Language of document : ECLI:EU:T:2022:710

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

16 novembre 2022 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne figurative EPSILON TECHNOLOGIES – Usage sérieux de la marque – Article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), et article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 – Nature de l’usage – Forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif – Usage pour les services pour lesquels la marque a été enregistrée »

Dans l’affaire T‑512/21,

Epsilon Data Management LLC, établie à Plano, Texas (États-Unis), représentée par Mes J. Bussé et C. De Preter, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. I. Harrington, D. Gája et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Epsilon Technologies, SL, établie à Madrid (Espagne), représentée par Mes J. Carbonell Callicó et E. Felip Corrius, avocats,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé, lors des délibérations, de Mme V. Tomljenović, présidente, MM. F. Schalin et D. Kukovec (rapporteur), juges,

greffier : M. G. Mitrev, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 11 juillet 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Epsilon Data Management LLC, demande l’annulation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 1er juin 2021 (affaires jointes R 1611/2020‑5 et R 1839/2020‑5) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 26 février 2010, l’intervenante, Epsilon Technologies, SL, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’EUIPO, en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

3        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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4        Les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 35 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Services de réalisation d’études de marché, communication d’entreprises en rapport avec la direction des affaires ; services de publicité, gestion de marchés par voie télématique ; services de conseils pour la direction des marchés : services de promotion des ventes ; conseils à des particuliers et entreprises pour l’évaluation des aptitudes et capacités professionnelles du personnel ; sélection du personnel par procédés psychotechniques ; services pour l’évaluation d’aptitudes et de compétences professionnelles du personnel pour la conception et la réalisation de services d’externalisation (sous-traitance) de services ; consultation pour la direction des affaires ».

5        Le 18 août 2010, ladite marque a été enregistrée en tant que marque de l’Union européenne sous le numéro 008914855. Cet enregistrement a été publié au Bulletin des marques communautaires no 2010/156, du 23 août 2010.

6        Le 23 mai 2019, la requérante, Epsilon Data Management LLC, a présenté auprès de l’EUIPO une demande en déchéance, sur le fondement de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, au motif que ladite marque n’avait pas fait l’objet d’un usage sérieux pendant une période ininterrompue de cinq ans. Cette demande concernait l’ensemble des services visés au point 4 ci-dessus.

7        Le 15 juillet 2020, la division d’annulation a prononcé la déchéance partielle de la marque contestée pour les services suivants relevant de la classe 35 : « Services de publicité, gestion de marchés par voie télématique ; services de conseils pour la direction des marchés : services de promotion des ventes ; conseils à des particuliers et entreprises pour l’évaluation des aptitudes et capacités professionnelles du personnel ; sélection du personnel par procédés psychotechniques ; services pour l’évaluation d’aptitudes et de compétences professionnelles du personnel pour la conception et la réalisation de services d’externalisation (sous-traitance) de services ».

8        Le 3 août 2020, l’intervenante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’annulation, dans la mesure où la déchéance de la marque contestée avait été prononcée pour les services visés au point 7 ci-dessus.

9        Le 15 septembre 2020, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’annulation, dans la mesure où cette dernière n’avait pas accueilli en totalité la demande en déchéance.

10      Par la décision attaquée, la chambre de recours a, premièrement, joint les deux recours mentionnés aux points 8 et 9 ci-dessus, deuxièmement, partiellement accueilli le recours de l’intervenante et annulé la décision de la division d’annulation en ce qu’elle avait prononcé la déchéance de la marque contestée pour les services suivants de la classe 35 : « Gestion de marchés par voie télématique ; services de conseils pour la direction des marchés : services de promotion des ventes » et, troisièmement, rejeté le recours de la requérante.

11      Tout d’abord, la chambre de recours a considéré que la forme sous laquelle la marque contestée était utilisée n’altérait pas son caractère distinctif, au sens de l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001. À cet égard, la chambre de recours s’est appuyée sur l’usage par l’intervenante du signe figuratif suivant, qui, par ailleurs, est également enregistré par cette dernière en tant que marque de l’Union européenne figurative sous le numéro 11910213 :

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12      Ensuite, la chambre de recours a constaté que l’usage de la marque contestée avait été démontré pour les services suivants relevant de la classe 35 : « Services de réalisation d’études de marché, communication d’entreprises en rapport avec la direction des affaires ; gestion de marchés par voie télématique ; services de conseils pour la direction des marchés : services de promotion des ventes ; consultation pour la direction des affaires ». S’agissant de ces services, ladite chambre a conclu que les éléments de preuve, considérés dans leur ensemble, suffisaient à démontrer que la marque contestée a fait l’objet d’un usage sérieux au cours de la période pertinente sur le territoire pertinent pour lesdits services.

