Language of document : ECLI:EU:F:2011:156

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

27 septembre 2011 (*)

«Fonction publique – Personnel de la BCE – Exercice de révision annuelle des salaires et des primes – Exercice 2008 – Exercice annuel d’évaluation – Critères d’appréciation – Consultation du comité du personnel – Prise en compte des congés de maladie – Fixation des objectifs»

Dans l’affaire F‑98/09,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 36.2 du protocole sur les statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne, annexé au traité CE,

Sarah Whitehead, membre du personnel de la Banque centrale européenne, demeurant à Francfort-sur-le-Main (Allemagne), représentée par Mes L. Levi et M. Vandenbussche, avocats,

partie requérante,

contre

Banque centrale européenne (BCE), représentée initialement par Mme F. Feyerbacher et M. G. Nuvoli, en qualité d’agents, assistés de Me B. Wägenbaur, avocat, puis par Mme E. Carlini et M. G. Nuvoli, en qualité d’agents, assistés de Me B. Wägenbaur, avocat,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre),

composé de M. S. Gervasoni, président, M. H. Kreppel (rapporteur) et Mme M. I. Rofes i Pujol, juges,

greffier: M. R. Schiano, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 janvier 2011,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 20 novembre 2009 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 26 novembre suivant), Mme Whitehead demande, à titre principal, l’annulation de la décision du 8 janvier 2009 de la Banque centrale européenne (BCE) lui accordant, au titre de la révision annuelle des salaires et des primes (ci-après l’«ASBR»), une augmentation de salaire de deux points indiciaires, ainsi que l’indemnisation de son préjudice moral évalué ex aequo et bono à la somme de 10 000 euros.

 Cadre juridique

2        L’article 36 du protocole sur les statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne, annexé au traité CE (ci-après les «statuts du SEBC»), dans sa version en vigueur au moment des faits, contient les dispositions suivantes:

«Personnel

36.1. Le conseil des gouverneurs arrête, sur proposition du directoire, le régime applicable au personnel de la BCE.

36.2. La Cour de justice [de l’Union européenne] est compétente pour connaître de tout litige entre la BCE et ses agents dans les limites et selon les conditions prévues par le régime qui leur est applicable.»

3        Sur le fondement de l’article 21 des statuts du SEBC, le conseil des gouverneurs de la BCE a adopté, pour la première fois, le 9 juin 1998, les conditions d’emploi du personnel de la BCE (décision de la BCE, du 9 juin 1998, relative à l’adoption des conditions d’emploi du personnel de la BCE, modifiée le 31 mars 1999, JO L 125, p. 32, et le 5 juillet 2001, JO L 201, p. 25; ci-après les «conditions d’emploi»).

4        Par ailleurs, sur le fondement de l’article 12.3 des statuts du SEBC, le conseil des gouverneurs a adopté le règlement intérieur de la BCE (JO 2004, L 80, p. 33) qui, dans sa version en vigueur au moment des faits, dispose notamment:

«11.2 Sans préjudice des articles 36 et 47 des statuts, le directoire édicte des règles d’organisation (ci-après dénommées ‘circulaires administratives’) qui sont obligatoires pour le personnel de la BCE.

[…]

21.1. Les conditions d’emploi et les règles applicables au personnel déterminent les relations de travail entre la BCE et son personnel.

21.2. Sur proposition du directoire et après consultation du conseil général, le conseil des gouverneurs adopte les conditions d’emploi.

21.3. Le directoire adopte les règles applicables au personnel, qui mettent en application les conditions d’emploi.

21.4. Le comité du personnel est consulté préalablement à l’adoption de nouvelles conditions d’emploi ou de nouvelles règles applicables au personnel. Son avis est soumis respectivement au conseil des gouverneurs ou au directoire.»

1.     La procédure d’ASBR

5        Les articles 5 et 6 de l’annexe I des conditions d’emploi dans leur version en vigueur au moment des faits, relative à la structure des salaires, disposent:

«5. Le directoire détermine les augmentations de salaire individuelles dans les limites générales qu’il fixe dans le cadre de l’exercice de révision annuelle des salaires et des primes. Ces augmentations individuelles de salaire reposent sur l’évaluation de l’évolution de la contribution d’un membre du personnel aux missions de la BCE, par rapport à celle des autres membres du personnel exerçant leurs fonctions au sein du même service.

6. Le directoire peut déléguer le pouvoir de déterminer les augmentations individuelles de salaire.»

6        Le 6 août 2008, le directoire a adopté la décision suivante (ci-après la «décision du 6 août 2008»):

«1. Les pouvoirs établis par l’article 5 de l’annexe I – structure salariale des conditions d’emploi sont délégués au directeur général dans les directions générales et au directeur dans les directions qui ne dépendent pas d’une sous-unité d’une direction générale, au sein d’un service dont dépend le membre du personnel, ainsi qu’il est précisé dans l’annexe. Pour les membres du personnel employés en tant que conseillers auprès du directoire, le coordinateur des conseillers auprès du directoire recevra délégation.

2. Les pouvoirs délégués en vertu du paragraphe 1 sont exercés dans les limites du budget fixé annuellement par le directoire pour l’[ASBR] sur la base des critères établis par le directoire aux fins d’évaluer l’évolution de la contribution apportée par un membre du personnel aux travaux de la BCE par rapport à celle d’autres membres du personnel qui exercent leurs fonctions au sein du même service.»

7        Sur le fondement de l’article 5 de l’annexe des conditions d’emploi a été mise en place une procédure d’ASBR qui a pour objet d’allouer, dans la limite de l’enveloppe budgétaire prévue à cet effet par le directoire de la BCE, des augmentations de salaire et/ou des primes aux membres du personnel sur la base d’une évaluation de leurs prestations.

8        La procédure d’ASBR a été précisée dans un document intitulé «The Annual Salary & Bonus Review [ASBR]» (ci-après les «lignes directrices de 2008»), accessible notamment sur l’intranet de la BCE.

9        Les lignes directrices de 2008 prévoient:

«[…]

1. Les objectifs de [l’ASBR]

La politique de salaire au mérite a été créée à la BCE en vue de récompenser les prestations et la réussite d’un agent en établissant un lien entre son niveau de rémunération et sa contribution à la réalisation des [missions] de la BCE. En outre, cette politique se fonde sur les principes suivants:

–        Les augmentations de salaire allouées à un agent doivent traduire une progression de l’intéressé au niveau personnel et une contribution croissante de ce dernier au succès de son service de rattachement (direction générale/direction) et à celui de la BCE dans son ensemble. Eu égard à la sévérité des contraintes budgétaires qui sous-tendent l’ASBR, la progression du développement personnel et la contribution croissante à la réalisation des tâches doivent faire l’objet d’une évaluation comparative. En tant qu’institution, la BCE dépend d’une série de contributions interdépendantes émanant de différents groupes et individus. C’est pourquoi le système des gratifications salariales est fondé sur une évaluation de la contribution à la fois en tant qu’individu et sous l’angle de la plus-value que cette contribution apporte à l’équipe, à l’intérieur du service de rattachement, mais aussi dans le cadre de la coopération dans des initiatives transversales. On peut escompter que des attitudes comportementales de nature à promouvoir les valeurs de la BCE auront une incidence positive au niveau du rendement des agents et des équipes, au niveau rencontré par chaque service de rattachement et celui de la BCE considérée dans son ensemble. De telles attitudes doivent donc également jouer un rôle dans le cadre du système de gratifications.

–        La BCE s’efforce de promouvoir la flexibilité des membres du personnel, par exemple en les incitant à faire preuve d’ouverture en matière de mobilité et d’implication dans des initiatives transversales. Un facteur important lors de l’examen des promotions et gratifications réside dans la mesure dans laquelle les membres du personnel qui ont fait preuve de mobilité ou qui ont été impliqués dans ces initiatives se sont intégrés au sein d’un nouvel environnement de travail et y ont apporté des idées nouvelles […]. La flexibilité montrée par ces membres du personnel doit donc se traduire par des promotions et gratifications.

–        Étant donné qu’elle est exposée au public, la BCE reste attachée à une gestion prudente de la masse salariale, de sorte qu’il a été décidé d’allouer un budget de 1,5 % pour les augmentations de salaires et de 1,5 % pour les primes.

L’ASBR fournit une occasion importante de mettre en œuvre ces principes, qui doivent présider au processus de décision pour ce qui a trait aux promotions et gratifications.

Il est important de souligner que le niveau attendu des contributions et du rendement augmente avec la progression salariale des membres du personnel, à l’intérieur de leur tranche de rémunération. Des différences entre les salaires des membres du personnel qui ne seraient pas en rapport avec des différences au niveau de leurs contributions individuelles peuvent être corrigées par l’octroi d’augmentations de salaire d’un montant différent. […]

2. Types de récompenses liées au mérite

Il y a deux types de gratification destinés à récompenser le mérite: les augmentations de salaire et les primes.

2.1 Les augmentations de salaire

Les augmentations salariales reflètent un développement personnel de l’agent et une contribution en hausse par rapport à l’année précédente, étant entendu que la BCE attend de son agent qu’il persévère dans le futur. Les décisions relatives à des augmentations individuelles de salaire doivent être fondées sur les principes susmentionnés et être expliquées de la manière qui convient.

2.1.1 Niveaux de mérite et répartition.

Les augmentations de salaire sont exprimées en points indiciaires allant de 0 à 14 points. Chaque point indiciaire équivaut à une augmentation salariale de 0,25 %. Les membres du personnel se voient accorder de 0 à 14 points. […]

2.2 Gratification sous forme de prime

À la différence des augmentations de salaire, les gratifications sous forme de prime sont généralement utilisées pour reconnaître et récompenser des résultats à court terme ou une performance qui n’est pas spécifiquement liée à une progression du développement personnel. […]

3.      Existence d’un lien indirect entre l’ASBR et l’évaluation

L’ASBR et l’évaluation correspondent à deux exercices distincts, poursuivant des objectifs différents. En conséquence, il n’y a pas de lien mécanique entre les deux, et on ne saurait non plus exiger que l’évaluation soit terminée avant que soit entamée l’ASBR. Néanmoins, l’approche consistant à [procéder à] l’exercice d’évaluation [avant de prendre les] décisions [au titre] de l’ASBR correspond à une bonne pratique et doit être privilégiée.

L’exercice d’évaluation tend à reconnaître les domaines dans lesquels l’agent a obtenu des résultats et à identifier les domaines dans lesquels l’intéressé peut, dans sa situation spécifique, améliorer ses performances, sans qu’il y ait lieu de comparer la performance de l’intéressé à celle des autres membres du personnel. L’évaluation a ainsi le caractère d’un exercice ‘normatif’. Elle se rapporte uniquement aux résultats obtenus par l’intéressé, évalués à l’aune des objectifs individuels au sein d’un contexte individuel spécifique, et n’implique aucune notion comparative.

