Language of document : ECLI:EU:T:2022:727

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

30 novembre 2022 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre du PKK dans le cadre de la lutte contre le terrorisme – Gel des fonds – Position commune 2001/931/PESC – Applicabilité aux situations de conflit armé – Groupe terroriste – Base factuelle des décisions de gel des fonds – Décision prise par une autorité compétente – Autorité d’un État tiers – Réexamen – Proportionnalité – Obligation de motivation – Droits de la défense – Droit à une protection juridictionnelle effective – Adaptation de la requête »

Dans les affaires jointes T‑316/14 RENV et T‑148/19,

Kurdistan Workers’ Party (PKK), représenté par Mes A. van Eik et T. Buruma, avocates,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme S. Van Overmeire et M. B. Driessen, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par M. T. Ramopoulos, Mme J. Norris, MM. J. Roberti di Sarsina et R. Tricot, en qualité d’agents,

partie intervenante dans l’affaire T‑316/14 RENV,

les autres parties à la procédure étant

République française, représentée par Mme A.-L. Desjonquères, MM. B. Fodda et J.-L. Carré, en qualité d’agents,

et

Royaume des Pays-Bas, représenté par Mme M. Bulterman et M. J. Langer, en qualité d’agents,

parties intervenantes au pourvoi,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie),

composé de MM. S. Gervasoni (rapporteur), président, L. Madise, P. Nihoul, Mme R. Frendo et M. J. Martín y Pérez de Nanclares, juges,

greffier : Mme I. Kurme, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure dans l’affaire T‑148/19, notamment :

–        la décision du 26 juillet 2019 admettant l’intervention du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord,

–        les adaptations des conclusions du requérant des 7 octobre 2019, 13 mars et 29 septembre 2020,

vu l’arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK (C‑46/19 P, EU:C:2021:316), renvoyant l’affaire T‑316/14 RENV devant le Tribunal,

vu le renvoi des affaires T‑148/19 et T‑316/14 RENV devant la quatrième chambre élargie,

vu la décision du 8 février 2022 portant jonction des affaires T‑148/19 et T‑316/14 RENV aux fins de la phase orale de la procédure et de la décision mettant fin à l’instance,

vu l’ordonnance du 25 mars 2022 portant radiation du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord des affaires T‑148/19 et T‑316/14 RENV en qualité d’intervenant,

à la suite de l’audience du 31 mars 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours dans l’affaire T‑316/14 RENV, fondé sur l’article 263 TFUE, le requérant, le Kurdistan Workers’ Party (PKK), demande l’annulation :

–        du règlement d’exécution (UE) no 125/2014 du Conseil, du 10 février 2014, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant le règlement d’exécution (UE) no 714/2013 (JO 2014, L 40, p. 9) ;

–        du règlement d’exécution (UE) no 790/2014 du Conseil, du 22 juillet 2014, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant le règlement d’exécution no 125/2014 (JO 2014, L 217, p. 1) ;

–        de la décision (PESC) 2015/521 du Conseil, du 26 mars 2015, portant mise à jour et modification de la liste des personnes, groupes et entités auxquels s’appliquent les articles 2, 3 et 4 de la position commune 2001/931/PESC relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme, et abrogeant la décision 2014/483/PESC (JO 2015, L 82, p. 107) ;

–        du règlement d’exécution (UE) 2015/513 du Conseil, du 26 mars 2015, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant le règlement d’exécution no 790/2014 (JO 2015, L 82, p. 1) ;

–        de la décision (PESC) 2015/1334 du Conseil, du 31 juillet 2015, portant mise à jour de la liste des personnes, groupes et entités auxquels s’appliquent les articles 2, 3 et 4 de la position commune 2001/931/PESC relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme, et abrogeant la décision 2015/521 (JO 2015, L 206, p. 61) ;

–        du règlement d’exécution (UE) 2015/1325 du Conseil, du 31 juillet 2015, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant le règlement d’exécution 2015/513 (JO 2015, L 206, p. 12) ;

–        du règlement d’exécution (UE) 2015/2425 du Conseil, du 21 décembre 2015, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant le règlement d’exécution 2015/1325 (JO 2015, L 334, p. 1) ;

–        du règlement d’exécution (UE) 2016/1127 du Conseil, du 12 juillet 2016, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant le règlement d’exécution 2015/2425 (JO 2016, L 188, p. 1) ;

–        du règlement d’exécution (UE) 2017/150 du Conseil, du 27 janvier 2017, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant le règlement d’exécution 2016/1127 (JO 2017, L 23, p. 3) ;

–        de la décision (PESC) 2017/1426 du Conseil, du 4 août 2017, portant mise à jour de la liste des personnes, groupes et entités auxquels s’appliquent les articles 2, 3 et 4 de la position commune 2001/931/PESC relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme, et abrogeant la décision (PESC) 2017/154 (JO 2017, L 204, p. 95) ;

–        du règlement d’exécution (UE) 2017/1420 du Conseil, du 4 août 2017, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant le règlement d’exécution 2017/150 (JO 2017, L 204, p. 3), en ce que ces actes le concernent.

2        Par son recours dans l’affaire T‑148/19, également fondé sur l’article 263 TFUE, le requérant demande l’annulation :

–        de la décision (PESC) 2019/25 du Conseil, du 8 janvier 2019, portant modification et mise à jour de la liste des personnes, groupes et entités auxquels s’appliquent les articles 2, 3 et 4 de la position commune 2001/931/PESC relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme, et abrogeant la décision (PESC) 2018/1084 (JO 2019, L 6, p. 6) ;

–        de la décision (PESC) 2019/1341 du Conseil, du 8 août 2019, portant mise à jour de la liste des personnes, groupes et entités auxquels s’appliquent les articles 2, 3 et 4 de la position commune 2001/931/PESC relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme, et abrogeant la décision 2019/25 (JO 2019, L 209, p. 15) ;

–        du règlement d’exécution (UE) 2019/1337 du Conseil, du 8 août 2019, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant le règlement d’exécution (UE) 2019/24 (JO 2019, L 209, p. 1) ;

–        du règlement d’exécution (UE) 2020/19 du Conseil, du 13 janvier 2020, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant le règlement d’exécution 2019/1337 (JO 2020, L 8I, p. 1) ;

–        de la décision (PESC) 2020/1132 du Conseil, du 30 juillet 2020, portant mise à jour de la liste des personnes, groupes et entités auxquels s’appliquent les articles 2, 3 et 4 de la position commune 2001/931/PESC relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme, et abrogeant la décision (PESC) 2020/20 (JO 2020, L 247, p. 18) ;

–        du règlement d’exécution (UE) 2020/1128 du Conseil, du 30 juillet 2020, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant le règlement d’exécution 2020/19 (JO 2020, L 247, p. 1), en ce que ces actes le concernent.

I.      Antécédents du litige

3        Le PKK a été créé en 1978 et a engagé une lutte armée contre le gouvernement turc afin de faire reconnaître le droit des Kurdes à l’autodétermination.

4        Le 28 septembre 2001, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la résolution 1373 (2001), arrêtant des stratégies pour lutter par tous les moyens contre le terrorisme et, en particulier, contre son financement.

5        Le 27 décembre 2001, considérant qu’une action de l’Union européenne était nécessaire afin de mettre en œuvre la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité des Nations unies, le Conseil de l’Union européenne a adopté la position commune 2001/931/PESC, relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme (JO 2001, L 344, p. 93). En particulier, l’article 2 de la position commune 2001/931 prévoit le gel des fonds et des autres avoirs financiers ou ressources économiques des personnes, groupes et entités impliqués dans des actes de terrorisme et repris sur la liste figurant à l’annexe de cette position commune.

6        Le 27 décembre 2001 également, afin de mettre en œuvre à l’échelle de l’Union les mesures décrites dans la position commune 2001/931, le Conseil a adopté le règlement (CE) no 2580/2001, concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme (JO 2001, L 344, p. 70), ainsi que la décision 2001/927/CE, établissant la liste prévue à l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 2580/2001 (JO 2001, L 344, p. 83). Le nom du requérant ne figurait pas sur cette liste initiale.

7        Le 2 mai 2002, le Conseil a adopté la position commune 2002/340/PESC, portant mise à jour de la position commune 2001/931 (JO 2002, L 116, p. 75). L’annexe de la position commune 2002/340 a mis à jour la liste des personnes, groupes et entités auxquels s’appliquent les mesures restrictives prévues par la position commune 2001/931 et y a inséré notamment le nom du requérant, identifié comme suit : « Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) ».

8        Le 2 mai 2002 également, le Conseil a adopté la décision 2002/334/CE, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 2580/2001 et abrogeant la décision 2001/927 (JO 2002, L 116, p. 33). Cette décision a inscrit le nom du requérant sur la liste prévue à l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 2580/2001, dans les mêmes termes que ceux employés dans l’annexe de la position commune 2002/340.

9        Ces actes ont depuis été mis à jour régulièrement, en application de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931 et de l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 2580/2001. Le nom du requérant a toujours été maintenu sur les listes des groupes et entités auxquels s’appliquent les mesures restrictives visées par les actes susvisés (ci-après les « listes litigieuses »), et ce en dépit de la contestation devant le Tribunal ou de l’annulation par ce dernier de plusieurs des décisions et règlements auxquels sont annexées ces listes. Depuis le 2 avril 2004, le nom de l’entité inscrite sur les listes litigieuses est le « Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) (également connu sous les noms de “KADEK” et “KONGRA-GEL”) ».

10      Ainsi, les mesures restrictives appliquées au requérant ont notamment été maintenues par les actes adoptés en 2014, c’est-à-dire le règlement d’exécution no 125/2014 et le règlement d’exécution no 790/2014, par ceux adoptés entre 2015 et 2017, à savoir la décision 2015/521, le règlement d’exécution 2015/513, la décision 2015/1334, le règlement d’exécution 2015/1325, le règlement d’exécution 2015/2425, le règlement d’exécution  2016/1127, le règlement d’exécution 2017/150, la décision 2017/1426 et le règlement d’exécution 2017/1420, ainsi que par les actes adoptés en 2019 et en 2020, que sont la décision 2019/25, la décision 2019/1341, le règlement d’exécution 2019/1337, le règlement d’exécution 2020/19, la décision 2020/1132 et le règlement d’exécution 2020/1128.

11      Dans les exposés des motifs relatifs aux actes adoptés en 2014, le Conseil a décrit le PKK comme étant une entité impliquée dans des actes de terrorisme qui, à partir de l’année 1984, avait commis de nombreux actes de cette nature. Il a indiqué que les activités terroristes du PKK continuaient, nonobstant un certain nombre de cessez-le-feu que ce dernier avait déclarés unilatéralement, notamment depuis l’année 2009. À cet égard, le Conseil a précisé que les actes de terrorisme commis par le PKK comprenaient des attentats à la bombe, des attaques à la roquette, l’utilisation d’explosifs, l’assassinat et l’enlèvement de citoyens turcs et de touristes étrangers, la prise d’otages, des attaques contre les forces de sécurité turques et des affrontements armés avec celles-ci, des attaques contre des installations pétrolières, des transports publics, des installations diplomatiques, culturelles et commerciales turques dans différents pays, l’extorsion visant des citoyens turcs vivant à l’étranger ainsi que d’autres actes criminels visant à financer ses activités. À titre d’exemple, le Conseil a dressé une liste de 69 incidents, survenus entre le 14 novembre 2003 et le 19 octobre 2011, qualifiés d’actes de terrorisme au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931.

12      Le Conseil a ajouté que le PKK avait fait l’objet de décisions d’autorités nationales compétentes au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, en citant à cet égard, d’une part, une ordonnance du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni du 29 mars 2001 visant à interdire le PKK en vertu de l’UK Terrorism Act 2000 (loi du Royaume-Uni de 2000 sur le terrorisme), telle que complétée par une ordonnance du 14 juillet 2006, considérant que « KADEK » et « KONGRA-GEL » constituaient d’autres appellations du PKK, et, d’autre part, des décisions du gouvernement des États-Unis d’Amérique, adoptées à des dates non précisées par le Conseil, désignant le PKK en tant qu’« organisation terroriste étrangère » (foreign terrorist organisation, ci-après « FTO ») en vertu de la section 219 de l’US Immigration and Nationality Act (loi américaine sur l’immigration et la nationalité) et en tant que « terroriste mondial expressément désigné » (specially designated global terrorist, ci-après « SDGT ») en vertu de l’Executive Order no 13224 (décret présidentiel no 13224). Le Conseil a également fait état de jugements des cours de sûreté turques rendus entre 1990 et 2006.

13      Dans les exposés des motifs relatifs aux actes adoptés entre 2015 et 2017, le Conseil a relevé que le maintien de l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses était fondé sur les décisions des autorités du Royaume-Uni (2001 et 2006) et des États-Unis (1997 et 2001) déjà précédemment prises en compte, telles que complétées par une décision des autorités du Royaume-Uni du 3 décembre 2014 maintenant l’interdiction du PKK, par un arrêt du 2 novembre 2011 du tribunal de grande instance de Paris (France) condamnant le centre culturel kurde Ahmet Kaya pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte de terrorisme et financement d’entreprise terroriste, confirmé en appel par un arrêt du 23 avril 2013 de la cour d’appel de Paris et, sur pourvoi, par un arrêt du 21 mai 2014 de la Cour de cassation (France), et par un réexamen mené par les autorités des États-Unis et finalisé le 21 novembre 2013, confirmant la désignation du PKK en tant qu’« organisation terroriste étrangère ».

14      Les exposés des motifs relatifs aux actes adoptés en 2019 et en 2020 reprennent les motifs précédents, en les complétant notamment à partir de la décision 2019/1341 et du règlement d’exécution 2019/1337 par la mention du maintien de la désignation du PKK en tant qu’« organisation terroriste étrangère » par les autorités des États-Unis après un réexamen finalisé le 5 février 2019.

II.    Conclusions des parties

15      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal d’annuler le règlement d’exécution no 125/2014, le règlement d’exécution no 790/2014, la décision 2015/521, le règlement d’exécution 2015/513, la décision 2015/1334, le règlement d’exécution 2015/1325, le règlement d’exécution 2015/2425, le règlement d’exécution 2016/1127, le règlement d’exécution 2017/150, la décision 2017/1426 et le règlement d’exécution 2017/1420 (affaire T‑316/14 RENV) ainsi que la décision 2019/25, la décision 2019/1341, le règlement d’exécution 2019/1337, le règlement d’exécution 2020/19, la décision 2020/1132 et le règlement d’exécution 2020/1128 (affaire T‑148/19), en ce qu’ils le concernent. Il demande également, dans l’affaire T‑148/19, à titre subsidiaire, que le Tribunal enjoigne au Conseil d’adopter une mesure moins restrictive que l’inscription sur les listes litigieuses. Il conclut enfin à la condamnation du Conseil aux dépens.

16      Le Conseil, soutenu par la Commission dans l’affaire T‑316/14 RENV, conclut au rejet des recours et à ce que le requérant soit condamné aux dépens.

III. En droit

A.      Sur la recevabilité

17      Le Conseil ayant renoncé lors de l’audience à contester l’habilitation des deux signataires des mandats délivrés aux avocates ayant signé les écritures du requérant pour représenter ce dernier, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal d’audience, seule subsiste sa fin de non-recevoir dirigée contre les trois adaptations de la requête dans l’affaire T‑148/19, visant le règlement d’exécution 2019/1337, le règlement d’exécution 2020/19, la décision 2020/1132 et le règlement d’exécution 2020/1128.

18      Le Conseil fait valoir plus particulièrement que ces actes ne modifient ni ne remplacent les actes dont l’annulation avait été précédemment demandée, ne satisfaisant ainsi pas aux exigences de l’article 86, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

19      Ce même motif d’irrecevabilité étant susceptible de s’appliquer aux décisions 2015/521, 2015/1334 et 2017/1426, contestées dans le cadre de l’affaire T‑316/14 RENV, le Tribunal a relevé d’office cette fin de non-recevoir, qui est d’ordre public en tant que participant de la recevabilité d’un recours (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2018, Hamas/Conseil, T‑400/10 RENV, EU:T:2018:966, points 139 à 145 et jurisprudence citée), et a interrogé les parties à cet égard.

20      En réponse à cette question, le requérant a admis le caractère irrecevable de ses recours en ce qu’ils visent les décisions 2015/521, 2015/1334 et 2017/1426 (affaire T‑316/14 RENV) et la décision 2020/1132 ainsi que les règlements d’exécution 2019/1337, 2020/19 et 2020/1128 (affaire T‑148/19), ce qui a été acté dans le procès-verbal d’audience.

21      En effet, l’article 86, paragraphe 1, du règlement de procédure dispose que, lorsqu’un acte dont l’annulation est demandée est remplacé ou modifié par un autre acte ayant le même objet, la partie requérante peut, avant la clôture de la phase orale de la procédure ou avant la décision du Tribunal de statuer sans phase orale de la procédure, adapter la requête pour tenir compte de cet élément nouveau.

22      Or, en l’espèce, les décisions 2015/521, 2015/1334 et 2017/1426 ne prolongent pas les effets ni ne remplacent le seul acte visé par la requête dans l’affaire T‑316/14 RENV, à savoir le règlement d’exécution no 125/2014, remplacé par le règlement d’exécution no 790/2014, contesté dans la première adaptation de cette requête. Ces décisions ont pour seul objet de modifier la liste prévue par la position commune 2001/931, laquelle est fondée sur le traité UE, tandis que les règlements d’exécution modifient la liste prévue par le règlement no 2580/2001, fondé notamment sur l’article 301 CE (devenu, après modification, article 215 TFUE), lequel vise à mettre en œuvre à l’échelle de l’Union les mesures restrictives prévues par les décisions relatives à la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et, précédemment, les positions communes. Ainsi, même si les décisions relatives à la PESC et les règlements d’exécution sont en principe adoptés le même jour et contiennent une même liste de personnes, groupes et entités visées, ils constituent des actes distincts.

23      De même, le règlement d’exécution 2019/1337, le règlement d’exécution 2020/19, qui l’a abrogé, ainsi que le règlement d’exécution 2020/1128, ayant abrogé ce dernier, ne prolongent pas les effets ni ne remplacent le seul acte visé par la requête dans l’affaire T‑148/19, à savoir la décision 2019/25, remplacée par la décision 2019/1341, visée par la première adaptation de cette requête. Il peut être relevé à cet égard que, dans la mesure où les décisions relatives à la PESC conditionnent l’adoption des règlements adoptés sur le fondement de l’article 215 TFUE, il incombera en tout état de cause au Conseil, conformément à l’article 266 TFUE, de tirer les conséquences de l’annulation éventuelle des décisions relatives à la PESC sur les règlements d’exécution les mettant en œuvre (voir, en ce sens, arrêt du 28 mai 2013, Trabelsi e.a./Conseil, T‑187/11, EU:T:2013:273, point 121).

24      En outre, la décision 2020/1132, visée par la troisième adaptation de la requête dans l’affaire T‑148/19, abroge, ainsi qu’il ressort de son intitulé, la décision (PESC) 2020/20 du Conseil, du 13 janvier 2020, portant mise à jour de la liste des personnes, groupes et entités auxquels s’appliquent les articles 2, 3 et 4 de la position commune 2001/931, et abrogeant la décision 2019/1341 (JO 2020, L 8I, p. 5), laquelle n’a été contestée ni dans la requête ni dans les adaptations de la requête, empêchant ainsi de considérer que les conditions prévues à l’article 86 du règlement de procédure sont remplies (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2018, Hamas/Conseil, T‑400/10 RENV, EU:T:2018:966, points 141 et 142). Si la recevabilité de la demande d’annulation de la décision 2020/1132 était admise, au motif que cette décision modifie la liste prévue par la position commune 2001/931, au même titre que les décisions 2019/25 et 2019/1341, cela reviendrait, contrairement aux exigences d’économie de la procédure et de sécurité juridique qui ont justifié l’ajout d’une disposition consacrée aux adaptations de la requête dans le règlement de procédure entré en vigueur en 2015 (voir motifs explicatifs de l’article 86 du nouveau règlement de procédure), à étendre la portée de l’article 86, paragraphe 1, qui vise la modification de l’« acte dont l’annulation est demandée », et non l’ensemble des « actes ayant le même objet ».

25      Il s’ensuit que les présents recours doivent être déclarés irrecevables en ce qu’ils tendent à l’annulation des décisions 2015/521, 2015/1334 et 2017/1426 (affaire T‑316/14 RENV), de la décision 2020/1132 ainsi que des règlements d’exécution 2019/1337, 2020/19 et 2020/1128 (affaire T‑148/19).

26      Il peut être ajouté que rien n’empêchait le requérant, afin de contester la légalité de ces actes, d’introduire un recours en annulation contre eux en tant qu’ils le concernaient (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2020, Kande Mupompa/Conseil, T‑170/18, EU:T:2020:60, point 37).

