Language of document : ECLI:EU:T:2012:642

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

4 décembre 2012 (*)

« Pourvoi – Fonction publique – Fonctionnaires – Sécurité sociale – Prise en charge des frais afférents à des soins dispensés par un ‘Heilpraktiker’ – Obligation de motivation – Dénaturation des éléments de fait »

Dans l’affaire T-78/11 P,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 14 décembre 2010, Lenz/Commission (F-80/09, non encore publié au Recueil), et tendant à l’annulation de cet arrêt,

Erika Lenz, ancienne fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Osnabrück (Allemagne), représentée par Mes V. Lenz et J. Römer, avocats,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant

Commission européenne, représentée par M. J. Currall et Mme B. Eggers, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois),

composé de M. M. Jaeger, président, Mme I. Pelikánová et M. L. Truchot (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi introduit au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la requérante, Mme Erika Lenz, demande, d’une part, l’annulation de l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 14 décembre 2010, Lenz/Commission (F‑80/09, non encore publié au Recueil, ci-après « l’arrêt attaqué »), par lequel celui-ci a rejeté son recours, et, d’autre part, que soit accueilli l’ensemble des conclusions présentées en première instance.

 Faits à l’origine du litige

2        Les faits à l’origine du litige sont exposés, dans l’arrêt attaqué, dans les termes suivants :

« 12      Par une note du 8 avril 2009, la requérante, fonctionnaire retraitée de la Commission européenne, a sollicité le remboursement de frais afférents à des soins qui lui avaient été dispensés en Allemagne, les 4 septembre 2008, 29 décembre 2008 et 26 février 2009, par un Heilpraktiker non titulaire d’un diplôme de médecin. Le montant total des prestations s’élevait à 297 euros.

13      Cette demande a été rejetée par une décision du 4 mai 2009 du RCAM (ci-après la ‘décision litigieuse’).

14      Par note du 2 juin 2009, la requérante a introduit une réclamation à l’encontre de la décision litigieuse.

15      Saisi en application de l’article 35, paragraphe 2, de la réglementation commune [relative à la couverture des risques de maladie des fonctionnaires de l’Union européenne], le comité de gestion du RCAM a rendu l’avis selon lequel il y avait lieu de rejeter la réclamation.

16      Par une décision du 7 juillet 2009, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’’AIPN’) a rejeté la réclamation. »

 Procédure en première instance et arrêt attaqué

 Procédure devant le Tribunal de la fonction publique

3        Par requête parvenue au greffe du Tribunal de la fonction publique le 26 septembre 2009 par télécopie, le dépôt de l’original étant intervenu le 30 septembre suivant, Mme Lenz a introduit un recours visant à l’annulation de la décision par laquelle le régime d’assurance maladie commun aux institutions de l’Union européenne (ci-après le « RCAM ») a refusé de lui rembourser les frais afférents à des soins dispensés par un Heilpraktiker (guérisseur ou praticien non médecin) installé en Allemagne et non titulaire d’un diplôme de médecin (ci-après la « décision litigieuse »).

4        Mme Lenz a conclu à ce qu’il plaise au Tribunal de la fonction publique :

–        annuler la décision litigieuse ;

–        condamner la Commission européenne à lui rembourser, à hauteur de 85 %, soit pour un montant de 253 euros, les frais exposés pour le règlement des prestations dispensées par un Heilpraktiker les 4 septembre 2008, 29 décembre 2008 et 26 février 2009 ;

–        constater que la Commission était tenue de lui rembourser les frais exposés postérieurement au 1er avril 2009 pour le règlement de prestations dispensées par un Heilpraktiker ;

–        condamner la Commission aux dépens de l’instance ainsi qu’aux frais d’avocat exposés pour sa défense, tant au stade précontentieux que contentieux.

5        La Commission a conclu à ce qu’il plaise au Tribunal de la fonction publique :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

6        Mme Lenz a également demandé au Tribunal de la fonction publique, dans ses écrits, de procéder à l’audition d’un témoin.

 Arrêt attaqué

7        Par l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a rejeté le recours, après avoir rejeté, comme étant non fondés, les trois moyens invoqués par Mme Lenz à l’appui de ce recours.