À l’opposé, l’ASBR doit, eu égard aux contraintes budgétaires et compte tenu du principe de récompense basée sur le mérite, considérer la contribution de l’intéressé par rapport aux autres membres du personnel du même service, en prenant en considération le niveau de la contribution pouvant être attendue eu égard au positionnement de l’intéressé dans la même catégorie salariale. Partant, une mention ‘bien’, pour un membre du personnel dont le salaire se situe vers le haut de la catégorie salariale considérée devrait en règle générale se traduire par une gratification salariale inférieure à celle octroyée, pour la même mention ‘bien’ à un membre du personnel dont le salaire se situe dans la partie inférieure de la même catégorie salariale. L’ASBR est donc par nature un exercice ‘comparatif’.

[…]

L’ASBR est donc un exercice distinct indépendant du rapport d’évaluation. En conséquence, une transcription directe d’un exercice vers l’autre n’est pas possible. Bien qu’il n’y ait pas de lien direct, la tonalité des messages résultant de l’évaluation et de l’ASBR doit présenter une cohérence interne.

4. Considérations budgétaires et allocations

Le directoire révise chaque année l’enveloppe budgétaire correspondant à l’ASBR. Le budget des augmentations salariales est actuellement égal à 1,5 % de la masse salariale, cependant qu’un budget distinct, correspondant également à 1,5 % de la masse salariale, est consacré aux primes.

[…] Les budgets ASBR sont proratisés en cas de travail à temps partiel et de congé de convenance personnelle. Ils ne sont pas proratisés pour ce qui est des congés de maternité et de maladie, puisque ces périodes sont considérées comme des périodes de travail. Les décisions portant sur les gratifications doivent se fonder sur une appréciation du développement relatif des performances de l’intéressé au cours de l’année.

[…]»

10      Dans un document intitulé «Questions fréquemment posées» («Frequently Asked Questions», ci-après les «FAQ»), dans sa version disponible sur le site intranet de la BCE à la date des faits, il est notamment prévu:

«Appliquer l’ASBR

–        Qu’est-il nécessaire de faire pour obtenir une augmentation de salaire et/ou une prime? Les principes généraux sur lesquels repose l’ASBR sont établis dans les lignes directrices [de 2008]. Ces principes, ensemble avec les objectifs individuels, sont utilisés par la hiérarchie au sein de chaque service pour décider des niveaux de gratification appropriés. Il est important de noter que l’ASBR est un exercice comparatif et qu’en tant que tel la performance de chaque membre du personnel et son développement font l’objet d’une évaluation comparative par rapport à la performance et au développement de ses collègues au sein du même service. Le fait d’atteindre les objectifs individuels ne garantit pas, en lui-même, un niveau déterminé d’augmentation salariale et/ou de prime. La position relative de chaque membre du personnel au sein de sa catégorie salariale et les résultats respectivement obtenus par les autres membres du personnel dans le même service sont également pris en considération. En outre, lorsqu’elle prend des décisions sur le niveau approprié des gratifications, l’autorité compétente tient compte des contraintes budgétaires et des limites assignées à la politique en matière d’ASBR.

[….]

–        Quelles sont les mesures prises pour garantir que l’exercice d’ASBR soit équitable? Le caractère équitable de la prise de décision est étayé par le fait que:

–        les objectifs et les principes généraux de l’ASBR sont communiqués à l’avance;

–        tous les membres de la hiérarchie/tous les superviseurs ayant eu sous leur autorité des membres du personnel doivent s’impliquer dans l’exercice d’ASBR, dès lors que les membres du personnel ont coopéré avec eux pendant une période de temps substantielle, durant l’année de référence;

–        des informations statistiques sont fournies en temps réel aux membres de la hiérarchie lors de l’encodage des données relatives à l’ASBR, afin de les sensibiliser à d’éventuelles inégalités entre hommes et femmes ainsi que selon les catégories salariales, donnant ainsi aux directeurs généraux/directeurs la possibilité d’assurer une approche cohérente dans l’ensemble des services;

–        les propositions de [la direction générale «Ressources humaines, budget et organisation»] sont examinées à la lumière de la politique de l’ASBR;

–        les décisions d’octroi de l’ASBR ainsi que les motifs qui sous-tendent ces décisions, sont expliquées individuellement aux membres du personnel;

–        des informations statistiques relatives à la distribution des augmentations de salaire et des primes octroyées sont fournies aux membres du personnel, une fois que l’exercice a été achevé.

[…]

–        En quoi est-ce que le travail à temps partiel et le congé de convenance personnelle affectent les budgets ASBR? Les budgets ASBR sont proratisés en cas de travail à temps partiel et de congé de convenance personnelle […]. Ils ne sont pas proratisés pour les congés de maternité et de maladie, étant donné que ces périodes sont considérées comme temps de travail. Les décisions portant sur les gratifications doivent être fondées sur une appréciation de la performance relative du membre du personnel au cours de l’année considérée.

Le lien entre l’ASBR et d’autres instruments propres aux ressources humaines

–        Quelle est la différence entre l’ASBR et l’évaluation? L’évaluation est un outil de développement. Elle fournit l’occasion d’une discussion structurée de la performance et du développement d’un agent au cours de l’année précédente et d’apprécier les besoins en formation et en développement pour le futur. La performance de l’intéressé n’est envisagée que par rapport aux exigences de la position et aux objectifs assignés à l’agent. L’ASBR est au contraire un exercice comparatif, évaluant la performance de l’intéressé par rapport à la performance d’autres [membres du personnel].

Dans les deux cas, c’est la performance de l’agent qui est évaluée, mais pour des raisons différentes et suivant des paramètres différents.»

2.     L’exercice annuel d’évaluation

11      En dehors de la procédure d’ASBR, les prestations des membres du personnel de la BCE sont évaluées à l’occasion d’un exercice annuel d’évaluation qui est conçu à la fois comme un outil de gestion du personnel et de développement personnel des employés de la BCE et qui consiste en un dialogue entre le membre du personnel et son supérieur hiérarchique sur les prestations effectuées lors de la période écoulée au regard des objectifs fixés pour celle-ci ainsi que sur les attentes pour la période à venir. Cette évaluation donne lieu chaque année à l’établissement d’un rapport d’évaluation.

3.     Dispositions relatives au comité du personnel

12      Aux termes des articles 48 et 49 des conditions d’emploi, figurant dans la neuvième partie intitulée «Représentation du personnel»:

«48. Un comité du personnel, dont les membres sont élus au scrutin secret, est chargé de représenter les intérêts généraux de tous les membres du personnel en matière de contrats de travail, de réglementations applicables au personnel et de rémunérations, de conditions d’emploi, de travail, de santé et de sécurité à la BCE, de couverture sociale et de régimes de retraite.

49. Le comité du personnel est consulté préalablement à tout changement apporté aux présentes conditions d’emploi, aux règles applicables au personnel ou concernant toutes questions qui y sont rattachées, telles que définies à l’article 48 ci-dessus.»

13      Le protocole d’accord portant sur les relations entre le directoire et le comité du personnel signé le 17 juin 2003, stipule au chapitre II, intitulé «Procédure de consultation pour les propositions du directoire»:

«5. Obligation de consultation: [c]onformément à la procédure décrite ci-dessous, le directoire doit consulter le comité du personnel sur les propositions relatives à la portée des tâches confiées à ce dernier conformément aux articles 48 et 49 des conditions d’emploi.

6. Exigences relatives à la demande de consultation: [e]n commençant une procédure de consultation, le président [de la BCE] ou son représentant doit soumettre au comité du personnel une demande de consultation écrite ainsi qu’une information complète, à savoir l’information qui permet au comité du personnel de se familiariser et d’examiner l’objet de la consultation, dans la mesure où il n’y a pas de raisons impérieuses de ne pas le faire. Le comité du personnel peut demander des éclaircissements sur les contenus de la documentation et/ou sur la portée de la consultation.

[…]»

4.     Autres dispositions pertinentes

14      L’article 9, sous c), des conditions d’emploi dispose:

«[…] La BCE applique: (i) les principes généraux du droit communs aux droits des États membres, (ii) les principes généraux du droit communautaire (CE), et (iii) les règles contenues dans les règlements et directives communautaires concernant la politique sociale, dont les États membres sont les destinataires. Chaque fois que cela est nécessaire, ces actes juridiques seront mis en œuvre par la BCE […]»

15      Le 14 octobre 1991, le Conseil des Communautés européennes a adopté la directive 91/533/CEE relative à l’obligation de l’employeur d’informer le travailleur des conditions applicables au contrat ou à la relation de travail (JO 1991, L 288, p. 32), dont les articles 2 et 3 sont libellés comme suit:

«Article 2

Obligation d’information

1. L’employeur est tenu de porter à la connaissance du travailleur salarié auquel la présente directive s’applique, ci-après dénommé ‘travailleur’, les éléments essentiels du contrat ou de la relation de travail.

2. L’information visée au paragraphe 1 porte au moins sur les éléments suivants:

[…]

h) le montant de base initial, les autres éléments constitutifs ainsi que la périodicité de versement de la rémunération à laquelle le travailleur a droit;

[…]

3. L’information sur les éléments visés au paragraphe 2, [sous] f), g), h) et i), peut, le cas échéant, résulter d’une référence aux dispositions législatives, réglementaires, administratives ou statutaires ou aux conventions collectives régissant les matières y visées.

Article 3

Moyens d’information

1. L’information sur les éléments visés à l’article 2, paragraphe 2, peut résulter de la remise au travailleur, deux mois au plus tard après le début de son travail:

a) d’un contrat de travail écrit

et/ou

b) d’une lettre d’engagement

et/ou

c) d’un ou de plusieurs autres documents écrits, dès lors que l’un de ces documents comporte au moins l’ensemble des éléments visés à l’article 2, paragraphe 2, [sous] a), b), c), d), h) et i).

[…]»

16      La newsletter de la BCE du 20 octobre 2003, intitulée «La BCE en mouvement» («ECB in Motion», ci-après la «newsletter»), au chapitre intitulé «Mesures pour permettre au personnel d’être performant et de récompenser cette performance» («Measures to enable staff and reward performance»), mentionne comme ayant été approuvée par le directoire la mesure, référencée B6 et intitulée «Lier performance et récompense», pour laquelle il est également indiqué «B6 Victoire rapide – Faire de l’exercice d’évaluation un outil efficace pour établir la performance comme fondement aux gratifications[:] approuvé mais devra être mis en œuvre pour l’exercice annuel d’évaluation 2004».

 Faits à l’origine du litige

17      La requérante travaille à la BCE depuis le 15 juin 2002 en qualité d’assistante de direction, affectée à la direction générale (DG) «Audit interne». En 2004, la requérante a été transférée à titre provisoire à la division de la politique fiscale au sein de la direction générale de l’économie.

18      Au titre de l’ASBR, la requérante s’est vu octroyer trois points indiciaires en 2003 et en 2004, six en 2005, et cinq en 2006 et 2007.

