait d’autant plus important en l’espèce que les raisons avancées par le député pour justifier la résiliation de son contrat de travail auraient évolué au fil du temps.

76      À cet égard, il n’est pas contesté que la requérante a pris connaissance de l’existence de la première demande de résiliation du député par le biais de la décision attaquée et a eu connaissance de son contenu par le biais de la décision de rejet de la réclamation.

77      Toutefois, même si la décision attaquée se réfère à ce document, il n’en demeure pas moins que la requérante a été suffisamment mise en mesure de présenter, dans les conditions rappelées au point 72 ci-dessus, ses observations sur la mesure envisagée ainsi que sur les motifs et les circonstances factuelles sur lesquels reposait l’adoption de cette mesure. En particulier, dans cette décision, l’AHCC ne s’est fondée sur aucun élément nouveau, tiré de ce document, sur lequel la requérante n’aurait pas été entendue, puisque, en prenant connaissance de la seconde demande de résiliation, annexée à l’invitation à l’entretien préalable, la requérante a été informée de toutes les raisons invoquées par le député pour demander la résiliation de son contrat de travail. Si l’AHCC a joint la première demande de résiliation à la décision de rejet de la réclamation, c’était uniquement pour répondre à l’argumentation développée par la requérante dans sa réclamation, selon laquelle la référence à cette demande dans la décision attaquée constituerait une violation de l’obligation de motivation (voir, en ce sens, arrêt du 7 novembre 2019, WN/Parlement, T‑431/18, non publié, EU:T:2019:781, point 51), et écarter les doutes de la requérante qui auraient pu subsister quant à son contenu.

78      Il s’ensuit que le droit de la requérante d’être entendue n’a pas été méconnu sur ce point.

79      Deuxièmement, la requérante fait également valoir, en substance, qu’elle n’aurait eu aucune possibilité de faire connaître son point de vue à l’AHCC sur l’analyse du député, à laquelle la décision attaquée se réfère.

80      En réponse à une mesure d’organisation de la procédure du 30 juillet 2020, le Parlement a expliqué que, dans ce contexte, l’analyse du député renvoyait aux quatre motifs invoqués par celui-ci à l’appui de sa demande de licenciement de la requérante et que cette analyse avait été présentée à la requérante par l’AHCC lors de l’entretien préalable, tel que retracé dans le procès-verbal de cet entretien.

81      Il ressort dudit procès-verbal que l’analyse du député a été exposée à la requérante au cours de cet entretien. Par ailleurs, la requérante a pu s’exprimer sur cette analyse, tant au cours de cet entretien que dans ses observations du 14 mai 2018, dans les conditions exposées au point 72 ci-dessus.

82      Il s’ensuit que le droit de la requérante d’être entendue sur l’analyse du député avant que n’intervienne la décision attaquée n’a pas été méconnu.

83      Troisièmement, la requérante fait valoir, en substance, qu’elle n’aurait eu aucune possibilité de présenter des observations sur le procès-verbal de l’entretien préalable, qui ne traduirait pas fidèlement les propos qu’elle aurait tenus à cette occasion et dans lequel des points très importants également discutés pendant cet entretien auraient été omis.

84      Elle n’aurait notamment jamais confirmé avoir été impliquée dans l’arrangement ayant permis sa reclassification au grade 19 et le partage de son salaire avec C. Au contraire, elle aurait également déclaré expressément à plusieurs occasions ce qui suit :

« [D]epuis 2014, le député retenait une partie importante de mon salaire, ce qui m’avait été spécifié comme condition afin que je puisse conserver mon poste. Le montant total [atteignait] environ 122 000 euros. »

85      Il y a lieu de relever que, si la décision attaquée ne vise pas formellement le procès-verbal, elle se réfère néanmoins explicitement à l’entretien préalable. Par ailleurs, la décision de rejet de la réclamation retient notamment en tant que circonstances justifiant la rupture du lien de confiance le rôle joué par la requérante dans l’arrangement ayant abouti à sa reclassification au grade 19 et dans les paiements effectués à C. Cette décision fait également explicitement référence au fait que la requérante aurait confirmé transférer une partie substantielle de son salaire à ce dernier.

86      À cet égard, il est constant que le procès-verbal de l’entretien préalable n’a pas été communiqué à la requérante au cours de la procédure administrative ayant précédé l’adoption de la décision attaquée. Elle n’a donc pas eu la possibilité de s’assurer de la transcription correcte de ses propos dans ce document.

87      Toutefois, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, une violation des droits de la défense, en particulier du droit d’être entendu, n’entraîne l’annulation de la décision prise au terme de la procédure administrative en cause que si, en l’absence de cette irrégularité, cette procédure pouvait aboutir à un résultat différent (voir arrêt du 18 juin 2020, Commission/RQ, C‑831/18 P, EU:C:2020:481, point 105 et jurisprudence citée).

88      À cet égard, la Cour a précisé qu’il ne saurait être imposé à une partie requérante qui invoque la violation de ses droits de la défense de démontrer que la décision de l’institution de l’Union concernée aurait eu un contenu différent, mais uniquement qu’une telle hypothèse n’est pas entièrement exclue (voir arrêt du 18 juin 2020, Commission/RQ, C‑831/18 P, EU:C:2020:481, point 106 et jurisprudence citée).

89      L’appréciation de cette question doit, en outre, être effectuée en fonction des circonstances de fait et de droit spécifiques de chaque espèce (voir arrêt du 18 juin 2020, Commission/RQ, C‑831/18 P, EU:C:2020:481, point 107 et jurisprudence citée).

90      Ainsi, la requérante, sur qui pèse cette charge de la preuve (voir, en ce sens, arrêt du 18 juin 2020, Commission/RQ, C‑831/18 P, EU:C:2020:481, point 112), ne saurait se limiter à invoquer, de manière abstraite, la violation du droit d’être entendu à l’appui de sa demande d’annulation de la décision attaquée. Il lui appartient de démontrer qu’il n’est pas entièrement exclu que la décision de l’institution de l’Union concernée aurait eu un contenu différent si elle avait pu faire valoir ses arguments.

91      À cet égard, il ressort des observations du 14 mai 2018, formulées postérieurement à l’entretien préalable et avant l’adoption de la décision attaquée, que la requérante s’est exprimée tant sur les circonstances factuelles ayant entouré sa reclassification au grade 19 que sur les paiements effectués à partir de son salaire.