13      Enfin, la chambre de recours a considéré que l’intervenante n’avait pas apporté la preuve de l’usage sérieux de la marque contestée pour les services suivants relevant de la classe 35 : « Services de publicité ; conseils à des particuliers et entreprises pour l’évaluation des aptitudes et capacités professionnelles du personnel ; sélection du personnel par procédés psychotechniques ; services pour l’évaluation d’aptitudes et de compétences professionnelles du personnel pour la conception et la réalisation de services d’externalisation (sous-traitance) de services ». Partant, elle a constaté que la déchéance de la marque contestée devait être prononcée pour ces services.

 Conclusions des parties

14      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        prononcer la déchéance de la marque contestée en raison de son non-usage ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

15      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

16      À l’appui de son recours en annulation, la requérante invoque un moyen unique, tiré, en substance, de la violation de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, qui s’articule en deux branches. Dans le cadre de la première branche, elle soutient que la marque contestée n’a pas été utilisée sous sa forme enregistrée. La seconde branche est tirée de l’absence de preuve démontrant l’usage de la marque contestée pour tous les services pour lesquels la chambre de recours a constaté l’usage sérieux de ladite marque.

17      Aux termes de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, le titulaire d’une marque de l’Union européenne est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l’EUIPO ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon, si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union européenne pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et s’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage.

18      L’article 10, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1), applicable aux procédures de déchéance en vertu de l’article 19, paragraphe 1, du même règlement prévoit notamment que la preuve de l’usage d’une marque doit porter sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque.

19      Au cas de l’espèce, dans la mesure où le lieu, la durée et l’importance de l’usage ne sont pas contestés dans le cadre du présent litige, il y a lieu d’analyser les arguments avancés par les parties en ce que ceux-ci portent sur la nature de l’usage de la marque contestée, à savoir, d’une part, sur l’usage de la marque sous une forme qui diffère de la marque contestée telle qu’elle a été enregistrée (première branche du moyen unique), et, d’autre part, sur l’usage de la marque contestée en rapport avec les services couverts par celle-ci (seconde branche du moyen unique).

 Sur la première branche du moyen unique, tirée du défaut d’usage de la marque contestée sous sa forme enregistrée

20      Dans le cadre de la première branche du moyen unique, la requérante fait valoir, en substance, que l’usage de la marque contestée n’a pas été démontré, car les preuves produites à cet égard concernaient des usages d’un signe qui altéraient le caractère distinctif de ladite marque.

21      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

22      Conformément à l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001, constitue un usage de la marque de l’Union européenne un usage sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée, que la marque soit ou non également enregistrée sous la forme utilisée au nom du titulaire.

23      Selon la jurisprudence, l’objet de l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001, qui évite d’imposer une conformité stricte entre la forme utilisée de la marque et celle sous laquelle la marque a été enregistrée, est de permettre au titulaire de cette dernière d’apporter au signe, à l’occasion de son exploitation commerciale, les variations qui, sans en modifier le caractère distinctif, permettent de mieux l’adapter aux exigences de commercialisation et de promotion des produits ou des services concernés. Dans de pareilles situations, lorsque le signe utilisé dans le commerce diffère de la forme sous laquelle celui-ci a été enregistré uniquement par des éléments négligeables, de sorte que les deux signes peuvent être considérés comme globalement équivalents, la disposition susvisée prévoit que l’obligation d’usage de la marque enregistrée peut être remplie en rapportant la preuve de l’usage du signe qui en constitue la forme utilisée dans le commerce [voir arrêt du 27 février 2014, Lidl Stiftung/OHMI – Lídl Music (LIDL), T‑226/12, non publié, EU:T:2014:98, point 49 et jurisprudence citée].

24      En l’espèce, il y a donc lieu d’examiner si les différences entre le signe utilisé sur le marché, tel que représenté au point 11 ci-dessus, et la marque contestée, sous sa forme enregistrée, altèrent le caractère distinctif de cette dernière.

