Language of document : ECLI:EU:T:2020:59

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre élargie)

12 février 2020 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises au regard de la situation en République démocratique du Congo – Gel des fonds – Prorogation de l’inscription du nom du requérant sur la liste des personnes visées – Obligation de motivation – Droits de la défense – Obligation pour le Conseil de communiquer les éléments nouveaux justifiant le renouvellement des mesures restrictives – Erreur de droit – Erreur manifeste d’appréciation – Proportionnalité – Article 76, sous d), du règlement de procédure – Exception d’illégalité »

Dans l’affaire T‑177/18,

Jean-Claude Kazembe Musonda, demeurant à Lubumbashi (République démocratique du Congo), représenté par Mes T. Bontinck, P. De Wolf, M. Forgeois et A. Guillerme, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. J.-P. Hix, Mmes S. Lejeune et H. Marcos Fraile, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision (PESC) 2017/2282 du Conseil, du 11 décembre 2017, modifiant la décision 2010/788/PESC concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de la République démocratique du Congo (JO 2017, L 328, p. 19), en ce qu’elle concerne le requérant,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre élargie),

composé de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise, R. da Silva Passos (rapporteur), Mme K. Kowalik‑Bańczyk et M. C. Mac Eochaidh, juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 4 juillet 2019,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le requérant, M. Jean-Claude Kazembe Musonda, est un ressortissant de la République démocratique du Congo.

2        La présente affaire s’inscrit dans le cadre des mesures restrictives imposées par le Conseil de l’Union européenne en vue de l’instauration d’une paix durable en République démocratique du Congo et de l’exercice de pressions sur les personnes et entités agissant en violation de l’embargo sur les armes imposé à cet État.

3        Le 18 juillet 2005, le Conseil a adopté, sur le fondement des articles 60, 301 et 308 CE, le règlement (CE) no 1183/2005, instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre des personnes agissant en violation de l’embargo sur les armes imposé à la République démocratique du Congo (JO 2005, L 193, p. 1).

4        Le 20 décembre 2010, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision 2010/788/PESC, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de la République démocratique du Congo et abrogeant la position commune 2008/369/PESC (JO 2010, L 336, p. 30).

5        Le 12 décembre 2016, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 215 TFUE, le règlement (UE) 2016/2230, modifiant le règlement no 1183/2005 (JO 2016, L 336 I, p. 1).

6        À la même date, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision (PESC) 2016/2231, modifiant la décision 2010/788 (JO 2016, L 336 I, p. 7).

7        Les considérants 2 à 4 de la décision 2016/2231 se lisent comme suit :

« (2)      Le 17 octobre 2016, le Conseil a adopté des conclusions faisant état d’une profonde préoccupation quant à la situation politique en République démocratique du Congo (RDC). En particulier, il y condamnait vivement les actes d’une extrême violence qui ont été commis les 19 et 20 septembre à Kinshasa, indiquant que ces actes ont encore aggravé la situation d’impasse dans laquelle se trouve le pays du fait de la non-convocation des électeurs à l’élection présidentielle dans le délai constitutionnel fixé au 20 décembre 2016.

(3)      Le Conseil a souligné que, afin d’assurer un climat propice à la tenue d’un dialogue et des élections, le gouvernement de la RDC doit clairement s’engager à veiller au respect des droits de l’homme et de l’État de droit et cesser toute instrumentalisation de la justice. Il a également exhorté tous les acteurs à rejeter l’usage de la violence.

(4)      Le Conseil s’est également déclaré prêt à utiliser tous les moyens à sa disposition, y compris le recours à des mesures restrictives contre ceux qui sont responsables de graves violations des droits de l’homme, incitent à la violence ou qui font obstacle à une sortie de crise consensuelle, pacifique et respectueuse de l’aspiration du peuple de la RDC à élire ses représentants. »

8        L’article 3, paragraphe 2, de la décision 2010/788, tel que modifié par la décision 2016/2231, prévoit ce qui suit :

« Les mesures restrictives prévues à l’article 4, paragraphe 1, et à l’article 5, paragraphes 1 et 2, sont instituées à l’encontre des personnes et entités :

a)      faisant obstacle à une sortie de crise consensuelle et pacifique en vue de la tenue d’élections en [République démocratique du Congo], notamment par des actes de violence, de répression ou d’incitation à la violence, ou des actions portant atteinte à l’État de droit ;

b)      contribuant, en les planifiant, en les dirigeant ou en les commettant, à des actes constituant de graves violations des droits de l’homme ou des atteintes à ces droits en [République démocratique du Congo] ;

c)      associées à celles visées [sous] a) et b),

dont la liste figure à l’annexe II. »

9        Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, de la décision 2010/788, tel que modifié par la décision 2016/2231, « [l]es États membres prennent les mesures nécessaires pour empêcher l’entrée ou le passage en transit sur leur territoire des personnes visées à l’article 3 ». Son article 4, paragraphe 2, prévoit que « [l]e paragraphe 1 n’oblige pas un État membre à refuser à ses propres ressortissants l’entrée sur son territoire ».

10      L’article 5, paragraphes 1, 2 et 5, de la décision 2010/788, tel que modifié par la décision 2016/2231, prévoit ce qui suit :

« 1. Sont gelés tous les fonds, autres avoirs financiers et ressources économiques que les personnes ou entités visées à l’article 3 possèdent ou contrôlent directement ou indirectement, ou qui sont détenus par des entités que ces personnes ou entités ou toute personne ou entité agissant pour leur compte ou sur leurs instructions, qui sont visées aux annexes I et II, possèdent ou contrôlent directement ou indirectement.

2. Aucun fonds, autre avoir financier ou ressource économique n’est mis directement ou indirectement à la disposition des personnes ou entités visées au paragraphe 1 ou utilisé à leur profit.

[...]

5. En ce qui concerne les personnes et entités visées à l’article 3, paragraphe 2, l’autorité compétente d’un État membre peut autoriser le déblocage de certains fonds ou ressources économiques gelés, ou la mise à disposition de certains fonds ou ressources économiques, dans les conditions qu’elle juge appropriées, après avoir établi que les fonds ou ressources économiques concernés sont :

a)      nécessaires pour répondre aux besoins fondamentaux des personnes et entités et des membres de la famille de ces personnes physiques qui sont à leur charge, notamment pour couvrir les dépenses consacrées à l’achat de vivres, au paiement de loyers ou au remboursement de prêts hypothécaires, à l’achat de médicaments et au paiement de frais médicaux, d’impôts, de primes d’assurance et de redevances de services publics ;

b)      exclusivement destinés au règlement d’honoraires d’un montant raisonnable et au remboursement de dépenses engagées dans le cadre de la fourniture de services juridiques ;

[...]

d)      nécessaires pour régler des dépenses extraordinaires, pour autant que l’autorité compétente ait notifié aux autorités compétentes des autres États membres et à la Commission, au moins deux semaines avant l’autorisation, les motifs pour lesquels elle estime qu’une autorisation spéciale devrait être accordée. »

11      L’article 6, paragraphe 2, de la décision 2010/788, tel que modifié par la décision 2016/2231, prévoit ce qui suit :

« 2. Le Conseil, statuant sur proposition d’un État membre ou du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, établit et modifie la liste qui figure à l’annexe II. »

12      L’article 7, paragraphes 2 et 3, de la décision 2010/788, tel que modifié par la décision 2016/2231, prévoit ce qui suit :

« 2. Le Conseil communique à la personne ou à l’entité concernée la décision visée à l’article 6, paragraphe 2, y compris les motifs de son inscription sur la liste, soit directement, si son adresse est connue, soit par la publication d’un avis, en donnant à cette personne ou entité la possibilité de présenter des observations.

3. Si des observations sont formulées ou si de nouveaux éléments de preuve substantiels sont présentés, le Conseil revoit sa décision et informe la personne ou l’entité concernée en conséquence. »

13      Selon l’article 9, paragraphe 2, de la décision 2010/788, tel que modifié par la décision 2016/2231, « [l]es mesures visées à l’article 3, paragraphe 2, s’appliquent jusqu’au 12 décembre 2017 » et « [e]lles sont prorogées, ou modifiées le cas échéant, si le Conseil estime que leurs objectifs n’ont pas été atteints ».

14      Quant au règlement no 1183/2005, l’article 2 ter, paragraphe 1, de ce dernier, tel que modifié par le règlement 2016/2230, prévoit ce qui suit :

« 1. L’annexe I bis comprend les personnes physiques ou morales, les entités ou les organismes désignés par le Conseil pour l’un des motifs suivants :

[...]

b)      préparant, dirigeant ou commettant des actes constituant de graves violations des droits de l’homme ou des atteintes à ces droits en [République démocratique du Congo]. »

15      Le 29 mai 2017, le Conseil a adopté, sur le fondement notamment de l’article 31, paragraphe 2, TUE et de l’article 6, paragraphe 2, de la décision 2010/788, la décision d’exécution (PESC) 2017/905, mettant en œuvre la décision 2010/788 (JO 2017, L 138 I, p. 6). À la même date, le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) 2017/904, mettant en œuvre l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 1183/2005 (JO 2017, L 138 I, p. 1).

