Language of document : ECLI:EU:T:2015:997

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

17 décembre 2015 (*)

« Régime linguistique – Rectificatifs à des avis de concours généraux pour le recrutement d’administrateurs – Nouvelles procédures de concours – Choix de la deuxième langue parmi trois langues – Règlement n° 1 – Article 1er quinquies, paragraphe 1, article 27 et article 28, sous f), du statut – Principe de non-discrimination – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑295/13,

République italienne, représentée par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de MM. P. Gentili et S. Fiorentino, avvocati dello Stato,

partie requérante,

soutenue par

Royaume d’Espagne, représenté par Mme M. J. García-Valdecasas Dorrego, abogado del Estado,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par M. J. Currall, Mme B. Eggers et M. G. Gattinara, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation du rectificatif à l’avis de concours général EPSO/AD/177/10, pour la constitution d’une liste de réserve de recrutement d’administrateurs dans les domaines de l’administration publique européenne, du droit, de l’économie, de l’audit et des technologies de l’information et de la communication (JO 2013, C 82 A, p. 1), ainsi que du rectificatif aux avis de concours généraux EPSO/AD/178/10 et EPSO/AD/179/10, pour la constitution de listes de réserve de recrutement d’administrateurs dans les domaines, respectivement, de la bibliothéconomie et des sciences de l’information et de l’audiovisuel (JO 2013, C 82 A, p. 6),

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. D. Gratsias (rapporteur), président, Mme M. Kancheva et M. C. Wetter, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 2 juillet 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige et cadre factuel

1        L’Office européen de sélection du personnel (EPSO) est un organisme interinstitutionnel, créé en vertu de la décision 2002/620/CE du Parlement européen, du Conseil, de la Commission, de la Cour de justice, de la Cour des comptes, du Comité économique et social, du Comité des régions et du médiateur, du 25 juillet 2002, portant création de l’EPSO (JO L 197, p. 53). En application de l’article 2, troisième alinéa, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci‑après le « statut »), dans sa version antérieure au règlement (CE, Euratom) n° 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004, modifiant le statut (JO L 124, p. 1), les institutions signataires de cette décision ont, par son article 2, paragraphe 1, confié à l’EPSO l’exercice des pouvoirs de sélection qui sont dévolus par l’article 30, premier alinéa, du statut et par l’annexe III du statut à leurs autorités investies du pouvoir de nomination. L’article 4 de la même décision prévoit que, alors que, en application de l’article 91 bis du statut, les demandes et les réclamations relatives à l’exercice des pouvoirs dévolus à l’EPSO sont introduites auprès de celui-ci, tout recours dans ces domaines est dirigé contre la Commission européenne.

2        Le 9 mars 2010, l’EPSO a publié au Journal officiel de l’Union européenne (C 57 A, p. 1) un guide applicable aux concours généraux (ci‑après le « guide de 2010 »). La partie 3 du guide de 2010, intitulée « Communication », indique ce qui suit :

« Afin de garantir la clarté et la compréhension des textes à caractère général et des communications adressées aux candidats ou reçues de ces derniers, les convocations aux différents tests et épreuves ainsi que toute correspondance entre EPSO et les candidats sont établies uniquement en allemand, en anglais ou en français. »

3        Le 16 mars 2010, l’EPSO a publié au Journal officiel de l’Union européenne (C 64 A, p. 1) l’avis de concours général EPSO/AD/177/10, pour la constitution d’une liste de réserve de recrutement d’administrateurs dans les domaines de l’administration publique européenne, du droit, de l’économie, de l’audit et des technologies de l’information et de la communication.

4        Le 29 avril 2010, l’EPSO a publié au Journal officiel de l’Union européenne (C 110 A, p. 1) les avis des concours généraux EPSO/AD/178-179/10 pour la constitution de listes de réserve destinées à pourvoir des postes d’administrateurs vacants dans les domaines, respectivement, de la bibliothéconomie et des sciences de l’information et de l’audiovisuel.

5        Il était indiqué dans la partie introductive de l’avis EPSO/AD/177/10 et des avis EPSO/AD/178-179/10 (ci-après, pris ensemble, les « avis de 2010 ») que le guide de 2010 en « fai[sait] partie intégrante ».

6        Au titre des conditions d’admission aux concours concernés par les avis de 2010, ces derniers exigeaient une connaissance approfondie d’une des langues officielles de l’Union européenne (qui, à l’époque, étaient au nombre de 23), cette langue étant désignée comme « langue 1 » du concours, et une connaissance satisfaisante d’une deuxième langue, désignée comme « langue 2 » du concours, à choisir par le candidat parmi l’allemand, l’anglais et le français, étant précisé qu’elle devait être obligatoirement différente de la langue choisie en tant que langue 1 (partie III, point 2.3, de l’avis EPSO/AD/177/10 ; partie III, point 2.2, des avis EPSO/AD/178-179/10).

7        Les avis de 2010 ne contenaient aucune motivation ou justification quant à la limitation du choix de la langue 2 du concours qu’ils prévoyaient.

8        L’avis EPSO/AD/177/10 prévoyait trois tests d’accès portant sur le raisonnement verbal, numérique et abstrait ainsi qu’un test de jugement situationnel. La langue des quatre tests susmentionnés était la langue 2 du concours (partie IV, points 3 et 4, de l’avis EPSO/AD/177/10).

9        L’avis EPSO/AD/177/10 prévoyait que seraient admis au stade ultime du concours, appelé « centre d’évaluation », les candidats qui obtiendraient les meilleures notes et le minimum requis aux tests d’accès et qui, au vu de leurs déclarations lors de l’inscription électronique, remplissaient les conditions générales et spécifiques prévues par la partie III dudit avis.

10      Plus précisément, les candidats admis à participer au « centre d’évaluation » seraient, selon la partie V, point 2, de l’avis EPSO/AD/177/10, évalués sur leurs compétences spécifiques et leurs compétences générales, précisées au même point de l’avis en cause.

11      Au même point 2 de la partie V de l’avis EPSO/AD/177/10, il était prévu que ces compétences seraient testées par le biais de quatre épreuves, à savoir une étude de cas dans le domaine choisi, un exercice de groupe, une présentation orale et un entretien structuré.

12      Au point 3 de la même partie de l’avis EPSO/AD/177/10, il était indiqué que la langue du « centre d’évaluation » était la langue 2 du concours, alors qu’il était également précisé que la connaissance de la langue 1 serait également examinée lors de la première épreuve mentionnée au point 11 ci-dessus.

13      Le point 4 de la même partie de l’avis EPSO/AD/177/10 contenait les règles de notation des différentes épreuves du concours en cause.

14      L’avis EPSO/AD/177/10 comportait une annexe portant sur chacun des domaines concernés par le concours et précisant la nature des fonctions qu’impliquaient les postes à pourvoir ainsi que le type des titres et diplômes requis.

15      Quant aux avis EPSO/AD/178-179/10, ils prévoyaient, dans le cas où le nombre de candidats inscrits aux concours serait supérieur à un certain seuil, trois tests d’accès qui tendaient à évaluer le raisonnement verbal, numérique et abstrait des candidats. Ils seraient tous organisés dans la langue 2 du concours (partie IV, point 3, des avis EPSO/AD/178-179/10).

16      Les avis EPSO/AD/178-179/10 contenaient une partie V intitulée « Admission au concours et invitation au centre d’évaluation ». Il y était indiqué, au point 1, que les candidats qui répondaient aux conditions d’admission des concours allaient être identifiés par le biais d’un examen des conditions générales et spécifiques, effectué « sur la base des informations fournies dans l’acte de candidature électronique ». Au cas où les tests d’accès étaient organisés au préalable, cet examen serait effectué, par ordre décroissant de points obtenus aux tests d’accès, jusqu’à ce que soit atteint le seuil de candidats ayant obtenu à la fois le minimum requis et les meilleures notes aux tests d’accès et remplissant les conditions d’admission.

17      Au point 2 de la même partie des avis EPSO/AD/178-179/10, il était stipulé que, en vue d’identifier les candidats qui pouvaient être invités à participer à l’ultime stade des concours, à savoir le « centre d’évaluation », le jury procéderait à une sélection sur titres, effectuée « sur la base des déclarations des candidats dans leur acte de candidature électronique », afin de choisir, « parmi les candidats qui répondent aux conditions d’admission aux concours, ceux qui possèdent les qualifications les plus pertinentes (notamment diplômes, expérience professionnelle) en termes de qualité et de niveau par rapport à la nature des fonctions » décrites dans lesdits avis. Les règles de notation des candidats étaient établies au même point des avis en cause.

18      Ainsi que cela était stipulé à la partie VI, point 1, des avis EPSO/AD/178-179/10, seraient invités au « centre d’évaluation » les candidats qui, à la fois, obtiendraient l’une des meilleures notes aux tests d’accès, s’ils étaient organisés, rempliraient, au vu de leurs déclarations lors de l’inscription électronique, les conditions d’admission générales et spécifiques des concours et obtiendraient l’une des meilleures notes lors de la sélection sur titres.

19      Selon le point 2 de la même partie VI des avis EPSO/AD/178-179/10, les candidats admis au « centre d’évaluation » seraient évalués sur leurs compétences en matière de raisonnement, pour autant que celles-ci n’aient pas été déjà évaluées lors de tests d’accès organisés au préalable, à savoir un test de raisonnement verbal, un test de raisonnement numérique et un test de raisonnement abstrait. Les candidats seraient également évalués sur leurs compétences spécifiques dans le domaine concerné ainsi que sur leurs compétences générales précisées par les avis en cause, par le biais de trois épreuves, à savoir une étude de cas dans le domaine concerné, un exercice de groupe et un entretien structuré. 

20      Au point 3 de la même partie des avis EPSO/AD/178-179/10, il était indiqué que la langue du « centre d’évaluation » était la langue 2 des concours pour les tests d’accès et les épreuves mentionnées au point 19 ci-dessus et que, lors de l’étude de cas, la connaissance de la langue 1 serait également examinée.

21      Le point 4 de la même partie des avis EPSO/AD/178-179/10 contenait les règles concernant la notation des différentes épreuves des concours concernés.

22      Les avis EPSO/AD/178-179/10 comportaient deux annexes, dont chacune portait sur un des domaines concernés et précisait la nature des fonctions qu’impliquaient les postes à pourvoir, le type des titres et diplômes requis ainsi que les qualités et les connaissances qui seraient prises en compte par le jury lors de la sélection sur titres.

23      Le 23 juillet 2010, l’EPSO a publié au Journal officiel de l’Union européenne deux rectificatifs, le premier à l’avis de concours général EPSO/AD/177/10 (JO C 201 A, p. 1) et le second aux avis de concours généraux EPSO/AD/178-179/10 (JO C 201 A, p. 2).

24      Par le premier rectificatif mentionné au point 23 ci-dessus, des éléments concernant la notation en matière de connaissance de la langue 1 du concours ont été ajoutés au point 4 de la partie V de l’avis EPSO/AD/177/10 (voir point 13 ci-dessus).

25      Par le second rectificatif mentionné au point 23 ci-dessus, des éléments identiques à ceux cités au point 24 ci-dessus ont été ajoutés au point 4 de la partie VI des avis EPSO/AD/178-179/10, concernant la notation en matière de connaissance de la langue 1 des concours.

26      Le 28 septembre 2010, l’EPSO a publié un rectificatif aux avis de concours généraux EPSO/AD/178-179/10 (JO C 261 A, p. 1). La modification apportée par ce rectificatif portait sur la partie VI, point 1, des avis EPSO/AD/178-179/10 et concernait le déroulement du stade ultime des concours et, notamment, l’invitation des candidats au « centre d’évaluation ».

27      Il ressort des éléments produits par la Commission devant le Tribunal que les tests d’accès dans chaque domaine concerné par les concours EPSO/AD/177/10, EPSO/AD/178/10 et EPSO/AD/179/10 ont eu lieu de mai à septembre 2010. Il en ressort, en outre, que les tests au « centre d’évaluation » ont eu lieu, pour les trois concours susmentionnés, de septembre à décembre 2010.

28      Selon ces éléments produits par la Commission, l’EPSO a publié au Journal officiel de l’Union européenne, le 10 mars 2011, les listes de réserve issues du concours général EPSO/AD/177/10 organisé au cours de l’année 2010 (JO C 76 A, p. 1), le 17 juin 2011, une liste de réserve issue du concours général EPSO/AD/178/10 organisé au cours de l’année 2010 (JO C 177 A, p. 1) et, le 4 février 2011, une liste de réserve issue du concours général EPSO/AD/179/10 organisé au cours de l’année 2010 (JO C 35 A, p. 1).

29      Le 7 septembre 2012, l’EPSO a publié au Journal officiel de l’Union européenne (JO C 270 A, p. 1) un guide applicable aux concours généraux (ci‑après le « guide de 2012 »). La partie 3 du guide, intitulée « Communication », réitère la règle mentionnée au point 2 ci-dessus et stipulée à la partie 3 du guide de 2010.

