Language of document : ECLI:EU:T:2022:700

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)

9 novembre 2022 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative K K WATER – Marque de l’Union européenne figurative antérieure K – Motif relatif de refus – Absence de risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑610/21,

L’Oréal, établie à Paris (France), représentée par Me T. de Haan, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. M. Eberl et D. Gája, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Arne-Patrik Heinze, demeurant à Hambourg (Allemagne), représenté par Me N. Dauskardt, avocat,

LE TRIBUNAL (dixième chambre),

composé, lors des délibérations, de M. A. Kornezov (rapporteur), président, Mme K. Kowalik‑Bańczyk et M. D. Petrlík, juges,

greffier : Mme R. Ūkelytė, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 7 juillet 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, L’Oréal, demande l’annulation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 21 juin 2021 (affaire R 2327/2020-2) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 10 juillet 2019, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe figuratif suivant :

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3        La demande d’enregistrement désignait les produits relevant de la classe 3 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant  à la description suivante : « Préparations et traitements capillaires ; préparations de soin capillaire autres qu’à usage médical ; préparations pour le coiffage des cheveux ».

4        Le 15 août 2019, l’intervenant, M. Arne-Patrik Heinze, a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

5        L’opposition était fondée sur la marque de l’Union européenne figurative antérieure no 17676206 suivante, désignant plusieurs produits relevant de la classe 3, dont notamment les « shampooing » et « lotions à usage cosmétique », ainsi que des classes 29, 30 et 31 :

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6        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

7        Le 22 octobre 2020, la division d’opposition a rejeté l’opposition au motif qu’il n’existait pas de risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

8        Le 8 décembre 2020, l’intervenante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’opposition.

9        Par la décision attaquée, la chambre de recours a annulé la décision de la division d’opposition et a accueilli le recours. Selon elle, il était probable qu’une partie importante du public pertinent de l’Union européenne fût amenée à penser que des produits identiques revêtus de marques similaires provenaient de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens, y compris ceux exposés lors de la procédure devant la chambre de recours.

11      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

12      À l’appui de son recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

13      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

14      Constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

15      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

16      La requérante ne conteste pas la définition du public pertinent retenue par la chambre de recours, selon laquelle celui-ci est composé du grand public de l’Union, dont le degré d’attention est moyen.

17      La requérante ne conteste pas non plus, ainsi qu’elle l’a confirmé lors de l’audience, que les produits désignés par la marque demandée, à savoir les « préparations et traitements capillaires ; préparations de soin capillaire autres qu’à usage médical ; préparations pour le coiffage des cheveux », relevant de la classe 3, sont identiques aux « shampooing » et « lotions à usage cosmétique », relevant de la même classe, désignés par la marque antérieure.

 Sur la comparaison des marques en conflit

18      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des marques en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par celles-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

19      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 41 et jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 43).

 Sur les éléments distinctifs et dominants des marques en conflit

20      En l’espèce, les marques en conflit à comparer sont les suivantes :

Marque demandée

Marque antérieure

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21      La chambre de recours a relevé, au point 28 de la décision attaquée, que la marque antérieure consistait en une lettre « k » stylisée, représentée sur un fond rectangulaire noir.

22      Quant à la marque demandée, selon la décision attaquée, elle est composée d’une lettre « k » légèrement stylisée et en caractères gras de grande taille, en dessous de laquelle figurent, dans une taille plus petite, les éléments verbaux « k » et « water » en lettres majuscules standard. L’ensemble de ces éléments serait représenté sur un fond carré noir. Ainsi, la grande lettre « k » occuperait une position dominante dans ce signe et les éléments de taille plus petite « k » et « water », sans être négligeables, seraient secondaires, « voire nettement secondaires » dans l’impression d’ensemble produite par celui‑ci. Par ailleurs, dès lors que le mot « water » serait un synonyme des mots « hydro » et « hydrate », qui désigneraient l’ingrédient de base utilisé pour fabriquer des produits destinés au traitement des cheveux, cet élément posséderait, tout au plus, un faible caractère distinctif par rapport aux produits concernés. Enfin, l’élément « k » de plus petite taille ne serait considéré que comme une répétition de la plus grande lettre « k ».