27      Il en résulte que le bien-fondé des présents recours sera examiné en ce qu’ils portent sur :

–        les règlements d’exécution no 125/2014 et no 790/2014 (ci-après les « actes de 2014 ») ;

–        les règlements d’exécution 2015/513, 2015/1325, 2015/2425, 2016/1127, 2017/150 et 2017/1420 (ci-après les « actes de 2015 à 2017 ») ;

–        les décisions 2019/25 et 2019/1341 (ci-après les « décisions de 2019 »).

B.      Sur le fond

28      Dans l’affaire T‑316/14 RENV, le requérant a indiqué, dans ses observations relatives à l’arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK (C‑46/19 P, EU:C:2021:316), maintenir l’ensemble des moyens invoqués dans sa requête dans l’affaire T‑316/14 à l’exception du premier moyen, auquel il avait renoncé lors de l’audience préalable à l’arrêt du 15 novembre 2018, PKK/Conseil (T‑316/14, EU:T:2018:788), annulé par la Cour sur pourvoi. À l’appui de ce recours devant le Tribunal, le requérant soulevait huit moyens. Ces moyens étaient tirés, le premier, auquel le requérant a renoncé depuis, de la violation du droit international des conflits armés tant par les actes de 2014 et par les actes de 2015 à 2017 que par la position commune 2001/931 et le règlement no 2580/2001, le deuxième, de la qualification erronée du requérant de groupe terroriste au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931, le troisième, de l’absence de décision prise par une autorité compétente au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, le quatrième, de la violation des articles 4 et 51 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») en ce que les actes de 2014 et les actes de 2015 à 2017 seraient en partie fondés sur des informations obtenues sous la torture ou à la suite de mauvais traitements, le cinquième, de l’absence de réexamen conforme aux exigences de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, le sixième, de la violation des principes de proportionnalité et de subsidiarité, le septième, de la violation de l’obligation de motivation et, le huitième, de la méconnaissance des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective.

29      Dans l’affaire T‑148/19, le requérant invoque six moyens au soutien de son recours, tirés, le premier, de la qualification erronée du requérant de groupe terroriste au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931, le deuxième, de l’absence de décision prise par une autorité compétente au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, le troisième, de l’absence de réexamen conforme aux exigences de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, le quatrième, de la violation des principes de proportionnalité et de subsidiarité, le cinquième, de la violation de l’obligation de motivation et, le sixième, de la méconnaissance des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective.

30      Compte tenu des similitudes entre six des moyens soulevés dans les deux affaires, il convient de les examiner ensemble, en distinguant entre les affaires T‑316/14 RENV et T‑148/19 uniquement lorsque des arguments spécifiques avancés au soutien de ces moyens et certaines différences entre les actes attaqués le requièrent.

31      Ces moyens sont principalement tirés de la violation de l’article 1er de la position commune 2001/931, étant précisé que ladite position commune constitue le texte pertinent en l’espèce, y compris pour l’examen des règlements d’exécution attaqués fondés formellement sur le seul règlement no 2580/2001, dès lors que ce dernier vise à mettre en œuvre la mesure de gel des fonds des personnes et entités terroristes au sein des États membres à partir des principes et des définitions des actes terroristes contenus dans la position commune et sur la base des listes établies par le Conseil en vertu de la position commune. Cet article 1er dispose, en ses paragraphes 3, 4 et 6 :

« 3.      Aux fins de la présente position commune, on entend par “acte de terrorisme”, l’un des actes intentionnels suivants, qui, par sa nature ou son contexte, peut gravement nuire à un pays ou à une organisation internationale, correspondant à la définition d’infraction dans le droit national, lorsqu’il est commis dans le but de :

i)      gravement intimider une population, ou

ii)      contraindre indûment des pouvoirs publics ou une organisation internationale à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque, ou

iii)      gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales d’un pays ou d’une organisation internationale :

a)      les atteintes à la vie d’une personne, pouvant entraîner la mort ;

b)      les atteintes graves à l’intégrité physique d’une personne ;

c)      l’enlèvement ou la prise d’otage ;

d)      le fait de causer des destructions massives à une installation gouvernementale ou publique, à un système de transport, à une infrastructure, y compris un système informatique, à une plate-forme fixe située sur le plateau continental, à un lieu public ou une propriété privée susceptible de mettre en danger des vies humaines ou de produire des pertes économiques considérables ;

e)      la capture d’aéronefs, de navires ou d’autres moyens de transport collectifs ou de marchandises ;

f)      la fabrication, la possession, l’acquisition, le transport, la fourniture ou l’utilisation d’armes à feu, d’explosifs, d’armes nucléaires, biologiques ou chimiques ainsi que, pour les armes biologiques ou chimiques, la recherche et le développement ;

g)      la libération de substances dangereuses, ou la provocation d’incendies, d’inondations ou d’explosions, ayant pour effet de mettre en danger des vies humaines ;

h)      la perturbation ou l’interruption de l’approvisionnement en eau, en électricité ou toute autre ressource naturelle fondamentale ayant pour effet de mettre en danger des vies humaines ;

i)      la menace de réaliser un des comportements énumérés [sous] a) à h) ;

j)      la direction d’un groupe terroriste ;

k)      la participation aux activités d’un groupe terroriste, y compris en lui fournissant des informations ou des moyens matériels, ou toute forme de financement de ses activités, en ayant connaissance que cette participation contribuera aux activités criminelles du groupe.

Aux fins du présent paragraphe, on entend par “groupe terroriste”, l’association structurée, de plus de deux personnes, établie dans le temps, et agissant de façon concertée en vue de commettre des actes terroristes. Les termes “association structurée” désignent une association qui ne s’est pas constituée par hasard pour commettre immédiatement un acte terroriste et qui n’a pas nécessairement de rôles formellement définis pour ses membres, de continuité dans sa composition ou de structure élaborée.

4.      La liste à l’annexe est établie sur la base d’informations précises ou d’éléments de dossier qui montrent qu’une décision a été prise par une autorité compétente à l’égard des personnes, groupes et entités visés, qu’il s’agisse de l’ouverture d’enquêtes ou de poursuites pour un acte terroriste, ou la tentative de commettre, ou la participation à, ou la facilitation d’un tel acte, basées sur des preuves ou des indices sérieux et crédibles, ou qu’il s’agisse d’une condamnation pour de tels faits. Les personnes, groupes et entités identifiés par le Conseil de sécurité des Nations unies comme liées au terrorisme et à l’encontre desquelles il a ordonné des sanctions peuvent être incluses dans la liste.

Aux fins du présent paragraphe, on entend par “autorité compétente”, une autorité judiciaire, ou, si les autorités judiciaires n’ont aucune compétence dans le domaine couvert par le présent paragraphe, une autorité compétente équivalente dans ce domaine.

[…]

6.      Les noms des personnes et entités reprises sur la liste figurant à l’annexe feront l’objet d’un réexamen à intervalles réguliers, au moins une fois par semestre, afin de s’assurer que leur maintien sur la liste reste justifié. »

32      Il ressort de la jurisprudence ayant interprété ces dispositions de la position commune 2001/931 que la procédure susceptible d’aboutir à une mesure de gel des fonds au titre de ladite position commune se déroule à deux niveaux, l’un national, l’autre européen (voir, en ce sens, arrêts du 14 mars 2017, A e.a., C‑158/14, EU:C:2017:202, point 84, et du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil, T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885, points 203 et 204). Dans un premier temps, une autorité nationale compétente prend à l’égard de l’intéressé une décision répondant à la définition de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931. Dans un second temps, le Conseil, statuant à l’unanimité, décide d’inclure l’intéressé dans la liste de gel des fonds, sur la base d’informations précises ou d’éléments de dossier qui montrent qu’une telle décision a été prise (arrêts du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, T‑228/02, EU:T:2006:384, point 117, et du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, EU:T:2008:461, point 131).

33      En effet, en l’absence de moyens de l’Union pour mener elle-même des investigations concernant l’implication d’une certaine personne dans des actes terroristes, le recours à l’exigence d’une décision préalable d’une autorité nationale a pour fonction d’établir l’existence de preuves ou d’indices sérieux et crédibles de l’implication de la personne concernée dans des activités terroristes, considérés comme fiables par les autorités nationales et les ayant conduites à prendre, à tout le moins, des mesures d’investigation. Il résulte ainsi de la référence à une décision nationale ainsi que de la mention « d’informations précises » et « des preuves ou des indices sérieux et crédibles » dans l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 que cette dernière a pour objectif de protéger les personnes concernées en assurant que leur inscription sur la liste de gel des fonds n’ait lieu que sur une base factuelle suffisamment solide et qu’elle vise à atteindre cet objectif en recourant à l’exigence d’une décision prise par une autorité nationale (arrêts du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, points 68 et 69, et du 26 juillet 2017, Conseil/Hamas, C‑79/15 P, EU:C:2017:584, point 24).

34      Il découle de cette forme de coopération spécifique entre le Conseil et les États membres dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, établie par la position commune 2001/931, plusieurs conséquences.

35      Il en résulte, premièrement, que, conformément à l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, l’inscription initiale d’une personne ou d’une entité sur la liste de gel des fonds présuppose l’existence d’une décision nationale émanant d’une autorité compétente. En revanche, une telle condition n’est pas prévue à l’article 1er, paragraphe 6, de cette position commune, relative au réexamen de l’inscription.

36      Il en résulte, deuxièmement, que la charge de la preuve que le gel des fonds d’une personne, d’un groupe ou d’une entité est légalement justifié, qui incombe au Conseil, a un objet relativement restreint au niveau de la procédure devant les institutions de l’Union. La forme de coopération spécifique instituée entre les États membres et le Conseil en matière de lutte contre le terrorisme engendre en effet, pour cette institution, l’obligation de s’en remettre autant que possible à l’appréciation de l’autorité nationale compétente (arrêts du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, EU:T:2008:461, points 133 et 134 ; du 4 décembre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑284/08, EU:T:2008:550, point 53, et du 14 décembre 2018, Hamas/Conseil, T‑400/10 RENV, EU:T:2018:966, point 282).

37      Cette obligation pour le Conseil de s’en remettre autant que possible à l’appréciation de l’autorité nationale compétente concerne principalement les décisions nationales de condamnation prises en compte lors de l’inscription initiale au titre de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931. Plus particulièrement, il n’appartient pas au Conseil de vérifier la réalité ou l’imputation des faits retenus dans les décisions nationales de condamnation ayant fondé une inscription initiale. En effet, une telle obligation de vérification imposée au Conseil à l’égard des faits qui se trouvent à l’origine d’une décision nationale ayant fondé une inscription initiale sur les listes de gel des fonds porterait un coup certain au système à deux niveaux caractérisant ladite position commune, dès lors que l’appréciation par le Conseil de la matérialité de ces faits risquerait d’entrer en conflit avec l’appréciation et les constatations effectuées par l’autorité nationale concernée, et un tel conflit serait d’autant plus inopportun que le Conseil ne dispose pas nécessairement de l’ensemble des données factuelles et des éléments de preuve qui figurent dans le dossier de cette autorité (voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, points 240 à 242 et jurisprudence citée). Il importe de rappeler en outre que la garantie, pour les personnes concernées, que leur inscription sur la liste de gel des fonds soit fondée sur une base factuelle suffisamment solide repose précisément sur l’exigence d’une décision prise par une autorité nationale et sur la confiance que les institutions de l’Union placent dans l’évaluation des preuves et des indices faite par ladite autorité nationale (voir point 33 ci-dessus).

38      En revanche, s’agissant des éléments sur lesquels le Conseil s’appuie afin de démontrer la persistance du risque d’implication dans des activités terroristes au titre de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, qu’il s’agisse d’éléments tirés d’une décision nationale adoptée par une autorité compétente ou d’autres sources, il appartient au Conseil, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des constatations factuelles mentionnées dans les actes de maintien sur les listes et au juge de l’Union de vérifier leur exactitude matérielle, ce qui implique de vérifier la réalité des faits concernés ainsi que leur qualification comme constituant des éléments justifiant l’application de mesures restrictives à l’encontre de la personne concernée (voir, en ce sens, arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, points 52 à 55 et jurisprudence citée).

39      En outre, ainsi que la Cour l’a également rappelé dans son arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK (C‑46/19 P, EU:C:2021:316, points 60 à 62 et 78 à 80 et jurisprudence citée), le Conseil reste soumis à l’obligation de motivation en ce qui concerne tant les incidents retenus dans les décisions prises en compte au titre de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 que les incidents retenus dans des décisions nationales ultérieures ou les incidents pris en compte par le Conseil à titre autonome, en dehors de toute référence à de telles décisions.

40      Il s’ensuit qu’il convient de distinguer, pour chacun des actes contestés, selon qu’ils sont fondés sur les décisions des autorités nationales compétentes ayant justifié l’inscription initiale du requérant ou selon qu’ils s’appuient sur des décisions ultérieures de ces autorités nationales ou des éléments retenus de manière autonome par le Conseil. Une telle distinction est d’autant plus requise que ces deux types de fondements sont régis par des dispositions différentes de la position commune 2001/931, les premiers relevant de l’article 1er, paragraphe 4, de cette position et les seconds de son article 1er, paragraphe 6.

41      Or, en l’espèce, les actes de 2014 sont fondés, d’une part, sur une analyse autonome par le Conseil de plusieurs incidents énumérés dans les exposés des motifs et, d’autre part, sur des décisions des autorités du Royaume-Uni, des États-Unis et de la Turquie. Les actes de 2015 à 2017 et les décisions de 2019 sont, en revanche, fondés uniquement sur des décisions émanant de plusieurs autorités nationales, à savoir celles du Royaume-Uni, des États-Unis et de la France. Il convient également de préciser que, parmi les décisions nationales prises en compte, certaines ont fondé l’inscription initiale du requérant, tandis que d’autres décisions adoptées ultérieurement ont été prises en compte par le Conseil dans le cadre de son réexamen de l’inscription du requérant.

42      Il convient, dès lors, d’examiner les six moyens similaires dirigés contre les actes attaqués à la lumière de ces considérations liminaires, étant précisé que le moyen spécifique à l’affaire T‑316/14 RENV, tiré de la violation des articles 4 et 51 de la Charte et dirigé contre les seuls actes de 2014, sera traité conjointement avec le moyen tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931 (voir points 166 et 175 ci-après). Il sera ainsi analysé ci-après si ces actes respectent le paragraphe 3 (premier moyen), le paragraphe 4 (deuxième moyen) et le paragraphe 6 (troisième moyen) de l’article 1er de la position commune 2001/931, ainsi que le principe de proportionnalité (quatrième moyen) – le requérant ayant précisé à l’audience, ce qui a été acté au procès-verbal, que le moyen en cause était uniquement fondé sur la violation de ce principe, et non également sur celle du principe de subsidiarité –, l’obligation de motivation (cinquième moyen) et, enfin, les droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective du requérant (sixième moyen), en commençant par l’examen du deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931.

1.      Sur le moyen tiré de la violation de larticle 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931

43      Il convient de rappeler, à titre liminaire, que l’article 1er de la position commune 2001/931 établit une distinction entre, d’une part, l’inscription initiale d’une personne ou d’une entité sur la liste de gel des fonds, visée à son paragraphe 4, et, d’autre part, le maintien sur cette liste du nom d’une personne ou d’une entité déjà inscrite sur celle-ci, visé à son paragraphe 6. Alors que l’inscription initiale d’une personne ou d’une entité sur la liste de gel des fonds présuppose l’existence d’une décision nationale émanant d’une autorité compétente, une telle condition n’est pas prévue pour le maintien du nom de cette personne ou de cette entité sur la liste, dès lors que ce maintien constitue, en substance, le prolongement de l’inscription initiale et présuppose la persistance du risque d’implication de la personne ou de l’entité concernée dans des activités terroristes, tel qu’il a été constaté initialement par le Conseil, sur la base de la décision nationale ayant servi de fondement à cette inscription initiale (arrêts du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, points 59 à 61, et du 26 juillet 2017, Conseil/Hamas, C‑79/15 P, EU:C:2017:584, points 37 à 39).

44      Il s’ensuit, d’une part, que, lorsque le Conseil s’appuie encore, pour décider, sur le fondement de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, de maintenir l’inscription d’une personne ou d’une entité, sur une décision nationale émanant d’une autorité compétente, le moyen tiré d’une violation de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 est opérant au soutien d’un recours dirigé contre une telle décision (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2018, Hamas/Conseil, T‑400/10 RENV, EU:T:2018:966, points 229 et 230), ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par le Conseil. Il peut être ajouté, à cet égard, que la Cour n’a pas remis en cause ce caractère opérant en jugeant, dans l’arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK (C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 38), que le Tribunal n’avait pas commis d’erreur de droit en examinant les décisions de maintien sur les listes exclusivement à la lumière de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931. En effet, la Cour s’est prononcée sur l’examen par le Tribunal de l’obligation de motivation du Conseil, estimant ainsi en substance que le respect de cette obligation de motivation devait être examiné à l’aune des éléments relevant de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, et elle a par ailleurs renvoyé au Tribunal l’examen de l’ensemble des autres moyens, dont ceux tirés de la violation de l’article 1er, paragraphes 3 et 4, de ladite position commune.

45      Il s’ensuit, d’autre part, que, en l’espèce, ce moyen sera examiné uniquement à l’égard des décisions nationales ayant fondé l’inscription initiale du requérant en 2002, à savoir :

–        l’ordonnance du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni du 29 mars 2001 ;

–        les décisions du gouvernement des États-Unis du 8 octobre 1997 et du 31 octobre 2001.

46      Les arguments relatifs aux décisions judiciaires françaises postérieures à l’inscription initiale du requérant, de même que ceux contestant les décisions relevant des suites données aux décisions susmentionnées adoptées par les autorités du Royaume-Uni en 2014 et les autorités des États-Unis en 2013 et en 2019 ainsi que les éléments retenus à titre autonome par le Conseil, seront en revanche traités dans le cadre de l’examen du moyen tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931.

47      Il en est de même des arguments relatifs aux jugements des cours de sûreté turques mentionnés dans les exposés des motifs des actes de 2014. En effet, même si certains passages de ces exposés des motifs peuvent prêter à confusion, en ce qu’ils font état de condamnations du PKK par les cours de sûreté turques, dont certaines sont antérieures à 2002, et concluent formellement à l’existence de décisions prises en vertu de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 à la suite de l’énumération de ces condamnations, il peut être déduit de la conclusion générale relative au réexamen des inscriptions litigieuses, mentionnant uniquement le maintien en vigueur des décisions du Royaume-Uni et des États-Unis, que seules ces dernières décisions ont été prises en compte au titre de la disposition susvisée de la position commune, ce que confirme le Conseil dans son mémoire en défense et qu’admet d’ailleurs le requérant dans la réplique.

a)      Sur la décision du Royaume-Uni

48      Le requérant conteste que l’ordonnance du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni du 29 mars 2001 puisse être qualifiée de décision d’une autorité compétente au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, en invoquant des arguments tirés de la notion d’« autorité compétente », des indications requises pour montrer qu’une telle décision a été prise et de la date des incidents retenus par cette ordonnance.

1)      Sur la qualification du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni d’« autorité compétente »

49      Le requérant estime que le ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni ne peut être qualifié d’« autorité compétente » au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931. En effet, ce ministre serait une autorité non pas judiciaire, mais administrative. Ses ordonnances auraient la nature d’actes administratifs et ne seraient pas adoptées à l’issue d’une procédure comportant plusieurs étapes, telle que celle caractérisant les décisions pénales. Les interdictions édictées par ces ordonnances auraient en outre une durée illimitée en l’absence de réexamen périodique. Le ministre de l’Intérieur disposerait par ailleurs d’un large pouvoir d’appréciation, dans la mesure où les pouvoirs du Parlement du Royaume-Uni seraient limités à une appréciation collective des organisations concernées sans avoir connaissance des informations confidentielles prises en compte par le ministre.

50      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, à plusieurs reprises, le Tribunal a considéré que l’ordonnance du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni du 29 mars 2001 constituait une décision d’une autorité compétente au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 (voir, en ce sens, arrêts du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, EU:T:2008:461, points 144 et 145 ; du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil, T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885, point 106 ; du 14 décembre 2018, Hamas/Conseil, T‑400/10 RENV, EU:T:2018:966, points 258 à 285 ; du 6 mars 2019, Hamas/Conseil, T‑289/15, EU:T:2019:138, points 71 à 96 ; du 10 avril 2019, Gamaa Islamya Égypte/Conseil, T‑643/16, EU:T:2019:238, points 108 à 133, et du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, point 112).