30      Le 21 mars 2013, l’EPSO a publié au Journal officiel de l’Union européenne un rectificatif à l’avis de concours général EPSO/AD/177/10 (JO C 82 A, p. 1, ci‑après le « premier rectificatif de 2013 ») et un rectificatif aux avis de concours généraux EPSO/AD/178/10 et EPSO/AD/179/10 (JO C 82 A, p. 6, ci‑après le « second rectificatif de 2013 »).

31      Par le premier et le second rectificatif de 2013 (ci-après, pris ensemble, les « rectificatifs attaqués »), la référence au guide de 2010, à la page 1 de chaque avis de concours concerné, a été remplacée par une référence au guide de 2012. Pour ce qui est plus particulièrement des points 6.3 et 6.4 du guide de 2012, les rectificatifs attaqués précisent que ceux-ci sont remplacés par le texte figurant à la partie VIII de l’avis de concours général EPSO/AD/177/10, intitulé « Informations additionnelles », et par celui figurant à la partie IX des avis de concours généraux EPSO/AD/178-179/10, intitulé « Informations additionnelles ».

32      Par ailleurs, les rectificatifs attaqués remplacent le tableau de l’avis de concours sur lequel chacun d’eux porte se référant aux conditions d’admission, et plus particulièrement aux connaissances linguistiques des candidats (voir point 6 ci‑dessus, partie III, point 2.3, de l’avis EPSO/AD/177/10 et partie III, point 2.2, des avis EPSO/AD/178-179/10), par un nouveau tableau qui, d’une part, contient des conditions exigeant la connaissance approfondie d’une des langues officielles de l’Union (« langue 1 » du concours) et une connaissance satisfaisante de l’allemand, de l’anglais ou du français (« langue 2 » du concours, obligatoirement différente de la langue 1) et, d’autre part, comporte les précisions reprises ci‑après :

« Conformément à l’arrêt rendu par la Cour de justice de l’Union européenne (grande chambre) dans l’affaire C‑566/10 P, République italienne/Commission, les institutions de l’Union sont tenues, dans le cadre du présent concours, de motiver la limitation du choix de la deuxième langue à un nombre restreint de langues officielles de l’Union.

Les candidats sont donc informés que les deuxièmes langues retenues aux fins du présent concours ont été définies conformément à l’intérêt du service, qui exige que les nouveaux recrutés soient immédiatement opérationnels et capables de communiquer efficacement dans leur travail quotidien. Le fonctionnement effectif des institutions risquerait autrement d’être gravement entravé.

Eu égard à la longue pratique des institutions de l’Union en ce qui concerne les langues de communication interne, et compte tenu des besoins des services en matière de communication externe et de traitement des dossiers, l’anglais, le français et l’allemand sont de loin les deuxièmes langues les plus largement employées. En outre, l’anglais, le français et l’allemand sont de loin les deuxièmes langues qui sont les plus choisies par les candidats aux concours, lorsque ceux-ci ont la possibilité de choisir leur deuxième langue. Cela confirme le niveau d’étude et les compétences professionnelles qui peuvent être actuellement attendus des candidats à des postes au sein des institutions de l’Union, à savoir la maîtrise d’au moins l’une de ces langues. Par conséquent, dans la mise en balance de l’intérêt du service et des besoins et des aptitudes des candidats, compte tenu du domaine particulier du présent concours, il est justifié d’organiser des épreuves dans ces trois langues afin de garantir que, quelle que soit leur première langue officielle, tous les candidats maîtriseront au moins l’une de ces trois langues officielles au niveau d’une langue de travail.

En outre, dans un souci d’égalité de traitement, tout candidat, même s’il a l’une de ces trois langues comme première langue officielle, est tenu de passer cette épreuve dans sa deuxième langue, à choisir parmi ces trois langues. L’appréciation des compétences spécifiques permet ainsi aux institutions de l’Union d’évaluer l’aptitude des candidats à être immédiatement opérationnels dans un environnement proche de celui dans lequel ils seront appelés à travailler. Ces dispositions ne portent pas atteinte à l’apprentissage ultérieur d’une troisième langue de travail conformément à l’article 45, paragraphe 2, du statut. »

33      En ce qui concerne les tests d’accès, les rectificatifs attaqués précisent que le jury détermine le niveau de leur difficulté et en approuve la teneur, sur la base des propositions faites par l’EPSO. Par ailleurs, le premier rectificatif de 2013 réduit le nombre de ces tests de quatre à trois, à savoir les trois premiers tests cités au point 8 ci-dessus (p. 3 du premier rectificatif de 2013 ; partie IV, point 3, de l’avis EPSO/AD/177/10, rectifié). La langue de ces trois tests demeure la langue 2 du concours.

34      Pour ce qui est, enfin, du stade ultime des concours concernés, il convient de signaler que les rectificatifs attaqués ajoutent, au point des avis de 2010 consacré aux différentes épreuves par le biais desquelles les compétences des candidats seraient évaluées (partie V, point 2, de l’avis EPSO/AD/177/10, tel que repris dans le premier rectificatif de 2013, et partie VI, point 2, des avis EPSO/AD/178-179/10, tel que repris dans le second rectificatif de 2013), une note en bas de page par laquelle il est précisé que le contenu d’une (pour les avis EPSO/AD/178-179/10) ou de plusieurs (pour l’avis EPSO/AD/177/10) de ces épreuves serait validé par le jury du concours.

35      Il ressort des éléments produits par la Commission devant le Tribunal que, le 12 février 2014, l’EPSO a publié au Journal officiel de l’Union européenne des listes de réserve comportant les noms des lauréats des concours EPSO/AD/178/10 (JO C 41 A, p. 1) et EPSO/AD/179/10 (JO C 41 A, p. 2).

36      Il en ressort également que, le 4 juillet 2014, l’EPSO a publié au Journal officiel de l’Union européenne des listes de réserve comportant les noms des lauréats du concours EPSO/AD/177/10 (JO C 209 A, p. 1).

 Procédure et conclusions des parties

37      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 mai 2013, la République italienne a introduit le présent recours.

38      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 22 août 2013, le Royaume d’Espagne a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la République italienne. Par ordonnance du 28 octobre 2013, le président de la huitième chambre du Tribunal a admis cette intervention. Le Royaume d’Espagne a déposé son mémoire en intervention le 8 janvier 2014.

39      La République italienne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les rectificatifs attaqués ;

–        en conséquence, annuler les avis de 2010 tels que rectifiés ;

–        condamner la Commission aux dépens.

40      Le Royaume d’Espagne soutient les conclusions de la République italienne tendant à l’annulation des rectificatifs attaqués et des avis de 2010 tels que rectifiés et, en outre, à la condamnation de la Commission aux dépens liés à son intervention.

41      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la République italienne aux dépens.

42      Par ordonnance du président de la huitième chambre du Tribunal, du 17 mars 2015, la présente affaire, l’affaire T‑275/13, Italie/Commission, et l’affaire T‑510/13, Italie/Commission, ont été jointes aux fins de la procédure orale, conformément à l’article 50 du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991.

43      Par ordonnance du président de la huitième chambre du Tribunal, du 27 mai 2015, l’affaire T‑510/13 a été disjointe de la présente affaire et de l’affaire T‑275/13 aux fins de la procédure orale, conformément à l’article 50 du règlement de procédure du 2 mai 1991.

44      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Sur le fondement de l’article 64 du règlement de procédure du 2 mai 1991, il a, d’une part, invité la Commission à produire divers documents et, d’autre part, adressé une série de questions aux parties. Ces dernières ont déféré aux demandes du Tribunal, la République italienne le 27 juin 2015, la Commission et le Royaume d’Espagne le 29 juin 2015.

45      Lors de l’audience du 2 juillet 2015, les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal.

 En droit

46      À l’appui de son recours, la République italienne invoque sept moyens tirés, le premier, de la violation des articles 263 TFUE, 264 TFUE et 266 TFUE ; le deuxième, de la violation de l’article 342 TFUE et des articles 1er et 6 du règlement n° 1 du Conseil, du 15 avril 1958, portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne (JO 1958, 17, p. 385), tel que modifié ; le troisième, de la violation de l’article 6, paragraphe 3, UE, de l’article 18 TFUE, de l’article 22 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, des articles 1er et 6 du règlement n° 1, de l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, de l’article 27, deuxième alinéa, et de l’article 28, sous f), du statut ainsi que de l’article 1er, paragraphes 2 et 3, de l’annexe III du statut ; le quatrième, de la violation de l’article 6, paragraphe 3, UE et du principe de protection de la confiance légitime ; le cinquième, d’un détournement de pouvoir ainsi que de la violation des « normes substantielles inhérentes à la nature et la finalité des avis de concours », en particulier de l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, de l’article 27, deuxième alinéa, de l’article 28, sous f), de l’article 34, paragraphe 3, et de l’article 45, paragraphe 1, du statut ainsi que du principe de proportionnalité ; le sixième, de la violation de l’article 18 TFUE, de l’article 24, quatrième alinéa, TFUE, de l’article 22 de la charte des droits fondamentaux, de l’article 2 du règlement n° 1 ainsi que de l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, du statut et, le septième, de la violation de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, des articles 1er et 6 du règlement n° 1, de l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, et de l’article 28, sous f), du statut, de l’article 1er, paragraphe 1, sous f), de l’annexe III du statut, du principe de proportionnalité ainsi que d’une « dénaturation des faits ».

47      Avant de procéder à l’examen de ces moyens, il y a lieu, tout d’abord, d’identifier la nature exacte des rectificatifs attaqués. En effet, cette identification constitue un préalable nécessaire à la définition de l’objet du présent litige ainsi qu’à l’examen de l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission.

 Observations liminaires : la nature des rectificatifs attaqués

48      Au vu des circonstances de la présente affaire, il convient d’identifier, d’emblée, la nature exacte des rectificatifs attaqués.

49      Il est à rappeler que, en vertu de l’article 1er, paragraphe 1, sous e), de l’annexe III du statut, un avis de concours doit spécifier, en cas de concours sur épreuves, la nature des examens et leur cotation respective. En effet, selon une jurisprudence constante, les termes de l’avis de concours constituent aussi bien le cadre de la légalité que le cadre d’appréciation pour le jury de concours (arrêts du 21 octobre 2004, Schumann/Commission, T‑49/03, RecFP, EU:T:2004:314, point 63, et du 13 mars 2013, Mendes/Commission, F‑125/11, RecFP, EU:F:2013:35, points 58 et 59). Par ailleurs, le rôle essentiel d’un avis de concours est d’informer les intéressés d’une façon aussi exacte que possible de la nature des conditions requises pour occuper le poste dont il s’agit afin de les mettre en mesure d’apprécier s’il y a lieu pour eux de faire acte de candidature (voir arrêt du 18 mars 1999, Carbajo Ferrero/Parlement, C‑304/97 P, Rec, EU:C:1999:152, point 43 et jurisprudence citée).

50      Il ressort de ce qui précède que chaque avis de concours régit la procédure de déroulement d’un ou de plusieurs concours spécifiques, dont il arrête le cadre normatif en fonction de l’objectif fixé par l’autorité investie du pouvoir de nomination. Ainsi, le cadre normatif fixé par un avis de concours général organisé en vue de constituer une réserve de recrutement dans un domaine particulier régit la procédure dudit concours, qui est ouverte au moment de la publication de l’avis en cause et clôturée avec la publication de la liste de réserve comportant les noms des lauréats du concours concerné.

51      Il ressort, en outre, de la jurisprudence que, pendant le déroulement d’un concours, il n’est pas exclu pour l’autorité investie du pouvoir de nomination de procéder à la modification de l’avis qui y est afférent, par le biais de l’adoption d’un rectificatif, à condition que cette modification ne résulte pas d’une violation de la confiance légitime des candidats au concours, ce qui peut être le cas lorsqu’un tel rectificatif est adopté après la tenue de certaines épreuves (voir, en ce sens, arrêts Mendes/Commission, point 49 supra, EU:F:2013:35, points 77 et 84, et du 21 mars 2013, Taghani/Commission, F‑93/11, RecFP, EU:F:2013:40, point 88).

52      La nature exacte des rectificatifs attaqués doit être identifiée compte tenu de ces constatations et en tenant compte du contexte factuel spécifique à leur adoption.

53      Selon les réponses apportées par la Commission aux questions que lui a adressées le Tribunal sur le fondement de l’article 64 du règlement de procédure du 2 mai 1991, les rectificatifs attaqués ont été adoptés par l’EPSO afin de tenir compte de deux arrêts rendus par le juge de l’Union.

54      Premièrement, la Commission soutient que, par l’adoption des rectificatifs attaqués, l’EPSO a entendu prendre en considération l’arrêt du 14 décembre 2011, Commission/Pachtitis (T‑361/10 P, Rec, EU:T:2011:742).

55      Il convient, sur ce point, de rappeler que, le 14 mars 2008, M. Pachtitis, candidat au concours général EPSO/AD/77/06, a introduit, auprès du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne, un recours tendant à l’annulation de la décision de l’EPSO l’informant de son échec aux tests d’accès dudit concours ainsi que de la décision de l’EPSO rejetant sa réclamation contre cette première décision.

