Language of document : ECLI:EU:T:2007:251

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (troisième chambre)

11 septembre 2007 (*)

« Recours en annulation – Directive 2003/87/CE – Système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre – Plan national d’allocation de quotas d’émission de l’Allemagne pour la période allant de 2008 à 2012 – Décision de rejet de la Commission – Défaut d’affectation individuelle – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑28/07,

Fels-Werke GmbH, établie à Goslar (Allemagne),

Saint-Gobain Glass Deutschland GmbH, établie à Aix-la-Chapelle (Allemagne),

Spenner-Zement GmbH & Co. KG, établie à Erwitte (Allemagne),

représentées par Mes H. Posser et S. Altenschmidt, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. U. Wölker, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle de la décision de la Commission du 29 novembre 2006 concernant le plan national d’allocation de quotas d’émission de gaz à effet de serre notifié par la République fédérale d’Allemagne pour la période allant de 2008 à 2012, conformément à la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 2003, établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil (JO L 275, p. 32),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de MM. M. Jaeger, président, J. Azizi et Mme E. Cremona, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Cadre juridique

1        La directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 2003, établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil (JO L 275, p. 32), crée, avec effet au 1er janvier 2005, un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté (ci-après le « système d’échange de quotas ») afin de favoriser la réduction des émissions de gaz à effet de serre, en particulier de dioxyde de carbone (ci-après le « CO2 »), dans des conditions économiquement efficaces et performantes (article 1er de la directive 2003/87).

2        La directive 2003/87 prévoit essentiellement que les émissions de gaz à effet de serre par les installations énumérées à son annexe I doivent faire l’objet, d’une part, d’une autorisation préalable (articles 4 à 8 de ladite directive) et, d’autre part, d’une attribution de quotas alloués conformément à des plans nationaux d’allocation (ci-après les « PNA ») qui autorisent l’exploitant titulaire à émettre une certaine quantité de gaz à effet de serre (article 11 de ladite directive).

3        En vertu de l’annexe I de la directive 2003/87, tombent dans son champ d’application, notamment, les installations destinées à la production de chaux dans des fours rotatifs avec une capacité de production supérieure à 50 tonnes par jour, ou dans d’autres types de fours avec une capacité de production supérieure à 50 tonnes par jour, ainsi que les installations destinées à la fabrication du verre, y compris celles destinées à la production de fibres de verre avec une capacité de fusion supérieure à 20 tonnes par jour.

4        L’article 11 de la directive 2003/87 prévoit une première période d’allocation de quotas allant de 2005 à 2007 (ci-après la « première période d’allocation »), puis une seconde période d’allocation de quotas allant de 2008 à 2012 (ci-après la « seconde période d’allocation »). Les conditions et les procédures suivant lesquelles les autorités nationales compétentes allouent, sur la base d’un PNA, des quotas aux exploitants d’installations au cours de ces deux périodes d’allocation sont précisées aux articles 9 à 11 de la directive 2003/87.

5        Ainsi, l’article 9, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2003/87 précise :

« Pour chaque période visée à l’article 11, paragraphes 1 et 2, chaque État membre élabore un [PNA] précisant la quantité totale de quotas qu’il a l’intention d’allouer pour la période considérée et la manière dont il se propose de les attribuer. Ce [PNA] est fondé sur des critères objectifs et transparents, incluant les critères énumérés à l’annexe III, en tenant dûment compte des observations formulées par le public […] »

6        L’article 9, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2003/87 impose aux États membres de publier et de notifier un PNA à la Commission et aux autres États membres pour chaque période d’allocation.

7        L’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87 dispose :

« Dans les trois mois qui suivent la notification d’un [PNA] par un État membre conformément au paragraphe 1, la Commission peut rejeter ce [PNA] ou tout aspect de celui-ci en cas d’incompatibilité avec les critères énoncés à l’annexe III ou avec les dispositions de l’article 10. L’État membre ne prend une décision au titre de l’article 11, paragraphes 1 ou 2, que si les modifications proposées ont été acceptées par la Commission. Toute décision de rejet adoptée par la Commission est motivée. »

8        Aux termes de l’article 10 de la directive 2003/87, les États membres doivent allouer au moins 95 % des quotas à titre gratuit pour la première période d’allocation.

9        L’article 11 de la directive 2003/87 concernant l’allocation et la délivrance de quotas prévoit :

« 1. Pour la période de trois ans qui débute le 1er janvier 2005, chaque État membre décide de la quantité totale de quotas qu’il allouera pour cette période et de l’attribution de ces quotas à l’exploitant de chaque installation. Il prend cette décision au moins trois mois avant le début de la période, sur la base de son [PNA] élaboré en application de l’article 9, et conformément à l’article 10, en tenant dûment compte des observations formulées par le public.

2. Pour la période de cinq ans qui débute le 1er janvier 2008, et pour chaque période de cinq ans suivante, chaque État membre décide de la quantité totale de quotas qu’il allouera pour cette période et lance le processus d’attribution de ces quotas à l’exploitant de chaque installation. Il prend cette décision au moins douze mois avant le début de la période concernée, sur la base de son [PNA] élaboré en application de l’article 9, et conformément à l’article 10, en tenant dûment compte des observations formulées par le public.

3. Les décisions prises en application des paragraphes 1 ou 2 sont conformes aux exigences du traité, et notamment à celles de ses articles 87 et 88. Lorsqu’ils statuent sur l’allocation de quotas, les États membres tiennent compte de la nécessité d’ouvrir l’accès aux quotas aux nouveaux entrants.

[…] »

10      L’annexe III de la directive 2003/87 énumère onze critères applicables aux PNA.

11      Aux termes du critère n° 5 de l’annexe III :

« Conformément aux exigences du traité, notamment ses articles 87 et 88, le [PNA] n’opère pas de discrimination entre entreprises ou secteurs qui soit susceptible d’avantager indûment certaines entreprises ou activités. »

12      L’article 12, paragraphe 1, de la directive 2003/87 prévoit que les quotas peuvent être transférés entre personnes physiques ou morales dans la Communauté ou à des personnes dans des pays tiers. En vertu de l’article 12, paragraphe 3, avant le 1er mai de chaque année, tout exploitant d’une installation doit restituer à l’autorité compétente un nombre de quotas correspondant aux émissions totales de cette installation au cours de l’année civile écoulée pour que ces quotas soient ensuite annulés.