16      Le considérant 2 du règlement d’exécution 2017/904 et de la décision d’exécution 2017/905 se lit comme suit :

« Le 12 décembre 2016, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2016/2231 en réponse aux entraves au processus électoral et aux violations des droits de l’homme qui y sont liées en République démocratique du Congo (RDC). Le 6 mars 2017, le Conseil a adopté des conclusions dans lesquelles il s’est déclaré gravement préoccupé par la situation politique en RDC provoquée par le blocage dans la mise en œuvre de l’accord politique inclusif du 31 décembre 2016, ainsi que par la situation sécuritaire dans plusieurs régions du pays, où un usage disproportionné de la force a été observé. »

17      Le nom du requérant a été ajouté par la décision d’exécution 2017/905 sur la liste des personnes et entités figurant à l’annexe II de la décision 2010/788 (ci-après la « liste litigieuse ») et par le règlement d’exécution 2017/904 sur la liste des personnes et entités figurant à l’annexe I bis du règlement no 1183/2005.

18      Dans l’annexe II de la décision 2010/788, telle que modifiée par la décision d’exécution 2017/905, et dans l’annexe I bis du règlement no 1183/2005, telle que modifiée par le règlement d’exécution 2017/904, le Conseil a justifié l’adoption des mesures restrictives visant le requérant par les motifs suivants :

« En tant que gouverneur du Haut-Katanga jusqu’en avril 2017, Jean-Claude Kazembe Musonda a été responsable du recours disproportionné à la force et de la répression violente qu’ont exercé les forces de sécurité et la [police nationale congolaise] dans le Haut-Katanga, notamment entre le 15 et le 31 décembre 2016, période pendant laquelle 12 civils ont été tués et 64 blessés en raison d’un usage de la force létale par les forces de sécurité, notamment des agents de la [police nationale congolaise], en réponse à des protestations à Lubumbashi. Jean-Claude Kazembe Musonda a donc contribué, en les planifiant, dirigeant ou commettant, à des actes constituant de graves violations des droits de l’homme en [République démocratique du Congo]. »

19      Le 30 mai 2017, le Conseil a publié au Journal officiel de l’Union européenne un avis à l’attention des personnes faisant l’objet des mesures restrictives prévues par la décision 2010/788, mise en œuvre par la décision d’exécution 2017/905, et par le règlement no 1183/2005, mis en œuvre par le règlement d’exécution 2017/904, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la République démocratique du Congo (JO 2017, C 169, p. 4). Dans cet avis, il était notamment précisé que les personnes concernées pouvaient adresser au Conseil, avant le 1er octobre 2017, une demande de réexamen de la décision par laquelle leurs noms avaient été inscrits sur la liste litigieuse et sur la liste des personnes et entités figurant à l’annexe I bis du règlement no 1183/2005, en y joignant des pièces justificatives. Ledit avis indiquait également que toute observation reçue serait prise en compte aux fins du réexamen ultérieur effectué par le Conseil, en application de l’article 9 de la décision 2010/788.

20      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 août 2017, le requérant ainsi que sept autres personnes ont introduit un recours visant, en substance, à l’annulation du règlement d’exécution 2017/904 et de la décision d’exécution 2017/905, pour autant que ces actes les concernaient. Ce recours a été enregistré sous le numéro d’affaire T‑582/17.

21      Le 11 décembre 2017, à l’issue du processus de réexamen des mesures litigieuses, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision (PESC) 2017/2282, modifiant la décision 2010/788 (JO 2017, L 328, p. 19, ci-après la « décision attaquée »). L’article 1er de cette décision a ainsi remplacé le texte de l’article 9, paragraphe 2, de la décision 2010/788 par le texte suivant :

« Les mesures visées à l’article 3, paragraphe 2, s’appliquent jusqu’au 12 décembre 2018. Elles sont prorogées, ou modifiées le cas échéant, si le Conseil estime que leurs objectifs n’ont pas été atteints. »

22      Par arrêt du 26 mars 2019, Boshab e.a./Conseil (T‑582/17, non publié, EU:T:2019:193), le Tribunal a rejeté le recours mentionné au point 20 ci-dessus.

 Procédure et conclusions des parties

23      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 mars 2018, le requérant a introduit le présent recours.

24      Par décision du 12 octobre 2018, le président de la neuvième chambre du Tribunal a décidé de joindre la présente affaire aux affaires T‑170/18, Kande Mupompa/Conseil, T‑171/18, Boshab/Conseil, T‑172/18, Akili Mundos/Conseil, T‑173/18, Ramazani Shadary/Conseil, T‑174/18, Mutondo/Conseil, T‑175/18, Ruhorimbere/Conseil, et T‑176/18, Mende Omalanga/Conseil, aux fins de la phase écrite et de l’éventuelle phase orale de la procédure.

25      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure. Le 15 mai 2019, le Tribunal a renvoyé l’affaire devant la neuvième chambre élargie.

26      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 4 juillet 2019.

27      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée, pour autant que cet acte le concerne ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

28      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        à titre subsidiaire, en cas d’annulation de la décision attaquée, maintenir les effets de celle-ci à l’égard du requérant jusqu’à l’expiration du délai de pourvoi contre l’arrêt du Tribunal ou, si un pourvoi est introduit dans ce délai, jusqu’au rejet de celui-ci ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

29      À l’appui de ses conclusions en annulation de la décision attaquée, le requérant soulève quatre moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’obligation de motivation et du droit d’être entendu, le deuxième, d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation, le troisième, d’une violation du droit au respect de la vie privée et familiale, du droit de propriété et du principe de proportionnalité et, le quatrième, de l’illégalité de l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la décision 2010/788 et de l’article 2 ter, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1183/2005.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation et du droit d’être entendu

30      Le premier moyen se décompose en deux branches, tirées, respectivement, la première, d’une violation de l’obligation de motivation et, la seconde, d’une violation du droit d’être entendu.

 Sur la première branche du premier moyen

31      Dans la première branche du premier moyen, le requérant fait valoir que le Conseil a violé l’obligation de motivation d’un acte faisant grief prévue à l’article 296 TFUE. Le requérant soutient que la motivation de la décision attaquée est particulièrement succincte, le Conseil ne formulant aucune accusation précise, ni aucun fait particulier et identifiable qui permettraient sans doute sérieux de lui attribuer les reproches formulés à son égard dans ladite motivation. Selon le requérant, la décision attaquée est ainsi fondée sur de simples affirmations présomptives, impossibles à vérifier et qui le placent dans l’obligation d’apporter des preuves négatives de l’inexistence des faits généraux qui lui sont reprochés, entraînant un renversement de la charge de la preuve.

32      Le Conseil conteste ces arguments.

33      À cet égard, tout d’abord, il y a lieu de rappeler que l’obligation de motiver un acte faisant grief, telle que prévue à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union européenne et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte. L’obligation de motivation ainsi édictée constitue un principe essentiel du droit de l’Union auquel il ne saurait être dérogé qu’en raison de considérations impérieuses. Partant, la motivation doit, en principe, être communiquée à l’intéressé en même temps que l’acte lui faisant grief, son absence ne pouvant être régularisée par le fait que l’intéressé prend connaissance des motifs de l’acte au cours de la procédure devant le juge de l’Union (arrêt du 7 décembre 2011, HTTS/Conseil, T‑562/10, EU:T:2011:716, point 32).

34      Ensuite, la motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (arrêts du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 54, et du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, EU:T:2009:401, point 82).

35      L’obligation de motivation à laquelle le Conseil est tenu porte, d’une part, sur l’indication de la base juridique de la mesure adoptée et, d’autre part, sur les circonstances qui permettent de considérer que l’un ou l’autre des critères d’inscription est rempli dans le cas des intéressés (arrêt du 18 septembre 2014, Central Bank of Iran/Conseil, T‑262/12, non publié, EU:T:2014:777, point 86).

36      Par conséquent, il y a lieu d’examiner si la motivation de l’acte attaqué contient des références explicites au critère d’inscription litigieux et si, le cas échéant, cette motivation peut être regardée comme suffisante pour permettre à la partie requérante de vérifier le bien-fondé de l’acte attaqué, de se défendre devant le Tribunal et à ce dernier d’exercer son contrôle (voir, en ce sens, arrêt du 18 septembre 2014, Central Bank of Iran/Conseil, T‑262/12, non publié, EU:T:2014:777, point 88).

37      Enfin, la motivation d’un acte du Conseil imposant une mesure restrictive ne doit pas seulement identifier la base juridique de cette mesure, mais également les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le Conseil considère, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, que l’intéressé doit faire l’objet d’une telle mesure (arrêts du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 52, et du 25 mars 2015, Central Bank of Iran/Conseil, T‑563/12, EU:T:2015:187, point 55).

38      En l’espèce, il convient de souligner que la décision attaquée a pour objet de proroger l’inscription du nom du requérant sur la liste litigieuse en maintenant les motifs retenus par le Conseil, lors de l’inscription initiale de son nom, dans la décision d’exécution 2017/905, qui a modifié la décision 2010/788.