92      En ce qui concerne les paiements effectués à partir de son salaire, elle a notamment mentionné que « le (député) retenait une partie significative de (son) salaire » et que « [C] [lui avait] demandé pourquoi [le député] n’arrêtait pas de se plaindre au sujet de l’argent et a vérifié si [elle] était toujours obligée de lui donner une partie de [son] salaire ». En particulier, elle a utilisé mot pour mot la phrase qu’elle aurait souhaité voir figurer dans le procès-verbal de l’entretien préalable, à savoir que « depuis 2014, le député retenait une partie importante de [s]on salaire, ce qui [lui avait été] spécifié comme condition afin [qu’elle] puisse conserver [s]on poste » et que « [le] montant total [atteignait] environ 122 000 euros ». Dès lors, il ressort sans doute possible de ces différents extraits que la requérante défend la position selon laquelle elle remettait une partie de son salaire au député et non à C.

93      En ce qui concerne sa reclassification au grade 19, elle a exposé de façon méthodique et détaillée, sur près d’une page, les circonstances factuelles ayant conduit à cet évènement, en mentionnant notamment que « le [député avait] mis à jour [son] contrat et ses responsabilités, mais [avait] commencé à retenir une partie significative de [son] salaire » et encore que « le [député avait] mis à jour [son] contrat du grade 6 [...] au grade 19 », en s’abstenant de toute mention de participation active de sa part.

94      Dans ces conditions, nonobstant la prétendue omission du procès-verbal, la requérante a amplement pu soumettre ses observations et faire connaître à l’AHCC sa version des faits, y compris postérieurement à l’entretien préalable. Or, en dépit desdites observations, l’AHCC a décidé de résilier le contrat de travail de la requérante au moyen de la décision attaquée.

95      Par ailleurs, ces mêmes éléments ont été, en substance, réitérés par la requérante dans sa réclamation et l’AHCC a toutefois maintenu sa décision initiale.

96      Partant, la requérante ne démontre pas que, si elle avait eu connaissance du contenu du procès-verbal de l’entretien préalable, elle aurait pu apporter des éléments autres que ceux déjà portés à la connaissance du Parlement et qui auraient pu être susceptibles de conduire l’AHCC à une appréciation différente des circonstances de l’espèce au point de justifier de renoncer à résilier le contrat de l’intéressée.

97      Quatrièmement, la requérante fait valoir que le Parlement ne lui aurait jamais demandé d’explications au sujet des courriels de 2014, alors que ces documents ont été pris en considération dans la décision attaquée, ce qui constitue une violation de son droit d’être entendue.

98      À cet égard, il ressort du dossier que, à aucun moment au cours de la procédure administrative, la requérante n’a formellement reçu communication des éléments de preuve produits par le député et retenus par le Parlement pour mettre fin à son contrat de travail, à savoir les courriels de 2014, versés au dossier du Tribunal en tant qu’annexe B.1 du mémoire en défense.

99      Cependant, si ces courriels n’ont pas été communiqués en eux-mêmes à la requérante, ils ont néanmoins été discutés pendant l’entretien préalable et, en tant qu’auteur ou destinataire de ces courriels, la requérante avait nécessairement connaissance de leur existence et de leur contenu lorsque cette correspondance a été évoquée.

100    Or, à cet égard, il ressort d’un passage non contesté du procès-verbal de l’entretien préalable que les raisons invoquées par le député pour justifier la rupture du lien de confiance ont été expliquées à la requérante au cours de cet entretien et que, « afin de prouver ces allégations, le député a présenté un échange de courriels qui a eu lieu entre [la requérante] et [C] entre août et septembre 2014 », qui correspondent aux courriels de 2014, comme l’a confirmé le Parlement en réponse à une mesure d’organisation de la procédure. Par ailleurs, dans ses observations du 14 mai 2018, la requérante a indiqué ce qui suit : « Comme je l’ai mentionné lors de notre réunion, il s’agit d’une correspondance entre [C] et moi. » Par conséquent, les observations de la requérante valident la teneur du procès-verbal, en confirmant que, à cette occasion, les courriels de 2014 ont effectivement été discutés.

101    De surcroît, la requérante admet avoir transmis les courriels de 2014 en tant qu’annexe à ses observations du 14 mai 2018, à l’exception des pages 5 et 7 de l’annexe B.1. Par conséquent, la requérante a pu faire connaître utilement et effectivement, avant l’adoption de la décision attaquée, son point de vue sur toutes les pages de ce document, à l’exception des pages 5 et 7.

102    Or, la requérante ne démontre pas que, si elle avait pu s’exprimer sur les pages 5 et 7 de l’annexe B.1, il ne serait pas exclu que l’appréciation du Parlement et le contenu de la décision attaquée aient pu être différents.

103    À cet égard, il ressort de la page 7 de l’annexe B.1 que la requérante a transféré de l’argent à C. La requérante a produit devant le Tribunal le reste de cet échange, afin de prouver que le virement en cause a été effectué depuis le compte de D, une autre APA du député. Toutefois, il ressort de l’échange complet de courriels que l’argent, s’il provenait du salaire de D , a bel et bien été transféré par la requérante (voir point 167 ci-après). L’intégralité de la correspondance, produite en tant qu’annexe C.2 de la réplique, ne permet donc pas de remettre en cause l’affirmation contenue dans la décision de rejet de la réclamation selon laquelle l’argent transféré par la requérante l’était au profit de C. Elle conforte au contraire l’idée que le bénéficiaire de l’arrangement était C, comme l’affirme le Parlement. Les annexes C.3 et C.4 de la réplique, produites en complément de l’annexe C.2, vont également dans ce sens.

104    S’agissant de la page 5 de l’annexe B.1, l’interprétation effectuée par la requérante, dans le cadre de la troisième branche du second moyen, des messages échangés apparaît également comme étant peu convaincante. Ces messages se lisent comme suit :

« [C :] Peux-tu me dire le montant inscrit comme dépense brute pour les salaires pour toi et [D], pour que je puisse calculer le solde ?

[...]

[La requérante :] [...] le nôtre est 9 466,82 euros. J’attends encore que [D] me dise son grade. »

105    Dans ses écrits devant le Tribunal, la requérante explique que, si elle s’était référée au montant brut de son salaire en utilisant le mot « ours (en anglais) » ou « le nôtre (en français) », c’était parce que le député avait commencé les extorsions. Cependant, l’interprétation proposée par la requérante ne constitue que l’une des interprétations possibles du passage cité et n’exclut pas la possibilité que, par l’utilisation de ce pronom possessif, la requérante ait entendu se référer exclusivement à son salaire, plutôt qu’au fait qu’elle partageait son salaire avec le député.

