Language of document : ECLI:EU:T:2014:770

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

11 septembre 2014 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire figurative aroa – Marque nationale figurative antérieure Aro – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 – Refus partiel d’enregistrement »

Dans l’affaire T‑536/12,

Aroa Bodegas, SL, établie à Zurukoain (Espagne), représentée par Me S. Alonso Maruri, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme V. Melgar, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Bodegas Muga, SL, établie à Haro (Espagne), représentée par Me L. Broschat García, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 11 octobre 2012 (affaire R 1845/2010-4), relative à une procédure d’opposition entre Bodegas Muga, SL et Aroa Bodegas, SL,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. G. Berardis, président, O. Czúcz et A. Popescu (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 12 décembre 2012,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 9 avril 2013,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 11 avril 2013,

vu la modification de la composition des chambres du Tribunal,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 4 mai 2009, la requérante, Aroa Bodegas, SL, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent notamment des classes 32 et 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 32 : « Bières ; eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques ; boissons à base de fruits et jus de fruits ; sirops et autres préparations pour faire des boissons » ;

–        classe 33 : « Vins, boissons alcoolisées (à l’exception des bières) ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 22/2009, du 15 juin 2010.

5        Le 15 septembre 2009, l’intervenante, Bodegas Muga, SL, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement n° 207/2009, à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits relevant de la classe 33 visés au point 3 ci-dessus et ceux relevant de la classe 32 correspondant à la description suivante : « Bières ; autres boissons non alcooliques ; boissons et jus de fruits ».

6        L’opposition était fondée sur la marque nationale figurative antérieure, déposée en Espagne le 21 mai 2004 et enregistrée le 21 juillet 2005, sous le numéro 2597882, se présentant comme suit :

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7        Cette marque a été enregistrée pour des produits relevant de la classe 33 et correspondant à la description suivante : « Boissons alcooliques (à l’exception des bières) ».

8        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

9        Le 2 août 2010, la division d’opposition a accueilli l’opposition dans son intégralité. Elle a estimé que, compte tenu de l’identité ou de la similitude des produits en cause et de la similitude des signes en conflit, ceux-ci présentant des syllabes initiales identiques, il existait un risque de confusion pour le public pertinent.

10      Le 23 septembre 2010, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

11      Par décision du 11 octobre 2012 (ci-après la « décision attaquée »), la chambre de recours a partiellement fait droit à ce recours. Elle a considéré que les « autres boissons non alcooliques », les « boissons de fruits » et les « jus de fruits », relevant de la classe 32 et visés par la marque demandée, présentaient un degré de similitude très faible ou vague avec les produits visés par la marque antérieure. Elle en a déduit que, pour ces produits, les différences entre les signes étaient suffisantes pour écarter un risque de confusion entre les marques en conflit et elle a annulé la décision de la division d’opposition à cet égard.

12      En revanche, la chambre de recours a rejeté le recours pour le surplus et a confirmé la décision de la division d’opposition. Elle a considéré, en effet, que les « vins » et les « boissons alcoolisées (à l’exception des bières) », relevant de la classe 33, visés par la marque demandée, et les produits visés par la marque antérieure étaient identiques tandis que les « bières », relevant de la classe 32, visées par la marque demandée, et les produits visés par la marque antérieure étaient moyennement similaires. La chambre de recours a estimé, dès lors, que, eu égard à l’identité ou à la similitude de ces produits et à la similitude des signes, il existait un risque de confusion entre les marques en conflit.

 Conclusions des parties

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler et, partant, priver de tout effet la décision attaquée ;

–        annuler et, partant, priver de tout effet la décision de la division d’opposition ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

14      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

15      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de confirmer la décision attaquée.

 En droit

16      À l’appui de son recours, la requérante soulève, en substance, un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

17      La requérante soutient, en substance, que, eu égard aux différences graphiques et phonétiques entre les marques en conflit, il n’existe pas de risque de confusion entre les marques en conflit pour les « vins » et les « boissons alcoolisées (à l’exception des bières) », relevant de la classe 33, et les « bières », relevant de la classe 32, visés par la marque demandée.

18      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), dudit règlement, il convient d’entendre par marques antérieures les marques nationales dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

19      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et la jurisprudence citée]. Dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du Tribunal du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, Rec. p. II‑449, point 42, et la jurisprudence citée].

20      C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il y a lieu d’examiner l’appréciation par la chambre de recours du risque de confusion entre les signes en conflit.

