Language of document : ECLI:EU:T:1998:217

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

16 septembre 1998 (1)

«Aides d'État — Exonérations fiscales — Refus d'ouvrir la procédure prévue par l'article 93, paragraphe 2, du traité — Notion d'intéressé — Acte confirmatif — Irrecevabilité»

Dans l'affaire T-188/95,

Waterleiding Maatschappij «Noord-West Brabant» NV, société de droit néerlandais, établie à Oudenbosch (Pays-Bas), représentée par Mes Pieter H. L. M. Kuypers, avocat au barreau de Breda, et Hans M. Gilliams, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Jean-Marie Bauler, 47, Grand-rue,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. Hubert van Vliet, membre du service juridique, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume des Pays-Bas, représenté par MM. Marc Fierstra et Johannes Steven van den Oosterkamp, conseillers juridiques adjoints au ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l'ambassade des Pays-Bas, 5, rue C. M. Spoo,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision SG(95) D/8442 de la Commission, du 3 juillet 1995, relative à l'aide NN 13/95 — Pays-Bas — Wet belastingen op milieugrondslag,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre élargie),

composé de Mme P. Lindh, président, MM. R. García-Valdecasas, K. Lenaerts, J. D. Cooke, et M. Jaeger, juges,

greffier: M. A. Mair, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 25 mars 1998,

rend le présent

Arrêt

Faits à l'origine du recours

1.
    En 1992, le gouvernement néerlandais a présenté au Parlement néerlandais (Staten-Generaal) une proposition de loi intitulée «Wet op de verbruiksbelastingen op milieugrondslag», devenue Wet belastingen op milieugrondslag (loi instituant des taxes de consommation pour la protection de l'environnement, ci-après «WBM»). Il proposait de frapper deux produits — l'eau souterraine et les déchets — de nouvelles taxes à la consommation et d'intégrer dans cette loi la taxe déjà existante sur des carburants. La proposition prévoyait une taxe de 0,25 HFL par m3 d'eau souterraine captée par les sociétés de distribution d'eau [article 9, sous a)]. Un taux préférentiel de 0,125 HFL par m3 serait applicable aux autres entreprises qui captent elles-mêmes de l'eau souterraine (ci-après «entreprises auto-alimentées») [article 9, sous b)]. Elle prévoyait cependant une exemption totale de la taxe sur les eaux souterraines pour les entreprises auto-alimentées ayant une capacité d'extraction inférieure ou égale à 10 m3 par heure [article 8, sous a)]. Le captage d'eau par une entreprise à des fins d'irrigation ou d'arrosage était aussi exempté, à condition qu'il ne dépasse pas 100 000 m3 [article 8, sous e)].

En ce qui concerne la taxe sur les déchets, elle était fixée à 28,50 HFL par 1 000 kilos (article 18). La proposition de loi comportait une exemption de la taxe sur les déchets pour le recyclage de boues draguées non épurables et de terres polluées non épurables (article 17).

2.
    Par lettre du 7 août 1992, cette proposition de loi a été notifiée à la Commission, en vertu de l'article 93, paragraphe 3, du traité CE.

3.
    Par lettre du 3 décembre 1992, la Commission a fait savoir au gouvernement néerlandais qu'elle avait pris, le 25 novembre 1992, la décision SG(92) D/17278 de ne pas soulever d'objection à l'encontre des mesures d'aide qui étaient incluses dans la WBM et concernaient les taxes sur le captage de l'eau souterraine et sur les déchets offerts à un établissement de traitement de déchets.

4.
    Elle indiquait dans cette lettre que la taxe sur la consommation portant sur l'extraction de l'eau souterraine permettait des allégements, à savoir:

—    un certain nombre d'exemptions pour les petites extractions sur une base permanente et temporaire, exemptions fonctionnant en tant que seuils pour simplifier la praticabilité de la perception de la taxe;

—    un taux différencié selon que l'extraction est faite par des sociétés de distribution d'eau ou par des entreprises auto-alimentées.

5.
    Cette décision a été mentionnée au Journal officiel des Communautés européennes du 24 mars 1993 (JO C 83, p. 3).

6.
    Par lettre du 6 décembre 1993, le gouvernement néerlandais a notifié à la Commission, en vertu de l'article 93, paragraphe 3, du traité, une proposition de modification de la WBM. Les modifications envisagées portaient, notamment, sur le taux de la taxe sur les eaux souterraines, fixé désormais à 0,34 HFL pour les sociétés de distribution d'eau et à 0,17 HFL pour les entreprises auto-alimentées [nouvel article 9, sous a) et sous b)].

7.
    Par lettre du 13 avril 1994, la Commission a informé le gouvernement néerlandais de sa décision du 29 mars 1994 de ne pas soulever d'objection contre ces modifications.

8.
    Ladite décision a été mentionnée au Journal officiel du 4 juin 1994 (JO C 153, p. 20).

9.
    Ensuite, par courrier du 27 octobre 1994, le gouvernement néerlandais a notifié à la Commission, en vertu de l'article 93, paragraphe 3, du traité, une proposition de modification de la WBM par l'introduction d'une précision à titre permanent et de

deux précisions à titre temporaire, qu'elle avait déposée auprès du Parlement néerlandais le 13 octobre 1994.

10.
    En ce qui concerne la taxe sur l'eau souterraine, il proposait deux mesures fiscales favorables (ci-après «exonération pour l'eau de rinçage»), à savoir une exemption pour le captage d'eau souterraine pour le rinçage des emballages réutilisables [nouvel article 8, sous h), de la WBM], ainsi que des possibilités de restitution de taxe pour les entreprises qui se procurent de l'eau auprès d'une société de distribution d'eau en vue de rincer des emballages réutilisables (nouvel article 10 A).

11.
    En ce qui concerne la taxe sur les déchets, il prévoyait une augmentation de la taxe de 28,50 à 29,20 HFL par 1 000 kilos (nouvel article 18 de la WBM), une possibilité de restitution de la taxe à toute personne livrant des résidus de désencrage à des fins de transformation (nouvel article 18 A, paragraphe 1, ci-après «exonération pour résidus de désencrage») et à toute personne livrant des déchets de recyclage des matières plastiques à une entreprise de transformation des déchets (nouvel article 18 A, paragraphe 2, ci-après «exonération pour les déchets de recyclage des matières plastiques»).

12.
    Par lettre du 25 novembre 1994, la Commission a demandé des renseignements supplémentaires, lesquels ont été fournis par le gouvernement néerlandais par lettre du 20 décembre 1994. Dans celle-ci, le gouvernement néerlandais a informé la Commission que la seconde chambre du Parlement néerlandais avait, entre-temps, adopté la proposition de loi avec quelques modifications, dont l'une consistait à assimiler de manière temporaire les boues draguées épurables aux boues draguées non épurables.

13.
    La version finale de la WBM comportant ces modifications a été approuvée le 23 décembre 1994 par les autorités néerlandaises. La loi est entrée en vigueur le 1er janvier 1995.

14.
    Entre-temps, la requérante, société néerlandaise de distribution d'eau, et la Vereniging van Exploitanten van Waterleidingbedrijven in Nederland (ci-après «VEWIN») avaient introduit le 16 décembre 1994 une plainte auprès de la Commission, dénonçant l'incompatibilité de la WBM avec le droit communautaire et invitant la Commission, notamment, à déclencher l'examen formel des mesures d'aide litigieuses en vertu de l'article 93, paragraphe 2, du traité et à entendre les plaignants avant de prendre une décision.

15.
    Par courrier du 25 janvier 1995 intitulé «Mesure d'aide NN 13/95 (N639/94) — Proposition de loi de modification de la WBM», la Commission a informé le gouvernement néerlandais que, en raison de l'adoption et de l'entrée en vigueur de la proposition de loi de modification de la WBM par l'introduction d'une précision à titre permanent et de deux précisions à titre temporaire, avant son approbation par la Commission, les mesures d'aide de la loi étaient considérées

comme des aides non notifiées. A cette occasion, elle a demandé communication des textes intégraux de la WBM.

16.
    Le 15 février 1995, le gouvernement néerlandais lui a fait parvenir ces textes. Il a signalé qu'ils étaient identiques à ceux déjà envoyés avec le courrier du 20 décembre 1994. Il a ajouté que l'application des restitutions de taxes perçues ne serait effective qu'à partir du 1er avril 1995, ce qui donnerait à la Commission suffisamment de temps pour prendre sa décision.

17.
    Le 17 mars 1995, la requérante et la VEWIN ont introduit une plainte complémentaire, exigeant à nouveau que la Commission entame l'examen formel des mesures d'aide litigieuses et la sommant d'ordonner la suspension de la mise en oeuvre de la WBM.

18.
    Par décision SG(95) D/8442, du 3 juillet 1995, relative à l'aide NN 13/95 — Pays-Bas — Wet belastingen op milieugrondslag (ci-après «décision attaquée»), la Commission a porté à la connaissance du gouvernement néerlandais son analyse de la situation:

«Les mesures d'aide figurant dans la WBM, qui relèvent du champ d'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité CE et de l'article 61, paragraphe 1, de l'accord EEE, peuvent être considérées comme étant compatibles avec le marché commun en raison de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité CE et de l'article 61, paragraphe 3, sous c), de l'accord EEE, étant donné qu'elles sont conformes aux dispositions du paragraphe 3.4. de l'Encadrement communautaire concernant les aides d'État pour la protection de l'environnement.» (Décision attaquée, p. 9, septième alinéa)

19.
    Par lettre du 2 août 1995, elle a fait savoir aux plaignants qu'elle approuvait les mesures d'aide dénoncées par ceux-ci dans leurs deux plaintes susvisées. Elle a joint à son courrier une copie de la décision attaquée.

Procédure et conclusions des parties

20.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 octobre 1995, la requérante a introduit un recours en annulation de la décision attaquée.

21.
    Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 11 décembre 1995, la Commission a soulevé une exception d'irrecevabilité en vertu de l'article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure.

22.
    Par ordonnance du 27 mars 1996, le royaume des Pays-Bas a été admis à intervenir à l'appui des conclusions de la Commission.

23.
    Par ordonnance du 17 octobre 1996, le Tribunal (quatrième chambre élargie) a décidé de joindre au fond l'exception d'irrecevabilité soulevée.

24.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    annuler la décision attaquée;

—    dans l'hypothèse où la décision attaquée ne pourrait pas être annulée surla base des quatre premiers moyens soulevés par la requérante, ordonner à la Commission de produire tous les documents internes ayant trait à l'adoption de cette décision, afin de déterminer si celle-ci a été adoptée en application du principe de collégialité et du règlement de procédure de la Commission;

—    condamner la Commission aux dépens.

25.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    déclarer le recours irrecevable;

—    à titre subsidiaire, le rejeter au fond;

—    condamner la requérante aux dépens.

26.
    La partie intervenante demande qu'il soit fait droit aux conclusions de la Commission.

27.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre élargie) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables. Toutefois, il a invité les parties à répondre à certaines questions écrites avant l'audience, auxquelles il a été répondu dans les délais.

