Language of document : ECLI:EU:T:2016:308

Édition provisoire

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

24 mai 2016 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de certaines personnes et entités dans le but d’empêcher la prolifération nucléaire en Iran – Gel des fonds – Erreur de droit – Base juridique – Erreur d’appréciation – Absence de preuves »

Dans les affaires jointes T‑423/13 et T‑64/14,

Good Luck Shipping LLC, établie à Dubaï (Émirats arabes unis), représentée par M. F. Randolph, QC, Mmes M. Lester, barrister, et M. Taher, solicitor,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. V. Piessevaux et B. Driessen, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation de la décision 2013/270/PESC du Conseil, du 6 juin 2013, modifiant la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO 2013, L 156, p. 10), du règlement d’exécution (UE) no 522/2013 du Conseil, du 6 juin 2013, mettant en œuvre le règlement (UE) no 267/2012 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO 2013, L 156, p. 3), de la décision 2013/661/PESC du Conseil, du 15 novembre 2013, modifiant la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO 2013, L 306, p. 18), et du règlement d’exécution (UE) no 1154/2013 du Conseil, du 15 novembre 2013, mettant en œuvre le règlement (UE) no 267/2012 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO 2013, L 306, p. 3), dans la mesure où ces actes concernent la requérante, et, d’autre part, une demande visant à faire déclarer inapplicables la décision 2013/497/PESC du Conseil, du 10 octobre 2013, modifiant la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO 2013, L 272, p. 46), et le règlement (UE) no 971/2013 du Conseil, du 10 octobre 2013, modifiant le règlement (UE) no 267/2012 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO 2013, L 272, p. 1),

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro, président, MM. S. Gervasoni et L. Madise (rapporteur), juges,

greffier : Mme M. Junius, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 13 janvier 2016,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Les présentes affaires s’inscrivent dans le cadre des mesures restrictives instaurées en vue de faire pression sur la République islamique d’Iran, afin que cette dernière mette fin aux activités nucléaires présentant un risque de prolifération et à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires.

2        La requérante, Good Luck Shipping LLC, est une agence maritime établie à Dubaï (Émirats arabes unis). Elle organise l’accostage de navires, le déchargement et le chargement de cargaisons.

3        Le 26 juillet 2010, le Conseil de l’Union européenne a adopté, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision 2010/413/PESC, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO 2010, L 195, p. 39). L’article 20, paragraphe 1, de cette décision prévoit :

« Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant aux personnes et entités ci-après, de même que tous les fonds et ressources économiques que ces personnes ou entités possèdent, détiennent ou contrôlent, directement ou indirectement :

[…]

b)      les personnes et entités non mentionnées à l’annexe I qui participent, sont directement associées ou apportent un appui aux activités nucléaires de l’Iran posant un risque de prolifération ou à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires, y compris en concourant à l’acquisition des articles, biens, équipements, matières et technologies interdits, ou les personnes ou entités agissant pour leur compte ou sur leurs ordres, ou les entités qui sont leur propriété ou sont sous leur contrôle, y compris par des moyens illicites, ou les personnes et les entités qui ont aidé les personnes ou les entités désignées à se soustraire aux dispositions des résolutions 1737 (2006), 1747 (2007), 1803 (2008) et 1929 (2010) du Conseil de sécurité ou de la présente décision, ou à les enfreindre, ainsi que les autres membres de haut niveau et entités du Corps des gardiens de la révolution islamique et de la compagnie Islamic Republic of Iran Shipping Lines [IRISL] et les entités qui sont leur propriété, sont sous leur contrôle ou agissent pour leur compte, telles qu’énumérées à l’annexe II.

[...] »

4        À l’annexe II de la décision 2010/413, sous le titre III, intitulé « Compagnie de transport maritime de la République islamique d’Iran (IRISL) », les noms de plusieurs sociétés dont IRISL et Hafize Darya Shipping Lines (ci-après « HDSL ») sont inscrits sur la liste des entités dont les fonds sont gelés.

5        Le 8 octobre 2010, plusieurs sociétés, dont IRISL et HDSL, ont introduit devant le Tribunal un recours enregistré sous le numéro d’affaire T‑489/10, visant notamment à l’annulation de la décision 2010/413, pour autant que celle-ci les concernait.

6        Le 25 octobre 2010, à la suite de l’adoption de la décision 2010/413, le Conseil a adopté le règlement (UE) no 961/2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (CE) no 423/2007 (JO 2010, L 281, p. 1). L’article 16, paragraphe 2, du règlement no 961/2010 prévoit le gel des fonds et des ressources économiques des personnes, entités ou organismes énumérés à l’annexe VIII dudit règlement. Les noms de plusieurs entités, parmi lesquelles IRISL et HDSL, ont été inscrits sur la liste figurant à ladite annexe.

7        Le 1er décembre 2011, le Conseil a adopté la décision 2011/783/PESC, modifiant la décision 2010/413 (JO 2011, L 319, p. 71), par laquelle il a notamment inscrit le nom de la requérante sur la liste figurant à l’annexe II de la décision 2010/413, sous le titre III.

8        Le même jour, le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) no 1245/2011, mettant en œuvre le règlement no 961/2010 (JO 2011, L 319, p. 11), par lequel il a notamment inscrit le nom de la requérante sur la liste figurant à l’annexe VIII du règlement no 961/2010.

9        Dans la décision 2011/783 et dans le règlement d’exécution no 1245/2011 (ci‑après, pris ensemble, les « actes de décembre 2011 »), le Conseil a motivé le gel des fonds et des ressources économiques de la requérante de la façon suivante :

« Société agissant pour le compte d’IRISL. [La requérante] a été créée pour succéder à Oasis Freight Company alias Great Ocean Shipping Services, sanctionnée par l’Union européenne, et en liquidation judiciaire. [La requérante] a émis de faux documents de transport au profit d’IRISL et d’entités détenues ou sous le contrôle d’IRISL. [La requérante a]git pour le compte de HDSL et [Safiran Payam Darya Shipping Lines] (désignées par l’UE) aux Émirats arabes unis. [La requérante a été c]réée en juin 2011, à la suite de sanctions, pour remplacer Great Ocean Shipping Services et Pacific Shipping. »

10      Par lettre du 5 décembre 2011, le Conseil a informé la requérante de l’inscription du nom de celle-ci sur les listes des personnes et entités visées par les mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran, telles que figurant, respectivement, à l’annexe II de la décision 2010/413 et à l’annexe VIII du règlement no 961/2010.

11      Par lettre du 7 février 2012, la requérante a présenté ses observations sur les actes de décembre 2011 et a demandé l’accès au dossier du Conseil.

12      Le 9 février 2012, la requérante a introduit un recours en annulation des actes de décembre 2011 dans la mesure où ces actes la concernaient. Ledit recours a été enregistré sous le numéro d’affaire T-57/12.

13      Le 23 mars 2012, le règlement (UE) no 267/2012 du Conseil, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO 2012, L 88, p. 1), a abrogé le règlement no 961/2010. Le nom de la requérante a été inclus par le Conseil dans la liste figurant à l’annexe IX du règlement no 267/2012. L’article 23, paragraphe 2, de ce dernier règlement prévoit :

« Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant aux personnes, entités et organismes énumérés à l’annexe IX, de même que tous les fonds et ressources économiques que ces personnes, entités ou organismes possèdent, détiennent ou contrôlent. L’annexe IX comprend les personnes physiques et morales, les entités et les organismes qui, conformément à l’article 20, paragraphe 1, points b) et c), de la décision 2010/413/PESC du Conseil, ont été reconnus :

[…]

b)      comme étant une personne physique ou morale, une entité ou un organisme ayant aidé une personne, une entité ou un organisme figurant sur une liste à enfreindre les dispositions du présent règlement, de la décision 2010/413/PESC du Conseil ou des résolutions 1737 (2006), 1747 (2007), 1803 (2008) et 1929 (2010) du Conseil de sécurité des Nations unies, ou à s’y soustraire ;

[…]

e)      comme étant une personne morale, une entité ou un organisme détenu ou contrôlé par la compagnie de transport maritime de la République islamique d’Iran (Islamic Republic of Iran Shipping Lines ou IRISL), ou agissant pour son compte. »

14      Le nom de la requérante a été inscrit sur la liste figurant au point III, B, 43 de l’annexe IX du règlement no 267/2012 et les mêmes motifs que ceux figurant dans les actes de décembre 2011 ont été invoqués (voir point 9 ci-dessus).

