Language of document : ECLI:EU:T:2007:302

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (troisième chambre)

1er octobre 2007 (*)

« Recours en annulation – Directive 2003/87/CE – Système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre – Plan national d’allocation de quotas d’émission pour la Slovaquie pour la période allant de 2008 à 2012 – Décision de rejet de la Commission – Défaut d’affectation directe – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑27/07,

US Steel Košice s.r.o., établie à Košice (Slovaquie), représentée par Me E. Vermulst, avocat, et M. C. Thomas, solicitor,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme D. Lawunmi et M. U. Wölker, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision de la Commission du 29 novembre 2006 concernant le plan national d’allocation de quotas d’émission de gaz à effet de serre notifié par la République slovaque pour la période allant de 2008 à 2012, conformément à la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 2003, établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil (JO L 275, p. 32),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de MM. M. Jaeger, président, J. Azizi et Mme E. Cremona, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Acte d’adhésion

1        L’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 2003, L 236, p. 33, ci-après l’« acte d’adhésion »), prévoit, en son article 24, des mesures transitoires qui sont, en ce qui concerne la République slovaque, explicitées dans son annexe XIV (JO 2003, L 236, p. 915).

2        Le point 2, sous a), du titre 4 (Politique de la concurrence) de cette annexe XIV dispose :

« Par dérogation aux articles 87 [CE] et 88 [CE], la [République slovaque] peut appliquer, jusqu’à la fin de l’exercice fiscal 2009, [une] exonération de l’impôt des sociétés […] à un bénéficiaire dans le secteur sidérurgique, pour autant que les conditions ci-après soient remplies :

i)      le bénéficiaire de l’aide limite sa production de produits plats et ses ventes de produits plats (laminés à chaud, laminés à froid et produits revêtus) dans l’Union élargie […] ;

ii)      le bénéficiaire n’étend pas sa gamme de groupes de produits finis existant le 13 décembre 2002 ;

iii)  l’aide totale accordée au bénéficiaire […] n’excède pas un total de 500 millions de dollars des États-Unis. Elle ne peut être accordée qu’une seule fois. Toute aide accordée au même bénéficiaire au cours de la période transitoire doit être prise en compte dans le montant de 500 millions de dollars des États-Unis ;

iv)      le bénéficiaire respecte les termes du contrat de privatisation en ce qui concerne le maintien de l’emploi.

[…] »

3        Le point 2, sous b), du titre 4 de l’annexe XIV de l’acte d’adhésion oblige la République slovaque à communiquer des rapports semestriels contenant des informations relatives à l’entreprise bénéficiaire, le dernier rapport devant être présenté pour la fin d’avril 2010, sauf décision contraire de la Commission, du Conseil et de la République slovaque.

4        Le point 2, sous d), du titre 4 de l’annexe XIV de l’acte d’adhésion prévoit :

« Si l’aide totale atteint, avant la fin de l’exercice fiscal 2009, le niveau maximum admissible fixé [sous] a), iii), l’exonération fiscale est suspendue et le bénéficiaire est tenu de verser un impôt normal sur la partie des revenus de la société qui, si elle était exonérée, provoquerait un dépassement du niveau maximum admissible. »

5        Le point 2, sous e), du titre 4 de l’annexe XIV de l’acte d’adhésion contient les dispositions suivantes :

« Si le bénéficiaire ne respecte pas les termes du contrat de privatisation en ce qui concerne le maintien de l’emploi, l’aide est suspendue avec effet immédiat et les pénalités prévues dans le contrat de privatisation sont appliquées. »

 Directive 2003/87

6        La directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 2003, établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil (JO L 275, p. 32), crée, avec effet au 1er janvier 2005, un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté afin de favoriser la réduction des émissions de gaz à effet de serre, en particulier de dioxyde de carbone (ci-après le « CO2 »), dans des conditions économiquement efficaces et performantes (article 1er de la directive 2003/87). Elle repose sur les obligations de réduction incombant à la Communauté au titre de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et du protocole de Kyoto. Ce dernier a été approuvé par la décision 2002/358/CE du Conseil, du 25 avril 2002, relative à l’approbation, au nom de la Communauté européenne, du protocole de Kyoto à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et l’exécution conjointe des engagements qui en découlent (JO L 130, p. 1). Il est entré en vigueur le 16 février 2005.

7        La directive 2003/87 prévoit essentiellement que les émissions de gaz à effet de serre par les installations énumérées à son annexe I, notamment par celles destinées à la production et à la transformation de métaux ferreux, doivent faire l’objet d’une autorisation préalable (articles 4 à 8) et d’une attribution de quotas autorisant l’exploitant titulaire à émettre une certaine quantité de gaz à effet de serre (article 11), ces quotas étant alloués conformément à des plans nationaux d’allocation (ci-après les « PNA ») pour une première phase, allant de 2005 à 2007, et pour des phases subséquentes de cinq ans chacune. Si un exploitant parvient à réduire ses émissions, les quotas excédentaires sont susceptibles d’être vendus à d’autres exploitants. Inversement, l’exploitant d’une installation dont les émissions sont excessives peut acheter les quotas nécessaires auprès d’un exploitant qui dispose d’excédents.

8        Les conditions et les procédures suivant lesquelles les autorités nationales compétentes allouent, sur la base d’un PNA, des quotas aux exploitants d’installations sont prévues aux articles 9 à 11 de la directive 2003/87.

