Language of document : ECLI:EU:T:2022:737

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

30 novembre 2022 (*)

« Politique économique et monétaire – Surveillance prudentielle des établissements de crédit – Missions spécifiques de surveillance confiées à la BCE – Décision de retrait de l’agrément d’un établissement de crédit – Décès d’un requérant – Non-lieu à statuer partiel – Compétences des autorités nationales des États membres participants et de la BCE au sein du mécanisme de surveillance unique – Égalité de traitement – Proportionnalité – Confiance légitime – Sécurité juridique – Détournement de pouvoir – Droits de la défense – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑698/16,

Trasta Komercbanka AS, établie à Riga (Lettonie), et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe (1), représentées par Me O. Behrends, avocat,

parties requérantes,

contre

Banque centrale européenne (BCE), représentée par Mmes E. Koupepidou, C. Hernández Saseta et M. A. Witte, en qualité d’agents, assistés de Me B. Schneider, avocat,

partie défenderesse,

soutenue par

République de Lettonie, représentée par Mmes K. Pommere et J. Davidoviča, en qualité d’agents,

et par

Commission européenne, représentée par M. V. Di Bucci et Mme A. Steiblytė, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé, lors des délibérations, de Mmes M. J. Costeira (rapporteure), présidente, M. Kancheva et T. Perišin, juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure, notamment :

la décision du 13 mai 2020 admettant la République de Lettonie et la Commission à intervenir au soutien de la BCE,

la réattribution de l’affaire à une nouvelle juge rapporteure à la suite du décès de M. le juge Berke survenu le 1er août 2021,

la désignation d’un autre juge pour compléter la chambre à la suite de l’empêchement d’un de ses membres,

à la suite de l’audience du 30 mars 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par leur recours fondé sur l’article 263 TFUE, les requérants, Trasta Komercbanka AS et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe, demandent l’annulation de la décision ECB/SSM/2016 – 529900WIP0INFDAWTJ81/2 WOANCA-2016-0005 de la BCE, du 11 juillet 2016, portant retrait de l’agrément de Trasta Komercbanka pour l’accès aux activités d’établissement de crédit (ci-après la « décision attaquée »).

I.      Antécédents du litige

2        Trasta Komercbanka (ci-après la « requérante ») est un établissement de crédit letton de faible importance et de taille limitée fournissant des services financiers en vertu d’une autorisation qui lui a été accordée par la Commission des marchés financiers et des capitaux de Lettonie (ci-après la « CMFC ») en septembre 1991.

3        Les six autres requérants sont des actionnaires de la requérante (ci-après les « requérants actionnaires »).

4        Le 5 février 2016, la Banque centrale européenne (BCE) a reçu une proposition de retrait de la CMFC concernant l’agrément pour l’accès aux activités d’établissement de crédit de la requérante, en application de l’article 14, paragraphe 5, du règlement (UE) no 1024/2013 du Conseil, du 15 octobre 2013, confiant à la BCE des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit (JO 2013, L 287, p. 63).

5        La BCE a adopté, le 3 mars 2016, la décision ECB/SSM/2016 – 529900WIP0INFDAWTJ81/1 WOANCA-2016-0005, par laquelle elle a retiré à la requérante son agrément pour l’accès aux activités d’établissement de crédit et a rejeté sa demande visant à obtenir la suspension des effets de cette décision pendant un mois (ci-après la « première décision »).

6        Le 14 mars 2016, à la demande de la CMFC, la Rīgas pilsētas Vidzemes priekšpilsētas tiesa (tribunal de la ville de Riga, arrondissement suburbain de Vidzeme, Lettonie) a adopté une décision engageant une procédure de liquidation de la requérante et désignant un liquidateur.

7        Le 17 mars 2016, un avis d’ouverture de la procédure de liquidation de la requérante et de remplacement de sa direction par le liquidateur a été publié au Latvijas Vēstnesis (journal officiel letton).

8        Le 3 avril 2016, la commission administrative de réexamen de la BCE (ci-après la « commission de réexamen ») a reçu une demande de réexamen de la première décision. Par un avis du 30 mai 2016, cette commission a considéré que les violations procédurales et matérielles alléguées par la requérante concernant cette décision n’étaient pas fondées et que cette décision était suffisamment motivée et proportionnée.

9        Le 13 mai 2016, l’avocat ayant représenté les requérants au cours de la procédure administrative a introduit, en leur nom, un recours en annulation contre la première décision, enregistré sous le numéro d’affaire T‑247/16.

10      Le 11 juillet 2016, la BCE a adopté la décision attaquée. Cette décision a, à compter du jour de son adoption, remplacé la première décision.

II.    Faits intervenus postérieurement à l’introduction de la requête

11      Par ordonnance du 12 septembre 2017, Fursin e.a./BCE (T‑247/16, non publiée, EU:T:2017:623), le Tribunal a, d’une part, jugé qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours de la requérante tendant à l’annulation de la première décision et, d’autre part, rejeté l’exception d’irrecevabilité de la BCE en tant qu’elle concernait le recours formé par les requérants actionnaires.

12      Par arrêt du 5 novembre 2019, BCE e.a./Trasta Komercbanka e.a. (C‑663/17 P, C‑665/17 P et C‑669/17 P, EU:C:2019:923), la Cour a annulé l’ordonnance du 12 septembre 2017, Fursin e.a./BCE (T‑247/16, non publiée, EU:T:2017:623).

13      La Cour a notamment jugé qu’il y avait lieu, d’une part, d’accueillir l’exception d’irrecevabilité de la BCE en tant qu’elle visait le recours des requérants actionnaires dans l’affaire T‑247/16 et, par suite, de rejeter ce recours comme étant irrecevable en ce qui les concernait (arrêt du 5 novembre 2019, BCE e.a./Trasta Komercbanka e.a., C‑663/17 P, C‑665/17 P et C‑669/17 P, EU:C:2019:923, points 116 et 119 et point 4 du dispositif) et, d’autre part, de renvoyer cette affaire devant le Tribunal pour qu’il statue sur le recours introduit par la requérante tendant à l’annulation de la première décision (arrêt du 5 novembre 2019, BCE e.a./Trasta Komercbanka e.a., C‑663/17 P, C‑665/17 P et C‑669/17 P, EU:C:2019:923, point 5 du dispositif).

14      Par ordonnance du 17 novembre 2021, Trasta Komercbanka/BCE (T‑247/16 RENV, non publiée, EU:T:2021:809), qui n’a pas fait l’objet d’un pourvoi de la requérante, le Tribunal a jugé qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur le recours, étant donné que ce dernier était devenu sans objet, du fait du remplacement, avec effet rétroactif, de la première décision par la décision attaquée, et que, par voie de conséquence, la requérante avait perdu son intérêt à poursuivre l’annulation de cette première décision.

III. Conclusions des parties

15      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la BCE aux dépens.

16      La BCE, soutenue par la Commission européenne, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé en ce qui concerne la requérante ;

–        rejeter le recours comme irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme non fondé en ce qui concerne les requérants actionnaires ;

–        condamner les requérants aux dépens.

IV.    En droit

A.      Sur le décès d’un des requérants

17      À la suite du décès d’un des requérants, M. Igors Buimisters, le Tribunal a invité, dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, le représentant de ce dernier à l’informer de l’existence d’ayants droit et, le cas échéant, de leur souhait de poursuivre ou non le présent recours. Dans le cadre de cette mesure, le Tribunal a également invité les parties à déposer leurs observations sur les conséquences qu’il conviendrait de tirer pour le déroulement de la présente procédure, notamment au regard de l’article 131, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, de l’absence de réponse du représentant du requérant décédé.

18      La BCE, la Commission et la République de Lettonie ont fait valoir que, en l’absence de réponse dans le délai imparti, il n’y aurait plus lieu de statuer sur le présent recours en ce qui concerne le requérant décédé.

19      Le représentant du requérant décédé n’a pas fourni d’indication quant à la suite de la procédure.

20      Par suite, compte tenu du décès de M. Buimisters et de l’absence d’indication par le représentant de ce dernier quant à d’éventuels ayants droit reprenant l’instance, il n’y a plus lieu de statuer sur le présent recours en ce qui le concerne.

B.      Sur la recevabilité

1.      Sur le défaut de qualité pour agir des requérants actionnaires

21      La BCE, soutenue par la Commission, fait valoir, en substance, que, conformément aux motifs exposés dans l’arrêt du 5 novembre 2019, BCE e.a./Trasta Komercbanka e.a. (C‑663/17 P, C‑665/17 P et C‑669/17 P, EU:C:2019:923), le recours doit être rejeté comme étant irrecevable en ce qui concerne les requérants actionnaires, puisque la décision attaquée ne les concernait pas directement et individuellement.

22      Les requérants actionnaires contestent cette irrecevabilité et soutiennent, en substance, que l’exigence de démonstration d’un intérêt distinct est fondée sur la prémisse selon laquelle les actionnaires, en utilisant les mécanismes normaux de gouvernance interne de la société, peuvent introduire un recours par le biais de la société. Or, en l’espèce, en raison de la liquidation et du transfert au liquidateur des pouvoirs des organes de direction de la requérante, les requérants actionnaires n’auraient pas été en mesure d’exercer leurs droits d’associés pour obtenir que la requérante introduise un recours aux fins de défendre ses intérêts. Par ailleurs, leur qualité pour agir devrait être déduite de leur implication dans la procédure devant la CMFC et de la prise en compte, dans la décision attaquée, des mesures réglementaires nationales antérieures qui leur ont été adressées.

23      À cet égard, il suffit de relever que la Cour a considéré, au point 119 de l’arrêt du 5 novembre 2019, BCE e.a./Trasta Komercbanka e.a. (C‑663/17 P, C‑665/17 P et C‑669/17 P, EU:C:2019:923), que, pour les motifs exposés aux points 108 à 114 de cet arrêt, les actionnaires de la requérante n’étaient pas directement concernés par la première décision et que, partant, il y avait lieu d’accueillir l’exception d’irrecevabilité de la BCE en tant qu’elle visait le recours de ces actionnaires et de rejeter le recours contre ladite décision comme étant irrecevable.

24      Par suite, et dans la mesure où la décision attaquée a un contenu identique à la première décision qu’elle a abrogée et remplacée avec effet rétroactif, il y a lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés dans l’arrêt du 5 novembre 2019, BCE e.a./Trasta Komercbanka e.a. (C‑663/17 P, C‑665/17 P et C‑669/17 P, EU:C:2019:923), de rejeter le présent recours comme étant irrecevable en ce qui concerne les requérants actionnaires.

2.      Sur le renvoi aux arguments présentés dans l’affaire T247/16

25      La BCE relève, sans contester formellement la recevabilité d’un tel renvoi général, que, au point 10 de la réplique, la requérante fait référence en des termes généraux aux arguments qu’elle a présentés dans le cadre de l’affaire T‑247/16. Elle fait valoir, en substance, que ladite affaire et la présente affaire sont différentes et n’ont pas été jointes.

26      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les conditions de recevabilité des recours sont des fins de non-recevoir d’ordre public que le Tribunal peut et doit soulever d’office le cas échéant (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2005, Honeywell/Commission, T‑209/01, EU:T:2005:455, point 53 et jurisprudence citée).

27      Selon une jurisprudence bien établie, si le corps de la requête peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des extraits de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui, en vertu de l’article 76 du règlement de procédure, doivent figurer dans la requête elle-même (voir, en ce sens, arrêt du 27 avril 2017, Germanwings/Commission, T‑375/15, non publié, EU:T:2017:289, point 127 et jurisprudence citée).

28      En l’espèce, au point 10 de la réplique, la requérante opère un renvoi général aux moyens et aux arguments qu’elle a invoqués dans l’affaire T‑247/16. Or, ce renvoi général ne répond pas aux exigences rappelées ci-dessus [voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2018, Deutsche Telekom/Commission, T‑827/14, EU:T:2018:930, point 78 (non publié) et jurisprudence citée].

29      Il en résulte que le renvoi général opéré par la requérante dans la réplique aux observations présentées dans le cadre de l’affaire T‑247/16 est irrecevable.

3.      Sur les moyens et les arguments présentés pour la première fois au stade de la réplique

30      La BCE souligne que la réplique contient plusieurs moyens et arguments qui n’avaient pas été soulevés dans la requête. En particulier, elle fait valoir que les arguments présentés au soutien du moyen tenant à la notification de la décision attaquée, ceux, figurant aux points 45 à 58, 61 à 63, 65 à 67 et 69 de la réplique, présentés au soutien du moyen tenant à l’insuffisance de l’exposé des motifs ainsi que ceux présentés au soutien du moyen tenant à la compétence de la BCE sont des moyens et des arguments nouveaux qui doivent être considérés irrecevables, en application de l’article 84 du règlement de procédure.

31      Aux termes de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

32      Cependant, aux termes de l’article 129 du règlement de procédure, le Tribunal peut à tout moment, d’office, les parties entendues, statuer sur les fins de non-recevoir d’ordre public.

33      En l’espèce, les moyens et les arguments en cause, tenant, premièrement, à la notification de la décision attaquée, deuxièmement, à la motivation de la décision attaquée et, troisièmement, à la compétence de la BCE, peuvent être interprétés comme visant à l’établissement d’une violation des formes substantielles, au sens de l’article 263 TFUE, et constitués des moyens d’ordre public pouvant, voire devant, être relevés d’office par le juge de l’Union européenne.

34      Dans ces conditions, bien que la requérante ait soulevé tardivement ces moyens et ces arguments, le Tribunal est néanmoins tenu d’examiner s’il n’y a pas eu une violation des formes substantielles, en ce que la décision attaquée ne lui aurait pas été notifiée, en ce qu’elle ne serait pas motivée et en ce que la BCE ne serait pas compétente pour prendre cette décision.

35      En revanche, il convient de relever que les arguments figurant aux points 61 à 63, 65 à 67 et 69 de la réplique, bien qu’ils aient été soulevés dans le cadre d’un moyen tenant à une violation des formes substantielles au sens de l’article 263 TFUE, portent en réalité sur les faits à l’origine des motifs ayant conduit au retrait de l’agrément de la requérante, et non sur la motivation de la décision attaquée.

36      Or, dès lors qu’ils ne portent pas sur une violation des formes substantielles, qu’ils ne reposent pas sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure, au sens de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure, ou qu’ils ne constituent pas l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d’instance et qu’ils présentent un lien étroit avec celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 11 mars 2020, Commission/Gmina Miasto Gdynia et Port Lotniczy Gdynia Kosakowo, C‑56/18 P, EU:C:2020:192, point 66 et jurisprudence citée), ces arguments, soulevés pour la première fois au stade de la réplique, doivent être considérés comme étant tardifs et, donc, comme étant irrecevables.

C.      Sur le fond

37      À l’appui du recours, la requérante invoque, en substance, huit moyens. Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 24 du règlement no 1024/2013. Le deuxième moyen est tiré de la violation par la BCE de son obligation d’examiner et d’apprécier avec soin et impartialité tous les aspects pertinents de l’affaire. Le troisième moyen est tiré de la violation de l’article 14, paragraphe 5, dudit règlement et du principe de proportionnalité. Le quatrième moyen est tiré de la violation du principe d’égalité de traitement. Le cinquième moyen est tiré de la violation de l’article 19 et du considérant 75 de ce règlement. Le sixième moyen est tiré de la violation des principes de confiance légitime et de sécurité juridique. Le septième moyen est tiré de la violation de questions d’ordre procédural. Le huitième moyen est relatif à la compétence de la BCE.

38      Il sera d’abord procédé à l’examen du huitième moyen.

1.      Sur le huitième moyen, relatif à la compétence de la BCE 

39      Le présent moyen est composé, en substance, de deux branches.

40      La première branche est relative à l’illégalité du règlement no 1024/2013. La seconde branche est relative au dépassement, par la BCE, de ses compétences au titre du même règlement.

a)      Sur la première branche, relative à l’illégalité du règlement no 1024/2013

41      La requérante soutient, en substance, que le règlement no 1024/2013 est illégal, en particulier, en ce qu’il va au-delà de l’article 127, paragraphe 6, TFUE et en ce qu’il n’est pas conforme aux principes généraux du droit de l’Union. Elle soutient que, en tout état de cause, ce règlement, tel qu’il est interprété implicitement par la BCE dans la décision attaquée, est illégal.