23      La requérante considère que la chambre de recours a commis plusieurs erreurs dans son appréciation de la perception du public pertinent de la marque demandée. Premièrement, la chambre de recours aurait décrit ce signe de manière incomplète, en omettant de constater que ses éléments verbaux étaient représentés en couleur rose-gris. Deuxièmement, la chambre de recours n’aurait pas apprécié correctement l’importance des éléments verbaux « k water », en les négligeant complètement dans son analyse. Troisièmement, contrairement à la chambre de recours, il conviendrait d’apprécier le caractère distinctif de la combinaison « k water » dans son ensemble et non pas des éléments « k » et « water » pris isolément. Or, la combinaison « k water », écrite en lettres majuscules, clairement visible et audible, serait très distinctive pour les produits concernés de la classe 3, de sorte qu’elle aurait dû être considérée comme co-dominante. Quatrièmement, la requérante estime que la chambre de recours a erronément fait valoir que le mot « water » avait, tout au plus, un faible caractère distinctif. En effet, il serait notoire que, à présent, les produits de soins capillaires seraient développés, et même promus, comme des produits anhydres et que l’eau ne serait nullement l’ingrédient de base de ceux-ci.

24      L’EUIPO concède que la chambre de recours n’a pas mentionné la couleur gris‑rose des éléments verbaux de la marque demandée. Il considère, toutefois, que cette couleur est à peine perceptible et que la requérante n’avance aucun argument tendant à démontrer que l’utilisation de ladite couleur serait distinctive ou importante dans l’impression d’ensemble produite par la marque demandée. Ensuite, selon l’EUIPO, la chambre de recours a correctement considéré que l’élément « water » avait un caractère faiblement distinctif, dans la mesure où il était notoire que l’eau était un ingrédient de base utilisé pour le traitement des cheveux. Enfin, l’EUIPO estime que la chambre de recours a correctement relevé que, en raison de sa taille, de sa position et de ses qualités intrinsèques, l’élément « k water » avait une importance secondaire par rapport à la grande lettre « k ».

25      L’intervenante vient, en substance, au soutien des arguments de l’EUIPO.

26      En l’espèce, premièrement, il convient de relever que la marque demandée est composée d’une lettre « k », légèrement stylisée, écrite en caractères gras de grande taille, en dessous de laquelle figurent, dans une taille plus petite, les éléments verbaux « k water », en lettres majuscules standard, l’ensemble de ces éléments étant représentés sur un fond carré noir. Il n’est pas contesté par les parties que le fond carré noir n’est qu’un élément purement décoratif.

27      À cet égard, il convient de constater, à l’instar de la chambre de recours, que la lettre « k » figurant dans la partie supérieure de la marque demandée est, de par sa taille, l’élément dominant de ce signe. En revanche, l’analyse de la chambre de recours des éléments verbaux « k water » ne saurait être approuvée. Ces éléments, figurant dans la partie inférieure du signe en cause, et écrits en lettres majuscules de taille, certes, plus petite, mais tout de même suffisamment grande pour les rendre nettement remarquables et parfaitement lisibles, occupent une partie importante et notable du signe. Ainsi, du fait de leur taille, de leur police et de leur positionnement, ils sont mis en exergue dans la structure de celui-ci. Dès lors, bien que ces éléments puissent être qualifiés de secondaires par rapport à l’élément dominant, leur importance ne saurait être réduite jusqu’au point de les rendre, en réalité, négligeables et d’examiner la similitude des signes sur la seule base de leurs éléments dominants.

28      Or, la chambre de recours a, en substance, négligé l’importance des éléments verbaux « k water » de la marque demandée. En effet, en substance, lors de la comparaison visuelle et conceptuelle des marques en conflit, elle a omis de tenir compte de la présence de ces éléments verbaux (voir points 31 à 40 et 46 à 50 ci-après). Ainsi, au regard de la jurisprudence citée au point 19 ci-dessus, la chambre de recours ne pouvait limiter son appréciation de la similitude des marques en conflit à la comparaison de la seule grande lettre « k » de ce signe avec la marque antérieure.