9        Ainsi, l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2003/87 précise :

« Pour chaque période visée à l’article 11, paragraphes 1 et 2, chaque État membre élabore un [PNA] précisant la quantité totale de quotas qu’il a l’intention d’allouer pour la période considérée et la manière dont il se propose de les attribuer. Ce [PNA] est fondé sur des critères objectifs et transparents, incluant les critères énumérés à l’annexe III, en tenant dûment compte des observations formulées par le public […]

[…] Pour les périodes [visées à l’article 11, paragraphe 2], le [PNA] est publié et notifié à la Commission et aux autres États membres au moins dix-huit mois avant le début de la période concernée. »

10      L’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87 dispose :

« Dans les trois mois qui suivent la notification d’un [PNA] par un État membre conformément au paragraphe 1, la Commission peut rejeter ce [PNA] ou tout aspect de celui-ci en cas d’incompatibilité avec les critères énoncés à l’annexe III ou avec les dispositions de l’article 10. L’État membre ne prend une décision au titre de l’article 11, paragraphes 1 ou 2, que si les modifications proposées ont été acceptées par la Commission. Toute décision de rejet adoptée par la Commission est motivée. »

11      Aux termes de l’article 10, seconde phrase, de la directive 2003/87, les États membres doivent allouer au moins 90 % des quotas à titre gratuit pour la période de cinq ans qui débute le 1er janvier 2008.

12      L’article 11, paragraphe 2, de la directive 2003/87 concernant l’allocation et la délivrance de quotas prévoit :

« Pour la période de cinq ans qui débute le 1er janvier 2008, et pour chaque période de cinq ans suivante, chaque État membre décide de la quantité totale de quotas qu’il allouera pour cette période et lance le processus d’attribution de ces quotas à l’exploitant de chaque installation. Il prend cette décision au moins douze mois avant le début de la période concernée, sur la base de son [PNA] élaboré en application de l’article 9, et conformément à l’article 10, en tenant dûment compte des observations formulées par le public. »

13      L’annexe III de la directive 2003/87 comporte, notamment, le critère suivant :

« […]

5. Conformément aux exigences du traité, notamment ses articles 87 et 88, le [PNA] n’opère pas de discrimination entre entreprises ou secteurs qui soit susceptible d’avantager indûment certaines entreprises ou activités.

[…] »

 Faits à l’origine du litige

14      Selon ses propres indications, la requérante est le seul producteur intégré d’acier en Slovaquie. Elle génère environ un sixième des émissions de gaz à effet de serre dans cet État membre et est le « bénéficiaire dans le secteur sidérurgique » au sens du point 2, sous a), du titre 4 de l’annexe XIV de l’acte d’adhésion (voir point 2 ci-dessus).

15      S’agissant de la mise en œuvre des règles figurant dans l’acte d’adhésion, la Commission, le gouvernement slovaque et la requérante ont discuté à plusieurs reprises des droits et des obligations résultant du point 2 du titre 4 de l’annexe XIV de l’acte d’adhésion et, notamment, des plafonds de production fixés. Dans ce contexte, la Commission a déclaré, dans une lettre du 1er octobre 2003 adressée à la République slovaque, que la requérante était libre de produire et de vendre autant qu’elle le souhaitait et quand elle l’entendait, mais que la République slovaque ne pouvait bénéficier d’une exception au régime des aides d’État que si certaines conditions étaient remplies.

16      Dans une lettre du 26 septembre 2005, adressée à la Commission, la requérante a fait le bilan de deux réunions qu’elle avait eues avec celle-ci en ce sens que, une fois le plafond de 430 millions de dollars des États-Unis (USD) serait atteint (voir point 2 ci-dessus), ses obligations résultant du point 2 du titre 4 de l’annexe XIV de l’acte d’adhésion prendraient fin, puisqu’elle ne pourrait plus bénéficier des avantages correspondants.

17      Par lettre du 11 octobre 2005, la Commission a répondu qu’elle n’avait pas de commentaires à faire sur la lettre susmentionnée de la requérante.

18      À la suite d’une consultation publique lors de laquelle la requérante lui avait demandé l’allocation d’une quantité déterminée de quotas, le gouvernement slovaque a, le 18 août 2006, notifié à la Commission son PNA pour la période allant de 2008 à 2012. Selon ce PNA, la République slovaque entendait allouer une moyenne de 41,3 millions de tonnes d’équivalent CO2 par an au total, dont 11,7321676 millions de tonnes à la requérante. En ce qui concerne la justification de cette quantité prévue pour la requérante, le gouvernement slovaque a indiqué que les émissions futures seraient supérieures à celles de 2005.

19      Le 29 novembre 2006, la Commission a adopté la décision concernant le PNA notifié par la République slovaque pour la période allant de 2008 à 2012, conformément à la directive 2003/87 (ci-après la « décision attaquée »).

20      Dans cette décision, adoptée en vertu de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87, la Commission énonce, en substance, que les autorités slovaques doivent réduire de 10,387739 millions de tonnes d’équivalent CO2 le nombre total annuel de quotas prévu dans le PNA notifié, de façon à ce qu’il corresponde aux plafonds de production résultant de l’annexe XIV de l’acte d’adhésion.

21      Le dispositif de la décision attaquée se lit comme suit :

« Article premier

Les aspects suivants du [PNA] de la [République slovaque] pour la première période de cinq ans mentionnée à l’article 11, paragraphe 2, de la directive [2003/87] sont incompatibles avec :

[…]

2.      Le critère [n°] 5 de l’annexe III de la directive [2003/87] : l’allocation proposée dans la mesure où elle excède le niveau correspondant aux plafonds de production résultant de l’annexe XIV de l’acte d’adhésion ;

[…]

Article 2

Aucune objection ne sera soulevée à l’encontre du [PNA], à la condition que les modifications suivantes y soient apportées de façon non discriminatoire et que celles-ci soient notifiées à la Commission dès que possible, compte tenu des délais nécessaires pour mettre en œuvre les procédures nationales sans retard indu :

[…]

2.      L’allocation proposée est modifiée de façon à correspondre aux plafonds de production prévus à l’annexe XIV de l’acte d’adhésion

[…]

Article 3

1.      La quantité totale moyenne annuelle de quotas de 30,912261 millions de tonnes […] à allouer par la République slovaque conformément à son [PNA] aux installations reprises dans ce [PNA] et aux nouveaux entrants ne doit pas être dépassée.