8        S’agissant du premier moyen, tiré de l’absence de motivation de la décision litigieuse, le Tribunal de la fonction publique a constaté qu’il ressortait des pièces du dossier que si, dans cette décision, le RCAM s’était borné, sans motiver son refus, à rejeter les demandes de remboursement présentées par la requérante, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») avait, dans la réponse à la réclamation, explicité les motifs de droit et de fait qui fondaient cette décision en indiquant, notamment, que, ainsi qu’il ressortait du point 2.1 du chapitre 1er du titre II des dispositions générales d’exécution relatives au remboursement des frais médicaux, prévues à l’article 52 de la réglementation commune relative à la couverture des risques de maladie des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après les « DGE »), seules les prestations effectuées par un médecin en tant que tel étaient susceptibles de faire l’objet d’un remboursement. Le Tribunal de la fonction publique a alors rappelé qu’il était de jurisprudence constante que l’administration satisfaisait à son obligation de motivation d’une décision de refus de remboursement en motivant la décision de rejet de la réclamation, la motivation de cette dernière décision étant censée coïncider avec la motivation de la décision contre laquelle la réclamation était dirigée.

9        S’agissant du deuxième moyen, tiré de l’interprétation erronée des DGE, le Tribunal de la fonction publique a constaté que, alors que les DGE prévoyaient expressément – dans la deuxième partie du chapitre 1er du titre II – la prise en charge du montant des honoraires versés à un médecin pour une consultation ou une visite médicales, il ne ressortait d’aucune disposition des DGE que les frais afférents au règlement de prestations dispensées par un Heilpraktiker non titulaire d’un diplôme de médecin devraient faire l’objet d’un remboursement par le RCAM.

10      Statuant, dans le cadre du même moyen, sur l’argument de Mme Lenz selon lequel les DGE devaient être interprétées comme admettant implicitement la prise en charge de telles prestations, dès lors que le RCAM aurait assuré la prise en charge des frais relatifs à des prestations délivrées par des personnes ne justifiant pas d’un diplôme de médecin, le Tribunal de la fonction publique a rappelé les dispositions du titre II des DGE prévoyant le remboursement de ces frais ainsi que la disposition permettant le remboursement des produits pharmaceutiques prescrits par un Heilpraktiker lorsque, en vertu de la législation nationale, celui-ci était habilité à prescrire de tels produits. Le Tribunal de la fonction publique a toutefois jugé que la requérante ne pouvait inférer de ces dispositions expresses l’existence, au profit des fonctionnaires et des autres agents, d’un droit au remboursement des frais afférents au règlement de prestations de soins dispensées par un Heilpraktiker non titulaire d’un diplôme de médecin, alors qu’aucune disposition des DGE ne prévoyait un tel remboursement.

11      Statuant, dans le même cadre, sur l’argument de Mme Lenz selon lequel les soins dispensés par un Heilpraktiker étaient absents de la liste des « prestations non remboursables » figurant dans la troisième partie du chapitre 1er du titre II des DGE, le Tribunal de la fonction publique a considéré que cette disposition, qui devait être lue à la lumière de la règle énoncée à la deuxième partie du chapitre 1er du titre II des DGE, selon laquelle les seules consultations et visites éligibles à un remboursement sont celles faites auprès d’un médecin, devait être interprétée comme dressant la liste des consultations et visites qui, bien que faites par un médecin, sont insusceptibles, du fait de leur objet, d’être remboursées par le RCAM.

12      S’agissant du troisième moyen, tiré de l’illégalité des DGE, invoqué dans l’hypothèse où le Tribunal de la fonction publique considérerait que la Commission a fait une exacte application des DGE en constatant qu’elles excluaient effectivement le remboursement des frais afférents au règlement de prestations dispensées par un Heilpraktiker non titulaire d’un diplôme de médecin, Mme Lenz considère que les DGE sont à l’origine d’une double discrimination dont seraient victimes les fonctionnaires et les anciens fonctionnaires européens établis en Allemagne par rapport tant aux fonctionnaires et aux anciens fonctionnaires européens établis en Autriche qu’aux fonctionnaires et aux anciens fonctionnaires de la fonction publique allemande.

13      Dans le cadre de ce moyen, le Tribunal de la fonction publique a examiné successivement les deux discriminations invoquées.