 Sur le public pertinent

21      En l’espèce, la marque sur laquelle est fondée l’opposition étant une marque espagnole, le territoire au regard duquel le risque de confusion doit être apprécié est celui de l’Espagne.

22      Par ailleurs, la chambre de recours a considéré, au point 11 de la décision attaquée, que, eu égard aux produits en cause, le public pertinent fera preuve d’un niveau d’attention moyen. Il convient de confirmer cette appréciation, laquelle n’est pas remise en cause par les parties.

 Sur la comparaison des produits

23      En l’espèce, il y a lieu d’entériner la comparaison des produits effectuée par la chambre de recours, au point 27 de la décision attaquée, non remise en cause par la requérante et au terme de laquelle elle a considéré que les « vins » et les « boissons alcoolisées (à l’exception des bières) », relevant de la classe 33, visés par la marque demandée, et les produits visés par la marque antérieure étaient identiques, tandis que les « bières », relevant de la classe 32, visées par la marque demandée, et les produits visés par la marque antérieure étaient moyennement similaires.

 Sur la comparaison des signes

24      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt de la Cour du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec. p. I‑4529, point 35, et la jurisprudence citée).

25      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt OHMI/Shaker, précité, point 41, et la jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêts de la Cour OHMI/Shaker, précité, point 42, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié au Recueil, point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt Nestlé/OHMI, précité, point 43).

26      La chambre de recours a considéré, aux points 17 à 24 de la décision attaquée, que les signes en conflit présentaient, à tout le moins, un degré de similitude graphique faible et étaient moyennement similaires sur le plan phonétique tandis qu’ils différaient sur le plan conceptuel.

27      La requérante soutient que l’appréciation de la chambre de recours quant à la similitude des signes en conflit est erronée, car ils présenteraient des différences graphiques et phonétiques.

 Sur la comparaison sur le plan visuel

28      En premier lieu, la requérante fait valoir que la chambre de recours a considéré à tort que la marque demandée comportait la lettre « a » stylisée, alors qu’il s’agirait de la représentation d’un instrument manuel largement utilisé dans le monde viticole pour retourner la terre, à savoir une « laya » (bêche).

29      Cette argumentation doit être écartée.

30      Il y a lieu de relever, à l’instar de l’OHMI et contrairement à l’allégation de la requérante, que la chambre de recours n’a pas affirmé que la marque demandée comportait la lettre « a » stylisée. La chambre de recours a décrit la marque demandée, au point 18 de la décision attaquée, en indiquant qu’elle était composée d’un élément graphique et en estimant qu’il pouvait correspondre à la lettre « a », écrite en caractère majuscule. De plus, il doit être constaté que, lors de la comparaison sur le plan visuel, la chambre de recours n’a pas considéré que cet élément graphique, placé au début de la marque demandée, représentait la lettre « a ».

31      Par ailleurs, il convient d’observer que, ainsi que l’OHMI le fait valoir à juste titre, il n’est pas certain que le public pertinent serait capable de discerner, dans l’élément graphique figurant devant l’élément verbal « aroa », la représentation d’un outil agricole.

32      En second lieu, la requérante relève que la chambre de recours a admis, au point 19 de la décision attaquée, que les types de lettres utilisés dans les signes en conflit étaient très différents, mais qu’elle a omis de considérer qu’il s’agissait d’un élément graphique et a conclu à un degré de similitude faible en raison de la similitude des parties initiales « aro ».

33      À cet égard, il importe de relever que la chambre de recours a constaté, au point 18 de la décision attaquée, que les marques en conflit comportaient chacune un élément verbal, « aro » dans la marque antérieure et « aroa » dans la marque demandée.

34      La chambre de recours a également relevé, au point 18 de la décision attaquée, que, dans la marque demandée, le terme « aroa » était écrit en caractères minuscules, dans une police de caractère de type standard, tandis que, dans la marque antérieure, l’élément « aro » était écrit en grenat, en caractères minuscules, à l’exception de la première lettre écrite en majuscule, d’une manière comparable à une écriture manuscrite, et apparaissait en surimpression sur un fond sur lequel figurait le même terme, écrit dans une police de caractère de même type, mais en couleur grise et en caractères de taille plus grande.