2.      Le [PNA] peut être modifié, sans acceptation préalable de la Commission, si la modification consiste en des changements apportés à l’allocation de quotas aux installations individuelles énumérées au [PNA] dans les limites de la quantité totale à allouer […]

3.      Toute autre modification apportée au [PNA], à l’exception de celles visant à se conformer aux dispositions de l’article 2 de la présente décision, doit être notifiée […] et requiert l’acceptation préalable de la Commission conformément à l’article 9, paragraphe 3, de la directive [2003/87].

Article 4

La présente décision est adressée à la République slovaque. »

22      Ce dispositif est fondé, notamment, sur les considérants suivants :

« 17. […] conformément au critère [n°] 5 de l’annexe III de la directive [2003/87], la Commission a examiné la correspondance de la quantité de quotas proposée avec les plafonds de production résultant de l’annexe XIV de l’acte d’adhésion. Ces plafonds de production constituent l’une des conditions fixées au point 2 du titre 4 de l’annexe XIV de l’acte d’adhésion, qui autorise la République slovaque à appliquer à un bénéficiaire dans le secteur sidérurgique, jusqu’à la fin de l’exercice fiscal 2009, l’exonération de l’impôt sur les sociétés à concurrence du montant maximum prévu. La Commission constate que la quantité de quotas proposée ne correspond pas de manière cohérente et systématique à ces plafonds.

18. Dans la partie du [PNA] relative à la méthode d’allocation appliquée dans le secteur sidérurgique, les autorités slovaques indiquent que les plafonds de production imposés en relation avec l’octroi de l’avantage fiscal cesseront de s’appliquer à la fin de 2007, au prétendu motif qu’à cette date l’aide aura atteint son montant maximum. La Commission est toutefois en désaccord avec cette interprétation. Les plafonds de production mentionnés ci-dessus resteront applicables jusqu’à la fin de 2009, indépendamment de la question de savoir si l’aide d’État résultant de l’exonération d’impôt sur les sociétés aura ou non atteint son montant maximum à une date antérieure. L’interprétation avancée par les autorités slovaques est incompatible avec la logique des dispositions régissant les aides d’État. Le fait d’atteindre le montant maximum plus tôt que prévu ne saurait constituer une raison pour infléchir les conditions visant à compenser la distorsion de concurrence produite par cette aide.

19. La Commission considère donc que l’allocation proposée par les autorités slovaques pour les années 2008 et 2009 octroie un avantage indu à un opérateur, puisque cette allocation correspondra en partie à une quantité qu’il ne pourra produire. Allouer des quotas excédant des limites légales, économiques ou techniques revient à allouer des quotas dépassant le niveau des besoins prévus. La Commission estime que lorsque l’allocation proposée excède le niveau des plafonds de production, l’opérateur concerné est indûment favorisé, ce qui est contraire au critère [n° ]5 de l’annexe III de la directive [2003/87]. En outre, la Commission ne peut exclure, à ce stade, qu’une éventuelle aide d’État qui se traduirait par une allocation excédant ce niveau puisse être jugée incompatible avec le marché commun au cas où elle serait appréciée en conformité avec les articles 87 [CE] et 88 CE.

[…]

21. Le [PNA] doit être modifié pour être mis en conformité avec les critères énumérés à l’annexe III de la directive [2003/87…] Dans le cas où la République slovaque modifierait son [PNA] de manière non discriminatoire, conformément à l’article 2 de la présente décision […], la Commission estimerait que toute aide potentielle, appréciée à la lumière des articles 87 [CE] et 88 CE, serait vraisemblablement compatible avec le marché commun. »

23      Enfin, la Commission impose à la République slovaque une réduction du nombre total de quotas de 10,387739 millions de tonnes, en relevant aux considérants 4 à 13 de la décision attaquée que le nombre total de quotas dont l’allocation est envisagée dans le PNA slovaque – 40,3 millions de tonnés d’équivalent CO2 par an – dépasse de 10,387739 millions de tonnes la quantité qui serait compatible avec les évaluations des progrès réels et prévus et excède la quantité qui serait cohérente avec le potentiel de réduction des émissions des activités couvertes par le système communautaire.

 Procédure et conclusions des parties

24      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 février 2007, la requérante a introduit le présent recours.

25      Par acte séparé déposé le même jour, elle a demandé qu’il soit statué sur ce recours selon une procédure accélérée, conformément à l’article 76 bis du règlement de procédure du Tribunal. Le 26 février 2007, la Commission a déposé ses observations sur cette demande.

26      Par décision du 29 mars 2007, le Tribunal (troisième chambre) a rejeté la demande de procédure accélérée.

27      La requérante conclut, dans sa requête, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

28      À l’appui de son recours, la requérante invoque, notamment, une violation du point 2, sous a), du titre 4 de l’annexe XIV de l’acte d’adhésion au motif que la Commission a méconnu que les plafonds de production prévus par cette disposition étaient nécessairement limités à la période pendant laquelle la République slovaque exerçait son droit d’octroyer un avantage fiscal, cet avantage ayant cessé de s’appliquer à la fin de 2007. La requérante invoque, par ailleurs, une violation du principe de protection de la confiance légitime, la Commission ayant fait naître chez elle des espérances fondées quant à la suppression desdits plafonds de production.