19      Fin 2007, la requérante a dû subir un traitement médical de longue durée. En conséquence, elle a été absente, sans interruption, du 16 octobre 2007 au 29 août 2008, d’abord en congé de maladie, du 16 octobre 2007 au 20 décembre 2007, puis en congé annuel, du 21 décembre 2007 au 3 janvier 2008, et de nouveau en congé de maladie, du 4 janvier au 29 août 2008.

20      Durant cette période, il a été mis fin au transfert provisoire de la requérante à la division de la politique fiscale au sein de la direction générale de l’économie, le 31 décembre 2007, date à laquelle elle a été réintégrée à la DG «Audit interne».

21      Le 1er septembre 2008, la requérante, revenue de congé de maladie, a repris son poste à la DG «Audit interne». Afin de tenir compte de son état de santé encore fragile et pour faciliter son retour, son régime de travail a été aménagé et ses anciennes tâches ont été remplacées par de nouvelles. Il a ainsi été prévu que, jusqu’au 15 octobre 2008, la requérante travaillerait à mi-temps, soit quatre heures par jour, et se concentrerait sur d’autres tâches que celles qui avaient été les siennes avant son congé de maladie.

22      À partir du 15 septembre 2008, le nombre d’heures de travail quotidien de la requérante est passé à cinq heures, puis, à partir du 29 septembre 2008, à six heures.

23      Le retour de la requérante à un régime de travail à temps plein, initialement prévu pour le 15 octobre 2008, a été reporté au 27 octobre 2008 pour cause de congé de maladie.

24      Dans le cadre de l’exercice annuel d’évaluation, la requérante et son chef de division se sont rencontrés le 9 octobre 2008 afin d’avoir un échange de vues sur sa performance depuis sa réintégration.

25      Le rapport annuel d’évaluation de la requérante a été achevé le 19 décembre 2008. Ce rapport mentionnait que la requérante avait bénéficié d’un régime spécial de travail afin de faciliter son retour et qu’elle avait fait preuve de bonne volonté et d’enthousiasme afin d’être également impliquée dans d’autres tâches que les siennes.

26      Par décision du 12 novembre 2008, le directeur général de la DG «Audit interne» a accordé à la requérante, à compter du mois de janvier 2009, une augmentation de salaire de deux points indiciaires, soit 0,50 % de son salaire, au titre de l’exercice d’ASBR pour l’année 2008 (ci-après l’«ASBR 2008»). Par lettre du 8 janvier 2009, dont la requérante a pris connaissance le 15 janvier suivant, la DG «Ressources humaines, budget et organisation» (ci-après la «DG ‘Ressources humaines’») a informé celle-ci de la décision du directeur général de la DG «Audit interne» de lui attribuer deux points indiciaires (ci-après la «décision attaquée»).

27      Le 15 février 2009, la requérante a été transférée sur proposition de la DG «Ressources humaines» au comité du personnel en qualité de secrétaire dudit comité.

28      Le 12 mars 2009, la requérante a introduit une demande de réexamen de la décision attaquée.

29      Par une décision du 8 mai 2009, notifiée le 11 mai 2009, le directeur général adjoint de la DG «Ressources humaines» a rejeté la demande de réexamen de la décision attaquée.

30      Par lettre du 11 juillet 2009, la requérante a introduit une réclamation contre la décision attaquée.

31      Par décision du 9 septembre 2009, notifiée le 11 septembre suivant, le président de la BCE a rejeté la réclamation de la requérante. Le président de la BCE indiquait notamment à la requérante que son chef de division estimait, ce qu’elle aurait d’ailleurs admis, qu’elle n’avait pas encore réussi à gérer les nouvelles tâches qui lui avaient été attribuées et que cela justifiait qu’après comparaison de sa performance avec celles des autres employés de l’unité, celui-ci ait décidé de lui attribuer uniquement deux points indiciaires d’augmentation de salaire.

 Conclusions des parties

32      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

–        annuler la décision attaquée;

–        annuler le bulletin de rémunération du 15 janvier 2009, consécutif à la décision attaquée;

–        en conséquence, condamner la BCE au paiement de la différence entre l’augmentation de salaire contestée et celle qui aurait dû lui être attribuée au titre de l’ASBR 2008, et ce à compter du 15 janvier 2009 et jusqu’au complet paiement, majoré des intérêts de retard au taux de prêt marginal fixé par la BCE au cours de la période de retard de paiement et augmenté de trois points;

–        si l’organisation d’une nouvelle procédure d’ASBR pour l’année 2008 devait engendrer des difficultés excessives, condamner la BCE à lui octroyer, à titre de réparation du préjudice matériel subi, une indemnité d’un montant équivalent à trois points indiciaire;

–        en tout état de cause, condamner la BCE à l’indemnisation du préjudice moral subi, évalué ex aequo et bono à la somme de 10 000 euros;

–        condamner la BCE aux dépens.

33      La BCE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

–        rejeter la requête pour irrecevabilité ou, à titre subsidiaire, pour défaut de fondement;

–        condamner la requérante aux dépens.

34      Par diverses mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal a invité les parties à répondre à des questions et à produire des documents. Les parties ont déféré à ces mesures.

 En droit

35      À titre liminaire, il doit être relevé que si la BCE conclut à l’irrecevabilité du recours, elle ne présente aucun argument au soutien de ces conclusions. En tout état de cause, le Tribunal estime que, dans le contexte de la présente affaire, il convient de commencer par examiner le fond du recours. En effet, il doit être rappelé que le juge est en droit d’apprécier, suivant les circonstances de chaque espèce, si une bonne administration de la justice justifie de rejeter au fond le recours sans statuer préalablement sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par la partie défenderesse (voir arrêt du Tribunal du 28 octobre 2010, Kay/Commission, F‑113/05, point 31) ou sur les fins de non-recevoir susceptibles d’être soulevées d’office par le Tribunal.

1.     Sur les conclusions en annulation et sur les conclusions à fin de paiement

36      Au soutien de ses conclusions en annulation la requérante soulève six moyens tirés, en substance:

–        le premier, de la violation du principe de sécurité juridique, du principe patere legem quam ipse fecisti, du principe de non-discrimination, du devoir de transparence, de la directive 91/533 ainsi que d’une décision référencée B6 dont fait état la newsletter;

–        le deuxième, de la violation du principe de non-discrimination et de l’article 5 de l’annexe I des conditions d’emploi en ce que les membres du personnel seraient traités de manière différente selon leur service d’affectation;

–        le troisième, de la violation du principe selon lequel les enveloppes budgétaires allouées à l’ASBR devraient poursuivre un objectif légitime;

–        le quatrième, de la violation de l’obligation de consultation du comité du personnel, prévue par les articles 48 et 49 des conditions d’emploi et par le protocole d’accord portant sur les relations entre le directoire et le comité du personnel;

–        le cinquième, de l’incompétence de l’auteur de la décision attaquée et de la violation du règlement intérieur;

–        le sixième, de la violation du principe de non-discrimination ainsi que des lignes directrices de 2008.

 Sur le premier moyen

37      Le premier moyen se divise en deux branches. La première branche est tirée de l’absence de lien direct entre l’exercice annuel d’évaluation et la procédure d’ASBR. La seconde branche est tirée de ce que la BCE aurait omis d’adopter des critères permettant d’évaluer le personnel dans le cadre de l’ASBR.

 En ce qui concerne la première branche du premier moyen

–       Arguments des parties

38      La requérante affirme que, même si l’exercice annuel d’évaluation est distinct de la procédure d’ASBR, l’évaluation effectuée dans le cadre de l’exercice annuel d’évaluation doit servir, pour établir la contribution de chaque agent à la réalisation des missions de la BCE dans le cadre de l’ASBR. En effet, la requérante relève que, afin de pouvoir comparer, au sein d’un service, les contributions respectives des membres du personnel à la réalisation des missions de la BCE, cette dernière doit évaluer les mérites individuels de chacun. Or, la procédure d’ASBR ne prévoit pas d’instrument d’évaluation des mérites individuels de chaque membre du personnel. Faute d’instrument spécifique, la requérante estime que la BCE aurait dû prendre en compte le résultat de son évaluation annuelle pour les besoins de l’ASBR, ce qui n’a pas été fait.

39      La requérante s’appuie, premièrement, sur la mesure, référencée B6 dans la newsletter, aux termes de laquelle le directoire de la BCE aurait approuvé que l’évaluation annuelle soit utilisée pour établir la performance à la base de l’octroi d’avantages financiers, deuxièmement, sur le point 3 des lignes directrices de 2008 selon lequel les indications qui découlent globalement de l’évaluation et de l’ASBR doivent être cohérentes sur le plan interne, et troisièmement, par analogie, sur le régime de promotion prévu par le statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le «statut des fonctionnaires»), lequel prévoit que le rapport dont fait l’objet le fonctionnaire dans le cadre de la procédure de notation est pris en compte dans le cadre de la procédure de promotion.

40      La requérante allègue, par ailleurs, que l’absence de prise en considération de l’évaluation, dans le cadre de l’ASBR, serait contraire au principe de sécurité juridique et au devoir de transparence puisque ces derniers voudraient que les personnes concernées soient mises en mesure de vérifier si les décisions adoptées à leur égard au titre de l’ASBR correspondent à l’appréciation qui a été faite de leurs prestations dans le cadre de l’évaluation annuelle et si, d’un point de vue comparatif, elles sont cohérentes avec les exercices annuels d’évaluation et les décisions prises au titre de l’ASBR à l’égard de leurs collègues.

41      En défense, la BCE oppose qu’aucune norme, ni même aucun principe juridique, n’exige que l’évaluation annuelle soit utilisée dans le cadre de l’ASBR. Notamment, la BCE souligne que l’article 5 de l’annexe I des conditions d’emploi, annexe qui régit l’ASBR, ne fait pas référence à l’exercice annuel d’évaluation. En outre, la BCE fait valoir que le raisonnement de la requérante méconnaît le fait que l’exercice annuel d’évaluation et l’ASBR sont deux procédures qui poursuivent des objectifs différents, ce que le Tribunal aurait d’ailleurs expressément reconnu dans son arrêt du 9 juillet 2008, Kuchta/BCE (F‑89/07, points 9 et suivants).

42      S’agissant plus spécialement des décisions mentionnées dans la newsletter, la BCE fait valoir que ces décisions émanent du bureau du programme «ECB in Motion» et qu’elles ne sont donc pas contraignantes. En outre, la BCE considère que le fait que le bureau dudit programme ait approuvé l’idée que les récompenses financières doivent être liées aux performances ne signifie pas que l’évaluation annuelle doive servir de socle à l’ASBR, et ceci d’autant que, dans un rapport du 27 août 2004, ce même bureau du programme «ECB in Motion» aurait reconnu que l’exercice annuel d’évaluation et l’ASBR sont deux exercices différents.