28.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée le 25 mars 1998.

En droit

29.
    La requérante invoque six moyens à l'appui de son recours, tirés, premièrement, de l'irrégularité de la procédure résultant de la non-ouverture de la procédure formelle prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité, deuxièmement, d'une violation de l'article 190 du traité, troisièmement, d'une violation de plusieurs principes généraux du droit communautaire, quatrièmement, d'un excès de pouvoir, cinquièmement, d'une violation de l'article 163 du traité et, sixièmement, de la non-ouverture de la procédure formelle prévue par l'article 93, paragraphe 2, du traité

en ce qui concerne les éléments d'aide de la WBM précédemment approuvés par la Commission.

30.
    La requérante ayant retiré son cinquième moyen au cours de l'audience, le deuxième chef des conclusions de la requête, visant à une mesure d'organisation de la procédure au soutien de ce moyen, est devenu sans objet.

Sur la recevabilité

31.
    La Commission et la partie intervenante estiment que le recours est irrecevable pour deux raisons: d'une part, la requérante ne serait pas individuellement concernée par la décision attaquée, au sens de l'article 173, quatrième alinéa, du traité; d'autre part, la décision attaquée serait une décision confirmative pour autant qu'elle déclare compatibles avec le marché commun des éléments d'aide de la WBM qui avaient déjà été approuvés par des décisions devenues entre-temps inattaquables.

32.
    Il convient d'examiner successivement ces deux fins de non-recevoir, avant d'examiner certaines circonstances particulières invoquées par la requérante pour justifier la recevabilité du présent recours.

A — Sur la question de savoir si la requérante est directement et individuellement concernée par la décision attaquée

Argumentation des parties

33.
    La Commission soutient que la requérante n'est pas individuellement concernée par la décision attaquée.

34.
    A cet égard, il ressortirait d'une jurisprudence constante de la Cour et du Tribunal que seules des entreprises en concurrence directe avec les bénéficiaires d'une mesure d'aide d'État peuvent, le cas échéant, être individuellement concernées par une décision d'approbation de cette aide.

35.
    En l'espèce, les entreprises bénéficiaires des aides en question relèveraient de l'industrie alimentaire, de l'industrie du papier et du carton et de l'industrie du recyclage des matières plastiques. Elles ne se trouveraient donc pas dans une position de concurrence directe par rapport à la requérante, société de distribution d'eau. Celle-ci ne se trouverait pas non plus dans une position de concurrence par rapport aux entreprises auto-alimentées, lesquelles auraient obtenu l'autorisation de capter elles-mêmes de l'eau souterraine pour l'utiliser dans la production d'autres biens.

36.
    A l'audience, se référant à l'arrêt du Tribunal du 5 novembre 1997, Ducros/Commission (T-149/95, Rec. p. II-2031, points 33 à 43), et à l'ordonnance du Tribunal du 18 février 1998, Comité d'entreprise de la Société française de production/Commission (T-189/97, non encore publié au Recueil, point 42), la Commission a encore fait valoir que, même si la requérante avait la qualité d'intéressée au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité, cette circonstance ne suffirait pas à démontrer qu'elle est individuellement concernée par la décision attaquée, au sens de l'arrêt de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission (25/62, Rec. p. 197, 223).

37.
    Elle soutient en outre que la requérante ne peut pas être individuellement concernée en raison du caractère normatif de la décision attaquée, laquelle n'approuverait que l'application de dispositions fiscales ayant une portée générale. Une telle décision s'appliquerait à des situations déterminées objectivement et comporterait des effets juridiques à l'égard d'une catégorie de personnes envisagées de manière générale et abstraite (arrêt du Tribunal du 5 juin 1996, Kahn Scheepvaart/Commission, T-398/94, Rec. p. II-477). Par conséquent, elle n'atteindrait la requérante qu'en raison de sa qualité objective de société de distribution d'eau.

38.
    La Commission conteste l'affirmation de la requérante selon laquelle les aides litigieuses seraient financées par les taxes qui lui sont imposées. En effet, le produit des taxes prévues par la WBM serait versé au budget général de l'État néerlandais. En tout état de cause, le financement des aides serait dénué de pertinence pour ce qui concerne la question de la recevabilité du recours. Celui-ci ne serait pas recevable au seul motif que la requérante s'estime lésée parce qu'elle est redevable de certaines taxes prévues dans la WBM, cette circonstance n'ayant aucun rapport avec les éventuels éléments d'aide contenus dans cette loi.

39.
    La partie intervenante estime que les critères retenus par la jurisprudence pour identifier les particuliers individuellement concernés par une décision de la Commission approuvant une mesure d'aide d'État après avoir suivi la procédure formelle prévue par l'article 93, paragraphe 2, du traité devraient également s'appliquer au cas où la Commission prend une décision en vertu de l'article 93, paragraphe 3, du traité, après un examen préliminaire. Ce parallélisme limiterait le nombre de recours possibles contre des décisions adoptées en vertu de l'article 93, paragraphe 3, du traité, en vue de respecter à la fois le but de tels recours, à savoir sauvegarder les droits des intéressés au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité, et la portée de l'article 173, quatrième alinéa, de celui-ci.

40.
    Comme la Commission, la partie intervenante souligne qu'un requérant doit être dans une position de concurrence par rapport aux entreprises bénéficiant de la mesure d'aide en cause pour être individuellement concerné par la décision d'approbation. Or, en l'espèce, les griefs de la requérante seraient tirés de la seule circonstance qu'elle est redevable de la taxe prévue dans la WBM. Ils ne seraient donc liés d'aucune manière à une concurrence rencontrée dans ses activités. Dès

lors, la requérante n'aurait pas indiqué pour quel motif la décision attaquée peut nuire à ses intérêts légitimes et influencer de manière notable sa position sur le marché concerné, comme l'exigerait l'arrêt de la Cour du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission (169/84, Rec. p. 391, point 28). En outre, le seul fait que la requérante exerce une activité de distribution d'eau n'impliquerait pas nécessairement qu'elle se trouve en concurrence avec les entreprises bénéficiaires des aides contenues dans la WBM.

41.
    Le gouvernement néerlandais fait remarquer que l'intérêt de la requérante ne réside pas dans la disparition des allégements établis par la WBM, mais bien dans l'anéantissement des taxes sur les déchets et sur les eaux souterraines prévues par celle-ci. A cet égard, la requérante elle-même indiquerait qu'elle est affectée de manière importante par la taxe sur les déchets, parce que les entreprises de distribution d'eau produisent de grandes quantités de boues épurables soumises à la taxe sur les déchets. Se référant aux arrêts du Tribunal du 17 septembre 1992, NBV et NVB/Commission (T-138/89, Rec. p. II-2181, point 33), et du 27 avril 1995, Casillo Grani/Commission (T-443/93, Rec. p. II-1375, point 7), et à l'arrêt de la Cour du 19 octobre 1995, Rendo e.a./Commission (C-19/93 P, Rec. p. I-3319, points 12 à 16), le gouvernement néerlandais estime que la requérante ne dispose pas d'un intérêt à agir. D'une part, elle ne serait pas une concurrente des bénéficiaires des aides, de sorte qu'une annulation éventuelle de la décision attaquée n'affecterait pas sa position concurrentielle. D'autre part, une telle annulation n'affecterait pas la position de la requérante en tant qu'assujettie à la WBM, puisqu'elle resterait redevable des taxes instaurées par cette loi.

42.
    La requérante soutient au contraire qu'elle est individuellement concernée par la décision attaquée. Les conditions de recevabilité d'un recours formé contre une décision de la Commission prise dans le cadre de la procédure préalable de l'article 93, paragraphe 3, du traité seraient moins rigoureuses que celles d'un recours formé contre une décision de la Commission prise dans le cadre de la procédure formelle de l'article 93, paragraphe 2, du traité. Elles tendraient au respect des droits procéduraux que les intéressés tirent de cette dernière disposition. Tous les intéressés, sans distinction, seraient recevables à agir contre une décision prise dans le cadre de la procédure préalable. Les intéressés au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité seraient non seulement l'entreprise ou les entreprises bénéficiant d'une aide, mais tout autant «les personnes, entreprises ou associations éventuellement affectées dans leurs intérêts par l'octroi de l'aide, notamment les entreprises concurrentes et les organisations professionnelles» (arrêts de la Cour du 14 novembre 1984, Intermills/Commission, 323/82, Rec. p. 3809, point 16, et du 19 mai 1993, Cook/Commission, C-198/91, Rec. p. I-2487, point 24). L'utilisation de l'adverbe «notamment» montrerait que la Cour n'a cité les concurrents des entreprises bénéficiaires de l'aide qu'à titre d'exemple. Par conséquent, il suffirait d'établir un lien causal entre, d'une part, l'octroi de l'aide et, d'autre part, le préjudice porté aux intérêts de la personne ou de l'entreprise qui intente un

recours en annulation, sans qu'il soit besoin que celle-ci se trouve dans une position de concurrence avec le bénéficiaire de l'aide.

43.
    En tout état de cause, la requérante serait en position de concurrence avec les entreprises auto-alimentées, dans la mesure où, par l'effet de la WBM, les entreprises passeraient d'un approvisionnement auprès des sociétés de distribution d'eau comme la requérante à une auto-extraction (voir ci-après point 45).

44.
    La requérante serait affectée de manière importante par la taxe sur les déchets, parce que les entreprises de distribution d'eau produiraient de grandes quantités de boues épurables, lesquelles sont soumises à la taxe sur les déchets.

45.
    En outre, elle aurait perdu des revenus à cause du comportement de fuite des entreprises, qui, à la suite des mesures d'aide contenues dans la WBM, seraient passées d'un approvisionnement d'eau auprès de la requérante à une auto-extraction. La WBM prévoirait en effet des exonérations pour les entreprises auto-alimentées et ces exonérations rendraient l'eau extraite sensiblement moins coûteuse qu'une eau achetée auprès de la requérante. Il existerait donc un lien decausalité direct entre l'exonération des entreprises auto-alimentées et le préjudice subi par la requérante.

46.
    Quant à l'exonération pour l'eau de rinçage, elle aurait le même effet. Les utilisateurs de cette eau seraient en effet, dans un très grand nombre de cas, des entreprises auto-alimentées. Le comportement de fuite des utilisateurs d'eau entraînerait inévitablement d'autres augmentations de prix de l'eau, qui, à leur tour, provoqueraient une fuite supplémentaire vers l'auto-extraction, dès lors que la plupart des coûts d'une société de distribution d'eau seraient des coûts fixes. Il serait évident que le prix de l'eau augmente si les coûts doivent être répartis sur un nombre décroissant de consommateurs.

47.
    Au surplus, la requérante serait affectée par les aides accordées, dans la mesure où celles-ci seraient financées, dans la WBM, par une augmentation de la taxe sur les déchets de 28,50 à 29,20 HFL. La requérante subirait ainsi une charge supplémentaire d'impôts pour financer l'octroi d'aides à d'autres entreprises. Elle serait donc affectée par ces aides.