39      Selon le requérant, de tels motifs sont particulièrement succincts, le Conseil ne formulant aucun reproche précis qui permettrait de lui attribuer les accusations formulées à son égard dans lesdits motifs.

40      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la décision 2010/788, inséré dans cette dernière par la décision 2016/2231, établit que l’annexe II comprend les personnes et entités qui ont été regardées par le Conseil comme « contribuant, en les planifiant, en les dirigeant ou en les commettant, à des actes constituant de graves violations des droits de l’homme ou des atteintes à ces droits en [République démocratique du Congo] ».

41      Il convient également de rappeler que la motivation retenue par le Conseil pour l’inscription du nom du requérant sur la liste litigieuse vise sa qualité de gouverneur du Haut-Katanga (République démocratique du Congo) et la participation des forces de l’ordre, dans cette province, à un recours disproportionné à la force et à une répression violente, en particulier entre le 15 et le 31 décembre 2016. À cet égard, le Conseil fait référence à l’usage de la force létale par les forces de l’ordre, en réponse à des protestations à Lubumbashi (République démocratique du Congo).

42      Une telle motivation identifie les éléments spécifiques et concrets, portant aussi bien sur les fonctions professionnelles exercées par le requérant que sur le type d’acte visé, et fait état de ce que le requérant aurait été impliqué dans de graves violations des droits de l’homme en République démocratique du Congo. Elle permet, en effet, de comprendre les raisons ayant conduit le Conseil à adopter des mesures restrictives à l’encontre du requérant portant sur sa prétendue responsabilité, au titre de ses fonctions de gouverneur du Haut-Katanga jusqu’en avril 2017, dans le recours disproportionné à la force et dans la répression violente impliquant les forces de sécurité et la police nationale congolaise (PNC) dans le Haut-Katanga.

43      Ainsi que le Conseil le fait valoir à juste titre, la motivation de l’inscription du nom du requérant sur la liste litigieuse, prorogée par la décision attaquée, expose les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles les critères d’inscription lui étaient applicables et, notamment, d’une part, mentionne une base juridique clairement identifiée et qui renvoie aux critères d’inscription et, d’autre part, repose sur des motifs se rapportant aux activités du requérant lui permettant de comprendre les raisons ayant justifié l’inscription de son nom sur la liste litigieuse. Par ailleurs, le contexte de l’adoption de la décision attaquée était connu du requérant, étant donné qu’il a contesté, en substance, devant le Tribunal, la légalité de la première inscription de son nom, ainsi que cela a été rappelé aux points 20 et 22 ci-dessus, et que les motifs de cette inscription n’ont pas été modifiés par la décision attaquée. En outre, sa connaissance de ce contexte est corroborée par la lettre qu’il a envoyée au Conseil le 30 octobre 2017 et jointe à la requête en tant qu’annexe A.3.

44      Par conséquent, le requérant ne pouvait raisonnablement ignorer que, lorsque, par la décision attaquée, le Conseil a confirmé les motifs de l’inscription initiale de son nom sur la liste litigieuse, décidée dans la décision d’exécution 2017/905, il s’est référé au fait que, au vu de ses fonctions de gouverneur du Haut-Katanga jusqu’en avril 2017, il disposait du pouvoir de fait d’influencer de façon directe les forces de sécurité et de la PNC dans cette province, lesquelles auraient été impliquées dans les actes de violence mentionnés au point 41 ci-dessus.

45      À la lumière des motifs d’inscription de son nom sur la liste litigieuse, le requérant était en mesure de contester utilement le bien-fondé des mesures restrictives adoptées à son égard. Il lui était donc loisible de contester la réalité des faits sur lesquels se fondait la décision attaquée, notamment en niant sa qualité de gouverneur du Haut-Katanga ou son implication dans le recours disproportionné à la force et dans la répression violente, ou en contestant l’existence de tels événements, ou encore en réfutant le fait qu’il aurait contribué à des actes constituant des violations graves des droits de l’homme. C’est d’ailleurs ce qu’il a fait en substance dans le cadre de la seconde branche du deuxième moyen, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation.

46      Il s’ensuit que la motivation de la décision attaquée était suffisante pour permettre au requérant d’en contester la validité et au Tribunal d’exercer son contrôle de légalité. La première branche du premier moyen doit dès lors être rejetée.

 Sur la seconde branche du premier moyen

47      Par la seconde branche du premier moyen, le requérant soutient que le Conseil a violé son droit d’être entendu. Il considère que, s’il est vrai que l’effet de surprise nécessaire à une mesure de gel de fonds implique que le Conseil n’est pas tenu de procéder à une audition préalablement à l’inscription initiale du nom d’une personne ou d’une entité sur une liste imposant des mesures restrictives, il n’en demeure pas moins que, dans le cadre, comme en l’espèce, d’un réexamen d’une telle décision d’inscription initiale, ledit effet n’a plus lieu d’être et le principe du contradictoire doit être respecté en ce qui concerne tant la communication des motifs préalablement à la décision de maintien sur la liste litigieuse que le droit à être auditionné. Il ajoute qu’il a sollicité une audition auprès du Conseil, mais que, à la date de dépôt du présent recours, celui-ci ne s’était pas prononcé sur une telle demande.

48      Dans la réplique, d’une part, le requérant fait valoir qu’il n’a jamais été entendu par le Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’homme (BCNUDH) lors de l’élaboration des différents rapports utilisés par le Conseil pour soutenir la décision attaquée, ce qui ne respecterait pas les critères établis dans la jurisprudence démontrerait qu’il aurait dû être entendu préalablement à l’adoption de la décision attaquée, d’autant plus qu’il a fourni au Conseil, le 30 octobre 2017, des éléments susceptibles de mettre en question le bien-fondé des motifs retenus. D’autre part, le requérant soutient que, par rapport à la décision initiale d’inscription de son nom sur la liste litigieuse, le Conseil a retenu de nouveaux éléments de preuve à son égard en vue de l’adoption de la décision attaquée.

49      Le Conseil conteste ces arguments en soulignant que la décision attaquée repose sur les mêmes motifs que ceux ayant fondé l’inscription initiale du nom du requérant sur la liste litigieuse, en vertu de la décision d’exécution 2017/905. Il s’ensuivrait qu’il n’aurait pas été tenu d’entendre le requérant avant d’adopter la décision attaquée.

50      À cet égard, il importe de rappeler que l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne prévoit que toute personne a le droit d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard.

51      Selon la jurisprudence, dans le cadre d’une procédure portant sur l’adoption de la décision d’inscrire ou de maintenir le nom d’une personne sur une liste figurant à l’annexe d’un acte portant mesures restrictives, le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective exige que l’autorité compétente de l’Union communique à la personne concernée les éléments dont elle dispose à l’encontre de ladite personne pour fonder sa décision, afin que cette personne puisse défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge de l’Union. En outre, lors de cette communication, l’autorité compétente de l’Union doit permettre à cette personne de faire connaître utilement son point de vue en ce qui concerne les motifs retenus contre elle (arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 111 et 112, et du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, T‑228/02, EU:T:2006:384, point 93).

52      S’agissant d’un premier acte par lequel les fonds d’une personne ou d’une entité sont gelés, le Conseil n’est pas tenu de communiquer au préalable à la personne ou à l’entité concernée les motifs sur lesquels il entend fonder l’inscription initiale de son nom sur la liste des personnes et entités dont les fonds sont gelés. En effet, une telle mesure, afin de ne pas compromettre son efficacité, doit, par sa nature même, pouvoir bénéficier d’un effet de surprise et s’appliquer immédiatement. Dans un tel cas, il suffit, en principe, que l’institution procède à la communication des motifs à la personne ou à l’entité concernée et ouvre le droit à l’audition de celle-ci concomitamment avec l’adoption de la décision de gel des fonds ou immédiatement après celle-ci (arrêt du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, EU:C:2011:853, point 61).

53      En revanche, dans le cas d’une décision subséquente de gel de fonds par laquelle le nom d’une personne ou d’une entité figurant déjà sur la liste des personnes et entités dont les fonds sont gelés est maintenu sur cette liste, cet effet de surprise n’est plus nécessaire afin d’assurer l’efficacité de la mesure, de sorte que l’adoption d’une telle décision doit, en principe, être précédée d’une communication des éléments retenus à charge ainsi que de l’opportunité conférée à la personne ou à l’entité concernée d’être entendue (arrêt du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, EU:C:2011:853, point 62).

54      À cet égard, la Cour a souligné que l’élément de protection qu’offraient l’exigence de communication des éléments à charge et le droit de présenter des observations avant l’adoption d’actes qui maintiennent le nom d’une personne ou d’une entité sur une liste de personnes ou d’entités visées par des mesures restrictives était fondamental et essentiel aux droits de la défense. Cela est d’autant plus vrai que les mesures restrictives en question ont une incidence importante sur les droits et les libertés des personnes et des groupes visés (arrêt du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, EU:C:2011:853, point 64).