51      En effet, selon la jurisprudence, même si l’article 1er, paragraphe 4, second alinéa, de la position commune 2001/931 comporte une préférence pour les décisions émanant des autorités judiciaires, il n’exclut pas la prise en compte de décisions émanant d’autorités administratives, lorsque, d’une part, ces autorités sont effectivement investies, en droit national, de la compétence pour adopter des décisions restrictives à l’encontre de groupements impliqués dans le terrorisme et, d’autre part, ces autorités, bien que seulement administratives, peuvent être considérées comme « équivalentes » aux autorités judiciaires (arrêts du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil, T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885, point 107 ; du 14 décembre 2018, Hamas/Conseil, T‑400/10 RENV, EU:T:2018:966, point 259 ; du 6 mars 2019, Hamas/Conseil, T‑289/15, EU:T:2019:138, point 72 ; du 10 avril 2019, Gamaa Islamya Égypte/Conseil, T‑643/16, EU:T:2019:238, point 111, et du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, point 114).

52      Des autorités administratives peuvent être considérées comme équivalentes à des autorités judiciaires lorsque leurs décisions sont susceptibles d’un recours juridictionnel portant sur les éléments de fait comme de droit (voir, en ce sens, arrêts du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, EU:T:2008:461, point 145 ; du 14 décembre 2018, Hamas/Conseil, T‑400/10 RENV, EU:T:2018:966, point 260 ; du 6 mars 2019, Hamas/Conseil, T‑289/15, EU:T:2019:138, point 73 ; du 10 avril 2019, Gamaa Islamya Égypte/Conseil, T‑643/16, EU:T:2019:238, point 112, et du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, point 115).

53      En conséquence, le fait que des juridictions de l’État concerné détiennent des compétences en matière de répression du terrorisme ne fait pas obstacle à ce que le Conseil tienne compte des décisions prises par l’autorité administrative nationale chargée de l’adoption des mesures restrictives en matière de terrorisme (arrêts du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil, T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885, point 108 ; du 14 décembre 2018, Hamas/Conseil, T‑400/10 RENV, EU:T:2018:966, point 261 ; du 6 mars 2019, Hamas/Conseil, T‑289/15, EU:T:2019:138, point 74 ; du 10 avril 2019, Gamaa Islamya Égypte/Conseil, T‑643/16, EU:T:2019:238, point 113, et du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, point 116).

54      Or, ainsi qu’il ressort de l’exposé des motifs des actes de 2015 à 2017 et des décisions de 2019, les ordonnances du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni sont susceptibles de faire l’objet d’un recours devant la Proscribed Organisations Appeal Commission (commission de recours pour les organisations interdites, Royaume-Uni, ci-après la « POAC »), qui statue, en droit et en fait, en appliquant les principes régissant le contrôle juridictionnel, et chaque partie peut faire appel de la décision de la POAC sur une question de droit devant une juridiction d’appel si elle obtient l’autorisation de la POAC elle-même ou, à défaut, de la juridiction d’appel (voir, en ce sens, arrêts du 14 décembre 2018, Hamas/Conseil, T‑400/10 RENV, EU:T:2018:966, point 262 ; du 6 mars 2019, Hamas/Conseil, T‑289/15, EU:T:2019:138, point 75 ; du 10 avril 2019, Gamaa Islamya Égypte/Conseil, T‑643/16, EU:T:2019:238, point 114, et du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, point 117).

55      Dans ces conditions, l’ordonnance du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni de 2001 doit être considérée comme adoptée par une autorité administrative équivalente à une autorité judiciaire, et donc par une autorité compétente au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 (voir, en ce sens, arrêts du 14 décembre 2018, Hamas/Conseil, T‑400/10 RENV, EU:T:2018:966, point 263 ; du 6 mars 2019, Hamas/Conseil, T‑289/15, EU:T:2019:138, point 76 ; du 10 avril 2019, Gamaa Islamya Égypte/Conseil, T‑643/16, EU:T:2019:238, point 115, et du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, point 118).

56      Il convient de relever en outre que, selon la jurisprudence, l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 ne requiert pas que la décision de l’autorité compétente s’inscrive dans le cadre d’une procédure pénale stricto sensu, pourvu que, eu égard aux objectifs poursuivis par la position commune 2001/931, la procédure nationale en question ait pour objet la lutte contre le terrorisme au sens large par l’adoption de mesures de type préventif ou répressif (voir, en ce sens, arrêts du 14 décembre 2018, Hamas/Conseil, T‑400/10 RENV, EU:T:2018:966, points 269 à 271 ; du 6 mars 2019, Hamas/Conseil, T‑289/15, EU:T:2019:138, points 82 à 84 ; du 10 avril 2019, Gamaa Islamya Égypte/Conseil, T‑643/16, EU:T:2019:238, points 119 à 121, et du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, point 119).

57      En l’espèce, l’ordonnance du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni de 2001 édicte des mesures d’interdiction à l’encontre d’organisations considérées comme terroristes et s’inscrit donc, comme le requiert la jurisprudence, dans une procédure nationale visant, à titre principal, à l’imposition de mesures de type préventif ou répressif à l’encontre du PKK, au titre de la lutte contre le terrorisme (voir, en ce sens, arrêts du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil, T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885, point 115 ; du 14 décembre 2018, Hamas/Conseil, T‑400/10 RENV, EU:T:2018:966, points 272 et 273 ; du 6 mars 2019, Hamas/Conseil, T‑289/15, EU:T:2019:138, point 84 ; du 10 avril 2019, Gamaa Islamya Égypte/Conseil, T‑643/16, EU:T:2019:238, point 121, et du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, point 120).

58      Il résulte des considérations qui précèdent que les actes attaqués ne sauraient être annulés pour la raison que, dans les exposés des motifs qui y sont afférents, le Conseil s’est fondé, pour inscrire le nom du requérant sur les listes litigieuses, sur l’ordonnance du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni de 2001, qui constitue une autorité administrative et dont les décisions ne revêtent pas un caractère pénal.

59      Cette conclusion n’est pas infirmée par les autres arguments avancés par le requérant au soutien du présent moyen.

60      Premièrement, quant à l’absence alléguée de procédure comportant plusieurs étapes comme ce serait le cas pour les procédures judiciaires, il ne ressort pas du libellé de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 que, pour servir de base à une inscription, la décision nationale en cause doive clore une procédure s’étant déroulée en plusieurs étapes (arrêt du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, point 124).

61      En tout état de cause, la procédure donnant lieu aux ordonnances d’interdiction du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni se déroule en plusieurs étapes. Tout d’abord, l’interdiction exige de cette autorité un examen rigoureux des éléments de preuve sur lesquels se fonde la croyance raisonnable que l’organisation est impliquée dans le terrorisme. Ces éléments de preuve englobent des renseignements émanant de sources d’information publiques et des services de renseignement. De plus, l’ordonnance du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni intervient après consultation de l’ensemble du gouvernement ainsi que des services de renseignement et des autorités policières. Enfin, l’ordonnance d’interdiction est soumise au contrôle et à l’approbation des deux chambres du Parlement du Royaume-Uni dans le cadre de la procédure de ratification (arrêt du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, points 125 à 128).

62      Deuxièmement, quant à la prétendue durée illimitée de l’interdiction édictée par l’ordonnance du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni, d’une part, il convient de souligner que la circonstance que cette ordonnance n’est pas soumise à une obligation de réexamen annuel ne fait pas obstacle à ce que le Conseil se fonde sur elle pour inscrire l’entité qu’elle vise sur les listes de gel des fonds, dans la mesure où le Conseil, au titre de son obligation de réexamen, est tenu de vérifier si, à la date à laquelle il entend maintenir cette entité sur lesdites listes, cette décision, d’autres décisions ou des éléments factuels postérieurs justifient encore cette inscription (arrêt du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, point 131).

63      D’autre part, en application de la section 4 de la loi du Royaume-Uni de 2000 sur le terrorisme, une organisation ou une personne touchée par une mesure d’interdiction peut présenter par écrit une demande au ministre de l’Intérieur visant à ce que celui-ci examine l’opportunité de la retirer de la liste des organisations interdites et, en application de la section 5 de la loi du Royaume-Uni de 2000 sur le terrorisme, si le ministre rejette une telle demande, le demandeur peut former un recours devant la POAC, dont les décisions peuvent elles-mêmes faire l’objet d’un appel (arrêt du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, point 132) (voir point 54 ci-dessus).

64      Il en résulte que, même si la loi du Royaume-Uni de 2000 sur le terrorisme ne prévoit pas un réexamen annuel des ordonnances d’interdiction du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni, celles-ci n’ont pas un effet illimité.

65      Troisièmement, quant à la prétendue large marge d’appréciation du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni pour interdire les organisations terroristes, il importe de souligner que ce ministre adopte les ordonnances d’interdiction non en fonction de considérations politiques, mais en application des dispositions du droit national définissant les actes terroristes, ainsi qu’il résulte de la section 3 de la loi du Royaume-Uni de 2000 sur le terrorisme. Contrairement à ce que soutient le requérant à propos de cette disposition, la circonstance que celle-ci indique que le ministre de l’Intérieur interdit une entité lorsqu’il « pense qu’elle est impliquée dans des activités terroristes » porte sur le degré de preuve requis pour l’inscription (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2016, Al-Ghabra/Commission, T‑248/13, EU:T:2016:721, points 112 à 119) et est d’autant moins susceptible de permettre une appréciation discrétionnaire que ce niveau de preuve implique un degré de conviction, et ainsi de précision de la motivation, plus important que celui consistant en de simples soupçons (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2016, Al-Ghabra/Commission, T‑248/13, EU:T:2016:721, points 114 et 115).

66      Il peut être ajouté que, en tout état de cause, le large pouvoir d’appréciation du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni est tempéré par le contrôle et l’approbation parlementaire auxquels sont soumis ses projets d’ordonnance. Le Tribunal a ainsi déjà eu l’occasion de considérer, à propos précisément des projets d’ordonnance du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni, que tous les membres de la Chambre des communes, qui est l’une des deux chambres du Parlement du Royaume-Uni devant ratifier le projet d’ordonnance, reçoivent un résumé des faits en ce qui concerne chacune des organisations figurant sur la liste du projet d’ordonnance, ce qui implique la possibilité d’un examen individuel par la Chambre des communes, que les débats de la Chambre des communes portent effectivement sur des organisations individuelles, ainsi qu’en attestent d’ailleurs les prises de position relatives au PKK au cours du débat parlementaire ayant conduit à la ratification de l’ordonnance de 2001, reproduites en l’espèce par le requérant dans la requête, et que la Chambre des communes demeure libre, en tout état de cause, de refuser d’approuver le projet d’ordonnance (arrêt du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil, T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885, point 122 ; voir également, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, points 136 et 137).

67      Il résulte de tout ce qui précède que l’ensemble des arguments visant à contester la qualification du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni d’« autorité compétente » au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 doivent être écartés.

2)      Sur les « informations précises ou [les] éléments du dossier qui montrent qu’une décision a été prise par une autorité compétente »

68      Le requérant reproche, en substance, au Conseil de ne pas avoir fait état d’informations précises ou d’éléments du dossier montrant que l’ordonnance du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni constituait une décision prise par une autorité compétente au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931. Un tel reproche recouvre, d’après les écritures du requérant, trois griefs. Premièrement, le Conseil n’aurait pas indiqué les raisons pour lesquelles il considérait le ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni comme étant une « autorité compétente ». Deuxièmement, les actes attaqués ne contiendraient aucune description des motifs sous-tendant l’ordonnance de 2001. Troisièmement, ces mêmes actes ne préciseraient pas davantage les raisons pour lesquelles le Conseil a considéré que les faits concernés relevaient de la notion d’acte de terrorisme au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931.

69      Quant au premier grief, il y a lieu de constater qu’il relève d’une critique formelle du respect de l’obligation de motivation (voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, points 329 à 333) et qu’il sera, dès lors, examiné en réponse au moyen tiré de la violation de cette obligation (voir points 221 à 224 ci-après).

70      Quant aux deux autres griefs, il est utile de rappeler, tout d’abord, le contenu des passages des exposés des motifs des actes attaqués consacrés à l’ordonnance du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni de 2001.

71      Dans les actes de 2014, le Conseil a indiqué que le ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni avait, eu égard à la perpétration d’actes de terrorisme par le PKK et à la participation de ce dernier à de tels actes, interdit le PKK en tant qu’organisation impliquée dans des actes de terrorisme. Il en a déduit, après avoir également évoqué d’autres décisions nationales, que des décisions avaient été prises par des autorités compétentes au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 (exposé des motifs, page 4).

72      Dans les actes de 2015 à 2017 et dans les décisions de 2019, dont les exposés des motifs sont identiques sur ce point, le Conseil indique s’être fondé sur l’existence de décisions qu’il qualifie de décisions d’une autorité compétente au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, dont l’ordonnance du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni de 2001. Il précise avoir examiné les éléments factuels sur lesquels ces décisions se fondaient et avoir considéré que ceux-ci relevaient bien des notions d’« actes de terrorisme » et de « groupes et entités impliqués dans des actes de terrorisme » au sens de l’article 1er, paragraphes 2 et 3, de la position commune 2001/931 (exposé des motifs, points 1 à 6). En outre, dans l’annexe A de l’exposé des motifs, relative à ladite ordonnance, le Conseil indique, notamment, que cette ordonnance a été adoptée en 2001 au motif que le ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni de l’époque avait des raisons de croire que le PKK avait commis et participé à des actes de terrorisme au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931 (points 3, 4 et 16). Il précise que les actes de terrorisme en question comprenaient des attaques terroristes imputées au PKK depuis 1984 et que le PKK avait mené une campagne terroriste visant les intérêts et les investissements occidentaux au début des années 1990 dans le but d’accroître la pression sur le gouvernement turc, incluant l’enlèvement de touristes occidentaux ainsi que, en 1993-1994, l’attaque d’une raffinerie et des attentats contre des installations touristiques ayant conduit au décès de touristes étrangers. Il relève que, même si le PKK semblait avoir abandonné cette campagne entre 1995 et 1999, il avait continué durant cette période de menacer d’attaquer les installations touristiques turques. Le Conseil indique qu’il considère que ces faits relèvent des buts énoncés à l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, sous i) et ii), de la position commune 2001/931 et des actes de violence listés à l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, sous iii), a), c), d), f), g) et i), de la position commune 2001/931 (point 16).

73      Il importe de rappeler, ensuite, qu’il ressort de la jurisprudence que « [les] informations précises ou [les] éléments du dossier » requis par l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 doivent montrer qu’une décision d’une autorité nationale répondant à la définition de cette disposition a été prise à l’égard des personnes ou des entités concernées, de manière notamment à permettre à ces dernières d’identifier cette décision, mais ne se rapportent pas au contenu de ladite décision (voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, point 148 et jurisprudence citée).

74      Il s’ensuit que, en l’espèce, il peut être considéré que le Conseil a donné, dans les actes de 2014, des « informations [suffisamment] précises » relatives à l’ordonnance du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni de 2001, au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, en indiquant la date précise de ladite ordonnance, son auteur et son fondement juridique, en l’occurrence la loi du Royaume-Uni de 2000 sur le terrorisme.

75      Il en est de même s’agissant des actes de 2015 à 2017 et des décisions de 2019, qui contiennent les mêmes indications relatives à la date précise, à l’auteur et au fondement juridique de l’ordonnance de 2001.

76      Il s’ensuit que l’ensemble des arguments contestant le respect par le Conseil des exigences relatives aux « informations précises ou [aux] éléments du dossier montrant qu’une décision a été prise par une autorité compétente » en vertu de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 doivent être écartés.

3)      Sur la date des actes terroristes ayant fondé l’interdiction du PKK par le ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni

77      La critique selon laquelle l’ordonnance du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni de 2001 serait fondée sur des incidents trop anciens pour pouvoir valablement être prise en compte au titre de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 est soulevée uniquement dans l’affaire T‑148/19.

78      Il y a lieu de préciser, à titre liminaire, que la « distance temporelle » devant être appréciée en l’espèce porte sur le temps séparant les incidents pris en compte dans l’ordonnance de 2001 et la date de ladite ordonnance, ainsi que le fait d’ailleurs valoir pertinemment le requérant.

79      En effet, dans la mesure où cet argument est soulevé au soutien du moyen tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, il convient de se prononcer ici uniquement sur la qualification de l’ordonnance de 2001 de « décision d’une autorité compétente » au sens de cette disposition, notamment au regard de la date des incidents pris en compte par cette ordonnance (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Sharpston dans l’affaire Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2016:723, point 80), étant précisé que la distance temporelle séparant les incidents visés dans ladite ordonnance et l’adoption de cette dernière, d’une part, des décisions de maintien d’inscription attaquées en l’espèce, d’autre part, sera examinée dans le cadre du moyen tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931.

80      S’agissant de l’appréciation en l’espèce de la distance temporelle en cause, il peut être constaté que les derniers faits pris en compte dans l’ordonnance du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni de 2001, telle que décrite dans les décisions de 2019, consistant en des menaces d’attaques contre les installations touristiques turques, couvrent une période allant de 1995 à 1999 (voir point 72 ci-dessus). Il convient de rappeler en outre qu’il n’appartient pas au Conseil de contrôler la matérialité des faits retenus dans les décisions nationales de condamnation ayant fondé une inscription initiale (voir point 37 ci-dessus), telles que l’ordonnance de 2001. En effet, il ressort d’une jurisprudence bien établie que cette ordonnance doit être assimilée à une décision de condamnation, dès lors qu’elle est définitive en ce sens qu’elle ne doit pas être suivie d’une enquête et qu’elle a pour objet d’interdire les personnes ou entités concernées au Royaume-Uni avec des conséquences pénales pour les personnes qui entretiendraient, de près ou de loin, un lien avec elles (voir arrêt du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, points 155 et 156 et jurisprudence citée).

81      Il s’ensuit que, en dépit de la contestation par le requérant de la matérialité des menaces d’attaques concernées, celui-ci faisant valoir que les exposés des motifs ne contiennent aucun élément ou argument pour étayer ces menaces, ces dernières peuvent être prises en compte en l’espèce. Il s’ensuit également que la distance temporelle entre les derniers faits pris en compte (1999) et la date de l’ordonnance de 2001 est d’environ deux ans. Or, une telle distance temporelle, de moins de cinq ans, n’est pas considérée comme excessive (voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, point 208 et jurisprudence citée).

82      L’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 n’a, dès lors, pas été méconnu en raison de la date des incidents retenus dans l’ordonnance du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni de 2001 prise en compte au titre de cette disposition.

83      Il résulte ainsi de tout ce qui précède que les griefs dirigés contre le fait que les actes attaqués s’appuient sur l’ordonnance du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni de 2001 doivent être écartés.

b)      Sur les décisions des États-Uns

84      Le requérant conteste que les décisions des autorités des États-Unis de 1997 et de 2001 puissent être qualifiées de décisions d’une autorité compétente au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, en invoquant des arguments tirés de la notion d’« autorité compétente » et des indications requises pour montrer que de telles décisions ont été prises.

85      Il convient de rappeler, à cet égard, la jurisprudence désormais constante selon laquelle la notion d’« autorité compétente » utilisée à l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 ne se limite pas aux autorités des États membres, mais peut, en principe, inclure également des autorités d’États tiers (arrêts du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 22 ; du 14 décembre 2018, Hamas/Conseil, T‑400/10 RENV, EU:T:2018:966, point 244, et du 6 mars 2019, Hamas/Conseil, T‑289/15, EU:T:2019:138, point 43).

86      Cette interprétation se justifie, d’une part, par le libellé de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, qui ne limite pas la notion d’« autorités compétentes » aux autorités des États membres, et, d’autre part, par l’objectif de cette position commune, qui a été adoptée pour mettre en œuvre la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité des Nations unies, laquelle vise à intensifier la lutte contre le terrorisme à l’échelle mondiale par la coopération systématique et étroite de tous les États (arrêts du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 23 ; du 14 décembre 2018, Hamas/Conseil, T‑400/10 RENV, EU:T:2018:966, point 245, et du 6 mars 2019, Hamas/Conseil, T‑289/15, EU:T:2019:138, point 44).

87      Cependant, en vertu d’une jurisprudence également constante, il incombe au Conseil, avant de se fonder sur une décision d’une autorité d’un État tiers, de vérifier si cette décision a été adoptée dans le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective (arrêts du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, points 24 et 31, et du 4 septembre 2019, Hamas/Conseil, T‑308/18, EU:T:2019:557, point 58).

88      Il y a donc lieu de commencer par examiner les arguments du requérant contestant cette vérification, telle qu’elle a été opérée en l’espèce par le Conseil. Il importe de préciser, à cet égard, que la nécessité de procéder à cette vérification résulte notamment de la finalité de l’exigence, prévue à l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, selon laquelle l’inscription initiale d’une personne ou d’une entité sur la liste de gel des fonds doit être fondée sur une décision adoptée par une autorité compétente. Cette exigence vise, en effet, à protéger les personnes ou les entités concernées, en assurant que leur inscription initiale sur cette liste n’a lieu que sur une base factuelle suffisamment solide (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 68). Or, cet objectif ne peut être atteint que si les décisions des États tiers sur lesquelles le Conseil fonde les inscriptions initiales de personnes ou d’entités sur ladite liste sont adoptées dans le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective (arrêt du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 26).