25      À cet égard, en premier lieu, il convient d’examiner le caractère distinctif et dominant des éléments qui constituent la marque contestée, telle qu’elle a été enregistrée [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 10 juin 2010, Atlas Transport/OHMI – Hartmann (ATLAS TRANSPORT), T‑482/08, non publié, EU:T:2010:229, point 31 et jurisprudence citée].

26      La marque contestée telle qu’enregistrée est composée d’éléments verbaux écrits en orange ainsi que d’éléments figuratifs. S’agissant des éléments verbaux, ladite marque contient, d’une part, l’élément verbal « epsilon » dont la première lettre « e » est stylisée en la remplaçant par la lettre grecque « ɛ », et, d’autre part, l’élément verbal « technologies » qui est de taille plus petite par rapport audit élément verbal « epsilon ». Les deux éléments verbaux sont divisés verticalement sur trois lignes et écrits dans une police standard. S’agissant des éléments figuratifs, la marque contestée contient un élément représentant un cœur rempli de motifs décoratifs orange et blanc entre deux crochets qui, selon la requérante, présenteraient une structure semblable à un cerveau (ci-après le « cœur entre deux crochets »). Ladite marque possède également deux lignes horizontales orange qui s’estompent, l’une en haut et l’autre en bas du signe (ci-après les « lignes horizontales »).

27      Il convient d’emblée de rappeler que, selon la jurisprudence, lorsqu’une marque est composée d’éléments verbaux et d’éléments figuratifs, les premiers sont, en principe, plus distinctifs que les seconds, car le consommateur moyen fera plus facilement référence aux produits ou aux services en cause en citant les éléments verbaux qu’en décrivant les éléments figuratifs de cette marque [voir arrêt du 24 octobre 2019, ZPC Flis/EUIPO – Aldi Einkauf (Happy Moreno choco), T‑498/18, EU:T:2019:763, point 78 et jurisprudence citée].

28      Ainsi, s’agissant des éléments figuratifs de la marque contestée, à savoir, la représentation du cœur entre deux crochets et les lignes horizontales, ils sont, en principe, moins distinctifs que les éléments verbaux de ladite marque, en vertu de la jurisprudence citée au point précédent. En particulier, ces éléments sont de nature purement décorative et ne seront pas perçus par les consommateurs comme des éléments indiquant l’origine commerciale des services en cause.

29      De plus, malgré la taille comparativement importante de certains desdits éléments figuratifs, il y a lieu de considérer, à l’instar de la chambre de recours, qu’ils ont un impact visuel relativement marginal, car il ne sont pas frappants et ne présentent aucune originalité particulière.

30      Ces appréciations ne sauraient être remises en cause par l’argument de la requérante selon lequel l’élément figuratif représentant le cœur entre deux crochets possèderait un caractère distinctif, en raison de sa forme créative et originale ainsi que de l’absence de signification directe en rapport avec les services en cause.

31      Quand bien même les caractéristiques graphiques du cœur lui confèreraient, comme le soutient la requérante, une apparence proche de celle d’un cerveau, cet élément figuratif ne saurait être considéré comme différant substantiellement d’une simple représentation d’un cœur. Il ressort de la jurisprudence qu’un élément représentant un cœur est communément utilisé dans le langage publicitaire pour exprimer un attachement particulier et qu’il est dépourvu de caractère distinctif [arrêt du 7 novembre 2019, Local-e-motion/EUIPO – Volkswagen (WE), T‑568/18, non publié, EU:T:2019:783, point 55]. Partant, ainsi qu’il est soutenu par l’EUIPO, cet élément figuratif sera compris par les consommateurs comme une simple décoration ou, tout au plus, comme une allusion à l’amour ou une appréciation affectueuse démontrant un caractère laudatif dudit élément par rapport aux services en cause. Il s’ensuit que cet élément ne peut pas être considéré comme étant distinctif.

32      La chambre de recours a donc constaté, à juste titre, que le caractère distinctif de la marque contestée ne découle pas essentiellement desdits éléments figuratifs, à savoir, la représentation du cœur entre deux crochets ainsi que les lignes horizontales.