14      S’agissant, en premier lieu, de la prétendue discrimination dont seraient victimes les fonctionnaires et les anciens fonctionnaires européens établis en Allemagne par rapport aux fonctionnaires et aux anciens fonctionnaires européens établis en Autriche, il a jugé que la requérante ne pouvait se plaindre d’une méconnaissance du principe d’égalité de traitement, dès lors que les deux catégories de personnes n’étaient pas dans des situations comparables. Le Tribunal de la fonction publique a considéré que les fonctionnaires et les anciens fonctionnaires établis en Autriche avaient vocation à bénéficier du remboursement de prestations dispensées par un Heilpraktiker parce que ce dernier y est toujours titulaire d’un diplôme de médecin, ce qui n’est pas le cas en Allemagne. Ainsi, en l’espèce, le Heilpraktiker n’était pas titulaire d’un diplôme de médecin.

15      S’agissant, en second lieu, de la prétendue discrimination dont seraient victimes les fonctionnaires et les anciens fonctionnaires européens établis en Allemagne par rapport aux fonctionnaires et aux anciens fonctionnaires de la fonction publique allemande, dès lors que ces derniers bénéficieraient de la possibilité d’obtenir, de la part du régime allemand de sécurité sociale des fonctionnaires ainsi que des caisses d’assurance maladie privées, le remboursement des frais afférents au règlement des prestations de soins dispensées par un Heilpraktiker non titulaire d’un diplôme de médecin, le Tribunal de la fonction publique a considéré que ces deux catégories relevaient de régimes de sécurité sociale différents et ne se trouvaient donc pas dans des situations comparables. Il a ajouté que, dès lors que la définition du champ d’application du RCAM relevait de la seule compétence du législateur de l’Union, la circonstance que les fonctionnaires et les anciens fonctionnaires de la fonction publique allemande bénéficient d’une telle possibilité de remboursement ne pouvait, par elle-même, impliquer que les fonctionnaires et les anciens fonctionnaires européens devaient se voir accorder pareille possibilité, d’autant que l’exclusion du remboursement des frais afférents au règlement de soins dispensés par un Heilpraktiker dépourvu d’un diplôme de médecin n’apparaissait pas manifestement inappropriée, dans son principe ou dans son application, au regard du principe de couverture sociale qui inspire l’article 72, paragraphe 1, premier alinéa, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne.

16      Dans le cadre du troisième moyen, le Tribunal de la fonction publique a rejeté la demande de la requérante visant à ce qu’il soit procédé à l’audition, en qualité de témoin, d’une personne à laquelle le RCAM aurait accepté de rembourser les honoraires versés à un Heilpraktiker, au motif que le respect du principe d’égalité de traitement devait se concilier avec celui du principe de légalité, selon lequel nul ne peut invoquer, à son profit, une illégalité commise en faveur d’autrui. Il a considéré que la seule circonstance qu’une personne ait bénéficié, en dépit des règles énoncées par les DGE, du remboursement par le RCAM de frais afférents à des soins dispensés par un Heilpraktiker non titulaire d’un diplôme de médecin ne pouvait ouvrir pareil droit à la requérante.

 Sur le pourvoi

 Procédure et conclusions des parties

17      Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 7 février 2011, Mme Lenz a formé le présent pourvoi.

18      Le 19 avril 2011, la Commission a déposé un mémoire en réponse.

19      Le 30 juin 2011, Mme Lenz a déposé un mémoire en réplique. Le mémoire en duplique de la Commission a été déposé le 23 août 2011.

20      Mme Lenz conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’arrêt attaqué dans son intégralité ;

–        accueillir l’ensemble de ses conclusions présentées en première instance ;

–        condamner la Commission aux dépens.

21      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le pourvoi ;

–        accueillir ses demandes en première instance ;

–        condamner la requérante aux dépens de l’instance.

22      Par lettre du 20 septembre 2011, Mme Lenz a, en vertu de l’article 146 du règlement de procédure du Tribunal, demandé à ce dernier d’ouvrir la phase orale de la procédure.

 En droit

23      En vertu de l’article 145 du règlement de procédure, le Tribunal peut, lorsque le pourvoi est manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, le rejeter à tout moment par voie d’ordonnance motivée, et ce même si une partie a demandé au Tribunal la tenue d’une audience (ordonnance du Tribunal du 8 mars 2012, Marcuccio/Commission, T‑126/11 P, non encore publiée au Recueil, point 22). En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer sans poursuivre la procédure.