56      Par son arrêt du 15 juin 2010, Pachtitis/Commission (F‑35/08, RecFP, EU:F:2010:51), le Tribunal de la fonction publique a annulé les actes en cause. Il a, plus particulièrement, considéré que le requérant avait été écarté de la deuxième phase des opérations du concours susmentionné à l’issue d’une procédure (les « tests d’accès ») menée par une instance incompétente (l’EPSO) et par une décision prise par cette même instance (arrêt Pachtitis/Commission, précité, EU:F:2010:51, point 65). Selon le Tribunal de la fonction publique, à défaut d’une modification statutaire, c’était le jury du concours qui disposait de la compétence d’exercer de telles tâches (arrêt Pachtitis/Commission, précité, EU:F:2010:51, point 70).

57      Il ressort, en effet, des éléments produits par la Commission devant le Tribunal que, selon les informations publiées sur le site de l’EPSO le 9 mars 2012, en cas de confirmation en appel de l’arrêt Pachtitis/Commission, point 56 supra (EU:F:2010:51), tous les candidats exclus des concours EPSO/AD/177/10, EPSO/AD/178/10 et EPSO/AD/179/10 sur la base de leurs résultats aux tests d’accès seraient invités pour de nouveaux tests dans le cadre d’un concours ultérieur.

58      Deuxièmement, la Commission fait valoir que les rectificatifs attaqués ont été adoptés afin de tenir compte de l’arrêt du 27 novembre 2012, Italie/Commission (C‑566/10 P, Rec, EU:C:2012:752).

59      Par ce dernier, la Cour a annulé l’arrêt du 13 septembre 2010, Italie/Commission (T‑166/07 et T‑285/07, EU:T:2010:393), en considérant qu’une limitation aux seules langues anglaise, française et allemande du choix de la langue autre que la première langue du concours en cause en l’espèce, utilisée pour la communication avec l’EPSO et pour les épreuves de ce concours, et, partant, l’exigence de la connaissance de l’une des trois langues en cause, devait être justifiée par l’intérêt du service (arrêt Italie/Commission, point 58 supra, EU:C:2012:752, point 87), lequel peut constituer un objectif légitime pouvant être pris en considération (arrêt Italie/Commission, point 58 supra, EU:C:2012:752, point 88). Elle a, en outre, considéré que les règles limitant le choix de la deuxième langue devaient prévoir des critères clairs, objectifs et prévisibles afin que les candidats puissent savoir, suffisamment à l’avance, quelles exigences linguistiques seraient requises, et ce pour pouvoir se préparer aux concours dans les meilleures conditions (arrêt Italie/Commission, point 58 supra, EU:C:2012:752, point 90). Selon la Cour, une différence de traitement en raison de la langue doit, en outre, respecter le principe de proportionnalité (arrêt Italie/Commission, point 58 supra, EU:C:2012:752, point 93). Il a été, enfin, conclu qu’il appartenait aux institutions de mettre en balance l’objectif légitime justifiant la limitation du nombre de langues des concours et les possibilités d’apprentissage par les fonctionnaires recrutés, au sein des institutions, des langues nécessaires à l’intérêt du service (arrêt Italie/Commission, point 58 supra, EU:C:2012:752, point 97).

60      En ce qui concerne le déroulement des procédures organisées à la suite de l’adoption des rectificatifs attaqués, il convient de relever certains éléments qui ressortent des documents produits par la Commission devant le Tribunal.

61      Tout d’abord, il convient de souligner que les procédures organisées à la suite de la publication des avis de 2010 ont été clôturées par la publication des listes de réserve visées au point 28 ci-dessus.

62      Après le prononcé de l’arrêt Commission/Pachtitis, point 54 supra (EU:T:2011:742), il a été précisé sur le site Internet de l’EPSO que, pour l’année 2013, le « cycle généraliste AD 5 » allait être remplacé par un concours AD 5, qui serait organisé pour les candidats exclus sur la base de leurs résultats lors des tests d’accès du concours EPSO/AD/177/10, et allait inclure les cinq mêmes profils que lors de ce dernier concours. Il y a été, en outre, indiqué que « de nouveaux concours » seraient organisés « pour les concours EPSO/AD/178/10 […] et EPSO/AD/179/10 ».

63      Il y a été, par ailleurs, précisé, selon le document d’information produit par la Commission à ce sujet, que « le nombre de lauréats [serait] ajusté de manière proportionnelle afin d’offrir les mêmes chances de réussite que pour les concours initialement organisés ».

64      Ledit document contient, enfin, des informations publiées sur le site Internet de l’EPSO le 21 décembre 2012, selon lesquelles des rectificatifs seraient publiés au courant du mois de mars 2013, tant à l’avis de concours EPSO/AD/177/10 qu’aux avis de concours EPSO/AD/178-179/10. Il y est indiqué que seuls les candidats desdits concours ayant été exclus de la sélection sur la base de leurs résultats aux tests d’accès, soit parce qu’ils n’avaient pas obtenu le minimum requis, soit parce qu’ils n’avaient pas obtenu l’une des meilleures notes donnant accès au « centre d’évaluation », allaient pouvoir participer aux nouvelles procédures de concours.

65      Selon les éléments produits par la Commission devant le Tribunal, ces candidats éligibles à participer aux nouvelles procédures n’ont pas eu à présenter une nouvelle candidature. Toutefois, l’EPSO leur a communiqué une notification précisant qu’ils devaient confirmer leur participation aux nouvelles procédures avant le 25 avril 2013.

66      Il ressort, en outre, des éléments produits par la Commission que, à la suite des nouveaux tests d’accès, les nouvelles épreuves du « centre d’évaluation » se sont déroulées entre novembre 2013 et mars 2014 pour le concours EPSO/AD/177/10 et entre octobre et novembre 2013 pour les concours EPSO/AD/178-179/10. Les nouvelles procédures de concours se sont déroulées conformément aux nouvelles règles établies par les rectificatifs attaqués (voir points 31 à 34 ci-dessus).

67      Enfin, ainsi que cela est exposé au point 35 du présent arrêt, à l’issue des nouvelles procédures de concours organisées sur la base des rectificatifs attaqués, des listes de réserve, indépendantes des listes publiées en 2011 (voir point 28 ci-dessus), comportant les noms des nouveaux lauréats, ont été publiées.

68      Il ressort de ce qui vient d’être exposé que, d’une part, les rectificatifs attaqués s’adressaient à un cercle de candidats différent de celui des candidats auxquels s’adressaient les avis de 2010. En effet, alors que les avis de 2010 s’adressaient à toutes les personnes remplissant les conditions d’admission établies par lesdits avis, les rectificatifs attaqués s’adressaient seulement aux personnes ayant présenté leur candidature aux concours organisés en 2010 sur la base des avis de 2010 et ayant été exclues dès la première phase de ces derniers. D’autre part, à la suite de la publication des rectificatifs attaqués, des procédures de concours nouvelles ont été organisées, qui visaient à l’établissement de nouvelles listes de réserve. À cet égard, il importe de rappeler que les procédures de concours organisées sur la base des avis de 2010 ont été clôturées par la publication des listes de réserve mentionnées au point 28 ci-dessus et que l’EPSO semble, selon les informations relatées au point 62 ci-dessus, considérer les concours organisés à la suite de la publication des rectificatifs attaqués comme étant de nouveaux concours.

69      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer les rectificatifs attaqués comme constituant, en substance, des avis de concours portant sur des procédures de concours autonomes.

70      Il faut néanmoins relever que les rectificatifs attaqués, tels que publiés au Journal officiel de l’Union européenne le 21 mars 2013, ne comportent pas l’ensemble des dispositions établissant le cadre normatif des nouveaux concours concernés. Toutefois, eu égard aux constatations exposées au point 68 ci-dessus, il convient de considérer que chacun des rectificatifs attaqués reprend, implicitement, l’essentiel du contenu normatif correspondant des avis de 2010, en préservant, certes, la structure de la procédure initialement prévue, mais en y incorporant toutes les modifications qui y ont été apportées entre 2010 et 2013 et en adaptant certaines des dispositions reprises afin de tenir compte des arrêts Commission/Pachtitis, point 54 supra (EU:T:2011:742), et Italie/Commission, point 58 supra (EU:C:2012:752).

 Sur l’objet du recours

71      Compte tenu de tout ce qui vient d’être exposé et eu égard à l’ensemble de l’argumentation présentée par la requérante, il convient de considérer que, par ses premier et deuxième chefs de conclusions, la République italienne demande, en substance, l’annulation des rectificatifs attaqués tels que leur nature et leur contenu ont été définis aux points 68 à 70 ci-dessus.

72      Cela établi, il convient de constater que l’objet du présent litige persiste pour ce qui est tant du premier que du deuxième des rectificatifs attaqués.

73      S’il est vrai que, ainsi que le rappelle la République italienne dans sa réplique, l’avis EPSO/AD/177/10, à savoir le premier des avis de 2010, a été annulé par l’arrêt du 16 octobre 2013, Italie/Commission (T‑248/10, EU:T:2013:534), cette annulation n’a aucune incidence sur l’objet du présent litige, étant donné que le premier rectificatif de 2013 a, en réalité, une existence autonome par rapport au premier des avis de 2010.

 Sur la recevabilité

74      Par son mémoire en défense, la Commission invite le Tribunal à rejeter le recours de la République italienne comme étant tardif, en soutenant que les actes attaqués sont des « actes purement confirmatifs des dispositions contenues dans les avis de concours originels ». Elle considère, plus spécifiquement, que les rectificatifs attaqués n’ajoutent rien à ce qui a été établi dans les avis de 2010 quant au régime linguistique des concours concernés et, partant, que ce sont ces derniers que la République italienne aurait dû contester.

75      La République italienne conteste cette argumentation. Elle considère que les rectificatifs attaqués ne contiennent pas une simple confirmation des avis de 2010, mais qu’ils constituent « une nouvelle publication, avec un contenu normatif substantiellement différent ». La République italienne considère que la Commission a « annulé d’office » ces avis, à la suite de l’arrêt Italie/Commission, point 58 supra (EU:C:2012:752). Elle ajoute qu’il s’agit d’une décision de la Commission « de ne pas poursuivre la procédure lancée en 2010 sur la base des avis initiaux », mais « de l’ouvrir ex novo par des avis faisant application […] des principes de l’arrêt de la Cour » susmentionné. De ce fait, les actes attaqués en l’espèce « sont des mesures tout à fait nouvelles et non pas simplement confirmatives des avis initiaux ».

76      Ainsi que cela est stipulé au dernier alinéa de l’article 263 TFUE, le recours en annulation doit être formé dans un délai de deux mois à compter, selon le cas, de la publication ou de la notification de l’acte attaqué ou, à défaut, de la date à laquelle la partie requérante en a eu connaissance. Il résulte des termes mêmes de cette disposition, comme de son objet qui est d’assurer la sécurité juridique, que l’acte qui n’a pas été attaqué dans ce délai devient définitif. Ce caractère définitif concerne non seulement l’acte lui-même, mais aussi tout acte ultérieur qui aurait un caractère purement confirmatif. La solution exposée ci-dessus, qui se justifie par la nécessaire stabilité juridique, vaut tant pour les actes individuels que pour ceux qui ne le sont pas, tel un règlement (voir, en ce sens, arrêts du 18 octobre 2007, Commission/Parlement et Conseil, C‑299/05, Rec, EU:C:2007:608, points 28 et 29 ; du 10 juin 2009, Pologne/Commission, T‑257/04, Rec, EU:T:2009:182, point 70, et du 4 mars 2015, Royaume-Uni/BCE, T‑496/11, Rec, EU:T:2015:133, point 61) ou un avis de concours.

77      Il résulte, en outre, d’une jurisprudence constante qu’un acte est considéré comme purement confirmatif d’un acte individuel antérieur lorsqu’il ne contient aucun élément nouveau par rapport à ce dernier et n’a pas été précédé d’un réexamen de la situation de son destinataire (voir, en ce sens, arrêts du 7 février 2001, Inpesca/Commission, T‑186/98, Rec, EU:T:2001:42, point 44 ; du 6 mai 2009, M/EMEA, T‑12/08 P, RecFP, EU:T:2009:143, point 47, et du 15 septembre 2011, CMB et Christof/Commission, T‑407/07, EU:T:2011:477, point 89). Cette jurisprudence est, par ailleurs, transposable au cas des actes qui ne peuvent pas être considérés comme étant des actes individuels.

78      Or, en l’espèce, ainsi que cela a été exposé aux points 48 à 70 ci-dessus, les rectificatifs attaqués constituent, en substance, des avis de concours autonomes, constituant un cadre normatif nouveau, portant sur des procédures de concours nouvelles et indépendantes de celles ayant été organisées sur la base des avis de 2010. Ils ne sauraient, ainsi, être considérés comme étant des actes confirmatifs des avis de 2010.

79      Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission.

 Sur le fond

80      Il convient de constater que, par ses moyens, exposés au point 46 ci-dessus, la République italienne conteste deux volets distincts des rectificatifs attaqués, à savoir, d’une part, la limitation à l’allemand, à l’anglais et au français des langues pouvant être utilisées dans les échanges entre les candidats et l’EPSO et, d’autre part, la limitation, aux seules trois langues susmentionnées, du choix de la deuxième langue par les candidats aux concours concernés par lesdits rectificatifs.