29      Deuxièmement, il convient de relever, à l’instar de la requérante, que le caractère distinctif des éléments verbaux « k water » doit être apprécié sur la base de cette combinaison, prise ensemble, et non pas en la scindant artificiellement en deux éléments isolés, à savoir, d’une part, l’élément « k » et, d’autre part, l’élément « water », comme l’a fait la chambre de recours. En effet, de par leur positionnement sur la même ligne dans la partie inférieure de la marque demandée, de leur taille égale et de leur séquence graphique, ces éléments apparaissent comme un tout et ne sauraient être artificiellement scindés en deux (voir, en ce sens, arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35). Or, bien que le public pertinent associera vraisemblablement ces éléments au concept de l’eau, la combinaison « k water » n’a pas, en tant que telle, de signification claire et précise pour ce public, de sorte qu’elle revêt une qualité fantaisiste, voire frappante, comme le soutient à juste titre la requérante. Partant, la chambre de recours a considéré à tort que les éléments verbaux « k water » possédaient tout au plus, un faible caractère distinctif, voire aucun caractère distinctif.

30      Troisièmement, la requérante soutient à juste titre que la chambre de recours a ignoré le fait que les éléments verbaux de la marque demandée étaient représentés en couleur rose-gris. En effet, la chambre de recours a erronément affirmé, au point 41 de la décision attaquée, que l’impression d’ensemble des marques en conflit, susceptible d’être mémorisée par le public pertinent, était largement déterminée par le souvenir qu’il avait d’une lettre majuscule blanche « k » à l’intérieur d’un carré noir. Or, contrairement à ce que fait valoir l’EUIPO, cette erreur n’est pas dépourvue d’incidence, puisqu’il s’agit d’un élément qui différencie les marques en conflit, de sorte que l’examen par la chambre de recours de la marque demandée s’avère incomplet à cet égard également.

 Sur la comparaison visuelle

31      La chambre de recours a considéré, aux points 31 et 32 de la décision attaquée, que les marques en conflit étaient similaires sur le plan visuel à un degré moyen, au motif que la lettre majuscule « K », bien que rédigée dans une police de caractères différente, était l’élément dominant des signes en question, placée sur un simple fond noir en forme de boîte, ce qui leur donnait le même « dynamisme ». Ainsi, dès lors que l’impression d’ensemble des marques en conflit était déterminée par ces éléments, leurs différences stylistiques, d’importance mineure, ne parvenaient pas à dissiper totalement l’impression de similitude visuelle entre elles.

32      La requérante fait valoir que la chambre de recours a procédé à la comparaison visuelle des marques en conflit sur la base d’une description incomplète de celles-ci. En effet, elle aurait omis de prendre en compte les éléments verbaux « k water » de la marque demandée. De même, cette chambre n’aurait pas apprécié correctement l’incidence des différences graphiques des marques en conflit, à savoir le style rectiligne, anguleux, en caractère gras et moderniste de la marque demandée par rapport au style manuscrit curviligne, en italique et comportant un effet de double ligne de la marque antérieure. La chambre de recours n’aurait pas non plus pris en compte la différence de couleur des lettres et des mots, à savoir blanc dans la marque antérieure et rose gris dans la marque demandée. Enfin, le fond noir ou le carré noir dans les marques en conflit seraient courants pour les produits de la classe 3 et seraient dénués, par conséquent, de caractère distinctif.

33      L’EUIPO et l’intervenante font valoir le rôle mineur des différences dans la police, la couleur, la stylisation et le fond des marques en conflit, au motif que le public pertinent se concentrera avant tout sur les éléments verbaux de celles-ci. Ils considèrent que la chambre de recours a, à juste titre, fondé la comparaison visuelle entre ces signes en se focalisant sur la grande lettre « k » de ceux-ci.

34      Il convient de rappeler, premièrement, que la chambre de recours a omis de prendre en considération l’incidence, sur le plan visuel, des éléments verbaux « k water » de la marque demandée.