24      À l’appui de son pourvoi, Mme Lenz invoque quatre moyens. Par le premier moyen, elle reproche au Tribunal de la fonction publique d’avoir commis une erreur de droit en rejetant le moyen tiré de l’absence de motivation de la décision litigieuse en constatant que, dans la décision de rejet de la réclamation du 7 juillet 2009, l’AIPN avait explicité les motifs de droit et de fait au fondement de la décision litigieuse, alors que la décision de rejet n’était pas rédigée en allemand, langue maternelle de la requérante et langue de procédure devant le Tribunal de la fonction publique, mais en français. Le Tribunal de la fonction publique aurait ainsi violé les dispositions combinées de l’article 29 du règlement de procédure et de l’article 35, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, ainsi que l’article 3 du règlement n° 1 du Conseil, du 15 avril 1958, portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne (JO 1958, 17, p. 385) (ci-après, le « règlement n° 1 du Conseil »). Par le deuxième moyen, elle lui reproche d’avoir dénaturé les faits en procédant à une présentation erronée de la profession de Heilpraktiker en Allemagne et commis une erreur de procédure en s’abstenant d’adopter des mesures d’organisation de la procédure en vue de s’informer sur la formation et sur la nature de professionnels de la santé des Heilpraktiker dans cet État membre. Par le troisième moyen, Mme Lenz invoque une dénaturation des faits concernant la citation d’un témoin. Par le quatrième moyen, elle reproche au Tribunal de la fonction publique d’avoir omis de statuer sur « certains éléments ».

 Sur le premier moyen, tiré de la violation des dispositions combinées de l’article 29 du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique et de l’article 35, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, ainsi que de l’article 3 du règlement n° 1 du Conseil

25      En premier lieu, Mme Lenz fait valoir que l’arrêt attaqué doit être annulé au motif que la décision de rejet de la Commission du 7 juillet 2009 n’était pas rédigée en langue allemande, langue de procédure, mais en langue française, de sorte qu’elle ne l’a, expressément, pas accepté, et que, en acceptant une telle motivation, le Tribunal de la fonction publique a « enfreint son règlement de procédure (application combinée des articles 29 du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique et 35, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal) ».

26      En second lieu, Mme Lenz expose que le Tribunal de la fonction publique n’a pas pris en considération le fait qu’elle avait refusé d’examiner la décision de rejet dans une langue étrangère et que les considérations figurant au point 29 de l’arrêt attaqué, selon lesquelles l’AIPN avait, dans la réponse à la réclamation, explicité les motifs de droit et de fait qui fondaient la décision litigieuse, impliquaient une violation du règlement de procédure et de l’article 3 du règlement n° 1. Selon Mme Lenz, la Commission a ainsi violé l’obligation de motivation qui lui incombe.

27      La Commission conclut au rejet du premier moyen comme étant irrecevable et non fondé.

28      Il résulte des dispositions combinées de l’article 29 du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique et de l’article 35, paragraphe 3, deuxième et troisième alinéas, du règlement de procédure du Tribunal que, devant le Tribunal de la fonction publique, toute pièce et tout document produits ou annexés et rédigés dans une langue autre que la langue de procédure sont accompagnés d’une traduction dans la langue de procédure et que, devant le même Tribunal, à tout moment, celui-ci peut exiger une traduction plus complète ou intégrale, soit d’office, soit à la demande d’une des parties.

29      Aux termes de l’article 3 du règlement n° 1 du Conseil, « Les textes adressés par les institutions à un État membre ou à une personne relevant de la juridiction d’un État membre sont rédigés dans la langue de cet État ».

30      En l’espèce, il convient de constater, d’une part, que Mme Lenz a annexé la décision de rejet de la réclamation de la Commission du 7 juillet 2009 à sa requête devant le Tribunal de la fonction publique, sans l’accompagner d’une traduction dans la langue de procédure ni demander au Tribunal de la fonction publique, comme elle en avait le droit, qu’il exige de la Commission une telle traduction. D’autre part, Mme Lenz s’est bornée, dans la requête devant le Tribunal de la fonction publique, à relever que "la décision était rédigée en français" et que la « traduction allemande n’était pas jointe », sans prétendre que l’absence de rédaction en langue allemande de la décision de rejet violait une quelconque règle de droit. Mme Lenz n’a donc manifesté aucune opposition, au cours de la procédure en première instance, à ce que ce document soit versé au dossier ni invoqué, devant le Tribunal de la fonction publique, de moyen fondé sur la violation du règlement de procédure ou de l’article 3 du règlement n°1 du Conseil, précité. Or, permettre à une partie de soulever pour la première fois devant le Tribunal un moyen qu’elle n’a pas soulevé devant le Tribunal de la fonction publique reviendrait à lui permettre de saisir le Tribunal, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal de la fonction publique. Dans le cadre d’un pourvoi, la compétence du Tribunal est limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant les premiers juges (voir arrêt du Tribunal du 16 décembre 2010, Lebedef/Commission, T-364/09 P, non encore publié au Recueil, point 56, et la jurisprudence citée). Le présent moyen doit, en conséquence, être rejeté comme étant manifestement irrecevable.