33      S’agissant des éléments verbaux de la marque contestée, d’une part, ainsi que le suggère l’EUIPO dans son mémoire en défense, le mot « epsilon » sera compris par les consommateurs comme signifiant la cinquième lettre de l’alphabet grec, ce qui est également souligné par l’utilisation de cette lettre grecque comme première lettre dudit élément. Cet élément ne décrit aucunement les services pour lesquels la marque contestée a été enregistrée et doit, partant, être considéré comme étant distinctif.

34      D’autre part, en ce qui concerne l’élément verbal « technologies », il y a lieu de constater que les consommateurs de l’Union comprendront cet élément comme un mot appartenant au vocabulaire de base de la langue anglaise. De plus, conformément à la jurisprudence, l’élément verbal « technologies » a un caractère générique [voir, en ce sens, arrêt du 30 novembre 2009, Esber/OHMI – Coloris Global Coloring Concept (COLORIS), T‑353/07, non publié, EU:T:2009:475, point 35]. Ainsi, il y a lieu de considérer que cet élément n’est pas en soi en mesure d’affecter le caractère distinctif de la marque contestée.

35      En outre, en raison de sa position et de sa taille, l’élément verbal « epsilon » domine l’impression d’ensemble de la marque contestée, alors que l’élément verbal « technologies » occupe une position secondaire.

36      Ainsi, force est de conclure que la marque contestée tire son caractère distinctif essentiellement de son élément verbal « epsilon », qui, d’ailleurs, présente un caractère dominant.

37      En second lieu, il convient d’examiner, eu égard aux qualités intrinsèques des éléments de la marque contestée, telles que constatées aux points 28 à 36 ci-dessus, si les différences entre le signe utilisé et la marque contestée sont susceptibles d’altérer le caractère distinctif de cette dernière.

38      À cet égard, il y a lieu de constater, d’abord, que le signe utilisé diffère de la marque contestée par la disposition des lettres, l’utilisation de minuscules dans une police standard au lieu de majuscules dans une police standard, la couleur de l’élément verbal « technologies » et l’omission des éléments figuratifs représentant le cœur entre deux crochets ainsi que les lignes horizontales. En revanche, les deux signes en cause conservent les éléments verbaux « epsilon » et « technologies ». De plus, dans ces deux signes, l’élément verbal « epsilon » est de la même couleur orange et sa première lettre « e » est stylisée en la remplaçant par une lettre grecque « ɛ ».

39      Dans ce contexte, il y a lieu de constater que les différences entre la marque contestée et la forme sous laquelle elle a été utilisée reposent, premièrement, sur les éléments figuratifs qui, ainsi qu’il a été constaté aux points 28 à 36 ci-dessus, ne sont pas considérés comme étant les éléments les plus distinctifs et dominants de la marque contestée. Au contraire, ces éléments seront perçus par les consommateurs comme des différences négligeables des signes en cause.

40      Deuxièmement, les différences qui reposent sur les éléments verbaux et consistent en leur orientation différente, l’utilisation de lettres majuscules ou minuscules ainsi que dans l’utilisation d’une couleur différente pour l’élément verbal « technologies » ne changent pas la représentation de ces éléments d’une manière significative, surtout au regard des similitudes de cette présentation. À cet égard, il y a lieu de souligner, d’une part, que dans la marque contestée ainsi que dans le signe utilisé, l’élément dominant et le plus distinctif, à savoir, l’élément verbal « epsilon » est de la même couleur orange, tandis que sa première lettre « e » est stylisée en la remplaçant par une lettre grecque « ɛ ». En outre, toutes les autres lettres constituant les deux éléments verbaux sont écrites, dans les deux signes, dans une police standard. D’autre part, dès lors que le caractère distinctif de la marque contestée ne résulte pas essentiellement de l’élément verbal « technologies », les différences affectant sa représentation ne sont, en tout état de cause, pas déterminantes dans l’examen de l’altération du caractère distinctif de ladite marque.

41      Il s’ensuit que les différences entre la marque contestée et le signe utilisé reposent essentiellement sur les éléments qui ne sont pas les éléments dominants ou les plus distinctifs.