35      La chambre de recours a certes estimé, au point 19 de la décision attaquée, comme la requérante le souligne, que les polices de caractères utilisées pour les éléments verbaux différaient. Elle a toutefois également considéré, d’une part, au point 19 de la décision attaquée, que les éléments verbaux « aroa » et « aro » étaient les éléments les plus distinctifs des signes en conflit et, d’autre part, en substance, au point 20 de la décision attaquée, que les éléments graphiques des marques du secteur viti-vinicole et des boissons en général étaient généralement perçus comme des éléments décoratifs ou ornementaux. Elle a conclu, au point 19 de la décision attaquée, à un degré de similitude graphique faible.

36      Premièrement, il convient de considérer que les marques en conflit sont des marques complexes, essentiellement composées d’un élément verbal, les éléments figuratifs étant constitués dans la marque antérieure, comme la chambre de recours l’a relevé à juste titre, par la police de caractère, les deux couleurs utilisées, grenat et grise, ainsi que par le fait que l’élément verbal apparaît en surimpression et, dans la marque demandée, par la police de caractère et par trois traits de fantaisie, reliés entre eux, l’ensemble étant de couleur noire.

37      Ces éléments figuratifs et l’élément verbal concernés, et plus précisément leurs dispositions et leurs coloris respectifs, contribuent à déterminer l’image de la marque antérieure et celle de la marque demandée que le public pertinent garde en mémoire, sans qu’ils puissent, dès lors, être négligés lors de la perception de celles-ci.

38      Il en découle que, conformément à la jurisprudence citée aux points 24 et 25 ci-dessus, la comparaison visuelle des signes en conflit doit être effectuée sur la base de l’ensemble de leurs différents éléments constitutifs.

39      Cependant, comme la chambre de recours l’a, en substance, évoqué à juste titre, au point 20 de la décision attaquée, les éléments graphiques des signes en conflit ne sont pas particulièrement distinctifs et, à l’instar de l’OHMI et de l’intervenante, il convient de considérer que les éléments verbaux desdits signes sont plus distinctifs.

40      Deuxièmement, il convient de constater que la chambre de recours a estimé à juste titre, au point 19 de la décision attaquée, que les éléments verbaux des signes en conflit étaient écrits dans des polices de caractères différentes. Il y a lieu de relever que les signes en conflit diffèrent également du fait de l’utilisation des couleurs, grise et grenat dans la marque antérieure et noire dans la marque demandée, ainsi que du fait de l’utilisation de la technique de surimpression dans la marque antérieure.

41      Si, comme la requérante le fait valoir à bon droit, les éléments graphiques des marques en conflit sont différents, il n’en demeure pas moins toutefois que les éléments verbaux « aro » et « aroa » sont très similaires. En effet, bien que ces éléments verbaux soient composés respectivement de trois et de quatre lettres, ils coïncident par leurs trois premières lettres, placées dans le même ordre, l’élément verbal de la marque antérieure étant ainsi inclus dans l’élément verbal de la marque demandée.

42      Par ailleurs, il doit être observé que, en prenant en considération l’élément placé au début de la marque demandée, à savoir le dessin formé par les trois traits de fantaisie reliés entre eux, celui-ci et la représentation de la première lettre « a » dans la marque antérieure peuvent présenter un certain degré de similitude, même faible. Or, il convient de rappeler que le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image imparfaite de celles-ci qu’il a gardée en mémoire. Dès lors, cet élément contribue également à la similitude visuelle des signes en conflit.

43      Il découle de ce qui précède que, si les signes en conflit présentent des éléments graphiques différents, il n’en demeure pas moins que, tout en considérant ces différences entre les signes en conflit, eu égard à la similitude entre les éléments verbaux composant lesdits signes, voire même à celle de l’élément placé avant l’élément verbal « aroa » avec la lettre « a » de « aro », les signes en conflit présentent un degré de similitude sur le plan visuel, lequel peut être qualifié de faible.

 Sur la comparaison sur le plan phonétique

44      En ce qui concerne la similitude sur le plan phonétique des signes en conflit, force est de constater que, ainsi que l’a relevé à juste titre la chambre de recours aux points 21 à 23 de la décision attaquée, sans être contredite par la requérante, lesdits signes, appréciés dans leur globalité, présentent un degré de similitude moyen.