81      Il y a, dès lors, lieu d’examiner successivement, à la lumière des moyens invoqués par la République italienne, la légalité des deux volets des rectificatifs attaqués contestés par celle-ci (voir point 80 ci‑dessus).

 Sur la limitation des langues pouvant être utilisées dans les communications entre les candidats et l’EPSO

82      Le volet des rectificatifs attaqués qui porte sur la limitation des langues pouvant être utilisées dans les communications entre les candidats et l’EPSO est concerné par le sixième moyen invoqué par la République italienne, tiré de la violation de l’article 18 TFUE, de l’article 24, quatrième alinéa, TFUE, de l’article 22 de la charte des droits fondamentaux, de l’article 2 du règlement n° 1 ainsi que de l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, du statut.

83      La République italienne fait valoir que la limitation en question constitue une violation manifeste de l’article 18 TFUE, de l’article 24, quatrième alinéa, TFUE, de l’article 22 de la charte des droits fondamentaux, de l’article 2 du règlement n° 1 ainsi que de l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, du statut. Elle considère qu’il découle clairement de ces dispositions que les citoyens européens ont le droit de s’adresser aux institutions de l’Union en utilisant l’une quelconque des 23 langues officielles et qu’ils ont le droit de recevoir les réponses des institutions dans la même langue. Cette conclusion découlerait également de l’arrêt Italie/Commission, point 58 supra (EU:C:2012:752). La limitation susvisée constituerait une discrimination, au détriment des citoyens des États membres autres que ceux ayant l’allemand, l’anglais ou le français comme langue officielle.

84      La République italienne rejette la thèse selon laquelle la participation à un concours pour le recrutement de fonctionnaires ou agents de l’Union n’est pas une forme de participation des citoyens à la vie démocratique de l’Union. Elle considère, au contraire, que la procédure d’un concours et la langue de communication utilisée sont les éléments constitutifs d’« un rapport de nature constitutionnelle entre […] le citoyen intéressé et l’Union ». Elle en déduit que la langue de concours doit être celle du citoyen. Par ailleurs, s’appuyant sur l’arrêt Italie/Commission, point 58 supra (EU:C:2012:752), elle conteste la thèse selon laquelle la participation à un concours concernerait une situation interne à l’organisation institutionnelle. Il s’agit, selon elle, d’un rapport entre l’institution en question et un sujet de droit, un « citoyen ordinaire », qui ne fait pas encore partie du personnel de cette institution.

85      Le Royaume d’Espagne soutient les arguments de la République italienne. Il fait valoir que la limitation des langues pouvant être utilisées dans les communications entre les candidats et l’EPSO confère, dans la pratique, un avantage concurrentiel à tous les candidats qui ont pour première langue l’une des trois langues désignées (allemand, anglais, français). Selon lui, il serait « compréhensible » de limiter, pour des raisons opérationnelles, les langues pouvant être utilisées dans les communications de l’EPSO, mais la limitation aux trois langues susmentionnées est contraire au règlement n° 1. Une telle limitation serait, par ailleurs, discriminatoire. Le Royaume d’Espagne rejette, lui aussi, la thèse selon laquelle le recrutement des fonctionnaires ou agents par une institution constitue une question purement interne.

86      La Commission répond, tout d’abord, que les points de l’arrêt Italie/Commission, point 58 supra (EU:C:2012:752), invoqués par la République italienne, n’ont aucun rapport avec la question des langues utilisées dans les épreuves d’un concours, mais se réfèrent à l’aspect différent de la publication des avis de concours. Elle considère, plus concrètement, que, aux points 67, 81 et 91 de l’arrêt Italie/Commission, point 58 supra (EU:C:2012:752), la Cour « a exigé que soit fournie une motivation pour justifier la limitation » aux trois langues susmentionnées des langues utilisables dans ces communications. Dans ce contexte, elle rappelle également la jurisprudence, notamment l’arrêt du 9 septembre 2003, Kik/OHMI (C‑361/01 P, Rec, EU:C:2003:434, point 82), selon laquelle les nombreuses références à l’emploi des langues dans l’Union, figurant dans le traité FUE, ne peuvent être considérées comme étant la manifestation d’un principe général du droit de l’Union, assurant à chaque citoyen le droit à ce que tout ce qui serait susceptible d’affecter ses intérêts soit rédigé, en toutes circonstances, dans sa langue.

87      La Commission fait, en outre, valoir que les candidats à une procédure de concours se trouvent dans une « position intermédiaire ». Certes, ils prendraient connaissance de l’existence d’une procédure de concours en lisant l’avis de concours publié dans le Journal officiel de l’Union européenne et ce serait pour ce motif que les rectificatifs attaqués auraient été publiés dans toutes les langues officielles de l’Union. Toutefois, une fois que le candidat serait en communication avec l’administration en vue de sa participation au concours, il serait légitime d’attendre de celui-ci qu’il maîtrise au moins une langue officielle différente de sa langue maternelle.

88      Selon la Commission, il ne saurait être admis que les compétences linguistiques des candidats à un concours revêtent une importance secondaire. Une telle thèse serait contraire au principe d’autonomie des institutions de l’Union, consacré aux articles 335 TFUE et 336 TFUE. En vertu de ce principe, la détermination des besoins linguistiques du service incomberait exclusivement aux institutions, et non aux États membres. L’arrêt Italie/Commission, point 58 supra (EU:C:2012:752, points 87 et 88), reconnaîtrait également que l’intérêt du service constitue un objectif légitime, pouvant justifier des limitations au principe de non-discrimination sur la base de la langue, visé à l’article 1er quinquies du statut.

89      La Commission fait, ainsi, valoir que toute prétention à ce que, dans le cadre de la procédure d’un concours, les candidats puissent indistinctement utiliser n’importe quelle langue officielle de l’Union est indéfendable. Les institutions auraient besoin de personnel opérationnel et il serait, dès lors, inévitable que, dans les contacts de nature administrative relatifs à l’organisation du concours, le candidat doive également être en mesure de communiquer dans des langues utiles aux institutions, telles que l’anglais, le français et l’allemand. Ces communications administratives seraient déjà des éléments associés au contexte de travail dans lequel le candidat serait immergé, s’il réussissait un des concours concernés.

90      La Commission ajoute que, en tout état de cause, les communications entre les candidats et l’EPSO portent sur des informations élémentaires, relatives au déroulement des épreuves et aux différentes étapes de la procédure de concours. Par rapport au niveau de connaissance et d’utilisation de l’allemand, de l’anglais ou du français exigé dans les rectificatifs attaqués, un candidat dont les connaissances linguistiques ne lui permettraient même pas de comprendre les communications en question, rédigées dans une de ces langues, ne pourrait certainement pas imaginer pouvoir être recruté dans une institution de l’Union. Pour les mêmes motifs, les candidats de langue maternelle allemande, anglaise ou française ne seraient aucunement avantagés. La Commission invoque, à l’appui de ses affirmations, des statistiques relatives aux concours organisés en 2013 à la suite de la publication des rectificatifs attaqués, qui démontrent, selon elle, que c’étaient les candidats de nationalité italienne qui étaient en tête de la liste de ceux dont la candidature a été validée.

91      Par ailleurs, les informations générales relatives aux procédures de concours qui figureraient sur le site de l’EPSO, tout comme le guide de 2012, seraient publiés dans toutes les langues officielles. Selon la Commission, imposer à l’EPSO l’obligation de garantir la traduction de tous les actes de candidature reçus, de la langue maternelle du candidat vers l’anglais, le français ou l’allemand, serait manifestement incompatible avec l’intérêt du service. En outre, une traduction des curriculum vitae des candidats les désavantagerait, car ils perdraient le contrôle des informations qu’ils auraient eux-mêmes données.

92      Aux fins de l’examen de ces arguments, il y a lieu de rappeler, tout d’abord, les termes des dispositions pertinentes du règlement n° 1. Celui‑ci prévoit, en son article 1er, dans sa version applicable au moment de la publication des rectificatifs attaqués, ce qui suit :

« Les langues officielles et les langues de travail des institutions de l’Union sont le bulgare, l’espagnol, le tchèque, le danois, l’allemand, l’estonien, le grec, l’anglais, le français, l’irlandais, l’italien, le letton, le lituanien, le hongrois, le maltais, le néerlandais, le polonais, le portugais, le roumain, le slovaque, le slovène, le finnois et le suédois. »

93      L’article 2 du même règlement dispose :

« Les textes adressés aux institutions par un État membre ou par une personne relevant de la juridiction d’un État membre sont rédigés au choix de l’expéditeur dans l’une des langues officielles. La réponse est rédigée dans la même langue. »

94      L’article 6 du règlement n° 1 prévoit que les institutions peuvent déterminer les modalités d’application du régime linguistique institué par ledit règlement dans leurs règlements intérieurs. Toutefois, comme l’a constaté la Cour au point 67 de l’arrêt Italie/Commission (point 58 supra, EU:C:2012:752), les institutions concernées par les rectificatifs attaqués, qui étaient également celles concernées par les avis de concours en cause dans ladite affaire, n’ont pas déterminé, sur le fondement de l’article 6 du règlement n° 1, les modalités de leur régime linguistique dans leurs règlements intérieurs. La Cour a également précisé que les avis de concours ne sauraient être considérés comme constituant des règlements intérieurs à cet égard.

95      Antérieurement au prononcé de l’arrêt Italie/Commission, point 58 supra (EU:C:2012:752), le Tribunal avait jugé que le règlement n° 1 n’était pas applicable aux relations entre les institutions et leurs fonctionnaires et agents, en ce qu’il fixe uniquement le régime linguistique applicable entre les institutions et un État membre ou une personne relevant de la juridiction de l’un des États membres. Le Tribunal avait également jugé que les fonctionnaires et autres agents de l’Union, ainsi que les candidats à de tels postes, relèvent de la seule juridiction de l’Union, s’agissant de l’application des dispositions du statut, y compris celles relatives au recrutement au sein d’une institution. Selon cette même jurisprudence, l’assimilation aux fonctionnaires et autres agents de l’Union des candidats à de tels postes, en matière de régime linguistique applicable, trouvait sa justification dans le fait que lesdits candidats entrent en relation avec une institution de l’Union uniquement aux fins d’obtenir un poste de fonctionnaire ou d’agent, pour lequel certaines connaissances linguistiques sont nécessaires et peuvent être exigées par les dispositions applicables pour pourvoir le poste en cause. Cette jurisprudence faisait également référence à l’article 6 du règlement n° 1 et à la possibilité pour les institutions, prévue dans cet article, de déterminer les modalités d’application du régime linguistique dans leurs règlements intérieurs (voir, en ce sens, arrêt du 20 novembre 2008, Italie/Commission, T‑185/05, Rec, EU:T:2008:519, points 117 à 119 et jurisprudence citée).

96      Toutefois, à la suite de l’arrêt Italie/Commission, point 58 supra (EU:C:2012:752), ces considérations ne pourraient plus être considérées comme valables. En effet, la Cour a jugé que, en l’absence de dispositions réglementaires spéciales applicables aux fonctionnaires et aux agents, et en l’absence de dispositions à cet égard dans les règlements intérieurs des institutions concernées, aucun texte ne permet de conclure que les relations entre ces institutions et leurs fonctionnaires et agents sont totalement exclues du champ d’application du règlement n° 1. A fortiori en est-il de même, selon la Cour, en ce qui concerne les relations entre des institutions et des candidats à un concours externe qui ne sont, en principe, ni fonctionnaires ni agents (arrêt Italie/Commission, point 58 supra, EU:C:2012:752, points 68 et 69).

97      Doit, à cet égard, être rejeté l’argument de la Commission (voir point 86 ci‑dessus) relatif à l’absence de pertinence de cette partie de l’arrêt Italie/Commission, point 58 supra (EU:C:2012:752), s’agissant de la légalité de la limitation des langues de communication entre les candidats et l’EPSO. En effet, dans cette partie de son arrêt, la Cour a examiné l’applicabilité du règlement n° 1 aux candidats à un concours et a conclu qu’il leur était applicable. Cette conclusion est également pertinente pour la question soulevée par le sixième moyen.

98      Par ailleurs, au regard des considérations qui précèdent, l’argument de la Commission (voir point 87 ci‑dessus), selon lequel les candidats à une procédure de concours se trouvent dans une « position intermédiaire » doit également être rejeté.

99      S’agissant de l’argument de la Commission tiré de l’arrêt Kik/OHMI, point 86 supra (EU:C:2003:434, point 82), il suffit de relever que, à la différence de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), dont le régime linguistique était en cause dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, les institutions concernées par les rectificatifs attaqués ne sont pas soumises à un régime linguistique spécifique (arrêt Italie/Commission, point 58 supra, EU:C:2012:752, point 86). Elles sont soumises au régime linguistique institué par le règlement n° 1.

100    Au regard de ces considérations, ainsi que du libellé clair et non ambigu de l’article 2 du règlement n° 1, il doit être conclu que les rectificatifs attaqués, en ce qu’ils prévoient, par renvoi au guide de 2012, que les candidats aux concours litigieux sont tenus de communiquer avec l’EPSO dans une langue, choisie par eux parmi l’allemand, l’anglais et le français, violent le règlement n° 1. Ce motif est suffisant pour justifier leur annulation, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si, comme le fait valoir la République italienne, cette stipulation des rectificatifs attaqués conduit à une discrimination interdite en raison de la langue.