29      En outre, la requérante reproche à la Commission d’avoir effectué un calcul selon une méthode ne prenant absolument pas en compte la quantité totale appropriée des émissions en Slovaquie et de l’avoir imposée à la République slovaque, usurpant ainsi les compétences réservées aux seuls États membres, au lieu de se limiter aux fonctions réduites que lui reconnaît l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87. De plus, la décision attaquée serait illégale en ce qu’elle procéderait de l’application d’une formule mathématique abstraite qui aurait été imposée en l’absence de consultation publique et qui n’aurait pas tenu compte de facteurs, spécifiques à la Slovaquie, influençant les émissions durant la période allant de 2008 à 2012. En tout état de cause, la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation. Enfin, la décision attaquée serait entachée d’un détournement de pouvoir, en ce qu’elle serait motivée par la volonté de conduire à une pénurie de quotas afin de provoquer une augmentation de leurs prix.

30      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 19 mars 2007, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure. La requérante a déposé ses observations sur cette exception le 11 avril 2007.

31      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner la requérante aux dépens.

32      La requérante conclut, dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter l’exception d’irrecevabilité ;

–        condamner la Commission aux dépens.

 En droit

33      En vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal. Ce dernier estime que, en l’espèce, il est suffisamment éclairé par les pièces du dossier et qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale.

 Arguments des parties

34      La Commission soutient que le recours est irrecevable, puisque la requérante n’est pas directement concernée par la décision attaquée, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE. En effet, d’une part, la requérante ne serait pas affectée directement par la décision attaquée et, d’autre part, ce seraient les États membres et non la Commission qui alloueraient les quotas d’émissions individuels aux exploitants ; enfin, les États membres jouiraient d’une marge d’appréciation lorsqu’ils allouent des quotas d’émissions aux exploitants individuels.

35      À cet égard, premièrement, la Commission précise que la décision d’allouer des quotas à des exploitants individuels, loin d’être prise indirectement par la Commission elle-même, relève de la compétence des seuls États membres. Les articles 9 et 11 de la directive 2003/87 exposeraient clairement un processus en deux étapes pour l’allocation de quotas, dont la première consisterait en l’élaboration et en la prise en compte d’un PNA. Or, aux termes de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2003/87, ce PNA préciserait « la quantité totale de quotas » que l’État membre concerné « a l’intention d’allouer » pour la période considérée et la manière dont il « se propose de les attribuer ». Au critère n° 10 de l’annexe III de la directive 2003/87, il serait également fait référence au PNA et prévu que celui-ci contient « la liste des installations couvertes par la présente directive avec pour chacune d’elles les quotas que l’on souhaite lui allouer ». La Commission en conclut que le PNA élaboré en vertu de l’article 9 de la directive 2003/87 ne peut entraîner une obligation juridique contraignante d’allouer précisément les quantités indiquées dans ce même PNA aux exploitants qui y sont énumérés.

36      La Commission ajoute que la seconde étape de la procédure d’allocation de quotas est prévue à l’article 11 de la directive 2003/87. Ce serait seulement lors de cette étape que l’allocation de quotas aux exploitants de chaque installation pourrait avoir lieu. Cette conclusion serait confortée par le fait que l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87 dispose expressément que « l’État membre ne prend une décision au titre de l’article 11, paragraphes 1 ou 2, que si les modifications proposées ont été acceptées par la Commission ».

37      La Commission souligne que son rôle, tel qu’établi dans l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87, est limité et n’a qu’un lien indirect avec la requérante. En effet, le régime mis en place par la directive 2003/87 conférerait aux États membres une autonomie dans l’élaboration de leurs PNA, les décisions relatives à la quantité totale de quotas et à la manière dont ceux-ci sont attribués étant prises par ces États membres. Aux termes de la directive 2003/87, la Commission serait simplement chargée d’évaluer les PNA sur la base des critères fixés à son article 9, paragraphe 1, et à son annexe III. Si aucune objection n’est soulevée, l’État membre pourrait mettre en œuvre son PNA, qui relève naturellement de sa seule responsabilité.

38      Par ailleurs, le PNA lui-même n’aurait pas d’effets juridiques directs sur la position de la requérante en dehors du cadre national d’application. Or, la décision attaquée ne pourrait avoir un effet juridique plus étendu que le PNA lui-même. Par conséquent, si le PNA n’avait pas d’incidence directe sur la position de la requérante, la décision attaquée ne pourrait pas non plus la concerner directement.

39      Deuxièmement, la Commission considère que les États membres jouissent d’une marge d’appréciation quant à la manière dont ils décident d’allouer la quantité totale de quotas aux exploitants individuels. Outre le rôle qui lui incombe en vertu du traité, la Commission devrait, conformément à l’article 9 de la directive 2003/87, simplement s’assurer que les PNA soient dans leur ensemble compatibles avec l’article 10 de cette dernière et avec les critères énumérés dans son annexe III.

40      Or, aucune disposition de la directive 2003/87 n’imposerait aux États membres d’allouer exactement le même nombre de quotas individuels que celui indiqué dans le PNA soumis à la Commission en vertu de l’article 9 de ladite directive. Au contraire, une telle conséquence priverait de tout effet utile la seconde étape de la procédure d’allocation de quotas prévue à l’article 11 de la directive 2003/87 ainsi que les conclusions de la consultation publique. En conséquence, la République slovaque devrait prendre des mesures au niveau national pour mettre en œuvre le PNA dans son ordre juridique interne. La voie de recours appropriée pour la requérante consisterait, dès lors, à contester cette mise en œuvre au niveau national.