89      En l’espèce, dans l’annexe C des exposés des motifs, relative aux désignations du PKK en tant que FTO et SDGT par les autorités des États-Unis, identique dans les actes de 2015 à 2017 et les décisions de 2019, le Conseil indique, notamment, que la désignation en tant que FTO a été décidée le 8 octobre 1997 et que la désignation en tant que SDGT a été décidée le 31 octobre 2001 (points 3 et 4).

90      Le Conseil relève ensuite que les désignations en tant que FTO sont réexaminées d’office après cinq ans par le secrétaire d’État des États-Unis si la désignation n’a pas entre-temps fait l’objet d’une demande en révocation. L’entité concernée peut elle-même demander, tous les deux ans, que sa désignation soit révoquée en fournissant des éléments de preuve démontrant que les circonstances sur lesquelles se fondait sa désignation en tant que FTO ont matériellement changé. Le secrétaire d’État des États-Unis et l’United States Congress (Congrès des États-Unis, États-Unis d’Amérique) peuvent également révoquer d’office une désignation en tant que FTO. De plus, l’entité concernée peut introduire un recours à l’encontre de sa désignation en tant que FTO auprès de la Circuit Court of Appeals for the District of Columbia (cour d’appel fédérale du district de Columbia, États-Unis). Quant aux désignations en tant que SDGT, le Conseil relève qu’elles ne sont soumises à aucun réexamen périodique, mais qu’elles peuvent être contestées devant les cours et tribunaux fédéraux (points 8 à 11 de l’annexe C des exposés des motifs). En outre, le Conseil constate que les désignations du requérant en tant que FTO et SDGT n’ont pas été contestées devant les cours et tribunaux des États-Unis et ne font l’objet d’aucune procédure juridictionnelle pendante (points 11 et 12 de l’annexe C des exposés des motifs). Au regard des procédures de réexamen et de la description des voies de recours disponibles, le Conseil considère que la législation des États-Unis applicable assure la protection des droits de la défense et du droit à la protection juridictionnelle effective (point 13 de l’annexe C des exposés des motifs).

91      Toutefois, le Tribunal a déjà eu l’occasion de juger, dans plusieurs arrêts se prononçant sur des exposés des motifs identiques à ceux annexés aux actes de 2015 à 2017 et aux décisions de 2019, que ceux-ci étaient insuffisants pour qu’il puisse être constaté que le Conseil avait procédé à la vérification requise en ce qui concerne le respect, aux États-Unis d’Amérique, du principe du respect des droits de la défense (arrêts du 6 mars 2019, Hamas/Conseil, T‑289/15, EU:T:2019:138, points 54 à 65 ; du 10 avril 2019, Gamaa Islamya Égypte/Conseil, T‑643/16, EU:T:2019:238, points 93 à 104, et du 4 septembre 2019, Hamas/Conseil, T‑308/18, EU:T:2019:557, points 65 à 76). En outre, la Cour a jugé, dans le seul arrêt sur pourvoi dans lequel elle s’est prononcée sur un moyen critiquant l’analyse par le Tribunal de l’appui du Conseil sur les décisions américaines (arrêt du 4 septembre 2019, Hamas/Conseil, T‑308/18, EU:T:2019:557), que ces critiques étaient irrecevables et que l’analyse du Tribunal dans l’arrêt attaqué était revêtue de l’autorité de la chose jugée (arrêt du 23 novembre 2021, Conseil/Hamas, C‑833/19 P, EU:C:2021:950, points 36 à 40 et 82).

92      En effet, le principe du respect des droits de la défense exige que les personnes visées par des décisions qui affectent de manière sensible leurs intérêts soient mises en mesure de faire connaître utilement leur point de vue au sujet des éléments retenus à leur charge pour fonder les décisions en cause. Dans le cas de mesures visant à inscrire les noms de personnes ou d’entités sur une liste de gel des fonds, ce principe implique que les motifs de ces mesures soient communiqués à ces personnes ou entités concomitamment avec, ou immédiatement après, leur adoption (voir arrêt du 4 septembre 2019, Hamas/Conseil, T‑308/18, EU:T:2019:557, points 65 et 66 et jurisprudence citée).

93      Or, s’agissant de la législation des États-Unis régissant la désignation en tant que SDGT à l’origine de la décision de 2001, la description générale qu’en fournit le Conseil dans les exposés des motifs ne fait état d’aucune obligation, pour les autorités des États-Unis, de communiquer aux intéressés une motivation, ou même de publier ces décisions, empêchant de considérer que le principe des droits de la défense a été respecté (voir, en ce sens, arrêt du 4 septembre 2019, Hamas/Conseil, T‑308/18, EU:T:2019:557, points 69 et 70).

94      Quant à la législation régissant la désignation en tant que FTO à l’origine de la décision de 1997, elle prévoit certes une publication des décisions en cause dans le Registre fédéral. Toutefois, il ne ressort pas des exposés des motifs que, en dehors du dispositif de ces décisions, une motivation, quelle qu’elle soit, figure dans cette publication – ainsi qu’en attestent d’ailleurs les extraits du Registre fédéral communiqués en annexe au mémoire en défense dans l’affaire T‑316/14 RENV – ou ait été mise à la disposition du requérant d’une quelconque manière (voir, en ce sens, arrêt du 4 septembre 2019, Hamas/Conseil, T‑308/18, EU:T:2019:557, points 71 à 75). Le « dossier administratif » du Département d’État des États-Unis concernant le PKK datant de 2013 ou de 2019 dont disposeraient les autorités des États-Unis, mentionné dans les exposés des motifs, est en effet largement postérieur aux décisions des États-Unis de 1997 et 2001, et rien n’indique qu’il contiendrait des données relatives à ces décisions et à leur motivation. Au surplus, le Conseil ne précise aucunement les conditions d’accès à ce dossier administratif, se contentant d’affirmer, et ce d’ailleurs uniquement dans ses écritures, que le requérant n’a pas exercé son droit d’accès audit dossier.

95      Or, une telle publication du dispositif de la décision de 1997 dans le Registre fédéral, et ainsi la seule mention de cette publication dans les exposés des motifs, est insuffisante pour qu’il puisse être constaté que le Conseil a procédé à la vérification requise en ce qui concerne le respect, aux États-Unis d’Amérique, du principe des droits de la défense (arrêt du 4 septembre 2019, Hamas/Conseil, T‑308/18, EU:T:2019:557, point 76).

96      Il s’ensuit qu’il y a lieu de considérer, en l’espèce, à l’instar de ce qu’a jugé le Tribunal dans ses arrêts du 6 mars 2019, Hamas/Conseil (T‑289/15, EU:T:2019:138, point 65), du 10 avril 2019, Gamaa Islamya Égypte/Conseil (T‑643/16, EU:T:2019:238, point 104), et du 4 septembre 2019, Hamas/Conseil (T‑308/18, EU:T:2019:557, point 76), que les décisions des États-Unis ne pouvaient servir de fondement aux actes de 2015 à 2017 et aux décisions de 2019 en tant que décisions d’autorités compétentes au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, sans qu’il soit besoin d’examiner la question du respect du droit à une protection juridictionnelle effective.

97      Quant aux actes de 2014, ils sont a fortiori entachés de la même lacune, dès lors que le Conseil se borne, dans les exposés des motifs correspondants, à mentionner les contrôles juridictionnel ou administratifs dont peuvent faire l’objet les décisions en cause, sans faire état d’aucune obligation, pour les autorités des États-Unis, de communiquer aux intéressés une motivation ou même de publier ces décisions. Il peut au surplus être relevé que, lors de la mention des décisions des États-Unis dans les actes de 2014, la Conseil n’indique même pas la date desdites décisions, ce dont il résulte que ces actes ne respectent pas non plus les exigences prescrites par l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, en termes de fourniture d’informations précises montrant qu’une décision a été prise par une autorité compétente (voir points 74 et 75 ci-dessus).

98      Il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 doit être accueilli en ce que les actes attaqués se fondent sur les décisions des États-Unis de 1997 et de 2001, mais écarté en ce qu’ils s’appuient sur l’ordonnance du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni de 2001.

2.      Sur le moyen tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931

99      Compte tenu de l’accueil du moyen tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 en ce qui concerne les décisions des États-Unis de 1997 et de 2001, le présent moyen ne sera pas examiné en ce qu’il conteste la qualification des incidents retenus dans ces décisions d’actes terroristes.

100    Le requérant avance, dans les affaires T‑316/14 RENV et T‑148/19, deux types d’arguments au soutien du moyen tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931, contestant, pour certains, de manière générale la poursuite d’un but terroriste par des actes accomplis dans le cadre d’un conflit armé à des fins d’autodétermination et, pour d’autres, plus spécifiquement les buts terroristes, tels qu’explicités dans cette disposition, que poursuivraient certains des actes retenus dans les exposés des motifs. Il soutient également, dans l’affaire T‑148/19 uniquement, qu’il ne pourrait être qualifié de « groupe terroriste » au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931, dès lors qu’il ne formerait pas une association structurée agissant de façon concertée en vue de commettre des actes terroristes.

101    Dans la mesure où le Conseil conteste, dans l’affaire T‑148/19, tant la recevabilité que le caractère opérant du présent moyen, il convient de commencer par l’examen de ces aspects avant d’analyser son bien-fondé.

a)      Sur la recevabilité du moyen

102    Le Conseil fait valoir l’irrecevabilité du présent moyen, en ce qu’il ne serait nullement étayé par des éléments de preuve.

103    Cette fin de non-recevoir doit être écartée.

104    En effet, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, du même statut et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, toute requête doit indiquer l’objet du litige, les moyens et les arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens. Selon une jurisprudence constante, cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même. Est notamment requis, pour ce faire, que la partie requérante présente une argumentation au soutien du moyen soulevé permettant à la partie défenderesse ainsi qu’au juge de l’Union de le comprendre et d’y répondre (voir, en ce sens, arrêt du 25 janvier 2018, BSCA/Commission, T‑818/14, EU:T:2018:33, points 94 à 96 et jurisprudence citée).

105    N’est pas exigé en revanche de la partie requérante qu’elle présente des éléments de preuve au soutien du moyen qu’elle invoque, le caractère étayé par de tels éléments relevant de l’appréciation du bien-fondé dudit moyen et l’absence de ces éléments pouvant conduire au rejet comme non fondé du moyen. La référence dans la jurisprudence susmentionnée aux « éléments de fait » devant figurer sommairement dans la requête porte en effet sur les motifs factuels permettant de rendre la requête compréhensible, indépendamment de l’établissement de ces motifs factuels au moyen d’éléments de preuve (voir point 104 ci-dessus).

106    Or, en l’espèce, le requérant a présenté une argumentation détaillée au soutien du premier moyen, plus de 60 points de la requête dans l’affaire T‑148/19 y étant consacrés, ce que, au demeurant, le Conseil ne conteste pas et prend d’ailleurs en compte en répondant de manière détaillée à chacun des arguments avancés par le requérant au soutien du moyen. Le moyen est, par conséquent, recevable.

b)      Sur le caractère opérant du moyen

107    Le requérant prétend qu’il ne forme pas une association structurée agissant de façon concertée en vue de commettre des actes terroristes. Le PKK désignerait à la fois un parti structuré au sein d’un « complexe » aux strates multiples, le « complexe » lui-même et le mouvement social kurde, et le Conseil n’aurait pas clairement fait apparaître dans les décisions de 2019 laquelle de ces réalités il a entendu maintenir sur les listes litigieuses. Or, selon le requérant, ni le « complexe », désignant une multitude de partis et d’autres formes de regroupements organisés de façon indépendante, ni le mouvement social kurde, dont le requérant ne contrôle ni directement ni indirectement les membres, ne peuvent être considérés comme une association structurée et ainsi pas davantage comme un groupe terroriste. Quant au PKK, en tant que parti au sein du « complexe », s’il est suffisamment structuré, il n’aurait pas pour objectif de commettre des actes terroristes et n’en commettrait pas.

108    Le Conseil estime que ce grief soulevé au soutien du présent moyen est inopérant, car il découlerait du libellé de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931 que la qualification de « groupe terroriste », et spécialement celle de « groupe », au sens de cette disposition ne constituerait pas une condition d’application de ladite position commune.

109    Il ressort effectivement des termes de la position commune 2001/931 que la qualification de « groupe terroriste » au sens de l’article 1er, paragraphe 3, second alinéa, de cette position commune, c’est-à-dire « une association structurée, de plus de deux personnes, établie dans le temps, et agissant de façon concertée en vue de commettre des actes terroristes », ne constitue pas une condition générale d’application de ladite position commune.

110    En effet, ainsi qu’il est indiqué dans l’article 1er, paragraphe 2, de la position commune 2001/931, celle-ci s’applique aux personnes physiques ainsi qu’aux groupes et entités, ces derniers n’étant d’ailleurs pas distingués dans la liste annexée à la position commune et aux décisions de 2019, qui listent, dans un premier point, les « personnes physiques » et, dans un second point, les « groupes et entités ». La définition de « groupe terroriste » donnée à l’article 1er, paragraphe 3, second alinéa, de la position commune 2001/931 vise uniquement à préciser deux buts terroristes spécifiques que sont « la direction d’un groupe terroriste » [article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, sous j), de la position commune 2001/931] et « la participation aux activités d’un groupe terroriste » [article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, sous k), de la position commune 2001/931], lesquels n’épuisent pas le champ d’application de cette position commune et n’ont d’ailleurs pas été retenus par le Conseil dans les décisions de 2019 s’agissant du PKK (voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, point 253).

111    Il s’ensuit que, dans la mesure où le requérant a, conformément aux prescriptions de la position commune 2001/931, été inscrit sur les listes litigieuses en tant que « groupe et entité » et où il ne conteste nullement sa qualification d’« entité », il est indifférent que, comme il le soutient, le PKK ne constitue pas un « groupe terroriste ».

112    Le présent moyen doit, dès lors, être écarté comme inopérant, en ce qu’il critique la qualification de « groupe terroriste » du requérant.

113    En revanche, il convient de préciser, en réponse à l’affirmation du Conseil selon laquelle il ne lui appartenait pas de vérifier la qualification des faits opérée par l’autorité nationale compétente, qu’une telle obligation incombe au Conseil et que les arguments du requérant sont, dès lors, opérants en ce qu’ils contestent le résultat de la vérification de la correspondance des actes pris en compte par les autorités nationales à la définition de l’acte terroriste établie à l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931.

114    En effet, ainsi qu’il découle des termes de l’article 1er, paragraphe 4, premier alinéa, de la position commune 2001/931, évoquant notamment la « condamnation » pour « un acte terroriste, ou la tentative de commettre, ou la participation à, ou la facilitation d’un tel acte », le Conseil doit vérifier si les actes retenus par les autorités nationales correspondent bien à des actes terroristes tels qu’ils sont définis à l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931 (voir, en ce sens, arrêt du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil, T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885, point 191). Cette vérification est d’autant plus requise que, comme cela ressort de certains griefs soulevés par le requérant, les définitions de l’acte terroriste varient d’un État à l’autre et ne correspondent pas nécessairement en tous points à la définition retenue dans la position commune 2001/931.

115    Cependant, lorsque, au cours de la procédure devant le Conseil, l’entité concernée ne conteste pas de manière circonstanciée que la décision nationale porte sur des actes de terrorisme au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931, le Conseil n’est pas tenu de se prononcer de manière plus détaillée sur cette question et l’indication dans les exposés des motifs selon laquelle il a vérifié si les motifs ayant présidé aux décisions prises par les autorités nationales compétentes relevaient de la définition du terrorisme figurant dans la position commune 2001/931 est suffisante (voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, points 162 et 163 et jurisprudence citée).

116    Il convient également de préciser que cette vérification s’imposant au Conseil au titre de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931 porte uniquement sur les incidents retenus dans les décisions des autorités nationales ayant fondé l’inscription initiale de l’entité concernée. En effet, ainsi qu’il ressort de l’arrêt du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil (T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, points 168 et 276), lorsqu’il maintient le nom d’une entité sur les listes de gel des fonds dans le cadre de son réexamen mené au titre de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, le Conseil doit établir non que cette entité a commis des actes terroristes au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de ladite position commune, mais que le risque qu’elle soit impliquée dans de tels actes persiste, ce qui n’implique pas nécessairement qu’elle commette lesdits actes.

117    Il reste toutefois que, s’il peut être considéré que le PKK a commis des actes terroristes après son inscription initiale, cela justifie a fortiori le maintien de son inscription.

118    Il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931 est inopérant en ce qu’il est relatif à la qualification de « groupe terroriste » du requérant et porte sur les actes retenus aux fins du maintien de son nom sur les listes litigieuses lors des réexamens menés par le Conseil au titre de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, mais qu’il est en revanche opérant en ce qu’il conteste la qualification d’actes terroristes des incidents retenus par les décisions des autorités nationales à l’origine de son inscription initiale.

c)      Sur le bien-fondé du moyen

1)      Sur l’argumentation selon laquelle les buts visés à l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931 devraient être interprétés à la lumière du conflit armé légitime pour l’autodétermination du peuple kurde

119    Il convient de souligner, à titre liminaire, que, si le requérant a renoncé à son premier moyen dans l’affaire T‑316/14 RENV, tiré de la violation du droit international des conflits armés (voir point 28 ci-dessus), il maintient ses arguments tirés de la nécessaire prise en compte de l’existence d’un conflit armé aux fins de l’interprétation et de l’application de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931.

120    Le requérant nie ainsi que les actes qui lui ont été imputés par le Conseil aient été commis dans un but terroriste, en se prévalant du conflit armé l’opposant à la République de Turquie. Il serait fondamental, selon le requérant, de prendre en considération le contexte dans lequel s’inscrivent les actes attaqués, à savoir le conflit armé légitime pour l’autodétermination du peuple kurde qui oppose le PKK aux autorités turques, dès lors que l’usage de la violence serait en principe autorisé en temps de conflit armé en vertu du droit international. En effet, conformément à l’article 3, paragraphe 5, et à l’article 21 TUE, l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931 devrait être interprété à la lumière du droit international en matière d’autodétermination, du droit international humanitaire ou des valeurs fondamentales de la démocratie et de l’État de droit.

121    Le requérant conteste ce faisant les buts terroristes que poursuivraient les actes qui lui ont été attribués, en soulignant la nécessaire distinction entre la réalisation d’un acte et sa réalisation dans un but terroriste. En particulier, il n’entendrait ni déstabiliser ni détruire l’État turc et tendrait uniquement à l’améliorer et à le rendre plus conforme aux principes démocratiques adoptés au sein de l’Union, dont le droit fondamental à l’autodétermination. Il viserait par ailleurs à contraindre le gouvernement turc à accepter une meilleure position pour les Kurdes, de sorte que ses efforts ne pourraient être considérés comme indus. Le requérant soutient enfin qu’aucun des actes qui lui ont été imputés n’était dirigé contre la population civile, seuls étant visés des objectifs militaires légitimes, même s’ils ont parfois causé des pertes civiles.

122    Il y a lieu de rappeler, à cet égard, qu’il ressort de la jurisprudence tant de la Cour que du Tribunal que l’existence d’un conflit armé au sens du droit humanitaire international n’exclut pas l’application des dispositions du droit de l’Union concernant la prévention du terrorisme, telles que la position commune 2001/931, aux éventuels actes de terrorisme commis dans ce cadre (arrêt du 14 mars 2017, A e.a., C‑158/14, EU:C:2017:202, points 97 et 98 ; voir, également, arrêt du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, point 294 et jurisprudence citée).

123    En effet, d’une part, la position commune 2001/931 n’opère aucune distinction en ce qui concerne son champ d’application selon que l’acte en cause est ou non commis dans le cadre d’un conflit armé au sens du droit humanitaire international. D’autre part, les objectifs de l’Union et de ses États membres sont de lutter contre le terrorisme, quelles que soient les formes qu’il puisse prendre, conformément aux objectifs du droit international en vigueur (arrêt du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil, T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885, point 58).

124    Le requérant ne conteste d’ailleurs pas l’applicabilité de la position commune 2001/931 en cas de conflit armé, mais estime en substance que ses dispositions devraient être interprétées en tenant compte du caractère légitime du conflit armé qu’il mène contre les autorités turques pour l’autodétermination du peuple kurde.

125    Il convient d’admettre, à la suite du requérant, que le principe coutumier d’autodétermination rappelé, notamment, à l’article 1er de la charte des Nations unies, signée à San Francisco le 26 juin 1945, est un principe de droit international applicable à tous les territoires non autonomes et à tous les peuples n’ayant pas encore accédé à l’indépendance (voir, en ce sens, arrêts du 21 décembre 2016, Conseil/Front Polisario, C‑104/16 P, EU:C:2016:973, point 88, et du 4 septembre 2019, Hamas/Conseil, T‑308/18, EU:T:2019:557, point 217).