106    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le grief tiré de la violation du droit d’être entendu, garanti par l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, doit être écarté. Le premier moyen doit, dès lors, être rejeté.

b)      Sur le second moyen, tiré d’une violation des articles 12 bis et 24 du statut, d’une violation du droit de voir ses affaires traitées impartialement et équitablement ainsi que d’une violation du devoir de diligence et d’erreurs manifestes d’appréciation

107    Le second moyen se divise formellement en trois branches. La première branche est tirée d’une violation des articles 12 bis et 24 du statut en ce que le licenciement serait une mesure de représailles à la suite de la demande d’assistance. La deuxième branche est tirée d’une violation du droit de voir ses affaires traitées impartialement et équitablement ainsi que d’une violation du devoir de diligence pour ce qui est de la décision rejetant la demande d’assistance. La troisième branche est tirée d’une violation des articles 12 bis et 24 du statut en ce que les décisions attaquées seraient entachées d’erreurs manifestes d’appréciation.

1)      Sur la première branche, tirée d’une violation des articles 12 bis et 24 du statut en ce que le licenciement aurait constitué une mesure de représailles à la suite de la demande d’assistance

108    La requérante soutient que la décision attaquée constituerait une mesure de représailles en réponse à sa demande d’assistance. Ce faisant, le Parlement aurait violé l’article 12 bis, paragraphe 2, et l’article 24 du statut.

109    En effet, selon elle, il serait possible d’observer un modèle de comportement chez la « partie défenderesse », qui aurait recours systématiquement à des représailles pour punir et discréditer la requérante. Ainsi, le député aurait introduit sa première demande de résiliation après le dépôt de la demande d’assistance, après la déposition de la requérante en tant que témoin devant le procureur national et après qu’elle a cessé de lui reverser une partie de son salaire (premier évènement). La plainte pénale déposée par le député serait, quant à elle, une tentative de punir la requérante pour sa plainte pour harcèlement et pour son témoignage devant l’OLAF (deuxième évènement). Le Parlement n’aurait donc pas tenu compte de l’ensemble du contexte dans lequel se sont inscrits ces deux évènements auxquels la requérante ajoute, au stade de la réplique, un troisième évènement, à savoir la seconde demande de résiliation.

110    Le Parlement conclut au rejet de la première branche du second moyen comme étant non fondée.

111    Aux termes de l’article 12 bis, paragraphe 2, du statut, le fonctionnaire ayant fourni des preuves de harcèlement moral ou sexuel ne subit aucun préjudice de la part de l’institution, pour autant qu’il ait agi de bonne foi.

112    Dans ce contexte, la requérante soutient, en substance, que la décision attaquée adoptée par l’AHCC, en ce qu’elle « s’appuie » sur la décision de refus d’assistance, constituerait un acte de représailles du député.

113    Tout d’abord, il y a lieu de constater que l’argumentation de la requérante part de la prémisse erronée selon laquelle l’AHCC se serait bornée à « entériner » les demandes de résiliation et les raisons avancées par le député pour justifier la rupture du lien de confiance. Or, ainsi qu’il ressort de l’analyse du troisième grief du second moyen, tiré de l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation, la décision attaquée, telle que complétée par la décision de rejet de la réclamation, s’appuie sur des faits concrets qui ont fait l’objet d’une analyse par le Parlement, ainsi qu’il ressort des points 159 et suivants ci-après.

114    En outre, afin de démontrer le caractère systématique des représailles, la requérante met en cause, en substance, trois agissements du député, à savoir le dépôt de la première demande de résiliation, le dépôt de la plainte pénale et le dépôt de la seconde demande de résiliation, dans le contexte des versements effectués à partir de son salaire et des pressions exercées en vue d’influencer ses différents témoignages. Il y a lieu d’examiner les éventuels liens existants entre ces différents agissements et le licenciement.

115    À cet égard, en premier lieu, en ce qui concerne la première demande de résiliation, il y a lieu de rappeler que cette demande a été reçue le 30 juin 2017 par l’AHCC.

116    Or, il ressort de la chronologie des évènements que cette demande ne saurait raisonnablement être rattachée à une réaction soudaine du député, à la suite de la cessation des versements qui étaient prétendument effectués à son profit à partir du salaire de la requérante jusqu’en février 2017. En effet, près de cinq mois se sont écoulés entre la parution des articles dans la presse nationale qui ont mis fin à ces versements et le dépôt de cette demande. Il en va de même de la déposition de la requérante devant le procureur national, effectuée le 11 mai 2017, dans la mesure où plus de sept semaines séparent ces deux évènements. Quant aux témoignages devant l’OLAF, effectués les 17 octobre 2017 et 6 avril 2018, ils sont postérieurs au dépôt de la première demande de résiliation et ne sauraient donc avoir motivé cette dernière.

117    Quant à la plainte pour harcèlement, elle a été déposée devant le comité consultatif spécial « APA », le 13 juillet 2017. Par conséquent, même en suivant le raisonnement de la requérante, les prétendues « représailles », à savoir le dépôt de la première demande de résiliation, le 30 juin 2017, s’avéreraient antérieures aux comportements qu’ils avaient prétendument vocation à « punir », à savoir le dépôt de la demande d’assistance pour harcèlement moral.

118    Il est vrai que la requérante a alerté, le 31 juillet 2017, ce même comité du fait que sa plainte pour harcèlement aurait été portée à la connaissance du député. Il ressort du courriel de la requérante que cette information aurait été partagée par « un collègue », sans plus de précision, et que le député aurait eu connaissance de cette information « déjà depuis le début du mois de juillet ». Il est vrai que, le 9 juin 2017, la requérante avait fait part au comité consultatif spécial « APA » de son intention de déposer devant lui une plainte pour harcèlement moral contre le député. Si ce dernier a théoriquement pu avoir connaissance de son intention, avant le dépôt formel de la plainte, la requérante n’avance aucun élément de preuve permettant d’établir que le député aurait eu effectivement connaissance de cette information entre le 9 juin 2017 (date du courriel d’intention adressé au comité consultatif spécial « APA ») et le 30 juin 2017 (date du dépôt de la première demande de résiliation). Par ailleurs, il ressort de la plainte pénale du député que ce n’est que le 19 septembre 2017, par le biais d’une communication du comité consultatif spécial « APA », que le député a, selon ses propres dires, pris connaissance de l’existence de la plainte pour harcèlement.

119    Quant à la demande d’assistance, introduite le 27 juin 2017 devant l’AHCC, il y a lieu de constater que la requérante n’avance aucun élément de preuve permettant d’établir que le député aurait eu connaissance de cette information entre le 27 juin 2017 (date du dépôt de la demande d’assistance) et le 30 juin 2017 (date du dépôt de la première demande de résiliation).

120    La requérante reste donc en défaut d’établir un lien entre le prétendu contexte du harcèlement et la première demande de résiliation.