41      Enfin, troisièmement, la Commission fait valoir que l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2003/87 dispose que les États membres doivent tenir compte des observations formulées par le public lorsqu’ils mettent en œuvre le PNA au niveau national. La République slovaque jouirait donc d’un pouvoir d’appréciation dans le cadre de cette mise en œuvre. L’article 3, paragraphe 2, de la décision attaquée mentionnerait, lui aussi, le pouvoir d’appréciation dont dispose la République slovaque à cet effet, le PNA pouvant être modifié sans l’accord préalable de la Commission si la modification concerne les quotas alloués à certaines installations, dans les limites de la quantité totale de quotas à allouer aux installations individuelles.

42      La requérante rappelle que, dans la décision attaquée, la Commission s’oppose au PNA slovaque, au motif que la quantité totale de quotas prévue doit être réduite d’environ 10,4 millions de tonnes, pour être ramenée à 30,9 millions de tonnes. Elle estime que cette décision la concerne directement, car elle conduit à rejeter le PNA qui vise à lui accorder des quotas et à exiger que ce PNA soit modifié. La réduction imposée emporterait une modification du nombre de quotas devant être alloué à la requérante afin de refléter l’interprétation de la Commission selon laquelle les plafonds de production et de vente applicables à la requérante en vertu de l’annexe XIV de l’acte d’adhésion continuent à s’appliquer jusqu’en 2009.

43      En réponse à l’argumentation de la Commission concernant les deux étapes de la procédure d’allocation, la requérante relève que l’allocation définitive des quotas en vertu de l’article 11 de la directive 2003/87 doit légalement s’effectuer en conformité avec le PNA tel qu’approuvé par la Commission en vertu de l’article 9, paragraphe 3, de ladite directive. Ce serait donc la décision prise par la Commission en vertu dudit article 9, paragraphe 3, qui contrôle la quantité de quotas qu’alloue ultérieurement l’État membre.

44      La requérante se réfère à l’arrêt du Tribunal du 23 novembre 2005, Royaume-Uni/Commission (T‑178/05, Rec. p. II‑4807, points 55 et 56), dans lequel la solution retenue s’appliquerait tant à la « quantité totale de quotas à allouer » qu’à l’« allocation de ces quotas aux installations en cause ». Elle en déduit que l’allocation des quotas en vertu de l’article 11 de la directive 2003/87 – à savoir la seconde étape visée dans l’exception d’irrecevabilité – doit s’effectuer conformément au PNA, tel qu’approuvé par la Commission au titre de l’article 9, paragraphe 3, de ladite directive. Toutes les modifications envisagées devraient faire l’objet d’une nouvelle notification à la Commission et être approuvées dans une nouvelle décision prise au titre dudit article 9, paragraphe 3.

45      La requérante en conclut que la décision prise en application de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87 encadre la possibilité d’allouer des quotas spécifiques, de la même façon qu’une décision appréciant la compatibilité d’une opération de concentration en vertu du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO L 24, p. 1), encadre la possibilité de mettre ultérieurement en œuvre une concentration particulière, et qu’une décision appréciant la compatibilité d’une aide d’État dans le cadre de la procédure prévue aux articles 87 CE et 88 CE encadre la possibilité d’octroyer ultérieurement une aide particulière. Or, dans ces domaines, il serait constant que les entreprises concernées par la concentration en cause, ou les bénéficiaires de l’aide d’État, seraient directement concernées par la décision de la Commission.

46      Dans ce contexte, la requérante souligne que, dans les considérants 17 à 21 de la décision attaquée, la Commission a effectivement constaté que le PNA slovaque, tel que notifié, comportait un élément d’aide d’État au bénéfice de la requérante et a rejeté cet aspect eu égard au critère n° 5 de l’annexe III de la directive 2003/87. La Commission aurait donc empêché l’octroi de ce qu’elle a présumé constituer une aide d’État au profit de la requérante. Or, il serait constant que de telles décisions concerneraient directement un bénéficiaire de l’aide d’État proposée, tel que la requérante.

47      La requérante ajoute que la décision attaquée a eu comme effet d’interdire au gouvernement slovaque d’allouer des quotas à la requérante et à d’autres opérateurs conformément au PNA notifié le 18 août 2006. Si la Commission n’avait pas rejeté le PNA, ce gouvernement aurait été tenu d’allouer les quotas conformément audit PNA. La seule alternative aurait été de saisir la Commission d’une nouvelle demande visant à modifier le PNA, alors que le gouvernement slovaque n’aurait eu aucun pouvoir d’appréciation l’autorisant à modifier unilatéralement son PNA (arrêt Royaume-Uni/Commission, point 44 supra, point 55). Ainsi, en l’absence de la décision attaquée, le gouvernement slovaque aurait mis en œuvre le PNA notifié le 18 août 2006 et alloué les quotas fixés aux installations concernées, dont la requérante. Étant donné qu’elle aurait empêché le gouvernement d’agir ainsi, la décision attaquée concernerait directement la requérante.

48      En outre, dans la décision attaquée, la Commission exigerait des modifications comme condition de l’approbation d’un PNA formel notifié conformément à une procédure d’approbation fixée par le droit communautaire. En vertu de cette procédure, l’approbation de la Commission serait une condition légale de l’allocation des quotas à la requérante. En effet, la procédure prévue par la directive 2003/87 établirait une situation juridique dans laquelle, d’une part, l’État membre ne pourrait pas mettre en œuvre son PNA avant de l’avoir préalablement notifié à la Commission et d’avoir reçu l’approbation de celle-ci et, d’autre part, les décisions d’allocation prises par l’État membre pour mettre en œuvre le PNA devraient être juridiquement conformes à la décision d’approbation de la Commission.