42      La BCE et la Commission contestent les arguments de la requérante.

43      À cet égard, il convient de relever que la présente exception d’illégalité n’a été soulevée qu’au stade de la réplique. Or, il ressort de la jurisprudence que le cadre du litige est déterminé par la requête introductive d’instance et qu’une exception d’illégalité est irrecevable au stade de la réplique (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 27 septembre 2005, Common Market Fertilizers/Commission, T‑134/03 et T‑135/03, EU:T:2005:339, point 51 et jurisprudence citée). En outre, cette exception d’illégalité n’est fondée, en l’espèce, sur aucun élément de droit ou de fait qui se serait révélé au cours de la procédure, au sens de l’article 84, paragraphe 2, du règlement de procédure.

44      Par ailleurs, le Tribunal ne saurait se saisir d’office de la question de l’illégalité éventuelle du règlement no 1024/2013, étant donné qu’une telle illégalité n’est pas d’ordre public (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2005, Common Market Fertilizers/Commission, T‑134/03 et T‑135/03, EU:T:2005:339, point 52 et jurisprudence citée).

45      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter comme irrecevable l’exception d’illégalité soulevée par la requérante et, par suite, la présente branche.

b)      Sur la seconde branche, relative au dépassement, par la BCE, de ses compétences au titre du règlement no 1024/2013

46      La présente branche comporte trois griefs.

47      Le premier grief est relatif à l’incompétence de la BCE en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux. Le deuxième grief est relatif à l’incompétence de la BCE, en ce qui concerne les mesures de résolution. Le troisième grief est relatif à la compétence limitée de la BCE en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit.

1)      Sur le premier grief, relatif à l’incompétence de la BCE en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux

48      La requérante soutient, en substance, que toutes les activités réglementées et soumises à l’obtention d’un agrément, autres que les activités de dépôts et de prêts, sont exclues du champ d’application du règlement no 1024/2013. Selon elle, ces activités ne relèveraient pas du droit de l’Union et de la BCE, mais des droits nationaux et des autorités nationales compétentes. Il en serait ainsi en particulier des services de paiements et des règles de lutte contre le blanchiment de capitaux. Or, le retrait de l’agrément de la requérante serait fondé sur l’allégation selon laquelle les services de paiements qu’elle propose seraient affectés par des problèmes afférents à la lutte contre le blanchiment de capitaux.

49      La BCE et la Commission contestent les arguments de la requérante.

50      À cet égard, d’une part, il convient de relever que les manquements constatés dans la décision attaquée aux exigences réglementaires applicables ne concernaient pas seulement les règles de lutte contre le blanchiment de capitaux. Il ressort, en effet, de ladite décision que la requérante ne satisfaisait pas non plus aux exigences globales de fonds propres ni aux exigences prudentielles relevant du pilier 2 et qu’elle ne respectait pas davantage les limites applicables aux grands risques ainsi que plusieurs autres exigences prévues par la Kredītiestāžu likums (loi sur les établissements de crédit) (Latvijas Vēstnesis, 1995, no 163), comme les exigences relatives au fonctionnement du système de contrôle interne, à une stratégie prudente et à la réputation des actionnaires détenant des participations qualifiées.

51      D’autre part, il ressort certes des considérants 28 et 29 du règlement no 1024/2013 que la mission de prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme demeure du ressort national et que la BCE a, à cet égard, un devoir de coopération à l’égard des autorités nationales.

52      Toutefois, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1024/2013 et sous réserve de l’article 14 de ce règlement, la BCE est seule compétente, au titre des missions qui lui sont confiées par ledit règlement, pour retirer les agréments des établissements de crédit, et ce quelle que soit leur importance. L’article 83, paragraphe 1, du règlement (UE) no 468/2014 de la BCE, du 16 avril 2014, établissant le cadre de la coopération au sein du mécanisme de surveillance unique entre la BCE, les autorités compétentes nationales et les autorités désignées nationales (le « règlement-cadre MSU ») (JO 2014, L 141, p. 1), précise, à cet égard, que la BCE peut accepter ou rejeter le projet de décision de retrait d’agrément présenté par l’autorité nationale compétente concernée. L’article 83, paragraphe 2, de ce règlement précise également que, lorsque la BCE prend sa décision, elle tient compte de l’ensemble des points suivants : premièrement, son examen des circonstances justifiant le retrait, deuxièmement, le cas échéant, le projet de décision de retrait de l’autorité nationale compétente concernée, troisièmement, la consultation de l’autorité nationale compétente concernée et, lorsque l’autorité nationale compétente n’est pas l’autorité nationale de résolution, de l’autorité nationale de résolution et, quatrièmement, les observations présentées par l’établissement de crédit conformément à l’article 81, paragraphe 2, et à l’article 82, paragraphe 3, dudit règlement.

53      L’article 14, paragraphe 5, du règlement no 1024/2013 dispose également que la BCE, sous réserve du paragraphe 6 de cet article, peut retirer l’agrément de sa propre initiative dans les cas prévus par le droit applicable de l’Union, après consultation de l’autorité nationale compétente de l’État membre participant où l’établissement de crédit est établi, ou sur proposition de cette autorité nationale compétente. Lorsque l’autorité nationale compétente, qui a proposé l’agrément conformément à l’article 14, paragraphe 1, de ce règlement, estime que l’agrément doit être retiré en vertu du droit national, elle soumet une proposition en ce sens à la BCE. Dans ce cas, la BCE arrête une décision sur la proposition de retrait en tenant pleinement compte des motifs avancés par ladite autorité justifiant le retrait.

54      Il en découle que, si les autorités nationales sont compétentes pour la mise en œuvre des dispositions en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux ou pour proposer à la BCE de procéder à un retrait d’agrément sur la base de la violation de ces dispositions, celles-ci ne disposent pas de la compétence pour retirer les agréments des établissements de crédit, qui relève exclusivement de la compétence de la BCE.

55      Eu égard à ce qui précède, le présent grief doit être écarté.

2)      Sur le deuxième grief, relatif à l’incompétence de la BCE en matière de résolution

56      La requérante soutient, en substance, que la BCE n’est pas compétente en matière de résolution, indépendamment de la taille de l’établissement. Par ailleurs, la référence faite dans le projet de décision initial de la CMFC à l’adoption d’une mesure de résolution et à la liquidation de la requérante apporterait un nouvel éclairage sur la nature de la décision attaquée.

57      La BCE et la Commission contestent les arguments de la requérante.

58      À cet égard, il suffit de relever que la décision attaquée a été prise en application du règlement no 1024/2013, ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit, et non en application du règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1).

59      En outre, par la décision attaquée, la BCE a procédé au retrait de l’agrément bancaire de la requérante, et non à sa résolution.

60      Eu égard à ce qui précède, le présent grief doit être écarté.

3)      Sur le troisième grief, relatif à la compétence limitée de la BCE en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit

61      Le présent grief repose sur cinq arguments.

62      Le premier argument est relatif à la méconnaissance des limitations prévues par le considérant 15 du règlement no 1024/2013. Le deuxième argument est relatif à l’illégalité de l’article 4, paragraphe 3, dudit règlement. Le troisième argument est relatif aux limitations spécifiques concernant l’application du droit national en matière d’agrément. Le quatrième argument est relatif à l’absence de distinction entre pouvoirs et missions. Le cinquième argument est relatif à la nécessité d’adopter, sur le plan national, des décisions antérieures au retrait de l’agrément.

i)      Sur le premier argument, relatif à la méconnaissance des limitations prévues par le considérant 15 du règlement no 1024/2013

63      La requérante soutient, en substance, que la BCE a totalement méconnu les limitations prévues au considérant 15 du règlement no 1024/2013, selon lesquelles la BCE est seulement compétente pour les missions spécifiques de surveillance qui sont cruciales pour garantir une mise en œuvre cohérente et efficace de la politique de l’Union en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit. Les autres missions de surveillance relèvent, selon elle, de la compétence des autorités nationales. Or, la BCE aurait omis d’expliquer dans la décision attaquée quelle politique de l’Union relative à la surveillance prudentielle elle entendait promouvoir en adoptant ladite décision.

64      La BCE et la Commission contestent les arguments de la requérante.

65      À cet égard, il suffit de relever, à l’instar de la BCE, que le considérant 15 du règlement no 1024/2013, qui précise que les compétences qui ne lui sont pas confiées restent acquises aux autorités nationales compétentes, ne remet pas en cause la compétence exclusive de la BCE pour retirer les agréments des établissements de crédit, prévue par l’article 4, paragraphe 1, sous a), et l’article 14, paragraphe 5, dudit règlement.

66      Par ailleurs, il ressort de l’examen de l’interaction existant entre les dispositions de l’article 4, paragraphe 1, et celles de l’article 6 du règlement no 1024/2013 que la logique de la relation entre celles-ci consistait à permettre que les compétences exclusives déléguées à la BCE puissent être mises en œuvre dans un cadre décentralisé, plutôt que soit organisée une répartition des compétences entre la BCE et les autorités nationales compétentes des États membres participants à l’occasion de l’exercice des missions envisagées à l’article 4, paragraphe 1, de ce règlement. Ce constat est conforté par la lecture des considérants dudit règlement. D’une part, il ressort des considérants 15 et 28 du même règlement que seules les missions explicitement confiées à la BCE sont écartées de la compétence des États membres et que la surveillance prudentielle des établissements financiers pour d’autres motifs que ceux énumérés à l’article 4, paragraphe 1, du règlement en question continue à relever de la compétence des États membres. Il en découle nécessairement que c’est au stade de la définition des missions confiées à la BCE par l’article 4, paragraphe 1, du règlement en cause que la répartition des compétences entre la BCE et lesdites autorités a été opérée. D’autre part, il convient de relever que, si le considérant 28 du règlement en question fournit une liste de missions de surveillance devant rester du ressort des autorités nationales, il n’inclut aucune des missions énumérées par son article 4, paragraphe 1. Plus encore, ledit considérant ne présente pas la surveillance directe des entités moins importantes comme constituant l’exercice d’une compétence relevant des autorités nationales (voir, en ce sens, arrêt du 16 mai 2017, Landeskreditbank Baden-Württemberg/BCE, T‑122/15, EU:T:2017:337, points 54 à 57).

67      Enfin, s’agissant de l’allégation selon laquelle la BCE a omis d’expliquer quelle politique de l’Union relative à la surveillance prudentielle elle entendait promouvoir en adoptant la décision attaquée, il suffit de rappeler que, aux termes de l’article 1, paragraphe 1, du règlement no 1024/2013, le présent règlement confie à la BCE des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit afin de contribuer à la sécurité et à la solidité des établissements de crédit et à la stabilité du système financier au sein de l’Union et dans chaque État membre, en tenant pleinement compte de l’unité et de l’intégrité du marché intérieur et en remplissant à cet égard un devoir de diligence, un traitement égal étant réservé aux établissements de crédit pour éviter les arbitrages réglementaires.

68      Par suite, le présent argument doit être écarté.

ii)    Sur le deuxième argument, relatif à l’illégalité de l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1024/2013

69      La requérante soutient, en substance, que la BCE n’est pas habilitée à appliquer et à mettre en œuvre le droit national. Elle fait valoir, à cet égard, que l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1024/2013 est illégal. Le droit national transposant des directives ou faisant usage des options laissées par des règlements serait du droit national, et non du droit de l’Union. Le Conseil ne saurait modifier cela. Il ne pourrait pas davantage priver les juridictions nationales et, en particulier, les cours constitutionnelles nationales de la possibilité d’exercer un contrôle juridictionnel sur un type de droit national donné.

70      La BCE et la Commission contestent les arguments de la requérante.

71      À cet égard, il suffit de relever que la présente exception d’illégalité n’a été soulevée par la requérante qu’au stade de la réplique. Or, ainsi qu’il a été indiqué aux points 43 et 44 ci-dessus, une exception d’illégalité soulevée au stade de la réplique est irrecevable et le Tribunal ne saurait se saisir d’office de ces questions, ces dernières n’étant pas d’ordre public.

72      En outre, cette exception d’illégalité n’est fondée sur aucun élément de droit ou de fait qui se serait révélé au cours de la procédure, au sens de l’article 84 du règlement de procédure.

73      Par suite, le présent argument doit être écarté.

iii) Sur le troisième argument, relatif aux limitations spécifiques concernant l’application du droit national en matière d’agrément

74      La requérante soutient, en substance, que les dispositions du règlement no 1024/2013 portant spécifiquement sur les agréments prévoient clairement que la BCE n’est pas habilitée à appliquer le droit national et que les décisions en la matière doivent être prises par les autorités nationales de manière à ce que ces décisions soient soumises au contrôle juridictionnel des juridictions nationales. Selon elle, concernant l’octroi d’un agrément, il résulte de l’article 14, paragraphes 2 et 3, dudit règlement que l’autorité nationale compétente applique uniquement le droit national, que la BCE applique uniquement le droit de l’Union et que la décision de l’autorité nationale est soumise au contrôle du juge national et la décision de la BCE au contrôle du juge de l’Union. Il en résulterait de même du paragraphe 5 dudit article, concernant le retrait de l’agrément.

75      La BCE et la Commission contestent les arguments de la requérante.

76      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1024/2013, et sous réserve de l’article 14 de ce même règlement, la BCE est seule compétente, au titre des missions qui lui sont confiées par ledit règlement, pour agréer les établissements de crédit établis dans les États membres participant au mécanisme de surveillance unique et retirer les agréments auxdits établissements.

77      Aux termes de l’article 14, paragraphe 5, du règlement no 1024/2013, la BCE peut retirer l’agrément de sa propre initiative dans les cas prévus par le droit applicable de l’Union, après consultation de l’autorité compétente nationale de l’État membre participant où l’établissement de crédit est établi, ou sur proposition de cette autorité compétente nationale.

78      Par ailleurs, l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1024/2013 dispose que, aux fins de l’accomplissement des missions qui lui sont confiées par ce règlement, et en vue d’assurer des normes de surveillance de niveau élevé, la BCE applique toutes les dispositions pertinentes du droit de l’Union et, lorsque celui-ci comporte des directives, le droit national transposant ces directives.

79      Il en découle que, aux fins de l’accomplissement de la mission qui lui est confiée par l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1024/2013, la BCE est tenue de faire application non seulement du droit de l’Union, mais également des dispositions de droit national transposant les directives. La BCE était donc compétente pour faire application du droit national transposant une directive.

80      Par suite, le présent argument doit être écarté.

iv)    Sur le quatrième argument, relatif à l’absence de distinction entre pouvoirs et missions

81      La requérante soutient, en substance, que, en décrivant dans la décision attaquée son objectif comme le « rétablissement de la légalité », la BCE s’arroge une compétence la plus générale et la plus inconcevable qui soit. Il lui serait ainsi possible, par exemple, de révoquer l’agrément d’une banque au motif notamment que celle-ci ne se conformerait pas à la réglementation COVID en vigueur ou que son bâtiment principal ne respecterait pas les règles de sécurité en matière de construction.

82      La BCE et la Commission contestent les arguments de la requérante.

83      À cet égard, d’une part, il suffit de rappeler que, aux termes de l’article 1, paragraphe 1, du règlement no 1024/2013, ce dernier confie à la BCE des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit afin de contribuer à la sécurité et à la solidité des établissements de crédit et à la stabilité du système financier au sein de l’Union et dans chaque État membre, en tenant pleinement compte de l’unité et de l’intégrité du marché intérieur et en remplissant à cet égard un devoir de diligence, un traitement égal étant réservé aux établissements de crédit pour éviter les arbitrages réglementaires.

84      D’autre part, l’article 18 de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE (JO 2013, L 176, p. 338), précise, de manière exhaustive, les cas pour lesquels les autorités compétentes peuvent retirer un agrément. Or, les motifs énoncés par la requérante ne figurent pas parmi ceux-ci.

85      Par suite, le présent argument doit être écarté.

v)      Sur le cinquième argument, relatif à la nécessité de l’adoption, sur le plan national, de décisions antérieures au retrait de l’agrément

86      La requérante soutient, en substance, qu’il est nécessaire que la BCE permette l’adoption, sur le plan national, de toutes les décisions qui doivent précéder le retrait de l’agrément, ce dernier constituant une mesure de dernier recours. Cette nécessité serait particulièrement mise en évidence par l’article 14, paragraphe 6, du règlement no 1024/2013, en ce qui concerne les décisions de résolutions. La violation de cette exigence serait particulièrement flagrante en l’espèce, puisque la requérante n’aurait pas été entendue par l’autorité nationale compétente avant l’envoi à la BCE du projet de décision de retrait d’agrément.