13      Selon l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2003/87, les quotas ne sont valables que pour les émissions produites au cours de la période pour laquelle ils sont délivrés.

 Faits à l’origine du litige

 Requérantes

14      La requérante Fels-Werke GmbH exploite plusieurs installations de production de chaux, dont l’une est située à Rübeland en Allemagne. En 2006, elle a obtenu, sur le fondement du PNA de la République fédérale d’Allemagne pour la première période d’allocation (ci-après le « PNA allemand I ») et de l’article 11 du Zuteilungsgesetz 2007 (loi allemande, du 26 août 2004, sur l’allocation des quotas d’émission durant la première période d’allocation) (BGBl. 2004 I, p. 2211, ci-après le « ZuG 2007 »), des quotas d’émission pour la première période d’allocation pour une extension de l’installation de Rübeland mise en service en août 2005 [décision d’allocation de l’Umweltbundesamt (Office fédéral de l’environnement allemand) du 19 juillet 2006].

15      La requérante Saint-Gobain Glass Deutschland GmbH exploite une installation de production de verre à Porz en Allemagne. En décembre 2004, elle s’est vu allouer, pour une partie de cette installation qui a été mise en service au cours des années 2003 et 2004, des quotas d’émission pour la première période d’allocation sur le fondement du PNA allemand I et de l’article 8 du ZuG 2007 (décision d’allocation de l’Umweltbundesamt du 16 décembre 2004).

16      La requérante Spenner-Zement GmbH & Co. KG exploite une installation de production de chaux à Erwitte en Allemagne. En 2006, cette installation a obtenu, pour un four à chaux nouvellement mis en service, des quotas d’émission pour la première période d’allocation sur le fondement du PNA allemand I et de l’article 11 du ZuG 2007 (décision d’allocation de l’Umweltbundesamt du 19 juin 2006).

 PNA allemand I et législation pertinente

17      Le PNA allemand I et le ZuG 2007 prévoient trois méthodes distinctes d’allocation de quotas selon la date à laquelle l’exploitation de l’installation débute.

18      Pour les installations dont l’exploitation a débuté avant le 31 décembre 2002, le nombre de quotas à allouer gratuitement est calculé sur la base de la moyenne annuelle de leurs émissions de CO2 dans le passé (méthode de calcul dite « grandfathering »). Le nombre de quotas à allouer est déterminé au moyen d’une multiplication des données d’émission historiques par un « facteur d’exécution » (Erfüllungsfaktor) déterminé en fonction de l’objectif de réduction des émissions à atteindre (article 7, paragraphe 1, du ZuG 2007). En vertu de l’article 5 du ZuG 2007, le facteur d’exécution applicable à la première période d’allocation est de 0,9709.

19      Pour les installations dont l’exploitation a commencé entre le 1er janvier 2003 et le 31 décembre 2004, le nombre de quotas à allouer gratuitement est calculé sur la base des données relatives aux émissions de CO2 annuelles moyennes notifiées par les exploitants, ces émissions étant déterminées par une multiplication entre la capacité de l’installation, le taux d’utilisation prévisionnel de cette capacité et le taux d’émission par unité de production de l’installation (article 8, paragraphe 1, du ZuG 2007). En vertu de l’article 8, paragraphe 1, deuxième phrase, du ZuG 2007, l’installation concernée est exempte de l’application d’un facteur d’exécution pendant une période de douze ans à partir de l’année de sa mise en service.

20      Pour les installations dont l’exploitation a débuté après le 1er janvier 2005, le nombre de quotas à allouer gratuitement est déterminé, à défaut de données historiques disponibles, par le produit mathématique entre le volume de production annuel moyen prévisionnel, le taux d’émission par unité de production de l’installation ainsi que le nombre d’années civiles durant lesquelles l’installation est censée être exploitée au cours de la période d’allocation (méthode de calcul dite « benchmarking ») (article 11, paragraphe 1, du ZuG 2007). En vertu de l’article 11, paragraphe 1, troisième phrase, du ZuG 2007, aucun facteur d’exécution ne s’applique. Selon la dernière phrase de cette disposition, cette méthode d’allocation s’applique pendant quatorze ans à partir de la mise en service de l’installation.

21      En vertu de l’article 2 du ZuG 2007, sous réserve de règles spécifiques contraires, les dispositions pertinentes de ladite loi ne sont applicables qu’à la première période d’allocation.

22      En outre, l’article 7 du Gesetz zur Umsetzung der Richtlinie 2003/87/EG über ein System für den Handel mit Treibhausgasemissionszertifikaten in der Gemeinschaft (loi du 8 juillet 2004 transposant la directive 2003/97 établissant un système d’échange de quotas) (BGBl. 2004 I, p. 1578, ci-après le « TEHG ») dispose, notamment, que le PNA adopté pour chaque période d’allocation constitue le fondement d’une loi d’allocation et que l’allocation est effectuée sur la base de cette loi. En vertu de l’article 9, paragraphe 1, du TEHG, tout exploitant d’installation a droit à l’obtention de quotas d’émission conformément aux conditions précisées dans la loi d’allocation. Selon le paragraphe 2 de cette disposition, l’allocation est effectuée en fonction de l’activité menée durant une période d’allocation déterminée. Enfin, l’article 10, paragraphe 1, du TEHG prévoit que chaque allocation présuppose l’introduction d’une demande écrite auprès des autorités compétentes.

23      À la suite de la publication et de la notification par la République fédérale d’Allemagne du PNA allemand I, la Commission a adopté, conformément à l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87, le 7 juillet 2004, la décision C (2004) 2515/2 final portant rejet partiel dudit PNA. Dans cette décision, la Commission n’a pas contesté les dispositions contenues dans le PNA allemand I exposées aux points 19 et 20 ci-dessus. Néanmoins, au considérant 11 de ladite décision, la Commission a précisé qu’elle avait exclu de son appréciation tous les éléments dudit PNA qui n’étaient pas pertinents pour l’allocation de quotas d’émission durant la première période d’allocation visée par l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2003/87.