55      Ce droit d’être entendu préalablement à l’adoption de tels actes s’impose lorsque le Conseil a retenu, dans la décision portant maintien de l’inscription de son nom sur cette liste, de nouveaux éléments contre cette personne, à savoir des éléments qui n’étaient pas pris en compte dans la décision initiale d’inscription de son nom sur cette même liste (voir, en ce sens, arrêts du 18 juin 2015, Ipatau/Conseil, C‑535/14 P, EU:C:2015:407, point 26 et jurisprudence citée, et du 7 avril 2016, Central Bank of Iran/Conseil, C‑266/15 P, EU:C:2016:208, point 33).

56      En l’espèce, certes, comme le souligne le Conseil, le maintien de l’inscription du nom du requérant sur la liste litigieuse, décidé dans la décision attaquée, est fondé sur les mêmes motifs que ceux qui ont justifié l’adoption de l’acte initial imposant les mesures restrictives en question.

57      Toutefois, cette circonstance ne saurait à elle seule impliquer que le Conseil n’était pas tenu de respecter les droits de la défense du requérant, et en particulier de lui donner la possibilité de faire connaître utilement son point de vue sur les éléments de fait sur la base desquels il a adopté la décision attaquée, portant maintien de l’inscription de son nom sur la liste litigieuse.

58      En effet, l’existence d’une violation des droits de la défense doit être appréciée en fonction des circonstances spécifiques de chaque cas d’espèce, notamment de la nature de l’acte en cause, du contexte de son adoption et des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 102 et jurisprudence citée).

59      À cet égard, il convient de souligner que les mesures restrictives ont une nature conservatoire et, par définition, provisoire, dont la validité est toujours subordonnée à la perpétuation des circonstances de fait et de droit ayant présidé à leur adoption, ainsi qu’à la nécessité de leur maintien en vue de la réalisation de l’objectif qui leur est associé (voir, en ce sens, arrêt du 21 mars 2014, Yusef/Commission, T‑306/10, EU:T:2014:141, points 62 et 63). C’est en ce sens que l’article 9, paragraphe 2, de la décision 2010/788, tel que modifié par la décision 2016/2231, prévoit que les mesures restrictives à l’encontre de la République démocratique du Congo s’appliquent jusqu’au 12 décembre 2017 et sont « prorogées, ou modifiées le cas échéant, si le Conseil estime que leurs objectifs n’ont pas été atteints ».

60      Il s’ensuit que, lors du réexamen périodique de ces mesures restrictives, il appartient au Conseil de procéder à une appréciation actualisée de la situation et d’établir un bilan de l’impact de telles mesures, en vue de déterminer si elles ont permis d’atteindre les objectifs visés par l’inscription initiale des noms des personnes et entités concernées sur la liste litigieuse ou s’il est toujours possible de tirer la même conclusion concernant lesdites personnes et entités.

61      À cet égard, dans l’arrêt du 27 septembre 2018, Ezz e.a./Conseil (T‑288/15, EU:T:2018:619, point 316 et jurisprudence citée), le Tribunal a jugé que le respect des droits de la défense impliquait que le Conseil communique aux parties requérantes, avant d’adopter une décision portant renouvellement des mesures restrictives à leur égard, les éléments par lesquels il avait procédé, lors du réexamen périodique des mesures en cause, à une réactualisation des informations qui avaient justifié l’inscription initiale de leur nom sur la liste des personnes faisant l’objet de telles mesures restrictives.

62      Ainsi, en l’espèce, au regard de l’objectif initial visé par les mesures restrictives à l’encontre de la République démocratique du Congo, à savoir, en substance, assurer un climat propice à la tenue d’élections et faire cesser toute violation des droits de l’homme (voir point 7 ci-dessus), il convient de considérer que le Conseil était tenu, lors du réexamen périodique des mesures restrictives imposées au requérant, de lui communiquer, le cas échéant, les éléments nouveaux par lesquels il avait réactualisé les informations concernant non seulement sa situation personnelle, mais également la situation politique et sécuritaire en République démocratique du Congo.

63      Or, il ressort des pièces du dossier que le Conseil, ainsi que ce dernier l’a confirmé lors de l’audience en réponse à une question posée par le Tribunal, a adopté la décision attaquée en tenant compte, en plus des informations dont il disposait déjà lors de l’inscription initiale du nom du requérant sur la liste litigieuse, de celles contenues dans le document interne du 23 octobre 2017, portant la référence COREU CFSP/1492/17. Premièrement, ce document du 23 octobre 2017 mentionnait l’absence, à cette date, de publication d’un calendrier électoral et l’annonce par la Commission électorale nationale indépendante, le 11 octobre 2017, de la nécessité d’au moins 504 jours pour organiser des élections. Deuxièmement, dans le même document, il était indiqué que la Mission de l’Organisation des Nations unies en République démocratique du Congo (Monusco) avait rapporté, d’une part, une dégradation de la situation sécuritaire dans de nombreuses parties de la République démocratique du Congo et, d’autre part, un accroissement de l’instabilité régionale après le départ de civils fuyant les zones de conflit. Troisièmement, ledit document faisait état de ce que les libertés de réunion, d’opinion et d’expression étaient toujours réprimées, ainsi qu’en témoignaient l’interdiction de manifestations contre l’absence de publication d’un calendrier électoral et, en août 2017, le blocage des médias sociaux après l’annonce d’une grève générale.

64      De même, il ressort des conclusions du Conseil du 11 décembre 2017 que ce dernier avait connaissance, au moment de l’adoption de la décision attaquée, d’un autre élément d’actualisation, à savoir l’annonce d’un calendrier électoral ayant fixé, le 5 novembre 2017, les élections présidentielles au 23 décembre 2018. Toutefois, une telle annonce n’a pas empêché le Conseil de considérer que le statu quo persistait en République démocratique du Congo.

65      Partant, bien que, par la décision attaquée, le Conseil ait reconduit les mesures restrictives à l’encontre du requérant pour des motifs identiques à ceux retenus, pour l’inscription initiale de son nom sur la liste litigieuse, dans la décision d’exécution 2017/905, les éléments d’actualisation visés aux points 63 et 64 ci-dessus constituent des éléments nouveaux qui ont été pris en compte par le Conseil lors de l’adoption de la décision attaquée. En conséquence, le Conseil aurait dû recueillir les observations du requérant sur ces éléments préalablement à l’adoption d’une telle décision, conformément à ce qui a été énoncé au point 62 ci-dessus. Or, il est constant que tel n’a pas été le cas.

66      Est sans incidence à cet égard le fait que, d’une part, l’inscription initiale du nom du requérant sur la liste litigieuse a été suivie de la publication au Journal officiel d’un avis aux personnes concernées par lesdites mesures, aux termes duquel ces personnes étaient invitées à présenter au Conseil, avant le 1er octobre 2017, une demande de réexamen, et que, d’autre part, le requérant n’a fait qu’un usage tardif de cette possibilité. En effet, le Conseil ne saurait être déchargé de l’obligation qui pèse sur lui de respecter les droits de la défense au motif qu’une personne faisant l’objet de mesures restrictives a la possibilité de demander que de telles mesures cessent de lui être appliquées.

67      Au demeurant, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant pouvait prévoir que le Conseil conclurait au statu quo concernant la situation en République démocratique du Congo en prenant en compte les éléments décrits aux points 63 et 64 ci-dessus, relatifs à l’absence de publication d’un calendrier électoral, à l’aggravation de la situation sécuritaire et à la perpétuation de la répression de libertés publiques dans de nombreuses régions du pays, éléments sur lesquels le requérant n’a pas été mis en mesure de transmettre ses observations avant l’adoption de la décision attaquée. Il convient à cet égard de rappeler que les mesures restrictives ont un caractère provisoire (voir point 59 ci-dessus), lequel est garanti par les dispositions mêmes de la décision attaquée (voir point 21 ci-dessus).

68      Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que la décision attaquée est intervenue à l’issue d’une procédure au cours de laquelle les droits de la défense du requérant n’ont pas été respectés.

69      Cependant, il ne saurait être déduit de tout ce qui précède que l’absence de communication par le Conseil au requérant des éléments nouveaux mentionnés dans le document interne du 23 octobre 2017, portant la référence COREU CFSP/1492/17, et dans les conclusions du Conseil du 11 décembre 2017 ainsi que la circonstance que le requérant n’a pas été mis en mesure de transmettre ses observations sur ces éléments avant que le Conseil n’adopte la décision attaquée emportent l’annulation de cette dernière.

70      En effet, il incombe au juge de l’Union de vérifier, lorsqu’il est en présence d’une irrégularité affectant les droits de la défense, si, en fonction des circonstances de fait et de droit spécifiques de l’espèce, la procédure en cause aurait pu aboutir à un résultat différent dans la mesure où le requérant aurait pu mieux assurer sa défense en l’absence de cette irrégularité (voir, en ce sens, arrêts du 1er octobre 2009, Foshan Shunde Yongjian Housewares & Hardware/Conseil, C‑141/08 P, EU:C:2009:598, points 81, 88, 92, 94 et 107, et du 27 septembre 2018, Ezz e.a./Conseil, T‑288/15, EU:T:2018:619, point 325 et jurisprudence citée).