15      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 30 avril 2012, la requérante a adapté ses conclusions dans l’affaire T-57/12, afin de contester également le règlement no 267/2012 en ce qu’il la concernait.

16      Par lettre du 31 mai 2012, le Conseil a répondu à la lettre de la requérante du 7 février 2012 et lui a communiqué les documents sur la base desquels il avait adopté les actes de décembre 2011 et inscrit le nom de la requérante sur les listes des personnes et entités visées par les mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran telles que figurant, respectivement, à l’annexe II de la décision 2010/413 et à l’annexe VIII du règlement no 961/2010.

17      Par lettre du 31 janvier 2013, la requérante a envoyé au Conseil ses observations sur l’inscription de son nom sur les listes des personnes et entités visées par les mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran, telles que figurant, respectivement, à l’annexe II de la décision 2010/413 et à l’annexe IX du règlement no 267/2012 (ci-après les « listes litigieuses »).

18      Le 6 juin 2013, le Conseil a adopté la décision 2013/270/PESC, modifiant la décision 2010/413 (JO 2013, L 156, p. 10), ainsi que le règlement d’exécution (UE) no 522/2013, mettant en œuvre le règlement no 267/2012 (JO 2013, L 156, p. 3). Par ces actes (ci-après, pris ensemble, les « actes de juin 2013 »), il a modifié les motifs d’inscription du nom de la requérante sur les listes litigieuses, comme suit :

« Société agissant pour le compte d’IRISL. Contrôlée par [M. M. F.]. [La requérante] a été créée pour succéder à Oasis Freight Company alias Great Ocean Shipping Services, sanctionnée par l’Union, et en liquidation judiciaire. [La requérante] a émis de faux documents de transport au profit d’IRISL et d’entités détenues ou sous le contrôle d’IRISL. [La requérante a]git aux Émirats arabes unis pour le compte de HDSL et [Safiran Payam Darya Shipping Lines] (désignées par l’Union). [Elle a été c]réée en juin 2011, à la suite de sanctions, pour remplacer Great Ocean Shipping Services. »

19      Par lettre du 10 juin 2013, le Conseil a notifié les actes de juin 2013 à la requérante. Celle-ci a également été informée de la possibilité de demander un réexamen de l’inscription de son nom sur les listes litigieuses et de contester ces actes devant le Tribunal.

20      Le 16 août 2013, la requérante a introduit un recours devant le Tribunal tendant à l’annulation des actes de juin 2013, pour autant que ces actes la concernaient. Ce recours a été enregistré sous le numéro d’affaire T‑423/13.

21      Par arrêt du 6 septembre 2013, Good Luck Shipping/Conseil (T‑57/12, non publié, EU:T:2013:410), le Tribunal a accueilli le recours de la requérante et a annulé, pour autant qu’ils concernaient celle-ci, les actes de décembre 2011 et le règlement no 267/2012, au motif que le Conseil n’avait pas apporté la preuve des faits reprochés à celle-ci (arrêt du 6 septembre 2013, Good Luck Shipping/Conseil, T‑57/12, non publié, EU:T:2013:410, point 68).

22      En ce qui concerne les effets dans le temps de l’annulation des actes de décembre 2011 et du règlement no 267/2012 prononcée dans l’arrêt mentionné au point 21 ci-dessus, le Tribunal a décidé que les effets de la décision 2011/783 devaient être maintenus, en ce qui concerne la requérante, jusqu’à la prise d’effet de l’annulation du règlement no 267/2012, qui s’est produite, en vertu de l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, par dérogation à l’article 280 TFUE, à l’expiration du délai de pourvoi visé à l’article 56, premier alinéa, dudit statut.

23      Par arrêt du 16 septembre 2013, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil (T‑489/10, EU:T:2013:453), le Tribunal a annulé, notamment, l’annexe II de la décision 2010/413, l’annexe VIII du règlement no 961/2010 et l’annexe IX du règlement no 267/2012 du Conseil, pour autant que ces actes prévoyaient l’inscription du nom d’IRISL sur les listes litigieuses, au motif que le Conseil n’avait pas établi qu’IRISL avait apporté un appui à la prolifération nucléaire (arrêt du 16 septembre 2013, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil, T‑489/10, EU:T:2013:453, point 76). Il a ensuite annulé l’inscription des noms d’autres entités soupçonnées d’agir pour le compte d’IRISL, parmi lesquelles figurait HDSL, au motif que la circonstance en vertu de laquelle leurs noms avaient été inscrits, à savoir le fait qu’elles étaient contrôlées ou agissaient pour le compte d’IRISL, ne justifiait plus l’adoption et le maintien des mesures restrictives les visant, IRISL n’ayant pas été valablement reconnue comme apportant un appui à la prolifération nucléaire (arrêt du 16 septembre 2013, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil, T‑489/10, EU:T:2013:453, point 77).

24      S’agissant des effets dans le temps de l’annulation prononcée dans l’arrêt mentionné au point 23 ci-dessus, le Tribunal a décidé que les effets de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2010/644, devaient être maintenus, en ce qui concerne IRISL et les autres requérantes, parmi lesquels figurent HDSL et Safiran Payam Darya Shipping Lines (ci-après « SAPID »), jusqu’à la prise d’effet de l’annulation du règlement no 267/2012 qui s’est produite, en vertu de l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, par dérogation à l’article 280 TFUE, à l’expiration du délai de pourvoi visé à l’article 56, premier alinéa, dudit statut.

25      Le 10 octobre 2013, le Conseil a adopté la décision 2013/497/PESC, modifiant la décision 2010/413 (JO 2013, L 272, p. 46), ainsi que le règlement (UE) no 971/2013, modifiant le règlement no 267/2012 (JO 2013, L 272, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « mesures d’octobre 2013 »). Ces actes ont, en particulier, modifié les critères généraux d’inscription sur la liste des personnes ou entités faisant l’objet de mesures restrictives dans le but d’empêcher la prolifération nucléaire en Iran figurant à l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 et à l’article 23, paragraphe 2, sous b) et c), du règlement no 267/2012. Ils ont prévu notamment de nouveaux critères généraux d’inscription sur les listes litigieuses permettant d’inclure les noms :

–        des personnes ou des entités qui se sont soustraites aux dispositions des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies (RCSNU) 1737 (2006), 1747 (2007), 1803 (2008) et 1929 (2010), de la décision 2010/413 et du règlement no 267/2012 ou les ont enfreintes ;

–        des personnes ou des entités qui ont aidé les personnes ou les entités désignées à se soustraire auxdites dispositions ;

–        des personnes ou des entités détenues ou contrôlées par IRISL, agissant pour le compte de celle-ci ou fournissant des services d’assurance ou d’autres services essentiels à IRISL ou à des entités qui sont sous sa propriété ou sont sous son contrôle ou qui agissent pour son compte.

26      Par lettre du 14 octobre 2013, le Conseil a informé la requérante qu’il avait pris acte de l’arrêt du 6 septembre 2013, Good Luck Shipping/Conseil (T‑57/12, non publié, EU:T:2013:410), et qu’il entendait réinscrire le nom de la requérante sur les listes litigieuses en appliquant les nouveaux critères généraux d’inscription fixés par les mesures d’octobre 2013. Il a accordé à la requérante un délai jusqu’au 1er novembre 2013 pour présenter ses observations.