48.
    La WBM aurait été adoptée en vue d'influencer le volume de la distribution et de l'utilisation d'eau. Dès lors, la requérante, société de distribution d'eau, serait affectée par les mesures d'aide que la WBM comporte.

49.
    Les sociétés de distribution d'eau occuperaient une position unique sous l'empire de la WBM. Elles seraient les seules entreprises frappées par le taux plein de l'impôt sur les eaux souterraines. Au moment de l'adoption de la WBM, le nombre de sociétés de distribution d'eau soumises au taux plein de l'impôt aurait été connu et connaissable, de sorte qu'elles formeraient un groupe fermé dont les membres seraient individualisés par le prélèvement institué par la WBM.

Appréciation du Tribunal

50.
    L'article 173, quatrième alinéa, du traité permet aux personnes physiques ou morales d'attaquer les décisions dont elles sont les destinataires ou celles qui, bien que prises sous l'apparence d'un règlement ou d'une décision adressée à une autre personne, les concernent directement et individuellement.

51.
    Dans la présente affaire, il y aura lieu d'abord d'examiner la notion de partie intéressée au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité en tant que condition de recevabilité du recours. Il y aura lieu ensuite de vérifier si la requérante a effectivement la qualité de partie intéressée au sens de cette disposition.

— Sur la qualité de partie intéressée au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité, en tant que condition de recevabilité du recours

52.
    Dans le cadre de l'article 93 du traité, doivent être distinguées, d'une part, la phase préliminaire d'examen des aides instituée par le paragraphe 3, qui a seulement pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité partielle ou totale de l'aide en cause et, d'autre part, la phase d'examen de l'article 93, paragraphe 2. Ce n'est que dans le cadre de celle-ci, qui est destinée à permettre à la Commission d'avoir une information complète sur l'ensemble des données de l'affaire, que le traité prévoit l'obligation, pour la Commission, de mettre en demeure les intéressés de présenter leurs observations (arrêts de la Cour Cook/Commission, précité, point 22, du 15 juin 1993, Matra/Commission, C-225/91, Rec. p. I-3203, point 16, et du 2 avril 1998, Commission/Sytraval, C-367/95 P, non encore publié au Recueil, point 38).

53.
         Lorsque, sans ouvrir la procédure de l'article 93, paragraphe 2, du traité, la Commission constate, sur le fondement du paragraphe 3 du même article, qu'une aide est compatible avec le marché commun, les bénéficiaires de ces garanties de procédure ne peuvent en obtenir le respect que s'ils ont la possibilité de contester devant le juge communautaire cette décision de la Commission (arrêts Cook/Commission, précité, point 23, Matra/Commission, précité, point 17, et Commission/Sytraval, précité, point 40). Pour ces motifs, la Cour et le Tribunal déclarent recevable un recours visant à l'annulation d'une décision prise sur le fondement de l'article 93, paragraphe 3, du traité, par un intéressé au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité, lorsque l'intéressé tend, par l'introduction de son recours, à faire sauvegarder les droits procéduraux qu'il tire de l'article 93, paragraphe 2, du traité (arrêts Cook/Commission, précité, points 23 à 26, et Matra/Commission, précité, points 17 à 20; arrêt du Tribunal du 22 octobre 1996, Skibsværftsforeningen e.a./Commission, T-266/94, Rec. p. II-1399, point 45).

54.
    Toutefois, lorsqu'une partie requérante ne cherche pas à obtenir l'annulation d'une décision prise dans le cadre de la procédure préliminaire prévue par l'article 93, paragraphe 3, du traité au motif que la Commission aurait violé l'obligation d'ouvrir la procédure de l'article 93, paragraphe 2, du traité, ou au motif que les garanties de procédure prévues par cette dernière disposition auraient été violées, le simple fait qu'elle puisse être considérée comme une partie intéressée au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité ne saurait suffire pour admettre que la requérante est individuellement concernée au sens de l'article 173, quatrième alinéa, du traité (arrêt Skibsværftsforeningen e.a./Commission, précité, point 45). Dans une telle hypothèse, le recours ne sera recevable que si la partie requérante est atteinte par la décision attaquée en raison d'autres circonstances susceptibles de l'individualiser d'une manière analogue à celle du destinataire, au sens de l'arrêt Plaumann/Commission, précité (arrêt Skibsværftsforeningen e.a./Commission, précité, point 45).

55.
    En l'espèce, la décision attaquée a été prise sur la base de l'article 93, paragraphe 3, du traité, sans que la Commission ait ouvert la procédure formelle prévue par l'article 93, paragraphe 2.

56.
    Dans sa requête introductive d'instance, la requérante demande l'annulation de la décision attaquée au motif que la Commission aurait refusé à tort d'ouvrir la procédure formelle prévue par l'article 93, paragraphe 2, du traité, en ce qui concerne les aides approuvées par cette décision. Elle estime en effet que l'ouverture d'une telle procédure s'imposait, dès lors qu'une première appréciation des aides en question soulevait des difficultés sérieuses quant à leur compatibilité avec le marché commun.

57.
    Au vu des éléments qui précèdent, elle devra donc être considérée comme directement et individuellement concernée par la décision attaquée s'il apparaît qu'elle a la qualité d'intéressée au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité.

58.
    Dans ces conditions, l'argument de la Commission selon lequel la seule qualité d'intéressée ne saurait suffire à individualiser la requérante au sens de l'article 173, quatrième alinéa, du traité doit être rejeté. Au demeurant, il convient de souligner que la jurisprudence invoquée par la Commission pour étayer son argument (voir ci-dessus point 36) a été développée dans le cadre de recours en annulation dirigés contre des décisions déclarant des aides compatibles avec le marché commun à la suite de l'ouverture de la procédure de l'article 93, paragraphe 2, du traité.

— Sur la question de savoir si la requérante a la qualité de partie intéressée au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité

59.
    La Commission et le gouvernement néerlandais estiment que la requérante n'a pas la qualité d'intéressée au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité, dès lors qu'elle n'est pas une concurrente directe des bénéficiaires des mesures d'aide

approuvées par la décision attaquée. Se référant à l'arrêt Kahn Scheepvaart/Commission, précité, ils estiment en outre que le recours doit être déclaré irrecevable, eu égard à la portée générale de la décision attaquée.

60.
    Il ressort d'une jurisprudence constante que les intéressés visés par l'article 93, paragraphe 2, du traité sont non seulement l'entreprise ou les entreprises favorisées par une aide, mais tout autant les personnes, entreprises ou associations éventuellement affectées dans leurs intérêts par l'octroi de l'aide, notamment les entreprises concurrentes et les organisations professionnelles (arrêt Intermills/Commission, précité, point 16; voir, aussi, arrêts Cook/Commission, précité, point 24, Matra/Commission, précité, point 18, et Commission/Sytraval, précité, point 41, confirmant l'arrêt du Tribunal du 28 septembre 1995, Sytraval et Brink's France/Commission, T-95/94, Rec. p. II-2651).

61.
    Bien que l'utilisation de l'adverbe «notamment» par le juge communautaire puisse indiquer qu'une entreprise qui n'est pas une concurrente directe du bénéficiaire d'une aide peut avoir la qualité d'intéressée au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité, il convient toutefois de souligner que, dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt Intermills/Commission, précité, la requérante était le bénéficiaire d'une aide individuelle déclarée incompatible avec le marché commun, tandis que dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts Cook/Commission, Matra/Commission et Sytraval et Brink's France/Commission, également précités, les requérantes étaient ou représentaient des entreprises concurrentes du bénéficiaire de la mesure étatique individuelle dénoncée. Le recours dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt Intermills/Commission, précité, a été déclaré recevable au motif que, en sa qualité de bénéficiaire de l'aide en question, la requérante était directement et individuellement concernée par la décision de la Commission (arrêt Intermills/Commission, point 5). Dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts Cook/Commission, Matra/Commission, et Sytraval et Brink's France/Commission, précités, les parties requérantes, en tant que concurrentes directes des bénéficiaires de la mesure étatique dénoncée, avaient clairement la qualité d'intéressées au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité. En outre, les recours visaient au respect des garanties de procédure prévues par cette dernière disposition. Les requérantes étaient donc recevables à demander l'annulation de la décision de la Commission déclarant les aides compatibles avec le marché commun (arrêts Cook/Commission, précité, points 23 à 26, et Matra/Commission, précité, point 17 à 20) ou de celle déclarant que les mesures dénoncées ne constituaient pas des aides au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité (arrêt Commission/Sytraval, précité, point 48).

62.
    Toutefois, lorsque, sans ouvrir la procédure de l'article 93, paragraphe 2, du traité, la Commission constate, sur le fondement du paragraphe 3 du même article, qu'un régime général d'aide est compatible avec le marché commun, un recours en annulation introduit à l'encontre d'une telle décision sera irrecevable si la position concurrentielle du requérant sur le marché n'est pas affectée par l'octroi de l'aide.

En effet, dans de telles circonstances, le requérant n'a pas la qualité d'intéressé au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité.

63.
    Ainsi, dans son ordonnance du 30 septembre 1992, Landbouwschap/Commission (C-295/92, Rec. p. I-5003), la Cour a jugé (point 12):

«[...] il résulte du dossier que les aides litigieuses bénéficient uniquement à un groupe de grandes entreprises industrielles avec lesquelles ni la partie requérante ni les horticulteurs qu'elle représente ne sont en position de concurrence. Le maintien ou l'annulation de la décision attaquée, par laquelle la Commission a autorisé l'octroi de ces aides aux entreprises industrielles en question, n'est, dès lors, en aucune manière de nature à affecter leurs intérêts.»

64.
    De même, dans l'arrêt Kahn Scheepvaart/Commission, précité, le Tribunal a jugé (points 49 et 50) que la requérante n'avait pas la qualité d'intéressée au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité et que, ne se trouvant pas en position de concurrence avec les bénéficiaires du régime général d'aide en question, elle n'était «qu'indirectement et potentiellement affectée» par celui-ci. Dès lors, il a également déclaré le recours irrecevable.

65.
    Il convient dès lors d'examiner les différents arguments invoqués par la requérante pour démontrer que, malgré le caractère général des aides contenues dans la WBM, elle a néanmoins la qualité d'intéressée au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité.

66.
    La requérante prétend, en premier lieu, que les sociétés de distribution d'eau sont les seules entreprises frappées par le taux plein de l'impôt sur les eaux souterraines. Par ailleurs, elle insiste sur le fait qu'elle produit de grandes quantités de boues épurables soumises à la taxe sur les déchets et que cette taxe a été augmentée pour financer les aides qui ont été notifiées à la Commission le 27 octobre 1994.

67.
    Ces arguments doivent être rejetés. En effet, pour démontrer sa qualité d'intéressée au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité, la requérante est tenue d'établir que les aides prévues par la WBM affectent sa position concurrentielle sur le marché. Or, la circonstance que la requérante soit frappée par le taux plein de l'impôt sur les eaux souterraines ne démontre pas, en soi, que sa position concurrentielle sur le marché soit affectée par les aides contenues dans la WBM, et notamment par l'allégement de la taxe sur les eaux souterraines en faveur de certaines entreprises. De même, la circonstance que la taxe sur les déchets aurait été augmentée en vue de financer le coût de certaines aides prévues par la WBM ne permet pas de déduire, au seul motif que la requérante doit supporter cette taxe en raison de sa qualité objective de producteur de déchets, mais au même titre que tout autre opérateur économique se trouvant dans une situation identique, que ces aides affectent sa position concurrentielle sur le marché.