126    Sans prendre position sur son application dans la présente affaire, ni davantage sur la légalité du recours à la force armée pour parvenir à l’autodétermination, il doit être considéré que ce principe n’implique pas que, pour exercer le droit à l’autodétermination, un peuple ou les habitants d’un territoire puissent recourir à des moyens tombant sous le coup de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931 (arrêts du 4 septembre 2019, Hamas/Conseil, T‑308/18, EU:T:2019:557, point 218, et du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, point 299).

127    En effet, le Tribunal a déjà eu l’occasion de juger qu’une exception à la prohibition des actes de terrorisme dans les conflits armés au profit de mouvements de libération engagés dans un conflit armé contre un « gouvernement oppressif » ne repose sur aucun fondement de droit de l’Union, ni même de droit international. Les dispositions de droit international, plus particulièrement la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité des Nations unies, du 28 septembre 2001, la convention de Genève, du 12 août 1949, relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, les protocoles additionnels I et II aux conventions de Genève, du 8 juin 1977, relatifs à la protection des victimes des conflits armés internationaux et non internationaux, ainsi que la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme, signée à New York le 9 décembre 1999, n’établissent, dans leur condamnation des actes de terrorisme, aucune distinction selon la qualité de l’auteur de l’acte et les buts qu’il poursuit (arrêt du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil, T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885, point 68).

128    Il convient de relever au surplus que, en l’espèce, le requérant se borne à mentionner une seule disposition, en l’occurrence du droit de l’Union, venant spécifiquement au soutien de son affirmation de l’existence d’une exception à la prohibition des actes de terrorisme dans les conflits armés à des fins d’autodétermination, à savoir la décision-cadre 2002/475/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative à la lutte contre le terrorisme (JO 2002, L 164, p. 3), et, plus particulièrement, le considérant 11 de cette décision-cadre, selon lequel celle-ci « ne régit pas les activités des forces armées en période de conflit armé, au sens donné à ces termes en droit humanitaire international, qui sont régies par ce droit, et les activités menées par les forces armées d’un État dans l’exercice de leurs fonctions officielles, en tant qu’elles sont régies par d’autres règles de droit international ». Le requérant ajoute que la décision-cadre 2002/475 était accompagnée d’une déclaration du Conseil excluant explicitement la résistance armée – telle que celle menée par les différents mouvements de résistance européens durant la Seconde Guerre mondiale – de son champ d’application.

129    Toutefois, la position commune 2001/931, tout comme la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité des Nations unies qu’elle met en œuvre au niveau de l’Union, ne contient aucune disposition comparable au considérant 11 de la décision-cadre 2002/475 et l’absence d’un tel considérant dans ladite position commune doit précisément être interprétée comme manifestant la volonté du Conseil de ne prévoir aucune exception à l’application des dispositions de la position commune lorsqu’il s’agit de prévenir le terrorisme en luttant contre son financement (arrêt du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil, T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885, points 74 à 76).

130    Il s’ensuit que la référence opérée par le requérant à la décision-cadre 2002/475 et à une déclaration du Conseil l’accompagnant est dépourvue de pertinence.

131    En outre, une distinction doit être établie entre, d’une part, les objectifs que souhaitent atteindre un peuple ou les habitants d’un territoire et, d’autre part, les comportements qu’ils adoptent aux fins d’y parvenir. En effet, les « buts » mentionnés à l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, sous i) à iii), de la position commune 2001/931 ne correspondent pas à de tels objectifs, qui peuvent être qualifiés d’ultimes ou de sous-jacents. Ils visent, ainsi qu’il ressort des termes employés (intimidation, contrainte, déstabilisation ou destruction), la nature même des actes accomplis, ce qui conduit à considérer que l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, de la position commune 2001/931 fait uniquement référence à des « actes », et non à des « buts » (voir arrêt du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, point 300 et jurisprudence citée).

132    Ainsi, notamment, contrairement à ce que soutient le requérant, le but poursuivi par les atteintes portées aux structures fondamentales de l’État turc [article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, sous iii), de la position commune 2001/931], qui consisterait à modifier ces structures pour les rendre plus démocratiques, si tant est qu’il soit avéré, n’a pas à être pris en compte. De même, le terme « indûment » [article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, sous ii), de la position commune 2001/931] doit être compris comme visant le caractère illégal de la contrainte exercée, notamment par les moyens de contrainte utilisés, et ne doit pas être évalué à la lumière du caractère prétendument légitime du but poursuivi par l’exercice de cette contrainte. Enfin, quant à l’intimidation de la population [article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, sous i), de la position commune 2001/931], pour laquelle le requérant fait valoir que le conflit armé qu’il mène pour l’autodétermination du peuple kurde conduit à ce que soit uniquement visées des cibles militaires, il y a lieu de constater que cet argument manque en fait, dès lors que plusieurs des actes mentionnés dans les exposés des motifs, en particulier les attaques dirigées contre des installations touristiques, ont visé principalement, et non uniquement de manière collatérale, des populations civiles (voir notamment points 142 et 143 ci-après).

133    Il importe enfin de souligner qu’il ne saurait être déduit de ce qui précède que l’outil de prévention du terrorisme qu’est la position commune 2001/931 et plus généralement l’ensemble du système des mesures restrictives de l’Union formeraient un obstacle à l’exercice du droit à l’autodétermination de populations au sein d’États oppressifs. En effet, la position commune 2001/931 et sa mise en œuvre par le Conseil ne visent pas à déterminer qui, dans un conflit opposant un État à un groupe, a raison ou a tort, mais à lutter contre le terrorisme (arrêt du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil, T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885, point 71). Dans une telle hypothèse, il appartient au Conseil, en faisant usage du large pouvoir d’appréciation reconnu aux institutions de l’Union en matière de gestion des relations extérieures de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 28 octobre 1982, Faust/Commission, 52/81, EU:C:1982:369, point 27 ; du 16 juin 1998, Racke, C‑162/96, EU:C:1998:293, point 52, et ordonnance du 6 septembre 2011, Mugraby/Conseil et Commission, T‑292/09, non publiée, EU:T:2011:418, point 60), de décider à l’égard de qui, personnes physiques et morales liées à l’État concerné ou au peuple souhaitant exercer son droit à l’autodétermination, il y a lieu d’adopter des mesures restrictives.

134    Il convient, par conséquent, d’écarter l’argumentation du requérant relative à la prise en compte du conflit armé légitime pour l’autodétermination du peuple kurde aux fins d’interpréter les buts visés à l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, de la position commune 2001/931.

135    Il s’ensuit que doivent également être écartés l’ensemble des arguments du requérant visant à contester les buts terroristes retenus pour certains des actes qui lui sont imputés au motif qu’ils auraient été commis en représailles contre l’armée turque.

2)      Sur la contestation du caractère terroriste des buts poursuivis par certains des actes attribués au requérant

136    Il convient d’écarter d’emblée le grief tiré en substance de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines, en ce que le Conseil ne pourrait fonder les actes attaqués sur des incidents intervenus avant l’entrée en vigueur de la position commune 2001/931. En effet, compte tenu du caractère purement conservatoire du gel des fonds prévu par la position commune 2001/931, ne constituant pas, dès lors, une sanction pénale ou administrative (voir arrêt du 7 décembre 2010, Fahas/Conseil, T‑49/07, EU:T:2010:499, points 67 et 68 et jurisprudence citée), ce principe général du droit de l’Union, consacré par l’article 49, paragraphe 1, première phrase, de la Charte, selon lequel « [n]ul ne peut être condamné pour une action […] qui au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou le droit international », n’est pas applicable en l’espèce (voir, par analogie, arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, points 70 à 81).

137    Doit par ailleurs être écarté comme inopérant le grief tiré de l’absence de correspondance de certains des actes retenus par les autorités du Royaume-Uni à la définition d’infractions au sens de la législation de cet État. En effet, il découle de la forme de coopération spécifique instituée entre les États membres et le Conseil en matière de lutte contre le terrorisme et de l’obligation pour le Conseil qui en résulte de s’en remettre autant que possible à l’appréciation de l’autorité nationale compétente fondant sa décision qu’il lui incombe de s’en remettre également à cette autorité s’agissant de la qualification des éléments factuels constatés au regard des règles de droit national. Même si l’exigence de « correspondan[ce] à la définition d’infraction dans le droit national » est requise par l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931, cette qualification relève de la stricte sphère nationale et est indépendante en tant que telle, lorsqu’elle est opérée, de la mise en œuvre de ladite position commune.

138    Quant à la contestation de la correspondance de certains des actes imputés au PKK aux critères fixés par l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931 pour définir la notion d’acte terroriste, il importe de relever, à titre liminaire, que, contrairement à ce que prétend le requérant, il résulte précisément des critiques présentées au soutien du présent moyen et examinées ci-après que celui-ci a disposé, s’agissant des incidents pour lesquels il conteste la qualification d’actes terroristes, de données suffisantes pour avancer des arguments au soutien de sa contestation. Il peut en outre être déduit de la constatation par la Cour, dans l’arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK (C‑46/19 P, EU:C:2021:316, points 62 et 80), que l’exposé des incidents ayant fondé les actes de 2014, de même que celui des actes de 2015 à 2017, repris à l’identique dans les décisions de 2019, était, hormis pour ce qui concerne l’incident intervenu en août 2014, suffisamment motivé que le requérant disposait de données suffisantes pour avancer des arguments au soutien de sa contestation de la qualification des incidents concernés d’actes terroristes.

139    Il peut être considéré ensuite que, indépendamment même du fait que le caractère terroriste des buts poursuivis par le requérant n’est contesté que pour certains seulement des actes retenus par le Conseil, ces contestations ne permettent pas de remettre en cause les appréciations du Conseil.

140    Il doit être souligné en effet que chacun des types d’actes mentionnés à l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, sous a) à k), de la position commune 2001/931 est susceptible de revêtir un caractère terroriste. Un acte, pour être qualifié de « terroriste », n’a pas à cumuler les onze objets mentionnés dans cette disposition.

141    Il s’ensuit qu’il est indifférent que, comme le fait valoir le requérant, certains des actes qui lui sont attribués n’aient pas causé de décès [sous a)], n’aient pas impliqué l’usage d’armes à feu [sous f)], n’aient pas causé de destructions massives [sous d)] ou n’aient pas donné lieu à des enlèvements [sous c)], dès lors que, d’une part, il n’est pas contesté que ces actes poursuivaient d’autres buts terroristes parmi ceux mentionnés à l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, sous a) à k), de la position commune 2001/931 et que, d’autre part, d’autres actes, parmi ceux retenus, ont eu l’un ou l’autre de ces objets.

142    En particulier, quant aux actes retenus par les autorités du Royaume-Uni en 2001, il convient de rappeler que le Conseil les a mentionnés comme suit dans les exposés des motifs des actes de 2015 à 2017 et dans les décisions de 2019 (point 16 de l’annexe A des exposés des motifs) :

–        l’enlèvement de touristes occidentaux, dont plusieurs citoyens du Royaume-Uni, au début des années 1990 ;

–        l’attaque d’une raffinerie en 1993-1994 ;

–        entre 1993 et 1994, une campagne d’attentats contre des installations touristiques, ayant conduit au décès de touristes étrangers, dont des citoyens du Royaume-Uni ;

–        entre 1995 et 1999, des menaces d’attaques à l’encontre d’installations touristiques turques.

143    Ainsi, à supposer même, comme le soutient le requérant, qu’il ne soit pas établi que l’attaque de la raffinerie commise en 1993-1994 ait mis en danger des vies humaines au titre de l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, sous d), de la position commune 2001/931, il reste que ne sont contestées ni les destructions massives occasionnées, mentionnées dans cette disposition, ni la conséquence inéluctable de ces destructions que sont les pertes économiques considérables, citées, avec la mise en danger de vies humaines, comme l’une des deux conséquences alternatives possibles des destructions susmentionnées. De même, quand bien même l’attaque de cette raffinerie ne pourrait être imputée au requérant, ainsi qu’il le fait valoir, il peut être relevé que d’autres actes ont été retenus par les autorités du Royaume-Uni en 2001 (voir point 142 ci-dessus), pour lesquels le requérant ne conteste ni son implication ni le ou les buts terroristes poursuivis, dont les atteintes à la vie de personnes. Enfin, le requérant n’est pas fondé à contester que les menaces d’attaques à l’encontre d’installations touristiques turques entre 1995 et 1999 correspondaient à la définition des actes terroristes de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931, qui vise explicitement sous i) les « menace[s] de réaliser […] des comportements énumérés [sous] a) à h) », tels des atteintes à la vie ou des destructions.

144    En outre, il convient d’écarter les arguments du requérant contestant la qualification des actes en cause d’actes terroristes au motif de divergences entre la définition de l’acte terroriste dans la législation du Royaume-Uni et celle figurant à l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931. En effet, la législation nationale en cause, à savoir la loi du Royaume-Uni de 2000 contre le terrorisme, retient la même définition en deux temps des actes terroristes que celle figurant dans ladite position commune, en définissant ces actes à la fois par les « buts » poursuivis et par les moyens employés à ces fins, et ces « buts » comme ces moyens correspondent dans une large mesure. Est, dès lors, dépourvue de conséquences la circonstance que le critère de gravité soit attaché aux moyens dans la législation du Royaume-Uni (mentionnant par exemple la violence sérieuse, le dommage sérieux) et aux « buts » dans la position commune 2001/931 (mentionnant par exemple le fait de gravement intimider une population, de gravement déstabiliser ou détruire).

145    Quant aux actes retenus par les autorités du Royaume-Uni en 2014, il peut être relevé, à titre surabondant (voir points 116 et 117 ci-dessus), que le Conseil n’a pas identifié spécifiquement les buts terroristes poursuivis par chacun d’eux, seule une conclusion générale énumérant l’ensemble de ces buts [en l’occurrence ceux visés sous a), c), d) et f) à i) de l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, de la position commune 2001/931], tant pour les actes retenus en 2001 que pour ceux retenus en 2014, figurant dans les exposés des motifs (point 19 de l’annexe A). Sont, dès lors, dépourvus de pertinence, aux fins de la qualification d’actes terroristes au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931, les arguments reprochant au Conseil d’avoir considéré que les actes retenus en 2014 avaient porté atteinte à la vie de personnes [article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, sous a), de la position commune 2001/931], avaient donné lieu à l’utilisation d’armes à feu [article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, sous f), de la position commune 2001/931] ou avaient causé des destructions massives [article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, sous d), de la position commune 2001/931], qui ne correspondent qu’à trois des buts parmi les sept retenus, étant précisé au surplus que ces buts terroristes ont été valablement retenus à propos des actes visés dans la décision des autorités du Royaume-Uni de 2001 (voir point 143 ci-dessus).

146    Par conséquent, le moyen tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931 doit être écarté.

3.      Sur le moyen tiré de la violation de larticle 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931

147    Il y a lieu de rappeler que, dans le cadre d’un réexamen effectué au titre de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, le Conseil peut maintenir le nom de la personne ou de l’entité concernée sur une liste de gel des fonds s’il conclut à la persistance du risque d’implication de celle-ci dans des activités terroristes ayant justifié son inscription initiale sur cette liste, ce maintien constituant ainsi, en substance, le prolongement de l’inscription initiale de la personne ou de l’entité concernée sur ladite liste. À cet effet, le Conseil est tenu de vérifier si, depuis cette inscription initiale, la situation factuelle n’a pas changé de telle manière qu’elle ne permet plus de tirer la même conclusion concernant l’implication de la personne ou de l’entité concernée dans des activités terroristes (voir, en ce sens, arrêts du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, points 46 et 51 et jurisprudence citée ; du 20 juin 2019, K.P., C‑458/15, EU:C:2019:522, point 43, et du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 49).

148    Dans le cadre de la vérification de la persistance du risque d’implication de la personne ou de l’entité concernée dans des activités terroristes, le sort ultérieurement réservé à la décision nationale ayant servi de fondement à l’inscription initiale de cette personne ou de cette entité sur les listes de gel des fonds doit être dûment pris en considération, en particulier l’abrogation ou le retrait de cette décision nationale en raison de faits ou d’éléments nouveaux ou d’une modification de l’appréciation de l’autorité nationale compétente (arrêts du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 52, et du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 50).

149    En outre, le seul fait que la décision nationale ayant servi de fondement à l’inscription initiale demeure en vigueur peut, à la lumière du temps écoulé et en fonction de l’évolution des circonstances de l’espèce, ne pas suffire pour conclure à la persistance du risque d’implication de la personne ou de l’entité concernée dans des activités terroristes. Dans une telle situation, notamment si la décision nationale ayant servi de fondement à l’inscription initiale n’a pas fait l’objet d’un réexamen par l’autorité compétente, le Conseil est tenu de fonder le maintien du nom de cette personne ou de cette entité sur les listes de gel des fonds sur une appréciation actualisée de la situation, tenant compte d’éléments plus récents, démontrant que ce risque subsiste (voir, en ce sens, arrêts du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, points 52, 62 et 72 ; du 26 juillet 2017, Conseil/Hamas, C‑79/15 P, EU:C:2017:584, points 40 et 50 ; du 20 juin 2019, K.P., C‑458/15, EU:C:2019:522, points 52, 60 et 61, et du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 51).

150    Les conditions déclenchant cette obligation d’actualisation que sont l’écoulement du temps et l’évolution des circonstances de l’espèce sont de nature alternative, et ce en dépit de l’emploi de la conjonction « et » dans la jurisprudence mentionnée au point 149 ci-dessus. Le juge de l’Union a ainsi pu affirmer l’obligation d’actualisation du Conseil en se fondant sur le temps écoulé, sans nécessairement évoquer également un changement de circonstances au cours de ce laps de temps (arrêt du 26 juillet 2017, Conseil/Hamas, C‑79/15 P, EU:C:2017:584, points 32 et 33), indiquant parfois même que le laps de temps en cause constitue « en soi » un élément justifiant cette actualisation (arrêt du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, point 176). En effet, le seul écoulement d’un laps de temps important peut suffire à justifier une actualisation de l’appréciation du Conseil, dès lors qu’il s’agit d’apprécier la persistance d’un risque et ainsi l’évolution dans le temps de ce risque. De même, il peut difficilement être fait abstraction d’un événement marquant un changement important de circonstances, même si celui-ci intervenait quelques mois seulement après l’adoption de l’acte de maintien de l’inscription.

151    Lorsqu’elle est justifiée par l’écoulement du temps ou l’évolution des circonstances de l’espèce, le Conseil peut s’appuyer, aux fins de la nécessaire actualisation de son appréciation, sur des éléments récents tirés non seulement de décisions nationales adoptées par des autorités compétentes, mais également d’autres sources et, partant, également sur ses propres appréciations (voir, en ce sens, arrêts du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, points 52, 62 et 72 ; du 26 juillet 2017, Conseil/Hamas, C‑79/15 P, EU:C:2017:584, points 40 et 50 ; du 20 juin 2019, K.P., C‑458/15, EU:C:2019:522, points 52, 60 et 61, et du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 51).

152    Il importe de souligner, à cet égard, en réponse à l’argument avancé par le requérant dans l’affaire T‑316/14 RENV, relatif à une prétendue obligation de réexamen par les autorités nationales et au nécessaire appui par le Conseil sur ces réexamens, que c’est précisément parce que le système de mesures restrictives instauré par la position commune 2001/931 ne prévoit pas de mécanisme qui permettrait au Conseil de disposer, en cas de besoin, de décisions nationales, adoptées postérieurement à l’inscription initiale, pour effectuer les réexamens qui lui incombent au titre de l’article 1er, paragraphe 6, de ladite position commune, qu’il ne saurait être considéré que ce système exige du Conseil d’effectuer ces réexamens exclusivement sur le fondement de telles décisions nationales, sous peine de restreindre indûment les moyens dont dispose le Conseil à cette fin (arrêts du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, points 63 et 64, et du 26 juillet 2017, Conseil/Hamas, C‑79/15 P, EU:C:2017:584, point 45).

153    Il convient par ailleurs de rappeler que, s’agissant des éléments plus récents relevant de l’appréciation actualisée de la situation, qu’ils soient tirés de décisions nationales ou d’autres sources, le juge de l’Union est tenu de vérifier, d’une part, le respect de l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE et, partant, le caractère suffisamment précis et concret des motifs invoqués ainsi que, d’autre part, la question de savoir si ces motifs sont étayés, ce qui implique que ce juge s’assure, au titre du contrôle de la légalité au fond de ces motifs, que ces actes reposent sur une base factuelle suffisamment solide et vérifie les faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend le maintien sur les listes de gel des fonds (voir, en ce sens, arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 118 et 119 ; du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 70, et du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 52).