42      Selon la jurisprudence, lorsqu’une marque est constituée ou composée de plusieurs éléments et que l’un ou plusieurs d’entre eux ne sont pas distinctifs, l’altération de ces éléments ou leur omission n’est pas de nature à affecter le caractère distinctif de la marque dans son ensemble [voir arrêt du 21 janvier 2015, Sabores de Navarra/OHMI – Frutas Solano (KIT, EL SABOR DE NAVARRA), T‑46/13, non publié, EU:T:2015:39, point 37 et jurisprudence citée]. Partant, il y a lieu de considérer, dans le cas d’espèce, que les différences entre les deux signes en cause ne sont pas de nature à affecter le caractère distinctif de la marque contestée dans son ensemble.

43      Ainsi, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, le signe utilisé dans le commerce ne crée pas une impression d’ensemble significativement différente par rapport à la marque contestée. À cet égard, ne saurait également prospérer l’argument de la requérante selon lequel la forme verticale de la marque contestée contraste avec la forme horizontale du signe utilisé dans le commerce. Dès lors que les deux éléments verbaux « epsilon » et « technologies » restent aisément et immédiatement identifiables dans les deux signes en cause, leur position verticale ou horizontale n’a pas d’impact significatif sur l’impression d’ensemble produite par ces signes.

44      Il s’ensuit que la requérante soutient, à tort, que le signe tel qu’utilisé correspond à une simple stylisation des éléments verbaux « epsilon » et « technologies ». Au contraire, dès lors que le signe utilisé ne diffère pas significativement de la marque contestée, notamment en l’absence d’altération du caractère distinctif de cette dernière, l’usage du signe utilisé doit être regardé comme un usage de la marque au sens de l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement 2017/1001.

45      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les autres arguments de la requérante.

46      Premièrement, la requérante soutient que, dès lors que le signe utilisé correspondrait à une simple stylisation des mots « epsilon » et « technologies », l’étendue de la protection se limiterait donc à cette forme particulière, étant donné que, d’une part, l’intervenante ne possède pas de marque verbale constituée de ces deux mots, et, d’autre part, il existe plusieurs autres marques enregistrées pour les services relevant de la classe 35 qui comprennent le mot « epsilon ». Ainsi, selon la requérante, si l’usage du signe utilisé était considéré, en l’espèce, comme suffisant pour démontrer l’usage de la marque contestée, l’étendue de la protection des deux marques de l’intervenante, à savoir la marque contestée et la marque utilisée, engloberait toute autre variation stylisée des mots « epsilon » et « technologies », ce qui ne saurait être accepté.

47      À cet égard, il convient de souligner que, ainsi que cela a été constaté au point 44 ci-dessus, le signe utilisé n’est pas une simple stylisation des éléments verbaux « epsilon » et « technologies ». Dès lors que les arguments de la requérante visés au point précédent se basent sur cette prémisse erronée, ils ne sont pas fondés.

48      Deuxièmement, la requérante fait valoir que l’intervenante n’aurait pas eu à enregistrer une seconde marque de l’Union européenne représentant le signe utilisé si l’usage de ce signe constituait un usage de la marque contestée.

49      Il ressort de l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001 que, aux fins d’établir l’usage d’une marque, cette dernière peut être utilisée sous une forme modifiée qui n’altère pas son caractère distinctif, et ce indépendamment du fait que son titulaire a enregistré ou non cette forme modifiée en tant que marque.

50      Conformément à la jurisprudence de la Cour, la condition essentielle de l’usage sérieux d’une marque est que, en conséquence de cet usage, cette marque puisse désigner, dans l’esprit des milieux intéressés, les produits sur lesquels elle porte comme provenant d’une entreprise déterminée [voir, en ce sens, arrêt du 29 novembre 2018, Alcohol Countermeasure Systems (International)/EUIPO, C-340/17 P, non publié, EU:C:2018:965, point 59 et jurisprudence citée]. Or, la circonstance que le même signe a été utilisé au titre de la marque contestée ou au titre de la marque no 11910213 n’a pu créer aucune différence dans l’esprit des milieux intéressés quant au fait que la marque contestée désignait des services provenant de l’intervenante.

51      Ainsi, le fait que l’intervenante est titulaire d’une marque identique au signe utilisé doit être considéré comme dénué de pertinence aux fins de l’appréciation de l’usage sérieux de la marque contestée. Partant, l’argument en cause de la requérante doit être écarté comme inopérant.