35      Deuxièmement, la chambre de recours a apprécié erronément les différences dans la stylisation des marques en conflit. À cet égard, elle s’est bornée à affirmer, au point 31 de la décision attaquée, que les « différences stylistiques » – sans les décrire et sans les identifier – étaient « d’importance mineure ». Toutefois, la lettre « k » de la marque antérieure, hautement stylisée, se présente en écriture calligraphique, avec un effet de doubles lignes fines blanches courbées divisant l’intérieur de cette lettre en couleurs noir et blanc, alors que la lettre « k » de la marque demandée est représentée en caractères rectilignes, anguleux, gras et de couleur rose-gris.

36      Partant, à l’instar de la requérante, force est de constater que ces différences de graphisme et de stylisation ne sont pas mineures, mais clairement perceptibles sur le plan visuel. Tel est d’autant plus le cas qu’il s’agit d’éléments très courts, qui sont constitués d’une seule lettre, de sorte que le public pertinent est plus à même de percevoir aisément de telles différences [voir, en ce sens, arrêts du 23 septembre 2009, Arcandor/OHMI – dm drogerie markt (S-HE), T‑391/06, non publié, EU:T:2009:348, point 41, et du 23 février 2022, Ancor Group/EUIPO – Cody’s Drinks International (CODE-X), T‑198/21, EU:T:2022:83, point 31].

37      De même, la stylisation et les arabesques de la lettre « k » de la marque antérieure lui octroient un aspect de mouvement ou de dynamisme qui est absent dans la marque demandée. Ainsi, contrairement au constat de la chambre de recours, les marques en conflit ne partagent pas le même dynamisme.

38      Troisièmement, ainsi qu’il ressort du point 31 ci-dessus, la chambre de recours a omis de tenir compte de la différence des couleurs des éléments verbaux des marques en conflit.

39      Enfin, quant au même fond noir rectangulaire figurant dans les deux marques en conflit, il convient d’observer qu’un tel fond noir standard est souvent utilisé dans la vie des affaires dans le but de faire ressortir les lettres écrites en couleurs plus claires, de sorte que cet élément est purement décoratif, ce que les parties ne contestent pas.

40      Par conséquent, si les marques en conflit se ressemblent, certes, en ce qu’elles comportent une grande lettre « k », elles se distinguent pourtant, d’une part, par le graphisme et la stylisation différents de cette même lettre et, d’autre part, par la présence visible des éléments verbaux « k water » uniquement dans la marque demandée, ainsi que par les différentes couleurs de leurs éléments verbaux. Dans ces circonstances, la similitude visuelle entre celles-ci doit être considérée comme faible. Le fait qu’elles comportent, en outre, un fond noir en forme de boîte, purement décoratif, ne change pas cette conclusion.

 Sur la comparaison phonétique

41      La chambre de recours a considéré, au point 33 de la décision attaquée, qu’il était probable qu’au moins une partie importante du public pertinent ne prononcerait pas la lettre supplémentaire « k », ni le mot « water » de la marque demandée. En outre, selon la chambre de recours, à supposer que tous les éléments verbaux de ce signe fussent prononcés, les marques en conflit coïncideraient dans le son de la lettre forte « k », tandis qu’ils diffèreraient par la lettre supplémentaire « k » et le mot « water » de la marque demandée. Ainsi, les marques en conflit seraient, « à tout le moins », faiblement similaires sur le plan phonétique.

42      La requérante considère que les marques en conflit sont différentes sur le plan phonétique, puisque la marque demandée sera prononcée en trois ou en quatre syllabes, alors que la marque antérieure sera prononcée en une seule syllabe. Elle considère, à titre subsidiaire, que les marques en conflit ont « la plus faible » similitude phonétique.