27      Le 31 octobre 2013, la requérante a contesté la brièveté du délai de réponse qui lui avait été accordé, a demandé au Conseil de lui confirmer que son nom ne serait pas réinscrit sur les listes litigieuses ou, dans le cas contraire, a demandé à consulter l’ensemble des informations et des éléments de preuve sur lesquels il se fondait ainsi qu’à obtenir une réponse motivée à sa lettre.

28      Le 15 novembre 2013, le nom de la requérante a été inscrit sur la liste figurant à l’annexe II de la décision 2010/413 par la décision 2013/661/PESC du Conseil, modifiant la décision 2010/413 (JO 2013, L 306, p. 18).

29      Par voie de conséquence, le même jour, le nom de la requérante a été inscrit sur la liste figurant à l’annexe IX du règlement no 267/2012 par le règlement d’exécution (UE) no 1154/2013 du Conseil, mettant en œuvre le règlement no 267/2012 (JO 2013, L 306, p. 3).

30      Dans la décision 2013/661 ainsi que dans le règlement no 1154/2013 (ci‑après, pris ensemble, les « actes de novembre 2013 »), le Conseil a retenu les motifs suivants :

« Good Luck Shipping Company LLC, en tant qu’agent de HDSL dans les Émirats arabes unis, fournit des services essentiels à HDSL, qui est une entité désignée agissant pour le compte d’IRISL. »

31      Par lettre du 18 novembre 2013, le Conseil, en réponse à la lettre de la requérante du 31 octobre 2013, lui a indiqué qu’il était toujours d’avis que sa nouvelle désignation était justifiée, qu’il avait, partant, réinscrit son nom sur les listes litigieuses et, en même temps, qu’il lui donnait accès au dossier comprenant les éléments de preuve sur lesquels il s’était fondé.

32      Par la décision 2013/685/PESC du Conseil, du 26 novembre 2013, modifiant la décision 2010/413 (JO 2013, L 316, p. 46), et par le règlement d’exécution (UE) no 1203/2013 du Conseil, du 26 novembre 2013, mettant en œuvre le règlement no 267/2012 (JO 2013, L 316, p. 1), les noms d’IRISL et de HDSL ont été réinscrits sur les listes litigieuses en application des nouveaux critères généraux d’inscription fixés par les mesures d’octobre 2013.

33      Le 29 janvier 2014, la requérante a introduit un recours, enregistré sous le numéro d’affaire T-64/14, visant les actes de novembre 2013 et les mesures d’octobre 2013.

 Procédure et conclusions des parties

34      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 août 2013, ainsi qu’il a été indiqué au point 20 ci-dessus, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation des actes de juin 2013, pour autant que ces actes la concernent. Ce recours a été enregistré sous le numéro d’affaire T‑423/13.

35      À la suite du renouvellement partiel du Tribunal, l’affaire T‑423/13 a été attribuée à un nouveau juge rapporteur. Celui-ci a ensuite été affecté à la deuxième chambre, à laquelle ladite affaire a, par conséquent, été attribuée.

36      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 janvier 2014, ainsi qu’il a été indiqué au point 33 ci-dessus, la requérante a introduit un recours, enregistré sous le numéro d’affaire T‑64/14, pour demander l’annulation des actes de novembre 2013, pour autant que ces actes la concernent et pour faire déclarer inapplicables les mesures d’octobre 2013, pour autant que ces mesures, en fixant de nouveaux critères généraux d’inscription sur les listes litigieuses, ont constitué le fondement juridique des actes de novembre 2013.

37      Par ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal du 17 juillet 2014, les affaires T‑423/13 et T‑64/14 ont été jointes aux fins de la phase écrite de la procédure, de la phase orale de la procédure et de l’arrêt, conformément à l’article 50 du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991.

38      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure du Tribunal, a posé aux parties des questions écrites. Les parties ont répondu à ces questions dans le délai fixé par le Tribunal.

39      Dans l’affaire T‑423/13, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les actes de juin 2013, pour autant que ces actes la concernent ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

40      Dans l’affaire T‑64/14, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les actes de novembre 2013, pour autant que ces actes la concernent ;

–        déclarer inapplicables, sur le fondement de l’article 277 TFUE, les mesures d’octobre 2013 ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

41      Dans les affaires jointes T‑423/13 et T‑64/14, le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur l’affaire T-423/13

42      Au soutien du recours dans l’affaire T‑423/13, dirigé contre les actes de juin 2013, la requérante soulève quatre moyens. Ils sont pris, le premier, d’une violation de l’obligation de motivation, le deuxième, d’une erreur manifeste d’appréciation découlant du non-respect des critères généraux d’inscription sur les listes litigieuses et de l’absence de preuves ainsi que d’un défaut de base légale, le troisième, d’une violation des droits de la défense et du droit à un contrôle juridictionnel effectif et, le quatrième, d’une violation du principe de proportionnalité et des droits fondamentaux, tels que le droit de propriété, la liberté d’entreprise et le droit au respect de la vie privée.

43      Il convient d’examiner d’abord le deuxième moyen.

44      Par le deuxième moyen, la requérante soulève, en substance, deux griefs. Le premier est tiré d’une erreur d’appréciation et vise à faire valoir que les motifs retenus à son égard sont erronés et que le Conseil n’a pas apporté la preuve desdits motifs. Le second est tiré d’un défaut de base légale. Au soutien du second grief, la requérante affirme, d’une part, que l’inscription de son nom sur les listes litigieuses était fondée sur l’inscription d’IRISL, laquelle a été annulée par l’arrêt du 16 septembre 2013, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil (T‑489/10, EU:T:2013:453), et, d’autre part, que l’annulation de la première inscription de son nom sur les listes litigieuses à la suite de l’arrêt du 6 septembre 2013, Good Luck Shipping/Conseil (T‑57/12, non publié, EU:T:2013:410), aurait dû entraîner l’annulation de la décision de maintenir ladite inscription sur les listes figurant dans les actes de juin 2013.

45      Le Conseil fait valoir que l’inscription du nom de la requérante sur les listes litigieuses se fonde sur deux critères différents, celui d’agir pour le compte d’IRISL et celui d’aider des entités dont les noms ont été inscrits sur lesdites listes à se soustraire aux sanctions les concernant. Dès lors, les motifs indiqués dans les actes de juin 2013 ainsi que les éléments de preuve apportés permettraient de justifier ladite inscription sur la base de l’un ou de l’autre des deux critères susvisés.

46      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le Conseil dispose d’un certain pouvoir d’appréciation pour déterminer au cas par cas si les critères juridiques sur lesquels se fondent les mesures restrictives en cause sont remplis (voir arrêt du 3 juillet 2014, National Iranian Tanker Company/Conseil, T‑565/12, EU:T:2014:608, point 54 et jurisprudence citée).

47      Cependant, les juridictions de l’Union européenne doivent assurer un contrôle, en principe complet, de la légalité de l’ensemble des actes de l’Union au regard des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union, y compris lorsque de tels actes visent à mettre en œuvre des résolutions adoptées par le Conseil de sécurité au titre du chapitre VII de la charte des Nations unies (voir arrêt du 3 juillet 2014, National Iranian Tanker Company/Conseil, T‑565/12, EU:T:2014:608, point 55 et jurisprudence citée).

48      Au rang de ces droits fondamentaux figurent, notamment, le respect des droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective (voir arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian, C‑280/12 P, EU:C:2013:775, point 59 et jurisprudence citée).

49      Le respect des droits de la défense, qui est consacré à l’article 41, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et assuré, en l’espèce, par l’article 24, paragraphes 3 et 4, de la décision 2010/413, et l’article 46, paragraphes 3 et 4, du règlement no 267/2012, comporte le droit d’être entendu et le droit d’accès au dossier dans le respect des intérêts légitimes de la confidentialité (voir, en ce sens, arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian, C‑280/12 P, EU:C:2013:775, point 60 et jurisprudence citée).