71      Or, en l’espèce, aucun élément du dossier ne laisse supposer que, si le requérant s’était vu communiquer les éléments nouveaux par lesquels le Conseil a actualisé son appréciation de la situation politique et sécuritaire en République démocratique du Congo, les mesures restrictives concernées auraient pu ne pas être maintenues à son égard.

72      À cet égard, il convient de relever que le requérant n’a pas fourni d’indice précis indiquant que, s’il avait été mis en mesure, antérieurement à l’adoption de la décision attaquée, de présenter ses observations sur les éléments nouveaux décrits aux points 63 et 64 ci-dessus, il aurait été en mesure de remettre en cause leur contenu ou leur pertinence en vue de la prorogation de l’inscription de son nom sur la liste litigieuse.

73      D’ailleurs, en réponse à une question posée par le Tribunal lors de l’audience, le requérant n’a pas contesté, en tant que telle, l’existence d’un statu quo en République démocratique du Congo entre le moment de l’inscription initiale de son nom sur la liste litigieuse, décidée le 29 mai 2017, et l’adoption de la décision attaquée, portant maintien des mesures restrictives en cause.

74      Dans ces conditions, il n’est pas possible de considérer que, même si le requérant s’était vu communiquer les éléments mentionnés aux points 63 et 64 ci-dessus préalablement à l’adoption de la décision attaquée, l’issue de la procédure eût pu être différente. Aussi le fait que le Conseil a retenu certains éléments nouveaux lorsqu’il a renouvelé les mesures restrictives à l’égard du requérant n’est-il pas de nature à entacher d’illégalité la décision attaquée.

75      Par ailleurs, pour autant que le requérant tire argument, au soutien de la seconde branche du premier moyen, de la circonstance qu’il n’aurait pas été entendu par le BCNUDH dans le cadre de l’élaboration, par ce dernier, de rapports invoqués par le Conseil au soutien de la décision attaquée, il suffit de relever que les juridictions de l’Union sont incompétentes pour contrôler la conformité avec les droits fondamentaux des enquêtes conduites par les organes de l’Organisation des Nations unies (ONU) (voir, en ce sens, arrêt du 20 juillet 2017, Badica et Kardiam/Conseil, T‑619/15, EU:T:2017:532, point 65).

76      Enfin, l’argument du requérant selon lequel le Conseil aurait dû procéder à son audition doit être écarté, étant donné que ni la réglementation en cause ni le principe général du respect des droits de la défense ne lui confèrent le droit à une audition formelle (voir, par analogie, arrêt du 6 septembre 2013, Bank Melli Iran/Conseil, T‑35/10 et T‑7/11, EU:T:2013:397, point 105 et jurisprudence citée).

77      Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de rejeter la seconde branche du premier moyen comme non fondée et, dès lors, ce moyen dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation

78      Par le deuxième moyen, le requérant soutient que le Conseil a commis des erreurs lorsqu’il a conclu que celui-ci avait « contribu[é], en les planifiant, en les dirigeant ou en les commettant, à des actes constituant de graves violations des droits de l’homme en République démocratique du Congo ».

79      Le présent moyen se décompose en deux branches. Par la première branche, le requérant soutient, en substance, que le Conseil a commis une erreur de droit lorsqu’il a maintenu l’inscription de son nom sur la liste litigieuse en raison de faits qui, au moment de l’adoption de la décision attaquée, avaient cessé. Par la seconde branche, le requérant conteste l’appréciation portée par le Conseil sur ses fonctions et ses missions ainsi que la présence d’éléments factuels suffisamment précis et concrets au soutien du maintien de l’inscription de son nom sur la liste litigieuse.

 Sur la première branche du deuxième moyen

80      Par la première branche du deuxième moyen, le requérant soutient que les faits retenus par le Conseil, dans les motifs d’inscription de son nom sur la liste litigieuse, relèveraient d’une période temporelle dépassée. En effet, il ressortirait de l’emploi du participe présent à l’article 3, paragraphe 2, de la décision 2010/788, tel que modifié par la décision 2016/2231, que les faits reprochés aux personnes ou entités qui font l’objet de mesures restrictives devraient perdurer au moment de leur renouvellement. Or, l’absence d’implication actuelle du requérant dans les faits qui lui étaient reprochés, au jour de l’adoption de la décision attaquée, entraînerait l’obsolescence des mesures restrictives en question.

81      Le requérant ajoute que, en maintenant ces mesures pour des faits qui n’étaient plus actuels, le Conseil aurait adopté, en réalité, une sanction pénale déguisée, alors que les mesures restrictives ont uniquement une portée conservatoire, dont l’objectif est d’amener les destinataires de celles-ci à modifier leur comportement.

82      À cet égard, il importe de souligner que, ainsi que cela a été rappelé au point 8 ci-dessus, l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la décision 2010/788, tel que modifié par la décision 2016/2231, dispose que les mesures restrictives sont instituées à l’encontre des personnes et des entités « contribuant, en les planifiant, en les dirigeant ou en les commettant, à des actes constituant de graves violations des droits de l’homme ou des atteintes à ces droits en [République démocratique du Congo] ». C’est sur ce fondement que le nom du requérant a été initialement inscrit sur la liste litigieuse, par la décision d’exécution 2017/905, en tant que gouverneur du Haut-Katanga, au motif qu’il était, à ce titre, responsable du recours disproportionné à la force et de la répression violente, qui ont été le fait des forces de sécurité et de la PNC dans cette province, en particulier à Lubumbashi entre le 15 et le 31 décembre 2016 (voir point 18 ci-dessus). Par la décision attaquée, le Conseil a prorogé les mesures restrictives à l’encontre du requérant jusqu’au 12 décembre 2018, en conservant à l’identique les motifs de l’inscription initiale de son nom sur la liste litigieuse (voir point 21 ci-dessus).

83      Or, premièrement, il ne saurait être considéré que l’emploi, à l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la décision 2010/788, tel que modifié par la décision 2016/2231, du participe présent dans la définition des critères d’inscription sur la liste litigieuse implique que les faits à l’origine de l’inscription du nom d’une personne ou d’une entité sur cette liste doivent perdurer au moment où l’inscription ou le maintien de cette inscription sont décidés. En effet, il a déjà été jugé que, en matière d’inscription sur une liste des noms de personnes et entités visées par des mesures restrictives, le participe présent renvoie au sens général propre aux définitions légales, et non à une période temporelle donnée (voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, EU:T:2008:461, point 108).

84      Deuxièmement, le fait que les motifs d’inscription du nom du requérant sur la liste litigieuse font référence à des faits qui se sont produits avant l’adoption de la décision attaquée et qui étaient terminés à cette date n’implique pas nécessairement l’obsolescence des mesures restrictives maintenues à son égard par cette décision. À l’évidence, dans la mesure où le Conseil a décidé de se référer, dans les motifs d’inscription du nom du requérant sur la liste litigieuse, à des situations concrètes impliquant les forces de police opérant sur le territoire du Haut-Katanga, dont le requérant était le gouverneur, il ne pouvait être question que d’agissements dans le passé. Une telle référence ne saurait donc être considérée comme dépourvue de pertinence au seul motif que les agissements en cause relèvent d’un passé plus ou moins éloigné (voir, en ce sens, arrêt du 22 avril 2015, Tomana e.a./Conseil et Commission, T‑190/12, EU:T:2015:222, point 236).

85      Cette interprétation est corroborée par l’article 9, paragraphe 2, seconde phrase, de la décision 2010/788, tel que modifié par la décision attaquée, aux termes duquel les mesures restrictives en cause sont prorogées, ou modifiées le cas échéant, si le Conseil estime que leurs objectifs n’ont pas été atteints. Sous peine de priver cette disposition de son effet utile, il y a lieu de considérer qu’elle permet le maintien sur la liste litigieuse des noms de personnes et d’entités n’ayant commis aucune nouvelle violation des droits de l’homme au cours de la période précédant le réexamen, si ce maintien reste justifié au regard de l’ensemble des circonstances pertinentes et, notamment, au regard du fait que les objectifs visés par les mesures restrictives n’ont pas été atteints (voir, par analogie, arrêt du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, EU:T:2008:461, point 108).

86      En conséquence, contrairement à ce que fait valoir le requérant, les motifs d’inscription de son nom sur la liste litigieuse ne confèrent pas aux mesures restrictives dont il a fait l’objet, et qui ont été prolongées par la décision attaquée, un caractère pénal.

87      Partant, la première branche du deuxième moyen doit être rejetée.

 Sur la seconde branche du deuxième moyen

88      Par la seconde branche du deuxième moyen, le requérant soutient que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation en retenant sa responsabilité dans le recours disproportionné à la force et dans la répression violente exercés sur le territoire du Haut-Katanga.