 PNA allemand pour la seconde période d’allocation

24      Le 4 juillet 2006, la République fédérale d’Allemagne a notifié à la Commission, conformément à l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2003/87, son PNA pour la seconde période d’allocation (ci-après le « PNA allemand II »).

25      À l’instar du PNA allemand I, le PNA allemand II retient, dans son chapitre 6.1, la règle d’allocation générale applicable aux installations existantes (Bestandsanlagen) entrées en service avant le 31 décembre 2002. Le facteur d’exécution applicable est de 0,9875 s’agissant des installations du secteur industriel.

26      Dans son chapitre 6.2, d’une part, le PNA allemand II prévoit notamment, sous le titre « Installations nouvelles supplémentaires conformément à l’article 11 du ZuG 2007 » que, en vertu de cette dernière disposition, aucun facteur d’exécution n’est appliqué, dans le cadre du calcul du nombre de quotas d’émission destinés aux installations nouvelles supplémentaires (zusätzliche Neuanlagen) mises en service au cours des années 2005 à 2007, durant une période de quatorze ans suivant cette mise en service. La quantité de quotas à allouer au cours de la seconde période d’allocation est déterminée au moyen d’une multiplication entre la capacité de l’installation, les émissions par unité produite évaluées selon la meilleure technique disponible et un facteur de saturation spécifique par secteur d’activité (tätigkeitsspezifischer Auslastungsfaktor) figurant à l’annexe 4 du PNA allemand II.

27      D’autre part, il est précisé, sous le titre « Allocations en vertu de l’article 8 du ZuG 2007 », que, en vertu de cette dernière disposition, aucun facteur d’exécution n’est applicable, dans le cadre du calcul du nombre de quotas d’émission destinés aux installations mises en service entre le 1er janvier 2003 et le 31 décembre 2004, durant une période de douze ans à partir de cette mise en service. La quantité de quotas à allouer au cours de la seconde période d’allocation résulte d’une multiplication entre la capacité de l’installation, un facteur de saturation standard (Standardauslastungsfaktor), applicable aux nouvelles installations conformément à l’annexe 4 du PNA allemand II, et les émissions spécifiques à l’installation telles que déterminées durant la première procédure d’allocation.

 Décision attaquée

28      Par décision du 29 novembre 2006, la Commission a partiellement rejeté le PNA allemand II (ci-après la « décision attaquée »).

29      À l’article 1er, paragraphe 2, de la décision attaquée, la Commission constate que les règles d’allocation décrites au chapitre 6.2 du PNA allemand II, notamment sous les titres « Installations nouvelles supplémentaires conformément à l’article 11 du ZuG 2007 » et « Allocations en vertu de l’article 8 du ZuG 2007 », sont incompatibles avec le critère n° 5 de l’annexe III de la directive 2003/87, en ce qu’elles entraînent un avantage injustifié au profit des installations concernées par rapport à d’autres installations existantes comparables qui se voient appliquer la méthode générale d’allocation.

30      À l’article 2 de la décision attaquée, la Commission déclare qu’elle ne soulèvera pas d’objections contre le PNA allemand II, si, tout en évitant des discriminations, la République fédérale d’Allemagne y apporte et lui notifie les modifications suivantes :

« 2. [L]es garanties d’allocation de la première période d’allocation, telle que décrites au chapitre 6.2 du [PNA allemand II] sous les titres ‘Installations nouvelles supplémentaires conformément à l’article 11 du ZuG 2007’ et ‘Allocations en vertu de l’article 8 du ZuG 2007’ […], ne doivent pas être appliquées, lors de l’allocation de quotas d’émission, de manière à avantager les installations concernées par rapport à d’autres installations existantes comparables qui se voient appliquer la méthode générale d’allocation prévue par ledit PNA ; en d’autres termes, doit être appliqué aux installations concernées le même facteur d’exécution qu’aux autres installations existantes comparables […] »

31      L’article 3, paragraphe 3, de la décision attaquée dispose que « [t]oute autre modification du [PNA allemand II], à l’exception du respect de l’article 2 de la présente décision, doit être notifiée dans le délai précisé à l’article 11, paragraphe 2, de la directive [2003/87], expirant le 31 décembre 2006, et nécessite l’approbation préalable de la Commission en vertu de l’article 9, paragraphe 3, de la[dite] directive ».

32      À l’appui de sa constatation d’incompatibilité, la Commission fait valoir, en substance, que, en vertu du critère n° 5 de l’annexe III de la directive 2003/87, elle devait s’assurer que le PNA allemand II était conforme aux exigences du traité, notamment aux articles 87 CE et 88 CE. De l’avis de la Commission, l’allocation gratuite de quotas d’émission pour certaines activités représente un avantage économique sélectif pour certaines entreprises, qui pourrait fausser ou menacer de fausser la concurrence et affecter le commerce entre États membres, et, partant, serait susceptible de constituer une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE. À ce stade, elle ne pourrait pas exclure que certaines aides seraient considérées, lors d’une appréciation au regard des articles 87 CE et 88 CE, comme étant incompatibles avec le marché commun (considérant 19 de la décision attaquée).

33      Au considérant 20 de la décision attaquée, la Commission constate, en substance, que, notamment, les installations visées au chapitre 6.2 du PNA allemand II et aux articles 8 et 11 du ZuG 2007 ne se voient pas appliquer le facteur d’exécution applicable à d’autres installations comparables. Elles seraient au contraire soumises à un facteur d’exécution moins sévère et, partant, plus avantageux. En raison de ces garanties d’allocation, les exploitants concernés bénéficieraient d’un traitement préférentiel durant la seconde période d’allocation. Cela constituerait un traitement inégal et injustifiable, contraire aux articles 87 CE et 88 CE, étant donné que les installations concernées se verraient garantir une allocation préférentielle par rapport à celle applicable aux autres installations existantes comparables, qui sont soumises à la méthode d’allocation générale prévue par le PNA allemand II.