52      Eu égard à ce qui précède, force est de constater que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant que la marque contestée a été utilisée sous une forme qui n’altère pas son caractère distinctif, au sens de l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001.

53      Dès lors, la première branche du moyen unique doit être écartée.

 Sur la seconde branche du moyen unique, tirée du défaut d’usage de la marque contestée pour les services couverts par celle-ci

54      Dans le cadre de la seconde branche du moyen unique, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir constaté que les preuves présentées par l’intervenante avaient démontré l’usage de la marque contestée pour tous les services suivants relevant de la classe 35 : « Services de réalisation d’études de marché, communication d’entreprises en rapport avec la direction des affaires ; gestion de marchés par voie télématique ; services de conseils pour la direction des marchés : services de promotion des ventes ; consultation pour la direction des affaires ».

55      L’EUIPO et l’intervenante réfutent les arguments de la requérante.

56      S’agissant, en premier lieu, des services suivants relevant de la classe 35 : « Services de réalisation d’études de marché, communication d’entreprises en rapport avec la direction des affaires ; gestion de marchés par voie télématique, consultation pour la direction des affaires », il y a lieu d’observer que, d’une part, la requérante se borne à contester, de façon générale, la conclusion de la chambre de recours selon laquelle l’usage sérieux de la marque contestée a été démontré pour lesdits services. Elle ne fait valoir aucun argument concret aux fins de démontrer en quoi exactement cette conclusion de la chambre de recours est erronée.

57      D’autre part, la requérante se borne à faire référence à son argumentation, sur le défaut d’usage de la marque contestée sous sa forme enregistrée, invoquée dans le cadre de la première branche du moyen unique. Ainsi que cela a été constaté au point 52 ci-dessus, cette argumentation de la requérante est erronée, car la marque contestée a été utilisée sous une forme qui n’altère pas son caractère distinctif.

58      Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter la seconde branche du moyen unique dans la mesure où la requérante conteste l’usage sérieux de la marque contestée pour les « services de réalisation d’études de marché, communication d’entreprises en rapport avec la direction des affaires ; gestion de marchés par voie télématique, consultation pour la direction des affaires ».

59      En second lieu, s’agissant des « services de conseils pour la direction des marchés : services de promotion des ventes » relevant de la classe 35, la requérante fait valoir, en substance, que les preuves produites ne démontrent pas l’usage de la marque contestée pour l’ensemble de cette catégorie de services, car la marque contestée aurait été utilisée seulement pour une partie, voir une sous-catégorie, de ces services plus restreinte, à savoir, la réalisation d’études de marché.

60      Il y a donc lieu de vérifier si la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en considérant que l’usage de la marque contestée a été démontré pour l’ensemble de la catégorie des « services de conseils pour la direction des marchés : services de promotion des ventes ».

61      À cet égard, tout d’abord, il y a lieu de constater que, ainsi que la chambre de recours l’a correctement observé aux points 92 et 93 de la décision attaquée, de nombreuses factures accompagnées des descriptions des services fournis (documents no 1 à no 114 du dossier de l’EUIPO) démontrent l’usage de la marque contestée pour des services pertinents qui visent à accroitre la part de marché de la société qui loue lesdits services et à renforcer sa position sur le marché, tels que, notamment :

–        le « suivi des marques » qui désigne une manière de mesurer en permanence la santé d’une marque, au regard de son utilisation par les consommateurs et de l’évaluation de sa perception par ces derniers ;

–        l’« exécution du plan de contenu » qui est un outil de marketing permettant aux spécialistes en marketing de mesurer des résultats commerciaux directs tels que les recettes ;

–        les services en relation avec les indicateurs clé de performance (ICP) de l’analyse sociale, qui sont des valeurs utilisées par les équipes de marketing et celles dédiées aux réseaux sociaux, pour mesurer les performances des campagnes sur les médias sociaux ;

–        l’analyse du comportement des consommateurs, qui fait référence à l’étude des habitudes des clients, groupes ou organisations individuels, lorsqu’ils sélectionnent, achètent, utilisent et disposent des idées, des produits et des services pour satisfaire leurs besoins et leurs souhaits ;

–        l’analyse des meilleures pratiques, qui incluent la découverte et l’utilisation des moyens optimaux d’exploitation afin d’atteindre les objectifs commerciaux d’une entreprise.