121    En deuxième lieu, en ce qui concerne la plainte pénale du député, il y a lieu de rappeler qu’elle a été déposée le 18 décembre 2017, pour fausses accusations, diffamation calomnieuse et instigation de ces actes et qu’elle est dirigée contre « toute personne coupable d’actes de divulgation et d’invocation de faux évènements devant le comité consultatif spécial [“APA”] qui ont été partiellement basés sur le contenu des courriels qui ont prétendument été échangés entre [la requérante] et [C] ».

122    Il est vrai que, comme l’indique la requérante, la date présumée de l’infraction, mentionnée dans ce document, est le 13 juillet 2017 et est donc concomitante de celle du dépôt de la plainte pour harcèlement.

123    Il est également vrai que, dans sa plainte pénale, le député fait référence à la plainte pour harcèlement moral déposée par la requérante devant le comité consultatif spécial « APA », ce qui établit une corrélation entre ces deux évènements, mais pas une corrélation entre la plainte pénale et la demande de licenciement. De plus, cette plainte vise des faits de diffamation et il ne saurait être exclu, comme le fait valoir le Parlement, que le député ait cherché à défendre son image et ses droits sous la forme d’une plainte pénale.

124    En troisième lieu, la requérante n’expose pas les raisons pour lesquelles la seconde demande de résiliation, déposée le 7 novembre 2017, constituerait, de la part du député, une forme de représailles, ni les liens qu’entretiendrait cette demande avec le contexte du harcèlement dans lequel s’inscrivent ses allégations, à savoir l’arrêt des paiements effectués depuis son salaire (février 2017) et ses différents témoignages devant le procureur national (11 mai 2017) et l’OLAF (17 octobre 2017 et 6 avril 2018).

125    Il ressort de ce qui précède que les éléments invoqués par la requérante ne témoignent pas d’actes ou de comportements présentant un caractère de représailles.

126    Par conséquent, le grief tiré de la violation des articles 12 bis et 24 du statut en ce que le licenciement serait une mesure de représailles à la suite de la demande d’assistance ne saurait prospérer et la première branche du second moyen doit être rejetée.

2)      Sur la deuxième branche, tirée d’une violation du droit de voir ses affaires traitées impartialement et équitablement ainsi que d’une violation du devoir de diligence pour ce qui est de la décision rejetant la demande d’assistance

127    La requérante soutient, en substance, que la décision de rejet de la réclamation « s’appuie » sur la décision de refus d’assistance et que cette dernière décision a été adoptée, en premier lieu, en violation du droit de voir ses affaires traitées impartialement et équitablement et, en second lieu, en violation du devoir de diligence. La décision de rejet de la réclamation ne saurait dès lors se référer au rôle joué par la requérante dans le montage lié à son salaire.

128    En premier lieu, la requérante fait valoir que sa demande d’assistance, sur laquelle, selon elle, s’appuie la décision de rejet de la réclamation, aurait été traitée de manière « impartiale » et non équitable. Tout d’abord, le député aurait été informé immédiatement de la plainte pour harcèlement introduite contre lui. Ensuite, les noms des témoins de la requérante auraient été divulgués au député. Enfin, la présidente du comité consultatif spécial « APA » aurait déclaré que l’un des trois témoins de la requérante ne s’était pas présenté à la date de son audition.

129    En deuxième lieu, la requérante fait valoir que le comité consultatif spécial « APA » aurait manqué à son devoir de diligence dans le traitement de sa plainte pour harcèlement. Tout d’abord, le troisième témoin qui aurait dû être entendu n’aurait pas même été contacté par le comité consultatif spécial « APA » pour qu’il fournisse un témoignage écrit. Ensuite, ce comité aurait omis d’engager des mesures d’enquêtes élémentaires pour apporter des éclaircissements sur l’affaire. En souscrivant à la conclusion du comité sans aucune réserve, l’AHCC aurait également souscrit à cette violation des droits de la requérante. Enfin, il n’existerait aucune preuve de la moindre mesure d’enquête concrète et utile entreprise par ledit comité.

130    Dans tous les cas, selon la requérante, il appartenait au Parlement de donner au comité consultatif spécial « APA » les moyens nécessaires pour enquêter correctement sur l’affaire. À titre subsidiaire, si ces moyens ont été donnés au comité, il aurait appartenu audit comité de faire effectivement usage de ces moyens afin d’établir la vérité.

131    En troisième lieu, au stade de la réplique, la requérante fait valoir que, si la procédure relative au licenciement et celle relative à la demande d’assistance sont séparées, elles sont nécessairement étroitement liées , puisque la plausibilité des raisons avancées par le député a été appréciée non seulement à la lumière des éléments rassemblés pendant la procédure déclenchée par la demande de licenciement, mais aussi à la lumière des éléments rassemblés et des appréciations faites dans la procédure relative à la demande d’assistance.

132    Le Parlement conclut au rejet de la deuxième branche du second moyen comme non fondée.

133    Par son argumentation, la requérante cherche, en substance, à obtenir l’annulation de la décision attaquée en excipant d’illégalités intervenues dans le cadre du traitement de sa plainte pour harcèlement moral. Selon elle, la décision de rejet de la réclamation serait étroitement liée à l’objet de la demande d’assistance en raison de sa référence aux conclusions du comité consultatif spécial « APA ».

134    Cette allégation repose sur l’idée selon laquelle le résultat de la procédure pour harcèlement se confondrait avec celui de la procédure d’assistance, sur laquelle viendrait « s’appuyer » la décision attaquée. Cette allégation doit être rejetée.

135    Premièrement, la requérante procède à une citation tronquée et à une lecture erronée de la décision de rejet de la réclamation lorsqu’elle allègue que celle-ci « s’appuie » sur la décision de refus d’assistance. En effet, si l’AHCC se réfère à cette occasion aux conclusions du comité consultatif spécial « APA », ce n’est pas pour fonder la décision attaquée, mais pour répondre à l’argument soulevé dans la réclamation selon lequel la demande de résiliation serait une forme de représailles à la suite de sa plainte pour harcèlement.

136    Deuxièmement, comme le souligne le Parlement, la décision attaquée renvoie expressément aux demandes de résiliation, à l’entretien préalable, aux observations du 14 mars 2018 ainsi qu’à l’analyse des positions des deux parties. À aucun moment, elle ne vise les conclusions du comité consultatif spécial « APA » en tant que fondement de ses appréciations.

137    Troisièmement, si la procédure pour harcèlement et la procédure de licenciement se rapportent aux mêmes évènements, ces procédures n’en demeurent pas moins distinctes et autonomes. En effet, elles se distinguent tant par leurs procédures et leurs autorités compétentes que par les faits à établir, les appréciations à effectuer et les éléments de preuve présentés.