101    En effet, l’acte de candidature est, sans aucun doute, un texte, adressé aux institutions qui ont établi l’EPSO, par une personne relevant de la juridiction d’un État membre, à savoir le candidat. Partant, en application de l’article 2 du règlement n° 1, cette personne, le candidat, a le droit de choisir la langue de rédaction de ce texte parmi toutes les langues officielles énumérées à l’article 1er du même règlement. Dans la mesure où les rectificatifs attaqués limitent ce choix à l’allemand, à l’anglais et au français, ils violent ces dispositions. Il en va de même en ce qui concerne les autres communications éventuelles qu’un candidat aurait pu être amené à adresser à l’EPSO au sujet des concours visés par les rectificatifs attaqués.

102    Par ailleurs, les communications adressées par l’EPSO à chaque candidat qui lui a soumis un acte de candidature constituent des réponses, au sens de l’article 2 du règlement n° 1, à l’acte de candidature et aux autres textes éventuels que lui a adressés le candidat en question. Partant, en application de cette dernière disposition, ces réponses doivent être rédigées dans la langue choisie, parmi toutes les langues officielles, par le candidat en question, pour la rédaction de ses textes. Partant, les rectificatifs attaqués violent ledit règlement également en ce qu’ils prévoient que l’EPSO adressera des communications aux candidats dans une langue choisie par eux parmi l’allemand, l’anglais ou le français, et non parmi toutes les langues officielles.

103    Le respect, par l’EPSO, de son obligation, découlant de l’article 2 du règlement n° 1, de communiquer avec les candidats aux concours visés par les rectificatifs attaqués dans une langue choisie librement parmi toutes les langues officielles, et non uniquement en allemand, en anglais ou en français, présente d’autant plus d’importance du fait que les informations fournies par les candidats et leurs déclarations faites lors du dépôt de leur candidature sont, par la suite, traitées par le jury et peuvent se révéler déterminantes. En effet, pour ce qui est du concours EPSO/AD/177/10, il est prévu à la partie V, point 1, de l’avis EPSO/AD/177/10 que les candidats seront admis au « centre d’évaluation » si, entre autres, « au vu de [leurs] déclarations lors de l’inscription électronique, [ils remplissent] les conditions générales et spécifiques du titre III » dudit avis. Il en va de même pour ce qui est des concours EPSO/AD/178-179/10. Les avis EPSO/AD/178-179/10 prévoyaient, en dehors de l’examen des conditions générales et spécifiques d’admission à ces concours « sur la base des informations fournies dans l’acte de candidature électronique » (partie V, point 1, des avis EPSO/AD/178-179/10), une « sélection sur titres », effectuée par le jury « en vue d’identifier les candidats qui peuvent être invités au centre d’évaluation », uniquement « sur la base des déclarations des candidats dans leur acte de candidature électronique » (partie V, point 2, des avis EPSO/AD/178-179/10). Ainsi que cela a été exposé au point 70 ci-dessus, ces dispositions ont été, implicitement, reprises, par la suite, dans les rectificatifs attaqués et font, ainsi, partie du cadre normatif des concours concernés.

104    Au vu de ce qui vient d’être exposé, il est évident qu’il importe que les candidats puissent rédiger l’acte de candidature dans la langue de leur choix, le cas échéant dans leur langue maternelle, et non dans une langue qui, pour certains d’entre eux, ne sera pas la langue dans laquelle ils s’expriment le mieux, quand bien même ils en posséderaient une connaissance satisfaisante.

105    Le fait que la partie 3 du guide de 2012 relève que le choix des langues de communication des candidats avec l’EPSO est limité « [a]fin de garantir la clarté et la compréhension des textes à caractère général et des communications adressées aux candidats ou reçues de ces derniers » ne saurait conduire à une conclusion différente. L’imposition, par l’EPSO, de l’utilisation d’une des trois langues susmentionnées à des candidats qui auraient préféré communiquer avec lui dans une autre langue officielle, ne peut pas « garantir la clarté et la compréhension », par ces candidats, des textes à caractère général et des communications que leur adressera l’EPSO. Il en va de même de la compréhension, par l’EPSO, des communications qu’il recevra de ces candidats, dès lors que leur clarté risque d’être affectée, du fait qu’elles seront rédigées dans une langue qui n’est pas la langue de premier choix des candidats en question.

106    En tout état de cause, il suffit de relever que l’article 2 du règlement n° 1 ne prévoit d’exception à l’obligation qu’il impose ni pour les motifs mentionnés à la partie 3 du guide de 2012 ni pour d’autres motifs (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Italie/Commission, point 58 supra, EU:C:2012:752, point 72).

107    Ces considérations permettent également de rejeter les autres arguments avancés par la Commission.

108    L’argument tiré de l’autonomie des institutions de l’Union (voir point 88 ci‑dessus) ne saurait prospérer. Il est vrai que la jurisprudence reconnaît le principe d’autonomie fonctionnelle des institutions de l’Union quant au choix de leurs fonctionnaires et agents, consacré à l’article 2 du statut. Ces institutions disposent, ainsi, d’un large pouvoir d’appréciation et d’une autonomie quant à la création d’un emploi de fonctionnaire ou d’agent, quant au choix du fonctionnaire ou de l’agent aux fins de pourvoir à l’emploi créé et quant à la nature de la relation de travail qui les lie à un agent (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2005, AB, C‑288/04, Rec, EU:C:2005:526, points 26 et 28). Toutefois, cette autonomie ne les dispense pas de l’obligation de respecter les dispositions applicables du droit de l’Union, y compris celles de l’article 2 du règlement n° 1, qui ont été violées en l’espèce.

109    Il convient d’ajouter que la nécessité de se conformer aux obligations découlant du règlement n° 1 n’a pas pour conséquence d’empêcher les institutions de l’Union de déterminer elles-mêmes, dans l’exercice de leur autonomie fonctionnelle évoquée par la Commission, leurs besoins linguistiques. L’article 2 du règlement n° 1, dont il est question dans le cadre de l’examen du sixième moyen, ne s’oppose pas à ce que des exigences linguistiques spécifiques soient stipulées, dans un avis de concours, à l’égard des candidats. Il prévoit seulement que, même dans une telle hypothèse, l’auteur de l’avis de concours, en l’occurrence l’EPSO, doit communiquer avec chaque candidat dans la langue officielle choisie par ce dernier, et non dans une langue choisie parmi un groupe plus restreint de langues, quand bien même la connaissance d’au moins une de ces langues serait une des conditions d’admission audit concours.

110    L’argument de la Commission selon lequel les communications entre les candidats et l’EPSO portent sur des informations élémentaires qu’un candidat qui aurait une connaissance de l’allemand, de l’anglais ou du français suffisante pour pouvoir participer au concours n’aurait aucune difficulté à comprendre doit également être rejeté, tout comme celui selon lequel il serait incompatible avec l’intérêt du service et le bon sens de devoir traduire les actes de candidature des langues de leur rédaction vers l’allemand, l’anglais ou le français. L’article 2 du règlement n° 1 ne prévoit d’exceptions à l’obligation qu’il impose ni pour des raisons liées à l’intérêt du service, ni pour d’autres raisons. Par ailleurs, il a déjà été relevé que cet article laissait à la personne qui adresse un texte à une institution le choix de la langue de rédaction de ce texte et imposait aux institutions l’obligation de lui répondre dans la même langue, indépendamment de l’éventuelle connaissance, par lui, d’une autre langue.

111    Enfin, ne saurait prospérer ni l’argument selon lequel les informations figurant sur le site de l’EPSO et dans le guide de 2012 seraient disponibles dans toutes les langues officielles, ni celui selon lequel les candidats de nationalité italienne n’auraient subi aucun préjudice du fait de l’impossibilité d’utiliser l’italien dans leurs communications avec l’EPSO.

112    S’agissant du premier argument, il suffit de relever que, en l’espèce, il est question de la langue utilisée dans les communications individuelles entre les candidats et l’EPSO, et les circonstances invoquées n’ont aucune incidence sur l’obligation de ce dernier de respecter l’article 2 du règlement n° 1, s’agissant de ces communications.

113    Quant au second argument, il suffit de rappeler que la violation d’une règle du droit de l’Union, en l’occurrence de l’article 2 du règlement n° 1, dont le respect s’imposait à l’EPSO, est suffisante pour entraîner l’annulation des rectificatifs attaqués, sans qu’il soit nécessaire de démontrer que cette violation a causé un préjudice à des candidats déterminés.

114    En conclusion, compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de faire droit au sixième moyen et d’annuler les rectificatifs attaqués, tels que leur nature et leur contenu ont été identifiés aux points 68 à 70 ci-dessus, en ce qu’ils restreignent les langues pouvant être utilisées pour présenter un acte de candidature et dans les communications entre les candidats et l’EPSO à l’allemand, à l’anglais et au français.

 Sur la légalité de la limitation à l’allemand, à l’anglais et au français du choix de la deuxième langue par les candidats aux concours concernés par les rectificatifs attaqués

115    Il convient d’examiner la légalité de la limitation à l’allemand, à l’anglais ou au français du choix de la deuxième langue par les candidats aux concours concernés par les rectificatifs attaqués, dès lors qu’il s’agit d’un volet différent desdits rectificatifs, sur lequel l’illégalité constatée au point 100 ci-dessus n’a pas d’incidence.

116    À cet égard, il convient d’examiner les troisième et septième moyens soulevés par la République italienne.

117    Le troisième moyen est tiré de la violation de l’article 6, paragraphe 3, TUE, de l’article 18 TFUE, de l’article 22 de la charte des droits fondamentaux, des articles 1er et 6 du règlement n° 1, de l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, de l’article 27, deuxième alinéa, et de l’article 28, sous f), du statut ainsi que de l’article 1er, paragraphes 2 et 3, de l’annexe III du statut. En substance, la République italienne fait valoir que la limitation, prévue par les rectificatifs attaqués, à l’allemand, à l’anglais et au français du choix de la deuxième langue des candidats aux concours en cause, qui serait la langue tant des tests d’accès que des épreuves d’évaluation des candidats admis, viole toutes ces dispositions. La requérante souligne, en outre, que, dans les domaines concernés par les concours litigieux, « il est à l’évidence nécessaire d’avoir une étendue de compétences linguistiques maximale, bien au-delà [de l’anglais, du français ou de l’allemand], pour être en mesure d’intervenir efficacement à l’échelle européenne ».

118    Le septième moyen est tiré de la violation de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, des articles 1er et 6 du règlement n° 1, de l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, et de l’article 28, sous f), du statut, de l’article 1er, paragraphe 1, sous f), de l’annexe III du statut, du principe de proportionnalité ainsi que d’une « dénaturation des faits ». En substance, par ce moyen, la République italienne fait valoir un défaut et une insuffisance de motivation des rectificatifs attaqués. Elle conteste, par ailleurs, le bien-fondé de cette motivation et sa conformité avec les dispositions susmentionnées.

119    Par son mémoire en intervention, le Royaume d’Espagne invoque, en substance, une violation du principe de non-discrimination en raison de la langue, consacré à l’article 1er quinquies du statut.

120    Il fait valoir que la motivation de la limitation du choix de la deuxième langue (voir point 32 ci‑dessus) consiste en un « paragraphe stéréotypé » qui ne suffit pas pour se conformer à l’arrêt Italie/Commission, point 58 supra (EU:C:2012:752). Ainsi, selon lui, les actes attaqués sont affectés des mêmes vices que les avis en cause dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt. Leur motivation serait « générique » et elle ne satisferait pas aux « exigences minimales de preuve qui justifient une limitation du régime linguistique plein et entier ».

121    En ce qui concerne, tout d’abord, un éventuel défaut ou une éventuelle insuffisance de motivation des rectificatifs attaqués, invoqué dans le cadre du septième moyen, la Commission réfute l’argumentation de la République italienne.

122    À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motiver des décisions constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’un acte consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels il repose. Si ces motifs comportent des erreurs, celles-ci affectent la légalité au fond de l’acte en cause, mais non la motivation de celui-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés (voir arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, Rec, EU:C:2008:392, point 181 et jurisprudence citée).

123    En l’espèce, ainsi qu’il a été relevé au point 32 ci‑dessus, les rectificatifs attaqués comportent bien une motivation tendant à justifier l’exigence selon laquelle les candidats doivent posséder une connaissance satisfaisante de l’allemand, de l’anglais ou du français, langues auxquelles se limite leur choix de la deuxième langue du concours. Partant, il ne saurait être reproché à leur auteur, l’EPSO, une violation de l’obligation de motivation. La question du bien-fondé de cette motivation est distincte et sera examinée ci‑après.

124    Aux fins de l’examen de cette dernière question, il convient de rappeler le libellé des dispositions mentionnées par la Cour dans son arrêt Italie/Commission, point 58 supra (EU:C:2012:752), également évoquées par la République italienne dans son argumentation, ainsi que les conclusions que la Cour a tirées de ces dispositions.