62      De plus, ainsi qu’il est soutenu par l’EUIPO dans son mémoire en défense, il ressort desdites factures et des descriptions des services fournis qui les accompagnent que les services visés au point 61 ci-dessus comprenaient, notamment, non seulement des études de marché, comme allégué par la requérante, mais également des plans d’action, des conseils et des recommandations fournis aux clients de l’intervenante.

63      Ensuite, outre les services visés au point 61 ci-dessus qui ont été mentionnés par la chambre de recours, les factures susmentionnées démontrent l’usage pour plusieurs autres services, tels que, par exemple, l’analyse comparative des concurrents, l’identification et la collecte de prospects sur le marché numérique, le renseignement sur les médias sociaux, les services d’analyse des marques du client et de ses concurrents sur les médias, l’analyse de la contribution de chaque plateforme numérique pour attirer les consommateurs, les services de centre de contact visant à contacter les consommateurs finaux pour leur proposer des services du client, les services d’investissement sur les plateformes de communication numérique, ainsi que d’autres services de type similaire.

64      Il résulte de ce qui précède que la thèse de la requérante, selon laquelle l’intervenante aurait utilisé la marque contestée uniquement pour une partie de la catégorie des « services de conseils pour la direction des marchés : services de promotion des ventes », à savoir, la réalisation d’études de marché, manque en fait.

65      En outre, ces éléments font ressortir que cette marque a été utilisée pour des services divers ayant pour objectif, notamment, de renseigner les clients de l’intervenante sur la gestion des marchés ainsi que de promouvoir les ventes de ces dernières. Ils illustrent donc, de manière suffisante, l’usage de la marque contestée pour l’ensemble de la catégorie des « services de conseils pour la direction des marchés : services de promotion des ventes ».

66      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les autres arguments de la requérante.

67      Premièrement, la requérante fait valoir que l’intervenante aurait dû démontrer l’usage de la marque contestée pour des services qui permettaient à ses clients de nouer le dialogue avec leurs propres clients. Elle souligne, à cet égard, que les « services de promotion des ventes » sont des services de promotion auprès des clients, qui consisteraient à promouvoir les produits et/ou les services des clients de l’intervenante publiquement et vers l’extérieur auprès des clients de ces derniers.

68      Il y a lieu de constater que cet argument de la requérante repose sur une définition trop restreinte des « services de promotion des ventes ». En fait, ces services englobent tous les services qui ont pour objectif de promouvoir les ventes et pas seulement ceux qui seraient fournis aux clients de ceux qui louent lesdits services. Partant, cet argument doit être écarté.

69      Deuxièmement, la requérante soutient que l’intervenante aurait dû démontrer que son analyse commerciale aurait amélioré la position de sa clientèle sur le marché ou la qualité de sa publicité.

70      Conformément à la jurisprudence, dans l’interprétation de la notion d’usage sérieux, il convient de prendre en compte le fait que la ratio legis de l’exigence selon laquelle la marque contestée doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux ne vise ni à évaluer la réussite commerciale, ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise, ni encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes [voir arrêt du 11 avril 2019, Fomanu/EUIPO – Fujifilm Imaging Germany (Représentation d’un papillon), T‑323/18, non publié, EU:T:2019:243, point 23 et jurisprudence citée].

71      Ainsi, il n’est pas nécessaire de prouver l’efficacité des services fournis pour démontrer l’usage sérieux de la marque. Partant, l’argument de la requérante doit être rejeté.

72      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de constater que la chambre de recours a conclu, à juste titre, que l’usage sérieux de la marque contestée a été démontré pour l’ensemble de la catégorie des « services de conseils pour la direction des marchés : services de promotion des ventes ».

73      Par conséquent, la seconde branche du moyen et, partant, le moyen unique invoqué à l’appui du présent recours et, subséquemment, ledit recours dans son intégralité doivent être rejetés comme non fondés, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité du chef de conclusions tendant à ce que le Tribunal prononce la déchéance de la marque contestée en raison de son non-usage.

 Sur les dépens

74      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

75      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Epsilon Data Management LLC est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) et par Epsilon Technologies, SL.

Tomljenović

Schalin

Kukovec

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 novembre 2022.

Signatures


*Langue de procédure : l’anglais.