43      Au sujet de l’argument de la requérante, selon lequel l’article 5 de l’annexe I des conditions d’emploi doit être interprété à la lumière des dispositions prévues dans le statut des fonctionnaires, la BCE rappelle qu’elle jouit d’une autonomie pour définir le régime applicable à son personnel. Partant, ce ne serait que dans l’hypothèse où le législateur aurait involontairement créé un vide juridique qu’un raisonnement par analogie avec le statut des fonctionnaires pourrait éventuellement être utilisé pour interpréter les dispositions internes applicables au personnel de la BCE. Or, en l’espèce, la BCE souligne qu’elle a délibérément choisi de différencier l’exercice annuel d’évaluation et la procédure d’ASBR. En tout état de cause, la BCE fait valoir que les règles en vigueur en son sein sont à ce point différentes des règles énoncées dans le statut des fonctionnaires qu’aucune analogie ne saurait être établie entre elles.

–       Appréciation du Tribunal

44      À cet égard, il doit être relevé que le fait que l’ASBR soit fondée sur une comparaison, au sein d’un service, des contributions de chaque membre du personnel à la réalisation des missions de la BCE n’implique pas qu’en l’absence, dans le cadre de la procédure d’ASBR, d’instrument spécifique d’évaluation des mérites individuels de chaque membre du personnel, la BCE ait l’obligation de fonder ses décisions en matière d’ASBR sur l’évaluation annuelle. En effet, il ne résulte pas des éléments versés au dossier qu’il existerait une norme imposant à la BCE d’utiliser l’évaluation annuelle dans le cadre de la procédure d’ASBR. Au contraire, les lignes directrices de 2008 précisent clairement que ces deux procédures ont des finalités nettement distinctes puisqu’aux termes du premier alinéa de leur point 3 elles énoncent que «l’ASBR et l’évaluation correspondent à deux exercices distincts, poursuivant des objectifs différents».

45      Cette constatation n’est pas remise en cause par les arguments avancés par la requérante au soutien de son moyen.

46      S’agissant, premièrement, de la décision référencée B6 mentionnée dans la newsletter, il doit être constaté que la newsletter est en elle-même trop lacunaire pour énoncer une règle de conduite susceptible d’être opposée à son auteur sur le fondement du principe patere legem quam ipse fecisti. Quant à l’hypothèse selon laquelle la newsletter révélerait l’existence d’une décision énonçant une règle de conduite, il doit être relevé que s’il ressort du contenu de la newsletter que la proposition, formulée par le bureau du programme «ECB in Motion», d’utiliser l’évaluation annuelle pour mesurer la performance de chaque membre du personnel dans le cadre de l’ASBR a été approuvée par le directoire de la BCE, il n’est pas établi que, au-delà d’une déclaration d’intention, ledit directoire ait adopté une décision contraignante en ce sens.

47      S’agissant, deuxièmement, de l’argument selon lequel les lignes directrices de 2008 prévoiraient que les indications qui découlent globalement de l’évaluation et de l’ASBR doivent être cohérentes sur le plan interne, il doit être relevé que si lesdites lignes directrices énoncent au point 3 que «la tonalité des messages résultant de l’évaluation de l’ASBR doit présenter une cohérence interne», cette exigence n’implique pas nécessairement que l’évaluation annuelle doive constituer un socle pour les décisions prises au titre de l’ASBR et ce d’autant que ces mêmes lignes directrices prévoient expressément que l’ASBR constitue une procédure distincte de la procédure d’évaluation annuelle.

48      S’agissant, troisièmement, du statut des fonctionnaires, il peut être relevé que la procédure d’ASBR n’a pas d’équivalent dans ce statut. En conséquence, aucune analogie ne saurait être faite entre les principes qui régissent l’exercice de notation des fonctionnaires de l’Union et ceux qui gouvernent la procédure d’ASBR applicable aux membres du personnel de la BCE.

49      En ce qui concerne, quatrièmement, le principe de sécurité juridique, il doit être rappelé que ce principe impose à l’administration d’adopter des normes suffisamment claires afin que les justiciables puissent connaître sans ambiguïté leurs droits et obligations et prendre leurs dispositions en conséquence (voir, notamment, arrêt de la Cour du 14 avril 2005, Belgique/Commission, C‑110/03, point 30). En l’espèce, il ressort clairement des lignes directrices de 2008, accessibles sur le site intranet de la BCE, que l’ASBR et l’évaluation annuelle sont deux exercices distincts. Il s’ensuit que chaque membre du personnel connaissait, ou pouvait connaître, l’absence de prise en compte directe de l’évaluation dans le cadre de la procédure d’ASBR. Par suite, la requérante ne saurait valablement exciper d’une violation du principe de sécurité juridique au motif que les règles applicables étaient ambiguës.

50      Quant au devoir de transparence, il convient de rappeler que celui-ci ne constitue pas un principe de droit de l’Union qu’un requérant peut invoquer sans texte (arrêt du Tribunal du 22 mai 2007, López Teruel/OHMI, F‑99/06, point 94). Dès lors, à défaut d’indiquer le texte énonçant le devoir de transparence dont elle entend se prévaloir, la requérante ne met pas le Tribunal à même d’apprécier la portée de son argument.

51      Tous les arguments soulevés ayant été écartés, la première branche du premier moyen doit être rejetée comme n’étant pas fondée.

 En ce qui concerne la seconde branche du premier moyen

–       Arguments des parties

52      La requérante soutient que la BCE a l’obligation d’adopter, puis de les communiquer aux membres de son personnel, des critères précisant quels éléments sont pris en compte pour les évaluer dans le cadre de la procédure d’ASBR. Pour soutenir cette thèse, la requérante relève, premièrement, que la décision du 6 août 2008, prévoit que les décisions d’augmentation individuelle de salaire sont prises sur la base des critères établis par le directoire aux fins de l’évaluation de la contribution apportée par un membre du personnel à la réalisation des missions de la BCE, par rapport à celle des autres membres du personnel qui exercent leurs fonctions au sein du même service. Elle relève, deuxièmement, que la directive 91/533 exige que les éléments essentiels d’une relation de travail soient portés à la connaissance des travailleurs concernés. Or, selon elle, les critères d’appréciation utilisés dans le cadre de la procédure d’ASBR constitueraient un élément essentiel de toute relation de travail avec la BCE. Par conséquent, ceux-ci devraient être définis et publiés. Troisièmement, dès lors que la BCE dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour augmenter les salaires au titre de l’ASBR, les principes de non-discrimination et de sécurité juridique, ainsi que le devoir de transparence et l’obligation de motivation, commanderaient à la BCE de définir des critères d’évaluation clairs et objectifs.

53      En l’espèce, la requérante estime qu’aucun des textes émanant de la BCE communiqués à son personnel ne définit de critères d’appréciation pour l’ASBR. En effet, les éléments de définition contenus dans l’article 5 de l’annexe I des conditions d’emploi ne seraient pas suffisamment clairs et précis pour être qualifiés de critères, car ils renverraient en termes trop vagues aux principes généraux régissant l’ASBR et aux objectifs individuels. Quant aux lignes directrices de 2008, la requérante conteste qu’elles contiennent de tels critères. En outre, compte tenu du fait que ces lignes directrices ont été publiées à la fin, et non au début, de la période de référence pour l’ASBR, leur publication ne permettait pas au personnel de connaître avec certitude, dès le début de la période de référence, sur quelle base leurs contributions allaient être appréciées.

54      En défense, la BCE émet des doutes sur le point de savoir si elle est dans l’obligation d’adopter et de communiquer des critères précisant les éléments à prendre en compte pour évaluer les membres de son personnel dans le cadre de la procédure d’ASBR. En effet, la directive 91/533 vise les éléments essentiels de toute relation de travail. Or, selon la BCE, l’octroi d’une gratification financière au titre de l’ASBR qui, contrairement à un salaire, n’est pas garantie et qui ne peut pas dépasser 3,5 % du salaire, n’est pas un élément essentiel du contrat de travail.

55      En tout état de cause, la BCE estime que l’article 5 de l’annexe I des conditions d’emploi et les lignes directrices de 2008 énoncent des critères d’évaluation clairs, objectifs et connus de tous les membres du personnel. Au sujet de la publication en fin de période de référence des lignes directrices de 2008, la BCE rappelle que les critères d’évaluation sont énoncés à l’article 5 de l’annexe I des conditions d’emploi. Par conséquent, chaque membre du personnel, y inclus la requérante, savait parfaitement dès le début de l’année 2008 quels étaient les critères utilisés. En outre, la BCE relève que la requérante n’a nullement apporté la preuve de ce que son niveau de performance aurait été différent si les lignes directrices de 2008 avaient été publiées au début plutôt qu’à la fin de la période de référence.

–       Appréciation du Tribunal

56      Aucun des arguments excipés par la requérante ne permet d’établir l’existence d’une obligation dans le chef de la BCE d’adopter des critères d’évaluation en matière d’ASBR.

57      S’agissant de la décision du 6 août 2008, il doit être observé que si celle-ci prévoit que les décisions d’augmentation individuelle de salaire sont prises «sur la base des critères établis par le directoire aux fins d’évaluer la contribution» il peut être déduit de ses considérants, lesquels renvoient notamment aux articles 5 et 6 de l’annexe I des conditions d’emploi, ainsi que de l’emploi du participe passé épithète «établis» qu’elle ne vise pas à obliger la BCE à adopter des critères d’appréciation pour décider des augmentations de salaire à accorder aux membres du personnel dans le cadre de l’ASBR, auquel cas elle aurait utilisé la formule des critères «à établir», mais opère un renvoi aux dispositions de l’annexe I des conditions d’emploi.

58      Au sujet de la directive 91/533, il doit être rappelé qu’aux termes de l’article 9, sous c), des conditions d’emploi, la BCE s’est engagée à respecter les directives adressées aux États membres en matière de politique sociale. S’il est vrai que les modalités d’augmentation des salaires au titre de l’ASBR sont relatives à la rémunération à laquelle les membres du personnel de la BCE ont droit et constituent à ce titre des «éléments essentiels d’une relation de travail» au sens de la directive 91/533 qui trouve donc à s’appliquer, cette directive n’a pas un degré d’exigence tel qu’elle imposerait à la BCE d’adopter et de publier des critères d’appréciation de la contribution de chaque employé aux missions de la BCE.

59      S’agissant du principe de non-discrimination ainsi que du devoir de transparence et de l’obligation de motivation, il doit être relevé que si ces derniers ont pour effet de soumettre l’exercice par l’administration, en l’occurrence la BCE, de ses compétences au respect de certaines exigences ils ne sauraient pour autant avoir pour effet d’obliger la BCE à renoncer à la large marge d’appréciation qu’elle a décidé de préserver dans la conduite de sa politique d’octroi des augmentations individuelles de salaire et à définir dans un acte les critères d’appréciation qu’elle entend utiliser afin de mettre en œuvre son pouvoir d’appréciation.

60      De même, s’agissant du principe de sécurité juridique, à propos duquel il a été rappelé au point 49 du présent arrêt que si ce principe impose à l’administration, lorsqu’elle adopte des normes, de les rédiger de façon à ce qu’elles soient suffisamment claires pour que les justiciables puissent connaître sans ambiguïté leurs droits et obligations et ainsi prendre leurs dispositions en conséquence, ce principe n’impose pas à l’administration, en l’occurrence à la BCE, de restreindre le pouvoir d’appréciation qu’elle entend exercer en matière d’augmentations individuelles de salaire par l’adoption de mesures d’exécution visant à définir comment elle entend mettre en œuvre pour l’avenir ledit pouvoir d’appréciation.