31      En tout état de cause, il ressort de la jurisprudence que le fait que des documents adressés par l’administration à l’un de ses fonctionnaires soient rédigés dans une langue autre que sa langue maternelle n’est constitutif d’aucune violation des droits dudit fonctionnaire, s’il possède une maîtrise de la langue utilisée par l’administration lui permettant de prendre effectivement et facilement connaissance du contenu des documents en question (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 20 novembre 2008, Italie/Commission, T-185/05, point 132, et la jurisprudence citée). Or, en l’espèce, plusieurs éléments du dossier permettent de constater que la requérante était en mesure de comprendre le contenu de la décision de rejet de la réclamation. Ainsi qu’il ressort de l’annexe 4 de la requête en première instance, la requérante a été informée, par lettre du 8 juillet 2009, qu’elle pouvait demander la traduction en allemand de la décision de rejet de la réclamation qui lui avait été adressée en français par l’AIPN. Le défaut d’une telle demande permet de présumer que la requérante maîtrisait la langue française utilisée par l’administration, lui permettant de prendre effectivement connaissance du contenu de la décision de rejet de la réclamation. Par ailleurs, il ressort également de la requête en première instance que Mme Lenz a été en mesure de comprendre pleinement le contenu de ladite décision et d’exercer utilement son droit de recours. En effet, Mme Lenz, dans ladite requête, traite des trois sujets abordés dans la décision de rejet de sa réclamation, en ce qu’elle fait valoir que le RCAM remboursait la consultation d’auxiliaires médicaux et donc de non médecins, que ledit RCAM lui avait régulièrement remboursé les médicaments prescrits par un Heilpraktiker et qu’il existait une discrimination entre les fonctionnaires et retraités européens de nationalité allemande et les fonctionnaires et retraités allemands.

32      Il résulte de ce qui précède que le présent moyen, manifestement irrecevable ou, en tout état de cause, manifestement non fondé, doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une dénaturation des faits et d’une erreur de procédure

33      Mme Lenz reproche au Tribunal de la fonction publique d’avoir fait référence à plusieurs reprises et de manière explicite, dans l’arrêt attaqué, à la notion de « Heilpraktiker non titulaire d’un diplôme de médecin », en partant de l’hypothèse erronée qu’il existe aussi en Allemagne des Heilpraktiker qui sont titulaires d’un diplôme de médecin. Elle ajoute que les Heilpraktiker exercent en Allemagne une profession médicale, dès lors qu’ils soignent certaines maladies, ainsi que la loi allemande le reconnaît, et que cette profession médicale est reconnue, résulte d’une formation propre faisant l’objet d’un diplôme d’État et qu’elle est protégée. Selon Mme Lenz, l’erreur d’interprétation de la législation allemande sur les Heilpraktiker commise par le Tribunal de la fonction publique affecte la légalité de l’arrêt attaqué, en ce que celui-ci s’est abstenu de prononcer des mesures d’organisation de la procédure en vue de s’informer sur la formation et sur la nature de cette profession en Allemagne, cette omission constituant une erreur de procédure.

34      La Commission conclut au rejet du deuxième moyen comme étant manifestement irrecevable et non fondé.

35      Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 257 TFUE et de l’article 11, paragraphe 1, de l’annexe I du statut de la Cour, le pourvoi formé devant le Tribunal est limité aux questions de droit. Le juge de première instance est seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où une inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits. L’appréciation des faits par le juge de première instance ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant ce juge, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle du Tribunal. Une telle dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (voir arrêt du Tribunal du 15 mai 2012, Nijs/Cour des comptes, T‑184/11 P, non encore publié au Recueil, point 29, et la jurisprudence citée).