50      Le droit à une protection juridictionnelle effective, qui est affirmé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux, exige que l’intéressé puisse connaître les motifs sur lesquels est fondée la décision prise à son égard soit par la lecture de la décision elle-même, soit par une communication de ces motifs faite sur sa demande, sans préjudice du pouvoir du juge compétent d’exiger de l’autorité en cause qu’elle les communique, afin de lui permettre de défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge compétent, ainsi que pour mettre ce dernier pleinement en mesure d’exercer le contrôle de la légalité de la décision en cause (voir arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian, C‑280/12 P, EU:C:2013:775, point 61 et jurisprudence citée).

51      L’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux exige notamment que le juge de l’Union s’assure que la décision, qui revêt une portée individuelle pour la personne ou l’entité concernée, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur le point de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (voir arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian, C‑280/12 P, EU:C:2013:775, point 64 et jurisprudence citée).

52      Le contrôle juridictionnel de la légalité d’un acte par lequel des mesures restrictives ont été adoptées à l’égard d’une entité s’étend à l’appréciation des faits et des circonstances invoqués comme le justifiant, de même qu’à la vérification des éléments de preuve et d’information sur lesquels est fondée cette appréciation. En cas de contestation, il appartient au Conseil de présenter ces éléments en vue de leur vérification par le juge de l’Union (voir arrêts du 6 septembre 2013, Bateni/Conseil, T‑42/12 et T‑181/12, non publié, EU:T:2013:409, point 46 et jurisprudence citée, et du 16 septembre 2013, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil, T‑489/10, EU:T:2013:453, point 42 et jurisprudence citée). En d’autres termes, c’est à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne concernée, et non à cette dernière d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs. Il importe que les informations ou les éléments produits étayent les motifs retenus à l’encontre de la personne concernée (voir arrêt du 3 juillet 2014, National Iranian Tanker Company/Conseil, T‑565/12, EU:T:2014:608, point 57 et jurisprudence citée).

53      En l’espèce, avant d’examiner le bien-fondé des griefs soulevés dans le cadre du deuxième moyen, rappelés au point 44 ci-dessus, il convient de déterminer les éléments susceptibles d’être utilement invoqués par le Conseil, eu égard au respect des droits de la défense de la requérante et de son droit à une protection juridictionnelle effective.

 Sur les éléments susceptibles d’être utilement invoqués, en l’espèce, par le Conseil

54      Il y a lieu d’apprécier si les éléments de preuve, produits par le Conseil dans le cadre du mémoire en défense dans l’affaire T-423/13, peuvent utilement être invoqués au soutien des motifs d’inscription du nom de la requérante sur les listes litigieuses, sans que cela porte atteinte aux droits de la défense de la requérante ainsi qu’à son droit à une protection juridictionnelle effective.

55      En premier lieu, il importe de rappeler que la légalité des actes attaqués ne peut être appréciée, en principe, que sur le fondement des éléments de fait et de droit sur la base desquels ces actes ont été adoptés, et non sur le fondement d’éléments qui ont été portés à la connaissance du Conseil postérieurement à l’adoption desdits actes, et ce quand bien même ce dernier serait d’avis que lesdits éléments pouvaient valablement compléter les motifs énoncés dans ces actes et contribuer à fonder leur adoption. En effet, le Tribunal ne saurait souscrire à l’invitation faite par le Conseil de procéder, en définitive, à une substitution des motifs sur lesquels ces actes se fondent (voir arrêt du 6 septembre 2013, Bateni/Conseil, T‑42/12 et T‑181/12, non publié, EU:T:2013:409, point 51 et jurisprudence citée).

56      En second lieu, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, dans le cas d’une décision subséquente de gel des fonds, le respect des droits de la défense exige, d’une part, que l’intéressé se voie communiquer les informations ou éléments de dossier qui, selon le Conseil, justifient le maintien de l’inscription de son nom sur les listes litigieuses ainsi que, le cas échéant, les nouveaux éléments à charge et, d’autre part, qu’il soit mis en mesure de faire valoir utilement son point de vue à ce sujet (arrêt du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, T‑228/02, EU:T:2006:384, point 126).

57      En d’autres termes, dans l’hypothèse d’un premier acte par lequel les fonds d’une entité sont gelés, à moins que des considérations impérieuses touchant à la sûreté de l’Union ou de ses États membres ou à la conduite de leurs relations internationales ne s’y opposent, la communication des éléments à charge doit avoir lieu soit concomitamment à l’adoption de l’acte concerné, soit aussitôt que possible après ladite adoption. Sur demande de l’entité concernée, cette dernière a également le droit de faire valoir son point de vue au sujet de ces éléments une fois l’acte adopté (voir arrêt du 6 septembre 2013, Bank Melli Iran/Conseil, T‑35/10 et T‑7/11, EU:T:2013:397, point 83 et jurisprudence citée). En revanche, toute décision subséquente de gel des fonds doit être précédée d’une nouvelle possibilité d’audition et, le cas échéant, d’une communication des nouveaux éléments à charge (arrêt du 11 juillet 2007, Sison/Conseil, T‑47/03, non publié, EU:T:2007:207, points 173 et 178).

58      En l’espèce, force est de constater que c’est uniquement au moment du dépôt du mémoire en défense de l’affaire T-423/13 devant le Tribunal, le 4 novembre 2013, que le Conseil a indiqué les éléments de preuve, trouvés sur Internet le 11 mars 2013 et le 28 octobre 2013, sur la base desquels il estimait pouvoir justifier la décision de maintenir l’inscription du nom de la requérante sur les listes litigieuses. Les éléments de preuve en question sont :

a)      un curriculum vitae d’un salarié de la requérante trouvé sur Internet le 28 octobre 2013, qui indique, en substance, que son titulaire travaille pour la requérante, qui est agent de HDSL dans le port de Jebel Ali (Émirats arabes unis), et intervient à chaque fois qu’IRISL appelle ledit port pour lui fournir l’assistance nécessaire ;

b)      un extrait du site Internet de l’association des agents des compagnies maritimes de Dubaï, trouvé sur Internet le 11 mars 2013, qui montre que le nom du représentant de la requérante correspond au nom du représentant de la société Great Ocean Shipping Service ;

c)      un curriculum vitae d’une personne demeurant à Sharjah (Émirats arabes unis), trouvé le 11 mars 2013 sur le site Internet d’une compagnie établie à Sharjah et indiquant que la personne concernée a travaillé pour la requérante et la société Great Ocean Shipping Service de février 2010 jusqu’à présent ;

d)      un extrait du site Internet de l’organisation des exportateurs iraniens de produits de l’industrie minière et de services d’ingénierie, trouvé sur Internet le 28 octobre 2013, indiquant que la requérante se présente comme agent de HDSL.

59      À cet égard, en premier lieu, il convient d’observer que le Conseil, avant la date d’adoption des actes de juin 2013, disposait uniquement des éléments trouvés sur Internet le 11 mars 2013. Or, c’est déjà pour cette raison que, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 55 ci-dessus, les autres éléments de preuve, trouvés sur Internet postérieurement à la date d’adoption des actes de juin 2013, à savoir le 28 octobre 2013, ne sauraient être invoqués par le Conseil au soutien desdits actes.

60      En second lieu, il importe de noter que la décision de maintenir l’inscription du nom de la requérante sur les listes litigieuses, figurant dans les actes de juin 2013, est une décision subséquente de mesures restrictives et le Conseil était ainsi tenu de communiquer à la requérante les informations ou les éléments du dossier qui, selon lui, justifient ledit maintien avant l’adoption de ladite décision, conformément à la jurisprudence mentionnée aux points 56 et 57 ci-dessus.

61      Ce constat n’est pas remis en cause par l’argument, soulevé par le Conseil lors de l’audience, selon lequel la requérante aurait dû, conformément à la jurisprudence de l’Union, présenter une demande d’accès au dossier pour connaître les éléments de preuve mentionnés au point 58 ci-dessus et, ne l’ayant pas fait, le Conseil n’était pas tenu de lui donner spontanément accès au dossier.