68.
    Suivre le raisonnement de la requérante reviendrait à admettre que tout contribuable est un intéressé au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité, par rapport à une aide financée au moyen des ressources fiscales générales d'un État membre. Une telle interprétation serait manifestement incompatible avec l'interprétation par la jurisprudence des dispositions de l'article 93, paragraphe 2, du traité (arrêts Intermills/Commission, précité, point 16, Cook/Commission, précité, point 24, Matra/Commission, précité, point 18, et Kahn Scheepvaart/Commission, précité, points 47 à 50). Elle aurait en outre pour conséquence de priver de toute signification juridique la notion de «personne individuellement concernée», au sens de l'article 173, quatrième alinéa, du traité, dans les recours en annulation dirigés contre des décisions prises sur le fondement de l'article 93, paragraphe 3, du traité.

69.
    En second lieu, la requérante a soutenu à l'audience que les sociétés de distribution d'eau sont les seules entreprises dont on pourrait raisonnablement attendre qu'elles introduisent un recours en annulation à l'encontre de la décision attaquée. Cette seule circonstance n'est toutefois pas non plus de nature à démontrer que les aides approuvées dans la décision attaquée affectent la requérante dans sa position concurrentielle sur le marché. L'argument doit donc être rejeté, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'éventuelle tardiveté de celui-ci. Par ailleurs, comme l'a souligné à juste titre la Commission au cours de l'audience, l'argument manque en fait. En effet, rien n'aurait empêché les concurrents directs des bénéficiaires de l'aide établis dans d'autres États membres et affectés dans leur position concurrentielle par l'exonération pour l'eau de rinçage dont bénéficient les producteurs néerlandais d'introduire un recours en annulation à l'encontre de la décision attaquée.

70.
    Avant d'examiner, en troisième lieu, les autres arguments de la requérante, il convient de rappeler les différents éléments d'aide que comporte la WBM, dans la mesure où ces arguments portent précisément sur des aides spécifiques contenues dans cette loi.

71.
    Celle-ci contient, d'une part, une série d'exonérations de la taxe sur les déchets: une exemption pour le recyclage de boues draguées polluées non épurables et de terres polluées non épurables (article 17); une exemption pour le recyclage de déchets par l'entreprise pour son propre compte [article 12, sous c)]; une exemption pour les déchets qui sont exportés (voir exposé des motifs de la WBM); une exonération pour résidus de désencrage (article 18 A, paragraphe 1); une exonération pour les déchets de recyclage des matières plastiques (article 18 A, paragraphe 2) et une exemption pour le recyclage de boues draguées épurables polluées (lettre du gouvernement néerlandais à la Commission du 20 décembre 1994; voir ci-dessus point 12).

72.
    A cet égard, rien n'empêche la requérante de bénéficier en particulier de l'exemption pour le recyclage de déchets pour son propre compte ou de celle pour

les déchets exportés. En tant que bénéficiaire potentielle de telles exemptions, la requérante n'a aucun intérêt à demander l'annulation de la décision attaquée dans la mesure où celle-ci déclarerait ces aides compatibles avec le marché commun.

73.
    En ce qui concerne les autres exonérations de la taxe sur les déchets, il s'avère que les bénéficiaires de ces aides sont des entreprises spécialisées dans le dragage, le désencrage ou le recyclage de matières plastiques. Par conséquent, de telles exonérations ne sauraient en principe affecter la position concurrentielle sur le marché de la requérante, qui est une société de distribution d'eau.

74.
    Pour démontrer qu'elle a néanmoins la qualité d'intéressée au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité, la requérante a uniquement fait valoir, au cours de la procédure écrite devant le Tribunal, qu'elle est affectée de manière importante par la taxe sur les déchets, parce que les entreprises de distribution d'eau produisent de grandes quantités de boues épurables soumises à la taxe sur les déchets, et que les exonérations de la WBM sont financées dans celle-ci par une augmentation de la taxe sur les déchets de 28,50 à 29,20 HFL.

75.
    Ces arguments ont déjà été rejetés aux points 67 et 68 ci-dessus. Par ailleurs, bien que la requérante soit certes affectée par la taxe sur les déchets, en tant qu'entreprise produisant des déchets, il ne ressort toutefois d'aucun élément du dossier que sa position concurrentielle sur le marché aurait pu être affectée par l'octroi des exonérations de cette taxe.

76.
    La WBM contient d'autre part une série d'exonérations concernant la taxe sur les eaux souterraines: un taux d'imposition réduit de cette taxe pour les entreprises auto-alimentées [article 9, sous b)] et une exemption totale de ladite taxe pour les entreprises auto-alimentées ayant une capacité d'extraction inférieure ou égale à 10 m3 par heure [article 8, sous a)] (ci-après conjointement «allégement en faveur des entreprises auto-alimentées»); une exemption de la taxe pour le captage de l'eau par une entreprise à des fins d'irrigation ou d'arrosage, à condition que ce captage ne dépasse pas 100 000 m3 [article 8, sous e), ci-après «exemption aux fins d'irrigation ou d'arrosage»]; une exonération pour l'eau de rinçage [articles 8, sous h), et 10 A].

77.
    En ce qui concerne l'allégement en faveur des entreprises auto-alimentées, la requérante invoque deux arguments en plus de celui déjà examiné et rejeté ci-dessus (points 67 et 68). Elle fait valoir, d'abord, que la WBM a été adoptée en vue d'influencer le volume de la distribution et de l'utilisation d'eau. Elle soutient ensuite que l'allégement en faveur des entreprises auto-alimentées a entraîné une baisse considérable de ses revenus, plusieurs entreprises s'approvisionnant habituellement auprès d'elle ayant choisi de procéder à l'auto-extraction. Il existerait donc un lien de causalité direct entre l'allégement en faveur des entreprises auto-alimentées et le préjudice subi par la requérante.

78.
    Le premier argument, qui n'a pas été davantage développé, ne précise pas si, et dans quelle mesure, la position concurrentielle de la requérante sur le marché a été affectée par les aides contenues dans la WBM. Il doit donc être rejeté.

79.
    Quant au second argument, force est de constater que les bénéficiaires de l'allégement en faveur des entreprises auto-alimentées sont des clients actuels ou potentiels de la requérante. Par le biais de cette aide, ils sont incités à s'auto-alimenter pour leurs besoins en eau. A cet égard, sans être contredite sur ce point par la Commission et le gouvernement néerlandais, la requérante a calculé que le comportement de fuite vers l'auto-extraction a causé une baisse de son chiffre d'affaires d'environ 1 million de HFL en 1995 (observations de la requérante sur l'exception d'irrecevabilité, p. 5).

80.
    Il y a lieu d'admettre que, effectivement, ce comportement de fuite vers l'auto-extraction qui a été documenté par la requérante démontre que, pour les clients de la requérante, l'eau autocaptée constitue un produit substituable à l'eau distribuée par les sociétés de distribution d'eau. Dans ces conditions, l'allégement en faveur des entreprises auto-alimentées affecte directement la structure du marché d'approvisionnement d'eau, sur lequel la requérante est active. Il affecte donc la position concurrentielle de celle-ci sur ce marché.

81.
    Il y a donc lieu de conclure que, s'agissant de cet allégement, la requérante a la qualité d'intéressée au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité.

82.
    En ce qui concerne ensuite l'exonération pour l'eau de rinçage, la requérante a uniquement prétendu qu'elle a le même effet que l'allégement en faveur des entreprises auto-alimentées, dans la mesure où les utilisateurs d'eau de rinçage seraient dans un très grand nombre de cas des entreprises auto-alimentées.

83.
    Cet argument doit être rejeté. En effet, l'exonération pour l'eau de rinçage ne contient en tant que telle aucune incitation pour les clients actuels ou potentiels de la requérante à passer à l'autocaptage. Une entreprise qui se procure de l'eau auprès d'un distributeur d'eau se verra rembourser la taxe payée sur les eaux souterraines utilisées pour le rinçage des emballages réutilisables (article 10 A de la WBM). L'entreprise ne subit donc pas la charge d'une taxe sur l'eau de rinçage. Si l'entreprise en question passe à l'autocaptage, le résultat sera identique d'un point de vue économique. En effet, elle ne payera pas non plus de taxe sur l'eau autocaptée qui est utilisée pour le rinçage des emballages réutilisables [article 8, sous h), de la WBM].

84.
    Il s'ensuit que la requérante n'a pas démontré que l'exonération pour l'eau de rinçage affecte sa position concurrentielle sur le marché. Sa qualité d'intéressée au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité, pour ce qui concerne cette exonération, ne peut donc pas être retenue.

85.
    En ce qui concerne, enfin, l'exemption aux fins d'irrigation ou d'arrosage, elle est effectivement de nature à causer un certain «comportement de fuite» vers l'autocaptage. En effet, contrairement à l'exonération pour l'eau de rinçage, la WBM ne prévoit pas de possibilité de récupérer la taxe payée lorsque l'entreprise se procure de l'eau auprès d'une entreprise de distribution d'eau à des finsd'irrigation ou d'arrosage. L'exemption aux fins d'irrigation ou d'arrosage est donc susceptible d'avoir pour effet d'amener certaines entreprises à passer de l'approvisionnement auprès d'entreprises de distribution d'eau à l'autocaptage. Dès lors, tout comme l'allégement en faveur des entreprises auto-alimentées (voir ci-dessus points 79 à 81), cet élément d'aide affecte la position concurrentielle sur le marché de la requérante, de sorte que celle-ci a, par rapport à cet élément, la qualité d'intéressée au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité.

86.
    Sur la base de tout ce qui précède, il convient de conclure que la requérante a la qualité d'intéressée au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité, pour ce qui concerne deux éléments d'aide contenus dans la WBM, à savoir l'allégement en faveur des entreprises auto-alimentées et l'exemption aux fins d'irrigation ou d'arrosage. Dès lors, la requérante doit être considérée comme directement et individuellement concernée par la décision attaquée dans la mesure où la Commission déclare ces deux éléments d'aide compatibles avec le marché commun sans ouvrir la procédure au titre de l'article 93, paragraphe 2, du traité (arrêts Cook/Commission et Matra/Commission, précités).

87.
    Selon la Commission et le gouvernement néerlandais, les deux éléments d'aide de la WBM en question ont déjà été approuvés par des décisions antérieures de la Commission devenues entre-temps inattaquables. Il convient donc d'examiner si la décision attaquée est une décision purement confirmative en ce qui concerne la compatibilité avec le marché commun de ces deux éléments d'aide.