49      De plus, dans la décision attaquée, la Commission ne laisserait aucun pouvoir d’appréciation au gouvernement slovaque, puisqu’elle lui interdirait expressément d’exécuter le PNA tel qu’il a été notifié. Aux points 55 à 59 de l’arrêt Royaume-Uni/Commission, point 44 supra, le Tribunal aurait précisé qu’un État membre n’a aucun pouvoir d’appréciation l’autorisant à s’écarter du PNA tel qu’approuvé par la Commission en vertu de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87, l’adoption par un État membre de sa décision définitive concernant la « quantité totale de quotas à allouer » et l’« allocation de ces quotas aux installations en cause », en application de l’article 11, paragraphe 1, de ladite directive, étant assujettie à la condition, prévue à l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87 que toute modification du PNA proposée a été acceptée par la Commission.

50      S’agissant du rôle des consultations publiques prévues par l’article 11 de la directive 2003/87, le Tribunal aurait indiqué, dans l’arrêt Royaume-Uni/Commission, point 44 supra (points 57 à 59), que, si ces consultations peuvent faire ressortir la nécessité d’apporter des modifications au PNA, celles-ci doivent être proposées à la Commission et approuvées dans une nouvelle décision au titre de l’article 9, paragraphe 3, de ladite directive.

51      Enfin, pour ce qui est de la flexibilité offerte par l’article 3, paragraphe 2, de la décision attaquée, aux termes duquel le PNA slovaque peut être modifié sans acceptation préalable de la Commission si la modification concerne les quotas alloués aux installations individuelles et reste dans les limites de la quantité totale de quotas à allouer, la requérante observe que cette disposition exclut explicitement toute modification du nombre total de quotas à allouer, de sorte qu’il ne saurait conférer aucun pouvoir d’appréciation quant à cet aspect de la décision. S’agissant de la réallocation de quotas dans la limite de la quantité totale autorisée, cette disposition ne viserait pas à prévaloir sur les restrictions spécifiques qui sont imposées à l’article 1er, paragraphe 2, et à l’article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée au sujet des quotas de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

52      Aux termes de l’article 230, quatrième alinéa, CE, toute personne physique ou morale peut former un recours contre les décisions qui, bien que prises sous l’apparence d’une décision adressée à une autre personne, la concernent directement et individuellement.

53      La décision attaquée étant adressée à la République slovaque, il y a lieu d’examiner si la requérante est directement concernée par cette décision.

54      Il convient à cet égard de rappeler, tout d’abord, les deux critères cumulatifs de l’affectation directe au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE dégagés par une jurisprudence constante.

55      Premièrement, l’acte en cause doit produire directement des effets sur la situation juridique du particulier. Deuxièmement, ledit acte ne doit laisser aucun pouvoir d’appréciation à ses destinataires chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation communautaire sans application d’autres règles intermédiaires (arrêt de la Cour du 5 mai 1998, Dreyfus/Commission, C‑386/96 P, Rec. p. I‑2309, point 43, et arrêt du Tribunal du 13 décembre 2000, DSTV/Commission, T‑69/99, Rec. p. II‑4039, point 24). Ce second critère est également rempli lorsque la possibilité pour les destinataires de ne pas donner suite à l’acte en cause est purement théorique, leur volonté de tirer des conséquences conformes à celui-ci ne faisant aucun doute (arrêt Dreyfus/Commission, précité, point 44 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 janvier 1985, Piraiki-Patraiki e.a./Commission, 11/82, Rec. p. 207, points 7 à 10).

56      Il convient de rappeler, ensuite, les rôles et les pouvoirs respectifs de la Commission et des États membres dans le cadre du régime établi par la directive 2003/87 et, en particulier, par ses articles 9 à 11.

57      La directive 2003/87 a pour objet essentiel d’établir un système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre. Ce système est fondé sur des PNA élaborés par les États membres en application de critères prévus par ladite directive. Ainsi, chaque État membre était appelé à élaborer un PNA pour la période de cinq ans débutant le 1er janvier 2008. Ce PNA devait être publié et notifié à la Commission et aux autres États membres au moins 18 mois avant cette date en application de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2003/87. Le PNA devait indiquer la quantité totale de quotas que l’État membre avait « l’intention d’allouer pour la période considérée et la manière dont il se propos[ait] de les attribuer » (voir point 9 ci-dessus et, en ce sens, arrêt Royaume-Uni/Commission, point 44 supra, point 52).

58      Il ressort de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87 que la Commission peut, dans les trois mois qui suivent la notification d’un PNA, rejeter ce PNA ou tout aspect de celui-ci en cas d’incompatibilité du PNA avec l’article 10 de la directive 2003/87 ou avec les critères énoncés à son annexe III (voir point 10 ci-dessus). La directive 2003/87 ne prévoit pas d’autre motif de rejet d’un PNA. Ainsi que le Tribunal l’a relevé au point 55 de son arrêt Royaume-Uni/Commission, point 44 supra, l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87 n’exige pas expressément l’adoption par la Commission d’une décision d’approbation d’un PNA notifié. Au cas où la Commission ne se prononce pas sur le PNA dans le délai prévu par cette disposition, celui-ci est présumé compatible avec l’article 10 de la directive 2003/87 et avec les critères de son annexe III.

59      La décision définitive concernant la quantité totale de quotas à allouer et l’allocation de ces quotas aux installations en cause doit être prise par chaque État membre en application de l’article 11, paragraphes 1 ou 2, de la directive 2003/87 et sur la base des PNA établis en application de l’article 9 de celle-ci (arrêt Royaume-Uni/Commission, point 44 supra, point 53).