87      La BCE et la Commission contestent les arguments de la requérante.

88      À cet égard, tout d’abord, il convient de relever que l’article 18 de la directive 2013/36, qui prévoit les cas pour lesquels les autorités compétentes peuvent retirer un agrément, ne fait pas dépendre cette mesure des mesures prises antérieurement. Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, le retrait de l’agrément n’est pas une mesure qui ne peut être adoptée qu’en dernier ressort, lorsque d’autres mesures ont échoué. Il ressort, en effet, de cet article que c’est la nature des violations constatées aux exigences réglementaires applicables qui détermine le recours à cette mesure.

89      Ensuite, il a été relevé aux points 58 et 59 ci-dessus que, par la décision attaquée, la BCE avait procédé au retrait de l’agrément bancaire de la requérante, et non à sa résolution, de sorte que l’article 14, paragraphe 6, du règlement no 1024/2013, qui concerne les procédures de résolution, n’est pas applicable en l’espèce.

90      Enfin, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, lorsque les actes pris par les autorités nationales sont une étape d’une procédure dans laquelle une institution de l’Union exerce, seule, le pouvoir décisionnel final sans être liée par les actes préparatoires ou les propositions émanant des autorités nationales, il revient au juge de l’Union, au titre de sa compétence exclusive pour contrôler la légalité des actes de l’Union sur le fondement de l’article 263 TFUE, de statuer sur la légalité d’une décision finale prise par la BCE et d’examiner, afin d’assurer une protection juridictionnelle effective des intéressés, les éventuels vices entachant les actes préparatoires ou les propositions émanant des autorités nationales qui seraient de nature à affecter la validité de cette décision finale (arrêt du 19 décembre 2018, Berlusconi et Fininvest, C‑219/17, EU:C:2018:1023, points 43 et 44).

91      Il convient de relever que l’article 31 du règlement-cadre MSU, qui régit le droit d’être entendu des entités soumises à la surveillance prudentielle, ne prévoit pas la possibilité pour ces dernières de présenter des observations avant que l’autorité nationale compétente ait envoyé à la BCE le projet de décision de retrait. Par suite, la circonstance selon laquelle la requérante n’aurait pas été entendue avant cet envoi ne saurait entacher la décision attaquée d’illégalité.

92      Par suite, le présent argument doit être écarté et, ainsi, tant le présent grief que la présente branche dans leur ensemble.

93      Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, le présent moyen doit être écarté.

2.      Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 24 du règlement no 1024/2013

94      Le présent moyen comporte huit griefs.

95      Le premier grief est relatif à la conformité de la décision attaquée avec l’article 24, paragraphe 7, du règlement no 1024/2013. Le deuxième grief est relatif à l’absence de réponse de la BCE aux questions de la commission de réexamen et au droit d’être entendu. Le troisième grief est relatif à la représentation inadéquate de la requérante durant la procédure de réexamen. Le quatrième grief est relatif à la violation du droit d’être entendue de la requérante avant l’adoption de la décision attaquée. Le cinquième grief est relatif au droit d’accès au dossier de la requérante. Le sixième grief est relatif au défaut de motivation de la décision attaquée. Le septième grief est relatif au retrait de l’agrément de la requérante par la BCE de sa propre initiative. Le huitième grief est relatif au changement d’avis du CMFC concernant le retrait de l’agrément.

a)      Sur le premier grief, relatif à la conformité de la décision attaquée avec l’article 24, paragraphe 7, du règlement no 1024/2013

96      La requérante soutient, en substance, que la décision attaquée viole l’article 24, paragraphe 7, du règlement no 1024/2013, en ce qu’elle ne serait pas conforme à cette disposition. À cet égard, premièrement, la requérante fait valoir que la commission de réexamen a relevé un défaut de motivation dans la première décision, de sorte que sa nullité ab initio, ou, le cas échéant, son abrogation conformément à ladite disposition, devrait être constatée. Deuxièmement, une décision prise en application de cette disposition ne pourrait donner lieu qu’à trois résultats : l’abrogation de la décision originale, son remplacement par une décision dont le contenu serait identique ou son remplacement par une décision modifiée. Par suite, une décision prise en application de pareille disposition devrait, en toute hypothèse, produire des effets « ex tunc », et non des effets à une date ultérieure comme la décision attaquée en l’espèce. Troisièmement, dans la mesure où cette dernière décision n’abrogerait pas ab initio la première décision pour les illégalités constatées par la commission de réexamen, ces mêmes illégalités l’entacheraient.

97      La BCE et la Commission contestent les arguments de la requérante.

98      À cet égard, il convient de rappeler d’emblée que le présent recours a pour objet une demande tendant à l’annulation de la décision attaquée, et non une demande tendant à l’annulation de la première décision. Il s’ensuit que le contrôle de légalité opéré par le Tribunal dans le cadre du présent recours ne saurait s’étendre à cette dernière décision.

99      Par ailleurs, la première décision a déjà fait l’objet d’un recours en annulation devant le Tribunal sur lequel il n’y avait plus lieu de statuer, puisqu’il était devenu sans objet, du fait du remplacement, avec effet rétroactif, de ladite décision par la décision attaquée, comme cela est rappelé au point 14 ci-dessus.

100    Par suite, l’argumentation de la requérante relative à la première décision doit être écartée comme inopérante.

101    Au demeurant, il convient de relever que l’argumentation de la requérante repose sur la prémisse erronée selon laquelle, d’une part, la commission de réexamen a considéré, dans son avis du 30 mai 2016, que la première décision était entachée d’un défaut de motivation et, d’autre part, la décision attaquée ne produirait pas d’effet « ex tunc », puisqu’elle produirait ses effets au 13 juillet 2016, et non au 3 mars 2016 comme la première décision.

102    En effet, s’il est vrai que, concernant la première décision, la commission de réexamen a, dans son avis du 30 mai 2016, recommandé à la BCE de clarifier certains éléments, et notamment les raisons pour lesquelles le projet de décision initial avait été modifié, elle a, néanmoins, constaté que la version finale de ladite décision contenait un raisonnement clair, détaillé et irréfutable, fondé sur des faits qui justifiaient le retrait de l’agrément de la requérante. Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, ladite commission n’a pas considéré que cette décision était insuffisamment motivée. Elle a, au contraire, considéré que les violations procédurales et matérielles alléguées par ladite requérante n’étaient pas fondées et que ladite décision était suffisamment motivée et proportionnée.

103    Par suite, étant donné que la commission de réexamen n’a ni constaté que la première décision était entachée d’un défaut de motivation, ni considéré que les violations procédurales et matérielles alléguées par la requérante étaient fondées, cette dernière ne saurait reprocher à la BCE de ne pas avoir abrogé ab initio ladite décision dans la décision attaquée pour les illégalités alléguées. De même, elle ne saurait utilement soutenir que cette dernière décision est entachée des mêmes illégalités.

104    En outre, l’article 24, paragraphe 7, du règlement no 1024/2013 prévoit que la procédure de réexamen peut aboutir à trois résultats. Le premier consiste en l’abrogation pure et simple de la décision initiale. Le deuxième consiste en un remplacement de la décision initiale par une décision identique. Le troisième consiste en un remplacement de la décision initiale par une décision modifiée (ordonnance du 17 novembre 2021, Trasta Komercbanka/BCE, T‑247/16 RENV, non publiée, EU:T:2021:809, point 47).

105    L’article 24, paragraphe 7, du règlement no 1024/2013 établit également une obligation pesant sur la BCE de faire rétroagir la décision adoptée à l’issue du réexamen au moment de la prise d’effet de la décision initiale, quel que soit le résultat dudit réexamen (ordonnance du 17 novembre 2021, Trasta Komercbanka/BCE, T‑247/16 RENV, non publiée, EU:T:2021:809, point 48).

106    En effet, si le conseil de surveillance prudentielle et le conseil des gouverneurs estiment que la décision initiale, en vertu de laquelle il a été procédé au retrait de l’agrément de l’établissement de crédit, est valide, le conseil des gouverneurs ne procède pas à un simple rejet de la demande de réexamen au fond, mais, conformément à l’article 24, paragraphe 7, du règlement no 1024/2013, à l’adoption d’une décision identique à celle faisant l’objet dudit réexamen. Or, dans une telle hypothèse, il n’est pas concevable de procéder à un second retrait du même agrément. La décision ayant un contenu identique à la décision réexaminée ne peut donc remplacer cette dernière qu’avec effet rétroactif au moment de la prise d’effet de la décision ayant fait l’objet du réexamen (ordonnance du 17 novembre 2021, Trasta Komercbanka/BCE, T‑247/16 RENV, non publiée, EU:T:2021:809, point 49).

107    Cette interprétation, imposée par la nature des mesures en cause, est également valable lorsque le conseil de surveillance prudentielle et le conseil des gouverneurs estiment que le retrait de l’agrément n’est pas justifié ou qu’il peut être remédié aux défaillances constatées au moyen de mesures moins contraignantes. En effet, dans une telle hypothèse, l’acte abrogeant le retrait de l’agrément ou imposant ces mesures doit obligatoirement rétroagir de sorte à supprimer ex tunc le retrait de l’agrément de l’établissement de crédit et, le cas échéant, à le remplacer par la mesure considérée comme étant la plus appropriée. À défaut d’un tel effet rétroactif, la décision rendue sur réexamen ne pourrait déployer ses effets qu’à condition d’octroyer un nouvel agrément, conformément à la procédure prévue à l’article 14 du règlement no 1024/2013 (ordonnance du 17 novembre 2021, Trasta Komercbanka/BCE, T‑247/16 RENV, non publiée, EU:T:2021:809, point 50).

108    Cette appréciation est indirectement, mais nécessairement, confirmée par l’article 24, paragraphe 8, du règlement no 1024/2013 ainsi que par l’article 9, paragraphe 1, de la décision 2014/360/UE, du 14 avril 2014, concernant la mise en place d’une commission administrative de réexamen et ses règles de fonctionnement (JO 2014, L 175, p. 47), selon lesquels la demande de réexamen n’a pas d’effet suspensif à l’égard de l’application de la décision contestée. Il s’ensuit que le remplacement de la décision réexaminée par une décision modifiée doit se faire avec effet rétroactif au moment de la prise d’effet de la décision réexaminée, à défaut de quoi la décision finale ne pourrait déployer son effet utile (ordonnance du 17 novembre 2021, Trasta Komercbanka/BCE, T‑247/16 RENV, non publiée, EU:T:2021:809, point 51).

109    Il ressort également de l’analyse qui précède que le remplacement de la décision initiale par une décision identique ou modifiée à l’issue de la procédure de réexamen entraîne la disparition définitive de la décision initiale de l’ordre juridique (ordonnance du 17 novembre 2021, Trasta Komercbanka/BCE, T‑247/16 RENV, non publiée, EU:T:2021:809, point 52).

110    En l’espèce, il ressort du dispositif de la décision attaquée que la BCE, en application de l’article 24, paragraphe 7, du règlement no 1024/2013, a décidé que la première décision était intégralement remplacée et abrogée à la date et à l’heure de sa notification à la requérante. Il ressort également de ce dispositif que la BCE a déclaré que le retrait de l’agrément restait en vigueur sans interruption à partir de 23 h à la date de la notification de ladite décision. Il en résulte que la décision attaquée a entièrement remplacé la première décision avec effet à la date de la notification de cette dernière, date à laquelle le retrait de l’agrément devait déployer ses effets.

111    Dès lors, contrairement à ce que soutient la requérante, la décision attaquée produit des effets « ex tunc », ainsi que le prévoit l’article 24, paragraphe 7, du règlement no 1024/2013.

112    En tout état de cause, la décision attaquée a été adoptée à l’issue du réexamen administratif intenté par la requérante contre la première décision et a un contenu identique à cette dernière, au sens de l’article 24, paragraphe 7, du règlement no 1024/2013.

113    Il s’ensuit que, en vertu de la décision attaquée, la BCE a procédé, en conformité avec le cadre juridique régissant la procédure de réexamen administratif, au remplacement de la première décision avec effet rétroactif au moment de la prise d’effet de cette dernière.

114    Eu égard à ce qui précède, le présent grief doit être écarté.

b)      Sur le deuxième grief, relatif à l’absence de réponse de la BCE aux questions de la commission d’examen et au droit d’être entendu

115    La requérante soutient, en substance, que, la BCE n’ayant pas répondu à un certain nombre de questions essentielles de la commission de réexamen, cette dernière n’avait pas pu avoir accès à toutes les informations utiles avant de rendre son avis et d’assumer ses responsabilités prévues par l’article 24 du règlement no 1024/2013. En outre, en ne répondant pas à toutes les questions, la BCE aurait privé la requérante de la possibilité de présenter ses observations sur les réponses qu’elle aurait dû apporter à ces questions.

116    La BCE et la Commission contestent les arguments de la requérante.

117    À cet égard, il convient de relever d’emblée que le présent grief ne vise pas, en réalité, la BCE, en sa qualité d’auteur de la décision attaquée, mais la commission de réexamen, en ce que cette dernière a violé ses obligations et responsabilités prévues par l’article 24, paragraphe 1, du règlement no 1024/2013.

118    Par ailleurs, il convient de constater que la requérante n’identifie pas les informations essentielles auxquelles la commission de réexamen n’aurait pas eu accès avant de rendre son avis. En outre, elle n’explique pas en quoi l’absence de réponse de la BCE à certaines questions de ladite commission aurait empêché cette dernière d’assumer ses obligations et responsabilités. Elle se borne en effet à reprocher à cette commission d’avoir violé l’article 24, paragraphe 1, du règlement no 1024/2013.

119    Il s’ensuit que, en toute hypothèse, l’argumentation en cause n’est pas en soi suffisante pour établir la violation alléguée du règlement no 1024/2013 et, subséquemment, la violation du droit de la requérante d’être entendue.

120    Eu égard à ce qui précède, le présent grief doit être écarté.

c)      Sur le troisième grief, relatif à la représentation inadéquate de la requérante durant la procédure de réexamen

121    La requérante soutient, en substance, que la BCE ne lui a pas garanti une représentation adéquate durant la procédure de réexamen, en considérant que seul le liquidateur la représentait, et non également l’avocat mandaté par sa direction, de sorte que ses droits procéduraux les plus élémentaires, y compris son droit d’être entendu, n’ont pas été respectés.

122    La BCE et la Commission contestent les arguments de la requérante.

123    À cet égard, il y a lieu de rappeler que les droits de la défense, parmi lesquels compte le droit d’être entendu, figurent au nombre des droits fondamentaux qui font partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union et sont consacrés par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») (voir, en ce sens, arrêts du 23 septembre 2015, Cerafogli/BCE, T‑114/13 P, EU:T:2015:678, point 32 et jurisprudence citée, et du 5 octobre 2016, ECDC/CJ, T‑395/15 P, non publié, EU:T:2016:598, point 53).

124    Le droit d’être entendu est protégé non seulement par les articles 47 et 48 de la Charte, qui garantissent le respect des droits de la défense ainsi que du droit à un procès équitable dans le cadre de toute procédure juridictionnelle, mais également par l’article 41 de la Charte, qui assure le droit à une bonne administration.

125    L’article 41, paragraphe 2, de la Charte prévoit ainsi que le droit à une bonne administration comporte, notamment, le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard (voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 2016, ECDC/CJ, T‑395/15 P, non publié, EU:T:2016:598, point 54 et jurisprudence citée).

126    Ce principe exige que toute personne à l’encontre de laquelle une décision faisant grief peut être prise soit mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet des éléments retenus à sa charge pour fonder la décision litigieuse (voir, en ce sens, arrêts du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 66, et du 19 janvier 2016, Mitsubishi Electric/Commission, T‑409/12, EU:T:2016:17, point 38).

127    En l’espèce, il ressort clairement des points 1 et 5 de l’avis de la commission de réexamen du 30 mai 2016 que, durant la procédure de réexamen, la requérante, d’une part, a été dûment représentée et, d’autre part, a présenté ses observations concernant les violations procédurales et matérielles dont serait entachée la première décision. En effet, premièrement, durant toute ladite procédure, la requérante a été représentée par le même conseiller juridique, qui est, du reste, le même que celui devant le Tribunal. Deuxièmement, après avoir introduit sa demande de réexamen, elle a été invitée par la BCE, par les communications des 4, 5, 7 et 8 avril 2016, à compléter cette demande. Elle a également été informée de son droit d’accès au dossier, droit qu’elle a exercé le 22 avril 2016. Troisièmement, par courrier électronique de la BCE du 18 avril 2016, elle a été formellement invitée à participer à une audience près de la commission de réexamen, qui s’est tenue le 27 avril 2016 et à laquelle elle a participé.