34      Au considérant 22 de la décision attaquée, la Commission précise, en réponse à certaines objections soulevées par la République fédérale d’Allemagne, qu’elle exige que toutes les installations existantes comparables doivent être traitées de la même façon. Les exploitants concernés ne devraient pas être soumis à un facteur d’exécution moins sévère et, partant, plus avantageux, mais devraient bénéficier, durant la seconde période d’allocation, d’une allocation de quotas d’émission selon la méthode d’allocation générale au même titre que les autres installations existantes comparables. L’argumentation contraire de la République fédérale d’Allemagne ne saurait être retenue dès lors que, d’une part, toutes ces installations seraient confrontées au fait que les cycles individuels d’investissement et les périodes d’échange dans le cadre du système d’échange de quotas seraient variés et, d’autre part, la sécurité de la planification serait un aspect essentiel pour l’ensemble des installations. La Commission admet uniquement que, durant une période d’allocation donnée, l’allocation de quotas d’émission à des installations existantes peut être effectuée selon des méthodes distinctes de celles applicables aux « nouveaux entrants », au sens de l’article 3, sous h), de la directive 2003/87, qui seraient ainsi reconnus par ladite directive comme constituant une catégorie particulière. La justification d’une telle inégalité de traitement deviendrait toutefois obsolète durant la période d’allocation suivante, lorsque le « nouvel entrant » initial se transforme en installation existante pour laquelle des données comparables à celles des installations existantes seraient disponibles. Pour les mêmes raisons, ne serait pas non plus justifié le traitement préférentiel de certaines installations mises en service au cours des années 2003 et 2004 et d’installations nouvelles ayant remplacé, durant la première période d’allocation, d’autres installations dans le cadre de l’application d’une règle particulière de transfert. Un tel traitement préférentiel, qui attribue à un groupe d’installations existantes des ressources publiques sous forme de quotas d’émission gratuits, fausserait ou menacerait de fausser la concurrence par rapport à un autre groupe d’installations existantes. De même, eu égard aux échanges transfrontaliers caractérisant les secteurs visés par la directive 2003/87, ce traitement inégal affecterait le commerce intracommunautaire.

35      Au considérant 23 de la décision attaquée, la Commission rejette l’argument de la République fédérale d’Allemagne selon lequel les installations existantes récentes, telles que celles mises en service au cours de la première période d’échange, ne présenteraient pas de potentiel ou seulement un faible potentiel de réduction des émissions. La Commission exige, aux fins de l’allocation de quotas d’émission au cours de la seconde période d’allocation, que soit appliqué le même facteur d’exécution et que soient imposées des charges identiques à toutes les installations existantes comparables du même secteur et utilisant une technologie similaire. En effet, la date de mise en service de l’installation concernée ne saurait être retenue comme justification d’un traitement inégal des installations existantes. En d’autres termes, étant donné que les installations nouvelles ne se voient avantagées que du fait qu’elles sont plus récentes, un tel traitement préférentiel ne serait pas justifié et enfreindrait le critère n° 5 de l’annexe III de la directive 2003/87. Dès lors, à ce stade, la Commission devrait partir du principe que d’éventuelles aides d’État octroyées dans ce contexte sont susceptibles d’être considérées, lors d’un examen au titre des articles 87 CE et 88 CE, comme étant incompatibles avec le marché commun.

 Procédure et conclusions des parties

36      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 février 2007, les requérantes ont introduit le présent recours.

37      Par acte séparé déposé le même jour, les requérantes ont demandé que l’affaire soit traitée selon la procédure accélérée prévue par l’article 76 bis du règlement de procédure du Tribunal. Par lettre du 23 février 2007, la Commission s’est opposée à un traitement accéléré de la présente affaire.

38      Par décision du Tribunal (troisième chambre) du 7 juin 2007, la demande de procédure accélérée a été accueillie.

39      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 23 mars 2007, la Commission a soulevé, au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, une exception d’irrecevabilité à l’encontre du présent recours. Les requérantes ont présenté leurs observations sur cette exception le 12 avril 2007.

40      Dans leur requête, les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’article 1er, paragraphe 2, de la décision attaquée dans la mesure où il déclare les garanties d’allocation issues de la première période d’allocation, telles que décrites au chapitre 6.2 du PNA allemand II sous les titres « Installations nouvelles supplémentaires conformément à l’article 11 du ZuG 2007 » et « Allocations conformément à l’article 8 du ZuG 2007 », incompatibles avec la directive 2003/87 ;

–        annuler l’article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée dans la mesure où il impose des obligations (Vorgaben) à l’Allemagne en ce qui concerne l’application des garanties d’allocation issues de la première période d’allocation, telles que décrites au chapitre 6.2 du PNA allemand II sous les titres « Installations nouvelles supplémentaires conformément à l’article 11 du ZuG 2007 » et « Allocations conformément à l’article 8 du ZuG 2007 » et où il ordonne l’application du facteur d’exécution applicable aux autres installations existantes comparables ;

–        condamner la Commission aux dépens.

41      Dans son exception d’irrecevabilité, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

42      Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter l’exception d’irrecevabilité ;

–        à titre subsidiaire, joindre l’exception d’irrecevabilité au fond.

 En droit

 Introduction

43      En vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’exception d’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal. Ce dernier estime que, en l’espèce, il est suffisamment éclairé par les pièces du dossier et qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale.

44      À l’appui de son exception d’irrecevabilité, la Commission avance essentiellement que les requérantes, qui ne sont pas destinataires de la décision attaquée, ne seraient ni directement ni individuellement concernées par cette dernière au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE. Les requérantes contestent que leur recours soit irrecevable.

45      Le Tribunal estime opportun d’examiner en premier lieu si les requérantes sont individuellement concernées par la décision attaquée.