89      Tout d’abord, le requérant soutient que le Conseil s’est, à tort, fondé uniquement sur ses fonctions de gouverneur du Haut-Katanga, sans retenir d’éléments factuels suffisamment précis et concrets pour permettre de lui imputer les agissements des forces de sécurité et de la PNC, prétendument responsables d’un recours disproportionné à la force et d’une répression violente. À cet égard, il souligne que, depuis le mois d’avril 2017, il n’est plus gouverneur du Haut-Katanga et fait savoir qu’il occupe les fonctions de président du parti politique dénommé Conscience nationale congolaise pour l’action et le travail (Conacat).

90      Ensuite, le requérant conteste la valeur probante des différents documents sur lesquels le Conseil se fonde dans le mémoire en défense. En ce sens, le requérant souligne que, d’une part, ces documents relatent des faits qui ne relèvent pas des motifs d’inscription de son nom sur la liste litigieuse et qui, dès lors, ne sont pas pertinents. D’autre part, le Conseil ne pourrait valablement prendre appui sur des rapports des Nations unies que pour autant que, dans le cadre de l’élaboration de ces rapports, la personne concernée ait été entendue, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

91      Par ailleurs, premièrement, le requérant soutient que des mesures restrictives ne peuvent lui être appliquées en raison du recours à la force opéré par les forces de sécurité et la PNC, étant donné que les services de police et de sécurité se trouvent sous l’autorité du ministère de l’Intérieur et de la Sécurité et que le commandement de la PNC est assuré par le Commissariat général. Deuxièmement, le requérant ajoute qu’il a contribué à la pacification et à la modernisation de la province du Haut-Katanga en participant à plusieurs marches pour la paix ainsi qu’en contribuant à la modernisation et à la réhabilitation de divers bâtiments.

92      Enfin, en tout état de cause, le requérant fait grief au Conseil de ne pas avoir établi en quoi un quelconque recours à la force n’était ni légal, ni nécessaire, ni proportionné au regard du contexte interne et des impératifs de sécurité publique en République démocratique du Congo au moment des faits incriminés. À cet égard, le requérant produit, d’une part, des photographies et des films démontrant, selon lui, la violence à laquelle les autorités locales ont dû faire face et, d’autre part, un tableau recensant les différentes peines infligées aux personnes responsables des violences en République démocratique du Congo entre les mois de septembre et de décembre 2016.

93      Le Conseil conteste ces arguments.

94      Selon la jurisprudence, l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux exige notamment que le juge de l’Union s’assure que la décision par laquelle des mesures restrictives ont été adoptées ou maintenues, qui revêt une portée individuelle pour la personne ou l’entité concernée, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur la question de savoir si ces motifs ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision sont étayés (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119).

95      Une telle appréciation doit être effectuée en examinant les éléments de preuve et d’information non de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent. En effet, le Conseil satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe s’il fait état devant le juge de l’Union d’un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir l’existence d’un lien suffisant entre l’entité sujette à une mesure de gel de ses fonds et le régime ou, en général, les situations combattues (voir arrêt du 20 juillet 2017, Badica et Kardiam/Conseil, T‑619/15, EU:T:2017:532, point 99 et jurisprudence citée).

96      Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, l’activité de la Cour et du Tribunal est régie par le principe de libre appréciation des preuves et le seul critère pour apprécier la valeur des preuves produites réside dans leur crédibilité. À cet égard, pour apprécier la valeur probante d’un document, il faut vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue et tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration ainsi que de son destinataire, et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable (voir, en ce sens, arrêt du 14 mars 2018, Kim e.a./Conseil et Commission, T‑533/15 et T‑264/16, EU:T:2018:138, point 224 et jurisprudence citée).

97      En l’espèce, afin de soutenir les motifs selon lesquels le requérant a été responsable du recours disproportionné à la force et de la répression violente dans la province du Haut-Katanga, il convient d’observer que le Conseil s’est notamment appuyé sur deux rapports du BCNUDH, à savoir, d’une part, un rapport, datant de février 2017, relatif à des violations des droits de l’homme en République démocratique du Congo dans le contexte d’événements survenus le 19 décembre 2016, et, d’autre part, un rapport sur la situation des droits de l’homme en République démocratique du Congo en 2016.

98      À cet égard, au paragraphe 34 du rapport du BCNUDH de février 2017, il est indiqué ce qui suit :

« À Lubumbashi, entre le 15 et le 31 décembre 2016, le BCNUDH a documenté la mort de 12 personnes, et 64 blessés, pour la plupart résultant de l’utilisation de la force létale par les forces de défense et de sécurité, dont des agents de la PNC et des militaires des [Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC)], certains habillés en tenue civile, en réaction à des manifestations violentes. Lors de la seule journée du 20 décembre, neuf hommes, une femme et un enfant de 17 ans ont été tués par balle réelle lorsque les forces de défense et de sécurité ont tiré sans distinction sur des manifestants violents. Au moins trois de ces victimes, dont un homme tué à bout portant dans le quartier Matshipisha, ont été tués par des agents de la PNC et six, dont deux hommes tués à bout portant dans les quartiers Katuba II et Kisanga, ont été tués par des militaires des FARDC. Par ailleurs, une fille de trois ans est morte après avoir été touchée par une balle perdue alors qu’elle était chez elle avec sa grand-mère. Toutes ces victimes sont mortes sur le coup, à l’exception de la victime femme, qui est morte des suites de ses blessures deux jours après avoir été touchée par une balle. Les corps d’au moins deux victimes ont été emmenés par les forces de défense et de sécurité vers des destinations inconnues de leurs familles. Toujours le 20 décembre, au moins 62 personnes, dont quatre femmes et 13 mineurs, ont été blessées par balle par les forces de défense et de sécurité, dont au moins 10 par des balles perdues. Beaucoup d’entre elles ont été évacuées vers différents centres de santé de Lubumbashi. Certaines auraient été régulièrement déplacées d’un centre de santé à un autre sur instructions du Conseil provincial de sécurité. Ni leurs familles ni les équipes du BCNUDH n’ont été autorisées à accéder aux victimes. »

99      Au paragraphe 39, le rapport du BCNUDH de février 2017 poursuit comme suit :

« À Lubumbashi, où plusieurs actes de violence et de vandalisme ont été rapportés, au moins 414 personnes ont été arrêtées, principalement lors d’opérations conjointes par les agents de la PNC et les soldats des FARDC, dont des éléments de la Garde républicaine. Bien que l’arrestation de manifestants violents ait pu être légitime, les arrestations massives et indiscriminées de centaines de personnes sont arbitraires et contraires aux standards internationaux des droits de l’homme. Par exemple, le 20 décembre, 162 personnes, dont 33 mineurs et deux femmes, ont été arrêtées lors de manifestations publiques dans les communes de Ruashi, Kenya, Kampemba et Katuba. Entre les 21 et 22 décembre, dans la commune de Katuba, 136 personnes dont une femme et 23 mineurs, ont été arrêtées ».

100    Quant au rapport du BCNUDH sur la situation des droits de l’homme en République démocratique du Congo en 2016, celui-ci précise que, entre les 17 et 22 décembre 2016, le BCNUDH a documenté la mort, par l’action des agents de l’État, de 39 civils, y compris 5 femmes et 2 enfants, 11 de ces morts ayant eu lieu à Lubumbashi.

101    En premier lieu, s’agissant de la valeur probante de ces rapports, il convient de rappeler, à titre liminaire, que, en l’absence de pouvoirs d’enquête dans des pays tiers, l’appréciation des autorités de l’Union doit, de fait, se fonder sur des sources d’information accessibles au public, des rapports, des articles de presse ou d’autres sources d’information similaires (voir, en ce sens, arrêt du 14 mars 2018, Kim e.a./Conseil et Commission, T‑533/15 et T‑264/16, EU:T:2018:138, point 107).

102    En outre, contrairement à ce que soutient le requérant, l’attribution d’une valeur probante à un document présenté par le Conseil, parmi une pluralité de sources, en tant qu’élément de preuve au soutien de l’imposition de mesures restrictives, tel que les rapports du BCNUDH en l’espèce, n’est nullement conditionnée au fait que la personne visée par ces mesures ait été entendue par l’auteur du document en cause. En effet, ainsi que cela ressort de la jurisprudence citée au point 96 ci-dessus, la valeur probante d’un tel document dépend uniquement d’une appréciation de sa crédibilité. Aussi convient-il, conformément à cette jurisprudence, d’apprécier la valeur probante des rapports du BCNUDH en examinant les circonstances de leur élaboration, leur destinataire et en se demandant si, d’après leur contenu, ils semblent sensés et fiables.