61      Enfin, pour ce qui est du grief développé par la requérante mettant en cause la publication à la fin de la période de référence des lignes directrices de 2008, il y a lieu de constater que lesdites lignes directrices n’ont pas pour effet de fixer des critères en vertu desquels les augmentations de salaire au titre de l’ASBR seraient décidées. Il en est d’autant plus ainsi que la requérante a été à cet égard placée dans la même situation que ceux de ses collègues qui exercent leurs fonctions dans son service et avec lesquels sa contribution aux tâches de la BCE a été comparée. En conséquence, bien que les lignes directrices aient été publiées en fin de période de référence, elles n’ont pas pu avoir d’influence sur la légalité de la décision attaquée.

62      Tous les arguments soulevés au soutien de la seconde branche du premier moyen ayant été écartés, cette seconde branche doit être rejetée et, par voie de conséquence, l’ensemble du premier moyen.

 Sur le deuxième moyen

 Arguments des parties

63      La requérante affirme que, dès lors que les règles régissant l’ASBR sont applicables à tous les employés de la BCE et que l’article 5 de l’annexe I des conditions d’emploi prévoit que la décision individuelle prise au titre de l’ASBR est adoptée sur la base d’une comparaison des contributions de chaque membre du personnel à l’ensemble des missions de la BCE et non aux seuls travaux de son service, l’ensemble du personnel doit être considéré comme se trouvant dans la même situation pour ce qui concerne l’exercice d’ASBR. Or, la requérante estime que les membres du personnel sont traités de manière différente selon leur service d’affectation, car les décisions en matière d’ASBR sont prises par chaque directeur pour son service, après comparaison des contributions des seuls membres dudit service, sans que ne soit mis en œuvre un mécanisme permettant de garantir l’homogénéité et la cohérence des décisions d’un service à l’autre.

64      En défense, la BCE estime que ni les dispositions internes applicables au personnel ni les principes généraux du droit de l’Union européenne ne lui imposent de procéder à l’ASBR sur la base d’une comparaison des contributions des membres du personnel d’un service à l’autre. En outre, la BCE affirme que la procédure d’ASBR n’est ni directement ni indirectement discriminatoire, car les mêmes critères sont appliqués par tous les services. Certes, la comparaison des contributions des membres du personnel est opérée au sein de chaque service et non à l’échelle de la BCE, mais cette circonstance serait justifiée par le fait que, d’une part, l’évaluation des contributions des membres du personnel exige une connaissance de la contribution individuelle de chaque membre du personnel aux missions de l’institution et, d’autre part, par le fait que chaque service de la BCE comporte ses propres particularités, notamment en termes de taille, d’éventail de missions, d’effectif et de structure. Enfin, la BCE fait valoir que, si l’ASBR était effectuée, comme souhaité par la requérante, sur la base d’une comparaison à l’échelle de la BCE de l’ensemble des membres du personnel, quel que soit leur service d’affectation, il en résulterait une comparaison entre des situations qui ne sont pas comparables, ce qui serait exactement contraire au principe d’égalité de traitement.

 Appréciation du Tribunal

65      Il convient de relever que le présent moyen tend à établir l’existence non pas d’une inégalité de traitement qui aurait vicié la décision attaquée, mais d’un risque d’incohérence entre les décisions individuelles au titre de l’ASBR, risque qui résulterait de l’absence de mécanisme permettant de garantir l’homogénéité et la cohérence des décisions au titre de l’ASBR d’un service à l’autre. Or, il doit être rappelé que, d’une manière générale, pour qu’une décision individuelle de l’administration puisse être considérée comme violant un principe ou une règle de droit, il est nécessaire que la violation alléguée desdits principe ou règle de droit par la décision administrative contestée soit établie et non éventuelle.

66      En outre, il est de jurisprudence constante qu’un requérant n’est pas habilité à agir dans l’intérêt de la loi et ne peut faire valoir, à l’appui d’un recours en annulation d’un acte individuel, que des griefs qui lui sont personnels (arrêt de la Cour du 21 janvier 1987, Stroghili/Cour des comptes, 204/85, point 9; arrêt du Tribunal, du 23 janvier 2007, Chassagne/Commission, F‑43/05, point 100, et la jurisprudence citée). Or, en l’espèce, la requérante ne précise pas en quoi l’absence de mécanisme permettant de garantir l’homogénéité et la cohérence des décisions au titre de l’ASBR d’un service à l’autre aurait affecté la décision attaquée.

67      En tout état de cause, il peut être rappelé que le principe d’égalité de traitement, et le principe de non-discrimination, impose à l’administration de veiller à ne pas traiter de manière différente des situations identiques et à ne pas appliquer un traitement identique à des situations différentes, à moins que cela ne soit objectivement justifié (voir, par exemple, arrêt de la Cour du 16 octobre 1980, Hochstrass/Cour de justice, 147/79, point 7; arrêt du Tribunal de première instance du 25 octobre 2005, De Bustamante Tello/Conseil, T‑368/03, point 69, et la jurisprudence citée).

68      En l’espèce, il ressort de l’article 5 de l’annexe I des conditions d’emploi, de la décision du 6 août 2008 et des lignes directrices de 2008 que l’ASBR est fondée sur une comparaison de la contribution individuelle de chaque employé aux missions de la BCE avec celles de ses collègues du même secteur d’activité. Certes, de la façon dont elles sont rédigées, les dispositions relatives à l’ASBR applicables au personnel de la BCE peuvent induire une différence de traitement entre les membres du personnel de la BCE, mais cette différence de traitement doit être regardée comme étant justifiée par un élément objectif à savoir le fait que chaque service a en charge la réalisation de missions différentes. Les lignes directrices de 2008 ne sont donc pas contraires au principe d’égalité de traitement. Par suite, l’ensemble du personnel de la BCE n’étant pas considéré par les dispositions régissant l’ASBR comme formant une seule et même catégorie juridique, la requérante ne saurait reprocher à la BCE de n’avoir comparé sa contribution aux missions de la BCE à celles des collègues de son service.

69      Il résulte de ce qui précède que le deuxième moyen doit être rejeté comme n’étant pas fondé.

 Sur le troisième moyen

 Arguments des parties

70      La requérante soulève une exception d’illégalité à l’encontre de l’enveloppe budgétaire allouée aux augmentations de salaires et aux primes dans le cadre de l’ASBR 2008, au motif que celle-ci aurait été réduite sans que ne soient réunies les trois conditions requises pour ce faire, à savoir que la méthode utilisée pour réduire une enveloppe budgétaire soit objective, stable et prévisible, qu’il existe un besoin réel en ce sens, et que, conformément à la jurisprudence du Tribunal administratif de l’Organisation internationale du travail (OIT), cette réduction ne vise pas à faire des économies aux dépens du personnel.

71      En défense, la BCE estime que le moyen est irrecevable, au motif, premièrement, que la fixation du budget annuel étant une décision de nature législative et non administrative, elle ne pourrait pas être contestée dans le cadre d’une exception d’illégalité, deuxièmement, que la décision de diminuer l’enveloppe budgétaire allouée aux augmentations de salaires au titre de l’ASBR a été adoptée en 2005 et que, faute d’avoir été modifiée depuis, elle ne saurait être contestée des années plus tard, et troisièmement, que la requérante ne présente aucun fondement juridique au soutien de son moyen.

72      Sur le fond, et en tout état de cause, la BCE affirme que le conseil des gouverneurs dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour adopter le budget de l’institution et que, partant, il lui est loisible de diminuer la part de celui-ci allouée à l’ASBR. En outre, elle observe que la requérante se réfère à la jurisprudence du Tribunal administratif de l’OIT alors que la BCE ne relève pas de la compétence de ce tribunal. Enfin, elle estime que la thèse de la requérante est basée sur des conjectures d’ordre politique.

 Appréciation du Tribunal

–       Sur les deux premières exceptions d’irrecevabilité soulevées par la BCE

73      En ce qui concerne la première exception d’irrecevabilité liée aux types d’actes dont la légalité peut être contestée par voie d’exception, il convient de rappeler que le mécanisme de l’exception d’illégalité vise à permettre aux requérants de pouvoir contester, par voie d’exception, la légalité d’un acte de portée générale applicable dans une espèce faisant l’objet d’un recours, que cet acte ait la nature de mesure d’exécution ou d’acte législatif, dès lors qu’il existe un lien direct entre la décision qui fait l’objet du recours et l’acte de portée générale en question (voir en ce sens, notamment, arrêt du Tribunal de première instance du 15 septembre 1998, De Persio/Commission, T‑23/96, point 54). Par suite, le seul fait que la requérante excipe, dans le cadre de son moyen, de l’illégalité d’un acte de nature législative, à savoir le budget de la BCE consacré à l’ASBR 2008, n’a pas pour effet de rendre le moyen irrecevable. La première exception d’irrecevabilité soulevée par la BCE doit donc être rejetée.

74      S’agissant de la deuxième exception d’irrecevabilité soulevée par la BCE, tenant à ce que le moyen serait tardif, car la réduction de l’enveloppe budgétaire allouée annuellement à l’ASBR a été décidée en 2005, il y a lieu de faire observer que la possibilité de soulever une exception d’illégalité à l’encontre d’un acte de portée générale n’est pas encadrée dans un délai particulier. En effet, aux termes de l’article 241 CE il est prévu que la possibilité de soulever une exception d’illégalité dans le cadre d’un recours fondé sur l’article 230 CE s’opère «[n]onobstant l’expiration du délai [de recours] prévu». Or, il n’existe pas de raison de ne pas appliquer la même règle aux recours fondés sur les articles 236 CE, 152 EA ou 36.2 des statuts du SEBC. En conséquence, la deuxième exception d’irrecevabilité soulevée par la BCE doit être rejetée.

–       Sur la troisième exception d’irrecevabilité soulevée par la BCE et sur l’exception d’illégalité soulevée par la requérante

75      Pour exciper de l’illégalité du budget consacré à l’ASBR depuis 2005, la requérante affirme que l’enveloppe budgétaire allouée aux augmentations de salaire et aux primes dans le cadre de l’ASBR 2008 ne pourrait être réduite que si trois conditions sont remplies, à savoir que la méthode utilisée pour réduire une enveloppe budgétaire soit objective, stable et prévisible, qu’il existe un besoin réel en ce sens, et que la réduction de ladite enveloppe ne vise pas à réaliser des économies budgétaires aux dépens du personnel. Cependant, comme le soutient la BCE à juste titre, la requérante n’avance aucun argument de droit susceptible d’établir l’existence des deux premières conditions qui devraient, selon elle, être remplies pour que l’enveloppe budgétaire consacrée à l’ASBR puisse être réduite. Or, les dispositions de l’article 35, sous e), du règlement de procédure du Tribunal disposent qu’une requête doit contenir les arguments de droit invoqués au soutien de chaque moyen. L’exception d’illégalité soulevée par la requérante est donc en partie irrecevable.