B — Sur la question de savoir si le recours est irrecevable en tant qu'il serait dirigé contre une décision confirmative de décisions antérieures d'approbation de l'allégement en faveur des entreprises auto-alimentées et de l'exemption aux fins d'irrigation ou d'arrosage

Arguments des parties

88.
    La Commission et la partie intervenante soutiennent que le recours a été introduit tardivement. L'allégement en faveur des entreprises auto-alimentées aurait déjà été approuvé par la décision de la Commission du 25 novembre 1992, communiquée par lettre du 3 décembre 1992 au gouvernement néerlandais et publiée de manière sommaire au Journal officiel du 24 mars 1993 (voir ci-dessus points 3 à 5). Cette décision n'aurait jamais été contestée par la requérante. A cet égard, il ressortirait de la lettre de celle-ci et de la VEWIN du 16 décembre 1994, par laquelle toutes deux ont transmis leur plainte à la Commission, que la requérante avait, au moment du dépôt de la plainte, connaissance de la lettre de la Commission du

3 décembre 1992. Faute de notification ou de publication, il incomberait à une partie qui prend connaissance de l'existence d'un acte la concernant, par exemple, comme en l'occurrence, par la publication des éléments essentiels de la décision au Journal officiel, d'en demander le texte intégral dans un délai raisonnable (arrêt du Tribunal du 7 mars 1995, Socurte e.a./Commission, T-432/93, T-433/93 et T-434/93, Rec. p. II-503, point 49). La Commission aurait par ailleurs diffusé, le 25 novembre 1992, un communiqué de presse relatif à la décision de 1992 et cette dernière serait citée dans son rapport annuel sur la concurrence. Il ressortirait en outre de la lettre de la requérante au ministère des Affaires étrangères néerlandais du 23 novembre 1994 qu'elle disposait à ce moment-là déjà d'une copie de la lettre de la Commission du 3 décembre 1992.

89.
    Quant à la décision du 29 mars 1994, communiquée au gouvernement néerlandais par lettre du 13 avril 1994 (voir ci-dessus point 7), la Commission fait remarquer que la modification apportée à la WBM est parue au Journal officiel du 4 juin 1994 et que la requérante disposait manifestement de la lettre du 13 avril 1994, puisqu'elle a été jointe aux observations écrites sur l'exception d'irrecevabilité.

90.
    Par conséquent, la requérante serait irrecevable à introduire le présent recours, ayant omis de former un recours en annulation en temps utile contre les décisions des 25 novembre 1992 et 29 mars 1994 après avoir eu la possibilité d'en prendre connaissance lors de leur publication au Journal officiel (arrêt de la Cour du 9 mars 1994, TWD Textilwerke Deggendorf, C-188/92, Rec p. I-833).

91.
    La Commission et le gouvernement néerlandais contestent encore que la décision attaquée résulte d'une nouvelle appréciation globale de la WBM. Cette décision ne se substituerait donc pas à la décision antérieure du 25 novembre 1992. La Commission souligne que, conformément à l'arrêt de la Cour du 9 octobre 1984, Heineken Brouwerijen (91/83 et 127/83, Rec. p. 3435, point 21), aucune nouvelle appréciation des exonérations fiscales déjà approuvées et tout à fait distinctes des exonérations fiscales notifiées le 27 octobre 1994 n'était nécessaire à la suite de cette dernière notification.

92.
    Elle ajoute que, même si les mesures approuvées ne sont pas mises en oeuvre immédiatement par l'État membre en question, le principe de la sécurité juridique implique qu'une décision devienne inattaquable à l'issue du délai de deux mois de l'article 173 du traité, de sorte que, d'une part, l'État membre concerné peut avoir la certitude qu'il peut instaurer la mesure envisagée, et que, d'autre part, la Commission peut clore le dossier.

93.
    Quant à la thèse de la requérante selon laquelle la notification du projet de la WBM par le gouvernement néerlandais, le 7 août 1992, n'aurait pas eu trait au projet d'introduction d'un régime d'aide, parce que le Parlement néerlandais n'avait pas encore accepté le projet de loi, la Commission et la partie intervenante soulignent qu'il ne ressort pas des termes de l'article 93, paragraphe 3, du traité,

imposant la notification «des projets tendant à instituer ou à modifier des aides», que seules des mesures d'aide définitives peuvent valablement être notifiées. Il résulterait d'ailleurs clairement de la jurisprudence qu'un État membre peut décider de modifier un projet de mesure déjà notifié (arrêt Heineken Brouwerijen, précité).

94.
    Enfin, la partie intervenante fait remarquer que la décision du 25 novembre 1992 était motivée et que, par conséquent, la requérante ne saurait prétendre que celle-ci était inexistante en l'absence de motivation.

95.
    La requérante estime que son recours n'est pas irrecevable au seul motif qu'elle n'a pas agi en justice contre les décisions d'approbation antérieures à la décision attaquée. En l'espèce, seule une proposition de loi adoptée par le Parlement néerlandais constituerait un «projet» d'aide au sens de l'article 93, paragraphe 3, du traité, que la Couronne ferait ensuite entrer en vigueur par un arrêté royal, après approbation par la Commission. En effet, il appartiendrait au Parlement néerlandais d'adopter le texte final d'une loi, de sorte que toutes les notifications précédentes effectuées par le gouvernement néerlandais n'auraient aucune pertinence. Seul le projet du Parlement néerlandais de décembre 1994 constituerait donc un «projet» d'aide au sens de l'article 93, paragraphe 3, du traité. Par conséquent, comme les notifications précédentes à la Commission ne pouvaient pas porter sur des «projets» au sens de l'article 93, paragraphe 3, du traité, il aurait été prématuré pour la requérante de réagir, dans l'hypothèse où elle aurait été au courant de ces notifications.

96.
    Par ailleurs, la décision attaquée comporterait une appréciation globale de toutes les aides contenues dans la WBM, de sorte que les approbations antérieures auraient été réévaluées à la lumière de nouvelles modifications. A ce propos, la requérante aurait explicitement incité la Commission à procéder à une appréciation globale de la WBM, dans la mesure où, conformément à la jurisprudence, si un projet d'aide est modifié avant son adoption définitive, l'interdiction d'exécution figurant à l'article 93, paragraphe 3, du traité et, parallèlement, l'appréciation par la Commission concernent l'ensemble du régime d'aide, y compris les modifications, et non pas les modifications séparément (voir arrêt Heineken Brouwerijen, précité). Un examen global de toutes les mesures d'aide de la WBM se serait d'autant plus imposé que les modifications apportées aux projets antérieurs étaient nombreuses et exerçaient une influence sur les mesures d'aide déjà autorisées et que la Commission avait entre-temps adapté son cadre d'appréciation par l'adoption de l'Encadrement communautaire des aides d'État pour la protection de l'environnement (JO 1994, C 72, p. 3). En outre, il ressortirait de la décision attaquée que la Commission a effectivement procédé à une appréciation globale des mesures d'aide en cause (p. 8, deuxième, troisième et dernier alinéas, et p. 9, cinquième et dernier alinéas). La Commission y déclarerait explicitement qu'elle ne voit aucune raison de reconsidérer sa position en ce qui concerne les projets précédents et se référerait à la WBM et non pas aux modifications de celle-ci. Au surplus, après avoir été informée par la requérante que le texte notifié de la WBM

ne correspondait pas au texte finalement adopté, la Commission aurait, par lettre du 25 janvier 1995, demandé au gouvernement néerlandais de lui envoyer les textes définitifs de la WBM. Enfin, le Parlement néerlandais aurait approuvé le projet de la WBM dans sa totalité et il ne se serait pas limité à donner son aval pour des modifications proposées par le gouvernement néerlandais.

97.
    La requérante estime que le gouvernement néerlandais était obligé, en vertu du système de l'article 93 du traité ainsi que de l'article 5 du traité imposant un devoir de contribuer de bonne foi à la réalisation des objectifs de celui-ci, de ne notifier que la version définitive de la WBM. Le gouvernement néerlandais aurait toutefois eu recours à une pratique consistant à soumettre à la Commission une succession de projets provisoires. Ce ne serait que par la plainte de la VEWIN et de la requérante que la Commission aurait été informée du texte exact de la WBM, ce qui aurait conduit l'institution à demander au gouvernement néerlandais, le 25 janvier 1995, de lui adresser les «textes complets de la WBM».

98.
    Dans sa réplique, la requérante se réfère encore à l'arrêt Socurte e.a./Commission, précité. Elle affirme qu'elle n'a jamais eu connaissance de quelque motivation que ce soit justifiant l'autorisation des versions antérieures du projet de la WBM. Elle ajoute que, lorsqu'elle a appris, à la fin de l'année 1994, l'existence des notifications antérieures, elle a contacté sur le champ la Commission et lui a exposé en détail dans une plainte pourquoi elle estimait que l'autorisation déjà accordée ne pouvait en aucune façon être justifiée.

99.
    De surcroît, les décisions d'approbation antérieures n'auraient pas du tout été motivées. La requérante n'aurait donc pas été à même de vérifier leur légalité ni de décider si elle souhaitait introduire un recours en annulation contre celles-ci. Il aurait été impossible d'établir, sur la base des publications faites au Journal officiel à propos des notifications antérieures (voir ci-dessus points 5 et 8), qui étaient les bénéficiaires des aides notifiées et quels étaient les motifs qui justifiaient les décisions de la Commission de ne pas soulever d'objections à l'encontre des aides en question. Par conséquent, la Commission n'aurait pu attendre de la requérante qu'elle introduisît un recours contre ces décisions, dont elle ne connaissait ni les détails ni les motifs. Une analyse différente aboutirait à une situation dans laquelle la Commission tirerait avantage de sa propre violation de l'article 190 du traité, texte dont l'objectif est, notamment, de protéger les droits des tiers. En tout état de cause, de tels défauts de motivation auraient pour conséquence que ces décisions devraient être considérées comme inexistantes ou comme entachées d'une nullité absolue.

Appréciation du Tribunal

100.
    La fin de non-recevoir invoquée par la Commission et le gouvernement néerlandaisse subdivise en deux branches, tirées, premièrement, de ce que, au moment de

l'introduction du présent recours, les délais de recours en annulation des décisions des 25 novembre 1992 et 29 mars 1994 étaient déjà expirés, et, deuxièmement, de ce que la décision attaquée est purement confirmative de ces deux dernières décisions.

101.
    Avant d'entamer l'examen de l'argumentation des parties, il convient de récapituler la chronologie des décisions que la Commission a adoptées concernant les différents éléments d'aide contenus dans la WBM.

102.
    Par lettre du 3 décembre 1992, la Commission a fait savoir au gouvernement néerlandais qu'elle avait pris, le 25 novembre 1992, la décision SG(92) D/17278 de ne pas soulever d'objection à l'encontre des mesures d'aide qui étaient incluses dans la proposition de la WBM et qui lui avaient été notifiées le 7 août 1992. La proposition de la WBM qui a fait l'objet de la décision du 25 novembre 1992 prévoyait déjà l'allégement en faveur des entreprises auto-alimentées, à savoir une exemption totale pour les entreprises auto-alimentées ayant une capacité d'extraction inférieure ou égale à 10 m3 par heure [article 8, sous a)] et un taux préférentiel en faveur des entreprises auto-alimentées dépassant ce seuil, qui était alors fixé à 0,125 HFL par m3 [article 9, sous b)]. La même proposition prévoyait déjà également l'exemption aux fins d'irrigation ou d'arrosage [article 8, sous e)].