60      Il y a donc lieu de considérer qu’il résulte du libellé de la directive 2003/87, ainsi que des objectifs du système qu’elle établit, que c’est la décision des autorités nationales, prise conformément à l’article 11, paragraphes 1 ou 2, de la directive 2003/87 et portant attribution de quotas aux exploitants des installations concernées, qui affecte la situation juridique de ces derniers.

61      Aucun des arguments présentés par la requérante n’est susceptible d’infirmer cette conclusion.

62      S’agissant de l’argument selon lequel la Commission imposerait à la République slovaque dans la décision attaquée une réduction d’environ 10,4 millions de tonnes du nombre total de quotas prévu dans son PNA pour ramener celui-ci à 30,9 millions de tonnes, ce qui affecterait nécessairement le nombre de quotas individuels de la requérante, il importe de relever que ni la directive 2003/87 ni la décision attaquée ne conduisent à opérer une répartition automatique du nombre total de quotas entre les installations individuelles, en ce sens que la réduction du nombre total de quotas de 10,4 millions de tonnes effectuée par rapport au PNA notifié le 18 août 2006 se serait traduite par des pourcentages ou des quantités déterminés de quotas alloués à la requérante et aux autres installations individuelles slovaques.

63      Au contraire, aux termes de l’article 3, paragraphe 2, de la décision attaquée, le gouvernement slovaque est explicitement en droit de modifier son PNA dès lors que la modification concerne l’allocation de quotas à certaines installations, pourvu que les limites de la quantité totale de quotas à allouer aux installations individuelles soient respectées. Par conséquent, rien n’empêche juridiquement le gouvernement slovaque de faire droit à une demande de la requérante visant à lui allouer, pour des raisons économiques impératives, la même quantité de quotas individuels que celle que le gouvernement slovaque se proposait de lui attribuer sur la base du PNA notifié. À la date de l’introduction du présent recours, la crainte exprimée par la requérante, selon laquelle la discordance entre le nombre total de quotas imposé par la décision attaquée et celui prévu dans le PNA notifié entraînera une baisse du nombre de ses quotas individuels, vise donc un événement purement hypothétique.

64      Dans la mesure où la requérante fait valoir que chaque modification envisagée par la République slovaque dans l’allocation des quotas spécifiques lors de la seconde étape de la procédure d’allocation doit être notifiée à la Commission et approuvée par celle-ci, il suffit de constater que cet argument manque également en droit. En effet, l’article 3, paragraphe 2, de la décision attaquée confirme expressément le pouvoir discrétionnaire dont dispose le gouvernement slovaque dans l’allocation des quotas spécifiques aux installations individuelles, pourvu seulement qu’il ne dépasse pas les limites de la quantité totale de quotas à allouer.

65      En ce qui concerne la référence générale de la requérante aux règles relatives au contrôle des aides d’État, il convient de rappeler que l’expression « peut rejeter » employée à l’article 9, paragraphe 3, première phrase, de la directive 2003/87 implique un certain pouvoir d’appréciation de la Commission, dont elle n’est pas obligée de faire usage dans toutes les circonstances, alors que les règles en matière d’aides d’État reposent sur un principe d’interdiction générale – lié à une présomption d’illégalité – selon lequel les mesures d’aide, au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, sont, en principe, incompatibles avec le marché commun. L’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87, en revanche, ne repose pas sur un tel principe et n’est pas destiné à déroger à une quelconque interdiction générale. Contrairement à la thèse de la requérante, ces différences entre la procédure d’examen des aides d’État et celle de l’examen des PNA révèlent une distinction fondamentale entre ces deux régimes de contrôle a priori. Il en découle que les effets juridiques des mesures prises par la Commission dans le cadre de ces régimes respectifs, tant à l’égard des États membres qu’à l’égard des entreprises intéressées, doivent également être clairement distingués.

66      Il en va de même de la référence faite par la requérante au règlement n° 139/2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises. En effet, le régime de contrôle instauré par ce règlement, à la différence de celui prévu par l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87, requiert une autorisation explicite et constitutive de droits de la part de l’administration pour que le projet de concentration notifié puisse être mis à exécution.

67      La requérante tire encore argument des considérants 17 à 21 de la décision attaquée, dont il ressortirait que le PNA notifié a été rejeté en ce qu’il comportait un élément d’aide d’État au profit de la requérante. La requérante estime que, en tant que bénéficiaire de ce projet d’aide, elle est directement concernée par une telle décision, ce qui serait reconnu par une jurisprudence bien établie en matière d’aides d’État.

68      À cet égard, il y a lieu de rappeler que la mesure d’aide d’État en cause consiste en l’exonération fiscale accordée à la requérante en vertu du droit communautaire primaire, à savoir le point 2, sous a), du titre 4 de l’annexe XIV de l’acte d’adhésion, et ce à concurrence de 500 millions de USD. L’autorisation de cette aide d’État, qui peut expressément être accordée « par dérogation aux articles 87 [CE] et 88 [CE] », n’est pas remise en question par la décision attaquée.

69      S’agissant des plafonds de production et de ventes destinés à compenser cette aide d’État, il est vrai que la Commission adopte, aux considérants 17 à 21 de la décision attaquée, un point de vue contraire à celui défendu par la requérante en ce qui concerne la durée de validité de ces plafonds. Toutefois, les conséquences que la Commission entend en tirer se limitent au domaine de l’allocation des quotas, alors que le domaine des aides d’État n’est abordé que de manière provisoire et préliminaire.