128    Dans ces conditions, dès lors qu’elle a été effectivement représentée, durant toute la procédure de réexamen, par l’avocat désigné par sa direction, qu’elle a pu présenter ses observations et qu’elle a eu accès au dossier de la procédure administrative, ce qu’elle ne conteste pas, la requérante ne saurait valablement invoquer une violation de ses droits de la défense et, en particulier, de son droit d’être entendue.

129    Par ailleurs, l’obligation de respecter le droit d’être entendu et les droits de la défense n’implique pas, pour une institution, l’obligation de statuer dans le sens escompté par la requérante.

130    En tout état de cause, la requérante n’explique pas, avec suffisamment de précision et de clarté, en quoi exactement son droit d’être entendue et ses droits de la défense ont été violés durant la procédure de réexamen et en quoi cette procédure aurait pu aboutir à un résultat différent, sans ces irrégularités. Or, conformément à la jurisprudence, une violation du droit d’être entendu ou du droit d’accès au dossier est sans incidence sur la validité de la décision attaquée lorsqu’il n’est pas établi que la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent sans l’irrégularité alléguée (voir, en ce sens, arrêt du 14 mai 2019, Marinvest et Porting/Commission, T‑728/17, non publié, EU:T:2019:325, point 57 et jurisprudence citée).

131    Eu égard à ce qui précède, le présent grief doit être écarté.

d)      Sur le quatrième grief, relatif à la violation du droit d’être entendue de la requérante avant l’adoption de la décision attaquée

132    La requérante soutient, en substance, que la BCE, en considérant qu’il n’était pas nécessaire de l’entendre avant l’adoption de la décision attaquée, a violé son droit d’être entendue, prévu à l’article 31 du règlement-cadre MSU.

133    La BCE et la Commission contestent les arguments de la requérante.

134    À cet égard, à titre liminaire, d’une part, il convient de rappeler que l’article 31, paragraphe 1, du règlement-cadre MSU dispose que, « avant que la BCE n’adopte une décision de surveillance prudentielle de la BCE adressée à une partie qui soit susceptible d’affecter défavorablement les droits de cette partie, la partie doit avoir eu la possibilité d’adresser à la BCE, par écrit, ses observations sur les faits, motifs et fondements juridiques pertinents pour la décision de surveillance prudentielle de la BCE ».

135    D’autre part, il a été rappelé, aux points 123 à 126 ci-dessus, que les droits de la défense, parmi lesquels compte le droit d’être entendu, figurent au nombre des droits fondamentaux qui font partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union et sont consacrés par la Charte. Ce principe exige que toute personne à l’encontre de laquelle une décision faisant grief peut être prise soit mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet des éléments retenus à sa charge pour fonder la décision litigieuse.

136    En l’espèce, tout d’abord, la décision attaquée a été adoptée à l’issue de la procédure de réexamen, au cours de laquelle, ainsi qu’il a été relevé au point 127 ci-dessus, la requérante a pu librement y présenter ses observations. En effet, après avoir introduit sa demande de réexamen, la requérante a, premièrement, été invitée par la BCE à compléter cette demande, deuxièmement, été informée de son droit d’accès au dossier, qu’elle a exercé le 22 avril 2016 et, troisièmement, participé à une audience près de la commission de réexamen le 27 avril 2016.

137    Ensuite, la décision attaquée a été adoptée sur la base de faits et de motifs juridiques identiques à la première décision, pour laquelle la requérante a été entendue, ce qu’elle ne conteste pas au demeurant. Il ressort, plus précisément, de la décision attaquée que la requérante a été invitée deux fois par la BCE à présenter ses observations sur les projets de décision transmis avant l’adoption de la première décision et qu’elle a complété ses secondes observations par des informations supplémentaires, qui, en dépit de leur production tardive, ont été toutefois examinées par la BCE.

138    Enfin, la requérante n’identifie pas les faits, les motifs et les fondements juridiques figurant dans la décision attaquée pour lesquels elle n’a pas pu utilement faire valoir son point de vue avant son adoption et n’explique pas en quoi cette décision aurait pu aboutir à un résultat différent si elle avait été de nouveau entendue. Or, ainsi qu’il a été rappelé au point 130 ci-dessus, une violation du droit d’être entendu est, selon la jurisprudence, sans incidence sur la validité de la décision attaquée lorsqu’il n’est pas établi que la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent sans l’irrégularité alléguée.

139    Par suite, la circonstance que la requérante n’a pas été une nouvelle fois entendue avant l’adoption de la décision attaquée n’est pas, en l’espèce, de nature à porter atteinte à la légalité de cette dernière.

140    Eu égard à ce qui précède, le présent grief doit être écarté.

e)      Sur le cinquième grief, relatif au droit d’accès au dossier de la requérante

141    La requérante soutient, en substance, que la BCE a violé son droit d’accès au dossier, en affirmant de manière fallacieuse et totalement inconcevable que, à l’exception des deux publications dans le Latvijas Vēstnesis, aucun autre document n’avait été « obtenu, produit ou rassemblé par la BCE au cours de la procédure de surveillance prudentielle de cette dernière, quel que soit le support de stockage ».

142    La BCE et la Commission contestent les arguments de la requérante.

143    À titre liminaire, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 22, paragraphe 2, du règlement no 1024/2013 et de l’article 32 du règlement-cadre MSU, « les droits de la défense des personnes concernées sont pleinement assurés dans le déroulement de la procédure », « [e]lles ont le droit d’avoir accès au dossier de la BCE sous réserve de l’intérêt légitime d’autres personnes dans la protection de leurs secrets d’affaires » et « [l]e droit d’accès au dossier ne s’étend pas aux informations confidentielles ».

144    En outre, selon la jurisprudence, le droit d’accès au dossier implique que l’institution concernée donne à l’entreprise concernée la possibilité de procéder à un examen de la totalité des documents figurant au dossier d’instruction qui sont susceptibles d’être pertinents pour sa défense. Ceux-ci comprennent tant les pièces à charge que celles à décharge, sous réserve des secrets d’affaires d’autres entreprises, des documents internes et d’autres informations confidentielles (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 68 et jurisprudence citée).

145    En l’espèce, il convient de souligner d’emblée que la requérante ne conteste pas avoir eu accès au dossier après le dépôt de sa demande de réexamen et se limite à affirmer qu’il serait inconcevable que, à l’exception des deux publications dans le Latvijas Vēstnesis, aucun autre document, confidentiel ou non, n’ait été obtenu, produit ou rassemblé par la BCE, en plus de ceux figurant dans la liste qui lui a été remise le 22 avril 2016.

146    À cet égard, il convient de relever que la requérante n’apporte pas la moindre preuve au soutien de l’affirmation en cause et n’explique pas en quoi son droit d’accès au dossier a été violé.

147    Dans ces conditions, une telle argumentation n’est pas, en soi, suffisante pour établir l’existence d’une violation de son droit d’accès au dossier.

148    En tout état de cause, il importe de souligner, ainsi qu’il a été rappelé au point 130 ci-dessus, que, selon la jurisprudence, une violation du droit d’accès au dossier est sans incidence sur la validité de la décision attaquée lorsqu’il n’est pas établi que la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent sans l’irrégularité alléguée.

149    Eu égard à ce qui précède, le présent grief doit être écarté.

f)      Sur le sixième grief, relatif au défaut de motivation de la décision attaquée

150    La requérante soutient, en substance, que la décision attaquée n’est pas dûment motivée, puisque, d’une part, le conseil de surveillance n’a que sommairement exécuté sa tâche consistant à répondre aux questions posées par la commission de réexamen et, d’autre part, la BCE n’a pas ouvertement examiné la recevabilité de la demande de réexamen dans la décision attaquée.

151    La BCE et la Commission contestent les arguments de la requérante.

152    À cet égard, s’agissant, d’une part, de l’argument selon lequel le conseil de surveillance ne s’est que sommairement conformé aux recommandations de la commission de réexamen, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 16 de la décision 2014/360, l’avis de ladite commission n’a de caractère contraignant ni eu égard au conseil de surveillance prudentielle ni eu égard au conseil des gouverneurs. La requérante ne saurait, dès lors, valablement alléguer un vice de motivation de la décision attaquée au motif que ledit conseil ne s’est que sommairement conformé aux recommandations de cette commission.

153    S’agissant, d’autre part, de l’argument selon lequel la BCE n’a pas ouvertement examiné la recevabilité de sa demande de réexamen dans la décision attaquée, il convient de relever que, par cet argument, la requérante conteste, en réalité, le bien-fondé des motifs de ladite décision, qui relève non de l’obligation de motivation, mais de la légalité au fond de la décision, et qui doit être distinguée de cette obligation.

154    En tout état de cause, la requérante ne saurait utilement alléguer un vice de motivation de la décision attaquée au motif que la BCE n’a pas ouvertement examiné la recevabilité de la demande de réexamen présentée.

155    À cet égard, il convient de rappeler que l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte en cause, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 16 mai 2017, Landeskreditbank Baden-Württemberg/BCE, T‑122/15, EU:T:2017:337, point 124 et jurisprudence citée).

156    En l’espèce, la décision attaquée expose de manière claire et non équivoque les éléments de fait et de droit sur lesquels la BCE s’est fondée pour décider du retrait de l’agrément de la requérante. En particulier, après avoir rappelé dans ladite décision, au point 1, le cadre juridique applicable, au point 2, la procédure, au point 3, les faits à l’origine de l’affaire et, au point 4.1, les irrégularités constatées concernant la requérante ayant conduit la CMFC à proposer le retrait de son agrément, la BCE a constaté, au point 4.2, sous a) à g), que la requérante ne satisfaisait pas aux exigences globales de fonds propres ni aux exigences du pilier 2 et ne respectait pas davantage les limites applicables aux grands risques ainsi que plusieurs autres exigences prévues par la loi lettone sur les établissements de crédit, comme les exigences relatives au fonctionnement du système de contrôle interne, à la lutte contre le blanchiment de capitaux, à une stratégie prudente et à la réputation des actionnaires détenant des participations qualifiées. Elle a, ensuite, constaté, au point 4.2, sous h), de la même décision, que la requérante n’avait pris aucune mesure immédiate, efficace et fiable pour remédier à ces manquements et n’avait fourni aucune preuve significative de ce qu’elle aurait adopté des décisions susceptibles d’améliorer efficacement et rapidement ses activités. Elle a, enfin, estimé que, dans ces circonstances, le retrait de l’agrément de la requérante était une mesure adéquate et proportionnée.

157    En outre, ainsi qu’il a été rappelé au point 155 ci-dessus, il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. Or, la motivation de la décision attaquée a permis à la requérante de comprendre les raisons justifiant son adoption et de formuler ses contestations et au juge de l’Union d’exercer son contrôle.

158    Eu égard à ce qui précède, le présent grief doit être écarté.

g)      Sur le septième grief, relatif au retrait de l’agrément de la requérante de la propre initiative de la BCE

159    La requérante soutient, en substance, que la BCE a violé l’article 14 du règlement no 1024/2013 en adoptant la décision attaquée de sa propre initiative, au lieu de se fonder sur la proposition de retrait de la CMFC du 5 février 2016.

160    La BCE et la Commission contestent les arguments de la requérante.

161    À cet égard, il ressort clairement de la décision attaquée, et plus précisément de la partie intitulée « Conclusion », que cette décision, qui a été adoptée à la suite de la procédure de réexamen de la première décision, l’a été par la BCE sur la base des informations fournies par la CMFC dans sa proposition de retrait du 5 février 2016.

162    En outre, il a été rappelé aux points 52 et 53 ci-dessus que, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1024/2013, et sous réserve de l’article 14 de ce règlement, la BCE est seule compétente pour retirer les agréments des établissements de crédit, et ce quelle que soit leur importance. L’article 14, paragraphe 5, dudit règlement prévoit par ailleurs que la BCE peut retirer l’agrément de sa propre initiative dans les cas prévus par le droit applicable de l’Union, après consultation de l’autorité nationale compétente de l’État membre participant où l’établissement de crédit est établi ou sur proposition de cette autorité nationale. Lorsque l’autorité nationale compétente, qui a proposé l’agrément conformément au paragraphe 1 de cet article, estime que l’agrément doit être retiré en vertu du droit national, elle soumet une proposition en ce sens à la BCE. Dans ce cas, la BCE arrête une décision sur la proposition de retrait en tenant pleinement compte des motifs avancés par ladite autorité justifiant le retrait.

163    La requérante ne saurait donc, en tout état de cause, valablement reprocher à la BCE d’avoir agi en violation de l’article 14 du règlement no 1024/2013 au motif qu’elle n’a pas adopté la décision attaquée sur la base de la proposition de retrait de la CMFC du 5 février 2016.

164    Eu égard à ce qui précède, le présent grief doit être écarté.

h)      Sur le huitième grief, relatif au changement d’avis du CMFC concernant le retrait de l’agrément de la requérante

165    La requérante soutient, en substance, que la BCE a violé l’article 14 du règlement no 1024/2013 en ne traitant pas la CMFC comme faisant partie d’un mécanisme de surveillance unique. Selon elle, la BCE n’a pas été en mesure d’expliquer le changement d’avis de la CMFC, entre la décision de cette dernière du 22 janvier 2016 aux termes de laquelle elle a considéré qu’un retrait de l’agrément n’était pas approprié et la proposition de retrait du 5 février 2016. En outre, en déposant une version anglaise manipulée de ladite décision, la BCE aurait cherché à dissimuler le fait qu’elle avait discuté avec la CMFC de ce changement d’avis.

166    La BCE et la Commission contestent les arguments de la requérante.

167    S’agissant, d’une part, de l’argument selon lequel la BCE n’a pas été en mesure d’expliquer le changement d’avis de la CMFC concernant le retrait de l’agrément entre la décision de cette dernière du 22 janvier 2016 et la proposition de retrait du 5 février 2016, il suffit de relever, à cet égard, qu’il ressort des dispositions rappelées au point 162 ci-dessus que toute décision de retrait d’agrément est prise par la BCE de manière indépendante, sur la base de sa propre appréciation des circonstances pertinentes de l’espèce.

168    Partant, dès lors que la BCE n’est pas tenue de suivre le projet de décision de retrait soumis par l’autorité nationale compétente concernée et que toute décision de retrait d’agrément est prise par elle de manière indépendante, sur la base de sa propre appréciation, l’argument de la requérante selon lequel la BCE n’a pas été en mesure d’expliquer le changement d’avis de la CMFC concernant le retrait de l’agrément, à supposer même qu’elle y ait été tenue, ne saurait, en tout état de cause, caractériser une violation de l’article 14 du règlement no 1024/2013 par la BCE et, par suite, entacher d’illégalité la décision attaquée.

169    S’agissant, d’autre part, de l’allégation selon laquelle la BCE a cherché à dissimuler le fait qu’elle avait discuté avec la CMFC, il suffit de relever, à cet égard, que la requérante se limite à affirmer, sans apporter la moindre preuve au soutien de ses conjectures, que la BCE lui a volontairement dissimulé des informations pertinentes au cours de la procédure. Or, une telle allégation n’est pas en soi suffisante pour établir l’existence d’une violation de ses droits de la défense en ce qu’elle n’aurait pas eu un accès complet au dossier. En particulier, en ce qui concerne la traduction en anglais erronée de la décision de la CMFC du 22 janvier 2016, il ressort du dossier que la requérante a eu accès, avant l’adoption de la décision attaquée, au texte intégral de la décision de la CMFC du 22 janvier 2016 dans sa traduction en anglais produite par les services linguistiques de la BCE. En tout état de cause, cette décision lui avait déjà été transmise dans la langue officielle de l’État membre au sein duquel elle a son siège social.

170    En outre, ainsi qu’il a été rappelé au point 130 ci-dessus, une violation du droit d’accès au dossier est, selon la jurisprudence, sans incidence sur la validité de la décision attaquée lorsqu’il n’est pas établi que la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent sans l’irrégularité alléguée.

171    Eu égard à ce qui précède, le présent grief doit être écarté et, par suite, le moyen dans son ensemble.

3.      Sur le deuxième moyen, tiré de la violation par la BCE de son obligation d’examiner et d’apprécier avec soin et impartialité tous les aspects pertinents de l’affaire

172    Le présent moyen comporte six griefs.

173    Le premier grief est relatif à l’absence d’examen des faits par la BCE. Le deuxième grief est relatif aux inexactitudes et aux manipulations figurant dans le dossier de la CMFC. Le troisième grief est relatif au savoir-faire et à l’expérience de la BCE. Le quatrième grief est relatif à la non-prise en considération par la BCE du contexte letton lors de son appréciation des faits de l’espèce. Le cinquième grief est relatif aux réponses contre-productives de la BCE face aux inexactitudes et aux manipulations de la CMFC. Le sixième grief est relatif au refus de prendre acte de la pleine étendue des manipulations de la CMFC.