43      L’EUIPO et l’intervenante considèrent que l’appréciation de la chambre de recours est exempte d’erreur.

44      Il y a lieu de constater que la chambre de recours a sous-estimé l’incidence, sur le plan phonétique, des éléments « k water » de la marque demandée, en considérant qu’une partie importante du public pertinent ne les prononcerait probablement pas. Or, ainsi qu’il a été relevé ci-dessus, ces éléments sont clairement perceptibles, de sorte que, comme le soutient la requérante, le public pertinent prononcera la marque demandée soit en trois soit en quatre syllabes. Cette prononciation a une sonorité et une longueur très différentes de celles résultant de la prononciation de la marque antérieure, constituée d’une seule lettre « k » isolée.

45      Partant, sur le plan phonétique, les marques en conflit ne sauraient être considérées comme étant similaires qu’à un degré faible.

 Sur la comparaison conceptuelle

46      La chambre de recours a conclu, en substance, aux points 34 à 38 de la décision attaquée, que la comparaison conceptuelle des marques en conflit était neutre, dans la mesure où la lettre « k » ne possédait aucune signification au regard des produits visés compris dans la classe 3, de sorte qu’aucun concept ne saurait y être associé.

47      La requérante ne conteste pas en tant que telle la conclusion de la chambre de recours. Elle précise pourtant que le mot « water », qui a un sens dans le cas d’espèce, est un facteur de différenciation supplémentaire entre les marques en conflit.

48      L’EUIPO ne prend pas position sur ce point et l’intervenante déclare être d’accord avec l’appréciation de la chambre de recours.

49      À cet égard, d’une part, indépendamment de la question de savoir si et dans quelles conditions une lettre isolée de l’alphabet peut véhiculer un concept, il convient de constater que, en l’espèce, il n’a pas été démontré que la lettre majuscule « K » avait une signification particulière dans l’une des langues de l’Union et les parties n’ont d’ailleurs pas indiqué quel serait, en l’espèce, le concept véhiculé par cette lettre [voir, par analogie, arrêt du 7 octobre 2014, Tifosi Optics/OHMI – Tom Tailor (T), T‑531/12, non publié, EU:T:2014:855, point 81]. Par conséquent, la chambre de recours a considéré à bon escient qu’aucun concept ne saurait être associé à ladite lettre.

50      D’autre part, force est de constater, à l’instar de la requérante, que la chambre de recours a ignoré, là encore, la présence des éléments « k water » dans la marque demandée. En effet, elle a limité son appréciation sur le plan conceptuel des marques en conflit à la seule lettre « k », commune à celles-ci. Or, le public pertinent associera vraisemblablement la combinaison « k water » au concept d’eau.

51      Partant, dans la mesure où la marque antérieure ne véhicule aucune signification particulière, tandis que la marque demandée sera associée au concept d’eau, il convient de considérer que les marques en conflit sont différentes sur le plan conceptuel.

 Sur le caractère distinctif de la marque antérieure

52      La chambre de recours a relevé, au point 39 de la décision attaquée, que la marque antérieure, laquelle était dépourvue de signification par rapport aux produits en cause, possédait un caractère distinctif normal du point de vue du public pertinent.

53      Selon la requérante, une lettre unique ne possède qu’un caractère distinctif faible, voire très faible, ainsi que cela a pu être jugé au point 44 de l’arrêt du 16 décembre 2015, CareAbout/OHMI – Florido Rodríguez (Kerashot) (T‑356/14, non publié, EU:T:2015:978). Ainsi, en l’espèce, ce serait seulement le style très particulier de la lettre « k » de la marque antérieure qui lui conférerait un caractère distinctif « minimum ».

54      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

55      À cet égard, il y a lieu de rappeler que le législateur a explicitement inclus les signes composés d’une lettre dans la liste de signes pouvant constituer une marque de l’Union européenne, figurant à l’article 4 du règlement 2017/1001, et que les articles 7 et 8 de ce règlement, relatifs aux refus d’enregistrement, ne prévoient pas de règles spécifiques pour les signes composés d’une lettre. Ainsi, une lettre est, en soi, susceptible de conférer à une marque un caractère distinctif [voir, en ce sens, arrêts du 11 octobre 2016, Perry Ellis International Group/EUIPO – CG (p), T‑350/15, non publié, EU:T:2016:602, points 56 et 60, et du 10 juin 2020, eSky Group IP/EUIPO – Gröpel (e), T‑646/19, non publié, EU:T:2020:253, points 45 et 50].