62      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, lorsque des informations suffisamment précises, permettant à l’entité intéressée de faire connaître utilement son point de vue sur les éléments retenus à sa charge par le Conseil, ont été communiquées à celle-ci, le principe du respect des droits de la défense n’implique pas l’obligation pour le Conseil de donner spontanément accès aux documents contenus dans son dossier. Ce n’est que sur demande de la partie intéressée que le Conseil est tenu de donner accès à tous les documents administratifs non confidentiels concernant la mesure en cause (voir arrêt du 6 septembre 2013, Bank Melli Iran/Conseil, T‑35/10 et T‑7/11, EU:T:2013:397, point 84 et jurisprudence citée).

63      Cependant, en l’espèce, aucune information permettant à la requérante de faire connaître utilement son point de vue sur les éléments retenus à sa charge par le Conseil ne lui a été communiquée avant l’adoption des actes de juin 2013, conformément à la jurisprudence citée au point 57 ci-dessus. De plus, ni la lettre du Conseil du 10 juin 2013 (voir point 19 ci-dessus) ni les actes de juin 2013 n’ont indiqué les nouveaux éléments à charge sur lesquels le Conseil s’est fondé pour inscrire le nom de la requérante sur les listes litigieuses.

64      En outre, comme l’admet le Conseil lui‑même, les nouveaux éléments de preuve, mentionnés au point 58 ci-dessus, appartiennent au domaine public en ce qu’ils figurent sur Internet. Il s’ensuit qu’aucune considération impérieuse touchant à la sûreté ou à la conduite des relations internationales de l’Union européenne et de ses États membres ne s’opposait à la communication desdits éléments avant l’adoption des actes de juin 2013.

65      Enfin, il y a lieu de préciser que, si le Conseil pouvait invoquer les éléments d’information mentionnés dans le mémoire en défense dans l’affaire T-423/13, cela lui permettrait d’avancer des motifs supplémentaires, en vue de compléter ceux énoncés dans les actes de juin 2013, ce qui porterait également atteinte aux droits de la défense du requérant et à son droit à une protection juridictionnelle effective. En effet, le requérant n’ayant pas été en mesure de connaître ces motifs en temps utile pour, d’une part, défendre sa position lors de la procédure administrative et, d’autre part, apprécier le bien-fondé de l’inscription de son nom sur les listes litigieuses et l’opportunité de former un recours, il disposerait uniquement de la réplique et de la phase orale de la procédure pour présenter ses observations contre de tels motifs. Le principe d’égalité des parties devant le juge de l’Union s’en trouverait ainsi affecté (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2013, Bateni/Conseil, T‑42/12 et T‑181/12, non publié, EU:T:2013:409, point 54 et jurisprudence citée).

66      Dans ces conditions, il convient de considérer que les informations communiquées pour la première fois dans le cadre du mémoire en défense dans l’affaire T‑423/13 ne sauraient être prises en considération par le Tribunal, quand bien même elles permettraient de justifier l’inscription du nom de la requérante sur les listes litigieuses. La prise en considération de tels éléments porterait atteinte, d’une part, au principe selon lequel la légalité des actes attaqués ne peut être appréciée que sur le fondement des éléments de fait et de droit sur la base desquels ils ont été adoptés et, d’autre part, aux droits de la défense de la requérante et à son droit à une protection juridictionnelle effective.

67      Il convient, par la suite, d’examiner si le Conseil a commis une erreur d’appréciation en considérant que la décision de réinscrire le nom de la requérante sur les listes litigieuses était suffisamment étayée en l’absence des éléments de preuve apportés dans le cadre du mémoire en défense dans l’affaire T-423/13.

 Sur le bien-fondé du grief tiré d’une erreur d’appréciation

68      Ainsi que cela a été exposé au point 44 ci-dessus, la requérante soutient que les motifs retenus pour inscrire son nom sur les listes litigieuses sont erronés et que le Conseil n’a pas apporté la preuve desdits motifs.

69      Le Conseil rétorque, ainsi que cela a été rappelé au point 45 ci-dessus, que l’inscription du nom de la requérante sur les listes litigieuses se fonde sur deux critères différents, celui d’agir pour le compte d’IRISL et celui d’aider des entités dont les noms ont été inscrits sur lesdites listes à se soustraire aux sanctions les concernant. Il fait valoir que, si le Tribunal devait considérer comme non étayés les motifs relatifs au premier critère, ladite inscription pourrait s’avérer justifiée sur la base des motifs se référant au second critère.

70      À cet égard, il convient de rappeler que, afin de justifier l’inscription du nom de la requérante sur les listes litigieuses, le Conseil affirme, concernant le premier critère rappelé au point 69 ci-dessus, que la requérante est contrôlée par M. M. F., qui a été directeur régional d’IRISL pour les Émirats arabes unis, qu’elle intervient, en tant qu’agent de HDSL, comme agent maritime d’IRISL dans le port de Jebel Ali et qu’elle a émis de faux documents de transport au profit d’IRISL et d’entités détenues par IRISL ou sous son contrôle. Concernant le second critère mentionné au point 69 ci-dessus, il avance que la requérante a été créée pour remplacer une entité qui avait été sanctionnée par l’Union et ensuite mise en liquidation judiciaire, dans la mesure où, d’une part, la requérante et l’entité en question sont représentées par la même personne dans l’association des agents maritimes de Dubaï et, d’autre part, l’entité en cause a fourni des services d’agence maritime à HDSL et, aujourd’hui, la requérante fournit ces mêmes services à ladite entité, inscrite depuis le 26 juillet 2010, lui permettant ainsi de se soustraire aux sanctions la concernant.

71      Cependant, il y a lieu de préciser que les seuls éléments de preuve apportés par le Conseil sont ceux, mentionnés au point 58 ci-dessus, qui, pour les raisons exposées aux points 59 à 66 ci-dessus, ne sauraient être pris en compte.

72      Dès lors, force est de constater que, en l’absence d’éléments de preuve utilement invocables par le Conseil, l’inscription du nom de la requérante sur les listes litigieuses se fondait uniquement sur des affirmations de principe, et cela qu’il s’agisse des motifs d’inscription se référant au premier critère ou de ceux relatifs au second critère (voir point 69 ci-dessus).

 Sur le bien-fondé du grief tiré d’une erreur de droit

73      Dans le cadre du deuxième moyen, la requérante fait valoir également, ainsi que cela a été rappelé au point 44 ci-dessus, que l’inscription de son nom sur les listes litigieuses est devenue dépourvue de fondement juridique à la suite du prononcé de l’arrêt du 16 septembre 2013, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil (T‑489/10, EU:T:2013:453). Elle soulève un tel argument dans la réplique, au motif que l’arrêt en question n’avait pas encore été prononcé lors de l’introduction du recours. Dans le cadre de la réponse aux mesures d’organisation de la procédure, elle précise, en outre, que le Tribunal, dans l’arrêt précité, a jugé que le Conseil n’avait pas justifié l’inscription du nom d’IRISL sur les listes litigieuses et, partant, que l’inscription des noms des entités (y compris la requérante) qui étaient détenues ou contrôlées par IRISL ou agissaient pour son compte était devenue illégale à partir du mois de juillet 2010 (date de la première inscription d’IRISL). Elle ajoute que, selon la jurisprudence du Tribunal, un arrêt annulant une désignation « élimine le nom de l’entité en question rétroactivement de l’ordre juridique et l’inscription est censée n’avoir jamais existé ». Selon la requérante, ce principe est applicable en l’espèce.

74      Le Conseil conteste l’argument de la requérante et fait notamment valoir, dans le cadre de sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure, que celle-ci n’a pas invoqué, dans la réplique, intervenue à la suite du prononcé de l’arrêt du 16 septembre 2013, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil (T‑489/10, EU:T:2013:453), un moyen ou un argument tiré de ce que les inscriptions des noms d’IRISL et des autres entités concernées sur les listes litigieuses étaient censées n’avoir jamais existé au moment de l’adoption des actes de juin 2013. Partant, selon le Conseil, un tel moyen ou argument ne pourrait pas être examiné par le Tribunal en l’espèce, sous peine de se prononcer ultra petita.