138    À titre d’illustration, il est ainsi possible de relever que, si l’attention de l’administration s’est nécessairement portée sur les agissements du député dans le cadre de la procédure pour harcèlement, c’est la conduite de la requérante qui, en premier lieu, a été évaluée dans le cadre de la procédure de licenciement. En effet, c’est la participation de la requérante à un éventuel arrangement visant à obtenir sa reclassification en vue du partage ultérieur de son salaire qui apparaît déterminante dans le cadre du présent licenciement fondé sur une rupture du lien de confiance.

139    Or, la décision dont l’annulation est demandée par la requérante et dont le Tribunal est saisi dans le cadre du présent litige se rapporte au licenciement de cette dernière. Ainsi, dans le cadre du présent recours, le Tribunal n’a compétence ni pour annuler ni pour se prononcer sur la légalité de décisions intervenues dans le cadre de la procédure de harcèlement.

140    Partant, la deuxième branche du second moyen doit être rejetée.

3)      Sur la troisième branche, tirée d’une violation des articles 12 bis et 24 du statut en ce que les décisions attaquées sont entachées d’erreurs manifestes d’appréciation

141    La requérante soutient, en substance, que le Parlement aurait commis des erreurs manifestes d’appréciation dans le cadre de la procédure pour harcèlement sur laquelle « s’appuie » la décision attaquée, ainsi que dans le cadre de la procédure de licenciement.

142    Le Parlement conclut au rejet de la troisième branche du second moyen comme étant partiellement non fondée et partiellement irrecevable.

i)      Sur la recevabilité de la troisième branche du second moyen

143    Le Parlement soutient, en substance, que les allégations de la requérante visant à établir une erreur manifeste d’appréciation dans le cadre de la procédure de licenciement sont irrecevables, car elles ne figuraient pas dans la réclamation, ce qui serait contraire à la règle de concordance.

144    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre du respect du droit à une protection juridictionnelle effective, dans l’hypothèse où le réclamant prend connaissance de la motivation de l’acte lui faisant grief par le biais de la réponse à sa réclamation ou dans l’hypothèse où la motivation de ladite réponse modifie, ou complète, substantiellement la motivation contenue dans ledit acte, tout moyen avancé pour la première fois au stade de la requête et visant à contester le bien-fondé de la motivation exposée dans la réponse à la réclamation doit être considéré comme recevable, puisque, dans de telles hypothèses, l’intéressé n’a pas été mis en mesure de prendre connaissance avec précision et de manière définitive des motifs sous-tendant l’acte lui faisant grief (arrêt du 21 mai 2014, Mocová/Commission, T‑347/12 P, EU:T:2014:268, point 44 ; voir, également, arrêt du 22 mai 2014, BG/Médiateur, T‑406/12 P, EU:T:2014:273, point 40 et jurisprudence citée).

145    Tel est le cas en l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 49 ci-dessus, puisque ce n’est qu’au stade du rejet de la réclamation que l’AHCC a exposé les circonstances factuelles justifiant la rupture du lien de confiance.

146    Partant, les allégations de la requérante visant à établir une erreur manifeste d’appréciation dans le cadre de la procédure de licenciement sont recevables.

ii)    Sur le bien-fondé de la troisième branche du second moyen

–       Observations liminaires

147    Il y a lieu de rappeler que, s’il n’incombe pas à l’AHCC de substituer son appréciation à celle du membre du Parlement concerné quant à la réalité de la rupture du lien de confiance, l’AHCC doit néanmoins, d’abord, vérifier si l’absence ou la perte d’un lien de confiance est effectivement invoquée, ensuite, s’assurer de l’exactitude matérielle des faits (voir arrêt du 10 janvier 2019, RY/Commission, T‑160/17, EU:T:2019:1, point 38 et jurisprudence citée) et, enfin, s’assurer que le motif avancé repose sur des faits de nature à le justifier de façon plausible (arrêts du 7 mars 2019, L/Parlement, T‑59/17, EU:T:2019:140, point 29, et du 7 novembre 2019, WN/Parlement, T‑431/18, non publié, EU:T:2019:781, point 77).

148    Par ailleurs, si le Parlement, lorsqu’il décide la résiliation d’un contrat d’APA, se réfère, en particulier, à des faits matériels précis à l’origine de la décision de licenciement pour perte de confiance, le juge doit contrôler que ce motif repose sur des faits matériellement exacts (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2013, L/Parlement, T‑317/10 P, EU:T:2013:413, point 70). Le juge est également tenu de vérifier si ce motif est plausible. Ce faisant, le juge ne substitue pas son appréciation à celle de l’autorité compétente, selon laquelle la perte de confiance est avérée, mais se limite à contrôler si le motif à l’origine de la décision explicité par l’institution n’est pas entaché d’erreur manifeste d’appréciation (voir arrêt du 7 novembre 2019, WN/Parlement, T‑431/18, non publié, EU:T:2019:781, point 78 et jurisprudence citée).

149    À cet égard, une erreur peut seulement être qualifiée de manifeste lorsqu’elle peut être détectée de façon évidente, à l’aune des critères auxquels le législateur a entendu subordonner l’exercice par l’administration de son pouvoir d’appréciation. Établir que l’administration a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits de nature à justifier l’annulation de la décision prise en conséquence suppose donc que les éléments de preuve, qu’il incombe à la partie requérante d’apporter, soient suffisants pour priver de plausibilité les appréciations retenues par l’administration. En d’autres termes, le moyen tiré de l’erreur manifeste doit être rejeté si, en dépit des éléments avancés par la partie requérante, l’appréciation mise en cause peut toujours être admise comme étant justifiée et cohérente (voir, en ce sens, arrêt du 22 mars 2018, HJ/EMA, T‑579/16, non publié, EU:T:2018:168, point 95 et jurisprudence citée).

150    C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il convient d’examiner le bien-fondé du troisième grief du second moyen invoqué par la requérante à l’appui de ses conclusions en annulation.

–       Sur le bien-fondé des arguments tirés des erreurs manifestes d’appréciation dans le cadre du traitement de la plainte pour harcèlement

151    La requérante soutient, en substance, que le Parlement aurait commis des erreurs manifestes d’appréciation dans le cadre de l’enquête effectuée dans le contexte de sa demande d’assistance, que le Parlement aurait reprises dans le cadre de la décision attaquée et de la décision de rejet de la réclamation.