103.
    Par lettre du 6 décembre 1993, le gouvernement néerlandais a notifié à la Commission, en vertu de l'article 93, paragraphe 3, du traité, une proposition de modification de la WBM. Les modifications proposées portaient, notamment, sur le taux de la taxe sur les eaux souterraines, qui était alors fixé à 0,34 HFL pour les sociétés de distribution d'eau et à 0,17 HFL pour les entreprises auto-alimentées (article 9). Par lettre du 13 avril 1994, la Commission a informé le gouvernement néerlandais de sa décision du 29 mars 1994 de ne pas soulever d'objection contre les modifications de la WBM qui lui avaient été notifiées.

104.
    Enfin, par lettre du 27 octobre 1994, le gouvernement néerlandais a notifié à la Commission, en vertu de l'article 93, paragraphe 3, du traité, sa proposition de «modification de la WBM par l'introduction d'une précision à titre permanent et de deux précisions à titre temporaire». Cette notification du 27 octobre 1994 a donné lieu à l'adoption de la décision attaquée. La WBM modifiée prévoyait une augmentation de la taxe sur les déchets de 28,50 à 29,20 HFL par 1000 kilos (article 18). Elle prévoyait aussi l'introduction de certains allégements de la taxe sur les eaux souterraines ainsi que de la taxe sur les déchets, à savoir l'exonération pour l'eau de rinçage [articles 8, sous h), et 10 A], l'exonération pour les résidus de désencrage (article 18 A, paragraphe 1) et l'exonération pour les déchets de recyclage des matières plastiques (article 18 A, paragraphe 2).

— Sur la question de l'expiration des délais de recours en annulation des décisions des 25 novembre 1992 et 29 mars 1994

105.
    Il ressort de l'aperçu chronologique des faits qui précède que les deux éléments d'aide de la WBM par rapport auxquels la requérante a la qualité d'intéressée au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité, à savoir l'allégement en faveur des entreprises auto-alimentées et l'exemption aux fins d'irrigation ou d'arrosage, ont d'ores et déjà été déclarés compatibles avec le marché commun dans la décision de la Commission du 25 novembre 1992. En outre, une modification du taux préférentiel de la taxe sur les eaux souterraines en faveur des entreprises auto-alimentées a été déclarée compatible avec le marché commun par la décision du 29 mars 1994. Il s'agit du taux de 0,17 HFL par m3 (article 9) qui figure aussi dans la version définitive de la loi entrée en vigueur le 1er janvier 1995.

106.
    Force est de constater que la notification du 27 octobre 1994, qui a donné lieu à l'adoption de la décision attaquée, ne comportait aucune modification des deux éléments d'aide de la WBM par rapport auxquels la requérante a la qualité d'intéressée au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité.

107.
    Toutefois, comme le relève à juste titre la requérante, la Commission s'est prononcée, dans la décision attaquée, sur la compatibilité avec le marché commun de toutes les mesures d'aide contenues dans la WBM, et non pas sur la compatibilité des seules modifications notifiées le 27 octobre 1994. En effet, elle a conclu (décision attaquée, p. 9, septième alinéa) que «les mesures d'aide figurant dans la WBM [...] peuvent être considérées comme étant compatibles avec le marché commun en raison de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité CE et de l'article 61, paragraphe 3, sous c), de l'accord EEE, étant donné qu'elles sont conformes aux dispositions du paragraphe 3.4. de l'Encadrement communautaire des aides d'État pour la protection de l'environnement».

108.
    Avant d'examiner la question de savoir si la décision attaquée est une décision purement confirmative des décisions des 25 novembre 1992 et 29 mars 1994, pour autant qu'elle déclare compatibles avec le marché commun l'allégement en faveur des entreprises auto-alimentées et l'exemption aux fins d'irrigation ou d'arrosage, il convient de vérifier si les décisions des 25 novembre 1992 et 29 mars 1994 étaient devenues définitives à l'égard de la requérante au moment de l'introduction du présent recours. En effet, la jurisprudence selon laquelle une décision purement confirmative d'une décision antérieure n'est pas un acte susceptible de recours (arrêts de la Cour du 25 octobre 1977, Metro/Commission, 26/76, Rec. p. 1875, point 4, du 15 décembre 1988, Irish Cement/Commission, 166/86 et 220/86, Rec. p. 6473, point 16, du 11 janvier 1996, Zunis Holding e.a./Commission, C-480/93 P, Rec. p. I-1, point 14; arrêts du Tribunal du 18 septembre 1997, Mutual Aid Administration Services/Commission, T-121/96 et T-151/96, Rec. p. II-1355, point 48, du 27 novembre 1997, Tremblay e.a./Commission, T-224/95, Rec. p. II-2215, point 49, et ordonnance du Tribunal du 16 mars 1998, Goldstein/Commission,

T-235/95, non encore publiée au Recueil, point 41) est fondée sur le souci de ne pas faire renaître des délais de recours expirés. Dans cette optique, un recours contre une décision confirmative n'est irrecevable que si la décision confirmée est devenue définitive à l'égard de l'intéressé, faute d'avoir fait l'objet d'un recours contentieux introduit dans le délai requis. Dans le cas où la décision confirmée n'est pas devenue définitive, la personne intéressée est en droit d'attaquer soit la décision confirmée, soit la décision confirmative, soit l'une et l'autre de ces décisions (arrêt de la Cour du 11 mai 1989, Maurissen et Union syndicale/Cour des comptes, 193/87 et 194/87, Rec. p. 1045, point 26, et arrêt du Tribunal du 27 octobre 1994, Chavane de Dalmassy e.a./Commission, T-64/92, RecFP p. II-723, point 25).

109.
    Il s'ensuit que si les délais d'introduction, sur la base de l'article 173 du traité, de recours en annulation des décisions des 25 novembre 1992 et 29 mars 1994 n'étaient pas encore expirés au moment de l'introduction du présent recours, ce dernier devrait être déclaré recevable, malgré l'éventuel caractère purement confirmatif de la décision attaquée, en tant qu'elle déclare compatible avec le marché commun l'allégement en faveur des entreprises auto-alimentées et l'exemption aux fins d'irrigation ou d'arrosage.

110.
    Il convient de rappeler que les recours en annulation doivent, en vertu de l'article 173, cinquième alinéa, être introduits dans un délai de deux mois, à compter, suivant le cas, de la publication de l'acte, de sa notification à la partie requérante, ou, à défaut, du jour où celle-ci en a eu connaissance. Ce délai doit éventuellement être augmenté d'un délai de distance, conformément aux articles 102, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal et 1er de l'annexe II au règlement de procédure de la Cour.

111.
    Bien qu'une décision déclarant compatible avec le marché commun une aide notifiée par un État membre ne soit notifiée qu'à son destinataire, à savoir l'État membre, et qu'elle ne fasse l'objet que d'une publication sommaire au Journal officiel, un tiers ne peut introduire un recours en annulation contre elle à tout moment. Il ressort en effet de la jurisprudence qu'il appartient à celui qui prend connaissance de l'existence d'un acte qui le concerne d'en demander le texte intégral dans un délai raisonnable. Sous cette réserve, le délai de deux mois précité ne commence à courir qu'à partir du moment où le tiers concerné a une connaissance exacte du contenu et des motifs de l'acte en cause de manière à être en mesure d'exercer son droit de recours (arrêt Socurte e.a./Commission, précité, point 49).

112.
    Or, il ressort de la lettre de la requérante au ministère des Affaires étrangères néerlandais du 23 novembre 1994 (annexe XVI à la duplique) qu'elle était à ce moment-là déjà en possession d'une copie de la lettre du 3 décembre 1992 par laquelle la Commission a communiqué aux autorités néerlandaises sa décision du 25 novembre 1992. En effet, dans cette lettre, son conseil affirme: «Je dispose déjà d'une copie de la lettre de la Commission du 3 décembre 1992.» Le 23 novembre

1994, au plus tard, la requérante avait donc une connaissance exacte du contenu et des motifs de l'acte en cause, de sorte qu'elle était en mesure d'exercer son droit de recours.

113.
    Il s'ensuit que, au moment de l'introduction du présent recours, le 9 octobre 1995, le délai de recours de deux mois visé à l'article 173, cinquième alinéa, du traité, augmenté d'un délai de distance de six jours, en application des articles 102, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal et 1er de l'annexe II au règlement de procédure de la Cour, était expiré en ce qui concerne la décision du 25 novembre 1992.

114.
    S'agissant de la décision du 29 mars 1994, il y a lieu de constater que la note de plaidoirie établie le 8 février 1995 par le gouvernement néerlandais, dans le cadre du litige l'opposant à la VEWIN et à la requérante (annexe B à la plainte complémentaire du 17 mars 1995; annexe 5 à la requête), fait état de la lettre de la Commission du 13 avril 1994, qui a communiqué la décision du 29 mars 1994 au gouvernement néerlandais, et précise que cette décision est produite en annexe 8 à ladite note de plaidoirie (point 24). Interrogé sur ce point à l'audience, la requérante a reconnu que, au plus tard le 8 février 1995, elle a eu une connaissance exacte du texte même de la décision du 29 mars 1994. Dès lors, au moment de l'introduction du présent recours, le 9 octobre 1995, le délai de recours en annulation, augmenté d'un délai de distance de six jours, avait également expiré en ce qui concerne la décision du 29 mars 1994.

115.
    L'argument de la requérante tiré d'une absence de motivation des décisions des 25 novembre 1992 et 29 mars 1994, absence qui ne l'aurait pas mise en mesure d'apprécier l'opportunité d'un recours en annulation, doit être rejeté. En effet, si la requérante estimait que les décisions des 25 novembre 1992 et 29 mars 1994 n'étaient pas suffisamment motivées, elle aurait pu, dans le cadre d'un recours en annulation dirigé contre elles, soulever un moyen pris d'un défaut ou d'une insuffisance de motivation, l'éventuel défaut ou l'éventuelle insuffisance de motivation n'étant pas de nature à empêcher le délai de recours de s'écouler.

116.
    La requérante ne saurait davantage déduire du défaut de motivation allégué une inexistence des décisions des 25 novembre 1992 et 29 mars 1994, un défaut de motivation ne conduisant pas en soi à une constatation d'inexistence. En effet, l'inexistence d'un acte n'est envisageable que dans la mesure où il est entaché d'une irrégularité dont la gravité est si évidente qu'elle ne peut être tolérée par l'ordre juridique communautaire (arrêt de la Cour du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a., C-137/92 P, Rec. p. I-2555, points 49 et 50), hypothèse qui ne correspond nullement aux éléments de l'espèce.