76      S’agissant de la troisième condition qui devrait, selon la requérante, être remplie pour que l’enveloppe budgétaire consacrée à l’ASBR puisse être réduite, et dont elle allègue l’existence en se fondant sur la jurisprudence du Tribunal administratif de l’OIT, il convient de relever que cette jurisprudence ne constitue pas, en tant que telle, une source du droit de l’Union et que, par suite, faute pour la requérante de l’invoquer au soutien d’une règle ou d’un principe reconnu par le droit de l’Union, elle n’établit pas l’existence de cette troisième condition.

77      Il s’ensuit que l’exception d’illégalité soulevée par la requérante doit être rejetée comme étant partiellement irrecevable et partiellement manquant en droit.

 Sur le quatrième moyen

 Arguments des parties

78      La requérante affirme que, contrairement à ce que prévoient les articles 48 et 49 des conditions d’emploi et le protocole d’accord portant sur les relations entre le directoire et le comité du personnel, la BCE n’a pas régulièrement consulté le comité du personnel sur l’adoption de plusieurs décisions servant de fondement à la procédure d’ASBR. Au soutien de son moyen, la requérante avance quatre griefs.

79      Premièrement, le comité du personnel n’aurait pas disposé des informations et des documents justificatifs nécessaires pour lui permettre de faire valoir utilement son point de vue lors du lancement de la première procédure d’ASBR en 1999.

80      Deuxièmement, le comité du personnel n’aurait pas été régulièrement consulté dans la procédure d’ASBR 2008 et, notamment, sur les lignes directrices de 2008. D’une part, la consultation organisée aurait été limitée à certains points, d’autre part, celle-ci aurait été effectuée uniquement pour la forme. En effet, compte tenu du délai nécessaire pour modifier le système d’information de la BCE et pouvoir y intégrer les lignes directrices de 2008 avant le début de l’exercice d’ASBR 2008, la consultation du comité du personnel aurait dû être effectuée plus tôt qu’elle ne l’a été, ce qui démontrerait que la BCE avait nécessairement déjà pris sa décision lorsqu’elle y a procédé.

81      Troisièmement, la requérante affirme que le comité du personnel n’a pas été régulièrement consulté au sujet de la modification de l’article 5 de l’annexe I des conditions d’emploi, faute d’avoir pu disposer de toutes les informations pertinentes, notamment d’une étude comparative qui aurait été réalisée par la DG «Ressources humaines».

82      Quatrièmement, le comité du personnel n’aurait pas du tout été consulté au sujet de la détermination de l’enveloppe budgétaire pour l’ASBR 2008.

83      En défense, la BCE rappelle qu’en vertu de l’article 49 des conditions d’emploi, le comité du personnel doit uniquement être consulté en cas de modification des conditions d’emploi, des règles applicables au personnel ou lorsqu’est adopté un acte se rattachant à ces deux textes. Eu égard au champ d’application dudit article, elle estime avoir régulièrement consulté le comité du personnel.

 Appréciation du Tribunal

84      S’agissant du premier grief, relatif à l’absence de consultation du comité du personnel lors du lancement de la première procédure d’ASBR en 1999, il convient de rappeler qu’en vertu de l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure, la requête doit contenir l’exposé des arguments de fait et de droit invoqués. Par suite, il n’appartient pas au juge de rechercher et d’identifier dans les annexes du dossier à l’égard de quel acte précisément un requérant entend diriger ses griefs. Or, en l’espèce, la requérante ne précise pas quel acte serait, par voie d’exception, illégal au motif que le comité du personnel n’aurait pas été dûment consulté en 1999. En conséquence, le premier grief tiré de l’absence de consultation du comité du personnel lors du lancement de la première procédure d’ASBR en 1999 doit être rejeté.

85      En tout état de cause, à considérer que la décision qui aurait été prise sans consultation du comité du personnel soit celle établissant les premières lignes directrices relatives à l’ASBR adoptées en 1999, le présent grief devrait néanmoins être rejeté comme étant inopérant, lesdites lignes directrices n’étant plus applicables à la date de la décision attaquée.

86      S’agissant du deuxième grief, tenant à l’absence de consultation régulière du comité du personnel quant au système d’évaluation mis en place pour les besoins de l’exercice d’ASBR 2008, il ressort des documents joints par la BCE à ses écrits que les deux actes qui déterminent pour 2008 les modalités de l’exercice d’ASBR, à savoir les lignes directrices de 2008 et les FAQ, ont été transmis au comité du personnel pour avis par courrier du 12 septembre 2008. Certes, dans sa demande d’avis, la DG «Ressources humaines» a limité la portée de la consultation à certaines modifications de l’ASBR proposées pour l’exercice 2008, mais il doit être relevé que le comité du personnel a présenté ses observations sur le projet de lignes directrices de 2008 et sur les FAQ par courrier du 24 septembre 2008, et que ces observations ne se sont pas limitées aux points circonscrits dans la demande d’avis de la DG «Ressources humaines». Par courrier du 29 septembre 2008, l’Organisation des salariés auprès des institutions européennes et internationales a ensuite approuvé les observations formulées par le comité du personnel de la BCE sur le projet de lignes directrices de 2008 et sur les FAQ. Par courrier du 6 octobre 2008 adressé au comité du personnel et à l’Organisation des salariés auprès des institutions européennes et internationales, la DG «Ressources humaines» a donné des explications supplémentaires sur certains points des deux projets. Enfin, dans son courrier du 9 octobre 2008, le comité du personnel a confirmé qu’il n’avait pas d’autres observations sur les deux projets transmis par la DG «Ressources humaines».

87      Le Tribunal considère, compte tenu des échanges rapportés ci-dessus qui ont eu lieu entre la BCE et le comité du personnel, que celui-ci a été régulièrement consulté lors de l’adoption des lignes directrices de 2008 et des FAQ et que, partant, le deuxième grief de la requérante, tiré du défaut de consultation du comité du personnel dans la procédure d’ASBR 2008, doit être rejeté comme n’étant pas fondé.

88      Pour ce qui est du troisième grief, tiré du défaut de consultation du comité du personnel sur la modification de l’article 5 de l’annexe I des conditions d’emploi, il doit être rappelé que la portée d’une exception d’illégalité est limitée à ce qui est indispensable à la solution du litige. Or, en l’espèce, la requérante n’explique pas quelle influence la modification de l’article 5 de l’annexe I des conditions d’emploi a eue sur la décision attaquée. Partant, le troisième grief de la requérante, tiré de l’absence de consultation du comité du personnel lors de la modification de l’article 5 de l’annexe I des conditions d’emploi, doit être rejeté comme étant irrecevable.

89      Enfin, s’agissant du quatrième grief, tenant à l’absence de consultation du comité du personnel lorsque l’enveloppe budgétaire allouée à l’ASBR en 2008 a été décidée, il doit être relevé que le budget ne figure pas au nombre des actes pour l’adoption ou la modification desquels l’article 49 des conditions d’emploi, lu en combinaison avec l’article 48 de ces mêmes conditions d’emploi, impose à la BCE de consulter le comité du personnel. En effet, l’adoption du budget s’opère sur le fondement de l’article 15 du règlement intérieur et non sur celui des conditions d’emploi, des règles applicables au personnel, d’un acte qui se rattache à l’un de ces textes, ni ne concerne une question visée à l’article 48 desdites conditions d’emploi, pour lesquelles seule la consultation du comité du personnel est requise. En conséquence, le quatrième grief de la requérante, tiré de l’absence de consultation du comité du personnel lors de l’adoption de l’enveloppe budgétaire allouée en 2008 à l’ASBR, doit être rejeté.

90      Il résulte de ce qui précède qu’il convient de rejeter le quatrième moyen dans son ensemble.

 Sur le cinquième moyen

 Arguments des parties

91      La requérante affirme que les lignes directrices de 2008 ont été adoptées par une autorité incompétente, à savoir la DG «Ressources humaines», et que cette incompétence vicie la décision attaquée prise sur le fondement desdites lignes directrices. En outre, la requérante reproche au directoire d’avoir confié la rédaction des lignes directrices de 2008 à la DG «Ressources humaines» et de s’être contenté de les approuver a posteriori. Enfin, la requérante allègue que les lignes directrices de 2008, dès lors qu’elles ne sont pas purement informatives, devaient être adoptées sous la forme d’une circulaire administrative, conformément à l’article 11, paragraphe 2, du règlement intérieur de la BCE, ce qui n’a pas été fait.

92      En défense, la BCE fait observer que le directoire a approuvé les lignes directrices de 2008 lors de sa réunion du 14 octobre 2008. En ce qui concerne le choix de la forme juridique des lignes directrices, la BCE affirme que son pouvoir discrétionnaire en la matière lui donnait compétence pour décider de la forme de l’acte.

 Appréciation du Tribunal

93      Aux termes de l’article 11, paragraphe 2, du règlement intérieur de la BCE, le directoire est compétent pour adopter les règles de fonctionnement interne de la BCE et, à ce titre, pour adopter les lignes directrices de 2008. Or, en l’espèce, il ressort de l’extrait du procès-verbal de la 601e réunion du directoire, tenue le 14 octobre 2008, document joint par la BCE à son mémoire en défense, que le directoire a approuvé les lignes directrices de 2008. Certes, il est regrettable que les lignes directrices de 2008 aient été établies à l’entête de la DG «Ressources humaines» et non du directoire, mais cette erreur dans la présentation formelle du texte des lignes directrices de 2008, insusceptible d’avoir eu une incidence sur le contenu de l’acte ou en particulier sur la compétence de son auteur, à savoir le directoire, ne saurait par voie de conséquence entraîner l’illégalité de la décision attaquée.

94      En ce qui concerne le grief fait à la BCE, en la personne de son directoire, d’avoir confié la rédaction des lignes directrices de 2008 à la DG «Ressources humaines», se contentant de les approuver a posteriori, il y a lieu de faire observer que la circonstance qu’une autorité déterminée soit seule compétente pour adopter une décision n’exclut pas que cette autorité puisse donner instruction à une autre instance pour formaliser dans un écrit le contenu de la décision qu’elle projette d’adopter, à condition toutefois qu’elle ait la possibilité de faire modifier ce texte et qu’il lui revient d’en entériner la version définitive.

95      Quant à la forme que les lignes directrices de 2008 auraient dû prendre en vertu des dispositions de l’article 11, paragraphe 2, dudit règlement intérieur, il doit être relevé que l’expression «circulaire administrative» figurant dans cette disposition est une convention d’écriture prise pour désigner les règles d’organisation dont fait état ledit article, convention d’écriture destinée à permettre une lecture plus facile de la suite du texte. Il ressort ainsi de son libellé même que l’article 11, paragraphe 2, du règlement intérieur de la BCE n’édicte aucune obligation dans le chef du directoire de conférer aux règles d’organisation visées audit article la forme de circulaires administratives.