36      En l’espèce, Mme Lenz n’a pas, dans le cadre du présent moyen, identifié les pièces du dossier dont il résulterait de manière manifeste que le Tribunal de la fonction publique a dénaturé la législation allemande en considérant que, en Allemagne, il existait des Heilpraktiker qui étaient titulaires d’un diplôme de médecin.

37      En tout état de cause, il convient de relever que, par le présent moyen, Mme Lenz conteste l’exactitude de la présentation, par le Tribunal de la fonction publique, de la profession de Heilpraktiker en Allemagne, mais ne remet pas en cause la constatation, opérée au point 12 de l’arrêt attaqué, selon laquelle, en l’espèce, elle a sollicité le remboursement de frais afférents au règlement de soins dispensés par un Heilpraktiker non titulaire d’un diplôme de médecin. Le Tribunal de la fonction publique n’a donc pas commis de dénaturation en se référant, en divers points de l’arrêt attaqué, à des prestations dispensées, dans la présente affaire, par un Heilpraktiker non titulaire d’un diplôme de médecin.

38      Il en résulte que le grief pris de la dénaturation des faits résultant d’une présentation erronée de la profession de Heilpraktiker en Allemagne doit être rejeté comme étant manifestement irrecevable ou, en tout état de cause, manifestement non fondé.

39      Il y a lieu d’ajouter que, selon la jurisprudence, le Tribunal de la fonction publique est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi. Le caractère probant ou non des pièces de la procédure relève de son appréciation souveraine des faits, qui échappe au contrôle du Tribunal dans le cadre du pourvoi, sauf en cas de dénaturation des éléments de preuve présentés au Tribunal ou lorsque l’inexactitude matérielle des constatations du Tribunal ressort des documents versés au dossier (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 10 juillet 2001, Ismeri Europa/Cour des comptes, C‑315/99 P, Rec. p. I-5281, point 19, et la jurisprudence citée ; ordonnance du Tribunal du 21 juin 2011, Rosenbaum/Commission et Conseil, T-452/09 P, non encore publiée au Recueil, point 41).

40      Or, ainsi qu’il a été constaté aux points 35 à 37 ci-dessus, aucune dénaturation ne peut être reprochée au Tribunal de la fonction publique dans l’arrêt attaqué, aucune inexactitude matérielle n’étant, en outre, invoquée, de sorte que le grief pris du refus du Tribunal de la fonction publique d’adopter des mesures d’organisation de la procédure en vue de s’informer sur la formation et sur la nature de professionnels de la santé des Heilpraktiker dans cet État membre doit être rejeté comme étant manifestement irrecevable, emportant, par là même, le rejet du deuxième moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une dénaturation des faits

41      Mme Lenz reproche au Tribunal de la fonction publique d’avoir, aux points 20 et 45 de l’arrêt attaqué, erronément retenu qu’elle avait fait état d’un remboursement de frais afférents au règlement de soins dispensés par un Heilpraktiker au bénéfice de Mme E., alors que cette personne, dont le nom avait été cité par la requérante devant le juge de première instance, n’avait jamais eu recours à un Heilpraktiker ni, par conséquent, demandé le remboursement d’honoraires versés à une telle personne. Selon Mme Lenz, Mme E. est une fonctionnaire retraitée allemande de l’Union européenne, qui avait été employée au sein du RCAM et qui pouvait attester que, dans le passé, plus précisément avant l’adhésion de la République d’Autriche, des soins dispensés par un Heilpraktiker étaient remboursés. Mme Lenz fait valoir qu’il en résulte que le fait que des frais occasionnés par le règlement de prestations assurées par un Heilpraktiker étaient remboursés par le passé était pertinent aux fins de statuer sur le recours.

42      La Commission conclut au rejet du troisième moyen comme étant non fondé.

43      En l’espèce, au point 20 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a constaté que la requérante lui avait demandé, dans ses écrits, de procéder à l’audition, en qualité de témoin, d’une personne à laquelle le RCAM aurait accepté de rembourser des honoraires versés à un Heilpraktiker. Au point 45 dudit arrêt, le Tribunal de la fonction publique a décidé qu’il ne pouvait donner suite à cette demande.

44      Or, dans la requête en première instance, Mme Lenz faisait valoir que, « selon les informations d’une fonctionnaire européenne retraitée de nationalité allemande, Mme E. […] qui a[vait] travaillé autrefois à la tarification du RCAM, avant l’adhésion de l[a République d]’Autriche […], les honoraires des Heilpraktiker [étaie]nt remboursés » et que, dans le mémoire en réplique déposé devant le Tribunal de la fonction publique, elle lui avait « demand[é] […] d’entendre ce témoin et de prendre acte de sa déclaration ».