125    Aux points 81 à 84 de son arrêt Italie/Commission, point 58 supra (EU:C:2012:752), la Cour s’est référée, outre à l’article 1er du règlement n° 1 (voir point 92 ci-dessus), à l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, et à l’article 28, sous f), du statut ainsi qu’à l’article 1er, paragraphe 1, sous f), de l’annexe III du statut.

126    L’article 1er quinquies du statut dispose, en son paragraphe 1, que, dans l’application du statut, est interdite toute discrimination, telle qu’une discrimination fondée, notamment, sur la langue. Conformément au paragraphe 6 du même article, « [d]ans le respect du principe de non-discrimination et du principe de proportionnalité, toute limitation de ces principes doit être objectivement et raisonnablement justifiée et doit répondre à des objectifs légitimes d’intérêt général dans le cadre de la politique du personnel ».

127    L’article 28, sous f), du statut prévoit que nul ne peut être nommé fonctionnaire s’il ne justifie posséder une connaissance approfondie d’une des langues de l’Union et une connaissance satisfaisante d’une autre langue de l’Union. Comme l’a fait remarquer la Cour dans son arrêt Italie/Commission, point 58 supra (EU:C:2012:752, point 83), si cette disposition précise que la connaissance satisfaisante d’une autre langue est exigée « dans la mesure nécessaire aux fonctions » que le candidat est appelé à exercer, elle n’indique pas les critères qui peuvent être pris en considération pour limiter le choix de cette langue parmi les langues officielles mentionnées à l’article 1er du règlement n° 1.

128    Selon l’article 1er, paragraphe 1, sous f), de l’annexe III du statut, l’avis de concours peut spécifier éventuellement les connaissances linguistiques requises par la nature particulière des postes à pourvoir. Toutefois, comme la Cour l’a indiqué dans son arrêt Italie/Commission, point 58 supra (EU:C:2012:752, point 84), ne découle pas de cette disposition une autorisation générale pour déroger aux exigences de l’article 1er du règlement n° 1.

129    La Cour a, donc, conclu que les dispositions mentionnées aux points 126 à 128 ci‑dessus ne prévoient pas de critères explicites permettant de limiter le choix de la deuxième langue que doivent maîtriser les candidats à un concours tendant au recrutement de fonctionnaires de l’Union, que ce soit aux trois langues imposées par les rectificatifs attaqués ou à d’autres langues officielles (arrêt Italie/Commission, point 58 supra, EU:C:2012:752, point 85). Elle a, par ailleurs, constaté que les institutions concernées par les rectificatifs attaqués, qui étaient également concernées par les avis de concours en cause dans l’affaire devant la Cour, n’étaient pas soumises à un régime linguistique spécifique (voir point 99 ci‑dessus).

130    La Cour a, néanmoins, relevé qu’il ressortait de l’ensemble des dispositions susvisées que l’intérêt du service pouvait constituer un objectif légitime pouvant être pris en considération. Notamment, l’article 1er quinquies du statut autorise des limitations aux principes de non-discrimination et de proportionnalité. Il importe cependant, selon la Cour, que cet intérêt du service soit objectivement justifié et que le niveau de connaissance linguistique exigé s’avère proportionné aux besoins réels du service (arrêt Italie/Commission, point 58 supra, EU:C:2012:752, point 88).

131    À cet égard, la Cour a souligné que des règles limitant le choix de la deuxième langue doivent prévoir des critères clairs, objectifs et prévisibles afin que les candidats puissent savoir, suffisamment à l’avance, quelles exigences linguistiques sont requises, et ce pour pouvoir se préparer aux concours dans les meilleures conditions (arrêt Italie/Commission, point 58 supra, EU:C:2012:752, point 90).

132    Dans l’affaire ayant donné lieu à son arrêt Italie/Commission, point 58 supra (EU:C:2012:752, point 91), la Cour a constaté que les institutions concernées n’avaient jamais adopté de règles internes conformément à l’article 6 du règlement n° 1. Elle a ajouté que la Commission n’avait pas non plus invoqué l’existence d’autres actes, tels que des communications stipulant les critères pour une limitation du choix d’une langue en tant que deuxième langue pour participer aux concours en cause dans cette affaire. Enfin, elle a constaté que les avis de concours en cause dans cette affaire ne contenaient aucune motivation justifiant le choix des trois langues (allemand, anglais, français) auxquelles se limitait le choix de la deuxième langue des candidats auxdits concours.

133    Il ressort de ces considérations de la Cour que la limitation du choix de la deuxième langue par les candidats à un concours à un nombre restreint de langues, à l’exclusion des autres langues officielles, constitue une discrimination en raison de la langue (voir, en ce sens, arrêt Italie/Commission, point 58 supra, EU:C:2012:752, point 102). Il est, en effet, évident que, par une telle stipulation, certains candidats potentiels, à savoir ceux qui possèdent une connaissance satisfaisante d’au moins une des langues désignées, sont favorisés, en ce qu’ils peuvent participer au concours et être, ainsi, recrutés en tant que fonctionnaires ou agents de l’Union, alors que les autres, qui ne possèdent pas une telle connaissance, sont exclus.

134    La Commission fait valoir qu’il ne s’agit pas d’une discrimination fondée sur la nationalité. Or, un tel argument est inopérant, dès lors que l’article 1er quinquies du statut n’interdit pas seulement la discrimination fondée sur la nationalité, mais également plusieurs autres formes de discrimination, y compris celle fondée sur la langue.

135    Dans le même contexte, la Commission fait valoir qu’aucune discrimination ne pouvait exister en droit, étant donné que les candidats pouvaient réaliser une partie des concours visés par les rectificatifs attaqués dans leur langue maternelle et que le choix de la deuxième langue se faisait sur la base des langues les plus répandues, les plus étudiées en Europe.

136    Cet argument doit être rejeté. L’article 1er quinquies du statut interdit toute discrimination en raison de la langue, quand bien même le nombre des victimes d’une telle discrimination serait assez restreint. Tout autre est la question de savoir si une discrimination peut être tolérée pour d’autres motifs, auquel cas le nombre restreint des victimes potentielles d’une discrimination peut constituer un argument valable, plaidant en faveur du caractère proportionnel de la mesure en cause.

137    À cet égard, il convient, par ailleurs, d’écarter l’argument présenté par la Commission qui soutient que, en tout état de cause, la faible difficulté des tests d’accès, organisés, en application des rectificatifs attaqués, dans la langue 2 du concours, « n’était pas tel[le] qu’ils ne pouvaient être réussis que par des candidats de langue maternelle ». Ainsi que cela a été précisé au point 113 ci-dessus, la violation d’une règle du droit de l’Union, en l’occurrence de l’interdiction d’une discrimination fondée sur la langue, dont le respect s’imposait à l’EPSO, suffit à entraîner l’annulation des rectificatifs attaqués, sans qu’il soit nécessaire de démontrer que cette violation a causé un préjudice à des candidats déterminés.

138    Partant, il y a lieu d’examiner si, en limitant à l’allemand, à l’anglais et au français le choix de la deuxième langue pour les candidats visés par les rectificatifs attaqués, l’EPSO, auteur de ces derniers, a violé l’article 1er quinquies du statut, en instituant une discrimination interdite, fondée sur la langue.

139    Il convient de constater que, à la différence des avis de concours en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Italie/Commission, point 58 supra (EU:C:2012:752), les rectificatifs attaqués contiennent une motivation (voir point 32 ci‑dessus), insérée spécifiquement aux fins de répondre aux exigences dudit arrêt. Il ressort notamment de cette motivation que « les deuxièmes langues retenues aux fins du […] concours ont été définies conformément à l’intérêt du service, qui exige que les nouveaux recrutés soient immédiatement opérationnels et capables de communiquer efficacement dans leur travail quotidien » et que « [l]e fonctionnement effectif des institutions risquerait autrement d’être gravement entravé ».

140    Il importe, toutefois, de remarquer que les autres constatations de la Cour rappelées au point 132 ci‑dessus demeurent valables également en ce qui concerne les circonstances de la présente affaire. En effet, ainsi que la Commission l’a, d’ailleurs, confirmé lors de l’audience, les institutions concernées par les rectificatifs attaqués n’ont adopté, après le prononcé de l’arrêt Italie/Commission, point 58 supra (EU:C:2012:752), et jusqu’à la publication des rectificatifs attaqués, ni de règles internes conformément à l’article 6 du règlement n° 1, ni d’autres actes, tels que des communications stipulant les critères pour une limitation du choix d’une langue en tant que deuxième langue des candidats à un concours tendant au recrutement de fonctionnaires de l’Union. Il importe, notamment, de constater qu’aucune stipulation en ce sens ne figure dans le guide de 2012.

141    Il ressort de l’arrêt Italie/Commission, point 58 supra (EU:C:2012:752, point 95), que l’absence de règles ou de communications telles que celles envisagées au point 140 ci‑dessus ne peut être compensée par le contenu d’un avis de concours qui, nécessairement, ne se réfère qu’à un concours précis. Le délai entre la publication d’un avis de concours et la date des épreuves prévues dans celui-ci ne permet pas nécessairement à un candidat d’acquérir les connaissances linguistiques suffisantes pour démontrer ses compétences professionnelles. Quant à la possibilité d’apprendre l’une des trois langues auxquelles les rectificatifs attaqués limitent le choix de la deuxième langue dans la perspective de futurs concours, elle présuppose que les langues imposées par l’EPSO soient déterminables longtemps à l’avance. Or, l’absence de règles telles que celles visées au point 132 ci‑dessus ne garantit en aucune manière la permanence du choix des langues de concours et ne permet aucune prévisibilité en la matière.

142    Il convient, néanmoins, d’examiner si la motivation insérée dans les rectificatifs attaqués démontre que la limitation, à l’allemand, à l’anglais et au français, du choix de la deuxième langue par les candidats aux concours litigieux est justifiée par l’intérêt du service et respecte le principe de proportionnalité.

143    Il convient, tout d’abord, de définir les paramètres d’un tel examen. La Commission évoque le principe d’autonomie des institutions de l’Union (voir point 108 ci‑dessus) pour faire valoir que ces dernières disposent d’un pouvoir d’appréciation « particulièrement large », dès lors qu’elles sont les seules à pouvoir décider de leur politique du personnel. Elle en conclut que, dans ce contexte, le principe de non-discrimination est méconnu uniquement en cas de choix arbitraires ou manifestement inadéquats par rapport à l’objectif visé, qui, selon elle, est de pouvoir disposer de candidats immédiatement opérationnels et de recruter des fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité.

144    À cet égard, il doit être remarqué que seul l’objectif consistant à disposer de candidats immédiatement opérationnels est capable de justifier, éventuellement, une discrimination fondée sur la langue. En revanche, une telle discrimination n’est pas apte à faciliter le recrutement des fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité, ces qualités étant, manifestement, indépendantes des connaissances linguistiques d’un candidat.

145    Ensuite, il doit être rappelé que l’autonomie fonctionnelle des institutions ne les dispense pas de l’obligation de respecter les dispositions applicables du droit de l’Union, dont fait partie l’article 1er quinquies du statut.

146    En outre, il est, certes, vrai qu’il ressort d’une jurisprudence constante que, dans les matières qui relèvent de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire, le principe de non-discrimination est méconnu lorsque l’institution concernée procède à une différenciation arbitraire ou manifestement inadéquate par rapport à l’objectif de la réglementation (voir arrêt du 20 mars 2012, Kurrer e.a./Commission, T‑441/10 P à T‑443/10 P, RecFP, EU:T:2012:133, point 54 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 15 avril 2010, Gualtieri/Commission, C‑485/08 P, Rec, EU:C:2010:188, point 72).

147    Toutefois, cette jurisprudence n’exclut pas tout contrôle, par le juge de l’Union, des éventuelles exigences de connaissances linguistiques spécifiques des candidats à un concours pour le recrutement des fonctionnaires ou des agents de l’Union. Au contraire, il ressort des considérations de la Cour mentionnées au point 130 ci‑dessus qu’il appartient au juge de l’Union de vérifier que de telles exigences sont objectivement justifiées et proportionnées aux besoins réels du service, en d’autres termes qu’elles ne sont pas arbitraires ou manifestement inadéquates par rapport à l’objectif escompté.

148    Selon la motivation des rectificatifs attaqués, « l’intérêt du service […] exige que les nouveaux recrutés soient immédiatement opérationnels et capables de communiquer efficacement dans leur travail quotidien ». Eu égard à « la longue pratique des institutions de l’Union en ce qui concerne les langues de communication interne » et « compte tenu des besoins des services en matière de communication externe et de traitement des dossiers », il est conclu que les trois langues susmentionnées « demeurent les langues les plus largement employées ».

149    Il est, ensuite, constaté que ces trois langues « sont de loin les deuxièmes langues qui sont les plus choisies par les candidats aux concours, lorsque ceux-ci ont la possibilité de choisir leur deuxième langue ». Selon les rectificatifs attaqués, « [c]ela confirme le niveau d’étude et les compétences professionnelles qui peuvent être actuellement attendus des candidats à des postes au sein des institutions de l’Union, à savoir la maîtrise d’au moins l’une de ces langues ». Au regard de ces considérations, il est conclu que « dans la mise en balance de l’intérêt du service et des besoins et des aptitudes des candidats, compte tenu du domaine particulier du présent concours, il est justifié d’organiser des épreuves dans ces trois langues afin de garantir que, quelle que soit leur première langue officielle, tous les candidats maîtriseront au moins l’une de ces trois langues officielles au niveau d’une langue de travail ».