154    Aux fins de ce contrôle juridictionnel, la personne ou l’entité concernée peut, dans le cadre du recours introduit contre le maintien de son nom sur la liste de gel des fonds litigieuse, contester l’ensemble des éléments sur lesquels le Conseil s’appuie afin de démontrer la persistance du risque de son implication dans des activités terroristes, indépendamment de la question de savoir si ces éléments sont tirés d’une décision nationale adoptée par une autorité compétente ou d’autres sources. En cas de contestation, il appartient au Conseil d’établir le bien-fondé des constatations factuelles retenues et au juge de l’Union de vérifier l’exactitude matérielle des faits concernés (voir arrêt du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 71 et jurisprudence citée ; arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 53). Il importe de souligner, à cet égard, que, compte tenu du système de coopération spécifique entre le Conseil et les États membres mis en place par la position commune 2001/931 et de l’obligation qui en découle pour le Conseil de s’en remettre autant que possible à l’appréciation des autorités nationales, les décisions de ces autorités jouissent d’une force probante particulière, facilitant ainsi l’établissement des faits par le Conseil et leur vérification par le juge de l’Union lorsque lesdits faits ont été préalablement établis par des autorités nationales compétentes.

155    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si les actes de 2014, les actes de 2015 à 2017 ainsi que les décisions de 2019 ont été adoptés dans le respect des exigences de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, en distinguant ces trois types d’actes compte tenu des éléments différents pris en compte au titre de l’actualisation de l’appréciation du Conseil dans les exposés des motifs qui les accompagnent.

a)      Sur le réexamen effectué par le Conseil dans les actes de 2014 (affaire T316/14 RENV)

156    Il ressort des exposés des motifs des actes de 2014 que, aux fins du maintien de l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses, le Conseil s’est fondé, compte tenu de l’historique des activités terroristes du requérant depuis l’année 1984 et des cessez-le-feu déclarés unilatéralement par celui-ci notamment depuis l’année 2009, non seulement sur les décisions des autorités américaines et turques toutes antérieures à 2009, mais aussi sur le fait que l’ordonnance du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni de 2001 ayant servi de fondement à l’inscription initiale du PKK sur cette liste demeurait en vigueur et sur une liste de 69 incidents survenus entre le 14 novembre 2003 et le 19 octobre 2011 dont le Conseil estimait qu’ils constituaient des « actes de terrorisme », au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931, imputables au requérant (voir points 11 et 12 ci-dessus).

157    Le requérant reproche au Conseil de ne pas avoir fondé le maintien de son nom sur les listes litigieuses sur une appréciation actualisée de la situation, comme le lui aurait imposé l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931. En effet, le Conseil se serait uniquement appuyé sur des informations dépassées issues de décisions nationales et n’aurait pas pris en compte les nombreuses informations récentes fournies par le requérant relatives au processus de paix ayant débuté en 2012, au cessez-le-feu qui l’a suivi, au retrait consécutif de ses troupes du territoire turc ainsi qu’à sa participation à la lutte contre Daech, laquelle a conduit à ce que plusieurs appels soient lancés en 2014 pour le radier des listes terroristes.

158    Premièrement, il doit être relevé qu’un laps de temps important s’est écoulé entre l’adoption de l’ordonnance du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni de 2001 et celle des actes de 2014, ce qui justifie en soi une actualisation de l’appréciation de la persistance du risque d’implication terroriste du PKK.

159    Deuxièmement, il peut être constaté que, pendant le laps de temps de treize ans séparant l’adoption de l’ordonnance de 2001 de celle des actes de 2014, se sont produits plusieurs événements marquant une évolution des circonstances au sens de la jurisprudence rappelée au point 149 ci-dessus.

160    Sont ainsi évoqués dans les actes de 2014 plusieurs cessez-le-feu déclarés unilatéralement par le PKK en 2005, en 2006 et « depuis 2009 » ainsi qu’une « feuille de route en trois étapes » pour la paix établie par le PKK en 2003. Même si l’exposé des motifs des actes de 2014 n’en fait pas état, doivent également être évoqués les négociations de paix qui ont eu lieu entre le PKK et le gouvernement turc en 2012 et en 2013 ainsi que l’appel à la paix lancé le 21 mars 2013 par M. Abdullah Öcalan, fondateur et leader du PKK, tous deux invoqués par le requérant (voir points 167 à 171 ci-après).

161    En revanche, la participation du requérant à la lutte contre Daech ne constitue pas, à ce stade, un événement marquant une évolution des circonstances justifiant une actualisation, dès lors que, d’après les éléments figurant au dossier, celle-ci a débuté au cours du second semestre de 2014, soit après l’adoption des actes de 2014.

162    Il s’ensuit que le Conseil était tenu d’actualiser son appréciation de la persistance du risque d’implication terroriste du requérant.

163    Le Conseil a, pour ce faire, énuméré un grand nombre d’incidents survenus entre le 14 novembre 2003 et le 19 octobre 2011, dont notamment 17 incidents, survenus entre le 17 janvier 2010 et le 19 octobre 2011, qui étaient postérieurs aux cessez-le-feu déclarés unilatéralement par le PKK depuis 2009.

164    À cet égard, il y a lieu de relever, tout d’abord, que la Cour a jugé, dans l’arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK (C‑46/19 P, EU:C:2021:316), que cette actualisation était suffisamment motivée, et le Tribunal est lié par cette appréciation. Selon la Cour, les exposés des motifs afférents aux actes de 2014 permettaient au PKK de connaître les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le Conseil avait considéré que, nonobstant les cessez-le-feu déclarés unilatéralement depuis l’année 2009, le risque d’une implication de cette organisation dans des activités terroristes persistait. La Cour a précisé que, ainsi, les éléments figurant dans ces exposés des motifs étaient suffisants pour mettre le PKK en mesure de comprendre ce qui lui était reproché pour, le cas échéant, le contester et pour permettre au Tribunal d’exercer son contrôle (arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, points 61 et 62).

165    Il peut également être relevé, ensuite, que le requérant n’a valablement contesté la matérialité ou l’imputation à son égard que de certains des incidents concernés. En effet, même s’il ressort de la jurisprudence que la personne ou l’entité concernée ne saurait être tenue, aux fins de cette contestation, d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé de ces motifs (voir arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 54 et jurisprudence citée), elle doit, à tout le moins, spécifiquement indiquer les incidents qu’elle conteste (voir, en ce sens, arrêt du 6 mars 2019, Hamas/Conseil, T‑289/15, EU:T:2019:138, point 151 et jurisprudence citée). Or, le requérant ne conteste spécifiquement que certains des 69 incidents. De même, compte tenu de l’appréciation susvisée de la Cour relative au respect par le Conseil de son obligation de motivation, le requérant ne peut sérieusement se retrancher derrière une prétendue absence de précision de la description des incidents en cause dans les exposés des motifs pour prétendre qu’il serait dans l’incapacité de présenter une contestation. Il ne saurait davantage reprocher au Conseil de n’avoir pas indiqué les sources des informations relatives aux incidents retenus, le Conseil n’étant pas tenu à une telle indication, dès lors que l’absence de cette indication n’empêche pas l’entité dont l’inscription est maintenue de comprendre les raisons de ce maintien et que ladite entité peut demander à accéder aux documents du Conseil (voir, en ce sens, arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 64 ; voir, également, arrêt du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, points 378 à 380 et jurisprudence citée). Il en résulte, en l’espèce, que, notamment parmi les 17 incidents intervenus entre 2010 et 2011, le requérant n’a contesté qu’un nombre limité d’entre eux.

166    Il peut donc être considéré, compte tenu au surplus de la qualification à bon droit des incidents en cause d’actes terroristes (voir points 116, 117 et 146 ci-dessus), que le Conseil a respecté son obligation d’actualisation jusqu’en 2011. Il s’ensuit également qu’il n’y a pas lieu de se prononcer sur les critiques adressées à l’appui par le Conseil sur l’ordonnance du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni de 2006 ayant interdit « KADEK » et « KONGRA-GEL » et sur les jugements des cours de sûreté turques dont les derniers pris en compte datent de 2006.

167    Néanmoins, entre 2011 et 2014, délai qui, en tant que tel, peut être considéré comme ne rendant pas nécessaire une actualisation (voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, point 208 et jurisprudence citée), sont intervenus un appel à la paix de M. Öcalan ainsi que des négociations de paix entre le PKK et les autorités turques (voir point 160 ci-dessus), qui ne sont mentionnés ni dans les actes de 2014 et leurs exposés des motifs, ni dans les lettres communiquant ces actes au requérant.

168    Or, de tels éléments caractérisent une évolution des circonstances justifiant une appréciation actualisée de la situation.

169    D’abord, l’appel à la paix de M. Öcalan n’était pas une déclaration isolée, mais s’inscrivait dans un contexte de négociations entamées depuis plusieurs mois au moment où il a été effectué. N’était ainsi pas en cause une simple cessation temporaire ou une suspension des activités terroristes, par définition unilatérale, mais étaient concernées plus largement des négociations de paix, qui présentent une nature bilatérale, dans le cadre desquelles une telle cessation ou suspension était déclarée. Est, dès lors, dépourvue de pertinence la jurisprudence citée par le Conseil, relative à la menace que peut continuer à constituer une organisation ayant commis par le passé des actes de terrorisme, en dépit de la suspension de ses activités terroristes pendant un temps plus ou moins long, voire de la cessation apparente de celles-ci (arrêt du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, EU:T:2008:461, point 112). En outre, si la Cour a jugé, aux points 61 et 62 de l’arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK (C‑46/19 P, EU:C:2021:316), que le Conseil avait valablement motivé la persistance du risque d’implication terroriste du requérant nonobstant les cessez-le-feu déclarés, comme le soutient le Conseil, c’est en se fondant sur la mention des incidents postérieurs aux cessez-le-feu déclarés.

170    Ensuite, les autorités de l’Union, en l’occurrence les hautes autorités en matière de politique extérieure que sont le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et le membre de la Commission chargé de l’élargissement et de la politique européenne de voisinage, avaient elles-mêmes reconnu ce qu’elles avaient qualifié de « processus de paix ». En effet, dans un communiqué de presse du 21 mars 2013, le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et le membre de la Commission chargé de l’élargissement et de la politique européenne de voisinage avaient fait une déclaration commune se réjouissant de cet appel de M. Öcalan demandant au PKK de déposer les armes et de se retirer au-delà des frontières turques, encourageant toutes les parties à travailler sans relâche afin d’apporter la paix et la prospérité à tous les citoyens de Turquie, et accordant un soutien total au processus de paix.

171    Enfin, il peut être relevé que ce processus avait été entamé depuis plus d’un an à la date du premier acte de 2014 et depuis plus de 18 mois à la date du second acte de 2014, sans que ne ressorte ni des actes de 2014 ni du dossier aucun élément permettant de considérer qu’il y aurait été mis un terme à la date d’adoption desdits actes.

172    Il importe de préciser que, ce faisant, et conformément à l’arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK (C‑46/19 P, EU:C:2021:316, points 56, 57, 74 et 88), il n’est pas déduit du silence du Conseil un défaut de motivation. Il peut en revanche être déduit du fait que le Conseil ne fait état d’aucun examen ou d’aucune prise en compte des éléments susvisés que le réexamen effectué n’est pas conforme aux exigences de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931.

173    Une telle analyse est confortée par la circonstance que le Conseil ne fait aucune mention explicite desdits éléments dans ses écritures, se contentant d’évoquer de manière générale des déclarations de cessation d’activités terroristes et armées, dont il doit être souligné, d’une part, qu’elles ne sont pas seules en cause ici, puisque la déclaration concernée de M. Öcalan s’inscrit dans un processus de paix (voir point 169 ci-dessus), et, d’autre part, qu’elles ont conduit précédemment, s’agissant des cessez-le-feu de 2005 et de 2006 notamment, à ce que le Conseil vérifie la poursuite des activités terroristes du PKK postérieurement auxdits cessez-le-feu (voir points 160 et 163 ci-dessus), ce qui n’a pas été le cas à la suite des négociations et des déclarations de 2012 et 2013.

174    Est par ailleurs dépourvue de pertinence à cet égard la déclaration de M. Öcalan du 21 mars 2015, appelant à l’organisation d’un congrès kurde pour décider de mettre un terme à la lutte armée, invoquée par le Conseil dans ses écritures et qui attesterait selon lui que, avant cette date, aucune décision n’avait été prise en ce sens. En effet, même si l’appréciation de la persistance du risque d’implication terroriste peut impliquer une analyse en partie prospective, elle ne saurait conduire à remettre en cause la jurisprudence constante, y compris en matière de mesures restrictives, en vertu de laquelle la légalité d’un acte de l’Union doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été adopté (voir arrêts du 3 septembre 2015, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Commission, C‑398/13 P, EU:C:2015:535, point 22 et jurisprudence citée, et du 4 septembre 2015, NIOC e.a./Conseil, T‑577/12, non publié, EU:T:2015:596, point 112 et jurisprudence citée), de sorte qu’il ne peut être tenu compte que des éléments de fait qui existaient au moment de l’adoption des actes attaqués [voir arrêt du 24 novembre 2021, Al Zoubi/Conseil, T‑257/19, EU:T:2021:819, point 58 (non publié) et jurisprudence citée].

175    Il s’ensuit que le Conseil a méconnu l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, ce qui conduit à l’annulation des actes de 2014, sans qu’il y ait lieu d’examiner le moyen tiré de la violation des articles 4 et 51 de la Charte, dirigé contre la seule prise en compte des jugements des cours de sûreté turques (voir point 166 ci-dessus), ni les trois moyens suivants avancés au soutien de la demande d’annulation des actes de 2014.

b)      Sur le réexamen effectué par le Conseil dans les actes de 2015 à 2017 (affaire T316/14 RENV)

176    Il convient de relever d’emblée que le Conseil a fait état dans les exposés des motifs afférents aux actes de 2015 à 2017 de nouveaux éléments qui justifiaient, selon lui, le maintien du nom du requérant sur les listes litigieuses.

177    En particulier, le Conseil a mentionné une nouvelle décision du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni du 3 décembre 2014 ainsi que, outre l’indication pour la première fois des dates des décisions des autorités des États-Uns ayant fondé l’inscription initiale (1997 et 2001), le réexamen effectué par ces autorités le 21 novembre 2013 et le « dossier administratif » du Département d’État des États-Unis également daté de 2013, en précisant les incidents ayant fondé les décisions nationales concernées et ceux contenus dans le dossier administratif. Il s’est en outre fondé pour la première fois sur plusieurs décisions juridictionnelles françaises rendues entre 2011 et 2014. Le Conseil a par ailleurs indiqué avoir examiné s’il existait des éléments en sa possession qui militeraient en faveur du retrait du nom du PKK et, n’en ayant trouvé aucun, avoir estimé que les raisons ayant justifié l’inscription restaient valables (voir point 13 ci-dessus).

178    Le requérant conteste les incidents sur lesquels est fondée la décision du Royaume-Uni de 2014 et souligne qu’elle ne fait pas suite à une demande de levée d’interdiction qu’il aurait introduite, de sorte qu’elle n’aurait pas été adoptée sur la base de toutes les données pertinentes. Il soutient, s’agissant de la décision des États-Unis de 2013, qu’il n’est pas établi que le dossier administratif du Département d’État des États-Unis portant la même date en serait à la base. Quant aux décisions des juridictions françaises de 2011, de 2013 et de 2014, le requérant relève qu’il n’était pas partie aux procédures ayant donné lieu auxdites décisions, que, au surplus, elles ne seraient pas fondées sur des preuves impartiales, objectives et substantielles, notamment car en grande partie issues d’informations provenant de la Turquie, et qu’elles s’appuieraient sur une définition de l’acte de terrorisme plus large que celle de la position commune 2001/931 ainsi que sur des actes attribués au requérant antérieurs à 2007. Dans ses observations relatives à l’arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK (C‑46/19 P, EU:C:2021:316), le requérant déduit que la considération du Tribunal selon laquelle les décisions judiciaires françaises ne constituent pas une base suffisante pour justifier le maintien de son nom sur les listes litigieuses, n’étant pas contestée par le pourvoi du Conseil, n’est pas remise en cause. Le requérant reproche enfin au Conseil de ne pas avoir tenu compte des éléments détaillés et étayés par des documents, présentés dans sa requête et sa réplique, selon lesquels il est un partenaire important des forces de la coalition des États-Unis et de l’Europe dans la lutte contre Daech.

179    Il convient, dès lors, de déterminer si ces nouveaux éléments permettent de considérer que le Conseil a valablement maintenu le nom du requérant sur les listes litigieuses eu égard aux arguments le contestant avancés par ce dernier, en commençant par ceux critiquant que le Conseil se soit appuyé sur la décision du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni de 2014.

180    Dans les actes de 2015 à 2017, le Conseil précise que cette décision est fondée sur les éléments suivants :

–        en mai 2014, l’attaque du site de construction d’un nouveau poste militaire avancé turc au cours de laquelle deux militaires ont été blessés ;

–        en août 2014, l’attaque d’une centrale électrique et l’enlèvement de trois ingénieurs chinois (point 17 de l’annexe A des exposés des motifs) ;

–        en octobre 2014, l’annonce par le PKK d’une rupture des pourparlers de paix avec la République de Turquie si cette dernière n’intervenait pas contre Daech (point 18 de l’annexe A des exposés des motifs).

181    Il importe de souligner d’emblée que la décision du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni de 2014 a été adoptée par une autorité compétente au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, dès lors qu’elle émane de la même autorité que celle qui a adopté l’ordonnance de 2001 (voir point 67 ci-dessus). Ainsi, même si le Conseil n’est pas tenu de s’appuyer sur des éléments tirés de décisions d’autorités nationales compétentes pour maintenir le nom d’une entité sur les listes de gel des fonds (voir points 151 et 152 ci-dessus), il reste que, lorsqu’il s’appuie sur de telles décisions aux fins de ce maintien, les éléments tirés de ces décisions doivent être considérés comme jouissant d’une force probante particulière (voir point 154 ci-dessus).

182    Il convient également de rappeler que la Cour a jugé, dans l’arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK (C‑46/19 P, EU:C:2021:316), que la mention de l’attaque du mois d’août 2014 était insuffisamment motivée, mais que, en revanche, les mentions des actes de mai et d’octobre 2014 l’étaient suffisamment (points 78 à 80). Elle a en outre jugé que, dans la mesure où le Tribunal a relevé, au point 103 de l’arrêt du 15 novembre 2018, PKK/Conseil (T‑316/14, EU:T:2018:788), que le PKK avait présenté des arguments tendant à contester l’imputation qui lui avait été faite des incidents visés dans la décision de réexamen du ministre de l’Intérieur de 2014, telle que décrite à l’annexe A des actes de 2015 à 2017, ainsi que leur qualification d’actes terroristes au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931, cette argumentation visait à contester la réalité des faits mentionnés ainsi que leur qualification juridique, ce qui tendait non pas à établir une violation par le Conseil de son obligation de motivation, mais à contester la légalité au fond de ces actes et à déclencher ainsi l’obligation pour le Conseil d’établir le bien-fondé des motifs invoqués (point 81).

183    En l’espèce, il peut être constaté, à la suite de la réponse du requérant à une question posée par le Tribunal lors de l’audience, que celui-ci se borne à contester la menace de rupture des pourparlers de paix proférée en octobre 2014, en faisant valoir qu’il se serait limité à avertir les autorités turques d’un risque d’échec des négociations de paix si elles n’agissaient pas contre Daech, sans les menacer d’une rupture de ces négociations. En revanche, il a été acté au procès-verbal d’audience que le requérant avait admis que les actes commis par les guérillas kurdes des Forces de défense du peuple (HPG) pouvaient lui être imputés, ce dont il peut être déduit qu’il ne conteste plus l’attaque de mai 2014. En effet, l’imputation aux HPG et non au PKK était le seul motif de contestation que le requérant avait soulevé à l’égard de cette attaque dans son mémoire en adaptation.

184    En outre, quant à l’argument du requérant selon lequel la décision de 2014 ne pourrait être prise en compte, au motif que la demande de levée d’interdiction à laquelle elle répond n’émane pas du PKK, il ressort de la jurisprudence que le sort ultérieurement réservé à la décision nationale ayant servi de fondement à l’inscription initiale doit être dûment pris en considération et que ce qui compte, à cet égard, est l’éventuelle abrogation ou retrait ou, à l’inverse, confirmation de cette décision nationale en raison de faits ou d’éléments nouveaux ou à la suite d’une modification de l’appréciation ou d’un complément apporté à ladite appréciation, davantage que l’entité qui a suscité cette nouvelle appréciation (voir, en ce sens, arrêts du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 52, et du 26 juillet 2017, Conseil/Hamas, C‑79/15 P, EU:C:2017:584, point 30). Il en est d’autant plus ainsi en l’espèce que le ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni a fondé sa décision de 2014 sur plusieurs nouveaux actes terroristes intervenus en 2014, dont l’un au moins n’est pas contesté par le requérant (voir point 183 ci-dessus). Il peut être relevé, en tout état de cause, que le Conseil a indiqué, dans ses exposés des motifs (point 12 de l’annexe A), que le PKK lui-même avait demandé sans succès à trois reprises (en 2001, en 2009 et en 2014) la levée de son interdiction, ce dont il peut être déduit que l’autorité compétente avait à sa disposition, notamment en 2014, les arguments et les éléments avancés par le PKK en faveur de sa demande.