174    À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le devoir de diligence implique l’obligation pour l’institution concernée d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, EU:C:1991:438, point 14).

a)      Sur le premier grief, relatif à l’absence d’examen des faits par la BCE

175    La requérante soutient, en substance, que la décision attaquée ne repose sur aucune constatation factuelle de la BCE. Ladite décision serait uniquement fondée sur les faits établis par la CMFC et sa motivation ne comprendrait presque exclusivement que des renvois aux évaluations, au demeurant très générales et larges, de la CMFC.

176    La BCE et la Commission contestent les arguments de la requérante.

177    À cet égard, s’il est vrai que, dans la décision attaquée, la BCE s’appuie sur les antécédents de surveillance prudentielle et les manquements aux exigences prudentielles établis par la CMCF, elle formule néanmoins des appréciations propres, qui figurent dans les parties intitulées « Appréciation » et « Conclusion » de la décision attaquée.

178    En particulier, tout d’abord, au point 4.2, sous a) à g), de la décision attaquée, la BCE a constaté que la requérante ne satisfaisait ni aux exigences globales de fonds propres ni aux exigences du pilier 2 et ne respectait pas davantage les limites applicables aux grands risques ainsi que plusieurs autres exigences prévues par la loi sur les établissements de crédit, comme celles relatives au fonctionnement du système de contrôle interne, à la lutte contre le blanchiment de capitaux, à une stratégie prudente et à la réputation des actionnaires détenant des participations qualifiées.

179    Ensuite, au point 4.2, sous h), de la décision attaquée, la BCE a relevé que la requérante n’avait pris aucune mesure immédiate, efficace et fiable pour remédier à ces manquements et n’avait fourni aucune preuve significative de ce qu’elle aurait pris des décisions susceptibles d’améliorer efficacement et rapidement ses activités.

180    Enfin, au point 4.2 de la décision attaquée, la BCE a estimé que, dans ces circonstances, le retrait de l’agrément de la requérante était une mesure adéquate et proportionnée.

181    Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, la BCE ne s’est pas limitée à reproduire dans la décision attaquée les constats présentés par la CMFC dans sa proposition de retrait du 5 février 2016.

182    Par ailleurs, il convient de relever que la requérante n’identifie pas les aspects pertinents de l’affaire qui n’auraient pas été examinés et appréciés avec soin et impartialité par la BCE. Celle-ci se borne, en effet, à reprocher à la BCE de ne pas avoir procédé à une évaluation indépendante des faits de l’espèce. Une telle critique formulée de manière générale et sans élément de preuve à l’appui ne saurait valablement prospérer.

183    Eu égard à ce qui précède, le présent grief doit être écarté.

b)      Sur le deuxième grief, relatif aux inexactitudes et aux manipulations figurant dans le dossier de la CMFC

184    La requérante soutient, en substance, que, compte tenu des inexactitudes et des manipulations présentes dans la proposition de retrait de la CMFC du 5 février 2016, tenant, d’une part, à son illiquidité imminente et inéluctable et, d’autre part, à une traduction en anglais erronée et fallacieuse de la décision de la CMFC du 22 janvier 2016, la BCE aurait dû être amenée à procéder à un réexamen approfondi et exhaustif des faits. Les inexactitudes et les manipulations contenues dans ladite proposition seraient mises en exergue par les écarts considérables existants entre cette proposition et le projet de décision modifié de la CMFC du 21 février 2016. La requérante soutient également que le fait que la décision de la BCE a été élaborée dans une certaine mesure, et même, en réalité, dans une très large mesure, par la CMFC ne signifie pas pour autant que cette partie de la procédure et du processus décisionnel échappe à tout contrôle judiciaire.

185    La BCE et la Commission contestent les arguments de la requérante.

186    S’agissant des inexactitudes et des manipulations contenues dans le projet de décision initial de la CFMC, premièrement, en ce qui concerne l’illiquidité imminente et inéluctable de la requérante, il convient de rappeler d’emblée que la décision de retrait d’agrément n’a pas été prise par la BCE en raison d’un défaut ou d’un manque de liquidité de la requérante. Il convient, par ailleurs, de relever qu’il n’apparaît nulle part dans la proposition de retrait de la CMCF du 5 février 2016 que celle-ci aurait considéré que l’illiquidité de la requérante était imminente et inéluctable. En effet, dans ce projet de décision, la CMFC a seulement constaté que les liquidités de la requérante, tout en restant supérieures à l’exigence de 60 %, se détérioraient. En particulier, elle a relevé que le ratio de liquidité locale était de 79,42 % au 18 décembre 2015 et de 69,96 % au 20 janvier 2016.

187    Deuxièmement, en ce qui concerne la traduction erronée et fallacieuse de la décision de la CMFC du 22 janvier 2016, s’il est vrai qu’une traduction provisoire et incomplète a été initialement versée au dossier, toutefois, il a été relevé au point 169 ci-dessus que la requérante avait eu accès, avant l’adoption de la décision attaquée, au texte intégral de la décision de la CMFC du 22 janvier 2016 dans sa traduction en anglais produite par les services linguistiques de la BCE et que, en tout état de cause, cette décision lui avait déjà été transmise dans la langue officielle de l’État membre au sein duquel elle a son siège social.

188    Troisièmement, en ce qui concerne les différences existantes entre le projet de décision initial et le projet de décision modifié de la CMFC, il convient de relever, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée et de l’avis de la commission de réexamen, que la requérante a été au cours de la procédure invitée à plusieurs reprises à présenter ses observations sur ledit projet de décision initial et qu’elles ont été dûment prises en compte, puisque, sur la base de celles-ci, un projet de décision modifié a été proposé par la CMFC à la BCE.

189    Par conséquent, les inexactitudes et les manipulations alléguées sont non fondées.

190    Enfin, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel le fait que la décision de la BCE a été élaborée dans une certaine mesure par la CMFC ne signifie pas pour autant que cette partie de la procédure et du processus décisionnel échapperait à tout contrôle, il convient de relever, ainsi qu’il a été rappelé au point 90 ci-dessus, que, lorsque les actes pris par les autorités nationales sont une étape d’une procédure dans laquelle une institution de l’Union exerce, seule, le pouvoir décisionnel final sans être liée par les actes préparatoires ou les propositions émanant des autorités nationales, il revient au juge de l’Union, au titre de sa compétence exclusive pour contrôler la légalité des actes de l’Union sur le fondement de l’article 263 TFUE, de statuer sur la légalité d’une décision finale prise par la BCE et d’examiner, afin d’assurer une protection juridictionnelle effective des intéressés, les éventuels vices entachant les actes préparatoires ou les propositions émanant des autorités nationales qui seraient de nature à affecter la validité de cette décision finale.

191    Eu égard à ce qui précède, le présent grief doit être écarté.

c)      Sur le troisième grief, relatif au savoir-faire et à l’expérience de la BCE

192    La requérante soutient, en substance, que le savoir-faire et l’expérience dont dispose la BCE dans le domaine de la régulation bancaire n’ont pas été mis à profit en l’espèce. Elle fait valoir, à cet égard, que les sujets importants et urgents, tels que la déclaration initiale quant à son illiquidité imminente, n’ont pas été distingués des sujets secondaires ou totalement insignifiants. En outre, nombre de déclarations d’ordre factuel seraient des assertions trop simplistes et hâtives, exprimées en des termes dignes d’un non-spécialiste.

193    La BCE et la Commission contestent les arguments de la requérante.

194    En l’espèce, premièrement, il a été constaté au point 186 ci-dessus que la décision de retrait de l’agrément par la BCE n’a pas été prise en raison d’un défaut ou d’un manque de liquidité de la requérante.

195    Deuxièmement, il a été relevé au point 156 ci-dessus que la décision attaquée exposait de manière claire et non équivoque les éléments de fait et de droit sur lesquels la BCE s’était fondée pour décider du retrait de l’agrément.

196    Troisièmement, ainsi qu’il a été relevé aux points 177 à 180 ci-dessus, la BCE a adopté la décision attaquée de manière indépendante après avoir procédé à ses propres appréciations et tiré ses propres conclusions. Partant, la BCE ne s’est pas limitée à reproduire dans la décision attaquée les constats présentés par la CMFC dans sa proposition de décision de retrait du 5 février 2016.

197    Il s’ensuit que la requérante ne saurait valablement reprocher, en l’espèce, à la BCE d’avoir manqué à son devoir de diligence au motif qu’elle n’a pas mis à profit le savoir-faire et l’expérience dont elle dispose.

198    En tout état de cause, la requérante n’explique pas avec suffisamment de précision et de clarté en quoi, sans les manquements allégués, la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent. Par suite, sauf à remettre en cause de manière circonstanciée les éventuels manquements qui auraient été commis par la BCE dans le cadre de l’adoption de la décision attaquée, une telle critique formulée de manière générale ne saurait valablement prospérer (voir, en ce sens, arrêt du 14 mai 2019, Marinvest et Porting/Commission, T‑728/17, non publié, EU:T:2019:325, point 57 et jurisprudence citée).

199    Eu égard à ce qui précède, le présent grief doit être écarté.

d)      Sur le quatrième grief, relatif à la non-prise en considération du contexte letton lors de l’appréciation des faits

200    La requérante soutient, en substance, que la BCE, dans le cadre de son appréciation des faits de l’espèce, n’a pas tenu compte des commentaires publics de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ni de ceux du nouveau dirigeant de la CMFC. Selon la requérante, la CMFC s’est, en réalité, servie d’elle pour mettre en œuvre sa nouvelle politique de lutte contre le blanchiment de capitaux et pour répondre aux commentaires négatifs de l’OCDE selon lesquels elle n’a pas, par le passé, correctement fait respecter les règles de lutte contre le blanchiment de capitaux. Lors de son examen, la BCE n’aurait pas non plus tenu compte de la circonstance selon laquelle les faits reprochés seraient, selon l’OCDE, valables pour la plupart des banques lettones.

201    La BCE et la Commission contestent les arguments de la requérante.

202    À cet égard, il suffit de relever que la requérante se limite à affirmer, sans apporter la moindre preuve directe et concrète à cet égard, que, d’une part, en proposant le retrait de l’agrément, la CMFC a poursuivi un but autre que la mise en œuvre de sa mission de surveillance prudentielle des établissements de crédit et, d’autre part, les faits qui lui sont reprochés valaient pour la plupart des établissements bancaires lettons.

203    Il s’ensuit qu’une telle argumentation n’est pas, en soi, suffisante pour établir l’existence d’une violation par la BCE de son devoir de diligence.

204    Eu égard à ce qui précède, le présent grief doit être écarté.

e)      Sur le cinquième grief, relatif aux réponses contre-productives de la BCE face aux inexactitudes et aux manipulations de la CMFC

205    La requérante soutient, en substance, que la BCE s’est abstenue de réagir et de discuter à propos de la teneur effective de la décision de la CMFC du 22 janvier 2016, aux termes de laquelle cette dernière a considéré qu’un retrait de l’agrément n’était pas approprié. Or, en s’abstenant de réagir au contenu de ladite décision, la BCE aurait éludé la question essentielle concernant les évolutions qui seraient intervenues entre cette décision et la proposition de retrait de la CMFC du 5 février 2016. En particulier, selon les documents figurant dans le dossier de la BCE, la situation financière de la requérante aurait été bien meilleure le 5 février 2016. Le seul changement significatif intervenu entre ces deux dates serait le changement de direction de la CMFC, motivé par des considérations d’ordre politique. Il ne serait pas réaliste de supposer qu’il n’existe aucun lien direct entre ce changement de direction et ladite proposition.

206    La BCE et la Commission contestent les arguments de la requérante.

207    À cet égard, il suffit de constater que la requérante se limite, en l’espèce, à réitérer l’argumentation formulée au soutien du quatrième grief du présent moyen. Par suite, pour les mêmes motifs que ceux exposés dans le cadre de l’examen de ce grief, l’argumentation doit être écartée.

208    En outre, s’il est vrai que la CMFC a considéré, dans sa décision du 22 janvier 2016, que le retrait de l’agrément n’était pas proportionné et qu’il convenait de donner aux actionnaires de la banque la possibilité de remédier aux lacunes constatées, elle a, néanmoins, précisé, dans cette décision, que les faits constatés étaient suffisants pour prendre une décision de retrait de l’agrément de la banque et que, si les actionnaires de la banque ne prenaient pas de mesures pour remédier à celles-ci ou si ces mesures n’étaient pas suffisamment efficaces, elle demanderait à la BCE de décider du retrait de l’agrément.

209    Eu égard à ce qui précède, le présent grief doit être écarté.

f)      Sur le sixième grief, relatif au refus de la BCE de prendre acte de la pleine étendue des manipulations de la CMFC

210    La requérante soutient, en substance, que la BCE refuse de prendre acte de la pleine étendue des manipulations entreprises par la CMFC. Elle qualifierait seulement d’« incomplète » la traduction de la décision de la CMFC du 22 janvier 2016 qui a été communiquée, alors que celle-ci omet des points et des paragraphes entiers. Elle soutient également que la BCE s’abstient de reconnaître sa situation réelle, à savoir que tous les manquements allégués étaient considérés comme remédiables à cette date.

211    La BCE et la Commission contestent les arguments de la requérante.

212    À cet égard, il suffit de constater que la requérante se limite, en l’espèce, à réitérer les arguments formulés au soutien du huitième grief du premier moyen ainsi que des deuxième, quatrième et cinquième griefs du présent moyen.

213    Par suite, pour les mêmes motifs que ceux exposés dans le cadre de l’examen de ces griefs, le présent grief doit être écarté et, par voie de conséquence, le moyen dans son ensemble.

4.      Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 14, paragraphe 5, du règlement no 1024/2013 et du principe de proportionnalité

214    La requérante soutient, en substance, que le retrait d’un agrément bancaire est une mesure qui ne peut être adoptée qu’en dernier recours, lorsqu’il n’est pas possible de remédier autrement aux manquements réglementaires. Elle souligne, à cet égard, qu’il est important d’observer que, dans sa décision du 22 janvier 2016, la CMFC avait considéré qu’il était possible de remédier à tous les manquements et que, partant, un retrait d’agrément n’était pas nécessaire. Dès lors, premièrement, la requérante fait valoir, en substance, que la CMFC n’allègue dans sa proposition de retrait de l’agrément du 5 février 2016 aucune évolution significative de la situation de la requérante depuis la date d’adoption de la décision du 22 janvier 2016, de sorte que rien ne permet d’expliquer le changement d’avis de la CMFC. Au demeurant, les manquements constatés aux règles de lutte contre le blanchiment de capitaux seraient bien moins alarmants que ceux constatés dans d’autres banques. Les manquements également constatés aux règles relatives aux grands risques n’auraient été que marginaux. Deuxièmement, la CMFC, afin de justifier son changement d’avis, aurait été amenée à recourir à des manipulations et à des inexactitudes délibérées, en particulier, en dissimulant à la BCE ladite décision, en soutenant de mauvaise foi son illiquidité imminente et en lui communiquant une traduction fallacieuse de sa décision. Troisièmement, son changement d’avis serait motivé par des considérations politiques et par la volonté de la CMFC de se servir de la requérante, en raison de sa bonne santé financière, pour illustrer sa nouvelle politique de lutte contre le blanchiment de capitaux. Quatrièmement, la BCE n’aurait pas suffisamment pris en considération les efforts qu’elle avait entrepris pour se conformer aux exigences de la CMFC, notamment en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et de fonds propres.

215    La BCE et la Commission contestent les arguments de la requérante.

216    Dans la décision attaquée, la BCE a constaté que, depuis la décision de la CMFC du 22 janvier 2016, la requérante n’avait pris aucune mesure immédiate, efficace et fiable pour remédier aux manquements constatés et n’avait fourni aucune preuve significative de ce qu’elle aurait adopté des décisions susceptibles d’améliorer efficacement et rapidement ses activités. En particulier, elle a relevé que la requérante n’était toujours pas en mesure de mettre en œuvre une stratégie adéquate et réelle et de réformer son modèle d’activité. Elle a également relevé que la requérante ne respectait pas les exigences réglementaires applicables en matière de fonds propres et de lutte contre le blanchiment de capitaux. Elle a encore relevé que les actionnaires de la requérante détenant une participation qualifiée n’avaient pas été en mesure d’augmenter le capital de celle-ci, comme cela avait été demandé à plusieurs reprises par la CMFC, aux fins de se conformer aux exigences réglementaires applicables.