117.
    La requérante fait encore valoir que seul le projet du Parlement néerlandais de décembre 1994 constituait un «projet» d'aide au sens de l'article 93, paragraphe 3, du traité. Il aurait donc été prématuré pour elle d'agir à l'encontre des décisions

des 25 novembre 1992 et 29 mars 1994, dans la mesure où elles n'auraient pas porté sur des «projets» d'aide au sens de cette dernière disposition.

118.
    Cet argument doit aussi être rejeté. L'article 93, paragraphe 3, du traité, prescrit la notification des «projets tendant à instituer ou à modifier des aides». Les mesures d'aide doivent donc être notifiées à la Commission lorsqu'elles sont encore au stade de projets, c'est-à-dire avant d'être mises à exécution et alors qu'elles sont encore susceptibles d'être aménagées en fonction d'éventuelles observations de la Commission. Comme l'article 93, paragraphe 3, du traité ne contient aucun critère formel, il appartient à chaque État membre de déterminer à quel stade de la procédure législative il décide de soumettre le projet d'aide à l'examen de la Commission, à condition toutefois que ce projet ne soit pas mis à exécution avant que la Commission n'ait déclaré l'aide compatible avec le marché commun.

119.
    Les notifications effectuées par les autorités néerlandaises les 7 août 1992 et 6 décembre 1993 portaient respectivement sur des aides et sur une modification d'une aide contenue dans une proposition de loi présentée au Parlement néerlandais. Elles portaient donc sur des «projets tendant à instituer ou à modifier des aides» au sens de l'article 93, paragraphe 3, du traité. L'approche suivie par les autorités néerlandaises, à savoir procéder à la notification d'une proposition de loi comportant des projets d'aide avant son adoption formelle par le parlement national, témoignait d'un respect scrupuleux des obligations que les dispositions de l'article 93 imposent aux États membres, dès lors qu'elle permettait, en fonction d'éventuelles observations de la Commission, une modification des éléments d'aide prévus dans la proposition au cours même de la procédure législative.

120.
    Il ressort de tout ce qui précède que les décisions des 25 novembre 1992 et 29 mars 1994 étaient devenues inattaquables au moment de l'introduction du présent recours. Celui-ci devrait donc être déclaré irrecevable, s'il s'avérait que la décision attaquée est une décision purement confirmative des décisions des 25 novembre 1992 et 29 mars 1994 pour autant qu'elle déclare compatibles avec le marché commun l'allégement en faveur des entreprises auto-alimentées et l'exemption aux fins d'irrigation ou d'arrosage.

— Sur la question du caractère purement confirmatif de la décision attaquée

121.
    Dans la décision attaquée (p. 9, septième alinéa), la Commission a déclaré compatibles avec le marché commun les «mesures d'aide figurant dans la WBM». Cette déclaration de compatibilité ne se limite donc pas aux seules modifications qui ont été apportées à la WBM et notifiées à la Commission le 27 octobre 1994. Se pose donc la question de savoir si la décision attaquée, pour autant qu'elle déclare compatibles avec le marché commun les aides déjà approuvées dans les décisions des 25 novembre 1992 et 29 mars 1994, est purement confirmative de celles-ci, auquel cas elle ne constituerait pas un acte susceptible de recours (voir la jurisprudence citée ci-dessus au point 108), une telle décision n'accordant pas

aux intéressés la possibilité de rouvrir les débats sur la légalité de l'acte confirmé (arrêt de la Cour du 22 mars 1961, Snupat/Haute Autorité, 42/59 et 49/59, Rec. p. 99, 146; arrêt Tremblay e.a./Commission, précité, point 49).

122.
    A cet égard, il s'avère, en premier lieu, que la décision attaquée fait apparaître que la Commission a seulement procédé à un examen des éléments d'aide notifiés le 27 octobre 1994, à savoir l'exonération pour l'eau de rinçage, l'exonération pour les résidus de désencrage et l'exonération pour les déchets de recyclage des matières plastiques. Ainsi, la Commission rappelle d'abord (décision attaquée, p. 1, second alinéa) qu'elle «avait, le 25 novembre 1992, approuvé la version d'origine de la proposition de loi sur laquelle les exceptions ont été basées». Ensuite (p. 4 à 6), elle se limite à décrire les trois exonérations notifiées, puis, dans l'appréciation juridique (p. 6 à 10), elle examine la compatibilité avec le marché commun de ces mesures d'aide.

123.
    Certes, la Commission fait valoir (décision attaquée, p. 9, cinquième alinéa) à propos des aides déjà approuvées le 25 novembre 1992, notamment l'allégement en faveur des entreprises auto-alimentées (tel que modifié par la décision du 29 mars 1994) et l'exemption aux fins d'irrigation ou d'arrosage, qu'elle «n'estime pas nécessaire de revoir sa décision de 1992 étant donné que les arguments cités dans les alinéas précédents [de la décision attaquée] valent aussi pour la loi dans sa version d'origine».

124.
    Toutefois, ce passage, placé dans son contexte, ne saurait être considéré comme un indice prouvant que les aides d'ores et déjà approuvées par les décisions des 25 novembre 1992 et 29 mars 1994 ont fait l'objet d'un nouvel examen dans la décision attaquée.

125.
    Il doit être compris comme une réponse aux plaintes de la requérante et de la VEWIN des 16 décembre 1994 et 17 mars 1995, dans lesquelles les plaignantes demandaient l'ouverture de la procédure de l'article 93, paragraphe 2, du traité en ce qui concerne tous les éléments d'aide contenus dans la WBM, en soulignant: «Il s'agit en effet d'une mesure globale [...] dans laquelle toutes les taxes, exemptions et [tous les] allégements constituent un ensemble inextricable.» (Plainte complémentaire du 17 mars 1995, point 8.4.) Il n'implique pas que la Commission a procédé, dans la décision attaquée, à un nouvel examen des aides faisant l'objet des décisions des 25 novembre 1992 et 29 mars 1994 mais il doit être interprété dans ce sens que les raisons qui ont conduit la Commission à déclarer les aides en question compatibles avec le marché commun dans les décisions des 25 novembre 1992 et 29 mars 1994 restent inchangées dans la décision attaquée.

126.
    La circonstance que la décision attaquée contient une réponse à une demande formulée dans la plainte de la requérante n'a aucune incidence sur l'éventuelle recevabilité du présent recours.

127.
    Il convient de rappeler à cet égard que les décisions adoptées par la Commission dans le domaine des aides d'État ont pour destinataires les États membres concernés, également lorsque ces décisions concernent des mesures étatiques dénoncées dans des plaintes comme des aides d'État contraires au traité et qu'il en résulte que la Commission refuse d'ouvrir la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, parce qu'elle estime que les mesures dénoncées sont compatibles avec le marché commun (arrêt Commission/Sytraval, précité, point 45).

128.
    Lorsque, comme en l'espèce, la Commission répond, à l'occasion de l'examen d'aides nouvelles, à un argument ou une demande soulevés par un plaignant à propos d'aides distinctes déjà approuvées, une telle circonstance ne démontre pas en soi que celles-ci ont fait l'objet d'un nouvel examen par la Commission. Retenir une solution contraire reviendrait à admettre qu'une entreprise pourrait, par le simple dépôt d'une plainte à l'encontre de mesures d'aide déjà approuvées, proroger le délai de recours en annulation de la décision d'approbation, dans l'hypothèse où il n'aurait pas encore expiré, ou le rouvrir, dans l'hypothèse où la décision d'approbation serait devenue inattaquable au moment du dépôt de la plainte, alors que le délai de recours prévu par l'article 173 du traité est d'ordre public (arrêt Mutual Aid Administration Services/Commission, précité, point 38).

129.
    Au demeurant, la Commission n'était pas tenue de réexaminer dans la décision attaquée l'allégement en faveur des entreprises auto-alimentées et l'exemption aux fins d'irrigation ou d'arrosage qui avaient déjà été approuvés, dès lors que les modifications apportées à la WBM et notifiées à l'institution le 27 octobre 1994 constituaient des mesures d'aide distinctes qui n'étaient pas susceptibles d'influencer l'appréciation que la Commission avait portée sur le projet initial de la WBM dans ses décisions des 25 novembre 1992 et 29 mars 1994 (arrêt Heineken Brouwerijen, précité, point 21).

130.
    A cet égard, la requérante a d'ailleurs reconnu à l'audience, en réponse à une question du Tribunal, que deux des trois mesures d'aide notifiées le 27 octobre 1994, à savoir l'exonération pour les résidus de désencrage et l'exonération pour les déchets de recyclage des matières plastiques, ne présentaient aucun lien avec les aides approuvées par les décisions des 25 novembre 1992 et 29 mars 1994.

131.
    Il ne saurait en effet être raisonnablement soutenu que l'exonération pour les résidus de désencrage et l'exonération pour les déchets de recyclage des matières plastiques, qui portent sur la taxe sur les déchets et s'adressent à un groupe de bénéficiaires potentiels spécifiques, à savoir l'industrie du papier et du carton et l'industrie du recyclage des matières plastiques, auraient pu affecter les effets de l'allégement en faveur des entreprises auto-alimentées et l'exemption aux fins d'irrigation ou d'arrosage, qui portent sur la taxe sur les eaux souterraines et favorisent l'autocaptage de l'eau.

132.
    Dès lors, compte tenu du caractère distinct des exonérations portant sur la taxe sur les déchets, d'une part, et des exonérations portant sur la taxe sur les eaux

souterraines, d'autre part, il est exclu que l'exonération pour les résidus de désencrage et l'exonération pour les déchets de recyclage des matières plastiques, notifiées à la Commission le 27 octobre 1994, aient été susceptibles d'influencer l'appréciation que la Commission avait déjà portée dans ses décisions des 25 novembre 1992 et 29 mars 1994 sur l'allégement en faveur des entreprises auto-alimentées et l'exemption aux fins d'irrigation ou d'arrosage.

133.
    La requérante soutient toutefois que le troisième élément d'aide notifié le 27 octobre 1994, à savoir l'exonération pour l'eau de rinçage, était de nature à affecter l'appréciation de l'allégement en faveur des entreprises auto-alimentées. Elle explique que les entreprises qui bénéficient de l'exonération pour l'eau de rinçage sont souvent des entreprises auto-alimentées bénéficiant déjà d'un allégement fiscal de la taxe sur les eaux souterraines, ce qui aggraverait les effets de l'allégement en faveur des entreprises auto-alimentées.

134.
    Cet argument doit être rejeté. En effet, l'aide dont bénéficient les entreprises auto-alimentées et qui a été approuvée par les décisions des 25 novembre 1992 et 29 mars 1994 n'est nullement affectée par l'exonération pour l'eau de rinçage, puisque cette dernière exonération s'applique à toute eau souterraine qui est utilisée pour le rinçage d'emballages réutilisables, que cette eau souterraine soit fournie par une entreprise de distribution d'eau ou qu'elle soit autocaptée (voir ci-dessus point 83). Dans ces circonstances, l'exonération pour l'eau de rinçage n'est pas de nature à affecter les effets de l'allégement en faveur des entreprises auto-alimentées et de l'exemption aux fins d'irrigation ou d'arrosage, approuvés par les décisions des 25 novembre 1992 et 29 mars 1994.