185    Il s’ensuit que, compte tenu de la qualification à bon droit de l’attaque de mai 2014 d’acte terroriste (voir points 135 et 145 ci-dessus), le Conseil a valablement retenu une implication du PKK dans des actes terroristes jusqu’au 13 mai 2014, date de l’acte terroriste non contesté retenu par la décision du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni de 2014. Cet acte est en outre postérieur aux événements de 2012 et 2013 qui ont été considérés comme justifiant une actualisation de l’appréciation du risque d’implication terroriste.

186    Le Conseil a, dès lors, valablement actualisé son appréciation du risque d’implication terroriste jusqu’en mai 2014, ce qui, en termes de « distance temporelle » par rapport à la date des actes de 2015 à 2017, de moins de cinq ans, y compris pour les derniers actes, suffit à considérer que le réexamen au titre de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931 a été mené en bonne et due forme (voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, point 208 et jurisprudence citée).

187    Cette considération n’est pas remise en cause par la participation du requérant à la lutte contre Daech à partir du second semestre de 2014, que celui-ci présente comme un événement marquant un changement de circonstances justifiant une actualisation de l’appréciation du Conseil (voir point 178 ci-dessus) et que le Conseil a, à juste titre, estimé ne pas devoir prendre en compte. En effet, une telle participation est concomitante de l’avertissement susmentionné lancé aux autorités turques, quand bien même cet avertissement n’aurait pas la portée indiquée dans les actes de 2015 à 2017 (voir point 183 ci-dessus). Elle ne révèle pas, dès lors, un quelconque apaisement dans les relations du PKK avec la République de Turquie et n’implique pas, en tant que telle, la cessation de son conflit avec cet État et des activités pouvant être considérées comme terroristes menées dans ce cadre. Partant, il ne saurait être déduit de cette circonstance un changement de nature à obliger le Conseil à s’assurer de la persistance du risque d’implication terroriste du PKK.

188    Il en résulte que le moyen tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931 doit être écarté en ce qu’il vise les actes de 2015 à 2017, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les arguments critiquant l’appui du Conseil sur les décisions des autorités américaines et françaises qui se fondent sur des incidents antérieurs à 2014.

c)      Sur le réexamen effectué par le Conseil dans le cadre des décisions de 2019 (affaire T148/19)

189    Les décisions de 2019 sont quasi identiques aux actes de 2015 à 2017. Les arguments avancés par le requérant à l’encontre de ces décisions sont d’ailleurs semblables à ceux contestant le réexamen ayant donné lieu aux actes de 2015 à 2017.

190    La seule différence entre les actes de 2015 à 2017 et les décisions de 2019 concerne uniquement la décision 2019/1341, dans laquelle figure la mention d’un incident supplémentaire daté du 23 octobre 2017 attribué au PKK. Il s’agit de l’attaque d’un véhicule militaire turc par un engin explosif dans la province sud de Hakkari, lors de laquelle un soldat turc a été tué (point 16, dernier tiret, de l’exposé des motifs). Cette attaque est présentée comme figurant dans le dossier administratif des autorités des États-Unis de 2019. La source à l’origine de cette information, à savoir l’agence de presse Reuters, est citée.

191    Il y a lieu de relever d’emblée que le requérant ne conteste pas la matérialité de cette attaque, ni qu’il en est l’auteur, se bornant à rejeter sa qualification d’acte terroriste au sens de l’article 1er,  paragraphe 3, de la position commune 2001/931, au motif non pertinent que ledit acte s’inscrirait dans le conflit armé l’opposant à la République de Turquie (voir points 134 et 135 ci-dessus). La mention de cette attaque dans la décision 2019/1341 est par ailleurs suffisamment motivée (voir point 231 ci-après).

192    Il importe de souligner, en outre, que la circonstance que les actes prétendument terroristes retenus aux fins du maintien sur les listes litigieuses, dont ni la matérialité ni l’imputation au requérant ne sont contestées par ce dernier, ont été constatés par une autorité nationale ne pouvant être qualifiée d’autorité compétente au sens de la position commune 2001/931 n’empêche pas le Conseil de valablement s’appuyer sur de tels actes dans le cadre de son réexamen du risque d’implication terroriste. En effet, lors du réexamen du bien-fondé de l’inscription d’une entité, le Conseil n’est pas tenu de se fonder sur des éléments constatés dans une décision d’une autorité compétente répondant aux critères de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 (voir, en ce sens, arrêts du 4 septembre 2019, Hamas/Conseil, T‑308/18, EU:T:2019:557, point 150, et du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, point 143).

193    Il n’est, dès lors, pas déterminant en l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 96 ci-dessus, que la qualification d’autorité compétente soit déniée aux autorités des États-Unis. Ne porte pas davantage à conséquence la circonstance que, comme le prétend le requérant, il ne ressortirait pas clairement des décisions de 2019 que les incidents concernés aient, en plus de figurer dans le dossier administratif des États-Unis, fondé le maintien de sa désignation d’organisation terroriste à l’issue des réexamens par les autorités des États-Unis.

194    Il doit également être noté que, à la différence de l’affaire T‑316/14 RENV, à l’exception de l’enlèvement de trois ingénieurs chinois, le requérant ne conteste pas davantage la matérialité des actes ayant fondé la décision du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni de 2014 ou sa participation à ceux-ci.

195    Il doit en outre être tenu compte de l’insuffisance de motivation constatée par la Cour à propos de l’attaque de la centrale électrique survenue en août 2014 et qui a conduit à l’enlèvement de trois ingénieurs chinois (arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 78). Même si le requérant n’allègue pas cette insuffisance de motivation dans l’affaire T‑148/19, dans ses observations relatives à l’arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK (C‑46/19 P, EU:C:2021:316), cette considération est d’ordre public et les parties ont été mises en mesure de présenter leurs observations à ce sujet.

196    Il s’ensuit, s’agissant, premièrement, de la décision 2019/25, que le dernier fait commis par le PKK valablement retenu et qualifié de terroriste par le Conseil (voir points 135 et 145 ci-dessus) remonte à mai 2014, ce qui correspond à une distance temporelle d’environ quatre ans et demi par rapport à ladite décision, laquelle ne rendait pas nécessaire une actualisation, ainsi qu’il ressort du point 167 ci-dessus.

197    Ce fait est en outre postérieur aux événements de 2012 et 2013 qui ont été considérés comme justifiant une actualisation de l’appréciation du risque d’implication terroriste, laquelle peut donc être considérée comme ayant été correctement effectuée à cet égard.

198    Il peut par ailleurs être considéré, à l’instar de l’appréciation effectuée à propos des actes de 2015 à 2017, que le Conseil a valablement estimé que la participation du PKK à la lutte contre Daech postérieure à l’attaque de mai 2014 ne constituait pas un changement de circonstances de nature à l’obliger à s’assurer de la persistance du risque d’implication terroriste du PKK (voir point 187 ci-dessus). Il en est d’autant plus ainsi que le requérant fait valoir dans l’affaire T‑148/19, au titre d’un autre changement de circonstances, la transformation de l’État turc en un État totalitaire opprimant le peuple kurde, mettant ce faisant en évidence le maintien de son hostilité à l’égard des autorités turques. Cette oppression étant par ailleurs invoquée en substance au soutien des arguments du PKK relatifs au conflit armé l’opposant à la République de Turquie, elle ne traduit pas une évolution impliquant, en tant que telle, la pacification du PKK.

199    Il en est de même des déclarations de M. Öcalan indiquant sa disponibilité pour des négociations politiques et la nécessité de parvenir à une solution démocratique plutôt que de maintenir des attitudes conflictuelles et le recours à la violence physique. En effet, indépendamment de leur formulation beaucoup moins solennelle et affirmative que la déclaration susvisée de 2013 et de la circonstance que le PKK n’y est aucunement mentionné, ces déclarations recueillies par les avocats de M. Öcalan et ensuite rendues publiques, datant des mois de mai à août 2019, sont postérieures à la décision 2019/25.

200    S’agissant, deuxièmement, de la décision 2019/1341, le dernier fait commis par le PKK valablement retenu et qualifié de terroriste par le Conseil (voir point 191 ci-dessus) date de 2017, soit moins de deux ans par rapport à ladite décision, ce qui constitue a fortiori une distance temporelle ne rendant pas nécessaire une actualisation de la persistance du risque d’implication terroriste.

201    L’attaque de 2017 étant par ailleurs largement postérieure aux événements de 2012 et 2013 et au début de la participation du PKK à la lutte contre Daech, il peut également être considéré que cette attaque justifiait que le Conseil, au terme de son réexamen, confirme la persistance du risque d’implication terroriste du PKK et maintienne l’inscription litigieuse par l’adoption de la décision 2019/1341 en dépit de ces événements et de cette participation. Quant aux déclarations susmentionnées de M. Öcalan faites entre mai et août 2019, elles sont trop récentes eu égard à la décision 2019/1341, adoptée le 8 août 2019, pour justifier, dès ce stade, une actualisation de l’appréciation du Conseil, en l’absence de recul suffisant sur les suites données à ces déclarations en termes de cessation des violences ou de déclenchement d’un processus pacifique.

202    Il s’ensuit que le Conseil a respecté les exigences de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931 lors de son réexamen de la persistance du risque d’implication terroriste du PKK dans les décisions de 2019.

203    Il résulte ainsi de l’ensemble de ce qui précède que le moyen tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931 doit être accueilli en ce qui concerne les seuls actes de 2014 sans qu’il y ait lieu, dès lors, d’examiner le moyen tiré de la violation des articles 4 et 51 de la Charte soulevé uniquement à l’encontre de ces actes de 2014 (voir point 175 ci-dessus), ni les trois moyens suivants avancés au soutien de la demande d’annulation desdits actes. Le moyen tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931 doit, en revanche, être écarté s’agissant des actes de 2015 à 2017 et des décisions de 2019.

4.      Sur le moyen tiré de la violation du principe de proportionnalité

204    Le requérant fait valoir que le maintien de son nom sur les listes litigieuses constitue un moyen disproportionné pour poursuivre l’objectif de lutte contre le terrorisme, compte tenu du changement de circonstances depuis 2002 ainsi que des répercussions de cette inscription dans les États membres, y compris en termes de liberté d’expression et de réunion, sur les actions politiques du PKK et à l’égard des Kurdes en général. Le requérant souligne par ailleurs que la durée de l’inscription en cause paraît illimitée et qu’il existe des mesures moins contraignantes pour lutter contre le terrorisme.

205    Compte tenu de l’illégalité constatée des actes de 2014, le présent moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité, sera, pour des raisons d’économie de procédure, examiné uniquement en ce qu’il vise les actes de 2015 à 2017 et les décisions de 2019.

206    Il convient de rappeler, à cet égard, que les droits fondamentaux, dont le droit de propriété, la liberté d’expression ou le droit de réunion, ne jouissent pas, en droit de l’Union, d’une protection absolue. Des restrictions peuvent être apportées à l’usage de ces droits à condition, premièrement, qu’elles soient dûment justifiées par des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union et, deuxièmement, qu’elles ne constituent pas, au regard de ces objectifs, une intervention démesurée, ou intolérable, qui porterait atteinte à leur substance (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 121 et jurisprudence citée).

207    En ce qui concerne la première condition, il est de jurisprudence constante que le gel des fonds, des avoirs financiers et d’autres ressources économiques des personnes et des entités identifiées, selon les règles prévues par le règlement no 2580/2001 et par la position commune 2001/931, comme étant impliquées dans le financement du terrorisme poursuit un objectif d’intérêt général, dès lors qu’il s’inscrit dans la lutte menée contre les menaces que font peser les actes de terrorisme sur la paix et la sécurité internationales (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 123 et jurisprudence citée).

208    Quant à la seconde condition, il importe de relever que les mesures organisant le gel des fonds ne sont pas en principe considérées comme étant démesurées, intolérables ou comme portant atteinte à la substance des droits fondamentaux ou de certains d’entre eux.

209    En effet, ce type de mesures est nécessaire, dans une société démocratique, pour lutter contre le terrorisme (voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, EU:T:2008:461, point 129 et jurisprudence citée). De plus, les mesures organisant le gel des fonds ne sont pas absolues, compte tenu de ce que les articles 5 et 6 du règlement no 2580/2001 prévoient la possibilité, d’une part, d’autoriser l’utilisation de fonds gelés pour faire face à des besoins essentiels ou satisfaire à certains engagements et, d’autre part, d’accorder des autorisations spécifiques permettant, dans des conditions particulières, de dégeler des fonds, d’autres avoirs financiers ou d’autres ressources économiques (voir arrêt du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 127 et jurisprudence citée).

210    En outre, le gel des fonds ne constitue pas une mesure permanente, dès lors que, en application de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, le maintien du nom des personnes et des entités sur les listes de gel des fonds fait l’objet d’un réexamen périodique en vue d’assurer qu’en soient radiées celles qui ne répondent plus aux critères pour y figurer (arrêt du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 129).

211    Il s’ensuit, en l’espèce, que, dans la mesure où il a été considéré que le Conseil avait correctement procédé au réexamen de la persistance du risque d’implication terroriste du requérant, eu égard notamment aux changements de circonstances allégués par ce dernier, dans les actes de 2015 à 2017 (voir point 188 ci-dessus) et dans les décisions de 2019 (voir point 202 ci-dessus), il peut être considéré que le principe de proportionnalité a été respecté.

212    Cette conclusion n’est pas remise en cause par la prétendue inefficacité des mesures de gel des fonds en cause et, ainsi, leur caractère prétendument inapproprié, en ce qu’elles n’auraient pas empêché la violence exercée à l’encontre des Kurdes et n’auraient pas conduit à une résolution pacifique et démocratique du conflit opposant les Kurdes aux autorités turques. En effet, tel n’est pas l’objectif des actes de 2015 à 2017 et des décisions de 2019, ainsi qu’il ressort d’ailleurs de certains de leurs intitulés reprenant celui de la position commune 2001/931 et la mention de l’objectif de lutte contre le terrorisme, objectif qui n’est d’ailleurs contesté par le requérant ni quant à son existence ni quant à sa légitimité, au demeurant confirmée par la jurisprudence rappelée au point 207 ci-dessus.

213    Sont également dépourvus de pertinence les prétendus effets produits sur les Kurdes et, plus généralement, sur toute personne souhaitant apporter son soutien aux Kurdes. En effet, les actes de 2015 à 2017 et les décisions de 2019 visent exclusivement la lutte contre le terrorisme et le PKK, seul mentionné dans les annexes de ces actes et décisions, en tant que partie prenante à des actes terroristes. Ainsi, quand bien même les agissements dénoncés par le requérant dirigés contre des personnes sans lien avec lui, tels que des arrestations ou des entraves à la liberté de circulation, seraient avérés, qu’ils soient le fait d’autorités d’États membres ou le fait des autorités turques, auxquelles les actes de 2015 à 2017 et les décisions de 2019 ne s’imposent d’ailleurs pas, ces agissements ne pourraient être considérés comme résultant desdits actes et décisions, qui se bornent à imposer un gel des fonds, et ainsi ne permettent pas de constater leur caractère disproportionné.

214    Quant à l’argument du requérant selon lequel des mesures moins contraignantes permettraient de lutter contre le terrorisme, celui-ci n’explique pas en quoi devraient consister de telles mesures. Le Tribunal n’est donc pas en mesure d’apprécier si elles permettraient d’atteindre aussi efficacement que les mesures de gel des fonds l’objectif poursuivi par celles-ci, à savoir la lutte contre le financement du terrorisme (voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, points 317 et 318).

215    Il s’ensuit que le moyen tiré de la violation du principe de proportionnalité doit être écarté en ce qu’il concerne les actes de 2015 à 2017 et les décisions de 2019.

5.      Sur le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation

216    Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit faire apparaître, de façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise aux fins d’en apprécier le bien-fondé et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 47 et jurisprudence citée).

217    La motivation ainsi requise doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de cet acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées par l’acte au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est notamment pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents ni qu’elle réponde de manière détaillée aux considérations formulées par l’intéressé lors de sa consultation avant l’adoption du même acte, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. Par conséquent, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 48 et jurisprudence citée).

218    En ce qui concerne plus particulièrement le maintien de l’inscription du nom d’une personne ou d’une entité sur une liste de gel des fonds, le juge de l’Union est tenu, dans le cadre de son examen du respect de l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE, de vérifier le caractère suffisamment précis et concret des motifs invoqués (voir arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, points 52 et 56 et jurisprudence citée).

219    Il en résulte que, pour satisfaire à l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE, il incombait, en l’espèce, au Conseil de fournir des motifs suffisamment précis et concrets pour permettre au requérant de connaître les motifs venant au soutien du maintien de l’inscription de son nom sur les listes litigieuses et au Tribunal d’exercer son contrôle.

220    Le requérant soulève, en substance, six griefs au soutien du moyen tiré de la violation du respect de l’obligation de motivation par les actes attaqués. Compte tenu de l’accueil du moyen tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 en ce qui concerne les décisions des autorités des États-Unis de 1997 et de 2001 et de l’accueil du moyen tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 6, de cette position commune en tant qu’il vise les actes de 2014, il n’y a pas lieu d’examiner les griefs critiquant la motivation de ces actes et celle concernant l’appui sur les décisions des États-Unis susvisées. Ainsi, notamment, dans la mesure où, par l’un de ses six griefs, le requérant reproche au Conseil d’avoir méconnu son obligation de motivation en n’ayant pas vérifié si les droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective avaient été garantis par les autorités des États-Unis lorsqu’elles ont adopté leurs décisions de 1997 et de 2001, seuls seront examinés ci-après cinq griefs venant au soutien du moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation du Conseil et concernant les actes de 2015 à 2017 ainsi que les décisions de 2019.

221    Premièrement, le requérant fait valoir que le Conseil a méconnu son obligation de motivation en n’expliquant pas pourquoi les décisions nationales sur lesquelles il s’est fondé étaient des décisions au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931.

222    Le Tribunal a jugé, dans l’arrêt du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil (T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, points 329 et 330), qu’il n’incombait pas au Conseil d’exposer en quoi la décision nationale sur laquelle il s’appuyait constituait une décision d’une autorité compétente au sens de la position commune 2001/931 et que ce n’était que si cette qualification était contestée de manière circonstanciée par la personne ou l’entité concernée au cours de la procédure administrative qui s’est déroulée devant le Conseil, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, que celui-ci devait motiver plus avant les mesures prises sur ce point.

223    En tout état de cause, dans les actes de 2015 à 2017 comme dans les décisions de 2019, dans le cadre d’une section spécifiquement consacrée à la « correspondance aux exigences de l’autorité nationale compétente au sens de la position commune 2001/931 » dans les exposés des motifs, le Conseil a fourni une telle motivation, en rappelant la jurisprudence du Tribunal ayant déjà eu l’occasion d’examiner des décisions similaires émanant des autorités du Royaume-Uni au titre de l’article 1er, paragraphe 4, de ladite position commune, pour conclure à une telle correspondance (point 3).

224    Il s’ensuit, en l’espèce, que le premier grief tiré d’une insuffisance de motivation doit être écarté.

225    Deuxièmement, le requérant fait valoir que le Conseil a méconnu son obligation de motivation en n’indiquant pas les motifs effectifs et précis sur lesquels les décisions nationales prises en compte s’appuyaient. Ce deuxième grief est invoqué en ce qui concerne l’ensemble des décisions prises en compte dans les actes de 2015 à 2017 et uniquement à propos des décisions des États-Unis intervenues en 2013 et en 2019 dans les décisions de 2019.

226    Troisièmement, le requérant fait valoir que le Conseil a méconnu son obligation de motivation en n’indiquant pas les motifs effectifs et précis ayant justifié le maintien de son nom sur les listes après réexamen. Ce troisième grief est soulevé uniquement à l’égard des actes de 2015 à 2017.

227    Il convient de rappeler, quant à ces deuxième et troisième griefs, que la Cour a jugé, dans l’arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK (C‑46/19 P, EU:C:2021:316, points 76 à 89), en réponse aux sixième et septième moyens du pourvoi, que, à l’exception d’un des incidents pris en compte, les actes de 2015 à 2017 étaient suffisamment motivés, en ce qu’ils s’appuyaient sur la décision du Royaume-Uni de 2014 et en ce qu’ils avaient maintenu le nom du requérant sur les listes litigieuses, et le Tribunal est lié par cette appréciation.