45      En effet, il convient de rappeler que, au sens strict, la reproduction phonétique d’une marque complexe correspond à celle de tous ses éléments verbaux, indépendamment de leurs spécificités graphiques, qui relèvent plutôt de l’analyse du signe sur le plan visuel [voir arrêt du Tribunal du 11 décembre 2013, Eckes-Granini/OHMI – Panini (PANINI), T‑487/12, non publié au Recueil, point 49, et la jurisprudence citée]. Partant, il n’y a pas lieu de tenir compte des éléments figuratifs des signes en conflit aux fins de leur comparaison sur le plan phonétique. En l’espèce, doivent dès lors être comparés l’élément verbal « aro » de la marque antérieure et l’élément verbal « aroa » de la marque demandée.

46      La chambre de recours a estimé à juste titre que les signes en conflit partageaient les sons « a », « r » et « o » initiaux et qu’ils se distinguaient par le son supplémentaire « a » dans la marque demandée. Elle a précisé à bon droit que la marque antérieure se prononçait en deux syllabes « a » et « ro », tandis que la marque demandée se prononçait en trois syllabes « a », « ro » et « a ». À cet égard, il y a lieu de relever que la chambre de recours n’a pas retenu, dans la marque demandée, l’existence de la lettre « a » avant les trois syllabes de l’élément « aroa », ce qui confirme qu’elle n’a pas considéré que l’élément placé devant l’élément verbal « aroa » représentait la lettre « a » (voir points 29 et 30 ci-dessus).

47      La chambre de recours a ajouté à juste titre, au point 23 de la décision attaquée, que, selon la jurisprudence, une similitude phonétique existe dès lors que la marque antérieure est entièrement contenue dans la marque demandée (voir arrêt du Tribunal du 2 février 2012, Almunia Textil/OHMI – FIBA-Europe (EuroBasket), T‑596/10, non publié au Recueil, point 38, et la jurisprudence citée).

 Sur la comparaison sur le plan conceptuel

48      La chambre de recours a considéré, au point 24 de la décision attaquée, que les marques étaient différentes sur le plan conceptuel. Elle a estimé que le terme « aro », dans la marque antérieure, possédait une signification claire en castillan, à savoir, en substance, « anneau », tandis que l’élément « aroa » dans la marque demandée, même utilisé comme nom propre féminin, n’avait aucune fonction sémantique. Il y a lieu d’entériner cette appréciation de la chambre de recours, au point 24 de la décision attaquée, laquelle n’est pas contestée par la requérante.

49      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que les signes en conflit doivent être considérés comme présentant un degré de similitude faible sur le plan visuel (voir point 43 ci-dessus) et que, comme la chambre de recours l’a estimé à juste titre, ils présentent un degré de similitude moyen sur le plan phonétique et il sont différents sur le plan conceptuel.

 Sur l’appréciation globale du risque de confusion

50      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 17, et arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, Rec. p. II‑5409, point 74].

51      Il y a lieu de rappeler que la chambre de recours a considéré à bon droit, au point 27 de la décision attaquée, que les produits concernés étaient identiques ou similaires (voir points 17 et 23 ci-dessus).

52      Il y a lieu également de relever que la chambre de recours a estimé à juste titre, au point 25 de la décision attaquée, sans être contredite par la requérante, que le caractère distinctif de la marque antérieure est moyen, car la fonction sémantique véhiculée par le mot « aro » en castillan n’a aucun rapport avec les produits pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, à savoir des « boissons alcooliques (à l’exception des bières) ».

53      En outre, la chambre de recours a conclu à juste titre, en substance, au point 28 de la décision attaquée, que les signes en conflit présentaient un certain degré de similitude. Toutefois, elle a également estimé, au point 26 de la décision attaquée, que les différences phonétiques entre lesdits signes pouvaient éventuellement s’effacer dans l’environnement bruyant pouvant être parfois rencontré lors de l’achat des produits en conflit. Elle a indiqué que les produits concernés étaient généralement commandés oralement par le consommateur moyen, dans des lieux tels que des bars ou des restaurants et que, dès lors, les similitudes phonétiques favoriseraient la possibilité d’une confusion. Elle a également précisé que, dans la mesure où les produits en cause étaient consommés sur commande orale, la seule similitude phonétique des signes en cause suffisait pour créer un risque de confusion.

54      La requérante soutient que la chambre de recours a commis l’erreur de considérer que les différences phonétiques disparaissaient dans un environnement bruyant. Elle en déduit qu’il n’existe pas de risque de confusion entre les marques en conflit.

55      En l’espèce, les produits en cause font normalement l’objet d’une distribution généralisée, allant du rayon de l’alimentation des supermarchés, des grands magasins et des autres points de vente au détail aux restaurants et aux cafés. Dès lors, les consommateurs peuvent être amenés à commander oralement les produits concernés, dans un environnement bruyant, tel qu’un bar, et sans avoir préalablement examiné visuellement les produits et les marques qui y sont associées.