217    Dans ce contexte, la BCE a estimé que le retrait de l’agrément de la requérante était une mesure adéquate et proportionnée, eu égard aux intérêts des déposants et du marché financier, notamment si la requérante poursuivait ses activités qui présentaient des manquements graves et répétés en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux. Un risque de réputation important pour l’ensemble du marché financier letton était également envisagé. Par ailleurs, au regard de la situation financière globale de la requérante, qui s’était détériorée de sorte à être considérée comme irréversible, l’adoption d’une mesure moins sévère a été jugée irréalisable.

218    À cet égard, en premier lieu, il a été relevé au point 186 ci-dessus que le retrait de l’agrément de la requérante n’était pas fondé sur un défaut ou un manque de liquidité, si bien que l’argumentation développée à cet égard est inopérante. Il a également été relevé au même point qu’il ne ressortait pas de la proposition de retrait de la CMFC du 5 février 2016 que cette dernière avait considéré que l’illiquidité de la requérante était imminente et inéluctable.

219    En deuxième lieu, il a été relevé au point 88 ci-dessus que le retrait de l’agrément n’était pas une mesure qui ne pouvait être adoptée qu’en dernier ressort, lorsque toutes les autres mesures disponibles avaient échoué. En effet, c’est la nature des violations constatées aux exigences réglementaires applicables qui détermine le recours à cette mesure.

220    Par ailleurs, il ressort de la décision attaquée que d’autres mesures moins intrusives avaient déjà été adoptées par la CMFC, telles que des avertissements, des amendes, des restrictions d’exploitation et une demande de remplacement d’un membre du conseil d’administration de la requérante. Toutefois, aucune d’entre elles n’a permis de remédier aux violations constatées et de veiller à ce que les activités de la requérante soient conformes aux exigences réglementaires applicables.

221    En troisième lieu, selon la jurisprudence, le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union soient aptes à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause et ne dépassent pas les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation de ces objectifs, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt du 16 mai 2017, Landeskreditbank Baden-Württemberg/BCE, T‑122/15, EU:T:2017:337, point 67 et jurisprudence citée).

222    En outre, l’appréciation de la proportionnalité d’une mesure doit se concilier avec le respect de la marge d’appréciation éventuellement reconnue aux institutions de l’Union à l’occasion de son adoption (voir arrêt du 8 mai 2019, Landeskreditbank Baden-Württemberg/BCE, C‑450/17 P, EU:C:2019:372, point 53 et jurisprudence citée).

223    À cet égard, tout d’abord, ainsi qu’il a été relevé par la BCE, l’objectif poursuivi par le retrait de l’agrément de la requérante était de faire cesser les violations graves, récurrentes et persistantes de cette dernière aux exigences réglementaires applicables et les risques qui en résultaient pour les déposants ainsi que pour les systèmes bancaires européen et letton.

224    Par suite, l’argument de la requérante selon lequel son agrément lui aurait été retiré pour des motifs politiques n’est pas fondé. De plus, il a été constaté au point 202 ci-dessus que la requérante n’avait avancé aucun élément précis et concordant de nature à démontrer que la décision attaquée avait été adoptée dans un but autre que celui rappelé au point 223 ci-dessus.

225    Ensuite, il convient de considérer, à l’instar de la BCE, que, compte tenu des violations graves, récurrentes et persistantes de la requérante aux exigences réglementaires applicables, telles que décrites dans la décision attaquée et non contestées par la requérante, en matière de fonds propres, de grands risques, de lutte contre le blanchiment de capitaux, de modèle d’activité et de stratégie, le retrait de l’agrément, en ce qu’il l’empêchait de continuer à exercer ses activités, était apte à contribuer aux objectifs rappelés au point 223 ci-dessus.

226    Enfin, il a été relevé au point 220 ci-dessus que les mesures moins intrusives adoptées par la CMFC par le passé, telles que des avertissements, des amendes, des restrictions d’exploitation et la demande de remplacement d’un membre du conseil d’administration de la requérante, n’avaient pas permis de remédier à ces violations et de veiller à ce que les activités de la requérante soient conformes aux exigences réglementaires applicables.

227    Par suite, la requérante ne saurait valablement soutenir que des mesures moins intrusives auraient permis d’atteindre les objectifs poursuivis par la mesure de retrait de l’agrément. De plus, la requérante admet elle-même dans la requête que l’élaboration et la mise en œuvre d’un nouveau modèle économique, aux fins de remédier à ces irrégularités, ne pourraient se faire que dans le cadre d’un plan à long terme, et non à court terme. Au demeurant, la requérante n’a fourni aucune preuve de ce que des mesures auraient été prises, depuis la décision de la CMFC du 22 janvier 2016, pour remédier aux violations constatées, si bien qu’elle ne saurait, en tout état de cause, soutenir que la BCE n’avait pas suffisamment pris en considération les efforts qu’elle aurait entrepris pour se conformer aux exigences de la CMFC.

228    Dans ces conditions, la BCE n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que des mesures moins intrusives n’étaient pas aptes à atteindre immédiatement et efficacement les objectifs poursuivis.

229    En tout état de cause, la requérante ne saurait utilement faire valoir que la CMFC, dans sa décision du 22 janvier 2016, avait considéré qu’il était possible de remédier à toutes les violations constatées et que le retrait de son agrément n’était pas nécessaire, dès lors que, comme il est relevé au point 168 ci-dessus, la BCE n’est pas tenue de suivre le projet de décision de retrait soumis par l’autorité nationale compétente concernée et que toute décision de retrait d’agrément est prise par elle de manière indépendante, sur la base de sa propre appréciation. Il en va de même, pour le même motif, de l’argument de la requérante selon lequel la CMFC n’alléguerait, dans sa proposition de retrait de l’agrément du 5 février 2016, aucune évolution significative de sa situation depuis la décision de la CMFC du 22 janvier 2016, de sorte que rien ne permettrait d’expliquer le changement d’avis de la CMFC.

230    La requérante ne saurait pas non plus utilement soutenir que la mesure de retrait de l’agrément était disproportionnée en se limitant à affirmer, sans apporter la moindre preuve, que les manquements reprochés, et notamment ceux aux règles de lutte contre le blanchiment de capitaux, seraient bien moins importants que dans d’autres banques qui n’auraient pas été inquiétées.

231    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que, par le retrait de l’agrément de la requérante, la BCE n’a pas manifestement dépassé les limites de ce qui était nécessaire à la réalisation des objectifs poursuivis, au sens de la jurisprudence rappelée au point 221 ci-dessus. La BCE n’a ainsi pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que ledit retrait de l’agrément était une mesure adéquate et proportionnée.

232    Eu égard à ce qui précède, le présent moyen doit être écarté.

5.      Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement

233    La requérante soutient, en substance, que la BCE a violé le principe d’égalité de traitement, en ce qu’elle a autorisé la CMFC à se servir d’elle comme « vitrine » de sa nouvelle approche « régulatoire », alors que la plupart des défaillances décelées étaient identiques à celles d’autres banques lettones.

234    La BCE et la Commission contestent les arguments de la requérante.

235    À cet égard, il convient de rappeler, à titre liminaire, qu’il ressort d’une jurisprudence constante que le principe d’égalité de traitement constitue un principe général du droit de l’Union, désormais consacré aux articles 20 et 21 de la Charte, qui exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 9 mars 2017, Milkova, C‑406/15, EU:C:2017:198, point 55 et jurisprudence citée).

236    En l’espèce, il convient de relever que la requérante se limite à affirmer, sans apporter la moindre preuve, que, d’une part, la plupart des irrégularités constatées concernaient aussi d’autres établissements bancaires lettons, qui n’ont pas été pour autant inquiétés, et que, d’autre part, les autorités nationales compétentes l’avaient uniquement choisi aux fins de légitimer sa nouvelle politique de lutte contre le blanchiment de capitaux.

237    Or, une telle argumentation n’est pas, en soi, suffisante pour établir l’existence d’une violation du principe d’égalité de traitement. Au demeurant, la requérante n’a pas avancé d’élément permettant de considérer que, pour les mêmes irrégularités, d’autres établissements bancaires lettons avaient été traités d’une manière différente.

238    En outre, il importe de rappeler que le respect du principe d’égalité de traitement doit se concilier avec celui du principe de légalité, ce qui implique que nul ne peut invoquer à son profit une illégalité commise en faveur d’autrui (voir arrêt du 16 mai 2017, Landeskreditbank Baden-Württemberg/BCE, T‑122/15, EU:T:2017:337, point 84 et jurisprudence citée).

239    Eu égard à ce qui précède, le présent moyen doit être écarté.

6.      Sur le cinquième moyen, tiré de la violation de l’article 19 et du considérant 75 du règlement no 1024/2013

240    La requérante soutient, en substance, que l’article 19 et le considérant 75 du règlement no 1024/2013 imposent à la BCE de s’acquitter de ses missions indépendamment de toute influence politique indue. Or, la BCE n’aurait pas respecté cette obligation et se serait livrée à un détournement de pouvoir en soutenant une décision motivée par la volonté du gouvernement letton de donner l’illusion d’un progrès en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux aux fins de pouvoir devenir membre de l’OCDE.

241    La BCE et la Commission contestent les arguments de la requérante.

242    À titre liminaire, il convient de rappeler que, aux termes du considérant 75 du règlement no 1024/2013, « afin de pouvoir s’acquitter efficacement des missions de surveillance qui lui sont confiées, la BCE devrait pouvoir les exercer en toute indépendance, et notamment indépendamment de toute influence politique indue et de toute ingérence du secteur susceptibles de nuire à son indépendance opérationnelle ».

243    L’article 19, paragraphe 1, du règlement no 1024/2013 dispose que, « dans l’accomplissement des missions que leur confie le présent règlement, la BCE et les autorités nationales compétentes agissant au sein du [mécanisme de surveillance unique] agissent de manière indépendante. Les membres du conseil de surveillance et du comité de pilotage agissent en toute indépendance et objectivité dans l’intérêt de l’ensemble de l’Union et ne sollicitent ni ne suivent aucune instruction des institutions ou organes de l’Union, des gouvernements des États membres ni d’autres organismes publics ou privés ».

244    En outre, il ressort d’une jurisprudence constante que la notion de détournement de pouvoir se réfère au fait, pour une autorité administrative, d’avoir usé de ses pouvoirs dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés. Une décision n’est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise à une telle fin. En outre, en cas de pluralité de buts poursuivis, même si un motif non justifié se joint aux motifs valables, la décision ne serait pas pour autant entachée de détournement de pouvoir, dès lors qu’elle ne sacrifie pas le but essentiel (voir arrêt du 13 décembre 2017, Crédit mutuel Arkéa/BCE, T‑52/16, EU:T:2017:902, point 210 et jurisprudence citée).

245    Il convient de relever en l’espèce que l’argumentation développée par la requérante au soutien du présent moyen vise, en réalité, la CMFC, et non la BCE directement. En effet, par son argumentation, elle fait valoir, en substance, que les objectifs poursuivis par la CMFC, par le biais de sa proposition de retrait du 5 février 2016, n’étaient pas des objectifs légitimes de régulation bancaire, mais étaient de nature politique. Or, la BCE, en soutenant cette proposition de la CMFC, n’aurait pas respecté son obligation de s’acquitter de ses missions indépendamment de toute influence politique indue et aurait commis un détournement de pouvoir.

246    À cet égard, il convient de rappeler qu’il a été conclu au point 167 ci-dessus que la BCE n’était pas tenue de suivre le projet de décision de retrait soumis par l’autorité nationale compétente concernée et que toute décision de retrait d’agrément était prise par elle de manière indépendante et sur la base de sa propre appréciation. Il a également été relevé aux points 177 à 180 ci-dessus que la BCE avait procédé à ses propres appréciations, tiré ses propres conclusions et ne s’était pas limitée à reproduire dans la décision attaquée les constats présentés par la CMFC dans sa proposition de retrait du 5 février 2016.

247    Partant, les motivations politiques alléguées de la CMFC, à supposer même qu’elles soient établies, ne sauraient, en tout état de cause, être imputables à la BCE et caractériser une violation, par cette dernière, du considérant 75 et de l’article 19, paragraphe 1, du règlement no 1024/2013 et, ainsi, entacher la décision attaquée d’illégalité.

248    Par ailleurs, il convient de relever que la requérante n’avance aucun indice objectif, pertinent et concordant, au sens de la jurisprudence rappelée au point 244 ci-dessus, de nature à démontrer que la décision attaquée a été adoptée par la BCE dans un but autre que celui en vue duquel ses pouvoirs lui ont été conférés, à savoir contribuer à la sécurité et à la solidité des établissements de crédit et à la stabilité du système financier au sein de l’Union. En outre, il a été relevé au point 223 ci-dessus que la décision attaquée a été adoptée par la BCE dans un sens conforme à cette finalité.

249    Eu égard à ce qui précède, le présent moyen doit être écarté.

7.      Sur le sixième moyen, tiré de la violation des principes de confiance légitime et de sécurité juridique

250    La requérante soutient, en substance, que la BCE a violé les principes de confiance légitime et de sécurité juridique en agissant dans un sens contraire aux déclarations de la CMFC figurant dans la décision de cette dernière du 22 janvier 2016 et aux déclarations publiques analogues de celle-ci selon lesquelles un retrait de l’agrément de la requérante ne se justifierait pas. Il aurait également été contrevenu à ces principes lorsque, à la suite d’un changement de direction, la CMFC aurait changé d’approche et proposé à la BCE, le 5 février 2016, de retirer l’agrément de la requérante. Il aurait encore été contrevenu à ces principes lorsque la CMFC aurait fallacieusement indiqué à la BCE que l’illiquidité de la requérante était imminente et qu’aucune autre mesure permettant d’éviter un retrait de l’agrément n’était possible. Il serait indifférent à cet égard d’un point de vue technique que ladite décision ait été celle de la CMFC et que la décision attaquée ait été celle de la BCE. Le mécanisme de surveillance unique serait un mécanisme uniforme et unique qui relèverait de la responsabilité de la BCE.

251    La BCE et la Commission contestent les arguments de la requérante.

252    À titre liminaire, d’une part, il convient de rappeler que le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime s’étend à tout justiciable à l’égard duquel une institution de l’Union a fait naître des espérances fondées. Le droit de se prévaloir de ce principe suppose néanmoins la réunion de trois conditions cumulatives. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration de l’Union. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (voir arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti e.a./BCE, T‑79/13, EU:T:2015:756, point 75 et jurisprudence citée).

253    D’autre part, le principe de sécurité juridique exige que tout acte des institutions qui produit des effets juridiques soit clair, précis et porté à la connaissance de l’intéressé de telle manière que celui-ci puisse connaître avec certitude le moment à partir duquel ledit acte existe et commence à produire ses effets juridiques (voir arrêt du 22 janvier 1997, Opel Austria/Conseil, T‑115/94, EU:T:1997:3, point 124 et jurisprudence citée).

254    Il convient de relever d’emblée que l’argumentation de la requérante vise, en réalité, non la BCE directement, mais l’autorité nationale compétente concernée, à savoir la CMFC, et les attentes légitimes qu’aurait créées sa décision du 22 janvier 2016 à l’égard de la requérante. Or, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée au point 252 ci-dessus, le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime s’étend à tout justiciable à l’égard duquel une institution de l’Union, et non une autorité nationale, a fait naître des espérances fondées.

255    En outre, s’il est vrai que, conformément à l’article 6 du règlement no 1024/2013, la BCE est chargée de veiller au fonctionnement efficace et cohérent du mécanisme de surveillance unique et que, à cet effet, elle coopère loyalement et échange des informations avec les autorités nationales compétentes, néanmoins, il a été relevé au point 168 ci-dessus que toute décision de retrait d’agrément était prise par la BCE de manière indépendante, sur la base de sa propre appréciation des circonstances pertinentes de l’espèce, comme il a été indiqué par la CMFC dans sa décision.

256    Partant, les attentes qu’aurait créées la décision de la CMFC du 22 janvier 2016 à l’égard de la requérante n’émanent pas d’une source autorisée et fiable, au sens de la jurisprudence rappelée au point 252 ci-dessus, de sorte qu’elle ne saurait valablement se prévaloir, en l’espèce, du principe de protection de la confiance légitime.