45      Le Tribunal de la fonction publique a ainsi refusé d’accueillir la demande de Mme Lenz de citer un témoin en constatant que cette demande visait un témoin qui aurait bénéficié, de la part du RCAM, du remboursement d’honoraires versés à un Heilpraktiker, alors qu’il lui était demandé de citer un témoin qui aurait constaté, en sa qualité de fonctionnaire de l’Union européenne affecté à un service compétent en matière de sécurité sociale, l’existence de tels remboursements.

46      Toutefois, cette appréciation erronée du Tribunal de la fonction publique relative à la qualité du témoin mentionné par la requérante n’affecte pas la régularité de l’arrêt attaqué non plus que, partant, la légalité de la décision litigieuse. En effet, la seule conséquence que Mme Lenz déduit de la constatation de cette erreur est que « le fait que des frais de Heilpraktiker étaient remboursés par le passé était pertinent aux fins de statuer sur [ses] prétentions ».

47      En conséquence, même à supposer que puisse être qualifiée de dénaturation, au sens de la jurisprudence constante rappelée aux points 34 et 38 ci-dessus, une erreur affectant les écritures des parties et non les faits constatés par le juge de première instance ou les éléments de preuve produits devant lui, il convient d’observer que Mme Lenz ne précise pas les effets qu’une telle constatation devrait, selon elle, produire sur la décision de refus, par le Tribunal de la fonction publique, de citer le témoin en cause et n’expose pas la raison pour laquelle elle considère que le témoignage d’un fonctionnaire de l’Union qui aurait constaté l’existence de remboursements d’honoraires versés à un Heilpraktiker présente un degré de pertinence supplémentaire, aux fins de la solution du présent litige, par rapport au témoignage d’une personne qui aurait directement bénéficié d’un remboursement par le RCAM d’honoraires versés à un Heilpraktiker.

48      Or, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut et de l’article 138, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, la requête doit, notamment, contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Elle doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du statut de la Cour et du règlement de procédure du Tribunal. De plus, cet exposé, même sommaire, doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. La sécurité juridique et une bonne administration de la justice exigent, pour qu’un recours ou, plus spécifiquement, un moyen du recours soient recevables, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels ceux-ci se fondent ressortent de façon cohérente et compréhensible du texte même de la requête (ordonnance du Tribunal du 15 septembre 2010, Marcuccio/Commission, T‑157/09 P, non encore publiée au Recueil, point 27). Dès lors, en ce qu’il ne répond pas à l’exigence de précision qui découle de la jurisprudence, le troisième moyen doit être rejeté comme étant manifestement irrecevable.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’omissions de statuer

49      Mme Lenz expose que les deux parties au litige avaient été invitées durant la procédure à se prononcer sur deux questions qui s’avéraient pertinentes en l’espèce, qu’elles se sont toutes deux exprimées à ce sujet, mais que, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique n’en a aucunement fait mention, de sorte qu’il a omis de statuer à cet égard.

50      La Commission conclut au rejet du quatrième moyen comme étant irrecevable et non fondé.

51      Il suffit de constater que Mme Lenz n’a pas précisé l’objet et le contenu des questions auxquelles elle se réfère ni la raison pour laquelle elles étaient pertinentes aux fins de la solution du présent litige ni, enfin, les éléments exposés par les parties en réponse à ces questions sur lesquels le Tribunal de la fonction publique se serait abstenu de statuer en violation de son obligation de motivation. En conséquence, le quatrième moyen doit être rejeté, en ce qu’il ne répond pas à l’exigence de précision qui découle de la jurisprudence citée au point 48 ci-dessus, comme étant manifestement irrecevable.

52      Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que le pourvoi doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

53      Conformément à l’article 148, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, le Tribunal statue sur les dépens.

54      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, premier alinéa, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 144 de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

55      Mme Lenz ayant succombé en ses conclusions et la Commission ayant conclu en ce sens, elle supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission dans le cadre de la présente instance

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)

ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Mme Erika Lenz supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne dans le cadre de la présente instance.

Fait à Luxembourg, le 4 décembre 2012.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


*  Langue de procédure : l’allemand.