228    Quant aux décisions de 2019, dont la motivation est contestée comme insuffisante en ce qu’elles sont fondées sur les décisions des autorités des États-Unis, en l’occurrence les réexamens effectués par ces autorités en 2013 et en 2019, il convient de distinguer entre la décision 2019/25 et la décision 2019/1341.

229    En effet, s’agissant de la décision 2019/25, dans la mesure où il résulte de l’examen du moyen tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931 que le maintien du nom du requérant sur les listes litigieuses par ladite décision est conforme à cette disposition indépendamment de la prise en compte des décisions des États-Unis (voir points 196 et 198 ci-dessus), il n’y a pas lieu de se prononcer sur l’insuffisance de motivation alléguée, qui concerne seulement ces dernières décisions.

230    S’agissant de la décision 2019/1341, dans la mesure où le rejet du moyen tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931 est fondé notamment sur la prise en compte de l’attaque de 2017 retenue par les autorités des États-Unis lors de leur réexamen de 2019 (voir points 191 et 200 ci-dessus), il convient de vérifier le caractère suffisant de la motivation concernant cet élément de preuve. Il importe de préciser, à cet égard, que, dans la mesure où cet élément est pris en compte au titre de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, il est indifférent qu’il n’ait pas été retenu par une autorité compétente, tout comme il est indifférent en conséquence que, comme le fait valoir le requérant, il ne ressorte pas clairement de l’exposé des motifs de la décision 2019/1341 si ledit incident, en tant que figurant au dossier administratif du Département d’État des États-Unis de 2019, a également fondé la décision de maintien de la désignation terroriste prise par les autorités des États-Unis en 2019.

231    S’agissant des faits pertinents justifiant le maintien sur les listes de gel des fonds, le respect de l’obligation de motivation suppose la précision de leur nature, de leur date exacte (jour) et du lieu de leur commission, une certaine approximation étant permise à cet égard, dès lors que peut être mentionnée la région ou la province et non nécessairement la ville exacte (voir, en ce sens, arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, points 61, 62 et 78 à 80). Or, de telles précisions figurent dans l’exposé des motifs de la décision 2019/1341, qui mentionne la nature de l’attaque en cause (attaque d’un véhicule militaire turc par un engin explosif), sa date (23 juin 2017) et le lieu où elle a été commise (province sud d’Hakkari). Les allégations d’insuffisance de motivation de la décision 2019/1341 doivent, dès lors, être écartées.

232    Quatrièmement, le requérant fait valoir que le Conseil a méconnu son obligation de motivation en ne vérifiant pas si les actes examinés par les autorités nationales pouvaient être qualifiés d’actes de terrorisme au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931.

233    Cinquièmement, la violation de l’obligation de motivation résulterait de l’absence de démonstration de la pertinence des décisions du Royaume-Uni ainsi que des décisions françaises prises en compte, eu égard notamment au laps de temps écoulé.

234    Quant à ces deux derniers griefs, il y a lieu de rappeler que l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond de la décision, mais non la motivation de celle-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés. Il s’ensuit que les griefs et les arguments visant à contester le bien-fondé d’un acte sont dénués de pertinence dans le cadre d’un moyen tiré du défaut ou de l’insuffisance de motivation (voir arrêt du 18 juin 2015, Ipatau/Conseil, C‑535/14 P, EU:C:2015:407, point 37 et jurisprudence citée ; arrêt du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, point 143). Il importe de préciser, à cet égard, qu’une insuffisance dans l’examen auquel le Conseil a procédé constitue une erreur entachant la légalité au fond de l’acte attaqué (voir, en ce sens, arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 72).

235    Or, en l’espèce, les quatrième et cinquième griefs avancés par le requérant au soutien de son moyen tiré de la méconnaissance de l’obligation de motivation critiquent en réalité l’étendue et la teneur du réexamen effectué par le Conseil aux fins de l’adoption des décisions attaquées, comme le révèle au demeurant le renvoi opéré par le requérant à ses précédents moyens tirés d’erreurs de fond.

236    Ainsi, le respect par le Conseil de son obligation de s’assurer de la correspondance entre les actes retenus par les autorités nationales et la définition de l’acte terroriste figurant dans la position commune 2001/931 (quatrième grief) a été examiné en réponse au moyen tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931.

237    Il en est également ainsi des obligations incombant au Conseil au titre du réexamen des listes litigieuses et de la prise en compte à cet égard du temps écoulé comme des décisions nationales prises à la suite de celles ayant fondé l’inscription initiale (cinquième grief), lesquelles ont été examinées dans le cadre du moyen tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, qui a été partiellement accueilli sans qu’un examen des décisions françaises ait été requis à cette fin.

238    Il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation doit être écarté pour l’essentiel, c’est-à-dire exception faite de la motivation de l’incident d’août 2014 retenu par les autorités du Royaume-Uni, jugée insuffisante par l’arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK (C‑46/19 P, EU:C:2021:316) (voir points 182 et 227 ci-dessus).

6.      Sur le moyen tiré de la violation des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective

239    Le requérant invoque trois griefs au soutien de ce moyen. Premièrement, le Conseil ne lui aurait pas communiqué, en méconnaissance des critères dégagés par l’arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi (C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518), les éléments de preuve sur lesquels les autorités du Royaume-Uni et des États-Unis se sont fondées. Deuxièmement, le Conseil n’aurait pas davantage démontré que les droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective ont été garantis devant les autorités américaines et françaises. Troisièmement, le requérant estime que ses droits de la défense et son droit à une protection juridictionnelle effective ont également été violés en raison de la méconnaissance flagrante par le Conseil de l’arrêt du 15 novembre 2018, PKK/Conseil (T‑316/14, EU:T:2018:788).

240    Quant au premier grief, il est de jurisprudence constante que, lorsque des informations suffisamment précises permettant à l’entité visée par une mesure restrictive de faire connaître utilement son point de vue sur les éléments retenus à sa charge par le Conseil ont été communiquées, le principe du respect des droits de la défense n’implique pas l’obligation pour ce dernier de donner spontanément accès aux documents contenus dans son dossier. Ce n’est que sur demande de la partie intéressée que le Conseil est tenu de donner accès à tous les documents administratifs non confidentiels concernant la mesure en cause (voir arrêt du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, point 367 et jurisprudence citée).

241    En l’espèce, d’une part, des informations suffisamment précises ont été communiquées au requérant en ce qui concerne les éléments retenus aux fins du maintien de son nom sur les listes litigieuses dans les exposés des motifs annexés aux actes de 2015 à 2017 et aux décisions de 2019, seuls examinés ici pour des raisons d’économie de procédure compte tenu de l’illégalité constatée des actes de 2014. D’autre part, en réponse à une question posée par le Tribunal, le requérant a produit, s’agissant de ces actes et décisions, une seule lettre, datée du 6 mars 2015 et envoyée au Conseil avant l’adoption des actes de 2015. Cette lettre, s’agissant des incidents tirés des décisions des autorités du Royaume-Uni et des États-Unis retenus par le Conseil à des fins de maintien sur les listes litigieuses, seuls en cause dans le moyen, dans la mesure où le requérant peut contester la matérialité et l’imputation qui lui est faite de ces seuls incidents (voir points 37 et 80 ci-dessus), se borne à critiquer l’absence de détails supplémentaires (quatrième et sixième alinéas de la lettre), empêchant de qualifier lesdits incidents d’actes terroristes. Or, une telle mention se rattache à la question de la qualification d’actes terroristes, et non à celle de l’imputation ou de la réalité des incidents en cause, qui pourrait justifier la communication des preuves afférentes. En outre, admettre que cette mention constitue une demande d’accès, même implicite, reviendrait à remettre en cause le principe d’un accès par exception et sur demande, la communication spontanée des éléments de dossier étant considérée comme constituant une exigence excessive (voir, en ce sens, arrêt du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, EU:T:2009:401, point 97).

242    Il s’ensuit qu’il n’incombait pas en l’espèce au Conseil de communiquer au requérant les éléments de preuve pertinents qui n’ont pas été demandés par ce dernier, de sorte que le premier grief doit être écarté.

243    Quant au deuxième grief, il peut être relevé que, s’agissant des décisions des États-Unis, ce grief se confond avec celui invoqué au soutien du moyen tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, reprochant au Conseil de ne pas avoir vérifié si ces décisions ont été adoptées dans le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective. Ce dernier grief ayant été accueilli (voir point 96 ci-dessus), il convient également d’accueillir le présent grief, en ce qu’il fait le même reproche au Conseil.

244    S’agissant des décisions françaises, il n’est pas besoin de se prononcer sur le grief en cause, dès lors qu’il peut être statué sur le présent recours sans les prendre en compte (voir point 188 ci-dessus).

245    Quant au troisième grief invoqué dans la seule affaire T‑148/19, faisant valoir la méconnaissance par le Conseil de l’arrêt du 15 novembre 2018, PKK/Conseil (T‑316/14, EU:T:2018:788), il convient de préciser que, à la suite d’une question posée par le Tribunal, le requérant a indiqué que son grief pouvait être interprété comme étant fondé sur une violation de l’article 266 TFUE, ce qui a été acté au procès-verbal d’audience. Le Conseil n’a d’ailleurs pas contesté cette interprétation du grief.

246    Or, en vertu de l’article 266 TFUE, l’institution dont émane l’acte annulé est tenue de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt d’annulation. Cette obligation s’impose à elle dès le prononcé de l’arrêt d’annulation lorsque celui-ci annule des décisions – comme c’est le cas en l’espèce, puisque, parmi les actes de 2014 et de 2015 à 2017 annulés par l’arrêt du 15 novembre 2018, PKK/Conseil (T‑316/14, EU:T:2018:788), figurent plusieurs décisions – à la différence des arrêts annulant des règlements, qui, en vertu de l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, ne prennent effet qu’à l’expiration du délai de pourvoi ou, en cas de pourvoi, lors du rejet de celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 21 février 2018, Klyuyev/Conseil, T‑731/15, EU:T:2018:90, points 259 à 262 et jurisprudence citée).

247    Plus précisément, en vertu de l’article 266 TFUE, l’illégalité constatée dans les motifs d’un arrêt d’annulation oblige l’institution auteur de l’acte à éliminer cette illégalité dans l’acte destiné à se substituer à l’acte annulé. Cependant, cette obligation peut également, en tant qu’elle vise une disposition d’un contenu déterminé dans une matière donnée, entraîner d’autres conséquences pour cette institution, dont celle d’exclure des textes nouveaux devant intervenir après l’arrêt d’annulation toute disposition ayant le même contenu que celle jugée illégale (voir, en ce sens, arrêt du 26 avril 1988, Asteris e.a./Commission, 97/86, 99/86, 193/86 et 215/86, EU:C:1988:199, points 28 et 29).

248    Ainsi, à la date d’adoption des décisions de 2019, aux fins de respecter ses obligations au titre de l’article 266 TFUE, s’il entendait maintenir le nom du requérant sur les listes en cause, le Conseil était tenu d’adopter un acte de réinscription conforme aux motifs de l’arrêt du 15 novembre 2018, PKK/Conseil (T‑316/14, EU:T:2018:788). Une telle obligation s’imposait au Conseil, compte tenu en particulier des actes concernés en l’espèce, dont les effets sont limités à une période de temps définie impliquant que le Conseil n’ait pas à remplacer l’acte annulé pour la période concernée (voir, en ce sens, arrêt du 26 avril 1988, Asteris e.a./Commission, 97/86, 99/86, 193/86 et 215/86, EU:C:1988:199, point 29) et qui, au surplus, s’agissant du réexamen de la persistance d’un risque d’implication terroriste au titre de l’article 1er,  paragraphe 6, de la position commune 2001/931, se caractérisent souvent par la reproduction dans les actes suivants des motifs figurant dans les actes précédents, tels qu’actualisés le cas échéant. En effet, sans cette obligation, l’annulation prononcée par le juge de l’Union n’empêcherait pas la réitération dans les actes ultérieurs de motifs entachés d’illégalité (voir, en ce sens, arrêt du 14 mars 2017, Bank Tejarat/Conseil, T‑346/15, non publié, EU:T:2017:164, point 31) et serait ainsi privée d’effet utile.

249    Or, en l’espèce, le Conseil a reproduit dans les décisions de 2019 les mêmes motifs que ceux qu’il avait retenus dans les actes de 2015 à 2017 et qui avaient été censurés par l’arrêt du 15 novembre 2018, PKK/Conseil (T‑316/14, EU:T:2018:788). Certes, le Conseil a formé un pourvoi contre cet arrêt. Cependant, ce pourvoi n’était, en ce qui concerne les effets de l’annulation par le Tribunal des décisions litigieuses, pas suspensif et il n’était pas accompagné d’une demande, qu’il était loisible au Conseil de présenter, tendant à la suspension des effets de l’arrêt d’annulation. Un tel refus par le Conseil de tirer les conséquences de la chose jugée est de nature à nuire à la confiance que les justiciables placent dans le respect des décisions de justice.

250    La méconnaissance par le Conseil de ses obligations au titre de l’article 266 TFUE ne saurait néanmoins conduire en l’espèce à l’annulation des décisions de 2019. En effet, l’arrêt du 15 novembre 2018, PKK/Conseil (T‑316/14, EU:T:2018:788), a été annulé par l’arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK (C‑46/19 P, EU:C:2021:316), notamment en ce qu’il avait lui-même annulé les actes de 2015 à 2017. Compte tenu du caractère rétroactif de cette annulation par la Cour, la légalité des décisions de 2019 ne peut plus être contestée sur le fondement d’une violation par le Conseil de l’arrêt du 15 novembre 2018, PKK/Conseil (T‑316/14, EU:T:2018:788) (voir, en ce sens, ordonnance du 14 avril 2014, Manufacturing Support & Procurement Kala Naft/Conseil, T‑263/12, non publiée, EU:T:2014:228, point 37). Le troisième grief doit, dès lors, être écarté.

251    Toutefois, en dépit du rejet de ce troisième grief, il reste que, au moment de l’adoption des décisions de 2019 et de l’introduction du recours dans l’affaire T‑148/19, le Conseil était tenu de tirer les conséquences des illégalités constatées par l’arrêt du 15 novembre 2018, PKK/Conseil (T‑316/14, EU:T:2018:788), en ne reprenant pas les motifs entachés de ces illégalités dans les exposés des motifs. Le requérant a pu, de ce fait, se croire fondé à introduire le présent recours, ce dont il conviendra de tenir compte lors du règlement des dépens.

252    Il s’ensuit que le présent moyen doit être accueilli uniquement en ce qu’il fait grief au Conseil de ne pas avoir vérifié si les décisions des autorités des États-Unis ont été adoptées dans le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective.

7.      Conclusion

253    Il résulte, dès lors, de l’ensemble de ce qui précède que, compte tenu de l’accueil du moyen tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931 en ce qui concerne les actes de 2014, ceux-ci doivent être annulés.

254    En revanche, le caractère partiellement fondé des moyens tirés de la violation de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, de la violation de l’obligation de motivation ainsi que de celle des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective ne saurait conduire à l’annulation des actes de 2015 à 2017 et des décisions de 2019. En effet, les illégalités correspondantes, qu’elles concernent les décisions des autorités des États-Unis de 1997 et de 2001 ou l’incident d’août 2014 imputé au PKK, ne permettent pas de remettre en cause l’appréciation du Conseil relative à la persistance d’un risque d’implication terroriste du PKK, laquelle demeure valablement fondée sur le maintien en vigueur de l’ordonnance du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni ainsi que, selon le cas, sur d’autres incidents survenus en 2014 ou un fait datant de 2017 (voir points 188 et 202 ci-dessus). Il convient, dès lors, de rejeter également le chef de conclusions soulevé dans l’affaire T‑148/19, visant à ce que le Tribunal enjoigne au Conseil d’adopter une mesure moins restrictive que l’inscription sur les listes litigieuses, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de ce chef de conclusions.

IV.    Sur les dépens

255    Selon l’article 133 du règlement de procédure, il est statué sur les dépens dans l’arrêt qui met fin à l’instance. Aux termes de l’article 219 dudit règlement, il appartient au Tribunal, lorsqu’il se prononce après annulation et renvoi par la Cour, de statuer sur les dépens relatifs, d’une part, aux procédures engagées devant le Tribunal et, d’autre part, à la procédure de pourvoi devant la Cour. Enfin, conformément à l’article 134, paragraphes 1 et 3, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens, et chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

256    En l’espèce, la Cour, dans l’arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK (C‑46/19 P, EU:C:2021:316), a annulé l’arrêt du 15 novembre 2018, PKK/Conseil (T‑316/14, EU:T:2018:788), et réservé les dépens. Il convient donc de statuer, dans le présent arrêt, sur les dépens afférents à la procédure initiale devant le Tribunal (affaire T‑316/14), à la procédure de pourvoi devant la Cour (affaire C‑46/19 P), à la présente procédure de renvoi (affaire T‑316/14 RENV) ainsi que sur ceux relatifs à l’affaire T‑148/19.

257    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le requérant est fondé à demander l’annulation des actes de 2014, mais qu’il a succombé en ses conclusions relatives à l’ensemble des autres actes attaqués.

258    Toutefois, s’agissant des décisions de 2019, il convient de rappeler que, selon l’article 135, paragraphe 2, du règlement de procédure, le Tribunal peut condamner une partie, même gagnante, partiellement ou totalement aux dépens, si cela apparaît justifié en raison de son attitude, y compris avant l’introduction de l’instance, en particulier si elle a fait exposer à l’autre partie des frais que le Tribunal reconnaît comme frustratoires ou vexatoires. Selon la jurisprudence, il y a lieu de faire application de l’article 135, paragraphe 2, du règlement de procédure lorsqu’une institution de l’Union a favorisé, par son comportement, la naissance du litige (voir, en ce sens, arrêt du 22 mai 2019, Ertico – ITS Europe/Commission, T‑604/15, EU:T:2019:348, point 182 et jurisprudence citée). En l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 249 ci-dessus, le non-respect par le Conseil de son obligation de tirer les conséquences des illégalités constatées par l’arrêt du 15 novembre 2018, PKK/Conseil (T‑316/14, EU:T:2018:788), lors de l’adoption des décisions de 2019 a pu conduire le requérant à introduire le recours dans l’affaire T‑148/19.

259    Ainsi, il sera fait une juste appréciation de l’ensemble des circonstances en condamnant le requérant et le Conseil à supporter leurs propres dépens afférents à chacune des instances mentionnées au point 256 ci-dessus.

260    Enfin, selon l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Il convient donc de décider que la Commission, la République française et le Royaume des Pays-Bas supporteront leurs propres dépens relatifs aux instances auxquelles ils ont pris part.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le règlement d’exécution (UE) no 125/2014 du Conseil, du 10 février 2014, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant le règlement d’exécution (UE) no 714/2013, et le règlement d’exécution (UE) no 790/2014 du Conseil, du 22 juillet 2014, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant le règlement d’exécution no 125/2014, sont annulés en ce qu’ils concernent le Kurdistan Workers’ Party (PKK).

2)      Le recours dans l’affaire T316/14 RENV est rejeté pour le surplus.

3)      Le recours dans l’affaire T148/19 est rejeté.

4)      Le PKK et le Conseil de l’Union européenne supporteront chacun leurs propres dépens afférents aux affaires T316/14, C46/19 P, T316/14 RENV et T148/19.

5)      La Commission européenne, la République française et le Royaume des Pays-Bas supporteront chacun leurs propres dépens.

Gervasoni

Madise

Nihoul

Frendo

 

      Martín y Pérez de Nanclares

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 novembre 2022.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige

II. Conclusions des parties

III. En droit

A. Sur la recevabilité

B. Sur le fond

1. Sur le moyen tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931

a) Sur la décision du Royaume-Uni

1) Sur la qualification du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni d’« autorité compétente »

2) Sur les « informations précises ou [les] éléments du dossier qui montrent qu’une décision a été prise par une autorité compétente »

3) Sur la date des actes terroristes ayant fondé l’interdiction du PKK par le ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni

b) Sur les décisions des États-Uns

2. Sur le moyen tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931

a) Sur la recevabilité du moyen

b) Sur le caractère opérant du moyen

c) Sur le bien-fondé du moyen

1) Sur l’argumentation selon laquelle les buts visés à l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931 devraient être interprétés à la lumière du conflit armé légitime pour l’autodétermination du peuple kurde

2) Sur la contestation du caractère terroriste des buts poursuivis par certains des actes attribués au requérant

3. Sur le moyen tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931

a) Sur le réexamen effectué par le Conseil dans les actes de 2014 (affaire T316/14 RENV)

b) Sur le réexamen effectué par le Conseil dans les actes de 2015 à 2017 (affaire T316/14 RENV)

c) Sur le réexamen effectué par le Conseil dans le cadre des décisions de 2019 (affaire T148/19)

4. Sur le moyen tiré de la violation du principe de proportionnalité

5. Sur le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation

6. Sur le moyen tiré de la violation des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective

7. Conclusion

IV. Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais