Language of document : ECLI:EU:T:2017:715

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

10 octobre 2017 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne tridimensionnelle – Forme d’un four – Usage sérieux de la marque – Article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), et article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) n° 207/2009 – Nature de l’usage de la marque – Forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif »

Dans l’affaire T‑211/14 RENV,

Toni Klement, demeurant à Dippoldiswalde (Allemagne), représenté par Me J. Weiser, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. A. Schifko et D. Hanf, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Bullerjan GmbH, établie à Isernhagen-Kirchhorst (Allemagne),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’EUIPO du 9 janvier 2014 (affaire R 927/2013-1), relative à une procédure de déchéance entre M. Klement et Bullerjan,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. G. Berardis, président, S. Papasavvas (rapporteur) et Mme O. Spineanu‑Matei, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 22 mars 2004, Bullerjan GmbH (ci-après le « titulaire de la marque en cause »), qui se dénommait alors Energetec Gesellschaft für Energietechnik mbH, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’EUIPO, en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est la forme tridimensionnelle suivante :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 11 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Poêles (appareils de chauffage) ».

4        La marque en cause a été enregistrée le 5 juillet 2005.

5        Le 23 février 2012, le requérant, M. Toni Klement, a présenté une demande en déchéance de la marque en cause, sur le fondement de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, au motif que ladite marque n’avait pas fait l’objet d’un usage sérieux pendant une période ininterrompue de cinq ans.

6        Par décision du 3 avril 2013, la division d’annulation de l’EUIPO a rejeté la demande en déchéance.

7        Le 21 mai 2013, le requérant a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’annulation.

8        Par décision du 9 janvier 2014 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours.

9        En particulier, la chambre de recours a, tout d’abord, estimé que la division d’annulation avait retenu à juste titre qu’il ne lui appartenait pas, dans le cadre d’une demande en déchéance, d’établir que la marque en cause avait été enregistrée contrairement à l’un des motifs absolus visés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009. Elle a, dès lors, écarté comme irrecevables les arguments du requérant concernant l’absence de caractère distinctif de cette marque. La chambre de recours a, ensuite, relevé, s’agissant de la preuve de l’usage sérieux de la marque en cause, qu’aucune règle n’obligeait le titulaire d’une marque de l’Union européenne à prouver l’usage de celle-ci de manière isolée. Elle a, à cet égard, indiqué que la pratique commerciale était telle qu’une marque de l’Union européenne était généralement utilisée en conjonction avec d’autres signes et que, par conséquent, il était possible, lors de l’examen de la preuve de l’usage sérieux, que deux ou plusieurs signes fassent l’objet d’un usage conjoint. Elle en a conclu que, en l’espèce, la preuve de l’usage sérieux ne pouvait pas être rejetée au motif que les preuves produites par le titulaire de la marque en cause contenaient l’élément verbal « Bullerjan ». S’agissant plus particulièrement de l’application de l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement n° 207/2009 aux faits de l’espèce, la chambre de recours a rappelé, en faisant référence au point 50 de l’arrêt du 23 février 2006, Il Ponte Finanziaria/OHMI – Marine Enterprise Projects (BAINBRIDGE) (T‑194/03, EU:T:2006:65), que, lorsque le signe utilisé dans le commerce différait de la forme sous laquelle celui-ci avait été enregistré uniquement par des éléments négligeables, de sorte que les deux signes pouvaient être considérés comme globalement équivalents, la disposition en cause prévoyait que l’obligation d’usage de la marque enregistrée pouvait être remplie en rapportant la preuve de l’usage du signe qui en constituait la forme utilisée dans le commerce. La chambre de recours a estimé que, en l’espèce, l’élément verbal « Bullerjan » n’altérait pas le caractère distinctif de la marque en cause. Elle a, enfin, après avoir examiné les éléments de preuve produits par le titulaire de la marque en cause, considéré que ladite marque avait fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union européenne au cours de la période pertinente s’étendant du 23 février 2007 au 22 février 2012 (ci-après la « période de référence »).

 Procédure devant le Tribunal et la Cour

10      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 avril 2014, le requérant a introduit un recours tendant, à titre principal, à la réformation de la décision attaquée et, à titre subsidiaire, à l’annulation de celle-ci

11      À l’appui du recours, le requérant a soulevé un moyen unique, tiré d’une violation de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, lu conjointement avec l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du même règlement, en ce que la chambre de recours avait erronément constaté l’existence d’un usage sérieux de la marque en cause au cours de la période de référence. Ce moyen se subdivisait en deux branches tirées, d’une part, de ce que ladite marque n’avait pas été utilisée en tant que marque et, d’autre part, de ce qu’elle n’avait pas été utilisée dans la forme sous laquelle elle avait été enregistrée.

12      Par l’arrêt du 24 septembre 2015, Klement/OHMI – Bullerjan (Forme d’un four) (T‑211/14, non publié, ci-après l’« arrêt initial », EU:T:2015:688), le Tribunal a considéré que la preuve de l’usage sérieux avait été rapportée à suffisance de droit par le titulaire de la marque en cause et a, par conséquent, rejeté le recours.

13      Par requête déposée au greffe de la Cour le 2 décembre 2015, le requérant a formé un pourvoi, par lequel il a sollicité l’annulation de l’arrêt initial. À l’appui du pourvoi, il a soulevé trois moyens, tirés, le premier, d’une dénaturation des éléments de preuve commise lors de l’appréciation du caractère distinctif de l’élément verbal « Bullerjan », le deuxième, d’une contradiction de motifs affectant la constatation du caractère distinctif élevé de la marque en cause et, le troisième, d’erreurs de droit entachant l’interprétation et l’application de l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement n° 207/2009.

14      L’EUIPO a conclu au rejet du pourvoi. À titre principal, il a excipé de l’irrecevabilité dudit pourvoi au motif que l’appréciation, par le Tribunal, des faits concernant l’examen de la question de savoir si, conformément à l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, l’usage d’un signe altérait ou non le caractère distinctif, ne pouvait pas être soumise au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi.

15      Par l’arrêt du 1er décembre 2016, Klement/EUIPO (C‑642/15 P, non publié, ci-après l’« arrêt sur pourvoi », EU:C:2016:918), la Cour a annulé l’arrêt initial et a renvoyé l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue.

16      À cet égard, la Cour a relevé, tout d’abord, que, s’agissant de l’exception d’irrecevabilité, le deuxième moyen et la première branche du troisième moyen, à tout le moins, soulevaient des questions de droit et étaient, dès lors, recevables. La Cour a, ensuite, rappelé que la question de savoir si la motivation de l’arrêt initial était contradictoire ou insuffisante constituait une question de droit pouvant être, en tant que telle, invoquée dans le cadre d’un pourvoi. Or, la Cour a considéré que, à supposer même que, ainsi que le soutenait l’EUIPO, la circonstance que des fours revêtant une forme très semblable à celle de la marque en cause étaient distribués par d’autres fabricants ne permettait pas, à elle seule, de considérer que cette marque n’avait pas une forme inhabituelle, il ne ressortait pas de l’arrêt initial la raison pour laquelle le public concerné percevait une indication forte d’origine dans la forme de la marque en cause et ne voyait qu’une fonctionnalité technique dans la forme très semblable desdits fours distribués par d’autres fabricants. La Cour a ajouté qu’il n’apparaissait pas de façon claire pour quelle raison, alors que des fours de forme très semblable à la marque tridimensionnelle en cause étaient commercialisés par d’autres fabricants, seule la forme prétendument inhabituelle de cette marque était prise en compte en vue de déterminer le degré de caractère distinctif, qualifié de très élevé, de cette dernière. La Cour a également rappelé, en faisant référence au point 30 de l’ordonnance du 7 septembre 2016, Lotte/EUIPO (C‑586/15 P, non publiée, EU:C:2016:642), que, dans le cadre de l’application de l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement n° 207/2009, qui prévoit qu’est considéré comme un usage sérieux l’usage de la marque de l’Union européenne sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de cette marque dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée, la forme de l’usage de la marque en cause devait être appréciée au regard du caractère distinctif de celle-ci, afin de vérifier si ce caractère distinctif était altéré. Aux fins de cette vérification, la Cour a indiqué qu’il convenait de tenir compte, en particulier, du degré plus ou moins élevé du caractère distinctif de la marque en cause. La Cour en a conclu que la motivation de l’arrêt initial ne faisait pas apparaître de façon claire et compréhensible le raisonnement du Tribunal sur un point déterminant aux fins d’établir si les conditions d’application de l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement n° 207/2009 étaient réunies.

17      Sur la base de cette appréciation, la Cour a accueilli le deuxième moyen et la première branche du troisième moyen, a annulé l’arrêt initial et a renvoyé l’affaire devant le Tribunal.

 Procédure et conclusions des parties après renvoi

18      À la suite de l’arrêt sur pourvoi et conformément à l’article 216, paragraphe 1, du règlement de procédure, l’affaire a été attribuée à la sixième chambre du Tribunal.

19      Les parties ont été invitées à présenter leurs observations, conformément à l’article 217, paragraphe 1, du règlement de procédure. Le requérant et l’EUIPO ont déposé leurs observations dans les délais impartis, à savoir, respectivement, les 30 janvier et 10 février 2017.

20      Dans ses observations, le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        réformer la décision attaquée de sorte que son recours soit confirmé et que la déchéance de la marque en cause soit prononcée ;

–        à titre subsidiaire, annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO et le titulaire de la marque en cause aux dépens.

21      Dans ses observations, l’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens exposés devant le Tribunal et la Cour.

 En droit

22      À titre liminaire, il convient de rappeler que, à l’appui du recours, le requérant a soulevé un moyen unique tiré de la violation de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, lu conjointement avec l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), dudit règlement. Ce moyen est divisé en deux branches tirées, la première, de l’absence d’usage de la marque en cause en tant qu’indication de l’origine commerciale et, la seconde, de l’absence d’usage de la marque en cause dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée. À la suite de l’annulation de l’arrêt initial par l’arrêt sur pourvoi, il convient d’examiner à nouveau les deux branches dudit moyen.

 Sur la première branche du moyen unique, tirée de l’absence d’usage de la marque en cause en tant qu’indication de l’origine commerciale des produits visés par ladite marque

23      Le requérant soutient que les éléments de preuve produits par le titulaire de la marque en cause ne prouvent pas l’usage de ladite marque en tant qu’indication d’origine commerciale des produits qu’elle vise. Il ajoute qu’il a produit une analyse détaillée du caractère distinctif de la marque en cause aux termes de laquelle ladite marque présenterait, au mieux, un caractère distinctif très faible en raison de la fonctionnalité de la forme qu’elle protège. Le requérant affirme avoir indiqué à plusieurs reprises, lors de la procédure devant l’EUIPO, que la marque verbale distinctive Bullerjan était utilisée sur les produits protégés par la marque en cause et que les consommateurs se concentreraient sur cet élément verbal et non sur la forme des poêles pour déterminer l’origine commerciale desdits produits.

24      À cet égard, il y a lieu de rappeler que la chambre de recours a considéré que la question de savoir si la marque en cause était fonctionnelle et constituait une forme que le public ne percevrait pas comme une indication d’origine au sens de l’article 7 du règlement n° 207/2009 était dénuée de pertinence en l’espèce. Elle en a conclu que les arguments concernant l’absence de caractère distinctif de la marque en cause étaient irrecevables.

25      En premier lieu, il convient de préciser que, en faisant valoir que les éléments de preuve produits par le titulaire de la marque en cause ne prouvent pas l’usage de ladite marque en tant qu’indication d’origine commerciale, le requérant conteste le caractère distinctif de la marque en cause.

26      Sur ce point, il suffit de rappeler que, en l’espèce, la marque en cause a été admise à l’enregistrement en tant que marque de l’Union européenne. Cette marque doit donc être présumée valide et apte à distinguer les produits du titulaire de la marque en cause de ceux d’autres entreprises. Plus spécifiquement, ladite marque doit être présumée comme n’étant pas dépourvue de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Le requérant n’ayant pas introduit de demande en nullité et ayant expressément fondé son action sur la seule disposition de l’article 51 du règlement n° 207/2009, il n’incombait pas à l’EUIPO et il n’incombe pas davantage au Tribunal, sous réserve de ce qui est exposé aux points 38 à 47 ci-après, lesquels se limitent à examiner le degré de distinctivité de la marque en cause, de remettre en cause cette présomption de caractère distinctif intrinsèque dans le cadre de la procédure de déchéance.

27      De même, la marque en cause doit, dans le cadre de la présente procédure, être présumée comme n’étant pas constituée exclusivement par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 207/2009, quand bien même cette marque aurait fait ou ferait encore l’objet d’un brevet et quand bien même le droit de la marque de l’Union européenne aurait été utilisé, en l’espèce, pour perpétuer, sans limitation dans le temps, des droits exclusifs portant sur des solutions techniques, circonstances qu’il n’incombait pas à l’EUIPO et qu’il n’incombe pas davantage au Tribunal d’apprécier ni même d’examiner dans le cadre de la procédure de déchéance.

28      En second lieu, s’agissant des arguments tirés, d’une part, de ce que la marque en cause présenterait, au mieux, un caractère distinctif très faible en raison de la fonctionnalité de la forme qu’elle protège et, d’autre part, de ce que les consommateurs se concentreront sur la marque verbale Bullerjan utilisée sur les produits en cause plutôt que sur la forme des poêles pour déterminer l’origine commerciale desdits produits, ils seront analysés à l’occasion de l’examen de la seconde branche du présent moyen.

29      La première branche du moyen unique doit donc être écartée sans préjudice du sort réservé aux arguments rappelés au point 28 ci-dessus.

 Sur la seconde branche du moyen unique, tirée de l’absence d’usage de la marque en cause dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée

30      Le requérant fait valoir que le titulaire de la marque en cause n’a vendu ses poêles et n’a fait de publicité pour ceux-ci qu’en les assortissant de l’élément verbal distinctif supplémentaire « Bullerjan » apposé de manière clairement visible sur la partie avant des poêles. Le requérant ajoute que, dans ces circonstances, le consommateur moyen se concentre uniquement sur cet élément pour déterminer l’origine commerciale des produits. Selon le requérant, le consommateur moyen ne reconnaîtrait absolument pas la forme des poêles comme constituant une indication de leur origine commerciale.

31      À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, le titulaire de la marque de l’Union européenne est déclaré déchu de ses droits sur demande déposée auprès de l’EUIPO si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union pour les produits pour lesquels elle est enregistrée et qu’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage. Ledit article précise toutefois que nul ne peut faire valoir que le titulaire est déchu de ses droits si, entre l’expiration de cette période et la présentation de la demande, la marque a fait l’objet d’un commencement ou d’une reprise d’usage sérieux.

32      En l’espèce, il convient de relever, d’emblée, que le requérant ne conteste pas la valeur probante des pièces produites par le titulaire de la marque en cause aux fins de prouver l’usage sérieux de cette marque.

33      Il y a également lieu de noter que lesdites pièces ne permettent pas, ainsi que le relève en substance le requérant, de démontrer l’usage de la marque en cause dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée, mais permettent uniquement de prouver l’usage de ladite marque en combinaison avec la marque verbale Bullerjan.

34      À cet égard, il est à rappeler que, aux termes de l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement n° 207/2009, est également considéré comme un usage sérieux, l’usage de la marque de l’Union européenne sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée.

35      L’objet de l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement n° 207/2009, qui évite d’imposer une conformité stricte entre la forme utilisée de la marque et celle sous laquelle la marque a été enregistrée, est de permettre au titulaire de cette dernière d’apporter au signe, à l’occasion de son exploitation commerciale, les variations qui, sans en modifier le caractère distinctif, permettent de mieux l’adapter aux exigences de commercialisation et de promotion des produits ou des services concernés. Par conséquent, lorsque le signe utilisé dans le commerce diffère de la forme sous laquelle celui-ci a été enregistré uniquement par des éléments négligeables, de sorte que les deux signes peuvent être considérés comme globalement équivalents, la disposition susvisée prévoit que l’obligation de démontrer l’usage de la marque enregistrée peut être remplie en rapportant la preuve de l’usage du signe qui en constitue la forme utilisée dans le commerce [voir arrêt du 15 septembre 2015, Nestlé Unternehmungen Deutschland/OHMI – Lotte (Représentation d’un koala), T‑483/12, non publié, EU:T:2015:635, point 74 et jurisprudence citée].

36      Dans le cadre de l’application de l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement n° 207/2009, la forme de l’usage de la marque en cause doit être appréciée au regard du caractère distinctif de celle-ci, afin de vérifier si ce caractère distinctif est altéré. Aux fins de cette vérification, il convient de tenir compte, en particulier, du degré plus ou moins élevé du caractère distinctif de la marque en cause.

37      En l’espèce, la chambre de recours a considéré qu’il n’existait aucune règle dans le régime des marques de l’Union européenne obligeant le titulaire d’une marque de l’Union européenne à prouver l’usage d’une marque antérieure de manière isolée. La chambre de recours a en effet noté que la pratique commerciale était telle qu’une marque était généralement utilisée en conjonction avec d’autres signes. Elle a, ensuite, estimé que la perception globale de la marque en cause n’était pas modifiée par la présence du panneau sur lequel était inscrit en relief l’élément verbal « Bullerjan ». Elle en a conclu que le terme « Bullerjan » n’altérait pas le caractère distinctif de la marque en cause.

38      Afin d’apprécier le bien-fondé de cette appréciation, il convient, dans un premier temps, de se prononcer sur le degré de caractère distinctif de la marque en cause puis, dans un second temps, de déterminer si la marque verbale Bullerjan apposée sur les produits visés par ladite marque altère le caractère distinctif de cette marque dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée au sens de l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement n° 207/2009.

39      En premier lieu, s’agissant du degré de caractère distinctif de la marque en cause, il y a lieu de noter que le requérant fait valoir, d’une part, que ladite marque possède une forme habituelle largement répandue et utilisée par de nombreux fabricants de poêle et, d’autre part, que ladite forme est dictée par des contraintes techniques. Le requérant en conclut que la marque en cause présente un très faible caractère distinctif.

40      Ainsi qu’il a été rappelé au point 24 ci-dessus, la chambre de recours ne s’est explicitement prononcée ni sur le caractère distinctif de la marque en cause, lequel est présumé comme il a été indiqué au point 26 ci-dessus, ni, partant, sur le degré de celui-ci.

41      Cependant, la chambre de recours a relevé à juste titre que la marque en cause était constituée d’une structure cylindrique et, en particulier, d’une chambre de combustion cylindrique, d’une base reposant sur quatre tuyaux sur la partie gauche et trois tuyaux sur la partie droite, d’une partie supérieure disposant également de quatre tuyaux sur la partie gauche et de trois tuyaux sur la partie droite, d’une ouverture circulaire avec une poignée sur la partie basse de la façade et d’une cheminée circulaire en haut de la partie arrière. En outre, l’ensemble de la structure présente une apparence métallique.

42      Force est de constater que la marque en cause diverge de manière significative des habitudes du secteur. En effet, il est notoire que la forme d’un poêle est généralement constituée d’un foyer, dans lequel a lieu la combustion du bois, d’un habillage ainsi que d’un raccordement au conduit de fumée et qu’elle rappelle, de manière plus ou moins fidèle, la forme d’une cheminée. Or, il est constant que la marque en cause diverge significativement d’une telle description au regard tant de sa forme cylindrique que du mode de fonctionnement induit par cette forme. Le poêle est en effet composé de plusieurs tuyaux d’acier qui sont courbés pour former une chambre de combustion horizontale cylindrique. Une telle conception, qui garantit que la quasi-totalité de la surface des tuyaux se situe dans la chambre de combustion, assurant un échange maximal de chaleur, ne relève pas des habitudes du secteur.

43      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument du requérant selon lequel le caractère distinctif de la marque en cause serait affaibli par le fait que de nombreux fabricants commercialisent des poêles présentant une forme identique ou, en tout état de cause, très semblable à la forme de la marque en cause.

44      Tout d’abord, il convient de noter que les pièces produites par le requérant ne permettent pas de démontrer que plusieurs fabricants commercialisaient des poêles de forme identique ou semblable à celle de la marque en cause durant la période de référence. En effet, lesdites pièces, produites tant en annexe de la requête que des observations du requérant à la suite de l’arrêt sur pourvoi, sont largement postérieures à la période de référence et ne sont donc pas de nature à remettre en cause l’appréciation figurant au point 42 ci-dessus. Le requérant ne produit aucun autre élément susceptible d’étayer ses affirmations.

45      En outre, et en tout état de cause, selon la jurisprudence, la simple énumération d’un nombre relativement limité de marques sans indication permettant de mesurer leur connaissance par le public pertinent ne permet pas de conclure à une association, dans l’esprit de ce dernier, entre la forme de ces marques et les produits qu’elles visent [voir, en ce sens, arrêt du 13 avril 2011, Sociedad Agricola Requingua/OHMI – Consejo Regulador de la Denominación de Origen Toro (TORO DE PIEDRA), T‑358/09, non publié, EU:T:2011:174, point 35]. Or, en l’espèce, si le requérant affirme que d’autres fabricants commercialisaient des produits présentant une forme très semblable à celle de la marque en cause, il n’apporte aucun élément de nature à établir que le public pertinent associait, dans son esprit, la forme de la marque en cause aux produits qu’elle vise. Dès lors, l’argument du requérant ne permet pas de considérer que la forme de la marque en cause relevait des habitudes du secteur.

46      Dans ces conditions, il convient de considérer que ladite marque présente un caractère distinctif élevé.

47      En second lieu, s’agissant de la question de savoir si l’utilisation combinée de la marque en cause et de la marque verbale Bullerjan altère le caractère distinctif de la marque en cause dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée, il convient de relever que la différence entre la forme sous laquelle la marque en cause a été enregistrée et celle sous laquelle elle est commercialisée réside dans l’ajout d’un panneau sur la partie supérieure de la façade, au-dessus de l’entrée dans la chambre de combustion, sur lequel apparaît en italique la marque verbale Bullerjan. À cet égard, il y a lieu de rappeler que la condition d’usage sérieux d’une marque au sens de l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement n° 207/2009 peut être remplie lorsqu’une marque est utilisée conjointement avec une autre marque, pour autant que la marque continue d’être perçue comme une indication de l’origine du produit en cause [arrêt du 28 février 2017, Labeyrie/EUIPO – Delpeyrat (Représentation d’un semis de poissons clairs sur fond foncé), T‑767/15, non publié, EU:T:2017:122, point 48]. Or, tel est le cas en l’espèce. En effet, force est de constater d’emblée que l’ajout de cette marque verbale ne modifie pas la forme de la marque en cause dans la mesure où le consommateur pourra toujours distinguer la forme de la marque tridimensionnelle, laquelle demeure identique, comme indication de l’origine des produits. En outre, ainsi que l’a relevé à juste titre la chambre de recours, ladite marque verbale occupe une petite partie de la structure et est uniquement visible quand la structure est vue depuis la partie avant de la chambre de combustion. Enfin, le panneau sur lequel la marque verbale est inscrite en relief est d’apparence métallique à l’instar de l’ensemble de la structure de sorte qu’il ne se distingue pas vraiment du reste de ladite structure. Ladite marque verbale est donc moins frappante que la forme du produit lui-même. Dans ces conditions, la perception globale de la marque en cause n’est pas modifiée par la présence du panneau sur lequel est inscrite la marque verbale Bullerjan. Cela est d’autant plus notable que, comme le reconnaît d’ailleurs le requérant, la combinaison entre une forme tridimensionnelle et une marque verbale additionnelle est courante dans le secteur en cause. Par suite, et compte tenu du caractère distinctif élevé de la marque en cause, ladite marque verbale, même si elle peut faciliter la détermination de l’origine commerciale des produits visés, n’altère pas le caractère distinctif de la marque en cause au sens de l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement n° 207/2009 et ne remet pas en cause le fait que la forme tridimensionnelle suffit, à elle seule, pour déterminer l’origine commerciale desdits produits.

48      Il convient donc de rejeter comme non fondée la seconde branche du moyen unique ainsi que ledit moyen et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

49      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En l’espèce, le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’EUIPO devant le Tribunal et la Cour, conformément aux conclusions de celui-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Toni Klement est condamné à ses propres dépens ainsi qu’à ceux exposés par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) devant le Tribunal et la Cour.

Berardis

Papasavvas

Spineanu-Matei

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 octobre 2017.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.