96      En tout état de cause, à considérer qu’il existe une règle imposant à certains types d’actes d’être dénommés «circulaires administratives», la méconnaissance d’une telle règle ne saurait être considérée comme une violation substantielle dès lors qu’elle n’est pas susceptible d’avoir une incidence sur le contenu des actes concernés (voir, en ce sens, notamment, arrêt Tribunal du 15 décembre 2008, Skareby/Commission, F‑34/07, point 40, et la jurisprudence citée).

97      Il résulte de ce qui précède qu’aucun des griefs soulevés au soutien du cinquième moyen n’étant fondé, ledit moyen doit être rejeté.

 Sur le sixième moyen

 Arguments des parties

98      La requérante affirme avoir été pénalisée à plusieurs égards en raison de son congé de maladie et que, partant, la décision attaquée violerait le principe de non-discrimination.

99      En premier lieu, la requérante fait grief à la BCE de ne pas avoir tenu compte, dans le cadre de l’ASBR, de ce qu’elle avait disposé de moins de temps, en raison de son congé de maladie, pour contribuer aux travaux de son service alors que les lignes directrices de 2008 prévoyaient que les congés de maladie devaient être neutralisés et que le Tribunal de première instance des Communautés européennes aurait reconnu l’existence d’une telle obligation de neutralisation dans son arrêt du 6 octobre 2009, Sundholm/Commission (T‑102/08 P).

100    En deuxième lieu, la requérante affirme que, alors même qu’il serait nécessaire de fixer des objectifs à chaque membre du personnel pour pouvoir ensuite comparer les contributions des uns et des autres dans le cadre de la procédure d’ASBR, aucun objectif ne lui avait été attribué pour 2008 à cause de son congé de maladie.

101    En troisième lieu, la requérante affirme que les tâches qui lui ont été attribuées à son retour de congé de maladie ne correspondaient pas au profil de son poste, étaient en nombre limité et moins importantes que celles qu’elle effectuait avant ledit congé de maladie, ce qui l’aurait empêchée de contribuer pleinement aux missions de la BCE. Elle observe notamment que, bien qu’ayant été informée de son retour à temps partiel à compter du mois de septembre 2008, et à temps plein à compter de la mi-octobre 2008, la BCE a décidé d’octroyer un contrat de travail d’une durée de six mois, à compter du 1er septembre 2008, à l’assistante de gestion qui l’avait remplacée durant son absence, faisant ainsi obstacle à ce qu’elle réintégre ses anciennes fonctions. La requérante souligne que le fait d’avoir accepté les tâches proposées par sa direction ne peut être retenu contre elle, car cette situation n’était pas vouée à durer. Or, lorsqu’elle a proposé à son chef de division que lui soient attribuées davantage de tâches, celui-ci aurait refusé, la maintenant délibérément dans une situation de sous-emploi.

102    En quatrième lieu, la requérante affirme que son congé de maladie aurait été à tort pris en compte dans le cadre de l’ASBR. Pour soutenir sa thèse, la requérante fait valoir qu’elle avait pleinement accompli les quelques tâches qui lui avaient été assignées et soutient que les explications données par le président de la BCE en réponse à sa réclamation selon lesquelles «[de son] propre aveu, [son] chef de division a estimé qu[’elle] ne maîtris[ait] pas encore suffisamment les tâches qui [lui] avaient été récemment assignées», ne seraient pas étayées par des éléments de preuve, tout comme l’affirmation selon laquelle elle ne serait pas parvenue à maîtriser certaines tâches. En outre, la requérante relève que le nombre de points indiciaires qu’elle s’est vu octroyer en 2008 est nettement inférieur à celui qu’elle avait obtenu lors des exercices d’ASBR pour les années 2005, 2006 et 2007.

103    En défense, la BCE fait tout d’abord valoir que, de façon générale, la requérante ne produit aucun élément de preuve de l’existence d’une discrimination.

104    Répondant ensuite à chacun des griefs présentés par la requérante, la BCE souligne, premièrement, que les lignes directrices de 2008 ne prévoient pas que l’évaluation dans le cadre de la procédure d’ASBR des personnes ayant été en congé de maladie se fasse au prorata de leur temps de présence.

105    Deuxièmement, la BCE fait observer que dans le cadre de la procédure d’ASBR aucune règle ne lui fait obligation de fixer des objectifs à atteindre par chaque membre du personnel.

106    Troisièmement, la BCE souligne que les tâches attribuées à la requérante, à son retour en septembre 2008, ont été choisies avec son accord, pour tenir compte de son régime de travail aménagé, de l’avis de son médecin, de son état de santé encore fragile, ainsi que des évolutions intervenues entre-temps dans le domaine informatique à la BCE. Il était par suite inévitable que ces tâches ne correspondent pas à celles qu’elle exerçait antérieurement.

107    Quatrièmement, la BCE fait observer, d’une part, que l’évaluation par la requérante de sa propre contribution n’est pas un élément tangible permettant de contester l’évaluation opérée par un supérieur hiérarchique et, d’autre part, que la comparaison entre le nombre de points indiciaires obtenu au titre des années 2005 à 2007 et celui obtenu en 2008 n’est pas concluante, puisque, entre ces deux périodes, la requérante a changé de service, de sorte que les éléments pris en compte dans le cadre de l’ASBR ne sont pas comparables. En revanche, la BCE relève qu’en 2003 et 2004, années pendant lesquelles la requérante a également été souvent absente pour maladie, elle n’a obtenu que trois points indiciaires au titre de l’ASBR.

 Appréciation du Tribunal

108    À titre liminaire, il convient de relever que, ainsi qu’il a été rappelé au point 67 du présent arrêt, le principe d’égalité de traitement et le principes de non-discrimination tels que reconnu dans l’Union européenne font obligation à l’administration de ne pas traiter de manière différente des situations identiques et de ne pas appliquer un traitement identique à des situations différentes, à moins que cela ne soit objectivement justifié. Sachant que le caractère identique ou non d’une situation doit s’apprécier au regard des conditions d’application de la norme dont la mise en œuvre serait prétendument à l’origine d’une inégalité de traitement ou d’une discrimination, force est de constater que, d’un point de vue factuel, une personne en congé de maladie ne se trouve pas dans la même situation qu’une personne en activité et qu’en conséquence, du point de vue du droit de l’Union, aucun principe général n’impose à l’administration de considérer les personnes en congé de maladie comme relevant de la même situation que les personnes en activité (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 11 juillet 2006, Chacón Navas, C‑13/05, point 54; et du 20 janvier 2009, Schultz-Hoff e.a., C‑350/06 et C‑520/06, point 27). Bien au contraire, il a été admis en jurisprudence, d’une part, que l’administration pouvait tenir compte, à titre subsidiaire, des congés de maladie d’un fonctionnaire pour départager des candidats à la promotion (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 31 mai 2005, Dionyssopoulou/Conseil, T‑284/02, points 50 à 52, et la jurisprudence citée) et, d’autre part, que lorsqu’un fonctionnaire bénéficie d’un congé de maladie, il est, par définition, dispensé d’exercer ses fonctions et n’est donc dans la même situation qu’un fonctionnaire en service (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal de première instance du 9 juin 2005, Castets/Commission, T‑80/04, point 30, et du 29 mars 2007, Verheyden/Commission, T‑368/04, point 61). Par suite, ce n’est que lorsqu’un texte impose à l’administration d’assimiler la situation d’une personne en congé de maladie à celle d’une personne en activité qu’une personne en congé de maladie est fondée à revendiquer le même traitement qu’une personne en activité.

109    En l’espèce, il ne ressort pas du dossier que les dispositions internes applicables à la BCE imposaient à celle-ci d’assimiler, à tout le moins pour les besoins de l’ASBR, la situation des personnes en congé de maladie à celle des personnes en activité. Notamment, et contrairement aux affirmations de la requérante, les lignes directrices de 2008 ne prévoient pas que les congés de maladie d’un membre du personnel doivent être neutralisés dans le cadre de la procédure d’ASBR, mais uniquement que le montant des enveloppes allouées aux augmentations de salaires et aux primes doit être calculé en tenant compte des employés en congé de maladie. Certes, il ressort du dossier que la BCE s’est servie de ce texte pour répondre aux critiques formulées par le comité du personnel lorsque celui-ci s’est étonné de la suppression de l’indication, qui figurait dans les précédentes lignes directrices, selon laquelle les décisions d’ASBR ne doivent pas être influencées par les congés de maladie, mais cette circonstance ne saurait donner aux lignes directrices de 2008 un sens qu’elles n’ont pas.

110    C’est à la lumière de ces considérations liminaires qu’il convient d’examiner chacun des arguments soulevés par la requérante.

111    S’agissant, premièrement, de l’argument selon lequel la BCE aurait dû tenir compte de ses congés de maladie et de ce que, en conséquence, elle avait disposé de moins de temps que si elle avait été en activité sur l’ensemble de la période de référence pour réaliser les travaux qui lui avaient été assignés, il a été relevé que les lignes directrices de 2008 ne prévoient pas que les congés de maladie soient neutralisés dans le cadre de la procédure d’ASBR. En outre, l’arrêt Sundholm/Commission, précité, auquel la requérante se réfère n’est pas transposable au cas d’espèce. En effet, d’une part, ce dernier concernait la notation d’un fonctionnaire de la Commission européenne, notation qui, selon l’article 43 du statut des fonctionnaires, s’effectue notamment sur la base du rendement. Or, pour comparer des rendements, et non comme dans la présente affaire des contributions à une ou plusieurs tâches, il est nécessaire, afin que tous les fonctionnaires soient traités de façon identique, que soit comparé le travail moyen effectué par chacun d’eux durant une même unité de temps. D’autre part, contrairement aux normes internes en vigueur à la BCE, dans l’affaire Sundholm/Commission, précitée, les dispositions internes en vigueur à la Commission prévoyaient expressément que l’évaluateur ne devait pas tenir compte des congés de maladie du fonctionnaire noté. En conséquence, le Tribunal de première instance a considéré que la Commission était dans l’obligation non seulement de ne pas pénaliser un fonctionnaire en raison de ses congés de maladie mais également d’examiner si sa note au titre de son rendement ne pouvait pas être augmentée de manière à prendre en considération les conditions dans lesquelles il avait exercé ses fonctions en dépit du fait que, en raison de son absence, il avait disposé de moins de temps effectif de travail (arrêt Sundholm/Commission, précité, point 29).

112    Or, contrairement à la procédure de notation en vigueur à la Commission, la procédure d’ASBR à la BCE n’est pas fondée sur une comparaison du rendement des différents employés d’un même service tenant compte de leur temps de travail effectif, mais sur une comparaison de leurs contributions individuelles respectives aux travaux de la BCE. Le directeur général en charge de l’unité dans laquelle la requérante était affectée n’était donc pas tenu de rechercher si l’évaluation de la performance de la requérante dans le cadre de la procédure d’ASBR devait être revue à la hausse afin de tenir compte de ce que, en raison de son congé de maladie, elle avait disposé de moins de temps pour réaliser les travaux qui lui avaient été assignés.