56      Selon la jurisprudence, un signe constitué d’une seule lettre serait doté d’un minimum de caractère distinctif ou d’un faible, voire très faible, caractère distinctif, lorsque ladite lettre n’est pas stylisée ou uniquement légèrement stylisée ou encore lorsque les autres éléments figuratifs du signe en cause ne sont pas frappants [voir, en ce sens, arrêts du 16 décembre 2015, Kerashot, T‑356/14, non publié, EU:T:2015:978, point 44 et jurisprudence citée, et du 20 juillet 2017, Diesel/EUIPO – Sprinter megacentros del deporte (Représentation d’une ligne incurvée et coudée), T‑521/15, non publié, EU:T:2017:536, points 60 et 61]. En revanche, lorsqu’un signe est constitué d’une lettre hautement stylisée ou accompagnée d’autres éléments figuratifs relativement travaillés, ce signe peut se voir reconnaître un caractère distinctif normal [voir, en ce sens, arrêts du 10 juin 2020, e, T‑646/19, non publié, EU:T:2020:253, points 45 et 50, et du 25 juin 2020, Pavel/EUIPO – bugatti (B), T‑114/19, non publié, EU:T:2020:286, point 96].

57      En l’espèce, le Tribunal considère que la marque antérieure possède un caractère distinctif intrinsèque normal, compte tenu de l’absence de signification de celle-ci par rapport aux produits qu’elle désigne et de la haute stylisation de la lettre « k », se présentant en écriture calligraphique, avec un effet de doubles lignes fines blanches courbées divisant l’intérieur de cette lettre en noir et blanc.

 Sur le risque de confusion

58      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

59      En l’espèce, la chambre de recours a conclu, en substance, aux points 40 à 48 de la décision attaquée, qu’un risque de confusion ne pouvait pas être exclu pour le public pertinent faisant preuve d’un degré d’attention moyen, compte tenu de l’identité des produits, de la similitude moyenne sur le plan visuel, qui revêtait une importance plus grande en l’espèce au vu des conditions de commercialisation des produits en cause, et faible sur le plan phonétique, ainsi que du caractère distinctif normal de la marque antérieure.

60      La requérante conteste cette conclusion. Elle fait valoir, à titre principal, qu’il n’existe pas de risque de confusion, puisque les marques en conflit sont différentes. Elle soutient, subsidiairement, que, si l’aspect visuel doit être considéré comme ayant un poids relativement plus grand en raison des modalités de commercialisation des produits en cause, les différences visuelles entre lesdits signes devront être considérées comme suffisantes pour permettre au public pertinent de distinguer l’origine commerciale des produits revêtus de ceux-ci.

61      L’EUIPO et l’intervenante considèrent que la chambre de recours a correctement apprécié le risque de confusion en prenant en compte tous les facteurs pertinents.

62      En l’espèce, les produits en cause sont identiques, tandis que les marques en conflit présentent un faible degré de similitude visuelle et phonétique et sont différentes sur le plan conceptuel.

63      Les parties conviennent que la comparaison visuelle revêt, en l’espèce, une importance particulière, eu égard aux modalités de commercialisation des produits en cause, car ils sont généralement achetés en libre-service et le consommateur a l’occasion d’inspecter visuellement le produit. Ainsi, les différences importantes que comportent les marques en conflit, notamment sur le plan visuel, relevées au point 40 ci-dessus, excluent que les consommateurs puissent penser que les produits en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement lorsqu’ils sont vendus sous couvert desdites marques [voir, en ce sens, arrêt du 3 juin 2015, Giovanni Cosmetics/OHMI – Vasconcelos & Gonçalves (GIOVANNI GALLI), T‑559/13, EU:T:2015:353, point 133 (non publié)].

64      Par ailleurs, s’agissant, comme en l’espèce, de signes courts et eu égard à la jurisprudence citée au point 36 ci-dessus, le public pertinent, qui fait preuve d’un degré d’attention moyen, sera à même de remarquer plus nettement les différences susmentionnées entre les marques en conflit.