 Arguments des parties

46      S’agissant de l’affectation individuelle des requérantes, la Commission s’oppose à la thèse des requérantes selon laquelle la décision attaquée aurait causé la perte de leurs droits individuels découlant respectivement des articles 8 et 11 du ZuG 2007. S’il était vrai que les droits des exploitants d’installations sont fondés sur la loi d’allocation, l’allocation de quotas ne serait effectuée que pour une période d’allocation bien précise (article 7, lu conjointement avec l’article 9 du TEHG). Il ressortirait en effet de l’article 6, paragraphe 4, du TEHG que les périodes d’allocation en cause coïncident avec les deux périodes d’allocation définies à l’article 11, paragraphes 1 et 2, de la directive 2003/87. La Commission en conclut que le droit à l’allocation de quotas d’émission en vertu de la loi d’allocation est limité à une période d’allocation déterminée, ce qui correspondrait à l’obligation des États membres, au titre de l’article 9 de la directive 2003/87, d’élaborer pour chaque période d’allocation un nouveau PNA. Dès lors, une loi d’allocation ne saurait fonder un droit à l’allocation allant au-delà de la période d’allocation concernée. Par conséquent, les articles 8 et 11 du ZuG 2007, qui contiennent des garanties d’allocation pour des périodes de, respectivement, douze et quatorze ans, ne sauraient modifier les limites temporelles de la loi d’allocation en cause qui couvre uniquement la première période d’allocation. De telles garanties concernant la période postérieure à 2007 ne pourraient donner naissance à un véritable droit que si elles étaient effectivement reprises dans la future loi d’allocation relative à la seconde période d’allocation, laquelle serait encore à l’état de projet.

47      La Commission conteste la thèse des requérantes selon laquelle les décisions individuelles d’allocation qui leur avaient été adressées dans le passé auraient confirmé leur prétendu droit à l’allocation de quotas durant la seconde période d’allocation, en faisant valoir que ces décisions porteraient uniquement sur la première période d’allocation. Par conséquent, la décision attaquée n’aurait pas entraîné la perte de droits déjà accordés aux requérantes.

48      S’agissant de l’argument des requérantes selon lequel elles feraient partie d’un cercle de personnes limité de manière définitive, la Commission renvoie à la jurisprudence constante selon laquelle le simple fait de pouvoir déterminer plus ou moins exactement le nombre ou même l’identité des personnes affectées par une mesure ne permet pas de prouver que ces personnes sont concernées individuellement (voir arrêt du Tribunal du 13 décembre 1995, Exporteurs in Levende Varkens e.a. /Commission, T‑481/93 et T‑484/93, Rec. p. II‑2941, point 53, et la jurisprudence qui y est citée ; ordonnances du Tribunal du 12 janvier 2007, SPM/Commission, T‑447/05, non encore publiée au Recueil, point 71, et SPM/Commission, T‑104/06, non publiée au Recueil, point 71).

49      Enfin, la Commission rejette l’affirmation des requérantes selon laquelle elles seraient individuellement concernées du fait d’une prétendue obligation de la Commission, en vertu de dispositions spécifiques, de tenir compte des conséquences que la décision attaquée pourrait avoir à leur égard. Contrairement à l’avis des requérantes, le considérant 5 et le critère n° 5 de l’annexe III de la directive 2003/87 ne seraient pas des dispositions exigeant que la situation des requérantes soit spécifiquement prise en considération, mais contiendraient des considérations d’ordre général relatives à l’appréciation des PNA. En outre, la jurisprudence invoquée par les requérantes se référerait à des situations dans lesquelles la mesure contestée affectait des contrats préexistants, situation distincte de celle des requérantes dont aucune position juridique existante ne se verrait affectée par la décision attaquée.

50      S’agissant de leur affectation individuelle, les requérantes soutiennent que la décision attaquée retire et annule leurs droits individuels tirés du droit national et les caractérise donc par rapport à toute autre personne concernée de manière générale par cette décision (arrêts de la Cour du 31 mars 1977, Société pour l’exportation des sucres, 88/76, Rec. p. 709, points 9 à 12 ; du 17 janvier 1985, Piraiki-Patraiki e.a./Commission, 11/82, Rec. p. 207, point 19, et du 18 mai 1994, Codorníu/Conseil, C‑309/89, Rec. p. I‑1853, points 21 et 22). Contrairement à la thèse défendue par la Commission, l’article 11, paragraphe 1, du ZuG 2007 concernant les première et troisième requérantes, d’une part, et l’article 8, paragraphe 1, du ZuG 2007 concernant la deuxième requérante, d’autre part, leur accorderaient des droits individuels pour les périodes d’allocation postérieures à 2007. Tant le libellé que l’économie des règles pertinentes du ZuG 2007 contrediraient la thèse de la Commission. En effet, l’article 2 du ZuG 2007 prévoirait la possibilité que certaines dispositions du ZuG 2007 soient applicables au-delà de la première période d’allocation. Ainsi, l’article 11, paragraphe 1, sixième phrase, du ZuG 2007 assurerait l’allocation de quotas d’émission qui y est visée durant quatorze ans d’exploitation suivant la mise en service d’une nouvelle installation à partir du 1er janvier 2005. De même, l’article 8, paragraphe 1, deuxième phrase, du ZuG 2007 garantirait aux installations mises en service durant la période allant du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004 qu’aucun facteur d’exécution ne soit applicable durant douze ans à partir de l’année de cette mise en service. En pratique, cette modification entraînerait, par exemple pour l’installation concernée de la troisième requérante, une baisse du nombre de quotas d’émission alloués à seulement 22 % de la quantité prévue par le PNA allemand II.

51      Les requérantes précisent que le législateur allemand était conscient du fait que les articles 8 et 11 du ZuG 2007 comportaient une extension des droits des exploitants d’installations concernés au-delà de la première période d’allocation. Ainsi, le premier projet du ZuG 2007 aurait motivé l’article 11, paragraphe 1, sixième phrase, dudit texte par la volonté de créer une sécurité pour les investissements et de fixer l’allocation également pour l’avenir (Deutscher Bundestag, Parlamentsdrucksache 15/2966, du 27 avril 2004, p. 22). L’article 8, paragraphe 1, deuxième phrase, du ZuG 2007 n’aurait été introduit qu’au cours des délibérations législatives au sein du Bundestag (assemblée fédérale allemande), avec pour motivation explicite de préciser légalement et de clarifier l’intention du gouvernement fédéral de ne pas appliquer le facteur d’exécution durant douze ans (Deutscher Bundestag, Ausschussdrucksache 15(9)1202, du 9 mai 2004, p. 4).