75      À cet égard, il y a lieu d’observer que, contrairement à ce que prétend le Conseil, la requérante a, dans le cadre de la réplique, invité le Tribunal à se prononcer sur les conséquences que l’arrêt du 16 septembre 2013, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil (T‑489/10, EU:T:2013:453), produit sur les actes de juin 2013 (voir point 44 ci-dessus) et les observations qu’elle a formulées lors de sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure ne représentent qu’un développement dudit argument, qui s’avère, dès lors, recevable.

76      De plus, en tout état de cause, il convient de rappeler que les conséquences qui découlent d’un arrêt du Tribunal disposant de l’autorité de la chose jugée font partie des moyens d’ordre public qui peuvent être relevés d’office par le juge de l’Union [voir, par analogie, arrêt du 1er juin 2006, P & O European Ferries (Vizcaya) et Diputación Foral de Vizcaya/Commission, C‑442/03 P et C‑471/03 P, EU:C:2006:356, point 45]. Il s’ensuit que, même en l’absence d’arguments soulevés par la requérante dans le cadre de la réplique et de sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal aurait dû apprécier d’office les effets de l’arrêt du 16 septembre 2013, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil (T‑489/10, EU:T:2013:453), sur les actes attaqués.

77      S’agissant de l’appréciation au fond de l’argument de la requérante tiré d’une erreur de droit commise par le Conseil, il convient de préciser qu’il ressort de la jurisprudence que la validité de l’inscription du nom d’une entité sur la liste des personnes ou entités visées par des mesures restrictives en raison de ses liens avec une autre entité dont le nom a été inscrit sur ladite liste est soumise à la condition que, à la date d’inscription, le nom de cette autre entité soit valablement inscrit sur cette liste. Selon cette jurisprudence, le gel des fonds des entités détenues ou contrôlées par une entité dont le nom a été valablement inscrit sur la liste en question ou agissant pour le compte de cette autre entité est nécessaire et approprié pour assurer l’efficacité des mesures adoptées à l’encontre de cette dernière et pour garantir que ces mesures ne seront pas contournées. Il s’ensuit que, en l’absence d’une inscription valable du nom d’IRISL sur les listes litigieuses, l’inscription, sur lesdites listes, des noms des entités agissant pour son compte ou fournissant des services essentiels à IRISL ou à d’autres entités agissant pour son compte, ne s’avère plus justifiée par l’objectif d’assurer l’efficacité des mesures adoptées à l’encontre d’IRISL et de garantir que ces mesures ne soient pas contournées (voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 2013, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil, T‑489/10, EU:T:2013:453, points 75 à 77 ; voir, également, arrêt du 9 décembre 2014, BT Telecommunications/Conseil, T‑440/11, non publié, EU:T:2014:1042, point 149 et jurisprudence citée).

78      En l’espèce, il importe de rappeler que le 16 septembre 2013 est intervenu l’arrêt Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil (T‑489/10, EU:T:2013:453), qui a annulé les mesures restrictives prises à l’encontre d’IRISL et d’autres entités, parmi lesquelles figurent HDSL et SAPID. À ce titre, il convient de relever que les mesures restrictives prises à l’encontre d’IRISL ont été utilisées pour justifier l’inscription du nom de la requérante sur les listes litigieuses au regard du premier critère mentionné au point 69 ci-dessus, à savoir celui d’agir pour le compte d’IRISL, alors que les mesures restrictives prises à l’encontre de HDSL et de SAPID, ainsi que cela ressort de la lecture des actes de juin 2013 (voir point 18 ci-dessus), ont été utilisées pour justifier l’inscription du nom de la requérante sur lesdites listes au regard du second critère mentionné au point 69 ci-dessus, à savoir celui d’aider des entités désignées à se soustraire aux sanctions les concernant.

79      Or, s’il est vrai que les effets de l’inscription des noms d’IRISL, de HDSL et de SAPID sur les listes litigieuses ont été maintenus jusqu’à l’expiration du délai visé à l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, par dérogation à l’article 280 TFUE, à savoir jusqu’à l’expiration du délai de pourvoi visé à l’article 56, premier alinéa, dudit statut, toutefois, force est de constater que, lorsque ledit délai a expiré, ladite inscription a été éliminée rétroactivement de l’ordre juridique comme si elle n’avait jamais existé (arrêt du 28 mai 2013, Abdulrahim/Conseil et Commission, C‑239/12 P, EU:C:2013:331, point 68 ; voir, également, arrêt du 9 décembre 2014, BT Telecommunications/Conseil, T‑440/11, non publié, EU:T:2014:1042, point 149 et jurisprudence citée).

80      En effet, le Tribunal peut fixer un délai pendant lequel les effets de l’annulation d’un acte sont suspendus afin de permettre au Conseil de remédier aux violations constatées, en adoptant, le cas échéant, de nouveaux critères généraux d’inscription sur la liste des personnes ou entités faisant l’objet de mesures restrictives et de nouvelles mesures restrictives, qui visent à geler les fonds de l’entité concernée pour le futur. Cependant, il convient de souligner que tant lesdits nouveaux critères généraux d’inscription que lesdites nouvelles mesures restrictives ne permettent pas de valider des mesures jugées illégales par un arrêt du Tribunal (voir, en ce sens, arrêt du 22 septembre 2015, First Islamic Investment Bank/Conseil, T‑161/13, EU:T:2015:667, point 102).

81      Il s’ensuit que la suspension des effets de l’annulation d’un acte n’infirme pas le principe, rappelé par la jurisprudence mentionnée au point 79 ci-dessus, selon lequel, une fois écoulé le délai de suspension, l’annulation des actes concernés produit des effets rétroactifs permettant de considérer que les actes visés par l’annulation n’ont jamais existé.

82      Ainsi, en l’espèce, qu’il s’agisse du premier critère, tiré de ce que la requérante agit pour le compte d’IRISL, ou bien du second critère, tiré de ce que la requérante aide des entités désignées à se soustraire aux sanctions les concernant, en agissant pour le compte de HDSL et de SAPID, ou en ayant remplacé Great Ocean Shipping Services pour reprendre les activités que celle-ci effectuait pour HDSL, dans la mesure où les inscriptions des noms d’IRISL, de HDSL et de SAPID sur les listes litigieuses ont été annulées par le Tribunal, il n’est plus possible de justifier l’adoption et le maintien des mesures restrictives à l’encontre de la requérante sur la base de l’un ou de l’autre critère, ceux-ci étant soumis à l’existence d’inscriptions valables desdites entités (voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 2013, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil, T‑489/10, EU:T:2013:453, points 75 à 77 ; voir également, par analogie, arrêt du 9 décembre 2014, BT Telecommunications/Conseil, T‑440/11, EU:T:2014:1042, point 149 et jurisprudence citée).

83      Partant, il convient de considérer que le Conseil a commis une erreur de droit en fondant la décision de maintenir l’inscription du nom de la requérante sur les listes litigieuses sur les motifs liés à l’un ou l’autre des critères mentionnés au point 82 ci-dessus.

84      Il y a donc lieu d’accueillir le deuxième moyen du recours ainsi que le recours introduit dans l’affaire T-423/13 et d’annuler les actes de juin 2013, pour autant qu’ils concernent la requérante, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens du recours.

 Sur l’affaire T-64/14

85      Dans l’affaire T-64/14, la requérante soulève sept moyens au soutien de la demande d’annulation des actes de novembre 2013. Ces moyens sont tirés, le premier, d’une absence de base juridique des actes attaqués découlant de l’illégalité des critères généraux d’inscription fixés par les mesures d’octobre 2013, le deuxième, d’une violation du principe de protection de la confiance légitime, du caractère définitif des jugements, du principe de sécurité juridique, du principe ne bis in idem, de l’autorité de la chose jugée et du principe de non-discrimination, le troisième, d’une violation de l’obligation de motivation, le quatrième, d’une violation des droits de la défense, le cinquième, d’une erreur d’appréciation, du non-respect des critères applicables pour l’établissement des listes litigieuses, d’une absence de preuves justifiant les mesures restrictives prises ainsi que, en substance, d’une erreur de droit, le sixième, d’une violation des droits fondamentaux, à savoir le droit de propriété, la liberté d’entreprise et la réputation, et, le septième, d’un abus de pouvoir commis par le Conseil.