103    En l’occurrence, s’agissant du rapport du BCNUDH de février 2017, il convient de souligner que, selon ses paragraphes 4 et 5, les informations contenues dans ce rapport ont été recueillies par le BCNUDH par le biais de ses six antennes à l’ouest de la République démocratique du Congo, de ses dix bureaux de terrain à l’est et de son quartier général à Kinshasa. Il y est mentionné que « [l]e BCNUDH a effectué plusieurs visites des lieux où des incidents se sont passés ainsi que de ceux où les victimes ont été transférées, notamment les hôpitaux, les centres de santé et les morgues, ainsi que des centres de détention », et qu’il « a pu recueillir les informations auprès de différentes sources, telles que des victimes et des témoins des violations rapportées, des membres de la société civile, des professionnels de la santé, des autorités congolaises, y compris des représentants des forces de défense et de sécurité et des autorités judiciaires et pénitentiaires ». Selon ce rapport, « [l]es allégations reçues ont été vérifiées et corroborées à travers une méthodologie spécifique et une corroboration stricte des différents témoignages issus de sources indépendantes ». En outre, au paragraphe 8 dudit rapport, il est mentionné que « le BCNUDH a partagé [le] rapport avec le [g]ouvernement avant sa publication » et que « [l]es commentaires reçus par les autorités congolaises sont en annexe [du] rapport ».

104    Le rapport du BCNUDH sur la situation des droits de l’homme en République démocratique du Congo en 2016, quant à lui, fait mention de ce qu’il « se fonde sur les informations recueillies par le BCNUDH et ne comprend que les violations des droits de l’homme documentées par le BCNUDH au cours de l’année écoulée ». Il est également précisé, dans ce même rapport, que « les informations [qui y sont] contenues […] sont partagées avec les autorités locales, provinciales et nationales [de la République démocratique du Congo] en vue de leur action ».

105    Il s’ensuit que la méthode d’élaboration de chacun de ces rapports, en particulier le fait que les autorités publiques concernées de la République démocratique du Congo ont été entendues lors de la collecte et de la confirmation de l’information contenue dans ces rapports, qui sont, au demeurant, publics, ainsi que le fait qu’ils proviennent d’une organisation internationale telle que l’ONU, permet au Tribunal de les prendre en compte et de considérer leur valeur probante comme étant suffisante, à la lumière de la jurisprudence mentionnée au point 96 ci-dessus, pour venir au soutien des motifs retenus par le Conseil pour maintenir l’inscription du nom du requérant sur la liste litigieuse, en ce qui concerne l’existence d’un recours disproportionné à la force et d’une répression violente par les forces de sécurité et la PNC au Haut-Katanga, notamment entre les 15 et 31 décembre 2016.

106    Partant, le requérant n’a pas sérieusement mis en cause la force probante des rapports du BCNUDH utilisés par le Conseil au soutien de la décision attaquée.

107    En deuxième lieu, s’agissant du caractère prétendument légal, nécessaire et proportionné des violences relatées dans les rapports du BCNUDH, le requérant produit des photographies et des films établissant, selon lui, la violence particulière des protestations auxquelles les autorités ont dû faire face. Toutefois, contrairement à ce qu’il soutient, les photographies et les films en question ne démontrent aucune violence particulière de la part des manifestants.

108    De même, le tableau des peines infligées aux personnes responsables des violences en République démocratique du Congo, qui n’est assorti d’aucune source et qui n’a pas l’apparence d’un document officiel, n’est pas de nature à atténuer la responsabilité des forces de sécurité et de la PNC, auxquelles le BCNUDH a imputé sans équivoque les violences relatées aux points 98 à 100 ci-dessus.

109    Ainsi, au regard de la gravité particulière des faits retenus par le Conseil pour l’imposition de mesures restrictives à l’égard du requérant, c’est à juste titre que le Conseil a estimé que le recours à la force, par des agents des forces de sécurité et de la PNC, était illégal et disproportionné.

110    En troisième lieu, concernant l’absence de responsabilité du requérant dans le recours disproportionné à la force, dans la répression violente et dans des exécutions extrajudiciaires, premièrement, il convient de constater que, selon l’article 63 de la loi 08/012, le gouverneur représente le gouvernement central en province et veille à la sécurité et à l’ordre public dans la province et que, selon l’article 6 de la loi organique 11/013, la PNC est soumise à l’autorité civile locale et placée sous la responsabilité du ministre ayant les affaires intérieures dans ses attributions. Ainsi, le requérant ne peut valablement soutenir que, en tant que gouverneur du Haut-Katanga, il n’avait pas de responsabilités à l’égard des services de police et de sécurité dans cette région.

111    Deuxièmement, la circonstance que les efforts du requérant aient contribué à la pacification et au développement du Haut-Katanga, à la supposer établie, n’est pas de nature à mettre en doute les motifs retenus pour l’inscription de son nom sur la liste litigieuse, relatifs à son implication, en tant que gouverneur provincial du Haut-Katanga, dans le recours disproportionné à la force et à la répression violente dans cette province. En effet, le requérant souligne son rôle dans la réalisation de travaux publics et sa participation à des marches pour la paix, événements qui sont sans rapport avec les motifs retenus par le Conseil pour l’inscription de son nom sur la liste litigieuse.

112    En dernier lieu, s’agissant de l’argument du requérant selon lequel les motifs d’inscription de son nom sur la liste litigieuse ne reposent pas sur des éléments factuels suffisamment précis et concrets, mais se fondent uniquement sur les fonctions qu’il a exercées, il y a lieu de rappeler que le Conseil n’est pas tenu de démontrer une implication personnelle du requérant dans les actes de répression visés par les mesures restrictives litigieuses. En effet, il est suffisant, à cet égard, que le Conseil, du fait des responsabilités importantes exercées par le requérant, puisse légitimement considérer que celui-ci faisait partie des responsables de la répression contre la population civile (voir, en ce sens, arrêts du 3 juillet 2014, Alchaar/Conseil, T‑203/12, non publié, EU:T:2014:602, point 141, et du 26 mars 2019, Boshab e.a./Conseil, T‑582/17, non publié, EU:T:2019:193, point 80).

113    Or, en l’espèce, ce sont des effectifs appartenant aux forces de sécurité et à la PNC, à l’égard desquelles le requérant, en tant que gouverneur du Haut-Katanga au moment des faits en question, avait des responsabilités, qui sont mentionnés dans les rapports du BCNUDH comme ayant fait partie des principaux responsables des actes en question constitutifs de violations des droits de l’homme.

114    Partant, le présent argument doit être écarté.

115    Quant au fait que le renouvellement de l’inscription du nom du requérant sur la liste litigieuse a eu lieu à un moment où il n’exerçait plus les fonctions de gouverneur provincial qu’il exerçait à la date de l’inscription initiale de son nom, il convient de relever qu’aucun changement du régime au pouvoir en République démocratique du Congo n’est intervenu entre le moment où le requérant était gouverneur provincial et le moment de l’adoption de la décision attaquée. Or, il n’apparaît pas que le requérant se soit éloigné dudit régime. Notamment, il ne ressort pas du dossier que la cessation, par le requérant, de ses fonctions de gouverneur provincial soit une décision qu’il aurait prise lui-même en réaction aux violations des droits de l’homme constatées en République démocratique du Congo (voir, par analogie, arrêt du 26 mars 2019, Boshab e.a./Conseil, T‑582/17, non publié, EU:T:2019:193, point 152).

116    De même, le requérant a fait savoir qu’il était chef du parti politique Conacat, qui relevait, au moment de l’adoption de la décision attaquée, de la majorité présidentielle, comme le Conseil l’a indiqué sans être contredit par le requérant.

117    Dans ces conditions, à défaut de preuves et d’indices en sens contraire, il doit être considéré que, lors de la cessation de ses fonctions, le requérant était resté proche du régime de ce pays et que, de ce fait, le Conseil pouvait, sans commettre d’erreur, continuer de considérer qu’il avait contribué, en les planifiant, en les dirigeant ou en les commettant, à des actes constituant de graves violations des droits de l’homme en République démocratique du Congo.

118    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter la seconde branche du deuxième moyen comme non fondée et, dès lors, ce moyen dans son ensemble.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du droit au respect de la vie privée et familiale, du droit de propriété et du principe de proportionnalité 

119    Par le troisième moyen, le requérant reproche au Conseil d’avoir méconnu le principe de proportionnalité en lui ayant imposé des mesures restrictives portant atteinte à son droit au respect de la vie privée et familiale et à son droit de propriété.

120    Le Conseil conteste ces arguments, et notamment leur recevabilité, en ce que les violations du droit de propriété et du droit au respect de la vie privée et familiale invoquées manqueraient de clarté et, dès lors, ne répondraient pas aux exigences requises par l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal.

121    À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, la requête doit notamment contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. En outre, en vertu d’une jurisprudence constante, cet exposé doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans avoir à solliciter d’autres informations. Il faut, en effet, que, pour qu’un recours soit recevable, les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même, et ce afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice. Toujours selon une jurisprudence constante, tout moyen qui n’est pas suffisamment articulé dans la requête introductive d’instance doit être considéré comme irrecevable. Des exigences analogues sont requises lorsqu’un grief est invoqué au soutien d’un moyen. Cette fin de non-recevoir d’ordre public doit être relevée d’office par le juge de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2016, Italie/Commission, T‑384/14, EU:T:2016:298, point 38 (non publié) et jurisprudence citée].