70      En effet, si la Commission constate que la quantité de quotas prévue dans le PNA notifié ne correspond pas de manière cohérente et systématique aux plafonds de production en cause (considérant 17), que l’interprétation avancée par les autorités slovaques est incompatible avec la logique des dispositions régissant les aides d’État (considérant 18) et que l’allocation prévue par ces autorités pour les années 2008 et 2009 octroie un avantage indu à un opérateur, puisque cette allocation correspondra en partie à une quantité qu’il ne pourra produire (considérant 19), force est de constater que la Commission se limite à en conclure qu’elle « ne peut exclure, à ce stade, qu’une éventuelle aide d’État qui se traduirait par une allocation excédant ce niveau puisse être jugée incompatible avec le marché commun au cas où elle serait appréciée en conformité avec les articles 87 [CE] et 88 CE » (considérant 19).

71      De plus, si, dans les articles 1er et 2 de la décision attaquée, la Commission « impose » à la République slovaque de modifier l’allocation prévue de façon qu’elle corresponde aux plafonds de production prévus à l’annexe XIV de l’acte d’adhésion, la Commission se borne à relever que, en cas de modification par la République slovaque de son PNA conformément à l’article 2 de la décision attaquée, elle « estimerait que toute aide potentielle, appréciée à la lumière des articles 87 [CE] et 88 CE, serait vraisemblablement compatible avec le marché commun » (considérant 21 de la décision attaquée).

72      Il résulte de ces formules prudentes et peu rigoureuses que la Commission n’a effectué qu’une appréciation provisoire de la question des plafonds de production au regard des règles relatives aux aides d’État. Une telle appréciation provisoire ne saurait être interprétée comme étant une prise de position définitive à cet égard. En effet, une décision fondée uniquement sur l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87, et non sur les articles 87 CE et 88 CE, comme c’est le cas de la décision attaquée en l’espèce, ne permet à la Commission d’effectuer, à l’égard des aspects d’aides d’État du PNA, qu’une appréciation prima facie sous l’angle du droit des aides d’État, qui n’est pas susceptible de préjuger le fait qu’une décision formelle au sens de l’article 88, paragraphe 3, troisième phrase, CE pourra être adoptée. Par conséquent, une telle décision de rejet adoptée au seul titre de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87 ne saurait avoir toutes les conséquences juridiques d’une décision prise en application de l’article 88 CE et de l’article 4 ou de l’article 7 du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88 CE] (JO L 83, p. 1).

73      Il s’ensuit que la décision attaquée n’a pas pour effet de placer la requérante dans la situation qui est celle du bénéficiaire d’une aide d’État déclarée incompatible avec le marché commun en vertu d’une décision formelle au sens de l’article 88 CE. La requérante ne saurait donc utilement se prévaloir de la jurisprudence déclarant recevable le recours en annulation formé par un tel bénéficiaire.

74      Dès lors, les particularités de la présente espèce tenant aux plafonds de production invoqués par la requérante ne sont pas de nature à affecter le pouvoir discrétionnaire dont dispose le gouvernement slovaque dans l’allocation de quotas spécifiques aux installations individuelles, pourvu que les limites de la quantité totale de quotas à allouer soient respectées.

75      Par ailleurs, ce pouvoir discrétionnaire pourrait également être exercé, le cas échéant après un renforcement de la politique nationale en matière de protection de l’environnement, en ce sens que le gouvernement slovaque se contenterait même d’une allocation inférieure de quotas sans épuiser la quantité totale « acceptée » par la Commission. En effet, l’article 176 CE prévoit que des mesures telles que la directive 2003/87, arrêtées en vertu de l’article 175 CE, ne font pas obstacle à l’établissement, par chaque État membre, de mesures de protection renforcées à condition que celles-ci soient compatibles avec le traité et qu’elles soient notifiées à la Commission.

76      En tout état de cause, dans le système prévu par la directive 2003/87, dans le cadre duquel il incombe aux États membres de répartir les quotas entre les installations en cause dans l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire, la détermination définitive et directe des droits et des obligations des exploitants de ces installations ne saurait résulter que de la décision de l’État membre adoptée en application de l’article 11, paragraphe 1, de ladite directive.

77      La Commission observe donc à juste titre que la voie de recours appropriée pour lesdits opérateurs consiste à contester au niveau national la décision d’attribution de leurs quotas individuels. À cette occasion, ils peuvent faire valoir, le cas échéant, que ladite décision d’attribution est intervenue en application d’un acte illégal de la Commission.

78      Rien ne permet dès lors de prétendre que la mise en œuvre de la décision attaquée par la République slovaque aurait un caractère purement automatique et découlerait de la seule réglementation communautaire, au sens de la jurisprudence citée au point 55 ci-dessus. Étant donné que la République slovaque a, elle-même, introduit un recours visant à l’annulation de la décision attaquée (affaire T‑32/04, actuellement pendante devant le Tribunal), le présent cas d’espèce ne relève pas non plus de la jurisprudence, également citée au point 55 ci-dessus, selon laquelle un acte produit aussi des effets directs lorsque la possibilité pour l’État membre de ne pas donner suite à l’acte en cause est purement théorique, sa volonté de tirer des conséquences conformes à celui-ci ne faisant aucun doute.

79      Il résulte de tout ce qui précède que la décision attaquée n’affecte pas directement la requérante, l’allocation du nombre de quotas individuels dans les limites de la quantité totale de quotas relevant du libre choix du seul gouvernement slovaque.

80      Par conséquent, le recours est irrecevable.

 Sur les dépens

81      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter les dépens de l’instance, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      US Steel Košice s.r.o. est condamnée aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 1er octobre 2007.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : l’anglais.