86      Il convient d’examiner d’abord le cinquième moyen.

87      Dans le cadre du cinquième moyen, la requérante soulève six arguments. Premièrement, elle soutient que la décision de maintenir l’inscription du nom d’IRISL sur les listes litigieuses n’avait pas encore été adoptée lors de la décision de maintenir l’inscription de son nom sur lesdites listes figurant dans les actes de novembre 2013. Deuxièmement, elle fait valoir qu’elle ne fournit pas le moindre service à IRISL. Troisièmement, elle souligne que la décision de maintenir l’inscription du nom de HDSL sur ces listes n’avait pas non plus été adoptée lorsque son nom a été réinscrit sur les mêmes listes et que, dès lors, cette dernière inscription, justifiée par le fait qu’elle fournirait des services essentiels à HDSL, s’avère dépourvue de fondement. Quatrièmement, elle considère que le fait d’être l’agent de HDSL ne saurait justifier l’inscription de son nom sur les listes en question et, dans le cadre de la réplique, elle ajoute que les explications fournies par le Conseil, pour préciser le motif de ladite inscription, sont tardives et insuffisamment prouvées. Cinquièmement, elle affirme qu’il n’existe pas de preuves de son lien avec la prolifération nucléaire. Sixièmement, son salarié, dont le Conseil produit le curriculum vitae, ne fournirait pas de services aux navires d’IRISL, qui, d’ailleurs, ne feraient jamais escale au port de Jebel Ali.

88      Le Conseil conteste le bien-fondé des arguments de la requérante. En premier lieu, il fait valoir que les noms d’IRISL et de HDSL étaient encore inscrits sur les listes litigieuses au moment de l’inscription du nom de la requérante sur lesdites listes, car, lorsque le Tribunal a annulé l’inscription de leurs noms, il a également prévu le maintien des effets des actes concernés jusqu’à la prise d’effet de l’annulation partielle du règlement no 267/2012 (arrêt du 16 septembre 2013, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil, T‑489/10, EU:T:2013:453, points 80 à 83), à savoir à l’expiration du délai de pourvoi devant la Cour visé à l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. En deuxième lieu, il maintient que les services fournis par la requérante à HDSL, en sa qualité d’agent, sont essentiels en ce que, en leur absence, HDSL ne pourrait opérer dans les Émirats arabes unis. En troisième lieu, il souligne que les critères sur la base desquels le nom de la requérante a été inscrit sur ces listes ne sont pas ceux tirés de son lien avec la prolifération nucléaire, mais les critères généraux d’inscription fixés par les mesures d’octobre 2013, rappelées au point 25 ci-dessus. En quatrième lieu, il souligne qu’il a fourni les preuves du maintien de l’inscription du nom de la requérante sur les mêmes listes en produisant, notamment, le curriculum vitae de l’un des salariés de celle-ci, qui indique que ledit salarié intervient lorsque les navires d’IRISL desservent le port de Jebel Ali.

89      Il convient de rappeler que l’inscription du nom de la requérante sur les listes litigieuses a été effectuée sur la base des critères généraux d’inscription fixés par les mesures d’octobre 2013, qui permettent d’inscrire sur lesdites listes notamment les noms des « personnes ou [des] entités détenues ou contrôlées par IRISL, agissant pour le compte de celle-ci, ou fournissant des services d’assurance ou d’autres services essentiels à IRISL ou à des entités qui sont sa propriété, sont sous son contrôle ou qui agissent pour son compte », et a été motivée de la manière suivante : « [La requérante] fournit des services essentiels à HDSL, qui est une entité désignée agissant pour le compte d’IRISL. »

90      L’inscription du nom de la requérante sur les listes litigieuses est intervenue le 16 novembre 2013 et a été fondée sur le fait qu’elle fournissait, en sa qualité d’agent, des services essentiels à HDSL, qui était une entité agissant pour le compte d’IRISL. La motivation de ladite inscription se composait donc de deux volets liés, le premier volet étant tiré de ce que la requérante fournissait des services essentiels à HDSL et le second de ce que HDSL était une entité agissant pour le compte d’IRISL.

91      Ainsi que cela a été exposé au point 78 ci-dessus, les inscriptions des noms d’IRISL et de HDSL sur les listes litigieuses ont été annulées par le Tribunal (arrêt du 16 septembre 2013, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil, T‑489/10, EU:T:2013:453) et, comme il a été indiqué au point 79 ci-dessus, ces inscriptions, en raison de l’effet rétroactif de leur annulation, doivent être considérées comme n’ayant jamais existé.

92      Comme cela a été indiqué au point 32 ci-dessus, les noms d’IRISL et de HDSL ont été réinscrits sur les listes litigieuses le 26 novembre 2013, à savoir après l’inscription du nom de la requérante sur lesdites listes le 16 novembre 2013.

93      Il ressort de ce qui précède que, au moment de l’inscription du nom de la requérante sur les listes litigieuses, date à laquelle, selon la jurisprudence mentionnée au point 55 ci-dessus, s’apprécie la légalité des actes attaqués, les noms d’IRISL et de HDSL n’étaient pas valablement inscrits sur lesdites listes.

94      Partant, il convient de considérer que, pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 77 à 82 ci-dessus, ainsi que le fait valoir la requérante, le Conseil a commis une erreur de droit, en décidant de maintenir, par les actes de novembre 2013, l’inscription du nom de la requérante sur les listes litigieuses sur la base de l’inscription des noms d’IRSL et de HDSL sur lesdites listes, en l’absence d’une inscription valable des noms de ces entités sur ces listes à la date de l’inscription du nom de la requérante sur les mêmes listes.

95      En effet, ainsi que cela a été exposé au point 77 ci-dessus, en l’absence d’une inscription valable des noms d’IRISL et de HDSL sur les listes litigieuses, l’inscription du nom de la requérante sur lesdites listes au motif qu’elle fournissait des services essentiels à HDSL, entité agissant pour le compte d’IRISL, ne s’avère plus justifiée par l’objectif d’assurer l’efficacité des mesures adoptées à l’encontre d’IRISL et de HDSL ainsi que par l’objectif de garantir que ces mesures ne soient pas contournées (voir, en ce sens, arrêts du 16 septembre 2013, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil, T‑489/10, EU:T:2013:453, points 75 à 77, et du 9 décembre 2014, BT Telecommunications/Conseil, T‑440/11, non publié, EU:T:2014:1042, point 149 et jurisprudence citée).

96      Cette conclusion n’est pas contredite par l’argument, soulevé par le Conseil lors de sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure, par lequel il fait valoir que les faits mentionnés dans la motivation de l’inscription du nom d’IRISL sur les listes litigieuses n’avaient pas été remis en cause par l’arrêt du 16 septembre 2013, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil (T‑489/10, EU:T:2013:453), et que, ainsi, à compter de la date de la modification des critères généraux d’inscription par les mesures d’octobre 2013, adoptées afin de remédier aux illégalités constatées par ledit arrêt, les mêmes faits qui avaient justifié ladite inscription, annulée par le Tribunal, étaient devenus conformes à l’un desdits critères généraux d’inscription, à savoir celui qui autorise d’inscrire sur lesdites listes les noms des personnes ou des entités s’étant soustraites aux dispositions de résolutions des Nations unies ou aux actes de l’Union ou les ayant enfreintes. En d’autres termes, selon le Conseil, ladite modification des critères généraux d’inscription par les mesures d’octobre 2013, qui est intervenue avant l’inscription du nom de la requérante sur ces listes qui a été effectuée par les actes de novembre 2013, aurait rendu valables, à partir de la date d’adoption de ces mesures, les inscriptions des noms d’IRISL et de HDSL sur les mêmes listes.