257    Par ailleurs, même à supposer que les attentes invoquées émanent d’une source autorisée et fiable, il ne saurait être déduit de la décision de la CMFC du 22 janvier 2016 des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, au sens de la jurisprudence rappelée au point 252 ci-dessus, de nature à faire naître une attente légitime à l’égard de la requérante selon laquelle son agrément ne serait pas retiré. En effet, la CMFC a, certes, considéré dans ladite décision que le retrait de l’agrément n’était pas proportionné et qu’il convenait de donner aux actionnaires de la requérante la possibilité de remédier aux lacunes constatées et de rétablir un fonctionnement stable de cette dernière. Néanmoins, au même point, elle a précisé, d’une part, que ces faits permettaient de et étaient suffisants pour prendre une décision de retrait de l’agrément et, d’autre part, que, si les actionnaires de la requérante ne prenaient pas de mesures pour remédier à ces lacunes ou si ces mesures n’étaient pas suffisamment efficaces pour remédier à celles-ci, elle demanderait à la BCE de décider du retrait de l’agrément.

258    En outre, il ressort de la jurisprudence que, si la possibilité de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime, en tant que principe fondamental du droit de l’Union, est ouverte à tout opérateur économique auprès duquel une institution a fait naître des espérances fondées, il n’en demeure pas moins que, lorsqu’un opérateur économique prudent et avisé est en mesure de prévoir l’adoption d’une mesure de l’Union de nature à affecter ses intérêts, il ne saurait invoquer le bénéfice d’un tel principe lorsque cette mesure est adoptée (voir arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti e.a./BCE, T‑79/13, EU:T:2015:756, point 76 et jurisprudence citée).

259    Or, dans le courrier électronique du 8 février 2016, les représentants de la requérante rappellent à la BCE que son agrément, selon les termes de la décision de la CMFC du 22 janvier 2016, ne lui sera retiré que si elle ne prend pas de mesures pour remédier aux violations constatées ou si les mesures prises sont insuffisantes. Il résulte ainsi de ce courrier électronique que la requérante était à même de prévoir l’adoption d’une mesure de l’Union de nature à affecter ses intérêts, au sens du point 76 de l’arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti e.a./BCE (T‑79/13, EU:T:2015:756).

260    En tout état de cause, ainsi qu’il est rappelé au point 52 ci-dessus, la BCE est seule compétente, au titre des missions qui lui sont confiées, pour retirer les agréments des établissements de crédit. Par suite, la requérante ne saurait prétendre que la décision de la CMFC du 22 janvier 2016 avait créé une confiance légitime à son égard, puisque la BCE n’est pas obligée de suivre ses propositions.

261    Eu égard à ce qui précède, le présent moyen doit être écarté.

8.      Sur le septième moyen, tiré de la violation de questions d’ordre procédural

262    Le présent moyen comporte dix griefs.

263    Le premier grief est relatif à l’absence d’implication de la BCE en amont de la procédure de retrait d’agrément. Le deuxième grief est relatif au caractère inapproprié du délai pour être entendu. Le troisième grief est relatif à la communication d’informations factuelles inexactes. Le quatrième grief est relatif à la non-divulgation de l’identité des personnes responsables des inexactitudes et des manipulations constatées. Le cinquième grief est relatif à l’absence de coordination entre la CMFC et la BCE. Le sixième grief est relatif à la violation de l’article 83, paragraphe 1, du règlement-cadre MSU. Le septième grief est relatif à la violation du droit d’être entendu concernant des faits nouveaux. Le huitième grief est relatif au refus de donner accès au constat de défaillance avérée ou prévisible émis par la CMFC le 22 janvier 2016. Le neuvième grief est relatif à la motivation de la décision attaquée. Le dixième grief est relatif à la notification de ladite décision.

a)      Sur le premier grief, relatif à l’absence d’implication de la BCE en amont de la procédure de retrait d’agrément

264    La requérante soutient, à titre liminaire, que la BCE, en sa qualité de contrôleur des autorités nationales compétentes, est responsable des violations commises par ces dernières. Elle fait valoir, en substance, que, aux fins de garantir un processus décisionnel impartial et objectif respectant pleinement les droits de la défense, il est nécessaire que la BCE s’implique très en amont de toute décision potentielle portant retrait d’un agrément bancaire et qu’elle prenne contact avec la banque concernée afin de lui permettre de présenter des informations et ses observations. En l’espèce, le dossier de la BCE ferait toutefois clairement apparaître qu’elle ne s’était impliquée qu’en décembre 2015 et qu’elle n’avait établi son premier contact avec la requérante qu’avec la notification d’un projet de décision en anglais portant retrait de son agrément, pour lequel il ne lui avait été accordé que trois jours pour présenter ses observations.

265    La BCE et la Commission contestent les arguments de la requérante.

266    À cet égard, il suffit de rappeler que la requérante est un établissement de crédit moins important, au sens de l’article 6, paragraphe 4, du règlement no 1024/2013. Or, en vertu du paragraphe 6 de cet article, la surveillance de ces établissements relève directement de la compétence des autorités nationales concernées. En outre, conformément à l’article 80, paragraphe 1, et à l’article 81, paragraphe 1, du règlement-cadre MSU, en ce qui concerne le retrait d’agrément de ces établissements, la BCE intervient sur proposition d’une autorité nationale compétente. Par suite, à la lumière de ces considérations, il ne saurait être valablement reproché à la BCE de ne pas être intervenue en amont de la procédure de retrait d’agrément et d’avoir violé les droits de la défense de la requérante.

267    Par ailleurs, pour autant que la requérante reproche à la BCE de ne pas avoir décidé d’exercer elle-même directement toutes les compétences pertinentes, en application de l’article 6, paragraphe 5, sous b), du règlement no 1024/2013, il suffit de relever que, si cette disposition donne effectivement la possibilité à la BCE d’exercer directement toutes les compétences pertinentes à l’égard d’un établissement de crédit moins important, toutefois, elle ne lui impose pas d’obligation et limite son intervention à la nécessité d’éviter une application incohérente de normes élevées de surveillance par les autorités nationales compétentes.

268    Par suite, dès lors que la requérante n’avance pas d’éléments permettant de considérer que l’absence d’intervention de la BCE a entraîné une application incohérente de normes élevées de surveillance par les autorités nationales compétentes, elle ne saurait valablement lui reprocher de ne pas être intervenue en amont de la procédure de retrait d’agrément et d’avoir violé ses droits de la défense.

269    Eu égard à ce qui précède, le présent grief doit être écarté.

b)      Sur le deuxième grief, relatif au caractère inapproprié du délai accordé pour être entendu

270    La requérante soutient, en substance, que le délai de trois jours ouvrés accordé aux établissements de crédit destinataires d’une décision de retrait de l’agrément pour être entendu est inapproprié, au regard de la sévérité de la sanction, et ne concorde pas avec l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte. La courte prorogation accordée ne modifierait pas cette conclusion.

271    La BCE et la Commission contestent les arguments de la requérante.

272    À cet égard, il a été rappelé, aux points 123 à 126 ci-dessus, que les droits de la défense, parmi lesquels compte le droit d’être entendu, figurent au nombre des droits fondamentaux qui font partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union et qui sont consacrés par la Charte. Ce principe exige que toute personne à l’encontre de laquelle une décision faisant grief peut être prise soit mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet des éléments retenus à sa charge pour fonder la décision litigieuse.

273    Toutefois, selon une jurisprudence constante, les droits fondamentaux, tels que le respect des droits de la défense, n’apparaissent pas comme des prérogatives absolues, mais peuvent comporter des restrictions, à la condition que celles-ci répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par la mesure en cause et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des droits ainsi garantis (arrêts du 18 mars 2010, Alassini e.a., C‑317/08 à C‑320/08, EU:C:2010:146, point 63 ; du 10 septembre 2013, G. et R., C‑383/13 PPU, EU:C:2013:533, point 33, et du 26 septembre 2013, Texdata Software, C‑418/11, EU:C:2013:588, point 84).

274    En l’espèce, l’article 31, paragraphe 3, du règlement-cadre MSU dispose que :

« La partie doit, en principe, avoir la possibilité de présenter ses observations écrites dans un délai de deux semaines à compter de la réception d’un document faisant état des faits, motifs et fondements juridiques sur lesquels la BCE entend fonder la décision de surveillance prudentielle de la BCE.

Sur demande de la partie, la BCE peut proroger le délai, le cas échéant.

En cas de circonstances particulières, la BCE peut réduire le délai à trois jours ouvrables. Le délai est également réduit à trois jours ouvrables dans les situations mentionnées aux articles 14 et 15 du règlement [no 1024/2013]. »

275    L’article 14, paragraphe 5, du règlement no 1024/2013 précise que la BCE, sous réserve du paragraphe 6 de cet article, peut retirer l’agrément de sa propre initiative dans les cas prévus par le droit applicable de l’Union, après consultation de l’autorité nationale compétente de l’État membre participant où l’établissement de crédit est établi ou sur proposition de cette autorité. Lorsque l’autorité nationale compétente, qui a proposé l’agrément conformément au paragraphe 1 de cet article, estime que l’agrément doit être retiré en vertu du droit national, elle soumet une proposition en ce sens à la BCE. Dans ce cas, cette dernière arrête une décision sur la proposition de retrait en tenant pleinement compte des motifs avancés par ladite autorité justifiant le retrait.

276    Il résulte ainsi d’une lecture combinée de l’article 31, paragraphe 3, troisième alinéa, du règlement-cadre MSU et de l’article 14, paragraphe 5, du règlement no 1024/2013, auquel il renvoie, que le délai réservé à l’établissement de crédit pour présenter ses observations écrites sur un projet de décision de retrait est de trois jours ouvrables.

277    S’agissant de la première décision, il ressort de la décision attaquée que la requérante a eu un premier délai de trois jours ouvrables pour présenter ses observations sur le projet de décision initial, puis un second délai de trois jours ouvrables pour présenter ses observations à la suite de la modification dudit projet de décision. De plus, la requérante a eu, à sa demande, une prolongation de deux jours ouvrables pour chacun de ces délais et a librement complété ses observations sur le projet de décision modifié par des informations supplémentaires, qui, en dépit de leur production tardive, ont toutefois été examinées par la BCE. Il s’ensuit que la requérante a eu, a minima, pour chacun des projets de décision, un délai de cinq jours ouvrables pour présenter ses observations.

278    En outre, il a été constaté aux points 136 à 139 ci-dessus que la décision attaquée, dont les faits et les motifs juridiques sur lesquels elle repose était identique à la première décision, a été adoptée à l’issue d’une procédure de réexamen au cours de laquelle la requérante a pu librement présenter ses observations concernant cette dernière décision, a eu accès au dossier et a participé à une audience auprès de la commission de réexamen.

279    Par ailleurs, il a été relevé au point 223 ci-dessus que l’objectif poursuivi par le retrait de l’agrément de la requérante était de faire cesser les violations graves, récurrentes et persistantes de cette dernière aux exigences réglementaires applicables et les risques qui en résultaient pour les déposants ainsi que pour les systèmes bancaires européen et letton.

280    De plus, il convient de considérer, à l’instar de la BCE, que le législateur de l’Union a opéré une évaluation quant au caractère raisonnable du délai prévu par ces dispositions en mettant en balance les intérêts opposés que sont, d’une part, les intérêts privés des établissements de crédit à avoir le plus de temps possible pour formuler leurs observations et, d’autre part, l’intérêt public à ce que le rétablissement de la légalité soit le plus rapide possible (arrêt du 6 octobre 2021, Ukrselhosprom PCF et Versobank/BCE, T‑351/18 et T‑584/18, sous pourvoi, EU:T:2021:669, point 374).

281    Dans ces circonstances, eu égard à l’objectif poursuivi par le retrait de l’agrément de la requérante, en application de la jurisprudence rappelée au point 273 ci-dessus, la requérante ne saurait valablement soutenir qu’elle n’a pas bénéficié d’un délai suffisant pour présenter ses observations et faire connaître utilement son point de vue sur les projets de décision de retrait ayant abouti à la décision attaquée.

282    En tout état de cause, ainsi qu’il a été rappelé au point 130 ci-dessus, une violation du droit d’être entendu est, selon la jurisprudence, sans incidence sur la validité de la décision attaquée lorsqu’il n’est pas établi que la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent sans l’irrégularité alléguée. Or, la requérante n’explique pas en quoi cette procédure aurait pu aboutir à un résultat différent si elle avait bénéficié d’un délai plus important pour présenter ses observations. Par suite, une telle critique formulée de manière générale ne saurait valablement prospérer.

283    Eu égard à ce qui précède, le présent grief doit être écarté.

c)      Sur le troisième grief, relatif à la communication d’informations factuelles inexactes

284    La requérante soutient, en substance, que ses droits de la défense et son droit d’être entendue ont été violés par la communication d’informations factuelles inexactes, par la manipulation de documents et par la non-divulgation dans un délai convenable des documents supplémentaires. Or, au regard de ces éléments, la BCE aurait dû lui accorder un délai supplémentaire pour être entendue.

285    La BCE et la Commission contestent les arguments de la requérante.

286    À cet égard, il a été conclu au point 281 ci-dessus que la requérante ne saurait valablement soutenir qu’elle n’a pas bénéficié d’un délai suffisant pour présenter ses observations et faire connaître utilement son point de vue sur les projets de décision de retrait ayant abouti à la décision attaquée. Il a également été constaté au point 189 ci-dessus que les allégations d’inexactitudes et de manipulations n’étaient pas fondées.

287    Dans ces conditions, la requérante ne saurait valablement se prévaloir d’une violation de ses droits de la défense et de son droit d’être entendue.

288    Eu égard à ce qui précède, le présent grief doit être écarté.

d)      Sur le quatrième grief, relatif à la non-divulgation de l’identité des personnes responsables des inexactitudes et des manipulations

289    La requérante soutient, en substance, que la BCE a violé son droit à avoir une décision indépendante, objective et impartiale, en s’étant abstenue de dévoiler l’identité des personnes responsables des manipulations et des inexactitudes révélées et de veiller à ce que ces personnes soient écartées du processus décisionnel.

290    La BCE et la Commission contestent les arguments de la requérante.

291    À cet égard, il suffit de relever qu’il ne ressort pas de l’examen du deuxième moyen que la BCE ait manqué à son obligation d’examiner et d’apprécier avec soin et impartialité tous les aspects pertinents de l’affaire. En particulier, il a été relevé au point 189 ci-dessus que les allégations d’inexactitudes et de manipulations n’étaient pas fondées.

292    Dans ces conditions, et dès lors qu’il repose sur la prémisse erronée selon laquelle le dossier de la CMFC contenait des inexactitudes et des manipulations, le présent grief doit être écarté.

e)      Sur le cinquième grief, relatif à l’absence de coordination entre la CMFC et la BCE

293    La requérante soutient, en substance, que la BCE a violé son droit à une procédure administrative équitable ainsi que ses droits de la défense, en ne veillant pas à assurer une coordination appropriée entre la procédure en anglais devant la BCE d’une part et les discussions et la correspondance en letton devant la CMFC d’autre part. En outre, la BCE aurait violé les dispositions du règlement no 1024/2013, en n’accordant pas à la requérante un délai suffisant pour être entendue. La requérante fait également valoir que la BCE a violé les principes de confiance légitime et de sécurité juridique, en attendant d’elle qu’elle mène ses discussions réglementaires en anglais et par l’intermédiaire de ses avocats à Francfort-sur-le-Main (Allemagne), alors qu’elle n’avait jamais eu besoin d’agir ainsi par le passé et n’en avait en conséquence aucune expérience. Elle estime que, dans l’hypothèse où une autorité nationale propose à la BCE un retrait d’agrément, toutes correspondances et tous dialogues réglementaires doivent nécessairement s’effectuer devant la BCE ou à tout le moins impliquer également cette dernière et être établis dans la langue de procédure devant la BCE.

294    La BCE et la Commission contestent les arguments de la requérante.

295    À cet égard, premièrement, l’article 24 du règlement-cadre MSU dispose que :

« 1.      Tout document qu’une entité soumise à la surveillance prudentielle ou toute autre personne physique ou morale soumise individuellement à des procédures en matière de surveillance de la BCE adresse à la BCE peut être rédigé dans toute langue officielle de l’Union, choisie par ladite entité soumise à la surveillance prudentielle ou ladite personne.