122    Or, en l’espèce, il convient de relever que, dans la requête, le requérant se limite à rappeler le contenu du principe de proportionnalité ainsi que les dispositions respectives qui protègent le droit de propriété et le droit au respect de la vie privée et familiale. Aussi le requérant n’indique-t-il pas en quoi les mesures restrictives en cause porteraient une atteinte disproportionnée à ces droits.

123    Partant, il y a lieu d’écarter, comme irrecevable, le troisième moyen.

 Sur le quatrième moyen, tiré de l’illégalité de l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la décision 2010/788 et de l’article 2 ter, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1183/2005

124    Par le quatrième moyen, le requérant soulève, sur le fondement de l’article 277 TFUE, une exception d’illégalité contre, d’une part, l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la décision 2010/788 et, d’autre part, l’article 2 ter, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1183/2005, afin de contester le bien-fondé du critère sur le fondement duquel les mesures restrictives le visant ont été adoptées, défini dans ces dispositions.

125    Dans une première branche, le requérant allègue que, par sa formulation très large, le critère prévu à l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la décision 2010/788 et à l’article 2 ter, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1183/2005 méconnaît le principe de prévisibilité des actes de l’Union et le principe de sécurité juridique en conférant au Conseil un pouvoir d’appréciation arbitraire et discrétionnaire. Il considère qu’un tel critère ne vise pas, de manière objective, une catégorie circonscrite de personnes et d’entités susceptibles de faire l’objet de mesures de gel de fonds. Dans une seconde branche, le requérant fait valoir qu’un tel critère méconnaît également le principe de proportionnalité, dans la mesure où, eu égard aux objectifs poursuivis dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), les atteintes à son droit au respect de la vie privée et familiale et à son droit de propriété seraient démesurées. À cet égard, il ajoute que le contexte actuel de « décrispation politique » en République démocratique du Congo ne permet pas de justifier la proportionnalité des mesures litigieuses.

126    Le Conseil conteste ces arguments.

127    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que l’article 277 TFUE est l’expression d’un principe général assurant à toute partie le droit de contester par voie incidente, en vue d’obtenir l’annulation d’une décision individuelle, la validité des actes institutionnels antérieurs, constituant la base juridique de cette décision individuelle (voir arrêt du 19 juin 2015, Italie/Commission, T‑358/11, EU:T:2015:394, point 180 et jurisprudence citée).

128    En l’espèce, le requérant excipe de l’illégalité tant de l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la décision 2010/788 que de l’article 2 ter, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1183/2005. Or, bien que ces deux dispositions énoncent, dans des termes quasi identiques, un critère d’inscription sur une liste des noms des personnes et des entités visées par les mesures restrictives à l’encontre de la République démocratique du Congo (voir points 8 et 14 ci-dessus), la décision attaquée a été adoptée uniquement sur le fondement de celui prévu à l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la décision 2010/788. Partant, l’exception d’illégalité soulevée par le requérant à l’encontre de l’article 2 ter, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1183/2005 doit être écartée comme irrecevable, faute de lien entre cette dernière disposition et la décision attaquée.

129    Il convient, à ce stade, d’examiner la légalité du critère d’inscription défini à l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la décision 2010/788 (ci-après le « critère litigieux »).

130    À cet égard, selon une jurisprudence constante, les juridictions de l’Union doivent, conformément aux compétences dont elles sont investies en vertu du traité FUE, assurer un contrôle, en principe complet, de la légalité de l’ensemble des actes de l’Union au regard des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union. Cette exigence est expressément consacrée à l’article 275, second alinéa, TFUE (voir arrêts du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian, C‑280/12 P, EU:C:2013:775, point 58 et jurisprudence citée, et du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 65 et jurisprudence citée).

131    Il n’en demeure pas moins que le Conseil dispose d’un large pouvoir d’appréciation en ce qui concerne la définition générale et abstraite des critères juridiques et des modalités d’adoption des mesures restrictives (voir, en ce sens, arrêt du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 41 et jurisprudence citée). Par conséquent, les règles de portée générale définissant ces critères et ces modalités, telles que les dispositions de la décision 2010/788 et du règlement no 1183/2005 prévoyant le critère litigieux visé par le présent moyen, font l’objet d’un contrôle juridictionnel restreint se limitant à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur de droit ainsi que de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits et de détournement de pouvoir. Ce contrôle restreint s’applique, en particulier, à l’appréciation des considérations d’opportunité sur lesquelles les mesures restrictives sont fondées (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2009, Melli Bank/Conseil, T‑246/08 et T‑332/08, EU:T:2009:266, points 44 et 45).

132    En premier lieu, s’agissant de la première branche du quatrième moyen, il convient de rappeler que le principe de sécurité juridique, qui constitue un principe général du droit de l’Union, exige notamment que les règles de droit soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets, en particulier lorsqu’elles peuvent avoir sur les individus et les entreprises des conséquences défavorables (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2015, Bank of Industry and Mine/Conseil, T‑10/13, EU:T:2015:235, point 77 et jurisprudence citée).

133    Un tel principe est applicable en ce qui concerne les mesures restrictives telles que celles en cause en l’espèce qui affectent lourdement les droits et libertés des personnes concernées (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2015, Bank of Industry and Mine/Conseil, T‑10/13, EU:T:2015:235, point 77 et jurisprudence citée).

134    Or, le critère litigieux vise une catégorie bien précise de personnes, à savoir les personnes ayant contribué, en les planifiant, en les dirigeant ou en les commettant, à des actes constituant de graves violations des droits de l’homme ou des atteintes à ces droits.

135    Si un tel critère confère une certaine marge au Conseil dans l’appréciation de ce que recouvre la notion de « contribution à des actes constituant de graves violations des droits de l’homme ou des atteintes à ces droits », il ne peut être considéré, contrairement à ce que soutient le requérant, qu’une telle marge confère au Conseil un pouvoir d’appréciation arbitraire.

136    En effet, le critère litigieux s’inscrit dans un cadre juridique clairement délimité par les objectifs poursuivis par la réglementation régissant, en général, les mesures restrictives, et en particulier celles instituées à l’encontre de la République démocratique du Congo.

137    À cet égard, d’une part, les objectifs du traité UE concernant la PESC sont notamment ceux visés à l’article 3, paragraphe 5, et à l’article 21, paragraphe 2, sous b) et c), TUE, à savoir le soutien à la démocratie, à l’État de droit et aux droits de l’homme ainsi que la préservation de la paix, la prévention des conflits et le renforcement de la sécurité internationale.

138    D’autre part, il résulte des considérants 3 et 4 de la décision 2016/2231, reproduits au point 7 ci-dessus, que, en recourant à des mesures restrictives à l’encontre de certaines catégories de personnes, et notamment de celles qui contribuent à de graves violations des droits de l’homme, le Conseil a poursuivi l’objectif consistant à inciter le gouvernement de la République démocratique du Congo à assurer un climat propice à la tenue d’un dialogue et d’élections, à veiller au respect des droits de l’homme et de l’État de droit et à cesser toute instrumentalisation de la justice.

139    Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la règle instituée par le critère litigieux est claire, précise et prévisible dans ses effets, et de rejeter la première branche du quatrième moyen.

140    En second lieu, s’agissant de la seconde branche du quatrième moyen, il convient de constater que, par cette branche, le requérant ne fait pas valoir que le critère litigieux serait contraire au principe de proportionnalité, mais conteste la proportionnalité des mesures restrictives dont il a fait l’objet par l’effet de la décision attaquée, en ce que ces mesures porteraient une atteinte démesurée à son droit au respect de la vie privée et familiale ainsi qu’à son droit de propriété. Toutefois, tout comme il a été constaté dans le cadre de l’examen du troisième moyen, le requérant n’indique pas en quoi les mesures en cause porteraient une atteinte disproportionnée à son droit de propriété et à son droit à la vie privée et familiale.

141    Partant, aucune des deux branches du quatrième moyen n’est fondée.

142    Une telle conclusion ne saurait être infirmée par l’argument du requérant selon lequel, en substance, les derniers développements sur le plan politique seraient susceptibles de mettre en cause le bien-fondé du critère litigieux. En effet, ainsi que le Conseil le fait valoir, de tels éléments factuels sont postérieurs à l’adoption des actes contenant le critère litigieux et ne sont donc pas pertinents aux fins du contrôle de la légalité dudit critère.

143    Il y a donc lieu de rejeter l’exception d’illégalité soulevée par le requérant dans le quatrième moyen et, dès lors, le présent recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

144    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Jean-Claude Kazembe Musonda est condamné aux dépens.

Gervasoni

Madise

Da Silva Passos

Kowalik-Bańczyk

 

Mac Eochaidh

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 février 2020.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

S. Gervasoni


Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation et du droit d’être entendu

Sur la première branche du premier moyen

Sur la seconde branche du premier moyen

Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation

Sur la première branche du deuxième moyen

Sur la seconde branche du deuxième moyen

Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du droit au respect de la vie privée et familiale, du droit de propriété et du principe de proportionnalité

Sur le quatrième moyen, tiré de l’illégalité de l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la décision 2010/788 et de l’article 2 ter, paragraphe 1, sous b), du règlement n o 1183/2005

Sur les dépens


*      Langue de procédure : le français.