152    En premier lieu, en ce qui concerne les retraits mensuels sur son salaire, la requérante fait valoir que le comité consultatif spécial « APA » ne saurait prétendre qu’elle a retiré 60 % de son salaire en espèces, en un seul retrait chaque mois, pour le « plaisir de transporter » de l’argent liquide. Par ailleurs, l’appréciation du président du Parlement relative au fait que la requérante n’a alerté aucune autorité pendant deux ans et demi serait erronée. Ensuite, le fait que les autorités judiciaires nationales et l’OLAF ont engagé une enquête aurait dû retenir l’attention. Enfin, le fait que C a demandé à la requérante d’effacer leurs conversations devrait aussi avoir conduit l’administration à une conclusion différente.

153    En second lieu, en ce qui concerne les pressions exercées par le député et par son entourage, la requérante fait valoir que le fait que le député n’ait pas cherché à intimider la requérante ne saurait être plausible, puisque celle‑ci était l’une des seules personnes en mesure de témoigner contre lui. Par ailleurs, il ne serait pas non plus vraisemblable que la requérante ait inventé les différentes tentatives du député de l’influencer. En outre, il ne serait pas non plus vraisemblable que tous les témoins cités par la requérante aient menti. Dès lors, en reprenant sans aucune autre considération les conclusions du comité consultatif spécial « APA », le Parlement se serait trompé en fait et en droit.

154    Toutefois, ainsi qu’il ressort du point 139 ci-dessus, le Tribunal n’a pas compétence, dans le cadre du présent recours, pour annuler ni pour se prononcer sur la légalité des décisions intervenues dans le cadre de la procédure de harcèlement. Par conséquent, les allégations de la requérante visant à établir une erreur manifeste d’appréciation dans le cadre du traitement de sa plainte pour harcèlement sont inopérantes.

–       Sur le bien-fondé des arguments tirés d’une erreur manifeste d’appréciation dans le cadre de la décision de rejet de la réclamation

155    Premièrement, la requérante fait valoir que l’affirmation figurant dans la décision de rejet de la réclamation selon laquelle il n’y aurait aucun doute quant au fait qu’elle donnait son argent à C, ce qu’elle aurait même avoué lors de l’entretien préalable, serait en contradiction flagrante avec ce qu’elle a toujours déclaré. En aucun cas, la requérante ne se serait sentie redevable de son poste à C. D’un point de vue pratique, il aurait été difficile pour C de soutirer de l’argent à la requérante après qu’il avait été licencié par le député, car la requérante n’était plus en contact avec lui.

156    Deuxièmement, au stade de la réplique, la requérante fait valoir que le procès-verbal de l’entretien préalable, produit par le Parlement en annexe au mémoire en défense, n’a en réalité rien à voir avec les propos qu’elle a tenus durant cette entrevue, ce dont témoigneraient ses observations du 14 mai 2018.

157    Troisièmement, au stade de la réplique, la requérante fait valoir, d’une part, que le Parlement aurait fait une interprétation erronée des courriels de 2014 et, d’autre part, que les traductions de certains de ces courriels, produites par le Parlement, seraient inexactes et induiraient en erreur. Par ailleurs, le Parlement ne produirait qu’une partie de cet échange, la requérante fournissant le reste. Enfin, la requérante communique six autres échanges de courriels ou de messages téléphoniques.

158    Selon la requérante, il ressortirait de ces différents échanges de courriels que le député retenait le salaire de la requérante, ce qui correspondrait aux retraits d’argent effectués par cette dernière, comme l’attesteraient ses extraits de compte. En outre, il ressortirait également de ces échanges que la requérante n’aurait jamais fait de commentaires sarcastiques ou diffamatoires contre le député. Ainsi, elle aurait été victime de ce système.

159    En l’espèce, il y a lieu de rappeler que la décision attaquée est fondée sur un seul motif de licenciement, à savoir une rupture du lien de confiance en raison d’un comportement de la requérante contraire à la dignité de la fonction. Dans la décision de rejet de la réclamation, le Parlement a précisé que le comportement portant atteinte à la dignité de la fonction auquel la décision attaquée se référait était le rôle joué par la requérante dans l’arrangement comprenant sa reclassification au grade 19 et dans les paiements effectués ensuite par la requérante à C. L’appréciation du Parlement s’appuie sur les courriels de 2014 et le procès-verbal de l’entretien préalable.

160    En réponse à une question du Tribunal posée au cours de l’audience, la requérante a expliqué qu’elle ne « disait » pas que le lien de confiance avec le député existait toujours au moment de l’adoption de la décision attaquée, mais que la perte du lien de confiance était imputable à la conduite du député. Par ailleurs, la requérante soutient que c’est le député, et non C, qui était le destinataire de ses paiements, ce qu’elle aurait toujours affirmé, contrairement aux propos qui lui sont prêtés dans le procès-verbal de l’entretien préalable et à ce qui est affirmé dans la décision de rejet de la réclamation.

161    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner successivement les différents éléments de preuve présentés par les parties, afin d’établir si, pris isolément, puis globalement, ces éléments sont de nature à priver de plausibilité le motif de licenciement invoqué par le député et retenu par l’AHCC dans la décision attaquée.

162    En ce qui concerne les courriels de 2014, premièrement, il y a lieu de relever que, à la question de C « [e]st-ce facile de changer ton grade salarial à 19 afin de couvrir le mien ? » posée le 21 juillet 2014 à 16 h 57, la requérante a répondu dix minutes plus tard « je ne pense pas qu’ils nous feront de difficultés ». L’emploi du pronom personnel « nous », s’il ne permet pas d’identifier avec certitude le groupe de personnes concernées, indique clairement l’implication de la personne qui parle, à savoir la requérante, dans l’arrangement en cause. À cet égard, force est de constater que la requérante ne produit aucun élément de preuve au soutien de son allégation selon laquelle elle aurait agi conformément aux instructions reçues du député.

163    Deuxièmement, le courriel du 22 juillet 2014, aux termes duquel C affirme « [j]’ai dit [au député] d’augmenter ton salaire au grade le plus élevé afin de couvrir mon salaire et nous nous sommes heurtés à un mur », souligne également l’implication de la requérante dans l’arrangement ayant conduit à sa reclassification au grade 19.

164    Troisièmement, le message du 14 août 2014, envoyé à 18 h 13 à C, conforte l’idée de l’existence d’un arrangement en vue d’obtenir la reclassification de la requérante au grade 19 et d’effectuer des paiements au bénéfice de C à partir de son nouveau salaire. En effet, la requérante écrivait ce qui suit :

« […I]ls m’ont envoyé la confirmation du [Parlement] que tout est ok avec la modification du contrat que nous avons proposée pour augmenter mon salaire. Ils m’ont dit que je recevrais l’argent rétroactivement le 15 octobre, donc je te le donnerai à ce moment. Pour que tu le saches, le [Parlement] nous paie toujours autour du 15. Donc, je te donnerai en octobre l’argent pour la dernière semaine de juillet depuis que le nouveau salaire est entré en vigueur, août septembre et octobre. »

165    Une fois encore, l’emploi du pronom personnel « nous » indique l’implication de la personne qui parle, à savoir la requérante, dans les actions décrites, en particulier la modification de son contrat de travail. Par ailleurs, si la requérante ne confirme pas dans son message avoir déjà donné de l’argent à C, elle fait part de son intention de procéder de la sorte pour trois de ses salaires au moins, dès leur augmentation, après sa reclassification.