52      Les requérantes en concluent qu’une nouvelle loi d’allocation ne serait pas nécessaire pour mettre en œuvre, pour les périodes d’allocation futures, les droits découlant directement des articles 8 et 11 du ZuG 2007. En effet, les autorités compétentes seraient liées par ces dispositions juridiquement contraignantes même après l’expiration de la première période d’allocation. Seule la décision attaquée s’y opposerait. Les requérantes ajoutent, à cet égard, que la Commission méconnaîtrait la portée de l’article 9, paragraphe 2, du TEHG. De l’avis des requérantes, ce dernier prévoit uniquement que la mise en œuvre administrative des droits à l’allocation de quotas découlant du ZuG 2007 doit être effectuée en fonction d’une période d’allocation précise. Or, la règle qui fonde le droit à l’allocation de quotas serait contenue dans l’article 9, paragraphe 1, du TEHG, lu en combinaison avec les dispositions de la loi d’allocation en vigueur, à savoir, en l’espèce, le ZuG 2007 qui prévoit précisément la validité de certaines de ses dispositions au-delà de la période d’allocation concernée.

53      Les requérantes avancent que les décisions d’allocation individuelles qui leur avaient été adressées concernant la première période d’allocation confirmeraient l’existence de droits individuels tirés du ZuG 2007. Même si lesdites décisions ne concernaient que l’allocation de quotas d’émission pour la première période d’allocation, d’autres effets en découleraient. Selon les requérantes, ces décisions produisent un effet d’ordre factuel (Tatbestandswirkung), dont la Commission n’a pas tenu compte, en ce qu’elles reconnaissent que les requérantes satisfont aux conditions légales pour se voir allouer des quotas d’émission conformément aux articles 8 et 11 du ZuG 2007 (mise en service de l’installation au cours des années 2003 et 2004 ou à partir de 2005). En tout état de cause, selon la jurisprudence du Bundesverfassungsgericht (Cour constitutionnelle fédérale, Allemagne), serait déterminante pour l’existence d’un droit la réunion des conditions pertinentes prévues par la loi elle-même plutôt que la reconnaissance confirmative dudit droit dans une décision administrative prise sur le fondement de cette loi [ordonnance du 23 mars 1971, 2 BvL 2/66, 2 BvR 168, 196, 197, 210, 472/66, BVerfGE 30, 367 (386 et suivantes)].

54      Les requérantes précisent que, à supposer même que, ainsi que le fait valoir la Commission, l’article 9 de la directive 2003/87 s’oppose à des droits à l’allocation de quotas allant au-delà de la période d’allocation concernée, cela ne remettrait pas en cause l’affection individuelle des requérantes. Même si les garanties d’allocation du ZuG 2007 violent le droit communautaire, cela ne concernerait pas la recevabilité, mais uniquement la légalité de la décision attaquée et, partant, le bien-fondé du présent recours.

55      Les requérantes concluent que la décision attaquée retire et annule aux première et troisième requérantes leur droit préexistant à une allocation de quotas d’émission plus favorable – à savoir pour quatorze ans à partir de la mise en service de l’installation concernée (article 11, paragraphe 1, du ZuG 2007) – que celle qui résulte de la méthode générale d’allocation. À la deuxième requérante serait retiré et annulé un droit à l’allocation de quotas plus favorable – en raison de l’absence d’application d’un facteur d’exécution pendant douze ans suivant la mise en service de l’installation concernée – que celle résultant de la méthode générale d’allocation. Dans les deux cas, la décision attaquée porterait ainsi atteinte aux droits individuels des requérantes à deux titres différents, à savoir, d’une part, au droit à une allocation plus favorable que celle prévue par la méthode générale d’allocation et, d’autre part, à la validité de ce droit s’étendant au-delà des première et seconde périodes d’allocations.

56      Les requérantes ajoutent que la deuxième requérante est également individuellement concernée du fait de son appartenance à un groupe délimité quantitativement et personnellement et non susceptible d’être agrandi (arrêts de la Cour du 18 novembre 1975, CAM/Commission, 100/74, Rec. p. 1393, points 14 à 18 ; du 26 juin 1990, Sofrimport/Commission, C‑152/88, Rec. p. I‑2477, point 11 ; du 6 novembre 1990, Weddel/Commission, C‑354/87, Rec. p. I‑3847, point 21, et du 19 octobre 2000, Italie et Sardegna Lines/Commission, C‑15/98 et C‑105/99, Rec. p. I‑8855, point 34). En effet, la deuxième requérante ferait partie du cercle définitivement fermé d’exploitants d’installations bénéficiant de la garantie d’allocation prévue à l’article 8, paragraphe 1, du ZuG 2007, qui ne s’applique qu’aux installations mises en service au cours des années 2003 et 2004, ayant introduit en temps utile une demande d’allocation de quotas d’émission auprès de l’autorité compétente. Dès lors, la décision attaquée pourrait être considérée comme un faisceau de décisions individuelles en ce qui concerne les exploitants d’installations concernés par l’interdiction de l’application de l’article 8, paragraphe 1, du ZuG 2007 (arrêt de la Cour du 13 mai 1971, International Fruit Company e.a./Commission, 41/70 à 44/70, Rec. p. 411, points 16 à 22).