97      Toutefois, il convient d’observer que le fait que le Conseil, pendant la période de suspension des effets de l’annulation prononcée dans l’arrêt du 16 septembre 2013, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil (T‑489/10, EU:T:2013:453), et avant l’inscription du nom de la requérante sur les listes litigieuses par les actes de novembre 2013, a modifié, en adoptant les mesures d’octobre 2013, les critères généraux d’inscription sur la liste des personnes ou entités faisant l’objet de mesures restrictives afin, notamment, d’assurer que les inscriptions des noms d’IRISL et de HDSL sur lesdites listes deviennent conformes à ces nouveaux critères généraux d’inscription, n’infirme pas la conclusion selon laquelle, ainsi que cela a été indiqué aux points 79 à 81 et 91 ci-dessus, lorsque la période de suspension des effets de l’annulation prononcée dans l’arrêt précité a expiré, les inscriptions des noms d’IRISL et de HDSL sur ces listes, annulées par ledit arrêt, ont été éliminées rétroactivement de l’ordre juridique comme si elles n’avaient jamais existé. En effet, la seule modification desdits nouveaux critères généraux d’inscription n’a pas pour effet de rendre valables, depuis que ladite modification est intervenue, les inscriptions des noms d’IRISL et de HDSL sur les listes en cause qui ont été effectuées sur la base de précédents critères généraux d’inscription et ne permet donc pas de remédier aux illégalités constatées par l’arrêt du 16 septembre 2013, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil (T‑489/10, EU:T:2013:453), qui a annulé lesdites inscriptions.

98      Une interprétation différente de celle indiquée au point 97 ci-dessus irait à l’encontre du principe rappelé au point 55 ci-dessus. Ainsi, les éléments de fait et de droit postérieurs aux inscriptions des noms d’IRISL et de HDSL sur les listes litigieuses ne sauraient être pris en compte pour apprécier la légalité desdites inscriptions.

99      Il s’ensuit que, comme cela a été indiqué au point 80 ci-dessus, le Conseil ne pouvait pas, par la seule modification des critères généraux d’inscription par les mesures d’octobre 2013, remédier aux illégalités constatées par l’arrêt du 16 septembre 2013, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil (T‑489/10, EU:T:2013:453), et maintenir, sur les listes litigieuses, l’inscription des noms d’IRISL et de HDSL. D’ailleurs, s’agissant de ladite inscription, force est de constater que le Conseil ne s’est pas contenté de la seule modification desdits critères généraux d’inscription, mais a procédé à de nouvelles inscriptions fondées, notamment, sur ces nouveaux critères généraux d’inscription. Cependant, ainsi que cela a été indiqué aux points 92 et 93 ci-dessus, ces nouvelles inscriptions sont intervenues postérieurement à l’inscription du nom de la requérante sur lesdites listes et ne permettent donc pas, pour les raisons exposées aux point 94 et 95 ci-dessus, de justifier cette dernière inscription sur le fondement des actes de novembre 2013.

100    Il s’ensuit qu’il y a lieu d’accueillir le cinquième moyen et d’annuler les actes de novembre 2013, pour autant qu’ils concernent la requérante, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens du recours ni l’exception d’illégalité des critères généraux d’inscription fixés par les mesures d’octobre 2013.

 Sur les effets de l’annulation partielle des actes attaqués

101    En ce qui concerne le règlement d’exécution no 522/2013, par lequel le nom de la requérante a été inscrit sur la liste figurant à l’annexe IX du règlement no 267/2012, il convient de relever que ledit règlement ne produit plus d’effets juridiques à la suite de l’adoption du règlement no 1154/2013. Par conséquent, l’annulation du règlement d’exécution no 522/2013, pour autant que ledit acte concerne la requérante, ne concerne que les effets que cet acte a produits entre la date de son entrée en vigueur et la date d’adoption du règlement no 1154/2013.

102    S’agissant de la décision 2013/270, par laquelle le nom de la requérante a été inscrit sur la liste figurant à l’annexe II de la décision 2010/413, il convient de préciser que les effets de son annulation, pour autant que ledit acte concerne la requérante, sont immédiats et définitifs.

103    Pour ce qui est des effets dans le temps de l’annulation du règlement no 1154/2013, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, par dérogation à l’article 280 TFUE, l’annulation de ce règlement, pour autant que ledit acte concerne la requérante, ne prend effet qu’à compter de la date d’expiration du délai de pourvoi, visé à l’article 56, premier alinéa, dudit statut, ou, si un pourvoi a été introduit dans ce délai, à compter du rejet de celui-ci (voir, par analogie, arrêts du 16 septembre 2011, Kadio Morokro/Conseil, T‑316/11, non publié, EU:T:2011:484, point 38, et du 6 septembre 2013, Good Luck Shipping/Conseil, T‑57/12, non publié, EU:T:2013:410, point 74).

104    En ce qui concerne la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2013/661, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 264, second alinéa, TFUE, le Tribunal peut, s’il l’estime nécessaire, indiquer ceux des effets de l’acte annulé qui doivent être considérés comme définitifs [voir, en ce sens, arrêts du 6 septembre 2013, Europäisch-Iranische Handelsbank/Conseil, T‑434/11, EU:T:2013:405, point 220, et Good Luck Shipping/Conseil, T‑57/12, non publié, EU:T:2013:410, point 75].

105    À cet égard, l’existence d’une différence entre la date d’effet de l’annulation partielle du règlement no 1154/2013 modifiant l’annexe IX du règlement no 267/2012 et celle de l’annexe II de la décision 2010/413, telle qu’issue de la décision 2013/661, serait susceptible d’entraîner une atteinte sérieuse à la sécurité juridique, ces deux actes prévoyant des mesures identiques en ce qui concerne la requérante.

106    Les effets de l’annexe II de la décision 2010/413, telle qu’issue de la décision 2013/661, doivent dès lors être maintenus, en ce qui concerne la requérante, jusqu’à la prise d’effet de l’annulation partielle du règlement no 1154/2013 sur l’annexe IX du règlement no 267/2012 (voir, par analogie, arrêts du 11 décembre 2012, Sina Bank/Conseil, T‑15/11, EU:T:2012:661, point 89, et du 6 septembre 2013, Good Luck Shipping/Conseil, T‑57/12, non publié, EU:T:2013:410, point 76).

 Sur les dépens

107    L’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure prévoit que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant succombé dans le cadre des deux affaires jointes T-423/13 et T-64/14, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Sont annulés, pour autant que ces actes concernent Good Luck Shipping LLC :

–        la décision 2013/270/PESC du Conseil, du 6 juin 2013, modifiant la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran ;

–        le règlement d’exécution (UE) no 522/2013 du Conseil, du 6 juin 2013, mettant en œuvre le règlement (UE) no 267/2012 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran ;

–        la décision 2013/661/PESC du Conseil, du 15 novembre 2013, modifiant la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran ;

–        le règlement d’exécution (UE) no 1154/2013 du Conseil, du 15 novembre 2013, mettant en œuvre le règlement (UE) no 267/2012 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran.

2)      Les effets de la décision 2013/661 sont maintenus en ce qui concerne Good Luck Shipping jusqu’à la prise d’effet de l’annulation du règlement no 1154/2013.

3)      

4)      Le Conseil de l’Union européenne supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par Good Luck Shipping.

Martins Ribeiro

Gervasoni

Madise

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 mai 2016.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur l’affaire T-423/13

Sur les éléments susceptibles d’être utilement invoqués, en l’espèce, par le Conseil

Sur le bien-fondé du grief tiré d’une erreur d’appréciation

Sur le bien-fondé du grief tiré d’une erreur de droit

Sur l’affaire T-64/14

Sur les effets de l’annulation partielle des actes attaqués

Sur les dépens



* Langue de procédure : l’anglais.