113    Il s’ensuit que le premier argument de la requérante doit être rejeté comme n’étant pas fondé.

114    En ce qui concerne, deuxièmement, l’argument tiré du défaut de fixation préalable d’objectifs à atteindre, force est de constater que l’argument qu’en tire la requérante manque en droit. En effet, il peut être relevé que si certaines procédures d’évaluation du personnel peuvent prévoir la fixation préalable d’objectifs à atteindre, tel n’est pas le cas de la procédure d’ASBR. Partant, le fait pour un membre du personnel de la BCE d’avoir ou non réalisé les objectifs qui lui avaient été assignés dans le cadre de la procédure d’évaluation est sans incidence sur l’exercice d’ASBR. En outre, contrairement à ce que prétend la requérante, l’exercice de comparaison des contributions individuelles respectives aux travaux de la BCE des membres du personnel travaillant dans un même service n’implique pas nécessairement qu’il y ait eu fixation préalable d’objectifs individuels. Il s’ensuit que, faute de disposition prévoyant la fixation d’objectifs individuels dans le cadre de la procédure d’ASBR, le deuxième argument de la requérante doit être rejeté.

115    S’agissant, troisièmement, de l’argument selon lequel les tâches attribuées à la requérante étaient en nombre limité et moins importantes que celles dont elle avait la charge avant son congé de maladie et ne correspondaient pas à son profil de poste, il doit être souligné que cette circonstance est le résultat du régime de travail aménagé dont elle a bénéficié à son retour de congé de maladie afin précisément de faciliter ce retour. La requérante ne conteste d’ailleurs pas avoir marqué son accord quant à la mise en place de ce régime de travail aménagé. En conséquence, la requérante ne saurait faire grief à la BCE de lui avoir assigné, dans le cadre de ce régime de travail aménagé, des tâches de moindre importance et qui ne correspondaient pas au profil de son poste.

116    De plus, il y a lieu de relever que la requérante avait été informée de ce que les tâches qu’elle assumait avant son congé de maladie avaient dû être attribuées à une autre personne et qu’elle ne pouvait donc pas s’attendre à récupérer l’entièreté de ses attributions dès qu’elle avait été en mesure de retravailler à temps plein. Dans la mesure où seulement deux mois se sont écoulés entre le moment où la requérante a repris son travail à temps plein, soit le 27 octobre 2008, et la fin de la période de référence dans le cadre de l’ASBR 2008, la requérante ne saurait faire grief à la BCE de ne pas l’avoir réinstallée dans ses anciennes fonctions. En outre, le nombre de tâches correspondant à un profil de poste donné n’étant pas extensif au-delà des besoins du service, la requérante ne peut pas reprocher à son chef de division de ne pas avoir retiré certaines tâches à ses collègues pour les lui attribuer. Faute pour la requérante d’apporter la preuve de l’existence de tâches à effectuer correspondant au profil de son poste qui n’auraient pas été déjà affectées à l’un de ses collègues, le troisième argument de la requérante doit être rejeté comme n’étant pas fondé.

117     S’agissant, quatrièmement, de l’argument selon lequel son congé de maladie aurait été à tort pris en compte dans le cadre de l’ASBR 2008, il suffit de rappeler, pour écarter ce grief, que les dispositions en vigueur à la BCE au moment des faits n’obligeaient pas cette dernière à neutraliser les congés de maladie de la requérante.

118    Quant à l’argument tiré de ce que plusieurs affirmations formulées par les supérieurs de la requérante au sujet de son travail ne seraient pas assorties d’éléments de preuve, il doit être relevé que les textes applicables à l’ASBR ne prévoient pas l’obligation d’étayer les appréciations qui peuvent être portées sur la contribution des membres du personnel aux travaux de la BCE par des éléments factuels. Au contraire, l’existence du large pouvoir d’appréciation reconnu par la BCE aux autorités compétentes en matière d’ASBR présuppose que les autorités n’aient pas l’obligation de faire figurer dans leurs décisions tous les éléments de fait et de droit ayant été pris en compte à fin de chacune des appréciations.

119    Enfin, à considérer que, par son allégation, la requérante entendrait en réalité soulever le grief tiré du défaut de motivation de la décision attaquée, il devrait être rappelé que, s’agissant d’une procédure qui, comme celle d’ASBR, conduit à l’adoption d’une multitude de décisions individuelles, la motivation de la décision peut n’intervenir qu’au stade précontentieux (voir, par analogie, notamment arrêt du Tribunal du 10 septembre 2009, Behmer/Parlement, F‑47/07, point 94). Or, en l’espèce, si la décision attaquée contient uniquement un rappel des principes régissant la procédure d’ASBR, et non, comme l’exige la jurisprudence, le raisonnement qui a conduit la BCE à n’octroyer que deux points indiciaires d’augmentation de salaire à la requérante, force est de constater que la décision attaquée est motivée dès lors que le président de la BCE a indiqué, au stade du rejet de la réclamation, que, selon le chef d’unité de la requérante, elle n’avait pas encore réussi à gérer les nouvelles tâches qui lui avaient été attribuées et que cela justifiait qu’après comparaison de sa performance avec celles des autres employés de l’unité celui-ci ait décidé de ne lui attribuer que deux points indiciaires d’augmentation de salaire.

120    En tout état de cause, le quatrième argument doit donc être rejeté comme n’étant pas fondé.

121    Par suite, il convient de rejeter le sixième moyen.

122    Aucun des moyens n’étant fondé, il y a lieu de rejeter les conclusions en annulation et, par voie de conséquence, celles à fin de paiement de la différence entre l’augmentation de salaire contestée et celle qui aurait dû être attribuée à la requérante au titre de l’ASBR 2008, et ce à compter du 15 janvier 2009 et jusqu’au complet paiement, majoré des intérêts de retard au taux de prêt marginal fixé par la BCE au cours de la période de retard de paiement et augmenté de trois points.

2.     Sur les conclusions indemnitaires

 Arguments des parties

123    La requérante estime que dans l’hypothèse où la décision attaquée serait annulée et où l’organisation d’une nouvelle procédure d’ASBR 2008, régulière et appropriée, entraînerait des difficultés excessives, la BCE devrait l’indemniser du préjudice matériel subi, qu’elle estime à la différence entre les deux points qui lui ont été octroyés et le nombre de points indiciaires qu’elle pouvait raisonnablement escompter compte tenu de ceux qu’elle avait obtenus l’année précédente, à savoir cinq points, soit la moyenne des trois années précédentes.

124    En tout état de cause, la requérante estime avoir subi un préjudice moral, qu’elle évalue ex aequo et bono à la somme de 10 000 euros, tenant à ce que, par la décision attaquée, la BCE a profondément affecté sa dignité et sa confiance dans cette institution. Ce préjudice tiendrait à ce que, d’une part, qu’alors qu’elle avait subi un congé de maladie de longue durée elle a découvert que son absence avait été utilisée contre elle pour lui refuser une promotion bien méritée, et, d’autre part, que la BCE, ne lui avait assigné qu’un nombre restreint de tâches ne correspondant pas à ses aptitudes et compétences d’assistante de gestion au sein de la DG «Audit interne».

125    En défense, la BCE affirme que, dès lors que la requérante fonde son préjudice sur l’illégalité de la décision attaquée et que les conclusions en annulation doivent être rejetées, il y a lieu de rejeter les conclusions indemnitaires.

 Appréciation du Tribunal

126    Il doit être rappelé que, selon une jurisprudence constante, des conclusions indemnitaires, présentées conjointement à des conclusions en annulation dépourvues de tout fondement en droit, sont elles-mêmes dépourvues de tout fondement en droit si elles sont étroitement liées à ces dernières (voir, notamment, arrêts du Tribunal du 18 juin 2009, Spee/Europol, F‑43/08, point 55, et du 10 septembre 2009, van Arum/Parlement, F‑139/07, point 141, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant le Tribunal de l’Union européenne, affaire T‑454/09 P).

127    Les conclusions indemnitaires de la requérante, présentées conjointement aux conclusions en annulation, sont fondées sur l’illégalité de la décision attaquée et sont donc étroitement liées aux conclusions en annulation. Or, les conclusions en annulation de la requête ont été considérées comme dépourvues de tout fondement en droit (voir point 122 du présent arrêt) et ont, pour cette raison, été rejetées. Les conclusions indemnitaires doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

128    Toutes les conclusions de la requête ayant été rejetées au fond, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble, sans qu’il soit besoin de statuer sur les conclusions de la BCE tendant au rejet du recours pour irrecevabilité.

 Sur les dépens

129    Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

130    Toutefois, en vertu de l’article 88 du règlement de procédure, le Tribunal peut condamner une partie, même gagnante, à rembourser à l’autre partie les frais qu’elle lui a fait exposer et qui sont jugés frustratoires ou vexatoires.

131    En l’espèce, le Tribunal constate que, alors que la requérante avait mis en cause la compétence de l’auteur des lignes directrices de 2008 dès le stade précontentieux au vu de leur entête, la BCE a attendu que la requérante introduise la présente instance pour lui communiquer l’extrait concerné du procès verbal de la 601e réunion du directoire, lequel seul a permis d’établir que l’autorité compétente, à savoir le directoire et non pas la DG «Ressources humaines», avait bien adopté les lignes directrices de 2008.

132    Ainsi, il pourrait être considéré que, si la requérante avait reçu communication à temps du document mentionné au point précédent, elle aurait renoncé à son cinquième moyen ou au moins à certains des griefs soulevés à l’appui de ce cinquième moyen. En conséquence, il pourrait être envisagé de mettre à charge de la BCE, en application de l’article 88 du règlement de procédure, une partie des dépens, celle liée aux prestations du conseil de la requérante relatives aux griefs qui, à la lumière des documents en question, seraient apparus comme voués à l’échec.

133    Toutefois, il faut constater que, même après la communication, au stade du mémoire en défense, du document mentionné ci-dessus, la requérante n’a pas modifié son argumentation et n’a notamment pas renoncé aux griefs qui, à l’aune du document en question, apparaissaient dorénavant comme étant privés de tout fondement. Il s’ensuit que l’exception prévue par l’article 88 du règlement de procédure ne saurait s’appliquer et que, dès lors, il y a lieu de condamner la partie requérante, qui succombe dans la présente instance, aux entiers dépens (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2010, Wybranowski/Commission, F‑17/08, points 114 et suivants).

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre)

déclare et arrête:

1)      Le recours est rejeté.

2)      Mme Whitehead supporte ses dépens et ceux de la Banque centrale européenne.

Gervasoni

Kreppel

Rofes i Pujol

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 septembre 2011.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Gervasoni

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions de l’Union européenne citées dans celle-ci sont disponibles sur le site internet www.curia.europa.eu et font, en principe, l’objet d’une publication, par ordre chronologique, au Recueil de la jurisprudence de la Cour de justiceet du Tribunal ou au Recueil de jurisprudence – Fonction publique, selon le cas.


* Langue de procédure: l’anglais.