57      Enfin, compte tenu des droits individuels accordés par le ZuG 2007 pour la seconde période d’allocation, la Commission aurait été tenue de prendre en compte, dans le cadre de son appréciation, et de protéger la confiance légitime des exploitants d’installations concernés dans le maintien de leurs droits acquis. Les requérantes précisent que, à la suite de la production par la République fédérale d’Allemagne, à la demande expresse de la Commission, d’une liste des installations concernées par l’article 11, paragraphe 1, du ZuG 2007, celle-ci avait connaissance de l’affectation des première et troisième requérantes avant l’adoption de la décision attaquée. Par ailleurs, la Commission aurait eu l’obligation, en vertu de dispositions spécifiques, de tenir compte des conséquences de l’acte qu’elle envisage d’adopter sur la situation des requérantes (arrêt Exporteurs in Levende Varkens e.a../Commission, point 48 supra, point 61). Cela découlerait, d’une part, de l’objectif fondamental de la directive 2003/87 de mettre en place un système d’échange de quotas d’émission en nuisant le moins possible au développement économique (considérant 5 de ladite directive) et, d’autre part, de l’interdiction d’un traitement discriminatoire, en vertu du critère n° 5 de l’annexe III de ladite directive.

 Appréciation du Tribunal

58      Aux termes de l’article 230, quatrième alinéa, CE, toute personne physique ou morale peut former un recours contre les décisions qui, bien que prises sous l’apparence d’un règlement ou d’une décision adressée à une autre personne, la concernent directement et individuellement.

59      S’agissant de la question de savoir si les requérantes sont individuellement concernées par la décision attaquée dont l’unique destinataire est la République fédérale d’Allemagne (article 4 de la décision attaquée), force est de constater d’abord que la décision attaquée constitue un acte de portée générale en ce qu’elle s’applique à des situations déterminées objectivement et comporte des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite. En effet, l’article 1er, paragraphe 2, et l’article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée concernent tous les exploitants d’installations visés, de manière générale et abstraite, par les règles établies au chapitre 6.2 du PNA allemand II et actifs dans les secteurs économiques soumis au système d’échange de quotas en vertu de l’annexe I de la directive 2003/87. Dès lors, au regard de ces dispositions et sous réserve de l’existence de caractéristiques qui leur sont particulières, ces exploitants sont affectés de la même manière et placés dans une situation identique.

60      Toutefois, il n’est pas exclu que, dans certaines circonstances, les dispositions d’un acte de portée générale puissent concerner individuellement certains d’entre eux (arrêts de la Cour du 16 mai 1991, Extramet Industrie/Conseil, C‑358/89, Rec. p. I‑2501, point 13 ; Codorníu/Conseil, point 50 supra, point 19, et du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, C‑50/00 P, Rec. p. I‑6677, point 36). Selon une jurisprudence constante, une personne physique ou morale autre que le destinataire d’un acte ne saurait prétendre être concernée individuellement, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, que si elle est atteinte, par l’acte en cause, en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d’une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, l’individualise d’une manière analogue à celle dont le serait le destinataire de l’acte (arrêts de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 197, 223 ; Codorníu/Conseil, point 50 supra, point 20 ; Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, précité, point 36, et du 1er avril 2004, Commission/Jégo-Quéré, C‑263/02 P, Rec. p. I‑3425, point 45). À cet égard, la seule circonstance qu’un acte de portée générale puisse avoir des effets concrets différents pour les divers sujets de droit auxquels il s’applique n’est pas de nature à les caractériser par rapport à tous les autres opérateurs concernés, dès lors que l’application de cet acte s’effectue en vertu d’une situation objectivement déterminée (ordonnance de la Cour du 18 décembre 1997, Sveriges Betodlares et Henrikson/Commission, C‑409/96 P, Rec. p. I‑7531, point 37 ; ordonnance du Tribunal du 8 septembre 2005, Lorte e.a./Conseil, T‑287/04, Rec. p. II‑3125, point 53 ; voir ordonnances du 12 janvier 2007, SPM/Commission, T‑447/05, point 48 supra, point 70, et SPM/Commission, T‑104/06, point 48 supra, point 70, et la jurisprudence qui y est citée).

61      En l’espèce, le Tribunal estime que les requérantes, loin d’être individualisées par des qualités qui leur sont particulières, sont affectées au même titre que tous les autres exploitants d’installations assujettis aux mêmes réglementations nationale et communautaire se trouvant dans la même situation. C’est dès lors uniquement en raison de leur qualité objective d’exploitants visés par les règles contenues au chapitre 6.2 du PNA allemand II et actifs dans les secteurs couverts par l’annexe I de la directive 2003/87 que les requérantes peuvent prétendre être affectées par la décision attaquée. Aucun des arguments avancés par les requérantes ne permet de remettre en cause cette appréciation.

62      En premier lieu, Fels-Werke et Spenner-Zement font principalement valoir au soutien de leur affectation individuelle que la décision attaquée supprime leur droit individuel, qui découle de l’article 11, paragraphe 1, du ZuG 2007, à voir appliquer à leurs installations nouvellement mises en service en 2005 et en 2006 une méthode d’allocation plus avantageuse que la méthode générale d’allocation, et cela au-delà de la première période d’allocation. Toutefois, à supposer même qu’un tel droit existe et soit conforme notamment à l’article 11 de la directive 2003/87, cet éventuel droit ne suffit pas à individualiser les requérantes comme destinataires de la décision attaquée. En effet, la modification de la méthode d’allocation exigée dans la décision attaquée affecte toutes les installations nouvellement mises en service au cours de la période comprise entre 2005 et 2007, relevant du champ d’application de l’article 11, paragraphe 1, du ZuG. Par ailleurs, contrairement à ce que les requérantes semblent faire valoir, de manière très peu circonstanciée, en se référant à une liste d’exploitants de nouvelles installations mises en service au cours des années 2005 à 2007, le nombre de ces exploitants est indéterminé et toujours susceptible de changer au cours de l’année 2007.

63      En outre, la seule existence d’un droit, potentiellement remise en cause par la décision attaquée, n’est pas susceptible d’individualiser le titulaire dudit droit lorsqu’il est constant que ce même droit est accordé, en application d’une règle générale et abstraite, à une multitude d’opérateurs déterminée objectivement (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 28 novembre 2005, EEB e.a./Commission, T‑94/04, Rec. p. II‑4919, points 53 à 55). À supposer même que la décision attaquée soit susceptible de produire des effets différents selon l’exploitant concerné, cette circonstance ne saurait suffire pour démontrer que les première et troisième requérantes ont des qualités particulières ou se trouvent dans une situation de fait qui les caractérise par rapport aux autres exploitants bénéficiant, actuellement ou dans le futur, de l’application de l’article 11, paragraphe 1, du ZuG 2007 (voir la jurisprudence reprise au point 60 ci-dessus). Or, hormis la production de la liste générale d’exploitants citée au point 62 ci-dessus, les requérantes n’ont pas précisé dans quelle mesure elles seraient des exploitants bénéficiaires de tels droits, qui sont particulièrement affectés par les conséquences négatives de la décision attaquée et, dès lors, se distinguent de tout autre exploitant de la catégorie en cause.