150    La considération selon laquelle « [l’]appréciation des compétences spécifiques permet […] aux institutions de l’Union d’évaluer l’aptitude des candidats à être immédiatement opérationnels dans un environnement proche de celui dans lequel ils seront appelés à travailler » paraît être avancée pour justifier l’organisation de certaines épreuves dans la deuxième langue, choisie par chaque candidat parmi l’allemand, l’anglais et le français. L’exigence selon laquelle les candidats qui choisissent une de ces trois langues comme première langue doivent, néanmoins, passer ces épreuves dans une autre de ces trois langues, qu’ils auront choisie en tant que deuxième langue, est expliquée par « un souci d’égalité de traitement ».

151    L’affirmation selon laquelle les trois langues susmentionnées « demeurent les langues les plus largement employées » eu égard, notamment, à la « longue pratique des institutions de l’Union en ce qui concerne les langues de communication interne » occupe une position clef dans ce raisonnement. Force est, toutefois, de constater qu’il s’agit d’une affirmation vague, non complétée par des indications concrètes.

152    En effet, cette prétendue pratique des institutions de l’Union en ce qui concerne les langues de communication interne n’est aucunement explicitée. Notamment, il n’est pas précisé si elle implique l’utilisation parallèle de ces trois langues en tant que langues de communication interne dans tous les services de toutes les institutions concernées par les rectificatifs attaqués, ou si, plutôt, certains services utilisent l’une de ces langues et d’autres une autre. Dans cette dernière hypothèse, il existerait un risque que les services susceptibles d’être intéressés par les candidats qui auront réussi les concours litigieux n’utiliseront pas l’une ou l’autre des trois langues susmentionnées comme langue de travail interne, ce qui mettrait en question le caractère raisonnable et proportionnel de la limitation, à ces trois langues, du choix de la deuxième langue pour les candidats aux concours en cause. En effet, dans un tel cas, soit certains candidats, bien qu’ayant réussi l’un de ces concours, ne seraient pas engagés, soit les services concernés seraient obligés d’engager, en partie, des candidats qui ne maîtriseraient pas la langue de communication interne, auquel cas se poserait légitimement la question du sens et de l’utilité de la limitation susmentionnée.

153    La Commission a fourni, dans ses écrits, certaines précisions à cet égard et elle a produit des éléments de preuve additionnels. Toutefois, leur examen ne permet pas de dissiper les doutes sérieux que soulèvent les affirmations susvisées des rectificatifs attaqués.

154    Premièrement, la Commission fait valoir que l’allemand, l’anglais et le français sont « les trois langues principales des délibérations des institutions de l’Union ». Selon elle, cette situation était caractérisée par l’utilisation initiale du français et de l’allemand et s’était enrichie, depuis 1973, avec l’introduction de l’anglais. Elle ajoute que la langue traditionnelle des délibérations des juridictions au sein de la Cour de justice de l’Union européenne est le français, alors que l’anglais est « la langue de travail de plus grande diffusion dans les agences ». Cet état de fait serait confirmé, notamment, par le régime linguistique du comité des représentants permanents (Coreper), chargé, conformément à l’article 16, paragraphe 7, TUE, de la préparation des travaux du Conseil de l’Union européenne.

155    Force est, toutefois, de constater que, à l’exception de copies de certains courriels, produits pour démontrer que l’allemand, l’anglais et le français seraient les langues véhiculaires utilisées par les États membres au sein du Coreper, la Commission n’a pas fourni d’autres éléments de preuve à l’appui des allégations résumées ci-dessus.

156    À défaut de tels éléments, l’affirmation, vague et générale, selon laquelle l’allemand, l’anglais et le français seraient les langues « principales » des délibérations des institutions de l’Union ne saurait être admise. La Commission admet elle-même que la seule langue des délibérations de toutes les juridictions qui composent la Cour de justice est, traditionnellement, le français. Par ailleurs, il est notoire que les membres du Parlement européen s’expriment, en séance plénière ou en commission, dans toutes les langues officielles. Il en va de même des représentants des États membres, réunis au sein du Conseil.

157    En outre, même à admettre que, comme l’affirme la Commission, les trois langues susmentionnées soient les « langues véhiculaires » utilisées au sein du Coreper, un tel fait serait dépourvu de pertinence pour la solution du litige. En effet, il ne ressort d’aucun élément du dossier et n’est pas allégué par la Commission qu’il existe un quelconque lien entre les activités du Coreper et les fonctions que les candidats aux concours litigieux sont susceptibles d’exercer, s’ils réussissent l’un de ces concours et sont engagés.

158    Cette considération est valable, plus généralement, pour tout éventuel argument tiré de l’utilisation d’une ou de plusieurs langues comme « langues de délibération » d’une institution de l’Union : à supposer même que les membres d’une institution déterminée utilisent exclusivement une ou certaines langues dans leurs délibérations, il ne saurait être présumé, sans davantage d’explications, qu’un fonctionnaire nouvellement recruté, qui ne maîtrise aucune de ces langues, ne serait pas capable de fournir immédiatement un travail utile dans l’institution en question.

159    Deuxièmement, la Commission fait valoir que l’allemand, l’anglais et le français seraient les trois langues dans lesquelles la quasi-totalité des documents est traduite par sa direction générale de la traduction. La Commission produit, à l’appui de cette affirmation, des statistiques sur les langues sources et langues cibles des textes traduits entre 2000 et 2012. Selon elle, il peut en être déduit clairement que les trois langues en question représentent les langues les plus demandées par ses services dans les demandes de traduction des documents, à la fois comme langue source, dans le cas de la traduction à usage interne d’un document externe, et comme langue cible, dans le cas de documents internes destinés à un usage externe.

160    Il convient de remarquer, d’emblée, que la pertinence de ces statistiques se trouve réduite, du fait qu’elles ne concernent que la Commission. En effet, rien ne permet de conclure que la situation est la même s’agissant des autres institutions concernées par les rectificatifs attaqués.

161    Il convient, par ailleurs, de constater que c’est à tort que la Commission part de la prémisse que les statistiques sur la langue source d’un document traduit ne couvrent que des documents externes, traduits en vue d’un usage interne et que, inversement, les statistiques relatives à la langue cible des documents traduits ne couvrent que des documents internes, destinés à un usage externe. Les statistiques qu’elle invoque répartissent les nombres de pages traduites en fonction de la langue du document original (langue source) ou de la langue vers laquelle la traduction a été effectuée (langue cible), sans distinguer entre les traductions destinées à un usage interne ou externe.

162    Il est, ainsi, impossible d’identifier la proportion des textes pris en considération dans ces statistiques, qui serait d’origine interne, destinée à un usage interne, ou pertinente pour les domaines visés par les rectificatifs attaqués. Or, si une proportion élevée des pages traduites est d’origine externe, la pertinence des statistiques relatives à la langue source des documents traduits, pour la détermination des langues internes de travail de la Commission, est douteuse. Par ailleurs, dès lors qu’il n’est fait aucune distinction s’agissant des services auxquels chaque traduction est destinée, les éventuelles conclusions qui pourraient être tirées de ces statistiques, quant à l’utilisation des langues à l’intérieur de la Commission prise dans son ensemble, ne refléteront pas nécessairement la situation à l’intérieur des services particuliers de celle-ci susceptibles d’être concernés par les domaines visés par les rectificatifs attaqués.

163    En tout état de cause, les statistiques produites par la Commission ne sauraient étayer les affirmations de celle-ci, qui reflètent celles qui figurent également dans les rectificatifs attaqués.

164    S’agissant des statistiques relatives à la langue source des documents traduits, si elles démontrent, certes, que l’anglais, le français et l’allemand se trouvent, respectivement, en première, deuxième et troisième position en termes de langue source des pages traduites, l’écart entre ces trois langues est considérable.

165    Ainsi, en 2012, les textes anglais représentaient 77,06 % des textes traduits, contre 5,20 % pour le français et 2,90 % pour l’allemand. La situation était largement analogue en 2011, avec 80,63 % des pages traduites pour l’anglais, 5,76 % pour le français et 2,28 % pour l’allemand. Entre 2000 et 2012, la proportion de l’anglais a augmenté considérablement (elle est passée de 55,08 à 77,06 %), celle du français a connu un recul très substantiel (elle est passée de 32,49 à 5,20 %), alors que, dans le cas de l’allemand, il y a eu, aussi, un recul (de 4,08 à 2,90 %). Il convient, également, de constater que l’écart entre l’allemand et l’italien, qui, sauf en 2012, se trouvait en quatrième position, n’est pas considérable. Leurs proportions respectives étaient de 2,24 % contre 2,06 % en 2010 et de 2,28 % contre 1,49 % en 2011. En 2012, c’était l’espagnol et le grec qui se trouvaient en quatrième position, avec 1,61 % des pages traduites, contre 2,90 % pour l’allemand.

166    S’agissant des statistiques relatives aux langues cibles des textes traduits, il est vrai que l’anglais, le français et l’allemand occupent, respectivement, les trois premières positions dans les statistiques les plus récentes (2011 et 2012). Toutefois, l’écart entre le nombre de pages traduites vers ces trois langues et celles traduites vers d’autres langues n’est pas très significatif. Ainsi, en 2011, 12,31 % des pages traduites l’ont été vers l’anglais, 7,92 % vers le français, 6,53 % vers l’allemand, 4,27 % vers l’italien, 4,20 % vers l’espagnol, 4,13 % vers le néerlandais, 4,09 % vers le portugais et 3,94 % vers le grec, les traductions vers les autres langues officielles, à l’exception de l’irlandais (0,61 % des pages traduites), représentant, dans chaque cas, une proportion supérieure à 3,50 % des pages traduites. Pour 2012, les proportions des pages traduites vers l’anglais, le français et l’allemand étaient, respectivement, de 14,92, de 8,25 et de 6,47 %, contre 4,40 % pour l’italien et 4,26 % pour l’espagnol, les traductions vers toutes les autres langues officielles (à l’exception de l’irlandais, 0,41 % des pages traduites) représentant, dans chaque cas, au moins 3,35 % des pages traduites. Ces statistiques ne permettent pas de conclure qu’un candidat ayant réussi un des concours litigieux qui aurait une connaissance satisfaisante de l’anglais, du français ou de l’allemand serait pleinement opérationnel dès le premier jour de son engagement, alors qu’un candidat qui aurait une connaissance au moins satisfaisante de deux autres langues officielles ne le serait pas.

167    Il ressort, certes, de ces statistiques qu’une très grande proportion des pages traduites provenaient d’originaux rédigés en anglais (langue source). Toutefois, les rectificatifs attaqués n’exigent pas exclusivement une connaissance satisfaisante de l’anglais. Un candidat qui n’a pas une connaissance satisfaisante de cette langue peut participer aux concours visés par ceux-ci, s’il possède une connaissance satisfaisante au moins de l’allemand ou du français. Ainsi que cela a été relevé, chacune de ces deux langues représente, aussi bien en tant que langue source qu’en tant que langue cible, une proportion relativement faible des pages traduites par les services de la Commission. Si un candidat qui maîtrise, en tant que deuxième langue, seulement l’une de ces deux langues peut participer aux concours en question, il ne paraît pas justifié d’en exclure des candidats potentiels qui maîtrisent d’autres langues officielles.

168    Troisièmement, la Commission fait valoir que l’allemand, l’anglais et le français sont les langues les plus parlées par ses fonctionnaires et agents. Pour prouver cette affirmation, elle produit un tableau, extrait du système d’enregistrement des informations personnelles de ses fonctionnaires et agents, qui aurait également été communiqué, par courrier du 14 mars 2013 du directeur général du personnel de la Commission, à la République italienne. Selon la Commission, il ressort de ce tableau que le français, l’allemand et, ensuite, l’anglais sont les langues majoritairement indiquées par les fonctionnaires et agents comme langue principale, suivies par le néerlandais et l’italien.

169    Il convient, tout d’abord, de relever que les réserves exprimées ci‑dessus quant au fait que les statistiques relatives aux textes traduits concernent la seule Commission s’appliquent également en ce qui concerne ce tableau, qui ne vise que le personnel de la Commission.

170    Ensuite, et indépendamment même de cette circonstance, il convient de constater que ce tableau regroupe les fonctionnaires et agents de la Commission en fonction de leur langue principale, c’est-à-dire, à l’évidence, leur langue maternelle. Par conséquent, et contrairement à ce que fait valoir la Commission, ce tableau ne permet de tirer aucune conclusion utile quant aux langues parlées par les fonctionnaires de la Commission, dans la mesure où les fonctionnaires et agents de la Commission doivent maîtriser de manière satisfaisante, outre leur langue maternelle, au moins une autre langue, comme l’exige l’article 28, sous f), du statut (voir point 127 ci‑dessus).