56      Dans ces circonstances, il doit être considéré qu’il sera alors attribué plus de poids à la similitude phonétique des signes en conflit et que, en outre, comme la chambre de recours l’a estimé, la différence phonétique liée à la prononciation de la lettre « a » finale dans la marque demandée peut ne pas être perçue par une partie du public pertinent.

57      Il découle de ce qui précède que, s’agissant des produits concernés, étant donné leur degré de similitude ainsi que la similitude globale des signes en cause, il est très probable que, à tout le moins la partie du public pertinent qui sera mis en présence de la marque demandée dans le contexte d’une commande orale des produits en cause pourra leur attribuer la même origine commerciale que celle des produits visés par la marque antérieure, et ce en dépit des différences qui existent entre les signes en conflit.

58      Partant, il y a lieu de constater que, dans le cadre de l’appréciation globale des marques en conflit, l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du consommateur concerné ne peut être exclue, pour les produits concernés, ainsi que la chambre de recours l’a conclu aux points 28 et 30 de la décision attaquée.

59      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la requérante concernant le fait qu’elle possède la marque communautaire figurative AROA LAKET, déposée le 2 avril 2001 et enregistrée le 7 novembre 2005, sous le numéro 2156891, pour des produits relevant de la classe 33, à savoir les « boissons alcooliques (à l’exception des bières) », qui se présente comme suit :

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60      À cet égard, la requérante fait valoir une prétendue coexistence pacifique en Espagne entre cette marque et la marque de l’intervenante, invoquée à l’appui de son opposition.

61      À cet égard, il suffit de rappeler qu’il n’est, certes, pas entièrement exclu que, dans certains cas, la coexistence de marques antérieures sur le marché puisse éventuellement éliminer le risque de confusion entre deux marques en conflit. Néanmoins, une telle éventualité ne saurait être prise en considération que si, à tout le moins, au cours de la procédure concernant des motifs relatifs de refus devant l’OHMI, le demandeur de la marque communautaire a dûment démontré que ladite coexistence reposait sur l’absence d’un risque de confusion, dans l’esprit du public pertinent, entre les marques antérieures dont il se prévaut et la marque antérieure de l’intervenante qui fonde l’opposition et sous réserve que les marques antérieures en cause et les marques en conflit soient identiques [arrêts du Tribunal du 11 mai 2005, Grupo Sada/OHMI – Sadia (GRUPO SADA), T‑31/03, Rec. p. II‑1667, point 86, et du 20 janvier 2010, Nokia/OHMI – Medion (LIFE BLOG), T‑460/07, Rec. p. II‑89, point 68].

62      Or, premièrement, il doit être constaté que la marque AROA LAKET, invoquée par la requérante, et les marques en conflit ne sont pas identiques. La requérante l’admet d’ailleurs dans la mesure où elle prétend que la marque demandée serait une « évolution » de la marque AROA LAKET. Il peut être ajouté que, comme l’OHMI le soutient, eu égard aux différences entre la marque AROA LAKET et la marque demandée, le fait que la seconde serait une évolution de la première ne constitue pas une évidence.

63      Deuxièmement, à l’instar de l’OHMI, il doit être relevé que la requérante n’a apporté aucun élément de preuve à l’appui de l’allégation selon laquelle la marque AROA LAKET coexistait sur le marché en cause avec la marque de l’intervenante, invoquée à l’appui de son opposition.

64      Il s’ensuit que c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu qu’il existait, entre les marques en cause, un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 pour les produits concernés.

65      Par conséquent, il convient de rejeter le moyen unique ainsi que le recours dans son ensemble, car, la demande d’annulation de la décision attaquée étant rejetée, il n’est pas nécessaire d’examiner la demande d’annulation de la décision de la division d’opposition.

 Sur les dépens

66      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’OHMI, conformément aux conclusions de celui-ci.

67      L’intervenante n’a pas conclu à ce que la requérante soit condamnée aux dépens. Dans ces conditions, il y a lieu d’ordonner que l’intervenante supportera ses propres dépens en vertu de l’article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Aroa Bodegas, SL supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI).

3)      Bodegas Muga, SL supportera ses propres dépens.

Berardis

Czúcz

Popescu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 septembre 2014.

Signatures


* Langue de procédure : l’espagnol.