64      En deuxième lieu, dans la mesure où Saint-Gobain Glass Deutschland entend également fonder son affectation individuelle sur l’existence d’un droit à l’allocation de quotas tiré de l’article 8, paragraphe 1, du ZuG 2007, les considérations exposées aux points 62 et 63 ci-dessus s’appliquent mutatis mutandis.

65      Par ailleurs, ne saurait être accueilli l’argument selon lequel Saint-Gobain Glass Deutschland fait partie d’un cercle fermé de personnes parce qu’elle appartient à un groupe d’exploitants ayant demandé et obtenu des quotas d’émission au cours de la période allant de 2003 à 2004 en vertu de l’article 8, paragraphe 1, du ZuG 2007. À cet égard, le Tribunal constate, tout d’abord, que Saint-Gobain Glass Deutschland n’a ni avancé de précisions ni produit d’éléments probants quant à la composition de ce prétendu cercle fermé d’exploitants. Ainsi n’a-t-elle versé au dossier aucune liste d’exploitants ayant bénéficié de l’application de l’article 8, paragraphe 1, du ZuG 2007 à l’instar de celle visée au point 62 ci-dessus. Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que la possibilité de déterminer, au moment de l’adoption de la mesure contestée, avec plus ou moins de précision, le nombre ou même l’identité des sujets de droit auxquels s’applique ladite mesure n’implique nullement que ces sujets doivent être considérés comme étant concernés individuellement par cette mesure, tant qu’il est constant que cette application s’effectue en vertu d’une situation objective de droit ou de fait définie par l’acte en cause (arrêt de la Cour du 22 novembre 2001, Antillean Rice Mills/Conseil, C‑451/98, Rec. p. I‑8949, point 52 ; ordonnances du 12 janvier 2007, SPM/Commission, T‑447/05, point 48 supra, point 71, et SPM/Commission, T‑104/06, point 48 supra, point 71). Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que Saint-Gobain Glass Deutschland n’a pas démontré qu’elle était individuellement concernée par la décision attaquée du fait de sa prétendue appartenance à un cercle fermé d’exploitants.

66      En troisième lieu, ne saurait prospérer l’argument des requérantes selon lequel la Commission aurait été obligée, en vertu de certaines dispositions de la directive 2003/87, de tenir compte des répercussions éventuellement négatives de la décision attaquée pour des exploitants tels que les requérantes, avec pour conséquence que celles-ci devraient être considérées comme individuellement concernées.

67      D’une part, contrairement à l’avis des requérantes, il ne découle ni des objectifs de la directive 2003/87, lus à la lumière de son considérant 5, ni du critère n° 5 de l’annexe III, ni de toute autre disposition de ladite directive une garantie pour les exploitants d’installations de se voir appliquer une certaine méthode d’allocation, voire d’obtenir une certaine quantité de quotas d’émission de gaz à effet de serre, en particulier lorsque cette prétendue garantie se réfère à plusieurs périodes d’allocation. Au contraire, ainsi que le fait valoir la Commission, l’article 11, paragraphes 1 et 2, lu conjointement avec l’article 9, paragraphe 1, et avec l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2003/87 distingue clairement entre la première et la seconde période d’allocation et restreint la validité des quotas d’émission alloués à une seule période d’allocation, ce qui implique la nécessité pour les États membres d’adopter des décisions d’allocation distinctes pour chaque période.

68      D’autre part, doit être rejeté l’argument des requérantes avancé au soutien de leur affectation individuelle, selon lequel la Commission aurait dû prendre les mesures appropriées spécifiques pour protéger leurs espérances fondées quant au maintien de leurs droits acquis en vertu du droit national. À cet égard, indépendamment de la question de savoir si les garanties d’allocation en vertu de l’article 8, paragraphe 1, et de l’article 11, paragraphe 1, du ZuG 2007, qui s’étendent sur plusieurs périodes d’allocation, sont compatibles avec les exigences de la directive 2003/87 et, dès lors, dignes de protection au regard du droit communautaire, il y a lieu de relever que la Commission n’était manifestement pas tenue de prendre des mesures de protection spécifiques à ce titre. Il ressort en effet de la décision C (2004) 2515/2 final, du 7 juillet 2004, que, lors de son examen du PNA allemand I, la Commission s’était uniquement référée, conformément à l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2003/87, à la première période d’allocation et avait explicitement exclu de son appréciation tous les éléments non pertinents à cet égard (considérants 10 et 11 de ladite décision ; voir point 23 ci-dessus). Le Tribunal considère dès lors qu’il est exclu que la Commission puisse être tenue pour responsable de veiller, au regard du principe de protection de la confiance légitime, au maintien de certaines garanties d’allocation, dont le contenu relève de la seule réglementation nationale et de la marge d’appréciation des États membres. Par conséquent, il ne saurait en être déduit une prétendue obligation de la Commission de prévoir des règles transitoires spécifiques en faveur des requérantes au sens de la jurisprudence (voir arrêt Exporteurs in Levende Varkens e.a./Commission, point 48 supra, point 61, et la jurisprudence qui y est citée)

69      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le Tribunal considère que les requérantes ne sont pas individuellement concernées par la décision attaquée au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE.

70      Par conséquent, il convient de rejeter le présent recours comme irrecevable, sans qu’il soit besoin d’apprécier si les requérantes sont directement concernées par la décision attaquée.

 Sur les dépens

71      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Fels-Werke GmbH, Saint-Gobain Glass Deutschland GmbH et Spenner-Zement GmbH & Co. KG sont condamnées aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 11 septembre 2007.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : l’allemand.