2.      La BCE, les entités soumises à la surveillance prudentielle ainsi que toute autre personne physique ou morale soumise individuellement à des procédures en matière de surveillance de la BCE peuvent convenir d’utiliser exclusivement une langue officielle de l’Union dans leurs communications écrites, y compris dans les décisions de surveillance prudentielle de la BCE.

La révocation de cet accord sur l’utilisation d’une langue officielle n’affecte que les aspects de la procédure de surveillance prudentielle de la BCE qui n’ont pas encore été mis en œuvre.

Lorsque les participants à une audition demandent à être entendus dans une langue officielle de l’Union différente de celle de la procédure de surveillance prudentielle de la BCE, la BCE en est informée suffisamment à l’avance afin de pouvoir prendre les dispositions nécessaires. »

296    Il s’ensuit que, dans la mesure où il ne ressort pas du dossier que la requérante ait expressément demandé à la BCE, alors qu’elle en avait la possibilité, que leurs communications écrites se fassent en letton, il ne saurait, par la suite, être valablement reproché à la BCE de ne pas les avoir menées dans cette langue.

297    Deuxièmement, il a été conclu au point 281 ci-dessus que la requérante ne saurait valablement soutenir qu’elle n’a pas bénéficié d’un délai suffisant pour présenter ses observations et faire connaître utilement son point de vue sur les projets de décision de retrait ayant abouti à la décision attaquée.

298    Dans ces conditions, la requérante ne saurait valablement reprocher à la BCE d’avoir violé son droit à une procédure administrative équitable ainsi que ses droits de la défense.

299    Par ailleurs, la requérante n’explique pas avec suffisamment de clarté en quoi exactement la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent, sans les irrégularités alléguées. Or, en vertu de la jurisprudence rappelée au point 130 ci-dessus, une violation du droit d’être entendu est sans incidence sur la validité de la décision attaquée lorsqu’il n’est pas établi que la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent sans cette irrégularité alléguée.

300    Troisièmement, il a été conclu au point 266 ci-dessus qu’il ne saurait être valablement reproché à la BCE une violation des droits de la défense de la requérante au motif qu’elle ne serait pas intervenue en amont de la procédure de retrait.

301    Eu égard à ce qui précède, le présent grief doit être écarté.

f)      Sur le sixième grief, relatif à la violation de l’article 83, paragraphe 1, du règlement-cadre MSU

302    La requérante soutient, en substance, que la BCE a violé l’article 83, paragraphe 1, du règlement-cadre MSU, en ne rejetant pas le projet de décision initial de la CMFC et en traitant à tort son projet de décision modifié comme une simple révision du premier. De toute évidence, la BCE aurait agi ainsi afin d’éviter de prendre une décision de rejet qui l’aurait conduite à indiquer clairement que les allégations de la CMFC étaient inexactes.

303    La BCE et la Commission contestent les arguments de la requérante.

304    À cet égard, ainsi qu’il a été conclu au point 168 ci-dessus, dès lors que la BCE n’est pas tenue de suivre le projet de décision de retrait soumis par l’autorité nationale compétente concernée et que toute décision de retrait d’agrément est prise par elle de manière indépendante, sur la base de sa propre appréciation, l’allégation de la requérante selon laquelle la BCE a violé l’article 83, paragraphe 1, du règlement-cadre MSU, en ne rejetant pas le projet de décision initial de la CMFC et en traitant à tort son projet de décision modifié comme une simple révision du premier, ne saurait en tout état de cause entacher la décision attaquée d’illégalité.

305    Eu égard à ce qui précède, le présent grief doit être écarté.

g)      Sur le septième grief, relatif à la violation du droit d’être entendu concernant des faits nouveaux

306    La requérante soutient, en substance, que la BCE n’a pas tenu compte de la circonstance que les lettres de la CMFC reçues les 1er et 2 mars 2016 constituaient des faits nouveaux déclenchant le droit d’être entendu. Or, dans la mesure où la BCE aurait fondé la décision attaquée sur ces faits, elle aurait par suite violé l’article 33, paragraphe 3, du règlement-cadre MSU.

307    La BCE et la Commission contestent les arguments de la requérante.

308    À cet égard, il suffit de relever, à l’instar de la BCE, que les lettres des 1er et 2 mars 2016 de la CMFC, qui répondent aux courriers de la requérante concernant une opération immobilière qu’elle envisageait de réaliser et les mesures qu’elle proposait de prendre pour renforcer son capital, ne contiennent aucun fait nouveau, dès lors que ces lettres ne font qu’étayer les violations déjà constatées de la requérante aux exigences réglementaires applicables en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et pour lesquelles elle a déjà été entendue.

309    Dans ces conditions, la requérante ne saurait valablement reprocher à la BCE d’avoir violé l’article 33, paragraphe 3, du règlement-cadre MSU et son droit d’être entendue.

310    Eu égard à ce qui précède, le présent grief doit être écarté.

h)      Sur le huitième grief, relatif au refus de donner accès au constat de défaillance avérée ou prévisible émis par la CMFC le 22 janvier 2016

311    La requérante soutient, en substance, que la BCE a violé l’article 41, paragraphe 2, sous b), et l’article 42 de la Charte ainsi que l’article 32 du règlement-cadre MSU, en ne lui communiquant pas la décision de la CMFC du 22 janvier 2016 constatant sa défaillance avérée ou prévisible. Par ailleurs, contrairement à ce qu’aurait allégué la BCE, il serait peu crédible qu’aucun document supplémentaire, à l’exception des deux publications dans le Latvijas Vēstnesis, n’ait été ajouté après la seconde consultation du dossier par la requérante.

312    La BCE et la Commission contestent les arguments de la requérante.

313    À cet égard, il importe de rappeler que le droit d’accès au dossier implique que l’institution concernée donne à l’entreprise concernée la possibilité de procéder à un examen de la totalité des documents figurant au dossier d’instruction qui sont susceptibles d’être pertinents pour sa défense. Ceux-ci comprennent tant les pièces à charge que celles à décharge, sous réserve des secrets d’affaires d’autres entreprises, des documents internes et d’autres informations confidentielles (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 68 et jurisprudence citée).

314    En outre, l’article 32, paragraphes 1 et 5, du règlement-cadre MSU dispose que le droit d’accès au dossier ne s’étend pas aux informations confidentielles, qui peuvent inclure des documents internes de la BCE et des autorités nationales compétentes ainsi que la correspondance entre la BCE et une autorité nationale compétente ou entre ces autorités.

315    En l’espèce, il suffit de relever, à l’instar de la BCE, que le retrait de l’agrément de la requérante n’était pas fondé, dans la décision attaquée, sur le constat de sa défaillance avérée ou prévisible, de sorte que le non-accès à cette décision de la CMFC ne saurait établir l’existence d’une violation de son droit d’accès au dossier et, par suite, l’illégalité de la décision attaquée.

316    En outre, ainsi qu’il a été conclu au point 146 ci-dessus, la requérante n’apporte pas la moindre preuve au soutien de son affirmation selon laquelle il serait inconcevable que, à l’exception des deux publications dans le Latvijas Vēstnesis, aucun autre document, confidentiel ou non, n’ait été obtenu, produit ou rassemblé par la BCE, en plus de ceux figurant dans la liste qui lui a été remise le 22 avril 2016.

317    Du reste, ainsi qu’il a été rappelé au point 130 ci-dessus, une violation du droit d’être entendu est, selon la jurisprudence, sans incidence sur la validité de la décision attaquée lorsqu’il n’est pas établi que la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent sans l’irrégularité alléguée. Or, la requérante n’explique pas en quoi cette procédure aurait pu aboutir à un résultat différent si elle avait pu avoir accès à cette décision. Par suite, une telle critique formulée de manière générale ne saurait valablement prospérer.

318    Dans ces conditions, ainsi qu’il a été conclu au point 147 ci-dessus, une telle argumentation n’est pas, en soi, suffisante pour établir l’existence d’une violation du droit d’accès au dossier de la requérante.

319    Eu égard à ce qui précède, le présent grief doit être écarté.

i)      Sur le neuvième grief, relatif à la motivation de la décision attaquée

320    Premièrement, la requérante soutient, en substance, que la motivation de la décision attaquée est très évasive et ne fait pas apparaître clairement les motifs principaux qui justifieraient le retrait de son agrément ainsi que la pondération accordée à chacun de ces motifs. Deuxièmement, la rédaction d’une bonne partie de ladite décision serait telle qu’elle donnerait l’impression que c’est la CMFC, et non la BCE, qui l’a adoptée et a apprécié les faits. Troisièmement, la BCE n’aurait pas précisé la base juridique sur laquelle se fonde cette décision. En particulier, s’agissant de la question relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, aucune référence claire ne serait faite à l’article 67, sous o), de la directive 2013/36.

321    La BCE et la Commission contestent les arguments de la requérante.

322    Il convient de rappeler, à titre liminaire, que, selon l’article 22, paragraphe 2, second alinéa, et l’article 24, paragraphe 9, du règlement no 1024/2013, les décisions de la BCE doivent être motivées.

323    Conformément à l’article 33, paragraphes 1 et 2, du règlement-cadre MSU, une décision de surveillance prudentielle de la BCE doit être accompagnée d’un exposé des motifs justifiant la décision et l’exposé des motifs contient les éléments de fait et de droit essentiels sur lesquels est fondée la décision de surveillance prudentielle de la BCE.

324    Il convient également de souligner que l’article 33, paragraphes 1 et 2, du règlement-cadre MSU ne fait que rappeler l’obligation de motivation à laquelle les institutions et les organes de l’Union sont assujettis au titre de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE (arrêt du 16 mai 2017, Landeskreditbank Baden-Württemberg/BCE, T‑122/15, EU:T:2017:337, point 121).

325    L’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (voir arrêt du 16 mai 2017, Landeskreditbank Baden-Württemberg/BCE, T‑122/15, EU:T:2017:337, point 122 et jurisprudence citée).

326    Dans cette perspective, d’une part, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. S’agissant, en particulier, de la motivation des décisions individuelles, l’obligation de motiver de telles décisions a ainsi pour but, outre de permettre un contrôle judiciaire, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est éventuellement entachée d’un vice permettant d’en contester la validité (voir arrêt du 16 mai 2017, Landeskreditbank Baden-Württemberg/BCE, T‑122/15, EU:T:2017:337, point 123 et jurisprudence citée).

327    D’autre part, l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte en cause, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 16 mai 2017, Landeskreditbank Baden-Württemberg/BCE, T‑122/15, EU:T:2017:337, point 124 et jurisprudence citée).

328    En l’espèce, tout d’abord, il a été relevé au point 156 ci-dessus que la décision attaquée exposait de manière claire et non équivoque les éléments de fait et de droit sur lesquels la BCE s’est fondée pour décider du retrait de l’agrément de la requérante. En particulier, après avoir rappelé dans ladite décision, au point 1, le cadre juridique applicable, au point 2, la procédure, au point 3, les faits à l’origine de l’affaire et, au point 4.1, les irrégularités constatées chez ladite requérante ayant conduit la CMFC à proposer le retrait de son agrément, la BCE a constaté, au point 4.2, sous a) à g), que la requérante ne satisfaisait pas aux exigences globales de fonds propres ni aux exigences du pilier 2 et qu’elle ne respectait pas davantage les limites applicables aux grands risques ainsi que plusieurs autres exigences prévues par la loi sur les établissements de crédit, comme les exigences relatives au fonctionnement du système de contrôle interne, à la lutte contre le blanchiment de capitaux, à une stratégie prudente et à la réputation des actionnaires détenant des participations qualifiées. Ensuite, elle a constaté, au point 4.2, sous h), de cette décision, que la requérante n’avait pris aucune mesure immédiate, efficace et fiable pour remédier à ces manquements et n’avait fourni aucune preuve significative de ce que des décisions susceptibles d’améliorer efficacement et rapidement ses activités auraient été prises. Enfin, elle a estimé que, dans ces circonstances, le retrait de l’agrément était une mesure adéquate et proportionnée.

329    Ainsi, premièrement, comme il a été constaté aux points 177 à 181 ci-dessus, la BCE ne s’est pas limitée à reproduire dans la décision attaquée les constats présentés par la CMFC dans le projet de décision de retrait. Deuxièmement, il ressort des points 1 et 4.2 de la décision attaquée que celle-ci indique clairement les dispositions du droit de l’Union et du droit national letton qui fondent la compétence de la BCE pour retirer l’agrément de la requérante et les dispositions du droit de l’Union et du droit national letton qui ont été violées par la requérante et qui justifiaient un tel retrait.

330    En outre, s’il est vrai que la décision attaquée, en ce qui concerne les violations aux exigences réglementaires en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux, ne cite pas expressément l’article 67, paragraphe 1, sous o), de la directive 2013/36, celle-ci fait toutefois référence aux normes du droit letton qui se rapportent à cette disposition et qui transposent ladite directive sur ce point. Cette omission ne saurait dès lors entacher d’illégalité la décision attaquée. En tout état de cause, il ressort de la jurisprudence que l’omission de la référence à une disposition précise peut ne pas constituer un vice substantiel lorsque la base juridique d’un acte peut être déterminée à l’appui d’autres éléments, une telle référence explicite n’étant indispensable que lorsque, à défaut de celle-ci, les intéressés et le juge communautaire sont laissés dans l’incertitude quant à la base juridique précise (voir ordonnance du 14 mai 2008, Icuna.Com/Parlement, T‑383/06 et T‑71/07, EU:T:2008:148, point 68 et jurisprudence citée). En l’occurrence, la motivation de la décision attaquée a permis à la requérante de comprendre les dispositions du droit de l’Union visées et de formuler ses contestations et au juge de l’Union d’exercer son contrôle.

331    Ensuite, il convient de rappeler que la décision attaquée s’inscrit dans un dialogue pluriannuel entre la requérante et la CMFC, de sorte que la requérante connaissait le contexte factuel et procédural de cette décision.

332    Troisièmement, ainsi qu’il a été rappelé au point 327 ci-dessus, il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. Or, la motivation de la décision attaquée a permis à la requérante de comprendre les raisons justifiant son adoption et de formuler ses contestations et au juge de l’Union d’exercer son contrôle.

333    Eu égard à ce qui précède, le présent grief doit être écarté.

j)      Sur le dixième grief, relatif à la notification de la décision attaquée

334    La requérante soutient, en substance, que la décision attaquée n’a pas été notifiée à sa direction, comme il est exigé, mais à son seul liquidateur, si bien que cette décision est entachée d’un vice de forme.

335    La BCE et la Commission contestent les arguments de la requérante.

336    À cet égard, il ressort du dossier que la requérante s’est vu notifier la décision attaquée par un courriel du 13 juillet 2016, ce qu’elle a d’ailleurs elle-même confirmé au point 2 de la requête. Force est donc de constater que l’argument de la requérante tiré d’un défaut de notification de cette décision manque en fait.

337    En tout état de cause, un défaut de notification de la décision attaquée, qui n’est susceptible d’avoir de conséquences que sur le calcul du point de départ du délai du recours visé par l’article 263, sixième alinéa, TFUE, ne relève pas, en tant que tel, des vices de forme de nature à affecter la légalité de cette décision.

338    Eu égard à ce qui précède, le présent grief doit être écarté et, par suite, le moyen dans son ensemble.

339    À la lumière de l’ensemble de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans son intégralité, sans qu’il soit besoin d’ordonner, à titre de mesure d’instruction, la production, par la BCE, de l’intégralité du dossier, étant donné que le Tribunal a pu utilement statuer sur le recours sur la base des conclusions, des moyens et des arguments développés en cours d’instance et au vu des annexes déposées par les parties.

 Sur les dépens

340    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

341    Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la BCE.

342    Toutefois, aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens. Compte tenu du décès de M. Buimisters, survenu en cours de procédure, il y a lieu de décider de ne pas le condamner aux dépens de la BCE.

343    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Dès lors, la Commission européenne et la République de Lettonie supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Il n’y a plus lieu de statuer sur le recours en tant qu’il a été introduit par M. Igors Buimisters.

2)      Le recours est rejeté.

3)      Trasta Komercbanka AS et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe, à l’exception de M. Buimisters, sont condamnées aux dépens.

4)      M. Buimisters est condamné à supporter ses propres dépens.

5)      La Commission européenne et la République de Lettonie supporteront leurs propres dépens.

Costeira 

Kancheva 

Perišin

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 novembre 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.


1      La liste des autres parties requérantes n’est annexée qu’à la version notifiée aux parties.