135.
    En outre, le fait que le 23 décembre 1994 le Parlement néerlandais a adopté la WBM dans sa totalité et pas seulement les modifications notifiées à la Commission le 27 octobre 1994 ne démontre pas que la Commission a réexaminé, à la suite decette notification, les éléments d'aide qu'elle avait déjà déclarés compatibles avec le marché commun.

136.
    La requérante ne peut pas non plus tirer argument de la circonstance que la Commission a, par lettre du 25 janvier 1995, demandé au gouvernement néerlandais de lui envoyer les textes définitifs de la WBM. L'envoi à la Commission du texte intégral de la WBM, telle qu'elle avait été adoptée par le Parlement néerlandais, le 23 décembre 1994, n'a en effet pu que rassurer la Commission sur le caractère distinct des éléments d'aide de la WBM, notifiés le 27 octobre 1994, par rapport aux éléments d'aide déjà approuvés les 25 novembre 1992 et 29 mars 1994.

137.
    En outre, ce caractère distinct des différentes mesures d'aide soumises à l'appréciation de la Commission implique le rejet de toute argumentation tirée d'une prétendue pratique des autorités néerlandaises ayant consisté à soumettre à la Commission une succession de projets provisoires.

138.
    La requérante ne saurait davantage invoquer la modification par la Commission, avant l'adoption de la décision attaquée, de son cadre d'appréciation au moyen de l'adoption de l'Encadrement communautaire des aides d'État pour la protection de l'environnement, précité. En effet, cet encadrement dispose explicitement (point 4.2) qu'il «ne porte pas atteinte à l'application des régimes déjà autorisés lors de sa publication». A suivre la thèse de la requérante, la Commission aurait été tenue de réexaminer, lors de l'adoption de sa décision du 29 mars 1994 et non lors de celle de la décision attaquée, les aides déjà approuvées dans sa décision du 25 novembre 1992. En effet, la décision du 29 mars 1994, qui déclare compatibles avec le marché commun des modifications aux aides approuvées le 25 novembre 1992, est postérieure à la publication au Journal officiel de l'Encadrement communautaire, intervenue le 10 mars 1994. Or, la décision du 29 mars 1994 est devenue inattaquable (voir ci-dessus point 114).

139.
    Par ailleurs, comme les aides notifiées le 27 octobre 1994 sont des aides distinctes de celles déjà approuvées les 25 novembre 1992 et 29 mars 1994, la Commission aurait même violé les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, si elle avait soumis les aides déjà approuvées à un nouvel examen dans la décision attaquée. Il convient de souligner à cet égard que, au moment de l'adoption de la décision attaquée, les aides contenues dans la WBM avaient déjà été mises en oeuvre par les autorités néerlandaises. Or, même si ces dernières avaient mis en oeuvre la totalité des aides contenues dans la WBM, y compris les aides notifiées le 27 octobre 1994 mais non encore approuvées, l'interdiction de mise à exécution prévue à l'article 93, paragraphe 3, dernière phrase, du traité ne se serait toutefois pas appliquée à l'allégement en faveur des entreprises auto-alimentées et à l'exemption aux fins d'irrigation ou d'arrosage, puisqu'il s'agissait de mesures d'aide distinctes ayant fait l'objet d'une appréciation antérieure (voir arrêt Heineken Brouwerijen, précité, point 22).

140.
    Dès lors, les deux éléments d'aide de la WBM pour lesquels la requérante a la qualité d'intéressée au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité avaient, au moment de l'adoption de la décision attaquée, non seulement déjà été déclarés compatibles avec le marché commun, mais avaient, en outre, été mis à exécution, conformément aux dispositions de l'article 93, paragraphe 3, dernière phrase, du traité. Dans de telles circonstances, la Commission aurait uniquement pu procéder au réexamen de l'allégement en faveur des entreprises auto-alimentées et de l'exemption aux fins d'irrigation ou d'arrosage, dans le cadre de la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 1, du traité pour les aides existantes.

141.
    Il résulte de ce qui précède que la décision attaquée doit être considérée comme une décision purement confirmative des décisions des 25 novembre 1992 et 29 mars 1994, dans la mesure où elle déclare compatibles avec le marché commun l'allégement en faveur des entreprises auto-alimentées et l'exemption aux fins d'irrigation ou d'arrosage. Dès lors que les délais de recours en annulation des deux décisions confirmées étaient déjà expirés au moment de l'introduction du présent

recours, ce dernier est irrecevable en tant qu'il vise à mettre en cause l'appréciation que la Commission a portée sur les deux aides déjà approuvées.

C — Sur les circonstances particulières invoquées par la requérante pour justifier la recevabilité du recours

142.
    Il convient de relever que, dans sa requête, la requérante soulève encore deux arguments qui, indépendamment de la question de savoir si elle est une partie intéressée au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité, justifieraient la recevabilité du présent recours.

143.
    En premier lieu, elle souligne qu'elle a déposé une plainte auprès de la Commission, puis une plainte complémentaire, dont la décision attaquée ferait mention. Elle estime que le recours doit être déclaré recevable pour protéger les droits procéduraux qu'elle peut faire valoir à l'encontre de la Commission en tant que partie plaignante. A cet égard, la Commission serait obligée, en cas de «procédure préliminaire», lorsqu'elle est confrontée à une plainte dans laquelle des arguments sérieux relatifs à la compatibilité d'une mesure d'aide sont développés, de procéder à une enquête détaillée et impartiale sur l'affaire et, lorsqu'elle a l'intention de rejeter la plainte, de donner au préalable la possibilité au plaignant de prendre position à l'égard des données rassemblées par elle et des conclusions qu'elle en tire (voir arrêt de la Cour du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C-269/90, Rec. p. I-5469, et arrêts du Tribunal du 18 septembre 1995, SIDE/Commission, T-49/93, Rec. p. II-2501, et Sytraval et Brink's France/Commission, précité).

144.
    En réalité, il ressort de la jurisprudence de la Cour que la Commission n'a pas l'obligation d'entendre les plaignants pendant la phase préliminaire d'examen des aides, instituée par l'article 93, paragraphe 3, du traité (arrêt Commission/Sytraval, précité, point 59). En effet, imposer à la Commission d'engager, dans le cadre de la procédure préliminaire visée à l'article 93, paragraphe 3, du traité, un débat contradictoire avec le plaignant pourrait conduire à des discordances entre le régime procédural prévu par cette disposition et celui prévu par l'article 93, paragraphe 2, du traité (même point).

145.
    L'argument de la requérante tiré d'une prétendue violation de ses droits procéduraux au cours de la «procédure préliminaire» doit donc être rejeté.

146.
    En second lieu, la requérante soutient que, au cas où des aides sont mises à exécution au moyen de prélèvements fiscaux ou parafiscaux, les personnes et les entreprises soumises à de tels impôts ou prélèvements peuvent, devant le juge national, s'opposer à leur perception ou demander leur restitution (voir arrêts de la Cour du 21 novembre 1991, Fédération nationale du commerce extérieur des produits alimentaires et Syndicat national des négociants et transformateurs de

saumon, C-354/90, Rec. p. I-5505, points 12 et suivants, du 11 mars 1992, Compagnie commerciale de l'Ouest, C-78/90 à C-83/90, Rec. p. I-1847, du 11 juin 1992, Sanders Adour et Guyomarc'h Orthez Nutrition animale, C-149/91 et C-150/91, Rec. p. I-3899, points 25 et 26, du 16 décembre 1992, Lornoy e.a., C-17/91, Rec. p. I-6523, et Claeys, C-114/91, Rec. p. I-6559). Ce droit serait illusoire si les redevables de l'impôt ou du prélèvement ne pouvaient pas contester devant le Tribunal l'approbation par la Commission de l'aide accordée. En effet, dans une telle hypothèse, la Commission disposerait d'une compétence exclusive pour ce qui concerne l'appréciation de la compatibilité de mesures d'aide avec le marché commun, et les juges nationaux n'auraient aucune compétence pour contrôler l'action de la Commission dans ce domaine. Dès lors, si le présent recours devait être déclaré irrecevable, l'examen de la décision de la Commission de ne pas ouvrir une procédure formelle au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité serait soustraite de facto à tout contrôle juridictionnel.

147.
    Il convient de rappeler que, en l'espèce, le recours est tardif pour ce qui concerne les deux éléments d'aide de la WBM par rapport auxquels la requérante a la qualité d'intéressée au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité. Les circonstances invoquées par la requérante ne sont nullement de nature à rouvrir le délai de recours prévu par l'article 173 du traité. Par ailleurs, si le juge national n'est pas compétent pour se prononcer sur la compatibilité d'une aide avec le marché commun (arrêt de la Cour du 9 août 1994, Namur-Les assurances du crédit, C-44/93, Rec. p. I-3829, point 17), il peut néanmoins examiner la validité d'une décision de la Commission déclarant une aide compatible avec le marché commun. Comme le pouvoir de constater l'invalidité d'un acte communautaire, si elle est soulevée devant une juridiction nationale, est réservé à la Cour, le juge national qui estime que la décision en question est invalide, est tenu de saisir la Cour d'une question préjudicielle en vertu de l'article 177 du traité (arrêt de la Cour du 22 octobre 1987, Foto-Frost, 314/85, Rec. p. 4199, points 14 à 17). Suivre le raisonnement de la requérante reviendrait à admettre que chaque recours introduit devant le Tribunal par une personne physique ou morale et visant à l'annulation d'un acte d'une institution communautaire devrait être déclaré recevable, dès lors que les juridictions nationales ne sont pas compétentes pour constater elles-mêmes l'invalidité des actes de ces institutions (même arrêt, point 20). Une telle interprétation aurait pour conséquence de priver de toute signification juridique la condition selon laquelle la requérante doit être individuellement concernée au sens de l'article 173, quatrième alinéa, du traité.

148.
    Le dernier argument invoqué par la requérante doit dès lors être également rejeté.

D — Conclusions générales

149.
    Il résulte de tout ce qui précède que la requérante peut être considérée comme directement et individuellement concernée par la décision attaquée dans la seule mesure où celle-ci déclare compatibles avec le marché commun l'allégement en

faveur des entreprises auto-alimentées et l'exemption aux fins d'irrigation ou d'arrosage. Toutefois, la décision attaquée, pour autant qu'elle approuve ces deux éléments d'aide, est un acte confirmatif des décisions des 25 novembre 1992 et 29 mars 1994, qui n'ont pas fait l'objet de recours introduits dans les délais requis.

150.
    Il convient donc de constater l'irrecevabilité du recours.

Sur les dépens

151.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La partie requérante ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens et ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions en ce sens de l'institution.

152.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Le royaume des Pays-Bas supportera donc ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

déclare et arrête:

1)     Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)     La partie requérante supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission.

3)    Le royaume des Pays-Bas supportera ses propres dépens.

Lindh                    García-Valdecasas            Lenaerts

            Cooke                        Jaeger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 septembre 1998.

Le greffier

Le président

H. Jung

P. Lindh


1: Langue de procédure: le néerlandais.