166    La requérante n’apporte également aucune preuve au soutien de son allégation selon laquelle elle agissait conformément aux directives du député lui enjoignant de remettre à C une partie de son salaire. La requérante n’explique également pas en quoi l’emploi du verbe « payer », dans la traduction produite par le Parlement, au lieu du verbe « donner », serait susceptible de remettre en cause les constats effectués aux points 163 et 165 ci-dessus.

167    Quatrièmement, il y a lieu de souscrire partiellement à l’appréciation de la requérante en ce qui concerne des courriels en date du 22 septembre 2014. En effet, il résulte de l’échange complet des courriels (annexe B.1 du mémoire en défense, telle que complétée par annexe C.2 de la réplique) que l’argent transféré à cette occasion par la requérante à C provenait du salaire d’une autre APA, à savoir D. Toutefois, contrairement à ce qu’affirme la requérante, il ne ressort pas du contenu de l’annexe C.2 de la réplique que l’argent a été transféré à partir du compte de D. Par ailleurs, il ne ressort pas de l’annexe C.3 de la réplique que la carte bancaire de D, dont il est question dans cette annexe, a servi à exécuter ce virement. Si l’annexe C.4 de la réplique mentionne une procuration pour le compte bancaire de D à établir au profit de la requérante, cette annexe ne contient que le formulaire de la procuration et la requérante ne produit pas la procuration elle-même, datée et signée. Ces échanges confortent donc l’idée selon laquelle la requérante a transféré de l’argent à C, même si, dans ce cas de figure, cet argent provenait du salaire d’une autre APA.

168    Dans ce contexte, il y a lieu de relever que, contrairement à son intention exprimée dans la réplique, la requérante n’a pas produit devant le Tribunal les extraits de ses comptes bancaires qui établiraient, comme elle l’affirme, qu’elle n’a effectué aucun virement bancaire vers le compte de C, que 60 % de son salaire était retiré dans les bâtiments du Parlement et que ces retraits d’argent ont continué, après le licenciement de C en décembre 2015, jusqu’en février 2017.

169    En ce qui concerne les preuves produites par la requérante en vue d’établir la participation du député à l’arrangement, il y a lieu de relever notamment, à l’annexe C.6 de la réplique, partiellement reprise à l’annexe A.5 de la requête, le message de C qui écrit « salaire 19 moins ton salaire », puis, plus loin, « 4237 pour [le député] » auquel la requérante répond « oui ». De même, à l’annexe C.8 de la réplique, partiellement reprise aux annexes A.5 et A.6 de la requête, C écrit « et tu lui donnes chaque mois 4279 euros de ton salaire », auquel la requérante répond « 4240 je crois mais oui ». Ces différents échanges laissent donc entendre que le député serait le bénéficiaire des sommes d’argent versées par la requérante.

170    Toutefois, il y a lieu de relever que ces échanges ont eu lieu exclusivement entre C et cette dernière et que, à aucun moment, le député n’apparaît comme expéditeur ou destinataire de ces messages. Par conséquent, ces échanges ne sauraient suffire, à eux seuls, à établir que la requérante agissait sur instructions du député.

171    Par ailleurs, les courriels mentionnés aux points 162 à 164 ci-dessus réduisent la crédibilité des affirmations de la requérante, effectuées dans le cadre de la procédure administrative et juridictionnelle, selon lesquelles elle aurait toujours donné au député l’argent versé à partir de son salaire. Ils réduisent également la crédibilité de ses dénégations des propos consignés dans le procès-verbal de l’entretien préalable selon lequel elle aurait confirmé donner systématiquement une partie de son salaire à C.

172    Il ressort de ce qui précède que, si la participation de la requérante à l’arrangement ayant conduit à sa reclassification au grade 19 et dans les paiements subséquents effectués à partir de son nouveau salaire est établie au-delà de tout doute raisonnable par un faisceau d’indices concordants, ce n’est pas le cas de l’implication du député, qui n’est pas établie à suffisance de droit au vu des preuves portées à la connaissance du Tribunal dans le cadre du présent litige.

173    En effet, il ressort des courriels de 2014, pris dans leur ensemble, que la requérante a, d’une part, joué un rôle dans l’arrangement ayant conduit à sa reclassification au grade 19 et, d’autre part, transmis de l’argent à C provenant du salaire d’une autre APA. Elle a également fait part de son intention de procéder de la sorte à partir de son salaire. À aucun moment, elle n’apparaît hésitante ou ne s’oppose au cours des évènements. Au contraire, elle apparaît à chaque fois diligente et coopérative, ne remettant jamais en cause les questions posées ou les actions demandées.

174    Par ailleurs, les messages impliquant le député, échangés entre la requérante et C, ne sauraient remettre en cause la participation de la requérante à l’arrangement. En effet, la requérante ne conteste pas le fait que sa reclassification au grade 19 était motivée par la rétrocession d’une partie de son nouveau salaire. Elle ne conteste pas non plus avoir procédé à des paiements réguliers, à partir de ce dernier.

175    Dans ce contexte il y a lieu de rappeler l’importance de la relation de confiance devant exister entre un député et son APA, dont l’importance est également soulignée dans la décision attaquée.

176    Par ailleurs, il y a lieu de rappeler également que l’éventuel manquement de son supérieur hiérarchique aux règles en vigueur, y compris une éventuelle atteinte à la dignité des fonctions de député, ne saurait justifier les manquements reprochés à la requérante, laquelle demeure responsable de ses actes (voir, en ce sens, arrêts du 11 juillet 1985, R./Commission, 255/83 et 256/83, EU:C:1985:324, point 44 ; du 19 mars 1998, Tzoanos/Commission, T‑74/96, EU:T:1998:58, point 330 ; et du 4 mai 1999, Z/Parlement, T‑242/97, EU:T:1999:92, point 115 ).

177    Par conséquent, à supposer même que le député ait participé à l’arrangement décrit par la requérante, cette circonstance ne saurait justifier les manquements de cette dernière à ses propres obligations professionnelles, justifiant par là même le fait que l’AHCC (et non le député) mette fin à son contrat au motif d’une rupture du lien de confiance, tout en poursuivant également, le cas échéant, le député, une fois les résultats des différentes enquêtes connus.