65      Cette conclusion est corroborée par le degré faible de similitude phonétique entre les marques en conflit et par leur différence sur le plan conceptuel.

66      En outre, si le caractère distinctif de la marque antérieure doit être pris en compte pour apprécier le risque de confusion, il ne s’agit que d’un élément parmi d’autres intervenant lors de cette appréciation [voir, en ce sens, arrêt du 20 octobre 2016, Clover Canyon/EUIPO – Kaipa Sportswear (CLOVER CANYON), T‑693/15, non publié, EU:T:2016:620, point 55]. En l’espèce, le caractère distinctif normal de la marque antérieure ne suffit pas pour conclure à l’existence d’un risque de confusion, compte tenu des différences notables entre les marques en conflit sur les plans visuel, phonétique et conceptuel.

67      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le principe d’interdépendance ne devrait pas être appliqué de manière mécanique. En effet, une application mécanique du principe d’interdépendance ne permet pas d’aboutir à une appréciation globale correcte du risque de confusion [voir, en ce sens, arrêt du 27 juin 2019, Sandrone/EUIPO – J. García Carrión (Luciano Sandrone), T‑268/18, EU:T:2019:452, point 95]. Ainsi, en particulier, rien ne s’oppose à constater que, eu égard aux circonstances d’un cas d’espèce, il n’existe pas de risque de confusion, même en présence de produits identiques et d’un faible degré de similitude entre les marques en conflit [voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2020, Laboratorios Ern/EUIPO – Bio-tec Biologische Naturverpackungen (BIOPLAST BIOPLASTICS FOR A BETTER LIFE), T‑2/20, non publié, EU:T:2020:493, point 79].

68      Par ailleurs, une conclusion revenant à reconnaître l’existence d’un risque de confusion entre deux signes, l’un composé principalement d’une lettre majuscule unique hautement stylisée et l’autre composé de la même lettre majuscule, mais écrite dans une stylisation très différente et combinée avec d’autres éléments verbaux, reviendrait de facto à octroyer un monopole sur une lettre majuscule de l’alphabet pour une gamme de produits déterminée. Le Tribunal a déjà eu l’occasion d’évaluer ce risque, en soulignant que l’opposition formée sur la base d’un signe constitué d’une seule lettre vise à empêcher l’enregistrement d’une marque susceptible de créer un risque de confusion avec une marque antérieure, « notamment en raison de sa similitude stylistique ». En revanche, selon le Tribunal, une telle opposition ne vise pas à empêcher l’enregistrement d’une marque en raison du fait qu’elle représente la même lettre majuscule, ni à empêcher l’enregistrement de toutes les autres marques consistant en une telle lettre (voir, en ce sens, arrêt du 20 juillet 2017, Représentation d’une ligne incurvée et coudée, T‑521/15, non publié, EU:T:2017:536, point 72).

69      Ainsi, au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de considérer que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en concluant à l’existence d’un risque de confusion.

70      Partant, et sans qu’il soit nécessaire d’examiner les griefs de la requérante tirés d’un défaut de motivation de la décision attaquée, il convient d’accueillir le moyen unique soulevé par la requérante et, par voie de conséquence, d’annuler la décision attaquée.

 Sur les dépens

71      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

72      Aux termes de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut décider qu’un intervenant autre que ceux mentionnés aux paragraphes 1 et 2 de cet article supporte ses propres dépens.

73      En vertu de l’article 190, paragraphe 2, du règlement de procédure, les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables.

74      L’EUIPO ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la requérante, y compris aux fins de la procédure devant la chambre de recours, conformément aux conclusions de la requérante.

75      Il y a lieu par ailleurs de condamner l’intervenante à supporter ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 21 juin 2021 (affaire R 2327/2020-2) est annulée.

2)      L’EUIPO supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par L’Oréal, y compris aux fins de la procédure devant la chambre de recours.

3)      M. Arne-Patrik Heinze supportera ses propres dépens.

Kornezov

Kowalik-Bańczyk

Petrlík

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 novembre 2022 .

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.