171    Par ailleurs, il convient de constater que la Commission fait une lecture erronée de ce tableau, lorsqu’elle affirme que les fonctionnaires et agents ayant l’anglais comme leur langue principale (9,1 %) constituent le troisième groupe le plus large, après ceux qui ont le français (26,9 % du total) et l’allemand (11,1 % du total) comme langues principales. En réalité, les fonctionnaires et agents ayant l’anglais comme langue principale se trouvent en quatrième position, précédés également par ceux qui ont le néerlandais comme langue principale (9,2 % du total). Les fonctionnaires et agents qui ont l’italien comme langue principale (9 % du total) se trouvent en cinquième position, suivis par ceux qui ont l’espagnol (6,8 %), le grec (4 % du total) et le polonais (4 % du total) comme langues principales.

172    Ces chiffres ne sauraient ainsi justifier, même pour la seule Commission, une exigence telle que celle figurant dans les rectificatifs attaqués, selon laquelle un fonctionnaire ou agent nouvellement recruté doit posséder une connaissance satisfaisante de l’allemand, de l’anglais ou du français. Dans le meilleur des cas, celui d’un candidat au concours qui possède une connaissance satisfaisante du français, il s’agirait d’une langue qui est la langue principale d’environ un quart des fonctionnaires ou agents de la Commission. Dans les cas des deux autres langues concernées (allemand et anglais), il serait question de la langue principale d’environ un fonctionnaire ou agent sur dix au sein de la Commission. Ainsi, rien ne permet d’identifier les raisons pour lesquelles de telles connaissances doivent être considérées comme indispensables pour un fonctionnaire ou agent nouvellement recruté, d’autant plus qu’une connaissance analogue d’autres langues, notamment de l’italien, qui constituent des langues principales des groupes comparables de fonctionnaires ou d’agents, n’est pas exigée.

173    La Commission a produit, en annexe à sa duplique, un autre tableau montrant la répartition de ses fonctionnaires et de ses agents en fonction de leur nationalité et de leur deuxième langue. Ce tableau comporte également une ligne indiquant la « moyenne » par langue, celle-ci étant de 56,4 % pour l’anglais, 19,8 % pour le français, 5,5 % pour l’allemand, 2,2 % pour le néerlandais, 2 % pour l’italien et 1,6 % pour l’espagnol, la moyenne pour toutes les autres langues officielles étant inférieure à 1 % par langue. Une moyenne de 11,5 % est indiquée pour la colonne « n/a » qui, selon les explications données par la Commission lors de l’audience, regroupe des membres de son personnel qui n’ont pas déclaré de deuxième langue.

174    De nouveau, même si l’on se limite au cas de la seule Commission, les données indiquées dans ce tableau ne sauraient justifier une exigence quant aux connaissances linguistiques des candidats à un concours telle que celle en cause en l’espèce. Tout d’abord, ce tableau prend en considération uniquement la deuxième langue déclarée par chaque fonctionnaire et ne donne, dès lors, pas une image très exacte des connaissances linguistiques des fonctionnaires et des agents de la Commission. En effet, pour savoir combien parmi ces fonctionnaires et agents ont une connaissance au moins satisfaisante, par exemple, de l’anglais, il faudrait également prendre en considération tant ceux qui ont l’anglais comme langue principale que ceux pour lesquels l’anglais constitue une troisième ou quatrième langue (et non seulement une deuxième langue), dès lors qu’il ne saurait être exclu qu’un fonctionnaire ou agent possède une connaissance satisfaisante de plus de deux langues.

175    En tout état de cause, à supposer même que les pourcentages indiqués pour l’anglais et, dans un moindre degré, le français soient à même de justifier une exigence selon laquelle les candidats aspirant à un poste à la Commission doivent maîtriser de manière satisfaisante au moins une de ces deux langues, les données indiquées par ce tableau ne peuvent pas justifier l’inclusion, parmi les langues dont la connaissance est exigée, de l’allemand, à savoir d’une langue qui est la langue principale d’environ un fonctionnaire sur dix et qui est déclarée comme deuxième langue uniquement par 5,5 % des fonctionnaires de la Commission. Par ailleurs, si l’allemand est inclus, l’inclusion de l’italien, de l’espagnol ou même du néerlandais ne paraît alors pas déraisonnable, les pourcentages indiqués pour chacune de ces trois langues n’étant pas très éloignés de ceux indiqués pour l’allemand.

176    En effet, une limitation du choix de la deuxième langue des candidats à un concours à un nombre restreint des langues officielles ne saurait être considérée comme objectivement justifiée et proportionnée lorsque figurent, parmi ces langues, outre une langue dont la connaissance est souhaitable voire nécessaire, d’autres langues qui ne confèrent aucun avantage particulier. Si l’on admet, comme alternative à la seule langue dont la connaissance constitue un avantage pour un fonctionnaire nouvellement recruté, d’autres langues dont la connaissance ne constitue pas un atout, il n’existe aucune raison valable de ne pas admettre également toutes les autres langues officielles.

177    Quatrièmement, la Commission fait valoir que l’allemand, l’anglais et le français sont les langues majoritairement étudiées et parlées, comme langues étrangères, dans les États membres de l’Union. À l’appui de ses allégations, elle produit un rapport d’Eurostat, publié dans Statistics in Focus n° 49/2010, qui conclut, d’une part, que l’anglais est « de loin la langue étrangère la plus étudiée [en Europe] à tous les niveaux d’éducation suivie du français, de l’allemand, du russe et, dans un moindre degré, de l’espagnol » et, d’autre part, que « la langue étrangère la mieux connue [en Europe] de loin est perçue comme étant l’anglais, suivie de l’allemand, du russe, du français et de l’espagnol ».

178    Ces statistiques se réfèrent à l’ensemble des citoyens de l’Union et il ne saurait être présumé qu’elles reflètent correctement les connaissances linguistiques des fonctionnaires de l’Union. En tout état de cause, la seule chose que ces statistiques peuvent démontrer c’est que le nombre des candidats potentiels dont la situation est potentiellement affectée par la limitation à l’allemand, à l’anglais et au français des langues pouvant être choisies en tant que deuxième langue du concours est moins important qu’il ne le serait si ce choix était limité à d’autres langues. Or, cette circonstance ne suffit pas pour conclure que la limitation en question n’est pas discriminatoire, le nombre éventuellement restreint des personnes dont la situation serait potentiellement affectée ne pouvant pas constituer un argument valable à cet égard (voir point 136 ci‑dessus).

179    Tout au plus, ces données pourraient démontrer le caractère proportionné de la limitation en question, s’il était avéré qu’elle répondait à l’intérêt du service. Or, la Commission est, précisément, restée en défaut de prouver que cette dernière condition était remplie.

180    Les considérations qui précèdent sont également applicables s’agissant des éléments de preuve invoqués par la Commission pour démontrer que, lorsque les candidats au concours n’étaient pas limités dans leur choix de deuxième langue, l’allemand, l’anglais et le français étaient les langues les plus choisies. La circonstance que le nombre des candidats qui se voient empêcher de choisir une autre langue comme deuxième langue du concours est, éventuellement, réduit ne signifie pas que ces candidats ne subissent pas une discrimination.

181    Cinquièmement, dans sa duplique, la Commission fait valoir que le collège des chefs d’administration des institutions de l’Union a fait procéder aux analyses nécessaires pour apprécier si l’allemand, l’anglais et le français pouvaient être considérées comme les langues les plus représentatives parmi celles employées dans les services des institutions. Elle ajoute que ce collège a constaté l’existence d’un accord sur l’orientation générale sur l’emploi des langues dans les concours organisés par l’EPSO.

182    La Commission a produit une lettre du président dudit collège, du 10 juin 2013, dont il ressort que le collège a constaté un accord des chefs d’administration des institutions de l’Union pour approuver un projet d’orientation générale sur l’emploi des langues dans les concours organisés par l’EPSO, à l’exception de la réserve émise par le représentant de la Cour de justice, qui a déclaré s’abstenir de prendre position. Elle a également produit le texte de l’orientation concernée par cet accord.

183    Ces éléments, au demeurant postérieurs aux rectificatifs attaqués, ne sauraient remettre en cause les considérations exposées ci‑dessus. L’orientation approuvée par le collège des chefs d’administration ne mentionne aucun nouvel élément factuel, par rapport à ceux déjà analysés ci-dessus. En effet, la Commission elle-même fait valoir que les données que les chefs d’administration ont examinées « coïncident largement » avec celles produites par la Commission en annexe à son mémoire en défense. Or, pour les motifs indiqués ci-dessus, ces données ne peuvent pas justifier les affirmations relatives à l’utilisation des langues à l’intérieur des institutions de l’Union, qui figurent dans la motivation des rectificatifs attaqués ou sont avancées par la Commission dans ses écrits. Le fait que les chefs d’administration des institutions de l’Union, à l’exception du représentant de la Cour de justice qui s’est abstenu, sont parvenus à une conclusion différente est dépourvu de pertinence.

184    Sixièmement, enfin, la Commission soutient que la limitation du choix de la deuxième langue édictée par les rectificatifs attaqués se justifie par la nature des épreuves. En particulier, la phase du « centre d’évaluation » exigerait, en vue d’une évaluation homogène des candidats et de la facilitation de la communication de ceux-ci avec les autres participants au concours et le jury, de s’assurer que ces épreuves se déroulent dans une langue véhiculaire.

185    Il suffit de relever, en réponse à cet argument, qu’une telle justification de la limitation en question n’est pas avancée dans la motivation des rectificatifs attaqués. Or, il ne saurait être conclu que la discrimination en raison de la langue, résultant des rectificatifs attaqués, est justifiée pour des motifs différents de ceux invoqués dans ces mêmes rectificatifs. Partant, cet argument doit également être rejeté.

186    Il convient dès lors de conclure, pour l’ensemble des motifs indiqués ci-dessus, que la limitation, dans les rectificatifs attaqués, à l’allemand, à l’anglais et au français du choix de la deuxième langue des candidats aux concours concernés par ceux-ci ne se révèle ni objectivement justifiée ni proportionnée à l’objectif escompté, qui, selon la Commission, est de recruter des fonctionnaires et des agents qui seraient immédiatement opérationnels.

187    En effet, il ne suffit pas de défendre le principe d’une telle limitation en faisant référence au grand nombre des langues reconnues à l’article 1er du règlement n° 1 comme langues officielles et de travail de l’Union et à la nécessité qui en découle de choisir un nombre plus restreint de langues, voire une seule, comme langues de communication interne ou « langues véhiculaires ». Encore faut-il objectivement justifier le choix d’une ou de plusieurs langues spécifiques, à l’exclusion de toutes les autres.

188    C’est précisément cela que tant l’EPSO, auteur des rectificatifs attaqués, que la Commission, partie défenderesse devant le Tribunal, sont restés en défaut de faire. Rien dans les données fournies par la Commission ne démontre qu’un fonctionnaire nouvellement recruté, qui aurait une connaissance satisfaisante de l’allemand, de l’anglais ou du français, serait immédiatement opérationnel, alors qu’un candidat qui aurait une connaissance au moins satisfaisante de deux autres langues officielles ne le serait pas.

189    Par conséquent, il convient de faire droit aux troisième et septième moyens soulevés par la République italienne et, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens non encore examinés, d’annuler les rectificatifs attaqués, tels que leur nature et leur contenu ont été définis aux points 68 à 70 ci-dessus, également en ce qu’ils limitent à l’allemand, à l’anglais et au français le choix de la deuxième langue par les candidats.

190    À cet égard, il convient de constater que la conclusion selon laquelle les rectificatifs en question, en ce qu’ils limitent le choix de la deuxième langue par les candidats, sont entachés d’illégalité implique également, et nécessairement, l’illégalité de la limitation de la langue pouvant être utilisée pour certaines épreuves de l’ultime stade du concours (voir points 20 et 33 ci-dessus).

191    Enfin, après avoir entendu les parties lors de l’audience, qui n’ont pas formulé d’objection à cet égard, le Tribunal considère qu’il n’y a pas lieu de mettre en cause les résultats des concours concernés par les rectificatifs attaqués (voir, en ce sens, arrêts Italie/Commission, point 58 supra, EU:C:2012:752, point 103, et Italie/Commission, point 73 supra, EU:T:2013:534, points 45 à 51).

 Sur les dépens

192    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il convient de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la République italienne.

193    Le Royaume d’Espagne, partie intervenante, supportera ses propres dépens afférents à son intervention, conformément à l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le rectificatif, publié au Journal officiel de l’Union européenne le 21 mars 2013, à l’avis de concours général EPSO/AD/177/10, pour la constitution d’une liste de réserve de recrutement d’administrateurs dans les domaines de l’administration publique européenne, du droit, de l’économie, de l’audit et des technologies de l’information et de la communication, et le rectificatif, publié au Journal officiel de l’Union européenne le 21 mars 2013, aux avis de concours généraux EPSO/AD/178/10 et EPSO/AD/179/10, pour la constitution de listes de réserve de recrutement d’administrateurs dans les domaines, respectivement, de la bibliothéconomie et des sciences de l’information et de l’audiovisuel, tels que leur nature et leur contenu ont été identifiés aux points 68 à 70 du présent arrêt, sont annulés.

2)      La Commission européenne supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par la République italienne.

3)      Le Royaume d’Espagne supportera ses propres dépens afférents à son intervention.

Gratsias

Kancheva

Wetter

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 décembre 2015.

Signatures


* Langue de procédure : l’italien.