178    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par la lettre de notification de l’OLAF du 19 novembre 2020 et son contenu. En effet, ces éléments ne sauraient être pris en compte aux fins de l’appréciation de la légalité de la décision attaquée, puisque la légalité de l’acte attaqué doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date à laquelle l’acte a été adopté (voir arrêt du 13 juillet 2018, SQ/BEI, T‑377/17, EU:T:2018:478, point 148 et jurisprudence citée). Or, il est manifeste que l’OLAF, qui a enquêté pendant près de quatre ans, a clôturé son enquête et fait part de ses recommandations postérieurement à l’adoption de la décision attaquée. En tout état de cause, la procédure d’enquête de l’OLAF est une procédure administrative autonome et distincte de celle relative au licenciement dont l’AHCC a la charge. Ainsi, à l’instar de ce qui a déjà été relevé en ce qui concerne la procédure de harcèlement aux points 137 et 138 ci-dessus, il y a lieu de souligner que, si l’enquête de l’OLAF et la procédure de licenciement se rapportent aux mêmes évènements, ces procédures n’en demeurent pas moins distinctes et autonomes. En effet, elles se distinguent tant par leurs procédures et leurs autorités compétentes que par les faits à établir, les appréciations à effectuer et les éléments de preuve présentés.

179    Les affirmations de la requérante ne sont, dès lors, pas de nature à priver de plausibilité le motif de licenciement invoqué par le député et retenu par le Parlement dans la décision attaquée. 

180    Il s’ensuit que le Parlement n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que ces faits étaient susceptibles de causer la perte de confiance invoquée par le député et retenue par l’AHCC dans la décision attaquée.

181    Il s’ensuit que le second moyen doit être écarté de même, partant, que les conclusions en annulation dans leur intégralité.

B.      Sur les conclusions indemnitaires

182    La requérante soutient que la responsabilité du Parlement est engagée du fait de l’illégalité de la décision attaquée et de la décision de rejet de la réclamation.

183    Elle fait valoir que, dans le cadre de sa demande d’assistance, elle aurait notamment été exposée à des pressions très fortes, en matière de responsabilité, de charge de travail et de stress. Le Parlement n’aurait pas tenu compte de son argumentation dans le cadre de la demande d’assistance et dans ses observations du 14 mai 2018. Elle ferait également l’objet d’attaques constantes de la part du député dans les médias nationaux. Enfin, elle aurait eu à subir des pressions terribles de la part du député dans le contexte de son témoignage devant le procureur grec et l’OLAF, alors que la « demande de [résiliation] » du député était une façon d’exercer des pressions et des représailles.

184    Dans le cadre de la résiliation de son contrat, le Parlement n’aurait pas tenu compte de ses arguments, il n’aurait pas motivé la décision attaquée et, par l’adoption de cette décision, il aurait aggravé le préjudice moral généré par la situation de harcèlement auquel était soumise la requérante en raison de l’absence d’aide de la part du Parlement.

185    Compte tenu de ces éléments, la requérante revendique la réparation d’un préjudice moral, résultant de l’atteinte portée à sa santé, à sa dignité et à sa réputation professionnelle, évalué à un montant ex æquo et bono de 50 000 euros.

186    Le Parlement conclut au rejet des conclusions indemnitaires comme étant non fondées.

187    À cet égard, il suffit de rappeler que les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice matériel ou moral doivent être rejetées lorsqu’elles présentent, comme en l’espèce, un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont, elles-mêmes, été rejetées comme étant irrecevables ou non fondées (voir arrêt du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑584/16, EU:T:2017:282, point 165 et jurisprudence citée).

188    Partant, les conclusions indemnitaires, en ce qu’elles visent la réparation d’un préjudice moral du fait de l’illégalité de la décision attaquée et de la décision de rejet de la réclamation, doivent être rejetées.

189    Par ailleurs, en ce que ces conclusions visent la réparation d’un préjudice moral qui serait lié à une faute distincte de l’administration, il convient de constater que rien dans le dossier ne permet de constater que la décision attaquée, telle que complétée par la décision de rejet de la réclamation, aurait causé un préjudice moral à la requérante qui serait lié à une faute distincte de l’administration, en aggravant notamment un préjudice moral généré par la prétendue situation de harcèlement auquel aurait été soumise la requérante. En tout état de cause, une telle demande, pour autant qu’elle serait fondée sur une cause étrangère à la décision attaquée, seule décision ayant fait l’objet de la réclamation, serait irrecevable (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2019, ZQ/Commission, T 647/18, non publié, EU:T:2019:884, points 206 à 208).

190    Il s’ensuit que les conclusions indemnitaires liées à une prétendue faute de service distincte de l’AHCC doivent être également rejetées.

191    Les conclusions indemnitaires doivent donc être rejetées.

V.      Sur les dépens 

192    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Parlement, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      BG est condamnée aux dépens.

Svenningsen

Mac Eochaidh

Pynnä

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 juillet 2021.

Signatures


Table des matières 


I. Antécédents du litige

II. Fait postérieur à l’introduction du recours

III. Procédure et conclusions des parties

IV. En droit

A. Sur les conclusions en annulation

1. Sur l’objet des conclusions en annulation

2. Sur le fond

a) Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation et des règles de procédure

1) Sur le premier grief, tiré de la violation de l’obligation de motivation

2) Sur le second grief, tiré de la violation du droit d’être entendu

b) Sur le second moyen, tiré d’une violation des articles 12 bis et 24 du statut, d’une violation du droit de voir ses affaires traitées impartialement et équitablement ainsi que d’une violation du devoir de diligence et d’erreurs manifestes d’appréciation

1) Sur la première branche, tirée d’une violation des articles 12 bis et 24 du statut en ce que le licenciement aurait constitué une mesure de représailles à la suite de la demande d’assistance

2) Sur la deuxième branche, tirée d’une violation du droit de voir ses affaires traitées impartialement et équitablement ainsi que d’une violation du devoir de diligence pour ce qui est de la décision rejetant la demande d’assistance

3) Sur la troisième branche, tirée d’une violation des articles 12 bis et 24 du statut en ce que les décisions attaquées sont entachées d’erreurs manifestes d’appréciation

i) Sur la recevabilité de la troisième branche du second moyen

ii) Sur le bien-fondé de la troisième branche du second moyen

– Observations liminaires

– Sur le bien-fondé des arguments tirés des erreurs manifestes d’appréciation dans le cadre du traitement de la plainte pour harcèlement

– Sur le bien-fondé des arguments tirés d’une erreur manifeste d’appréciation dans le cadre de la décision de rejet de la réclamation

B. Sur les conclusions indemnitaires

V. Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.